Documents officiels sur la suppression de la FSSPX par Pax (2005-03-16 15:01:28)

I - A PROPOS DES FONDATIONS DE Mgr LEFEBVRE

Sous ce titre, le bulletin du diocèse de Lausanne, Genève et Fribourg (Evangile et mission, Semaine catholique en Romandie, 11 décembre 1975), publie, à la demande de la Conférence des évêques suisses, un deuxième dossier, que nous reproduisons intégralement ci-après, sur l'affaire de la Fraternité sacerdotale Saint-Pie-X et le séminaire d'Ecône, faisant suite à celui publié au mois de juin dernier (1):


LETTRE DE S. E. LE CARDINAL VILLOT AUX PRESIDENTS DES CONFERENCES EPISCOPALES

ROME, LE 27 OCTOBRE 1975.

SECRÉTAIRERIE D'ETAT

N. 290.499/94

A NN. SS. LES PRÉSIDENTS DES CONFÉRENCES ÉPISCOPALES.

EMINENCE,

EXCELLENCE,

Le 6 mai dernier, Mgr Pierre Mamie, évêque de Lausanne, Genève et Fribourg, agissant avec le plein accord du Saint-Siège, retirait l'approbation canonique à la Fraternité sacerdotale Saint-Pie-X dirigée par Mgr Marcel Lefebvre, ancien archevêque-évêque de Tulle. Les fondations de cette Fraternité, et notamment le séminaire d'Ecône, perdaient du même coup le droit à l'existence. Ainsi se trouvait tranchée, du point de vue juridique, une affaire particulièrement complexe et douloureuse.

Où en est-on à six mois de distance ? Mgr Lefebvre n'a pas encore accepté, dans les faits, la décision de l'autorité compétente. Ses activités se poursuivent, ses projets tendent à se concrétiser en divers pays, ses écrits et ses propos continuent d'abuser un certain nombre de fidèles désorientés. On prétend, ici et là, que le Saint-Père s'est laissé entraîner, ou que le déroulement de la procédure a été entaché de vices de forme. On invoque la fidélité à l'Eglise d'hier pour se démarquer de l'Eglise d'aujourd'hui, comme si l'Eglise du Seigneur pouvait changer de nature ou de forme.

Considérant le dommage causé au peuple chrétien par la prolongation d'une telle situation, et seulement après avoir usé de toutes les ressources de la charité, le Souverain Pontife a donc disposé que les informations suivantes, qui devraient contribuer à lever les derniers doutes, soient communiquées à toutes les Conférences épiscopales.

La Fraternité sacerdotale Saint-Pie-X fut érigée, le 1er novembre 1970, par Mgr François Charrière, alors évêque de Lausanne, Genève et Fribourg. Pieuse Union diocésaine, elle était destinée, dans l'esprit de Mgr Lefebvre, à se muer par la suite en une Société de vie commune sans vœux. Jusqu'à sa reconnaissance comme telle - reconnaissance qui n'est, d'ailleurs, pas intervenue -, elle demeurait par conséquent soumise à la juridiction de l'évêque de Fribourg et à la vigilance des diocèses dans lesquels elle exerçait ses activités. Ceci conformément au droit.

Il se révéla cependant assez rapidement que les responsables refusaient tout contrôle des instances légitimes, restant sourds à leurs monitions, persévérant envers et contre tout dans la ligne choisie: l'opposition systématique au Concile Vatican II et à la réforme postconciliaire. Il n'était pas acceptable que des candidats au sacerdoce soient formés en réaction contre l'Eglise vivante, contre le Pape, contre les évêques, contre les prêtres avec lesquels ils seraient appelés à collaborer. Il devenait urgent d'aider les vocations qui avaient été ainsi orientées. Enfin il apparaissait nécessaire de remédier au trouble croissant dans plusieurs diocèses de Suisse et d'autres nations.

Vu la gravité de la matière et dans le souci que l'enquête fût menée indépendamment de toute passion, le Saint-Père institua donc une Commission cardinalice composée de trois membres: le cardinal Gabriel-Marie Garrone, préfet de la Congrégation pour l'Education catholique, président; le cardinal John Wright, préfet de la Congrégation pour le Clergé, et le cardinal Arturo Tabera, préfet de la Congrégation pour les Religieux et les Instituts séculiers. Cette Commission reçut pour tâche d'abord de réunir les informations les plus étendues et de procéder à un examen de tous les aspects du problème; ensuite de proposer ses conclusions au Souverain Pontife.

La première phase des travaux dura environ un an. C'est dire que l'on procéda sans aucune hâte, au contraire de certaines allégations, et que l'on prit le temps exigé par une réflexion approfondie. De très nombreux témoignages furent recueillis. Une visite apostolique de la Fraternité fut effectuée à Ecône (11-13 novembre 1974) par Mgr Albert Descamps, recteur émérite de l'Université de Louvain et secrétaire de la Commission pontificale biblique, assisté de Mgr Guillaume Ondin, à titre de conseiller canonique. Mgr Mamie et Mgr Adam, évêque de Sion (diocèse d'Ecône), furent entendus à plusieurs reprises, et Mgr Lefebvre fut convoqué deux fois à Rome, en février et en mars 1975. Le Pape lui-même était fréquemment et scrupuleusement tenu au courant du déroulement de l'enquête et de ses résultats, comme il devait le confirmer au cours de l'été à Mgr Lefebvre (cf. les deux Lettres pontificales dont il sera question plus loin).

La seconde phase aboutit à la décision que l'on sait, décision rendue publique sur ordre de Sa Sainteté communiqué à la Commission cardinalice, et décision sans appel puisque chacun de ses points fut approuvé in forma specifica par l'Autorité suprême.

Je ne m'étendrai pas davantage sur l'historique des événements. Si vous l'estimiez utile, vous pourriez, en effet, demander des précisions au représentant pontifical dans votre pays. Il a reçu pour instruction de vous les fournir en cas de besoin.

Il est donc clair maintenant que la Fraternité sacerdotale Saint-Pie-X a cessé d'exister, que ceux qui s'en réclament encore ne peuvent prétendre - à plus forte raison - échapper à la juridiction des Ordinaires diocésains, enfin que ces mêmes Ordinaires sont gravement invités à ne pas accorder d'incardination dans leur diocèse aux jeunes qui déclareraient s'engager au service de la « Fraternité ».

Il me reste à vous présenter les documents ci-joints, deux lettres adressées par le Saint-Père à Mgr Lefebvre, et une réponse de ce dernier. Leur divulgation eût été déplacée jusqu'ici : l'Evangile enseigne que la correction fraternelle doit d'abord se tenter dans la discrétion. C'est aussi la raison pour laquelle le Saint-Siège s'est abstenu de toute polémique depuis l'origine de cette affaire et n'a jamais cherché à réagir aux insinuations, manipulations mensongères des faits, accusations personnelles abondamment répandues dans la presse. Mais vient parfois un moment où le silence ne peut plus être conservé et où il faut que l'Eglise sache (cf. Mt 18, 1517).

La première lettre, datée du 29 juin 1975, a été portée à Ecône le 8 juillet. Elle n'a jamais reçu de réponse. Vous y lirez, comme dans la seconde (8 septembre), la douleur du Père commun et l'espérance qui l'habite toujours, même si aucun signe de réelle bonne volonté ne lui a encore été donné. Vous verrez que son désir le plus cher est d'accueillir son Frère dans l'Episcopat, lorsqu'il se sera soumis.

La lettre de Mgr Lefebvre constitue, certes, un témoignage de dévotion personnelle à l'égard du Pontife, mais rien malheureusement n'autorise à penser que l'auteur soit résolu à obéir. Elle ne peut donc pas être considérée à elle seule comme une réponse satisfaisante.

Eminence, Excellence, si les circonstances font que le problème vous touche d'une manière ou d'une autre, vous-même, ou d'autres évêques de votre pays, vous aurez à cœur, en cette Année sainte, de travailler pour la paix et la réconciliation. L'heure n'est pas à la polémique, elle est plutôt à la charité et à l'examen de conscience. Les excès appellent souvent d'autres excès. La vigilance en matière doctrinale et liturgique, la clairvoyance dans le discernement des réformes à mettre en oeuvre, la patience et le tact dans la conduite du Peuple de Dieu, le souci des vocations sacerdotales et d'une préparation exigeante aux tâches du ministère, tout cela est sans nul doute le témoignage le plus efficace qu'un Pasteur puisse donner.

Je suis certain que vous comprendrez cet appel et, avec vous, je souhaite que l'unité des membres de l'Eglise resplendisse davantage demain.

Croyez à mes sentiments fidèlement et cordialement dévoués.

† Jean Card. VILLOT.

(Avec trois annexes.)


Annexe 1

LETTRE DE S. S. LE PAPE PAUL VI A MGR LEFEBVRE

A NOTRE FRÈRE DANS L'EPISCOPAT, MARCEL LEFEBVRE, ANCIEN ARCHEVÊQUE DE TULLE.

Cher Frère, c'est avec peine que nous vous écrivons aujourd'hui. Avec peine, car nous devinons le déchirement intérieur d'un homme qui voit l'anéantissement de ses espoirs, la ruine de l'œuvre qu'il croit avoir entreprise pour la bonne cause. Avec peine, car nous pensons au désarroi des jeunes qui vous ont suivi, pleins d'ardeur, et qui découvrent maintenant l'impasse. Mais notre peine est plus vive de constater que la décision de l'autorité compétente - pourtant formulée très clairement et tout à fait justifiée, il faut le dire, par votre refus de modifier votre opposition publique et persistante au Concile œcuménique Vatican II, aux réformes postconciliaires et aux orientations qui engagent le Pape lui-même - que cette décision prête encore à discussion jusqu'à vous conduire à rechercher une quelconque possibilité juridique de l'infirmer.

Bien qu'une mise au point ne soit, à strictement parler, pas nécessaire, nous jugeons cependant opportun de vous confirmer que nous avons tenu à être personnellement informé de tout le déroulement de l'enquête concernant la Fraternité sacerdotale Saint-Pie-X, et cela depuis le commencement. La Commission cardinalice que nous avons instituée nous a régulièrement et scrupuleusement rendu compte de son travail. Enfin, les conclusions qu'elle nous a proposées, nous les avons faites nôtres toutes et chacune, et nous avons personnellement ordonné leur entrée en vigueur immédiate.

Aussi, cher Frère, c'est au nom de la vénération pour le Successeur de Pierre que vous professez dans votre lettre du 31 mai, plus que cela, c'est au nom de l'obéissance au Vicaire du Christ, que nous vous demandons un acte public de soumission, afin de réparer ce que vos écrits, vos propos, votre attitude ont d'offensant à l'égard de l'Eglise et de son Magistère. Un tel acte implique nécessairement, entre autres, l'acceptation des mesures prises à l'égard de la Fraternité sacerdotale Saint-Pie-X, avec toutes leurs conséquences pratiques. Nous supplions Dieu afin qu'il vous éclaire et vous conduise à agir ainsi, malgré vos réticences du moment. Et nous faisons appel à votre sens des responsabilités épiscopales pour reconnaître le bien qui en résulterait pour I'Eglise.

Certes, des problèmes d'un tout autre ordre nous préoccupent également. La superficialité de certaines lectures des documents conciliaires, des initiatives individuelles ou collectives relevant parfois davantage du libre arbitre que de l'adhésion confiante à l'enseignement de l'Ecriture et de la Tradition, des démarches pour lesquelles la foi sert arbitrairement de caution, nous les connaissons, nous en souffrons et nous nous efforçons d'y remédier pour notre part, à temps comme à contretemps. Mais comment s'en prévaloir pour s'autoriser à des excès gravement préjudiciables ? Telle n'est pas la bonne voie, puisqu'elle emprunte en définitive un itinéraire comparable à celui qui est dénoncé. Que signifie un membre qui veut agir seul, indépendamment du Corps auquel il appartient ?

Vous laissez invoquer en votre faveur le cas de saint Athanase. Il est vrai que ce grand évêque demeura pratiquement seul à défendre la vraie foi, dans les contradictions qui lui venaient de toute part. Mais, précisément, il s'agissait de la défense de la foi du récent Concile de Nicée. Le Concile fut la norme qui inspira sa fidélité, comme du reste chez saint Ambroise. Comment aujourd'hui quelqu'un pourrait-il se comparer à saint Athanase, en osant combattre un Concile comme le deuxième Concile du Vatican, qui ne fait pas moins autorité, qui est même sous certains aspects plus important encore que celui de Nicée ?

Nous vous exhortons donc à méditer la monition que nous vous faisons avec fermeté et en vertu de notre autorité apostolique. Votre aîné dans la foi, celui qui a reçu mission de confirmer ses frères, vous l'adresse le cœur empli d'espérance. Il voudrait déjà pouvoir se réjouir d'être compris, entendu et obéi. Il attend avec impatience le jour où il aura le bonheur de vous ouvrir ses bras, pour manifester une communion retrouvée, lorsque vous aurez répondu aux exigences qu'il vient de formuler. Il confie à présent cette intention au Seigneur, qui ne rejette nulle prière.

In veritate et caritate.

Du Vatican, le 29 juin 1975.

PAULUS PP. VI.


Annexe 2

LETTRE MANUSCRITE DE S. S. LE PAPE PAUL VI A MGR LEFEBVRE

A NOTRE FRÈRE DANS L'EPISCOPAT, MARCEL LEFEBVRE, ANCIEN ARCHEVÊQUE-ÉVÊQUE DE TULLE.

La conscience de la mission que le Seigneur nous a confiée nous a conduit, le 29 juin dernier, à vous adresser une exhortation, pressante et fraternelle à la fois. Depuis cette date, nous attendons chaque jour un signe de votre part, exprimant votre soumission - mieux que cela: votre attachement et votre fidélité sans réserve - au Vicaire du Christ. Rien n'est encore venu. Il semble que vous n'ayez renoncé à aucune de vos activités et que vous formiez, même, de nouveaux projets.

Peut-être estimez-vous que vos intentions sont mal comprises? Peut-être croyez-vous le Pape mal informé, ou objet de pressions? Cher Frère, votre attitude est si grave à nos yeux que - nous vous le répétons - nous l'avons nous-même attentivement examinée, dans toutes ses composantes, avec le souci premier du bien de l'Eglise et une particulière attention aux personnes. La décision que nous vous avons confirmée par notre précédente lettre, c'est après mûre réflexion et devant le Seigneur que nous l'avons prise.

Il est temps, désormais, que vous vous prononciez clairement. Malgré la peine que nous éprouverions à rendre publiques nos interventions, nous ne pourrions plus tarder à le faire si vous ne nous déclarez bientôt votre entière soumission. De grâce, ne nous contraignez pas à une telle mesure, ni à sanctionner ensuite un refus d'obéissance.

Priez l'Esprit-Saint, cher Frère, il vous montrera les renoncements nécessaires et vous aidera à rentrer dans la voie d'une pleine communion avec l'Eglise et avec le Successeur de Pierre. Nous-même, l'invoquons sur vous, en vous redisant notre affection et notre affliction.

Du Vatican, le 8 septembre 1975.

PAULUS PP. VI.


Annexe 3

REPONSE DE MGR LEFEBVRE A S. S. LE PAPE PAUL VI

TRES SAINT-PERE,

Si ma réponse à la lettre de Votre Sainteté est tardive, c'est qu'il me répugnait de faire un acte public qui aurait pu faire penser que j'avais la prétention de traiter d'égal à égal vis-à-vis du Successeur de Pierre.

Par contre, je m'empresse, sur les conseils de la Nonciature, d'écrire ces quelques lignes à Votre Sainteté pour lui exprimer mon attachement sans réserve au Saint-Siège et au Vicaire du Christ. Je regrette vivement qu'on ait pu mettre en doute mes sentiments à cet égard et que certaines de mes expressions aient été mal interprétées.

C'est à son Vicaire que Jésus-Christ a confié la charge de confirmer ses frères dans la foi et qu'il demande de veiller à ce que chaque évêque garde fidèlement le dépôt, selon les paroles de saint Paul à Timothée.

C'est cette conviction qui me guide et m'a toujours guidé dans toute ma vie sacerdotale et apostolique. C'est cette foi que je m'efforce, avec le secours de Dieu, d'inoculer à la jeunesse qui se prépare au sacerdoce.

Cette foi est l'âme du catholicisme, affirmée par les Evangiles: « Sur cette pierre, je fonderai mon Eglise. »

Je renouvelle de tout cœur ma dévotion envers le Successeur de Pierre, «Maître de vérité» pour toute l'Eglise «columna et firmamentum Veritatis».

Et que Dieu...

Ecône, le 24 septembre 1975.

† Marcel LEFEBVRE, ancien archevêque-évêque de Tulle.


POSTFACE

Dans une lettre aux amis et bienfaiteurs de la Fraternité sacerdotale Saint-Pie-X (n° 9, datée de la fête de saint Pie X 1975 (*) — lettre largement diffusée —, Mgr Lefebvre écrit:

« Le moment me semble venu de porter à votre connaissance les derniers événements concernant Ecône, et l'attitude qu'en conscience, devant Dieu, nous croyons devoir prendre en ces graves circonstances. »

Dans cette même lettre, il dit ceci :

« C'est parce que nous estimons que toute notre foi est en danger par les réformes et les orientations post conciliaires que nous avons le devoir de désobéir et de garder les traditions. C'est le plus grand service que nous pouvons rendre à l'Eglise catholique, au Successeur de Pierre, au salut des âmes et de notre âme, que de refuser l'Eglise réformée et libérale, car nous croyons en Notre Seigneur Jésus-Christ, fils de Dieu fait homme, ni n'est ni libéral, ni réformable » (**).

La Télévision suisse, dans une émission du 6 novembre dernier, a présenté une émission sur l'intégrisme. Une très large place a été faite aux initiatives liturgiques placées sous le patronage de messes célébrées selon le rite de saint Pie V.

Le journal le Monde, dans son numéro du 27 novembre, donne quelques informations sur le même sujet et publie en particulier la lettre du Supérieur général de la Congrégation du Saint-Esprit qui désavoue publiquement les positions de Mgr Lefebvre.

Le journal la Croix, dans son numéro du 27 novembre, sous le titre «Mgr Lefebvre refuse l'obéissance à Paul VI», informe lui aussi ses lecteurs.

En accord avec la Conférence des évêques suisses, nous avons tenu, pour notre part, publier les lettres qui constituent ce nouveau dossier. Quelques commentaires sont nécessaires.

  1. II est surprenant que Mgr Lefebvre n'ait pas répondu à la première lettre si claire et si paternelle du Souverain Pontife.
  2. II a donc été nécessaire que le Pape écrive de sa main une nouvelle lettre pour que Mgr Lefebvre reconnaisse l'authenticité de la première.
  3. Dans sa réponse, Mgr Lefebvre exprime son «attachement sans réserve au Saint-Siège et au Vicaire du Christ».
  4. Cependant, entre cette affirmation et la poursuite de l'activité du séminaire d'Ecône, la fondation de nouveaux Instituts, certaines prises de position contre le IIe Concile du Vatican et la lettre aux amis et bienfaiteurs que nous venons de citer, il y a, à mes yeux, contradiction, puisqu'on y invite au « devoir de désobéir ».

C'est avec une grande tristesse que nous donnons ces informations. Nous avons tant espéré que Mgr Lefebvre accepterait les demandes du Souverain Pontife. Il est plus urgent que jamais d'intensifier nos prières pour que fidèles, prêtres et évêques restent attachés par leurs actes au Successeur de Pierre, car sans attachement et soumission au Pape il n'y a plus d'Eglise catholique.

Nous rappelons:

Ce qu'écrivait S. S. le Pape Paul VI à Mgr Lefebvre (lettre du 29 juin 1975):

a)     Certes, des problèmes d'un tout autre ordre nous préoccupent également. La superficialité de certaines lectures des documents conciliaires, des initiatives individuelles ou collectives relevant parfois davantage du libre arbitre que de l'adhésion confiante à l'enseignement de l'Ecriture et de la Tradition, des démarches pour lesquelles la foi sert arbitrairement de caution, nous les connaissons, nous en souffrons et nous nous efforçons d'y remédier pour notre part, à temps et à contretemps. Mais comment s'en prévaloir pour s'autoriser à des excès gravement préjudiciables? Telle n'est pas la voie, puisqu'elle emprunte en définitive un itinéraire comparable à celui qui est dénoncé... »

b)    Ce que nous a écrit S. Em, le cardinal Jean Villot, secrétaire d'Etat (lettre du 29 juin 1975):

« La vigilance en matière doctrinale et liturgique, la clairvoyance dans le discernement des réformes à mettre en oeuvre, la patience et le tact dans la conduite du Peuple de Dieu, le souci des vocations sacerdotales et d'une préparation exigeante aux taches du ministère, tout cela est sans nul doute le témoignage le plus efficace qu'un Pasteur puisse donner. »

c)      Ce que nous avons écrit (le 7 juin dernier):

« Nous demeurons cependant tristes (mais confiants), parce que nous avons dû dire publiquement des dissensions dans la famille des enfants de Dieu et des fils de l'Eglise. Nous aurions aimé résoudre nos problèmes entre nous, dans la discrétion et le silence. Nous n'y sommes pas parvenus. Prions beaucoup, afin que la paix et la confiance reviennent. »

Que Dieu nous donne de rester fidèles à la vérité dans une constante charité.

Fribourg, le 6 décembre 1975.

† Pierre MAMIE, évêque.

Notes I

(1) DC 1975, n° 1679, p. 611 et s. Cf. également n° 1681, p. 739 et s.

(*) En réalité, la lettre aux amis n° 9, a été écrite plus de trois semaines après la fête de saint Pie X (nouveau calendrier 21 août; ancien calendrier 3 septembre) puisque Mgr Lefebvre y mentionne qu'il a reçu une deuxième lettre du Pape le 10 septembre et qu'il a répondu (24 septembre 1975).

(**) Mgr Lefebvre a adressé à la Croix la lettre ci-après, datée du 6 décembre 1975, que nous reproduisons à titre de document:

On nous accuse de désobéir au Pape Paul VI; nous refusons cette accusation. Nous obéissons au Pape, nous obéissons à la hiérarchie de l'Eglise, mais nous ne voulons pas obéir à la subversion qui règne actuellement dans l'Eglise ni à ceux qui servent cette subversion.

Or, il est évident qu'à Rome, des prélats haut placés dans l'Eglise servent cette subversion dans l'Eglise et s'efforcent de convaincre le Pape de les suivre en nous calomniant et en dressant le Pape contre notre œuvre.

C'est pourquoi nous estimons ne pas devoir obéir tant que nous ne pouvons pas nous-même expliquer directement au Saint-Père ce que nous sommes et détruire les calomnies qui ont été diffusées contre nous.

(La Croix, 16 décembre 1975. — NDLR.)



II - DÉCLARATION DE LA CONGRÉGATION DU SAINT-ESPRIT

A ce dossier publié par le bulletin du diocèse de Lausanne, Fribourg et Genève, nous ajoutons les textes ci-après, et d'abord la déclaration publiée, en union avec son conseil, par le P. François TIMMERMANS, Supérieur général de la Congrégation du Saint-Esprit, dont Mgr Lefebvre a été lui-même Supérieur général de 1962 à 1968 (1):

CONGREGATION DU SAINT-ESPRIT

Clivo di Cinna, 195

ROME

Le Supérieur général et son Conseil à tous les membres de la Congrégation

CHERS CONFRERES,

Plusieurs d'entre vous nous ont posé des questions au sujet de Mgr Marcel Lefebvre, de ses œuvres et de ses options. Nous comprenons aisément vos préoccupations, compte tenu des fonctions qu'il a exercées autrefois.

Loin de nous de vouloir ajouter, par ces mises au point, aux souffrances présentes de Mgr Lefebvre, Aussi voudrions-nous vous exhorter en tout premier lieu à prier pour lui. Nous ne pouvons oublier le bien accompli dans le passé.

Malgré cela, nous avons le devoir de préciser les points suivants:

1.      Mgr Lefebvre a fondé ses œuvres indépendamment de la Congrégation.

2.      La Congrégation a toujours été et reste entièrement étrangère aux évolutions et aux options des fondations de Mgr Lefebvre.

3.      Fidèles au Concile Vatican Il et à l'autorité de Paul VI, les membres de la Congrégation ne peuvent qu'être en désaccord avec les prises de position de Mgr Lefebvre.

4.      Etant donné que la Fraternité sacerdotale Saint Pie X et les fondations qui en dépendent n'ont plus d'existence juridique depuis les mesures prises en mai dernier par les autorités compétentes de l'Eglise, le Supérieur général et les autres Supérieurs majeurs de la Congrégation refusent à tout confrère l'autorisation de rejoindre ces œuvres. Un membre de la Congrégation qui passerait outre à cette interdiction le ferait de sa propre initiative, avec toutes les conséquences qui en découlent selon le droit et nos Constitutions.

En outre, toutes ces mises au point s'imposent à nous, du fait que les décisions, orientations et options de nos Chapitres généraux de 1968-1969 et de 1974 engagent résolument la Congrégation dans le renouveau voulu par Vatican Il pour l'Eglise, la Mission et toute notre vie de Spiritains.

Rome, le 15 novembre 1975.

Le Supérieur général,

Les Assistants généraux.

Notes II

(1)   Texte original.

Ce texte a été communiqué aux Spiritains de la province de France accompagné de la lettre ci-après, datée à Paris du 24 novembre 1975 :

Notre supérieur général et son Conseil nous ont demandé de vous faire parvenir la lettre ci-jointe qu'ils adressent à tous les membres de la Congrégation.

Au nom du ministère qui nous a été confié dans la province, nous disons également notre désaccord avec les prises de position de Mgr Lefebvre.

En parfaite union avec l'équipe généralice, nous contresignons en sa totalité le document qu'elle vous adresse, et nous vous assurons, chers confrères, de notre dévouement au service de la communion ecclésiale et spiritaine.

Georges-Henri THIBAULT, sup. provincial, c.s.sp.; Jean GODARD, vicaire prov.; René YOU, vicaire prov.

OU EN SONT LES FONDATIONS DE Mgr LEFEBVRE ?

Mgr Marcel LEFEBVRE écrit en appendice de sa « Lettre aux amis et bienfaiteurs », n° 9, datée « en la fête de saint Pie X 1975 » (21 août dans le calendrier actuellement en vigueur depuis le 1er janvier 1970, 3 septembre dans l'ancien):

Nous avons eu douze départs à la fin de l'année scolaire, dont quelques-uns dus aux attaques réitérées de la hiérarchie. Dix autres sont appelés au service militaire. Nous aurons par contre une rentrée de vingt-cinq à Ecône et de cinq à Weissbad, dans le canton d'Appenzell, de six également à Armada aux USA.

D'autre part, nous avons cinq postulants frères et huit postulantes religieuses. C'est vous dire que la jeunesse, par son sens de la foi, sait où trouver les sources de grâces nécessaires à sa vocation. Nous préparons l'avenir: aux Etats-Unis par la construction d'une chapelle à Armada et de dix-huit chambres pour les séminaristes en Angleterre, par l'achat d'une maison plus vaste pour les quatre prêtres qui dispensent la vraie doctrine, le vrai sacrifice et les sacrements, En France, nous avons acquis le premier prieuré à Saint-Michel-en-Brenne. Ces prieurés, comprenant une maison pour les prêtres et les frères, une autre pour les sœurs et une maison de vingt-cinq à trente chambres pour les exercices spirituels, seront des sources de vie de prière, de sanctification pour les fidèles, pour les prêtres, et des centres missionnaires. En Suisse, à Weissbad, une société Saint-Charles-Borromée met des chambres à notre disposition dans un immeuble loué dans lequel des cours privés sont organisés pour les étudiants de langue allemande [...].

Suivent les adresses des différentes maisons:

Séminaire international Saint-Pie-X, Ecône, CH 1908 Riddes; tél. 026/6-29-27, 6-23-08.

Maison Saint-Pie-X, 50, route de la Vignettaz, CH 1700 Fribourg; tél. 037/24-51-91.

St. Michael's House, Highelere, GB Newbury, Berks. RG 15, 9 QU; tél. (0635) 25-32-09.

St. Joseph's House, 28049 School Section Road, USA Armada/Michigan 48005; tél. (313) 784-9511.

Fraternità Sacerdotale San Pio X, via Trilussa 35, I-00041 Albano Laziale (Roma) tél. 06/9320344.

Maison Saint-Pie-X, 36, rue des Carrières, F-92150 Suresnes; tél. 506-10-68.

source :

http://jesusmarie.com/fspx_creation_et_suppression_de_la_fspx.html


III - Mgr Lefebvre s'explique bien par del Val (2005-03-16 23:04:02)

qui peut donner quelques repères.

Texte de 1986 :

" La Fraternité Sacerdotale Saint-Pie X a été fondée il y a maintenant dix-sept ans (1). Pour ceux qui ne connaissent pas bien son histoire, sans doute est-il bon d'en rappeler les principales étapes, au moment, où dans les circonstances que nous connaissons, nous nous efforçons de continuer et de développer ce que la Providence nous a donné de faire.

Si les événements apportaient un changement en faveur d'un retour à la Tradition à l'intérieur de l'Eglise, évidemment la situation se trouverait simplifiée pour nous. Nous serions certainement agréés par la hiérarchie, comme nous l'avons été dans les débuts et tous ces problèmes de relations avec les évêques, avec Rome, ne se poseraient plus.

Pour l'heure, nous devons garder l'authenticité de la Fraternité qui a été fondée, sans doute dans des circonstances bien particulières, mais cela aurait très bien pu se faire dans des temps normaux. Elle a été suscitée, c'est vrai, par la dégradation des séminaires. Mais, il y a eu des Sociétés comme celles de Saint-Vincent-de-Paul ou de Saint-Jean-Eudes, qui ont été fondées avec un objectif identique, qui est et demeure celui de donner une bonne formation sacerdotale aux futurs prêtres et de leur permettre ainsi d'exercer un ministère qui soit l'occasion d'un renouveau dans l'Eglise.

La Fraternité a donc été fondée avant tout pour faire des prêtres et par conséquent pour ouvrir des séminaires. C'est tout à fait conforme à la Tradition de l'Eglise : continuer tout simplement la formation sacerdotale traditionnelle pour l'Eglise.

Nous ne cherchons rien d'autre et nous n'avons jamais voulu innover, sinon dans le sens de la Tradition et en retrouvant certains éléments qui manquaient peut-être un peu à la formation des séminaristes particulièrement au plan spirituel. C'est pourquoi nous avons ajouté aux études philosophiques et théologiques une année de spiritualité. Celle-ci complète bien la préparation des séminaristes au Sacerdoce en les plaçant dans une atmosphère vraiment spirituelle. Ce n'est certes pas une innovation qui va dans le sens des modernistes, mais bien au contraire dans celui de la Tradition de l'Eglise.

Notre fondation a donc eu soin d'ajouter aux études une formation spirituelle sérieuse par une année supplémentaire qui constitue une espèce de noviciat et qui conduit à la grande connaissance de ce qu'est la spiritualité et à la pratique de la vie intérieure, de la vie purgative et illuminative, mystique qui demande une réforme de soi.

La Fraternité n'a pas été fondée sur le modèle d'une congrégation religieuse. Pourquoi ? Parce que dans la pratique il est trop fréquent de constater les difficultés éprouvées par les religieux qui exercent un apostolat dans le monde, de respecter vraiment la stricte pauvreté telle qu'elle est demandée dans les Congrégations religieuses où l'on ne peut rien avoir, rien utiliser, rien employer, sans demander l'autorisation au Supérieur. Tout dépend du Supérieur. Il était donc préférable de ne pas être lié par un vœu qui risquait d'être contredit continuellement. Il valait mieux fonder une société de vie commune sans vœu, mais avec des promesses.

La Providence a donc décidé que notre Société était faite sur le modèle des sociétés à vie commune sans vœu et elle a déjà donné ses preuves. Il n'y a donc pas de raison de ne pas continuer.

la fraternite officiellement approuvee par rome

C'est sous cette forme que la Fraternité Sacerdotale Saint-Pie X a été approuvée et érigée dans son diocèse par Mgr Charrière, évêque de Fribourg. C'est sous cette forme qu'elle a aussi été approuvée par Rome.

Cela est très important et même fondamental et il ne faut pas hésiter à le rappeler à ceux qui ne connaissent pas bien l'histoire de la Fraternité.

Le document romain est en effet capital, car il est tout à fait officiel. Il porte la date du 18 février 1971 et le timbre de la Sacré Congrégation pour les religieux. Il est signé par son préfet le cardinal Wright et soussigné par Mgr Palazzini, qui était son secrétaire à l'époque et qui est aujourd'hui cardinal. Ce document officiel, émanant d'une Congrégation romaine approuvant et louant « la sagesse des normes » des statuts de la Fraternité ne peut être regardé autrement que comme un décret de louange qui, par conséquent, autorise notre Société à être considérée comme de Droit pontifical pouvant par le fait même incardiner.

Des actes officiels, accomplis par la Congrégation des religieux ayant pour préfet le cardinal Antoniutti sont venus compléter et confirmer cette reconnaissance officielle, puisqu'ils ont permis au Père Snyder et à un autre religieux américain d'être directement incardinés dans la Fraternité. Il s'agissait donc bien d'actes officiels de Rome.

Force est donc de constater par ces documents officiels que la Congrégation pour le clergé estimait de facto que notre Société pouvait régulièrement et validement incardiner.

Cependant, personnellement, je n'ai pas cru devoir user de cette possibilité jusqu'au moment où nous avons été officiellement, mais illégalement, supprimés. Jusque là je m'étais toujours efforcé d'avoir des évêques qui donnaient les incardinations. J'ai eu recours à Mgr de Castro Mayer au Brésil, à Mgr Castan Lacoma en Espagne et à Mgr Guibert à La Réunion. Ces trois évêques acceptaient de délivrer des lettres dimissoriales aux prêtres de notre Société qui se trouvaient ainsi incardinés dans leurs diocèses. M. l'abbé Aulagnier, lui, a été incardiné dans son diocèse de Clermont-Ferrand, par Mgr de la Chanonie. A ce moment-là, nous étions doublement en règle. Mgr Adam me l'a dit explicitement: «Pourquoi n'incardinez-vous pas dans votre Société ?» J'ai répondu: «Il me semble qu'elle n'est que diocésaine. J'étais donc en deçà des règles canoniques plutôt qu'au delà» .

En effet, ces documents de la Congrégation pour le clergé concernant l'incardination de ces deux religieux américains dans notre Société, sont encore plus importants que la lettre signée par le cardinal Wright. C'est d'ailleurs ce que j'ai répondu à la Congrégation pour la Doctrine de la Foi lorsque j'ai été interrogé sur les incardinations. On m'a dit : «Vous n'avez pas le droit d'incardiner dans votre Société. » - « Je n'ai pas le droit ? Alors il faut dire à la Congrégation pour le clergé qu'elle s'est trompée en incardinant dans notre Société ! ».

Cet acte du cardinal Wright, si on l'étudie de près, n'est pas seulement une lettre mais un «décret de louange», puisque effectivement il loue les statuts de la Fraternité. C'est un acte tout à fait officiel. Il ne s'agit nullement d'une lettre privée. Ainsi, pendant cinq ans, nous avons eu l'approbation totale de l'Église diocésaine et de Rome. Nous étions donc entés sur l'Église. Ceci est fondamental pour l'action providentielle accomplie par la Fraternité, et nous renforce dans notre existence et notre action en général. Étant vraiment d'Église, reconnus officiellement par l'Église, nous avons été persécutés.

pourquoi sommes-nous persécutes ?

Nous sommes persécutés uniquement parce que nous gardons la Tradition et en particulier la Tradition liturgique.

Toujours en replaçant les faits dans l'ordre de leur intervention historique, il est aussi du plus grand intérêt de relire la lettre que Mgr Mamie m'a adressée le 6 mai 1975, pour bien nous pénétrer des véritables raisons qui ont poussé l'évêque de Lausanne, Genève et Fribourg à nous retirer ILLEGALEMENT les actes effectués par son prédécesseur et particulièrement le décret d'érection de la Fraternité du 1e` novembre 1970. C'est un témoignage. Mgr Mamie reconnaît, puisqu'il l'écrit, que la Fraternité a fait l'objet d'un décret d'érection signé par son prédécesseur au titre de Pia Unio avec siège à Fribourg « approuvant et confirmant les statuts de ladite Fraternité. »

Il n'avait pas le droit d'agir ainsi et de retirer de son propre chef cette reconnaissance canonique. C'est explicitement contraire au Droit Canon. (Can. 493).

Or, par deux fois dans sa lettre Mgr Mamie parle de la liturgie. « ... je vous rappelais votre refus en ce qui concerne la célébration de la Sainte Messe selon le rite établi par S.S. Paul VI... » et « Quant à nous, nous continuons de demander aux fidèles comme aux prêtres catholiques d'accepter et d'appliquer toutes les orientations ou décisions du Concile Vatican II, tous les enseignements de Jean XXIII et de Paul VI, toutes les directives des secrétariats institués par le Concile y compris dans la liturgie nouvelle. Cela nous l'avons fait, nous le ferons encore même aux jours les plus difficiles, avec la grâce de Dieu, parce que c'est te seul chemin pour édifier l'Eglise. »

Voilà ce qu'écrivait Mgr Mamie à cette époque.

Par deux fois dans cette lettre il rappelle la liturgie. « Parce que vous vous opposez à la liturgie. » C'est donc bien le motif principal, essentiel qui nous a valu ces mesures inqualifiables et illégales. Il faut bien que l'on se rappelle cela. La question de l'ordination des prêtres est venue postérieurement. En réalité, le véritable motif pour lequel nous avons été et sommes persécutés - illégalement encore une fois - par Mgr Mamie, par les cardinaux de Rome et les évêques de France, c'est en raison de notre attachement à la Sainte Messe de toujours. « Puisque vous continuez cette liturgie, vous êtes contre le Concile du Vatican. Puisque vous êtes contre le Concile, vous êtes contre le Pape. C'est inadmissible. Donc nous vous supprimons. » Le raisonnement était simple.

Alors ils ont exhibé l'Ordo de Mgr Bugnini et inventé ce qui n'existait pas : l'obligation de la nouvelle messe, qui a été imposée par les services du Vatican et par les évêques en France ...

nous avons toujours refuse de collaborer a la destruction de l'eglise

Cela, nous l'avons toujours refusé. Du jour où nous refusions, il est évident que nous nous placions contre ceux qui apparaissent comme étant l'Eglise légale : nous étions hors la loi de l'Eglise et eux la respectaient. Nous croyons cette appréciation inexacte, car ce sont eux qui en fait s'éloignent de la légalité de l'Eglise et que nous, au contraire, nous demeurons dans la légalité et la validité. Considérant objectivement qu'ils accomplissent des actes dans un esprit qui détruit l'Eglise, dans la pratique nous nous sommes trouvés dans l'obligation d'agir d'une façon qui paraît contraire à la légalité de l'Eglise. C'est vrai. Et c'est une situation bien étrange que celle d'apparaître dans l'arbitraire en continuant simplement à célébrer la Messe de toujours et à ordonner des prêtres selon ce qui était la légalité jusqu'au Concile. C'est cependant cela qui m'a valu d'être frappé de suspense et aux prêtres qui ont accepté d'être ordonnés d'être interdits.

Mais, nous n'avons pas arrêté là notre exercice de l'illégalité dans les détails de la loi, tant au sujet des confessions, que des mariages et de notre installation dans les diocèses. Bien des choses que nous avons accomplies sont en elles-mêmes et au sens strict hors la loi, mais pourquoi les avons-nous faites ? Tout simplement parce que nous pensions que ce qui a été entrepris vis-à-vis de nous était illégal et que l'on n'avait pas le droit de nous supprimer.

la loi fondamentale de l'eglise c'est le salut des ames

Dès lors, nous avons agi selon les lois fondamentales de l'Eglise pour sauver les âmes, sauver le Sacerdoce, continuer l'Eglise. Ce sont effectivement bien celles-là qui sont en cause. Nous nous opposons à certaines lois particulières de l'Eglise pour garder les lois fondamentales. En faisant jouer les lois particulières contre nous, ce sont les lois fondamentales qui sont, détruites : c'est aller contre le bien des âmes, contre les fins de l'Eglise.

Le nouveau Droit Canon comporte des articles qui sont contre les fins de l'Eglise. Quand on permet que la communion soit donnée à un protestant, on ne peut pas dire que cela ne va pas contre les fins de l'Eglise. Quand on affirme : il y a deux pouvoirs suprêmes dans l'Eglise, on ne peut pas dire que cela ne va pas contre les fins de l'Eglise. Elle est contraire au dogme cette définition de l'Eglise Peuple de Dieu dans lequel se trouvent fondamentalement tous les ministères, on ne fait plus de distinction entre le clergé et les laïcs. Tout cela va contre les fins de l'Eglise. On détruit les principes fondamentaux du Droit et l'on voudrait que nous nous soumettions.

Pour sauver les lois fondamentales de l'Eglise, nous sommes obligés d'aller contre les lois particulières. Dans tout cela qui a tort, qui a raison ? Evidemment ont raison ceux qui sauvent les fins de l'Eglise. Les lois particulières sont faites pour les lois fondamentales, c'est-à-dire pour le salut des âmes, pour la gloire de Dieu, pour la continuation de l'Eglise. C'est parfaitement clair.

Et on rappelle à toute occasion : Mgr Lefebvre est suspens et ses prêtres sont suspens, ils n'ont pas le droit d'accomplir leur ministère. Ils rappellent là des lois particulières. Mais ils feraient aussi bien de rappeler qu'eux ils sont en train de détruire l'Eglise, non pas les lois particulières, mais les lois fondamentales par ce nouveau Droit Canon qui est totalement inspiré par ce mauvais esprit moderniste qui s'est exprimé dans le Concile et après le Concile.

Ce que nous souhaitons bien sûr, c'est que tout soit normal, que nous ne nous trouvions plus dans cette situation apparemment illégale. Mais on ne peut pas nous faire reproche d'avoir voulu changer quoi que ce soit dans l'Eglise. Il nous faut toujours réfléchir et nous situer dans cet esprit que nous sommes d'Eglise et que nous continuons l'Eglise. Et pourquoi continuons-nous ? Parce que nous poursuivons les fins de l'Eglise. Si l'on peut nous faire grief de manquer à certaines lois pratiques; personne ne peut dire que la Fraternité n'agit pas selon les fins de l'Eglise. Nul ne peut affirmer le contraire !

Or, même dans les lois particulières, l'Eglise a eu la sagesse de toujours laisser une porte ouverte pour le salut des âmes. Elle a prévu des cas qui pouvaient être extraordinaires. C'en est ainsi pour la juridiction pour les confessions. Pratiquement, ce sont les personnes qui viennent trouver le prêtre pour recevoir le sacrement de Pénitence qui lui donnent la juridiction par l'intermédiaire du Droit Canon. Même si une personne va trouver un prêtre excommunié pour lui demander, à être entendue en confession, celui-ci reçoit la juridiction. (2)

Pour le mariage : ceux qui ne parviennent pas à trouver un prêtre qui les marie selon l'esprit de l'Eglise, comme leurs parents ont été mariés (c'est tout de même élémentaire que des jeunes gens désirent se marier selon le rite dans lequel leurs propres parents l'ont été et non dans un rite qui n'est pas seulement souvent ridicule, mais parfois odieux, dans une ambiance qui est loin d'être pieuse et favorable à cet acte important et sacré qu'est le sacrement de mariage), le Droit Canon a prévu une exception. Si les fiancés ne trouvent pas de prêtre dans un délai d'un mois, ils peuvent se marier. Ce sont eux en fait qui se donnent le sacrement. Ils en sont les ministres et dans ce cas ils sont exempts de la forme canonique (2). Donc ils peuvent se marier devant témoin. S'il y a un prêtre, il doit être présent. Le prêtre ne sera pas délégué, mais il sera présent à leur mariage, comme le demande le Droit Canon et il leur donnera la bénédiction nuptiale.

Pour la Confirmation, il y a aussi une exception. Le prêtre a le droit de donner la Confirmation dans certains cas. C'est aussi dans le Droit Canon. Le prêtre doit donner ce sacrement à quelqu'un qui se trouve en danger de mort s'il ne l'a pas déjà reçu.

Un prêtre peut donner la Confirmation dans d'autres cas exceptionnels. Dans les Missions, cette possibilité a été étendue aux mariages. Les prêtres avaient le droit de donner la Confirmation avant le mariage, si les fiancés ne l'avaient pas reçue.

Je n'ai jamais dit que toutes les confirmations étaient invalides, mais on peut s'interroger quant à la formule qui est employée et certainement pour l'huile qui est utilisée. C'est quand même important. J'ai reçu bien des témoignages de personnes qui, formellement, m'ont donné l'expression employée par l'évêque... ce sont des expressions invalides. «Reçois le Saint-Esprit» tout simplement. «Je t'envoie en mission». Ce n'est peut être pas fréquent, mais cela s'est rencontré et c'est invalide. En tout cas; nombreux sont les évêques qui estiment que la Confirmation est un Sacrement inutile, que le Saint-Esprit a déjà été donné au Baptême, que c'est une cérémonie supplémentaire pour rappeler ce qui a été fait au baptême. C'est ce qu'écrivait explicitement l'ancien archevêque de Chambéry dans sa revue diocésaine : «La Confirmation ne donne pas le Saint-Esprit que l'on a reçu au baptême». J'ai montré cette revue au cardinal Ratzinger en lui disant : «Vous me reprochez de donner les confirmations, regardez ce que pensent les évêques de la Confirmation». Un archevêque, qui est maintenant retiré, mais qui avait à ce moment 72-73 ans et qui, avait donc été formé à la méthode ancienne. Il avait connu le Sacrement de Confirmation comme il a été enseigné autrefois. Sans doute la foi de l'évêque n'a-t-elle pas d'influence sur la Confirmation, mais peut-on traiter ainsi ce Sacrement ? C'est ainsi que raisonnent les protestants et on peut se demander si l'intention de ces évêques est de faire ce que l'Eglise veut faire. Si nous voulons survivre et que les bénédictions du Bon Dieu continuent de descendre sur la Fraternité, il nous faut demeurer fidèles à ces lois fondamentales de l'Eglise ..."

Mgr Marcel LEFEBVRE


Notes III

1 - Lettres de Mgr Charrière du 6 juin 1969 autorisant la fondation d'un séminaire et du 1er novembre 1970 érigeant la Fraternité dans le diocèse de Fribourg au titre de Pia Unio.

2 - Canon du Droit pénal, n° 2261