LE DOGME DE L'INFAILLIBILITÉ

par Mgr DE SEGUR

quatriéme édition

PARIS LIBRAIRIE SAINT-JOSEPH, TOLRA, LIBRAIRE-ÉDITEUR

28, RUE D'ASSAS ET RUE DE VAUGIRARD, 76

1896

Le jour même où le Souverain Pontife Pie IX, de concert avec le Concile œcuménique du Vatican, proclamait le dogme de l'infaillibilité, je fis paraître un petit opuscule populaire, intitulé : Le Pape est infaillible. J'y exposais simplement, en dehors de toute polémique, la doctrine de l'infaillibilité du Chef de l'Église, répondant, par cet exposé même, aux objections banales popularisées par la presse contre cet article de foi.

En déposant cet opuscule aux pieds du Saint-Père, j'osai demander à Sa Sainteté de daigner bénir un autre travail, sur le même sujet, mais plus étendu et destiné aux gens du monde ; c'est le traité que je vous offre ici, cher lecteur.

Le Pape daigna m'envoyer à cette occasion le Bref suivant, qui contient la précieuse Bénédiction que j'implorais. Elle portera bonheur, je l'espère, et au livre et au lecteur.

PIE IX, PAPE.

Bien - aimé Fils, Salut et Bénédiction Apostolique !

La joie que vous Nous manifestez, au sujet de la définition de l'infaillibilité du Pontife Romain, lorsqu'il enseigne du haut de la Chaire de saint Pierre, concorde pleinement avec votre foi si connue et avec votre profond dévouement envers le Saint-Siège ; et la série non interrompue de vos actes en fait ressortir la vivacité beaucoup plus encore que vos paroles. Sans doute il eût été désirable que la foi tranquille et constante du peuple chrétien au sujet de ce dogme n'eût pas été ébranlée (comme elle l'a été) par tant de coupables efforts et par tant d'artifices ; mais puisque ces violentes discussions ont ainsi ébranlé la foi d'un grand nombre et les ont fait dévier de la doctrine qu'ils avaient sucée avec le lait, Nous trouvons que vous faites une œuvre très utile en vous appliquant à réfuter les objections et à éclairer les esprits des simples. Comprenant ainsi et voyant clairement la vérité, ils soumettront plus facilement et plus volontiers leur jugement à cet oracle de l'Eglise, auquel ils ne sauraient désormais, sans péché grave, refuser leur assentiment.

Donc, Nous avons accueilli avec le plus grand plaisir votre petit opuscule ; et Nous sommes heureux d'apprendre que vous en préparez un autre où vous exposerez le même sujet avec plus d'étendue.

Et, puisque vous Nous donnez par là une nouvelle preuve de votre attachement, Nous vous en témoignons Notre vive gratitude, et Nous prions DIEU de seconde abondamment votre piété et votre zèle. Comme gage de la grâce divine et en témoignage de Notre paternelle bienveillance, Nous vous donnons de tout Notre cœur la Bénédiction Apostolique.

Donné à Rome, près Saint-Pierre, le 8 août 1870, vingt-cinquième année de Notre Pontificat».

Le présent opuscule était presque terminé lorsque les châtiments divins fondirent sur notre pauvre France. Mais, pour avoir été retardée de plus d'une année, cette publication n'est pas devenue inutile, ni même inopportune. Hélas ! non ; le feu des révoltes et des erreurs couve encore sous la cendre; et tout fait craindre que, battu sur le terrain désormais l'opposition hérétique du gallicanisme, le parti de l’opposition au Saint-Siège n'ait le dessein, plus ou moins arrêté, de recommencer sa déplorable campagne sur le terrain, bien plus brûlant encore, du libéralisme. On se tait ; mais y a-t-il entière soumission de l'esprit ?

Ce sont donc malheureusement des questions pleines d'actualité que nous avons à traiter ici. Nous le ferons, DIEU aidant, avec toute la franchise, toute l'énergie que donne la foi, et aussi avec tout le zèle qu'inspire une ardente charité, à la vue de tant de milliers d'âmes que menacent des préjugés mortels.

Que si je ravive par là des souvenirs amers, je suis le premier à le déplorer; mais il s'agit de préserver la foi de quantité de jeunes gens, de quantité de personnes pieuses, que pourraient éblouir encore deux ou trois noms devenus trop célèbres. Devant un bien si considérable, il importe peu, si je ne me trompe, de courir le risque de froisser quelques susceptibilités.

J'offre avec confiance ce petit travail, avant tout consciencieux, aux hommes intelligents qui ont le bonheur de mettre au-dessus de tout la foi et la vérité.


CONCLUSIONS PRATIQUES

I

Croire et professer l'infaillibilité pontificale

Devant le décret dogmatique de l'infaillibilité, inclinons avec amour notre jugement et notre volonté, et croyons sans restriction aucune à la vérité révélée que l'infaillible Eglise vient de définir.

Avant le 18 juillet, on pouvait dans une mesure hésiter encore ; depuis, on ne le peut plus. On est catholique ou on ne l'est pas ; on croit à l'enseignement infaillible de l'Eglise ou l'on n'y croit pas ; si vous êtes catholique, si vous avez la foi, soumettez-vous d'esprit et de cœur, intérieurement et extérieurement ; et croyez à la vérité révélée de l'infaillibilité pontificale, comme vous croyez à toutes les autres vérités révélées du symbole. Croyez-y pour la même raison.

DIEU parle par Son Eglise : l'Eglise assemblée en Concile général, l'Eglise infaillible dans tous ses décrets, vient de définir l'infaillibilité de son Chef lorsqu'il parle comme Souverain Pontife : donc, je crois. Je me soumets entièrement à cet enseignement infaillible, comme à la parole de DIEU même.

II

Il le faut, sous peine de péché mortel et d'hérésie.

Quiconque hésiterait à faire immédiatement cet acte de foi, tomberait dans le crime d'hérésie.

L'hérétique est le chrétien, quel qu'il soit, qui refuse de croire intérieurement et de professer extérieurement une doctrine, définie par l'Eglise comme dogme de foi. Or, l'Eglise vient de définir ainsi l'infaillibilité du Pape.

Il n'y a plus désormais «d'opinion gallicane». Désormais, gallican est synonyme d'hérétique ; et il n'est plus permis en conscience d'être gallican. Ce n'est plus une opinion : c'est une erreur formelle contre la foi, une hérésie proprement dite. Personne, ni laïque, ni prêtre, ni Evêque, personne au monde ne peut plus la soutenir, sans cesser par là même d'être orthodoxe.

«Les Constitutions promulguées dans le Concile sont authentiques, disait en revenant de Rome le docte Mgr Freppel .Je les déclare dûment et suffisamment promulguées pour le diocèse, par le seul fait de leur proclamation au sein du Concile général ; je dois vous rappeler en même temps que les définitions dogmatiques d'un Concile général confirmé par le Pape ont droit à une soumission pleine et entière de la part de tous les chrétiens; que c'est pour tous un devoir strict et rigoureux d'y adhérer de cœur et d'âme, comme à la parole de DIEU même, et que quiconque se mettrait en opposition avec elles, fût-il prêtre ou Evêque, se retrancherait par là même de la communion de l'Eglise; il quitterait le droit chemin de la vraie foi, pour aller se perdre misérablement dans les voies tortueuses du schisme et de l'hérésie».

Les Pères du Concile sont eux-mêmes liés par cette règle. Ils sont obligés, comme les plus humbles des fidèles, de se soumettre de cœur et d'esprit.

«Ils ne pourraient sans crime, disait Fénelon, à l'occasion d'un décret apostolique moins solennel que celui du Vatican, ils ne pourraient sans crime hésiter et délibérer s'ils doivent adhérer ou s'opposer à la définition commune déjà proclamée. Ce serait un acte évident de schisme, de trahison, d'hérésie».

Mgr Manning, le savant et pieux Archevêque de Westminster qui a été une des plus fermes colonnes du Concile, dit également, au sujet du décret de l'infaillibilité :

«Ceux qui diffèrent leur assentiment aux Actes du Concile, sous le prétexte qu'il n'est pas terminé, sont en danger de perdre la foi. Ceux qui rejettent les définitions conciliaires du Vatican sont déjà tombés dans l'hérésie» (Histoire du Concile, chap. I).

III

C'est avant tout le Pape qu'il faut suivre.

Ne nous laissons éblouir par aucun nom, par aucune gloire ; nous avons cet honneur unique, nous autres catholiques, de ne reconnaître que DIEU seul, que JÉSUS-CHRIST pour docteur et pour Maître. Nous ne sommes les disciples d'aucun homme sur la terre ; et si nous obéissons au Pape et à l’Episcopat, c'est que JÉsus-CHRIST nous commande, nous enseigne, nous régit par leur ministère.

Le Pape, Chef de l'Episcopat, vient d'être déclaré infaillible : c'est à JÉSUS-CHRIST que nous obéissons lorsque nous recevons humblement, amoureusement la parole de son Vicaire.

Mais lorsque nous abandonnons cette voie pour suivre tel ou tel Docteur, fût-il prêtre, fut-il même Evêque, ce n'est plus à DIEU, c'est à l'homme que nous adhérons; et cela est indigne d'un chrétien.

«Nous n'écouterons, vous n'écouterez vous-mêmes, écrivait de Rome à ses diocésains le savant Evêque d'Angoulême (Mgr Cousseau), vous n'écouterez ni la voix de la chair et du sang, ni les anciennes relations de société, ni les affections particulières, ni les admirations les plus enthousiastes pour tel ou tel talent d'orateur ou d'écrivain, ni les engagements dans tel ou tel parti politique, ni même la reconnaissance pour les services rendus à l'Eglise, si on les invoquait aujourd'hui pour la combattre. C'est l'Eglise, l'Eglise seule qu'il nous faut toujours suivre et écouter, non point ce Prêtre et cet Evêque en particulier, qui nous agrée davantage, mais celui qui est chargé par l'Eglise de nous conduire, et qui se laisse conduire lui-même par le Conducteur de tout le troupeau de JÉSUS- CHRIST» (Rome, mai 1870).

«Je ne connais ni Paulin, ni Mélèce, disait jadis saint Jérôme au Pape saint Damase, c'est uniquement à Votre Béatitude que je m'attache. Que faut-il croire, que faut-il dire?» - Telle est la règle de l'obéissance catholique ; il faut la suivre maintenant comme alors, comme toujours.

Et nous non plus, nous ne connaissons ni celui-ci ni celui-là ; c'est uniquement au Pape, à Pie IX, à son enseignement infaillible, à son autorité suprême, que nous nous attachons et que nous voulons rester attachés.

On citait dernièrement une parole étrange, échappée à un lecteur assidu des revues et journaux de l'opposition libérale :

«Lors même que je verrais le Pape avec tous les Evêques d'un côté, et de l'autre Mgr un tel, je n'hésiterais pas. Je ne dirais rien, parce que je n'aime point le scandale ; mais je ne pourrais m'empêcher de croire que Mgr un tel a raison et que tous les autres se trompent, y compris le Pape».

Voilà où l'on en arrive lorsque, dans les choses religieuses, on s'attache à l'homme et non à DIEU. Ce n'est plus de la foi : c'est de la superstition, du fétichisme. Ce n'est plus de l'obéissance : c'est de l'aveuglement.

Ce propos, que peut seule excuser l'ignorance, est le contre-pied de la belle réponse, donnée jadis par le Cardinal d'Astres, Archevêque de Toulouse et que son vénérable successeur rappelait naguère à son clergé. Interrogé sur ce qu'il conviendrait de faire dans le cas, chimérique sans doute, où tous les Evêques du monde seraient d'un côté, et le Pape seul de l'autre côté, le Cardinal répondit :

«Il faut aller vers le Pape. On ne court jamais risque de s'égarer quand on va vers le centre»

Donc, allons toujours au Pape ; par lui seul, Jésus-CHrIsT nous enseigne et nous guide infailliblement. Il n'y a qu'une tiare dans le monde : regardons-la, par-dessus toutes les têtes, par-dessus toutes les couronnes, par-dessus toutes les mitres ; et suivons, vénérons les mitres, les couronnes, les têtes, à proportion qu'elles sont dans l'alignement de la tiare.

Avec cette règle, il est impossible de s'égarer.

IV

La pierre de touche, en matière de doctrine.

A la lumière du décret de l'infaillibilité et de tout ce qui l'a préparé et accompagné, apprenons à juger plus sainement, et des doctrines, et des institutions, et des hommes.

«Ne jugez pas selon l'apparence, mais portez un jugement juste», nous dit l'Ecriture La justesse du jugement dépend uniquement de la vérité dont il est l'expression. Or, en matière de doctrines, voici que nous avons désormais une règle immuable, un phare sans ombre : c'est l'enseignement, l'enseignement infaillible du Souverain Pontife. Avant le décret du Vatican, nous l'avions déjà sans doute ; mais il ne brillait pas d'un éclat aussi incontesté.

Voulons-nous savoir ce que vaut, au point de vue de la foi (et par conséquent de la vérité), une doctrine quelconque, ce que vaut un livre, ce que vaut un auteur, un savant, un professeur, une revue, un journal, une maison d'éducation ? Allons droit au fait ; voyons comment cet homme, comment cette institution, comment ce livre, ce journal parle du Pape, respecte pratiquement son autorité, se conforme à son enseignement. Voilà la pierre de touche, où l'or pur se distingue immédiatement du cuivre doré.

«Le seul moyen d'échapper à une folle crédulité qui déshonore la raison, c'est d'écouter la voix du Chef de l'Eglise, non seulement en matière de foi, mais même dans les choses les plus ordinaires de la vie. Là se trouve le vrai point d'appui de l'intelligence, de la saine philosophie, de la vraie science, de toute morale sérieuse, et même de la bonne pratique des intérêts sociaux» (Lettre circulaire de Mgr de Rodez. Rome, 2 juillet 1870).

Mais c'est surtout quand il est question de doctrines religieuses, d'enseignement ecclésiastique proprement dit, de foi, de morale, de piété, de directions de conscience, de pratiques des sacrements, etc., que l'enseignement infaillible de Rome est la pierre de touche qui va nous aider à discerner le vrai du faux ; et cela, sans contestation possible. Pour mériter notre confiance, il faut que l'on soit d'accord avec l’enseignement de Rome, pleinement et totalement d'accord.

Je le répète : c'est là la grande pierre de touche. Bénissons I'Esprit-Saint et le Concile, qui viennent de nous la donner.

V

Ce qu'il faudrait faire en cas de schisme et de division.

Il est un cas douloureux, qu'il est nécessaire de prévoir.

Dans tous les siècles, il y a eu des prêtres apostats, et même des Evêques apostats ; oui, des Evêques. Au milieu des agitations du nôtre, cet affreux scandale nous sera-t-il épargné ? Sera-t-il épargné à l'Europe, à la France ? DIEU le veuille ! Mais enfin, si l'esprit de révolte venait à briser quelqu'une des colonnes du temple ; si l'orgueil et la passion venaient à séparer de l'unité catholique quelque prêtre, quelque Evêque, que faudrait-il faire ? Demeurer inébranlable dans la foi de Pierre, dans la foi du Pape infaillible. Là où il est, là est l'Eglise, et là seulement.

«Lorsque, par malheur, il se rencontre quelqu'un de ces orateurs, de ces écrivains qui se tournent contre l'Eglise après lui avoir prêté d'abord un utile concours, nous devons déplorer sa perte, sans en trop craindre les fâcheuses conséquences. C'est un navigateur téméraire et indiscipliné, qui n'a voulu prendre conseil que de sa présomption. Un coup de vent l'a emporté à la mer. Tous les moyens de sauvetage seront mis à sa disposition; s'il les repousse, il sera misérablement submergé par les flots, tandis que l'impérissable vaisseau, d'où il sera tombé par sa faute, poursuivra sa route et sera poussé au port par les tempêtes mêmes qui semblaient devoir le briser et l'engloutir» (Lettre pastorale de Mgr Régnier, Archevêque de Cambrai. Rome, mai 1870).

Saint Augustin allait plus loin : Commentant la parole de saint Jean : «Ils sont sortis du milieu de nous, mais ils n'étaient point des nôtres ; car s'ils eussent été des nôtres, ils seraient demeurés avec nous», le grand Docteur ne craint pas de dire :

«Ces hommes sont dans le corps de Jésus-Christ comme des humeurs mauvaises. Le corps devra les vomir, afin de retrouver la santé. Ainsi l'Église éprouve du soulagement quand ces mauvais esprits la quittent. Elle dit en les vomissant et en les rejetant hors de son sein : «Ce sont là des humeurs morbides qui sortent de mon sein, mais qui n'étaient pas de moi. Qu'est-ce à dire, n'étaient pas de moi ? Cela veut dire qu'elles n'ont pas été retranchées de ma substance. Elles n'étaient dans mon sein que pour l'accabler. Ne vous attristez donc pas de leur sortie : je n'ai rien perdu de ce qui était vraiment à moi». Avis aux opposants, passés, présents, futurs.

En 1860, dans une tournée pastorale, le bon Mgr Georges, ancien Evêque de Périgueux, demandait un jour à un petit garçon de la campagne si c'était le Pape ou bien le gouvernement qui lui avait donné, à lui, Evêque de Périgueux, la puissance d'enseigner la religion aux fidèles et de leur administrer les sacrements. Le petit bonhomme avait répondu sans hésiter : "Monseigneur, c'est le Pape"

- "Bien, mon garçon, reprit l'Évêque. Mais si, après moi, le gouvernement envoyait ici un Evêque dont le Pape ne voudrait pas, un Evêque qui ne serait pas envoyé par le Pape ?"

L'enfant, ne sachant trop que répondre, secouait la tête avec un air d'indignation.

- "Lui obéirais-tu ?" continua Mgr Georges.

- "Non, dit brusquement le petit garçon"

- "Mais si tu le voyais arriver avec une belle soutane violette, avec une belle mitre d'or, avec une belle crosse ?... Que ferais-tu ?"

- "J'y jetterais des pierres !"

L'Evêque rit de bon cœur, et après avoir embrassé son énergique petit diocésain, il lui recommanda de rester toujours bien fidèle au Pape et aux Evêques du Pape.

Sans aller jusqu'à jeter des pierres, il faut savoir résister, le cas échéant, à un Evêque en révolte contre le Pape. En ce cas, on ne résiste que pour obéir : on résiste au colonel, pour obéir au général.

Si, à l'occasion des condamnations portées par le Concile du Vatican ou par le Saint-Siège, un Evêque (ce qu'à DIEU ne plaise !) voulait demeurer dans des voies désormais interdites, il faudrait refuser énergiquement de le suivre. Ce n'est pas son clergé, ce n'est pas son peuple qui se séparerait alors de lui : ce serait lui qui, se séparant du Saint-Siège et brisant au-dessus de lui le lien de la hiérarchie, le verrait se briser nécessairement au-dessous.

A plus forte raison en serait-il ainsi d'un curé par rapport à ses paroissiens, et d'un confesseur par rapport à ses pénitents. Avant tout, l'obéissance, l'obéissance catholique, l'obéissance au Pape, centre de l'unité catholique !

C'est l'obéissance des Pasteurs, dit éloquemment un de nos Evêques, qui doit enseigner l'obéissance des fidèles, comme la soumission des fidèles doit suivre avec docilité la soumission des Pasteurs.

Mais en pratique, sauf des cas tellement exceptionnels qu'ils prouvent la règle au lieu de l'infirmer, obéir au Pape, c'est obéir à son Evêque et à son curé. Notre curé nous transmet fidèlement l'enseignement et les directions de notre Evêque : et celui-ci ne fait qu'un avec le Pape dans son enseignement et dans sa direction. C'est comme dans la Trinité : l'unité de nature existe dans trois personnes distinctes ; ainsi l'unité de doctrine existe entre le Pape, l'Evêque et le Prêtre.

Si malheureusement quelque doute sérieux s'élevait sur cette parfaite communauté de sentiments et de directions, il serait permis, il serait même nécessaire de se tenir sur la réserve; mais pour autoriser une scission ouverte, il faudrait l'évidence.

VI

Demi-schisme et Demi-hérésie.

Y a-t-il, en ce temps-ci, à craindre des révoltes ouvertes, des hérésies, des schismes ? On ne le pense généralement pas. Un Prélat des plus influents, à qui l'on rapportait un jour qu'on le soupçonnait de vouloir se mettre à la tête d'un schisme, répondait, dit-on, en haussant les épaules : «Quelle folie ! Je ne serais suivi de personne, pas même de mon secrétaire».

II avait vingt fois raison. Le rationalisme et l'indifférence, les erreurs du jour, ne sont guère compatibles avec une hérésie proprement dite : ou l'on croit, et l'on est catholique ; ou l'on ne croit pas, et l'on cesse d'être chrétien.

Mais, ce qui pourrait peut-être bien arriver, sous le couvert de tels ou tels gouvernements soi-disant catholiques, c'est qu'il se formât insensiblement je ne sais quel demi schisme politico-religieux, je ne sais quelle demi-hérésie mesquine, taquine, vexatoire, s'accrochant à des détails et harcelant le camp fidèle, qu'elle n'oserait point attaquer de front.

Si ce mal venait à se manifester, il serait certainement l'effet de l'ignorance religieuse, des préjugés et des faiblesses des catholiques libéraux, et surtout de l'influence malsaine des gouvernements sur certains membres du clergé. Il aurait pour apôtres les journalistes du tiers-parti, qui croient qu'on peut plaire à tout le monde, et qu'un chrétien peut, sans blesser sa conscience, esquiver les décisions et les directions du Saint-Siège, sous prétexte de nécessités politiques, de nécessités du temps, de raisons d'Etat, et autres faux-fuyants de ce genre.

Un homme averti en vaut deux, dit le proverbe. Veillons sur nous; sauvegardons l'avenir de notre fidélité ; et dans ce but, fermons l'entrée de notre maison aux revues, aux journaux, aux productions du libéralisme. Instruisons-nous très solidement, et puisons uniquement notre instruction religieuse auprès des hommes et dans les livres qui font profession d'être catholiques avant tout[1].

VII

Les dames.

Que les dames veuillent bien s'occuper de leur intérieur, de leur famille et de leurs bonnes œuvres, de leurs aimables et modestes travaux, et qu'elles ne fassent plus d'invasion dans le champ de la théologie ni du droit canonique.

Ce champ n'est pas plus fait pour elles que le champ de bataille. A moins d'être des Jeanne d'Arc, les darnes ne se battent point. L'austère théologie, le rude et positif droit canonique ne leur convient pas plus que l'épée ou le mousquet. Rien de ridicule comme une femme-homme : rien d'insupportable comme une femme théologienne. Quarante-neuf fois sur cinquante, elle parle de ce qu'elle ignore ; elle ne comprend pas le premier mot de ce qu'elle dit ; elle répète, comme une pie, ce qu'on lui a dit, et uniquement parce qu'on le lui a dit. Or, c'est encore ici l'expérience qui montre aux dames que les plus beaux parleurs ne sont pas toujours les plus sûrs docteurs. En matière de foi et de conscience, il faut tant se défier de l'engouement, de la passion et du parti pris !

Mgr de Cambrai, que j'ai souvent cité dans ce petit écrit, complimentait ses pieuses diocésaines de ne s'être pas laissé prendre, comme tant d'autres, aux piéges de ces discussions.

«Les conseils de Fénelon, écrivait-il de Rome, sont compris et observés dans nos familles les plus distinguées et les plus instruites. On ne trouve point parmi elles de ces femmes «qui se mêlent de décider sur la religion, quoiqu'elles n'en soient pas capables» ; - qui sont plus éblouies qu'éclairées parce «qu'elles savent, et qui se passionnent pour un parti contre un autre dans les disputes qui les surpassent». - Nos pieuses dames «sentent combien cette liberté est indécente et pernicieuse». Elles ne «raisonnent point sur la théologie, au grand péril de leur foi ; elles ne disputent point contre l'Eglise». Leur vie sérieuse et toujours chrétiennement occupée se partage entre les devoirs de leur état et les œuvres que la charité leur demande».

II est parfaitement permis aux femmes de s'occuper de religion et de doctrine ; elles le doivent même ; car, pour la femme comme pour l'homme, la religion est la grande affaire de la vie ; mais elles doivent s'en occuper en femmes, en chrétiennes douces et modestes, profondément soumises à l'Eglise, et obéissantes en cela comme en tout.

Du temps du jansénisme, c'est principalement au moyen des grandes dames que la secte s'est propagée ; les salons de Paris et, en Province, les grands châteaux abondaient en théologiennes, qui citaient des textes, commentaient saint Augustin, se moquaient du Pape et de Rome. Dans la querelle de l’infaillibilité, nous avons eu une reproduction de cette campagne, et nous avons vu avec stupéfaction des centaines et des centaines de dames pieuses, discuter sur le Pape Honorius, sur les fausses décrétales, sur l'unanimité morale, etc., etc. ; nous les avons vues préférer un Evêque, un prêtre, un journal à l'autorité du Chef de l'Eglise et d'un Concile œcuménique.

Evidemment les dames, même les plus grandes, même les meilleures, ne sont pas nées pour la philosophie ni pour la théologie.

Une bonne petite histoire à ce sujet.

Une dame, fort bien mise, se présente un jour au couvent des Pères Capucins de ***. Elle demande le Père un tel, dont la réputation de bonté était arrivée jusqu'à elle.

- «Mon Père, lui dit-elle, il m'arrive une chose assez singulière. Figurez-vous que mon confesseur refuse de me donner l'absolution, uniquement parce que je ne veux pas croire à l'infaillibilité du Pape. Je ne peux pas y croire, c'est plus fort que moi».

Le Capucin, avec un air de bonhomie, répond aussitôt :

- «Comment ! votre confesseur vous refuse l'absolution pour cela ? Eh bien, moi, je vous la donnerai.

- Vous allez me la donner? Oh! mon Père, que vous me faites donc plaisir !

- Oui, je veux vous la donner sans aucune difficulté.

- Mais alors, pourquoi mon confesseur me la refuse-t-il ?

- Eh ! c'est qu'il vous prend pour une autre.

- Comment, pour une autre ? il me connaît depuis longtemps.

- Et moi, je vous dis qu'il vous prend pour une autre ; il vous prend pour une personne instruite.

- Pour une personne instruite ! Que voulez-vous dire par là ? Je ne suis pas une ignorante.

- Je ne dis pas cela ; mais vous ne savez pas ce que c'est que l'infaillibilité du Pape. Ces questions-là, voyez-vous, ne sont pas du domaine de tout le monde; et les trois quarts des dames qui font la controverse aujourd'hui sur le dos du Pape n'y entendent rien».

Et profitant de l'espèce de surprise qu'avait causée à cette dame une réponse si peu attendue, il lui expliqua doucement et très simplement l'état de la question. Pour la première fois, la bonne dame y vit clair.

- Comment ! dit-elle, ce n'est que cela, l'infaillibilité ? Mais alors j'y crois bien volontiers.

- Vous voyez bien, repartit finement le Capucin, que vous pouvez parfaitement recevoir l'absolution».

Les pauvres femmes surtout, qui n'ont pas grâce d'état sur le terrain de la théologie et du droit canonique, ont été séduites par les sophismes. Le grand art des tenants de l'opposition consistait, en effet, à embrouiller les questions les plus claires. C'est ce que disait le Saint-Père lui-même, il n'y a pas longtemps :

«Il importe avant tout de repousser les tentatives de ceux qui cherchent à fausser l'idée de l'infaillibilité. Quelques-uns voudraient m'entendre expliquer et éclaircir la définition conciliaire. Je ne le ferai pas. Elle est claire par elle-même, et n'a besoin ni de commentaire ni d'explications. Il suffit de lire le décret avec un esprit sincère ; son vrai sens se présente facilement et tout naturellement» (Réponse à la députation de l'Académie de la Religion catholique de Rome, juillet 1871).

VIII

Les Jeunes Gens.

Un mot encore, à l'adresse des jeunes gens. Eux aussi ont fait pour la plupart une triste campagne, à la suite des chefs de file que chacun sait. En vrais jeunes gens, la plupart se sont laissé séduire par le talent du brillant orateur, par l'ardeur du polémiste, par le charme romanesque du poète subitement transformé en Docteur de l'Eglise. Dans nos grandes villes surtout, Dieu sait à quels excès de paroles ils se sont laissé emporter ! DIEU sait ce qu'ils ont dit contre le Concile et contre le Souverain Pontife !

Ils ne lisaient que les feuilles libérales, hostiles à une doctrine dont ils ne comprenaient point la portée ; et, semblables en cela aux belles théologiennes dont nous parlions tout à l'heure, ils présentaient le plus singulier mélange de foi et d'impiété, de pratiques religieuses et de blasphèmes contre la foi. Ce qui les excusait, c'était leur âge, c'était cette étourderie même dont ils étaient les premières victimes.

Un beau jour, ils s'étaient réveillés gallicans, parce qu'ils avaient eu l'imprudence de s'endormir libéraux. Le libéralisme est, en effet, une erreur, une erreur très subtile et très dangereuse, ainsi que le Pape l'a proclamé énergiquement, en répondant naguère à une députation de catholiques français :

«Mes chers enfants, leur a-t-il dit, il faut que mes paroles vous disent bien ce que j'ai dans mon cœur. Ce qui afflige votre pays et l'empêche de mériter les bénédictions de DIEU, c'est ce mélange de principes. Je dirai le mot et je ne le tairai pas : ce que je crains, ce ne sont pas tous ces misérables de la Commune de Paris, vrais démons de l'enfer qui se promènent sur la terre. Non, ce n'est pas cela ; ce que je crains, c'est cette malheureuse politique, ce libéralisme catholique, qui est le véritable fléau. Je l'ai dit plus de quarante fois ; je vous le répète, à cause de l'amour que je vous porte !» (juin 1871).

Oui, le libéralisme est le grand danger de notre jeunesse catholique. Tout voilé qu'il est sous les dehors sympathiques de la liberté, il n'en est pas moins une erreur dogmatique très profonde, intimement liée au gallicanisme. Ce que le gallicanisme avait fait et déclaré en 1682, le libéralisme l'a fait et déclaré en 1789 : l'un proclamait l'indépendance du roi vis-à-vis de l'Eglise, et, quoique moins clairement, l'indépendance des Evêques vis-à-vis du Pape ; l'autre, plus hardi, a proclamé l'indépendance de la société civile vis-à-vis de la société spirituelle, l'indépendance de l'Etat vis-à-vis de l'Eglise, de la raison vis-à-vis de la foi, de la science vis-à-vis de la révélation ; en un mot, de la nature vis-à-vis de la grâce. Nos jeunes libéraux, tout catholiques qu'ils étaient par le cœur, étaient donc naturellement de jeunes gallicans; gallicans en herbe, ils étaient libéraux en fleurs.

Tout cela, je le répète, ce n'était que de la présomption de jeunesse et de l'inexpérience; mais que nos jeunes chrétiens prennent garde à eux : voici le gallicanisme solennellement condamné comme hérésie ; qu'ils s'arrêtent, tandis qu'il en est temps encore, et qu'ils soient catholiques comme on doit l'être, comme Notre-Seigneur veut qu'on le soit. Et comment veut-Il qu'on le soit ? En tout. Catholique comme le Pape, catholique avec le Pape, catholique autant que le Pape : telle est la règle, aussi simple que féconde.

Oh! que nos jeunes chrétiens doivent veiller avec respect sur le trésor de leur foi ! Ils sont l'espérance de l'avenir : s'ils sont fidèles à Jésus-ChrisT, un brillant avenir est réservé à l'Eglise. La responsabilité est immense ; mais elle est magnifique.

IX

Les anciens adversaires de la définition.

Il leur reste, ce nous semble, un grand devoir à remplir, un devoir de conscience, un devoir de justice.

«Au moment de l'ouverture du Concile et depuis, dit l'excellente Revue des sciences ecclésiastiques (Novembre 1871), des prêtres et des Evêques se sont prononcés énergiquement contre la définition. Les uns écrivaient des observations et des lettres dont la conclusion fort nette était la non-existence du grand privilège des successeurs de saint Pierre, bien plus encore que l'inopportunité d'une définition. Les autres se faisaient les colporteurs de ces lettres et observations, et par leurs soins empressés une multitude de fidèles se sont rassasiés de cette nourriture malsaine. Il s'est même rencontré des prêtres assez audacieux pour prémunir les fidèles, du haut de la chaire, contre la doctrine de l'infaillibilité; et nous sommes en mesure d'affirmer que, dans tel séminaire, les directeurs se faisaient ouvertement les propagateurs des Observations de Mgr Dupanloup et des pamphlets de l'abbé Gratry.

«Ajoutons que le travail de ces actifs émissaires de l'erreur n'est point demeuré stérile. Beaucoup de personnes, hélas ! beaucoup de gens du monde, des femmes surtout, ont accepté l'enseignement des écrivains, des professeurs et des prédicateurs du parti, si bien qu'aujourd'hui encore l'on rencontre, plus souvent qu'on ne pense, des adversaires quand même de la définition. Raisonnez, priez, pressez : rien n'y fait. On vous répond : «Je m'en tiens aux Observations». Tout au plus obtiendrez-vous l'assurance d'un «silence respectueux» plus ou moins mal observé.

«Or, en pareil état de cause, voici la question, disons mieux, le cas de conscience qui se présente.

«Ces prêtres, ces professeurs, ces Evêques, dont l'active propagande a si bien fait les affaires de l'erreur, peuvent-ils se croire en règle avec Dieu et avec l'Eglise, par suite de leur adhésion pure et simple à la définition dogmatique de l'infaillibilité ?

«N'ont-ils pas, en outre, le devoir strictement rigoureux de détruire, autant qu'ils le pourront, les mauvaises impressions produites par eux dans l'esprit des fidèles ? Il est sûr, en effet, que, sans eux, la plupart des contradicteurs actuels du dogme de l'infaillibilité n'existeraient pas. Quelle femme eût jamais songé à invoquer contre le Concile du Vatican les prétendues erreurs de Libère ou d'Honorius, les fausses Décrétales et l'unanimité morale ?

«Eh bien, nous ne pouvons nous persuader que, pour ruiner l'échafaudage de sophismes élevé ainsi dans les têtes des simples fidèles, il suffise au prêtre ou à l'Evêque qui en est l'auteur, de dire froidement au public : «J'ai fait ma soumission». En présence d'une adhésion aussi sèche, bon nombre de fidèles seront certainement tentés de n'y voir autre chose qu'une sorte de silence respectueux, alors surtout qu'il s'agit d'hommes qui, avant le Concile, ne parlaient qu'en pleurant de leur tendre attachement à l'Eglise, et déclaraient qu'ils seraient les premiers à donner l'exemple d'une prompte et filiale obéissance au Saint-Siège.

«Si, comme on ne saurait en douter, la bonne foi animait ces prêtres et ces Evêques, il faut au moins reconnaître qu'en dehors de leur intention, ils ont fait beaucoup de mal aux fidèles, en leur rendant très difficile l'acte de foi, entier et sincère, au dogme de l'infaillibilité du Pape. Dès lors ils sont rigoureusement obligés à réparer leur imprudence, ou leur distraction ; absolument comme celui qui répétant de bonne foi une calomnie, ou allumant par inadvertance un incendie, est tenu, tenu en conscience, tenu en justice, de s'opposer aux progrès du feu ou de la calomnie, dès qu'il s'aperçoit de son erreur, de son imprudence.

«Et puis, le dommage ne grandit-il pas en raison de la gravité de ceux qui ont été la cause du mal ? Ils avaient de l'autorité. C'étaient des écrivains distingués, des prêtres, des confesseurs, des Evêques. Les fidèles se fiaient à leur savoir et à leur caractère. Ils ne croyaient pas possible une déception de la part de ceux qu'ils vénéraient comme leurs maîtres et leurs pasteurs. Ils acceptaient les faux raisonnements qu'on leur présentait ; ils se les rendaient familiers, et rejetaient d'avance toute conclusion qui ne serait pas celle de leurs docteurs.

«Pour qui pèse toutes les circonstances du scandale donné et reçu au sujet de l'infaillibilité, le doute est-il possible ? Oui, les auteurs du scandale sont rigoureusement tenus à le réparer de leur mieux, c'est-à-dire non pas seulement par un désaveu formel et explicite de leur conduite passée, mais encore par une réfutation détaillée, partout où besoin sera, de leur faux enseignement.

«Notre conclusion sera donc celle-ci :

«1° Quiconque a contribué à rendre difficile l'adhésion des fidèles au dogme de l'infaillibilité, est rigoureusement obligé de réparer le scandale qu'il a causé, et cela par tous les moyens dont il peut disposer. Conversations, discours, écrits, il doit employer tout cela partout où la chose le demande.

«2° S'il s'y refuse, il se rend indigne des sacrements, et le confesseur ne peut lui accorder le bénéfice de l'absolution

Ces deux conclusions pratiques de la docte Revue ne sont-elles pas évidentes ? Je les livre à la loi et à la bonne foi du lecteur.

Je dépose ce modeste travail entre les mains de la Vierge Immaculée, sous les auspices de laquelle s'est ouvert le grand Concile du Vatican. C'est elle, c'est MARIE qui, par les mains de l'Episcopat, vient de poser, sur la tête du Vicaire de son Fils, la couronne splendide de l'infaillibilité. Et de même qu'au Tu es Christus de saint Pierre, le Fils de DIEU avait répondu par le Tu es Petrus ; de même, au Tu es immaculata de Pie IX, la Mère de Diu vient de répondre par le Tu es infallibilis du Concile.

Et c'est justice : la proclamation de l'infaillibilité a été la digue pendant de la proclamation de l'Immaculée Conception; l'une est, comme l'autre, le dernier rayon de lumière qui semblait manquer encore à la couronne du Vicaire de DIEU, comme à celle de la Mère de DIEU.

Vive donc la Vierge Immaculée ! Vive le Pape infaillible ! Et à DIEU seul, honneur et gloire, sur la terre comme dans les cieux.

8 décembre 1871, en la fête de l'Immaculée Conception.

TABLE DES MATIERES

PREMIÉRE PARTIE : la doctrine de l'infaillibilité

Prologue. Des idées bizarres qui courent le monde, au sujet de l'infaillibilité

I. Ce que c'est que l'infaillibilité de l’Eglise

II. Sur quoi porte l'infaillibilité de l'Eglise

III. Comment l'infaillibilité du Pape n'est, au fond, que l'infaillibilité même de l'Église

IV. Que l'infaillibilité du Pape est clairement enseignée par Notre-Seigneur Lui-même dans l'évangile de saint Matthieu

V. Que l'infaillibilité pontificale est enseignée non moins clairement dans l'évangile de saint Luc

VI. Que l'évangile de saint Jean contient la même promesse

VII. Comme quoi le Pape est infaillible, par cela seul qu'il est l'Évêque du Siége Apostolique

VIII. Preuves péremptoires que, dans les sept premiers siècles, toute l'Église, tous les Conciles œcuméniques et tous les saints Pères ont cru, comme nous, à l'infaillibilité du Pape.

IX. Comment, deux siècles plus tard, l'infaillibilité du Pape est également attestée par un Concile œcuménique

X. Même témoignage rendu, au quinzième siècle, à la doctrine de l'infaillibilité par le Concile œcuménique de Florence

XI. Comment, depuis le Concile de Florence, deux condamnations officielles ont accentué de plus en plus la doctrine de l'infaillibilité

XII. Que, par son décret du 8 décembre 1854, le Pape Pie IX a fait un acte formel d'infaillibilité

XIII. Etat de la question en 1869, au moment où s'est ouvert le Concile du Vatican

XIV. Que le Concile œcuménique du Vatican a tranché définitivement la question de l'infaillibilité pontificale

DEUXIEME PARTIE : les objections contre la doctrine

I. S'il y a eu des Papes hérétiques, et de la prétendue condamnation du Pape Honorius

Il. Si la doctrine de l'infaillibilité du Pape repose sur les fausses Décrétales

III. Comment il a pu se faire que Bossuet et d'autres grands esprits n'aient pas admis l'infaillibilité du Pape

IV. S'il est impossible en soi qu'un homme peccable soit infaillible

V. Si l'infaillibilité du Pape peut être dite personnelle

VI. Si l'infaillibilité du Pape peut être dite séparée et absolue

VII. Si le dogme de l'infaillibilité fait du Pape une sorte de demi-Dieu, maître absolu de l'entendement humain

VIII. Si la proclamation de l'infaillibilité du Pape réduit le moins du monde l'autorité des Évêques

IX. Si l'infaillibilité du Pape lèse en rien la liberté et les droits des gouvernements

X. Si la proclamation de l'infaillibilité du Pape viole le Concordat

XI. Si l'Église ne va pas, quelque beau jour, étendre à chaque Évêque, à chaque curé l'infaillibilité qu'elle vient de décerner au Pape

XII. Si la doctrine de l'infaillibilité pontificale est l'œuvre des Jésuites et d'une école de mensonges, de fourberies, etc.

TROISIÈME PARTIE : les objections contre la définition

I. S'il est vrai que le Concile du Vatican n'ait pas été œcuménique

II. S'il est vrai que le Concile n'ait pas été libre dans la définition de l'infaillibilité

III. S'il est vrai que, dans la salle du Concile, les Évêques ne s'entendaient pas

IV. S'il est vrai que l'unanimité morale était requise pour la légitimité de la définition

V. S'il est vrai que l'intelligence, la science et l'amour de la liberté étaient exclusivement du côté des opposants

VI. Si c'est le Pape et le Concile qu'il faut rendre responsables des divisions qui ont précédé, accompagné et suivi la définition

VII. Quels ont été les vrais agitateurs

VIII. S'il est vrai que, pour arriver à la définition, la Cour de Rome ait employé des moyens révolutionnaires

IX. S'il est vrai qu'il était souverainement inopportun de définir l'infaillibilité du Pape

X. Si la définition de l'infaillibilité pontificale est capable d'éloigner les protestants, les schismatiques et les libres-penseurs

XI. Curieux témoignage d'un des principaux organes du protestantisme anglais

XII. S'il est vrai que, pour obliger en conscience, la Constitution Apostolique du 18 juillet ait eu besoin d'une promulgation ultérieure

XIII. Un mot sur les journaux, les brochures et les libelles qui combattaient l'infaillibilité

XIV. Du rôle qu'a joué la Franc-Maçonnerie dans cette grande affaire

XV. Si, en définitive, le décret de l'infaillibilité a causé, dans I'Eglise, les déplorables déchirements que prédisait l'opposition

CONCLUSIONS PRATIQUES

I. Croire et professer l'infaillibilité pontificale

II. II le faut, sous peine de péché mortel et d'hérésie

III. C'est avant tout le Pape qu'il faut suivre

IV. La pierre de touche, en matière de doctrine

V. Ce qu'il faudrait faire en cas de schisme et de division

VI. Demi-schisme et demi-hérésie

VII Les dames

VIII. Les jeunes gens

IX. Les anciens adversaires de la définition


[1] Un fait douloureux a constater et qui montre combien peu on doit se fier à ces publications, c'est que, malgré la déclaration de soumission qu'elles ont faite au décret du 18 juillet 1870, pas une d'entre elles (à ma connaissance du moins) n'a laissé entendre une parole de repentir, ou simplement de regret. Et cependant deux années durant, ces journaux, ces revues, n'avaient cessé d'attaquer la vérité, de faire mille efforts pour entraîner les âmes à leur suite. Que dans cette lutte ils aient été de bonne foi, je l'accorde et je l'espère pour eux ; mais en réalité, c'est la foi catholique, c'est la vérité révélée qu'ils niaient, qu'ils battaient en brèche, qu'ils faisaient blasphémer par des milliers et des milliers de chrétiens. Un pareil égarement, je le demande, n'appelait-il point quelques accents de regrets publics ? et est-ce assez d'une simple déclaration de soumission ?