‘Nous sommes très heureux’

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Un Evêque Lefebvriste au sujet du Motu Proprio de Benoît

Numéro du 22 Juillet – 4 Août 2007

Mgr. BERNARD FELLAY est l’un des quatre prêtres illicitement sacré évêque en 1988 par l’Archevêque Mgr. Marcel Lefebvre.

Depuis 1994, Mgr. Fellay est le Supérieur Général de la Société Sacerdotale Saint Pie X. Il a critiqué les nouvelles conceptions de l’Eglise concernant l’oecuménisme et la liberté religieuse depuis le second Concile du Vatican. Il a également appelé le Pape Jean-Paul II et le Pape Benoît XVI à lever les excommunications prononcées contre lui et les trois autres évêques, et à étendre à tous les Catholiques la permission de célébrer l’ancienne Messe en Latin.

C’est du quartier général de la FSSPX à Menzingen que, le 11 juillet, Mgr. Fellay s’est entretenu par téléphone avec le correspondent du Register, Edward Pentin, quatre jours après que le Pape Benoît ait étendu l’usage de l’ancienne forme de la Messe en Latin.

Vous avez dit que vous étiez profondément reconnaissant pour le motu proprio Summorum Pontificum. Pourriez-vous nous expliquer plus précisément l’importance de ce document, tant pour votre société que pour vos relations avec l’Eglise ?

Je voudrais dire que cette importance n’est pas à notre égard, elle concerne l’Eglise dans son ensemble, et c’est à ce titre que ce document est important. Il n’est donc pas directement important pour nous, mais il est important pour l’Eglise dans son ensemble.

Tous les problèmes que nous avons avec Rome et le reste, partent de ce point, et nous disons, “Alerte.” Dans le Concile, et avec les réformes du Concile, des décisions ont été prises qui sont dommageables pour l’Eglise.

Il y a une crise dans l’Eglise; Je pense que tout le monde le reconnaît, et nous au moins nous en identifions en partie les causes dans ces décisions. Nous voyons aussi dans le retour à la Messe Tridentine une grande part du remède — un médicament souverain pour guérir la crise de l’Eglise. C’est pourquoi nous sommes si reconnaissants.

Le Cardinal Dario Castrillon Hoyos, president of de la Commission Pontificale Ecclesia Dei, l’office du Vatican chargé de tenter d’arriver à une réconciliation avec la Société St. Pie X, a déclare qu’en fait le Concile n’avait jamais demandé la création d’un nouveau rite, mais avait demandé un usage plus large des langues vernaculaires ainsi que plus de participation des laïcs. Aussi, en ce sens, il expliquait qu’il n’y avait jamais eu aucune rupture au Concile Vatican II dans le domaine de la liturgie. Qu’en pensez-vous ?

Le problème majeur que nous avons avec le Concile, c’est l’ambiguïté. Cela signifie que vous avez un texte qui peut conduire dans diverses directions — non selon le texte lui-même qui reste ambigü, mais dans la réalité, là où la réforme a démontré qu’une forme d’interprétation a été choisie.

Ce que nous disons c’est que cette interprétation ne correspond pas toujours à ce qui a été tenu pour être l’enseignement antérieur de l’Eglise. En fait, la plupart des progressistes dans l’Eglise seraient d’accord avec ce que je viens de dire.

Mais le Vatican, l’Eglise, diraient que la liturgie constitue quelque chose d’organique, quelque chose qui évolue avec le temps.

Vous avez raison. Et le Pape actuel a écrit plusieurs fois que cette réforme n’était pas organique — c’est là l’un de ses reproches majeurs contre cette réforme, que la Messe de Paul VI n’est pas organique.

Summorum Pontificum est une chose, mais qu’est-ce qui devrait être fait de plus pour ammener la réconciliation dans ce cas ?

De mon point de vue, nous avons affaire à un état d’esprit. Si l’Eglise est malade, c’est parce qu’un esprit étranger est entré dans l’Eglise. C’est ce qu’a dit Paul VI : La fumée de Satan est entrée dans le Temple de Dieu.

Il y a quelque chose qui ne colle pas avec l’esprit Catholique, avec l’esprit Chrétien de l’Eglise aujourd’hui. Si je puis dire, c’est un esprit du monde.

Je ne vois pas de solution immédiate à ce problème que nous avons identifié, mais à long terme, nous avons absolument l’espoir que ramener le retour de cette Messe, c’est aussi ramener le retour de l’esprit Catholique — l’ancien esprit. Et la Messe Tridentine est à l’évidence beaucoup plus forte que la nouvelle Messe. Aussi, sur le long terme, avons-nous un très, très grand espoir de réconciliation.

Pourtant vous dites dans votre déclaration publiée en réponse au motu proprio qu’il y aurait encore des difficultés doctrinales. Il y a également la question de l’excommunication, qui, disent certains, n’est pas quelque chose qui puisse être aisément résolue.

Ma réponse à cela est très simple : Les autorités à Rome considèrent que ce serait facile. Très clairement ils ne considèrent nullement que cela puisse constituer une réelle difficulté.

Et sur la question de doctrine?

Nous croyons qu’en franchissant ces deux étapes [élargissement de l’usage de l’ancien rite et annulation des excommunications], nous créons une atmosphere nouvelle qui sera beaucoup plus sérieuse, qui apaisera les passions, et qui dès lors rendra possibles des discussions sereines sur des problèmes réels de doctrine. Cela est à peu près impossible tant que les passions sont si échauffées ; il y a attribution de pensées et de sentiments qui n’existent pas, des malentendus.

Il existe un tas de choses qui se passent et qui doivent réellement être amendées avant que nous puissions traiter en la matière. C’est pourquoi nous disons : “Franchissez s’il vous plaît ces étapes, car elles faciliteront la suite.”

Sur la question de doctrine, vous dites que des déclarations de Vatican telles que Dignitatis Humanae (Le Droit de la Personne et des Communautés à la Liberté Sociale et Civile en matières Religieuses) sont de celles avec lesquelles vous ne pouvez être en accord. Mais ceci étant, comment pourrait-il y avoir un accord dès lors que l’Eglise ne peut, ou qu’elle n’est pas susceptible de, revenir sur de telles déclarations.

Mais si, ils le font sans cesse. Si vous avez un texte qui est ambigu, qui réclame plus d’explication ; peut-être que notre contribution sera de clarifier ces textes.

Peu après que le motu proprio ait été révélé, la Congrégation pour la Doctrine de la Foi a publié un document dans le but de lever une telle ambiguïté et confusion concernant un point de doctrine qui prévaut depuis le Concile. Certains prétendent qu’il s’agirait d’une tentative pour lever toutes les barrières à la réconciliation avec la FSSPX. Etes-vous d’accord avec ce point de vue, selon Lequel cela contribuera à lever l’ambiguïté dont vous parlez ?

Franchement non, car alors nous dirions que deux plus deux égalent cinq.

Ce document n’est donc pas sérieux pour vous ?

Je ne pense pas qu’il puisse aider. C’est une bonne illustration de la position du Pape, qui tente de supprimer toute espèce d’idée d’opposition entre l’Eglise du passé et Vatican II et les reformes. Et il le fait en disant, écoutez, l’Eglise ne peut être en contradiction avec elle-même, aussi le passé et le présent doivent être uns. C’est bien, mais qu’en est-il en fait ? Aussi mon sentiment quand je lis cette déclaration, est-il que, et bien, ce sont des paroles sympathiques mais la réalité reste réellement dans la confusion. Je trouve ce texte très confus.

Pour en revenir au Cardinal Castrillon, il a déclare dans une récente interview qu’avec Summorum Pontificum, la porte était grande ouverte pour un retour de la FSSPX à la pleine communion. Il a précisé : “Si, après cet acte, ce retour n’avait pas lieu, je ne serais vraiment pas capable de le comprendre.” Certains diraient dès lors que vous faites des difficultés inutiles — que vous devriez vous réconcilier et qu’alors ces points pourraient être discutés.

C’est un point de vue. Le point de vue du Cardinal Castrillon a toujours été de résoudre le problème pratiquement, sans discussions. Signons le document, l’accord, et ensuite nous discuterons. C’est sa position.

Nous disons, nous voudrions bien, mais nous ne le pouvons, car si nous le faisions, demain nous serions face au meme problème que celui que nous avons aujourd’hui. Nous craignons que, si cela se produisait, alors nous serions demain l’objet des mêmes censures que celles dont nous sommes frappés aujourd’hui. Donc nous devons d’abord discuter et clarifier les choses.

Vous pensez donc être plus efficaces pour atteindre vos objectifs dans l’état où vous êtes que si vous étiez à l’intérieur de l’Eglise ?

Nous craignons qu’un accord maintenant ressemble de quelque manière à une duperie. Nous voulons la vérité, toute la vérité, et la justice et la charité bien sûr. Nous ne voudrions pas faire quelque chose qui soit un mic-mac.

Quelle direction voudriez-vous voir prendre avant tout le Vatican aujourd’hui ?

Continuer dans cette direction ; c’est un très bon départ. Nous sommes réellement reconnaissants au Pape et nous comprenons qu’il ait dû faire face à une très, très forte opposition de la part de nombre de conférences épiscopales. Aussi lui sommes-nous réellement reconnaissants.

Pensez-vous que cela constitue pour vous en quelque sorte une revanche, qui valait la peine de combattre et qui peut-être vous rendra, vous et la FSSPX, encore plus convaincus de votre propre position ?

Je n’ai jamais vu les choses de cette manière. Notre souci, c’est d’aller au Ciel, d’être sauvés et, disons, le bien de l’Eglise. Si tout va bien pour l’ensemble de l’Eglise, nous sommes à peu près certains que cela ira bien pour nous aussi.

Dans sa lettre d’explication du motu proprio, la pape a dit que ni la connaissance de l’ancienne liturgie, ni celle du Latin, n’étaient communes chez les prêtres aujourd’hui, faisant ainsi observer qu’ils ne seraient pas largement utilisés en tout cas. Est-ce un problème pour vous, le fait qu’il n’y aura pas cette renaissance de l’ancien rite, en laquelle vous placez votre espoir ?

Nous avons toujours considéré cela comme un long processus. Il est tout à fait évident qu’au jour d’aujourd’hui, ceux qui se saisiront de l’opportunité qui leur est offerte seront peu nombreux. Mais cela est normal, puisque, comme le dit le Pape, beaucoup ignorent qu’il existe un ancien rite ou ne savent pas le Latin. Il est donc normal que cela prendra du temps, mais nous sommes sûrs que si cette opportunité leur est offerte, et s’ils ont une idée de ce en quoi ce rite consiste, alors il n’y a pas de doute, cela viendra.

Et à mesure que le rite s’étendra, l’Eglise deviendra peut-être plus favorable à vos propres vues. Est-ce ainsi que vous voyez les choses ?

Vous avez tout à fait raison. Cette Messe apporte un nouvel esprit, et un esprit qui est bien plus profond — qui va beaucoup plus profond. Et oui, c’est ce que nous voulons.

N’êtes vous pas inquiet qu’il ne puisse créer des divisions ?

Je n’ai aucune crainte à ce sujet. Comme je l’ai dit, pour le moment, il concerne si peu de gens, que l’on ne peut réellement pas parler de division. Si les choses se passent graduellement, il n’y aura pas de division. Je n’ai pas grandes craintes à ce sujet.

Est ce que le fait que très peu d’évêques s’y soient opposés vous inquiète ?

Et bien nous souhaitons que les évêques auront la bonne attitude envers le Saint Père. C’est tout ce que je puis dire.

On dit que le vrai problème de cette dispute est l’orgueil, que c’est l’orgueil des membres de la FSSPX qui vous retient du retour à l’Eglise, et que vous êtes en train de protester d’une manière semblable aux Protestants. Que répondez-vous à cette accusation ?

La réponse est la suivante : Quand le Protestant proteste, il défend son opinion propre. Nous n’avons pas d’opinion propre. Nous parlons de ce que nous avons reçu, de ce que l’on nous a enseigné depuis notre enfance. Aussi, ce dont nous parlons, c’est l’enseignement de l’Eglise, l’Eglise Catholique.

Ce que nous disons aux autorités de l’Eglise c’est : Comment pouvons-nous encadrer cet enseignement auquel nous sommes obligés d’adhérer, dans l’enseignement nouveau qui est venu après le concile ? Ainsi, c’est ce que nous disons. Ce n’est pas une défense personnelle, mais nous exigeons la vérité, et tout Catholique, je pense, a droit à cette vérité .

Mais bien sûr, les Protestants diraient de même en ce qu’ils argüeraient qu’ils recherchent la vérité et le font à leur manière. Vous n’admettez pas ce point de vue ?

Non, nous rejetons totalement cette attitude qui dit je veux croire de mon propre point de vue. Si le Pape devait prononcer un Dogme infaillible, nous l’accepterions immédiatement car nous croyons au Pape, nous acceptons le magistère. Mais nous savons que le Concile n’a jamais voulu exprimer cette volonté de prononcer une déclaration infaillible [sur les réformes du Concile]. Aussi savons-nous que le degré d’adhérence à cet enseignement est, de loin, bien inférieur à celui qui est exigé par une déclaration infaillible.

Le Concile, les évêques, ont demandé : Qu’y a-t-il d’infaillible dans ce Concile ? Et il existe cette fameuse note, la réponse du secrétaire du Concile, dans laquelle il est précisé : ce qui est infaillible dans ce concile est ce que le Concile a déclaré être infaillible, et vous ne trouvez nulle part où l’infaillibilité soit impliquée. Tout ce que le Concile a dit : Nous voulons être pastoral. Mais si vous êtes pastoral, vous voulez parler de déclarations qui sont liées aux circonstances et, absolument, s’il en est ainsi, l’Eglise ne veut en aucune manière se lier elle-même par le degré d’une définition infaillible ou d’un dogme.

Mais si l’Eglise avait déclaré ce Concile infaillible, cela vous aiderait-il beaucoup ?

Je ne dirais pas que cela nous aurait aidés, nous aurions simplement obéi, mais bien sûr, quand il est question d’infaillibilité, il est très évident qu’il ne saurait exister ce type de contradiction. Nous la trouvons dans les documents qui, la plupart du temps, sont caractérisés par l’ambiguïté.

Pourtant l’Eglise affirme que ces documents sont corrects, et que c’est la manière dont ils sont interprétés qui est fautive.

L’ambiguïté se trouve dans le texte. Nous disons que c’est le texte qui constitue le problème, car il conduit à une autre interprétation possible.

Vous voyez, le simple fait qu’il soit dit qu’il faille “interpréter” le Concile, que le Concile doive être interprété à la lumière de la tradition, comme le dit le Pape actuel, signifie qu’il existe d’autres interprétations possibles.

Nous disons que le texte qui provient d’un Concile devrait être suffisamment clair pour ne pas avoir besoin d’une telle interprétation. Il devrait être suffisamment clair par lui-même, car si vous avez besoin d’une interprétation, vous avez besoin d’un second texte. Et dès lors vous accordez plus de valeur au second texte qu’à celui du Concile, ce qui est absurde — de mon point de vue.

Ne pensez-vous pas, pourtant, que ces choses, la signification du texte, doivent évoluer avec le temps et ainsi devenir plus claires et moins ambigües ?

Vous avez un texte. Les mots qui ont été utilises, ont été choisis expressément pour être ambigus. Cela est reconnu par tant de spécialistes et théologiens de l’Eglise. C’est un fait, et nous n’y pouvons rien. C’est vrai, ça existe.

Aussi cela signifie que l’Eglise aura le devoir de le clarifier dans le futur. Et ce texte est sorti hier [“Réponses à quelques questions concernant certains aspects de la Doctrine sur l’Eglise”], nous n’en sommes pas très contents, mais c’est une tentative de clarification.

Ainsi vous accueillez cette tentative ?

Exactement.