Fin de l’allocution, pour le jour de la rénovation des promesses cléricales, au grand séminaire de la Rochelle.
La présentation de la très Sainte Vierge, mardi, 21 novembre 1848
Sur l’infaillibilité du Souverain Pontife
Par Mgr Villecourt
Orateurs sacrés, par M. l’Abbé MIGNE, T. 82, 1855, pp. 1252-1254
[…] Cependant la marche du Saint-Siège a toujours été la même, et les meilleurs catholiques ont toujours été, et seront toujours ceux qui recevront les doctrines du siège apostolique, et qui détesteront les opinions qu’il abhorre.
Mes amis, mes frères, mes enfants, il y a peut-être parmi vous un petit nombre d’hommes que mon langage fait souffrir, et qui leur paraît une sorte d’excentricité dans la pieuse cérémonie qui nous rassemble. Que ceux-là, s’il s’en trouve ici, veuillent bien m’excuser: je n’ai pas été maître de prendre un autre sujet. Tertullien m’a comme éveillé en sursaut, par ce cri plus éclatant pour moi que le cri du tonnerre : Exsurge, veritas, et quasi de tenebris erumpe. J’ai porté un regard vers l’antiquité, et j’ai vu tous les conciles généraux adoptant toutes les sentences prononcées avant eux par les souverains pontifes; mais je n’ai jamais vu ces mêmes conciles généraux réformer les décisions portées par le chef de l’Eglise. Polycrate est condamné par saint Victor; Cyprien et Firmilien par saint Etienne; les semi-ariens par Libère; les macédoniens par saint Damase; Nestorius par saint Célestin; Dioscore et le faux synode d’Ephèse par le grand saint Léon; les iconoclastes, par Grégoire II et Grégoire III; Photius, par Nicolas I et Adrien II. Les conciles généraux condamnent ensuite avec plus de solennité les mêmes hérétiques. Même conduite dans notre Occident; toujours ces saintes assemblées confirment les décisions pontificales.
Comment au milieu des flots irrités de l’hérésie, au milieu des tempêtes les plus furieuses excitées par les puissances humaines, l’Eglise de Rome n’a-t-elle pas été renversée? Comment est-elle demeurée toujours debout et inébranlable? « Ah ! répond Thomas de Cantorbéry, c’est que Jésus-Christ la dirige et la guide en tout temps, et qu’il brise les efforts de toute puissance qui s’arme contre elle ! » Que nous faut-il de plus, à nous, qu’une expérience de dix-huit-cents ans, pour interpréter dans le sens le plus simple et le plus naturel ce langage de Jésus-Christ parlant au chef des apôtres, et en sa personne, à tous ses successeurs: Simon, Simon, Satan a demandé de vous cribler comme on crible le froment; mais j’ai prié pour toi, afin que ta foi ne défaille point. Lors donc que tu seras converti, confirme tes frères. (Luc., XXII, 31, 32.) C’est, appuyé sur ces paroles du Sauveur, que, pour s’assurer de l’orthodoxie des Eglises d’Orient et d’Occident, le pape Horsmidas faisait signer au clergé un formulaire par lequel il s’engageait à suivre en tout point l’enseignement et la foi du siége apostolique, reconnaissant, d’après le texte Cité, que la religion avait toujours été et serait toujours pure et sans tache sur le siége de Rome (281).
Je n’ignore pas, Messieurs, que, malgré la certitude de celle vérité, quelques esprits peu favorablement disposés pour la chaire apostolique, ont voulu trouver à redire dans certaines décisions des souverains pontifes; mais il faut avouer, dit avec candeur le savant Tournély (282), que ces contradicteurs ne sont pas à la question, puisqu’il est impossible de montrer une seule décision solennelle des papes qui soit entachée d’erreur, alors même que l’on réussirait à prouver, ce que l’on ne fera pas mieux, qu’un pape ait erré comme simple docteur. Ce ne sont pas, ajoute Tournély, des faits incertains et ambigus, des expressions susceptibles d’un sens très-catholique qui peuvent établir une aussi étrange thèse. Ajoutons avec un front serein et imperturbable, que toutes les constitutions du saint siège ont été, dans tous les temps, irréformables, quand elles ont frappé l’erreur qui cherchait à infecter la saine doctrine; quand elles ont expliqué le vrai sens des Ecritures; quand elles ont publié ce qu’on devait croire de cœur, pour la justice, et professer de bouche pour être sauvé. Toujours alors, et sans exception aucune, Pierre a parlé par la bouche de ses successeurs, et a montré, comme l’écrivait saint Chrysostome à Eutychès, que ce prince des apôtres présidait et vivait toujours, dans la personne de ceux qui lui succédaient, pour instruire ceux qui désiraient connaître la vérité de la foi.
Convaincu nous-même par les paroles de Jésus-Christ, et par la constante tradition des Pères, nous ne craignons pas de proclamer, qu’avant tout concile œcuménique, les constitutions du saint-siége doivent être regardées comme des règles certaines et immuables de foi catholique. II est vrai que le consentement de l’Eglise universelle est toujours venu se joindre aux décisions des papes et sanctionner, s’il est permis de le dire, les règles de foi qu’ils avaient publiées. Mais pourquoi ce consentement? Pourquoi? Parce qu’il faut, disait autrefois saint Irénée, qui fut la lumière de l’Orient et de l’Occident, il faut que toute Eglise manifeste son accord avec l’Eglise romaine, à cause de sa principale principauté. Cette barque de Pierre, dit saint Ambroise, ne connaît pas les bouleversements; la prudence y navigue toujours; la perfidie de l’erreur en est perpétuellement bannie, et la foi y respire en toute assurance: Non turbatur ista (navis) quœ Petrum habet, in qua prudentia navigat, abest perfidia, fides spirat.