Monseigneur marcel lefebvre

REponses A diverses questions d'actualitE

aux ElEves du SEminaire d'Ecône le 24 fEvrier 1977[1]

1. Quelle doit Etre notre attitude vis-à-vis du Pape Paul VI ?

Cette attitude sera différente suivant la manière dont on définit le Pape Paul VI, car notre attitude envers le Pape, comme Pape et successeur de Pierre, ne peut changer.

La question est donc en définitive : le Pape Paul VI a-t-il été ou est-il encore le successeur de Pierre ? Si la réponse est négative : Paul VI n'a jamais été Pape ou il ne l'est plus, notre attitude sera celle des périodes «sede vacante», cela simplifierait le problème. Certains théologiens l'affirment s'appuyant sur les affirmations de théologiens du temps passé, agréés par l'Eglise, et qui ont étudié le problème du Pape hérétique, schismatique ou abandonnant pratiquement sa charge de Pasteur suprême.

Il n'est pas impossible que cette hypothèse soir un jour confirmée par l'Eglise. Car elle a pour elle des arguments sérieux. Nombreux en effet sont les actes de Paul VI qui, accomplis par un Evêque ou un théologien, il y a vingt ans, eussent été condamnés comme suspects d'hérésie, favorisant l'hérésie. Devant le fait que c'est celui qui siège sur le trône de Pierre qui accomplit ces actes, le monde encore catholique, ce qu'il en reste, stupéfait, interdit, préfère se taire plutôt que condamner, préfère assister à la destruction de l'Eglise, plutôt que de s'y opposer, en attendant des jours meilleurs.

Cependant il reste à savoir dans quelle mesure le Pape est le vrai responsable de ces actes favorisant l'hérésie. Certains répondent qu'il ne l'est pas du tout, qu'il est drogué, prisonnier, etc. C'est une réponse qui ne parait pas admissible. Le Pape apparaît en pleine possession de ses moyens, très conscient de son ferme désir de faire passer le Concile et les réformes qui en découlent.

Entre les deux hypothèses du Pape hérétique et donc n'étant plus Pape, et le Pape irresponsable incapable d'accomplir sa charge par la tyrannie exercée par son entourage, n'y a-t-il pas une réponse plus complexe, mais peut-être plus réelle : celle de Paul VI, libéral, à un degré très profond. Son libéralisme prenant ses racines dans Luther, Jean-Jacques Rousseau, Lamennais, puis dans des personnages qu'il a connus : Marc Sangnier, Fogazzaro, le «mauvais Maritain», Teilhard de Chardin, La Pira, etc.

Pétri de libéralisme qui est l'incohérence intellectuelle, l'incohérence pratique, comme le définit le Cardinal Billot, il incarne une théorie catholique ou catholicisante et une pratique fondée sur les faux principes du libéralisme, du monde moderne, principes dont sont imbus les ennemis de l'Eglise : protestants, maçons, marxistes ; principes d'une philosophie hégélienne, subjectiviste, irréelle, évolutive qui est à la base de la démocratie, des fausses libertés individuelles ; tout cela sous un mirage de progrès, de mutation, de dignité de la personne humaine, etc.

Cette incohérence essentielle du libéral lui donne un double visage, une double personnalité, une dualité constante qui provoque l'autodestruction.

On peut dire qu'il n'y a pas de mal pire que celui d'avoir sur le Siège de Pierre un libéral convaincu. D'où la joie des ennemis de l'Eglise, ils la manifestent publiquement. D'où également le blocage des réactions des catholiques fidèles par le visage apparemment traditionnel du Pape.

C'est un second Lamennais, torturé, inquiet, capable de grand sentimentalisme et de réactions cruelles.

Il me semble que cette réponse correspond mieux à l'histoire du libéralisme et à celle de Paul VI lui-même. Elle explique mieux tout ce qu'il a fait et fait encore. Elle éclaire le Concile du Vatican et la période postconciliaire. Elle jette une sombre lumière sur le Vatican et les agents qui y opèrent, conformément à ce qu'ont fait les vrais libéraux pendant deux siècles.

Notre conclusion dans ce cas est la suivante : nous sommes avec Paul VI successeur de Pierre, remplissant son rôle ; nous refusons de suivre Paul VI successeur de Luther, Rousseau, Lamennais, etc.[2]

C'est le Magistère officiel et perpétuel de l'Eglise qui nous permet de voir quand Paul VI agit d'une manière ou d'une autre [3].Nous estimons nuls tous les efforts, tous les actes, toutes les peines qui nous viennent de lui pour nous obliger à suivre Paul VI libéral et destructeur de notre foi, nous acceptons par contre tous les actes qui tendent à soutenir notre foi catholique, car dans l'Eglise par la volonté de son Fondateur et par la nature même de l'Eglise tout est ordonné à la Foi, gage de la vie éternelle : tous les pouvoirs, toutes les lois sont ordonnés à cette fin. Utiliser ces pouvoirs et ces lois pour la ruine de la Foi et des institutions de l'Eglise est un abus de pouvoir évident et une désobéissance ouverte à Notre Seigneur. Collaborer à cette ruine en se soumettant à un commandement immoral, c'est contribuer à la désobéissance à Notre-Seigneur.>

S'il apparaissait impossible, comme l'affirment les progressistes et ceux qui suivent Paul VI les yeux fermés, que le Pape Paul VI soit vraiment Pape et favorise en même temps l'hérésie et, par conséquent, s'il apparaissait qu'il est contraire aux promesses faites par Notre-Seigneur Jésus-Christ qu'un Pape soit profondément libéral, alors il faudrait se ranger à la première hypothèse. Mais cela ne semble pas évident. C'est le Cardinal Daniélou qui dit, dans le dernier ouvrage paru à son sujet, que le Pape Paul VI est un libéral.

De toute manière nous devons prier beaucoup pour le Pape afin qu'il garde fidèlement le dépôt de la Foi[4] qui lui est confié.

2. Quelle doit être notre attitude vis-à-vis de la nouvelle Messe et par ce fait vis-à-vis de toute la réforme liturgique, y compris la réforme du bréviaire, du calendrier liturgique, du Rite des défunts, etc. ?

Là aussi notre attitude dépendra de la définition que nous donnons de cette réforme.

Si nous estimons cette liturgie réformée hérétique et invalide, soit à cause des modifications intervenues dans la matière et la forme, soit à cause de l'intention du réformateur inscrite dans le nouveau rite et contraire à l'intention de l'Eglise catholique, il est évident qu'il nous est interdit de participer à ces rites réformés, nous participerions à une action sacrilège.

Cette opinion s'appuie sur des raisons sérieuses [5], mais pas absolument évidentes. C'est pourquoi il me semble imprudent d'affirmer que pèchent gravement tous ceux qui participent de quelque manière que ce soit à un rite réformé.

En dehors des personnes qui confèrent les sacrements selon ce nouveau rite, si l'on considère la réforme générale dans les textes publiés par Rome on est obligé de dire avec les Cardinaux Ottaviani et Bacci, que ces rites s'éloignent d'une manière vraiment inquiétante des textes définis à ce sujet au Concile de Trente. Le souci d'un œcuménisme exagéré a tellement rapproché cette réforme de la réforme protestante qu'il en résulte un grave danger de diminution de la Foi et même de perte de la Foi pour ceux qui utilisent ces rites d'une manière habituelle et constante, et cela même dans le cas de ceux qui s'efforcent de garder les apparences de la Tradition.

Ce jugement est porté sur les textes réformés officiels : «faventes heresiam».

Ces textes finissent donc par avoir une influence sur l'intention de beaucoup de prêtres, surtout les jeunes, en les éloignant de l'intention de faire ce que fait l'Eglise catholique, d'où les risques d'invalidité.

Les textes nouveaux en effet ont éliminé les allusions au Sacrifice propitiatoire, augmenté l'atmosphère de repas, de Cène, au détriment du Sacrifice, diminué l'adoration, les signes de croix, les génuflexions.

Tout dans le nouveau rite tend à remplacer le dogme catholique concernant la Messe et défini par le Concile de Trente par les notions protestantes.

C'est ainsi que l'intention finira par porter sur un rite protestantisé et non plus sur ce que fait l'Eglise de toujours et pour toujours.

Il faut ajouter les mauvaises traductions, les adaptations, la créativité, etc., autant de causes d'invalidité possible, et en tous cas de sacrilèges.

La conclusion est évidente : c'est un devoir de s'abstenir habituellement, de n'accepter une assistance que dans des cas exceptionnels : mariage, enterrement, et que si l'on a la certitude morale que la Messe est valide et non sacrilège.

Et cela vaut pour toute la réforme liturgique.

Mieux vaut ne se rendre qu'une fois par mois à la véritable Messe, et même d'une manière plus espacée encore s'il le faut, plutôt que de participer à un rite qui a une saveur protestante, qui nous prive de l'adoration due à Notre-Seigneur et peut-être même de Sa présence.

Les parents doivent expliquer à leurs enfants pourquoi ils préfèrent prier â la maison plutôt que de se rendre â une cérémonie dangereuse pour leur Foi.

3. De la juridiction pour les jeunes prêtres de la Fraternité.

Les lois naturelles et surnaturelles, c'est-à-dire le Décalogue et le Droit Canon, sont toutes ordonnées à la vie. C'est pourquoi le législateur a prévu que dans le danger de mort et surtout de mort surnaturelle, ou même dans les cas urgents de moyens nécessaires à employer pour garder la vie surnaturelle, les pouvoirs sont accordés par le Droit à ceux qui ont la faculté radicale de les acquérir. (882 D. C.) (2261.2).

Or, dans l'ambiance de la réforme liturgique, les doutes sur la validité des Sacrements deviennent de mois en mois plus nombreux. Les rites nouveaux eux-mêmes portent en eux des doutes sérieux. Les âmes sont dans une situation de danger de mort continuel.

Il est donc normal et même nécessaire que les prêtres utilisent ces pouvoirs exceptionnels pour venir au secours de ces âmes abandonnées et qui dépérissent.

L'interdit qu'ils auraient encouru, même s'il était valide, ne pourrait les dispenser de venir au secours des âmes qui les supplient de leur communiquer la grâce qui leur est nécessaire pour leur vie surnaturelle et qu'ils sont certains de recevoir par le ministère de ces jeunes prêtres, puisqu'ils utilisent les rites millénaires que l'Eglise catholique a toujours employés pour transmettre la grâce.

Ceci vaut pour les baptêmes, confessions, extrême-onction[6].

Pour le mariage ce sont les futurs époux eux-mêmes qui reçoivent cette autorisation par le Droit et le prêtre qui n'est pas délégué officiellement doit cependant être témoin du Sacrement de mariage s'il est â proximité et qu'aucun autre prêtre ne puisse ou ne veuille s'y rendre (Canon 1098.)

Ce qui importe gravement c'est que dans chaque prieuré soient tenus avec exactitude les registres concernant la réception des Sacrements, afin qu'au retour d'une situation normale ces registres se placent dans les archives des diocèses, du moins une copie. (Ils doivent toujours être rédigés en double exemplaire, dont un doit être remis aux archives du district lorsqu'il est complet.)

4. Comment envisager le retour à une situation normale ?

Dès lors qu'il s'agit de l'avenir, nous savons qu'il appartient à Dieu et qu'il est donc difficile de faire des prévisions.

Cependant constatons d'abord que l'anomalie dans l'Eglise n'est pas venue de nous, mais bien de ceux qui se sont efforcés d'imposer une orientation nouvelle à l'Eglise[7], orientation contraire à la Tradition et même condamnée par le Magistère de l'Eglise.

Si nous apparaissons être dans une situation anormale, c'est parce que ceux qui ont l'autorité aujourd'hui dans l'Eglise brûlent ce qu'ils adoraient autrefois et adorent ce qui était brûlé autrefois[8].

Ce sont ceux qui se sont écartés de la voie normale et traditionnelle qui auront à revenir à ce que l'Eglise a toujours enseigné et toujours accompli.

Comment cela pourra-t-il se faire ? Humainement parlant il semble bien que seul le Pape, disons un Pape, pourra rétablir l'ordre détruit dans tous les domaines.

Mais il est préférable de laisser ces choses à la Providence divine.

Toutefois notre devoir est de tout faire pour garder le respect de la hiérarchie dans la mesure où ses membres en font encore partie, et de savoir faire la distinction entre l'institution divine à laquelle nous devons être très attachés et les erreurs que peuvent professer de mauvais bergers. Nous devons faire tout ce qui est possible pour les éclairer et les convertir par nos prières, notre exemple de douceur et de fermeté.

A mesure que nos prieurés se fondent, nous aurons ce souci de nous insérer dans les diocèses par notre véritable apostolat sacerdotal soumis au successeur de Pierre, comme successeur de Pierre, non comme successeur de Luther ou de Lamennais. Nous aurons du respect et même de l'affection sacerdotale pour tous les prêtres, nous efforçant de leur rendre la vraie notion du sacerdoce et du sacrifice, de les accueillir pour des retraites, de prêcher des missions dans les paroisses comme le bienheureux de Montfort, prêchant la Croix de Jésus et le vrai Sacrifice de la Messe.

Ainsi par la grâce de la Vérité, de la Tradition, les préjugés à notre sujet s'évanouiront du moins de la part des esprits encore bien disposés, et notre future insertion officielle en sera grandement facilitée.

Evitons les anathèmes, les injures, les quolibets, évitons les polémiques stériles [9], prions, sanctifions-nous, sanctifions les âmes qui viendront à nous toujours plus nombreuses, dans la mesure où elles trouvent en nous ce dont elles ont soif, la grâce d'un vrai prêtre, d'un pasteur des âmes, zélé, fort dans sa Foi, patient, miséricordieux, assoiffé du salut des âmes et de la gloire de Notre-Seigneur Jésus-Christ.

Mgr LEFEBVRE

Trente ans après cette conférence c’est bien l’hypothèse du début qui s’avère vraie.



Les notes sont de LHR.

[1] A cette époque la lutte était terrible entre ceux qu’on commence à appeler "sédévacantiste" (qui a inventé ce mot ?) et les autres. Mgr Lefebvre choisit le camp des autres. Ce qui l’oblige à des approches incohérentes.

Il est sûr que Paul VI était libéral, mais encore plus moderniste. Mgr ne parle pas de cet aspect moderniste car il l’aurait obligé à rappeler que les modernistes furent condamnés par saint Pie X.

Vingt ans après, il s’est avéré que les "sédévacantistes" n’avaient pas raison et avaient bloqué la situation en ramenant tout les problèmes autour de l’autorité et des papes conciliaires.

L’approche des Catholiques semper idem, s’appuyant sur l’enseignement de la très sainte Vierge Marie à La Salette, et méditant sur les mots "éclipse de l’Eglise", permirent de mieux comprendre qu’une secte cabaliste-ésotérique-charismatique-maçonnique-mondialiste avait envahi les lieux de l’Eglise et avait obligé la sainte Eglise à s’éclipser, la conclusion étant que la secte conciliaire ne pouvait être l’Eglise Catholique. Mgr ne l’avait pas compris.

Trente ans après l’explication des Catholiques semper idem, répond à toutes les incohérences des discours d’Ecône et donne la seule solution vraiment possible. Merci à la Vierge de La Salette.

[2] Cette position n’est pas catholique. Comment un Vicaire de Notre-Seigneur, le représentant vivant de Notre-Seigneur peut-il être double ? Ce faux principe pollue la pensée du combat de la Vérité depuis toujours. Il est à rejeter absolument. Comment faire le tri ? Qui va dire tel passage est acceptable, tel autre non ?

Répétons que la note de l’Eglise catholique a toujours été "NIHIL obstat".

[3] Oui, mais ce magistère est de plus en plus mal connu et mal enseigné, et le temps passant il devient très difficile d’y voir clair sur les nouveautés que l’on impose. De plus il faut beaucoup de courage pour les jeunes générations, pour étudier à fond l’enseignement du magistère ancien, ce qui n’est pas du possible pour beaucoup. La vie normale pour un chrétien est de suivre ses pasteurs. Mais comment sont formés les jeunes pasteurs ? On découvre chaque jour des enseignements incohérents et faux.

[4] Ces prières n’ont pas été exaucées. Parce qu’elles ne pouvaient pas l’être. Et pourquoi des prières aussi importantes pour "garder fidèlement le dépôt de la Foi", ne pouvaient pas être exaucées, c’est simplement parce que ces "papes" ne le méritaient pas. Ils étaient du camp de l’adversaire et ils ont fait tout le travail de démolition exigé par l’adversaire.

[5] Oui des raisons sérieuses. Tout le texte de ce chapitre 2 le démontre et prouve l’intention de détruire tout le passé, l’intention d’imposer une nouvelle religion protestante.

[6] Et aussi ordinations et sacres. Mgr n’a jamais utilisé les nouveaux rituels d’ordination et de sacres. Bien qu’il n’ait jamais étudié l’origine et la validité des nouveaux rituels des sacres, il savait qu’ils étaient douteux et ne les a jamais utilisés. Les travaux de RORE et les découvertes de l’invalidité intrinsèque de ces nouveaux rituels, quarante après sont la démonstration de l’intention contraire à celle de l’Eglise, que la secte conciliaire a imposée. De sorte que Mgr Lefebvre a sauvé le sacerdoce que la secte conciliaire a éteint.

[7] Non, imposer une nouvelle religion, ce qui n’est pas pareil.

[8] Il est tellement plus clair de comprendre que l’Eglise a été éclipsée, que Rome a perdu la Foi, et est devenu le siège de l’Antéchrist.

[9] Nous ne pensons pas faire ici de polémiques stériles, mais de combattre pour mieux savoir où est la Vérité. Il nous semble que la très sainte Vierge Marie est un guide très sûr, elle qui a vaincu toutes les hérésies.