Traduction de l’interview accordé par

 

Mgr Bernard Fellay à The Angelus,

 

revue officielle du District des

 

États-Unis de la FSSPX.

http://wdtprs.com/blog/2008/07/angelus-interviews-with-sspx-excommd-bishops-part-i-fellay/

ANGELUS: Interviews with SSPX excomm’d bishops (part I: Fellay)

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Mgr. Bernard Fellay

Mgr. Bernard Fellay

Q: Quelles sont vos réflexions sur la situation de l’église après 20 ans d’exercice de votre épiscopat ?

 

Fellay: Lorsque nous jetons un regard sur l’Église en 2008, nous ne voyons pas que grand-chose ait fondamentalement changé dans la situation de l’Église. Tous les principes qui, dans le passé, ont provoqué la crise sont toujours à l’œuvre. Sur un seul point, nous pourrions dire qu’il y a eu un certain changement qui pourrait déboucher sur un changement dans le futur, je veux parler de l’ouverture initialisée par le Motu Proprio sur la Messe Tridentine. Cependant, je dois répéter que les conséquences des principes inoculés au Concile dans le Corps Mystique persistent toujours pour produire leurs effets désastreux. A présent, il est possible que certains prélats soient plus profondément conscients des dégâts commis. Peut-être certains d’entre eux se préoccupent-ils de trouver des solutions, mais ils ne nous donnent pas l’impression d’en avoir trouvées. Parmi le clergé plus jeune, nombre de prêtres ne se satisfont pas vraiment de la situation actuelle et cherchent eux-aussi des solutions en se tournant vers la Tradition.

 

Q: Qu’y a-t-il de changé, si tant est qu’il y ait eu un quelconque changement, dans la fraternité ?

 

Fellay: Fondamentalement, rien n’a changé, du moins pour autant que sont concernés nos principes directeurs. Néanmoins, le nombre de nos membres a changé – il a plus que doublé, sinon triplé, depuis les sacres. A présent nous apportons nos secours aux âmes dans plus de 60 pays. Sur les cinq continents la Fraternité St. Pie X compte plus de 400 prêtres, en comptant les prêtres qui nous apportent leur concours sans appartenir à la Fraternité.

 

Q: Combien de pays avez-vous visités depuis votre sacre ?

 

Fellay: Il me serait trop long d’en faire le compte exact. Je pense pouvoir affirmer avec confiance que j’ai visité au moins 40 pays, et peut-être plus encore.

 

Q: Qu’est ce qui vous a le plus impressionné chez les fidèles dans vos tournées de confirmations à travers le monde ?

 

Fellay: Ce qui m’a le plus impressionné c’est leur unité. Partout j’ai pu constater cette unité dans leur réaction face à la crise universelle dans l’Église, et dans leur choix de la solution, celle d’adhérer à la Tradition, avant tout en s’attachant fermement à la Messe Tridentine et à l’ancienne liturgie avec toutes ses conséquences.

 

Q: Est-il possible de se demander comment les choses auraient tourné si l’archevêque n’avait pas consacré des évêques ?

 

Fellay: Le plus probablement, des divisions se seraient faites jour. Nous aurions eu, ici ou là, quelques petites embarcations qui surnageraient encore. Mais, à la fin, il n’en resterait guère à flot.

 

Q: Jugez-vous la situation comme plus, ou moins, encourageante de la part de rome après ces vingt dernières années ?

 

Fellay: Il est vrai que l’élection d’un nouveau pape en 2005 a suscité quelqu’espoir, et même peut-être un grand espoir parmi les fidèles et les prêtres. Mais, aujourd’hui encore une fois, j’ai l’impression que, en dépit du Motu Proprio, un certain découragement se fait jour face à l’opposition rencontrée par cet effort de surmonter la crise. Il existe quelque chose de réellement encourageant dans l’attente de la jeune génération. Néanmoins, cette jeune génération reste largement ignorante de son passé, et, parfois même de sa foi.

 

Q: Que diriez-vous à ceux qui, en 1988, prédisaient que la fraternité était en train de créer une église parallèle ? L’histoire n’a-t-elle pas prouvé qu’ils avaient tort ?

Fellay: Aux prédicateurs et prophètes de 1988, nous les inviterions simplement à regarder en face la réalité, la réalité du non-schisme de la Fraternité St. Pie X, une réalité qui est reconnue par Rome quoiqu’ils puissent dire en sens contraire, et quelles que soient les menaces dont ils puissent user

 

Q: Que pourriez-vous dire à ceux qui se demandent quand et dans quelles circonstances la fraternité pourrait devoir consacrer de nouveaux évêques ?

 

Fellay: La réponse est très simple. La Fraternité ne sacrera des nouveaux évêques qu’au cas où, et au moment où, elle se trouverait dans la même situation qu’en 1988, c’est-à-dire, dans un état de nécessité. Pour le moment, les quatre évêques suffisent à pourvoir aux besoins des fidèles et des nouvelles ordinations. L’avenir est dans les mains de Dieu. Je ne suis pas particulièrement préoccupé par cette question.

 

Q: Qu’est-ce qui s’est révélé être l’événement le plus important des 20 dernières années ? La mort de l’archevêque ? L’élection d’un nouveau pape ? Le Motu Proprio ?

 

Fellay: Je ne pense pas que la mort de l’Archevêque ait changé quoique ce soit. Grâce à Dieu ! Les principes qu’il nous a donnés au moment où il a fondé la Fraternité St. Pie X ont été conservés. Nous pouvons aujourd’hui encore admirer la clairvoyance dont il a fait preuve alors. Les directives qu’il nous a données continuent à nous guider dans notre présent combat pour la survie de l’Église Catholique. L’élection d’un nouveau Pape, comme je l’ai dit, a certainement soulevé un certain espoir. Mais nous sommes toujours en attente d’une solution concrète à cette crise générale de l’Église. Je veux dire que, pour le moment, tout ce que nous avons, c’est l’espoir d’une amélioration. Jusqu’ici, même le Motu Proprio ne change réellement pas grand chose dans la vie de l’Église.


 

Q: Nombre des catholiques qui ont entrepris de combattre il y a des années aux côtés de l’archevêque auraient tendance à présent à unir leurs forces à une rome apparemment plus conservatrice en s’alliant à des organisations jouissant d’un “statut plus régulier” au sein de l’église. Que diriez-vous à ces gens qui abandonnent ainsi la cause de la Fraternité St. Pie X ?

 

Fellay: Je leur dirais qu’il n’existe rien de tel qu’une cause de la FSSPX. C’est la cause de l’Église qui existe. C’est la cause de la Tradition qui existe. L’Église ne peut survivre si elle n’adhère pas strictement à sa Tradition. L’avenir de l’Église est fondé sur son passé. Notre Seigneur Jésus Christ demeure le Chef de l’Église. Il a fondé Son Église sur le roc, sur une pierre qui est Pierre. Si, aujourd’hui, l’Église veut rester l’Église catholique, elle ne peut le faire en se passant de cette pierre d’angle, non plus que sans les enseignements, la foi, et la vie qui provient de Notre Seigneur Jésus Christ. Nous combattons pour conserver cet héritage et ces trésors, non pour nous-mêmes, mais pour l’Église. C’est là le combat que nous menons. Ne rechercher simplement qu’à obtenir des situations régularisées au sein de l’Église, ne représente probablement qu’une perte de temps tant que nous ne commencerons pas d’abord à traiter des problèmes majeurs.

 

Q: Quel est votre plus mémorable souvenir de l’archevêque ?

 

Fellay: J’en ai tant que je ne samurais par où. J’ai eu le bonheur de travailler une année entière à ses côtés. C’était ma première année de prêtrise, et, bien entendu, une année très riche d’expériences. Et peut-être ce qui était le plus frappant, c’était de constater comment il remplissait ses tâches quotidiennes. Dans sa vie quotidienne, loin des grandes actions et des sujets d’importance, je pouvais observer ses vertus cachées à l’œuvre.

 

Q: Quelle fut la période la plus mémorable au cours de votre formation au séminaire ?

 

Fellay: C’est peut-être l’année que j’ai passée à Albano. Ma classe fut la première à y avoir été envoyée, et nous avons ainsi vécu une année entière près de Rome. Au séminaire d’ Albano, bien des choses se passaient qui faisaient de la vie une aventure. C’était merveilleux d’être si proches du Cœur de l’Église et de pouvoir visiter tous ces magnifiques monuments du Catholicisme et de la Catholicité. Mais je dois dire que ce sont toutes mes années de séminaire qui ont été pour moi la période la plus heureuse de ma vie.


 

Q: Diriez-vous que le combat pour la messe a radicalement changé depuis les sacres ?

 

Fellay: Je dirais que le Motu Proprio a change fondamentalement la situation de la Messe tridentine dans la mesure de son aspect juridique; en Latin, nous dirions de jure. Mais malheureusement, jusqu’ici, en réalité, de facto, rien à peu près n’a changé. Et par conséquent le vrai combat de la Messe continue comme auparavant. Nous pouvons trouver dans ce Motu Proprio un alibi pour venir en aide aux prêtres, les encourager, les initier aux beautés, à la force, et à la puissance de la Messe de toujours.

 

Q: En sens inverse, diriez-vous que le combat pour la doctrine est devenu plus important ?

 

Fellay: Non, le combat pour la doctrine est, et demeure toujours un sujet important. Si nous n’avons pas la Foi, nous n’avons rien, même pas la Messe. La Messe sans la Foi, c’est comme un toit sans les murs. La doctrine est, et demeure, la raison fondamentale de notre combat.

 

Q: Que signifie le fait que, en dehors de mgr rifan, rome n’a jamais accordé aucun évêque aux communautés ecclesia dei ? Cela ne justifie-t-il pas la décision de l’archevêque ?

 

Fellay: Vous l’avez dit. A l’évidence, jusqu’ici, Mgr Rifan fut une exception. J’ai récemment entendu parlé d’un ou deux prêtres des communautés Ecclesia Dei qui pourraient avoir été retenus pour futurs évêques. J’ai le sentiment qu’il s’agit de prêtres bi-ritualistes. L’avenir le dira. Je ne doute pas, qu’en raison du manque de prêtre et de leur manque de formation, l’avenir conduira, par nécessité, à la consécration d’évêques à la structure d’esprit plus traditionnelle. Quand cela se produira-t-il ? Je ne sais. En tout cas ce ne sera que pure affaire de circonstances. Mgr Lefebvre avait donc raison.

 

Q: Que prévoyez-vous devoir être les plus grands défis auxquels la fraternité et les fidèles devront faire face au cours des toute prochaines années ?

 

Fellay: Nous pourrions devoir faire face à quelque confusion, ou à un état de choses déroutant dès lors que le pape actuel, Benoît XVI, affirme que l’Église ne saurait vivre sans sa Tradition et que dans le même temps il soutient les changements introduits par Vatican II, donnant ainsi l’étrange impression que ces changements seraient traditionnels. Cette façon de faire, bien sûr, pourrait être à l’origine d’une confusion sérieuse. Certains membres de l’Église, communautés religieuses, prêtres, pourraient se rapprocher de nous en raison de cette nouvelle situation. Leur venir en aide afin qu’ils adhèrent réellement à la Tradition et soient enracinés en elle constituera un grand défi auquel nous devons nous préparer.

 

Q: Selon l’état des choses en 2008, comment, selon vous, l’archevêque qualifierait-il la crise aujourd’hui ?

 

Fellay: Il dirait exactement ce qu’il en a dit en 1988. Rien n’a changé.

 

Q: Quel conseil donneriez-vous aux parents qui élèvent des enfants catholiques dans le monde d’aujourd’hui ?

 

Fellay: Le monde  d’aujourd’hui est dangereux, en raison de ses nombreuses séductions et tentations. Les parents doivent imbiber leurs enfants de la manière de penser catholique et de la manière de vivre catholique avant que le poison ne parvienne jusqu’à eux. Pour cela les enfants ont besoin que leurs parents leur donnent le bon exemple. Les parents ont besoin de la doctrine catholique et de la vie catholique qui leur ont été promises dans le sacrement du mariage. Puissent-ils vivre de la grâce du sacrement de mariage, du saint sacrifice de la messe, et des sacrements. Et puis je leur conseillerais de confier toute leur famille au Cœur immaculé de Marie.

 

Q: Quels conseils donneriez-vous aux jeunes gens et aux jeunes filles qui envisagent la vie religieuse ?

 

Fellay: Je voudrais leur dire qu’ils ne sont certainement pas privés de grâce et que Dieu suscite des vocations aujourd’hui comme Il le faisait hier.

 

Ils ne doivent pas avoir peur de ce monde, ni craindre leur appel ni leur vocation. Ils leur faut être fortifiés par leur engagement quotidien à remplir leurs devoirs d’état.

 

Q: Quels sont les livres qui, selon vous, sont les plus essentiels pour les fidèles de nos jours ?

 

Fellay: Avant tout, le catéchisme, le vieux catéchisme, puis, bien entendu, les Évangiles, l’Imitation de Jésus Christ, et quelques livres sur la crise. Le premier de tous ces livres c’est la Sainte Eucharistie.


 

Q: Que prévoyez-vous pour les 20 ans à venir ?

 

Fellay: Et bien, cela est dans les mains de Dieu. La situation va probablement empirer, mais il est à peu près impossible de prévoir jusqu’où. Nous pourrions en arriver à une situation politique aussi bien qu’économique des plus dramatiques. Néanmoins, Dieu est assez puissant pour tirer un bien d’un mal. C’est Lui le Maître, C’est Lui la divine Providence. Donc, quoiqu’il arrive, nous devons accrocher notre espoir en Lui et en la Mère à laquelle Il nous a confiés et dont Il nous presse d’écouter les conseils.

 

De nationalité Suisse, né à Sierre (Valais) en 1958, Mgr. Fellay est entré au Séminaire d’Ecône en Octobre 1977, à l’âge de 19 ans. Cinq ans d’une solide formation, au cours de laquelle ses supérieurs ont pu découvrir en lui d’excellentes aptitudes, l’ont conduit à recevoir l’ordination à la prêtrise le 29 juin 1982, des mains de l’Archevêque Mgr Lefebvre. Il fut immédiatement après nommé Économe Général de la Fraternité St. Pie X. Après son sacre épiscopal en 1988, il a été porté à la tête du District de Suisse. En 1994, il a été élu Supérieur Général de la FSSPX. Poste auquel il fut réélu en 2006 et qu’il exerce jusqu’à ce jour. Mgr. Fellay pratique cinq langues et a entrepris nombre de tournées apostoliques de par le monde, y compris le Tiers Monde.