Lettre du cardinal Seper à Mgr Lefebvre

16 mars 1978

SACRA CONGREGATIO PRO DOCTRINA FIDEI                        00193 Romae, 16 mars 1978, Piazza del S. Uffizio, 11

PROT. N. 1144/69

(In responsione fiat mentio huius numeri)

Excellence,

Le 28 février dernier, vous avez bien voulu apporter vous-même à la Congrégation pour la Doctrine de la Foi votre réponse à la lettre que celle-ci vous avait adressée en date du 28 janvier et qui vous avait été remise par la Nonciature Apostolique en Suisse le 10 février suivant.

Je vous remercie vivement de cette réponse et de la rapidité avec laquelle vous l'avez remise. Il va sans dire que votre long texte sera étudié avec attention par notre Dicastère. Auparavant toutefois, j'estime nécessaire de vous demander ici quelques compléments. Je le fais d'autant plus facilement que vous-même, vous êtes déclaré prêt à en fournir au besoin.

En effet, d'un premier examen de votre réponse, confrontée aux demandes adressées par notre Congrégation, il ressort que plusieurs des points qui vous ont été contestés n'ont pas reçu de réponse précise. Je me permets donc de les énoncer à nouveau brièvement, avec les références nécessaires à ma lettre du 28 janvier dans l'annexe ci-jointe, en vous demandant comme précédemment de bien vouloir me faire parvenir votre nouvelle réponse dans le temps utile d'un mois.

En vous exprimant à l'avance ma gratitude, je vous présente l'assurance de ma prière et vous prie d'agréer, Excellence, l'expression de mes sentiments respectueux et tout dévoués en Notre Seigneur.

Franc. Card. Seper, Préf.

Annexe à la lettre du 16 mars 1978

1. A propos de l'Ordo Missae :

a) un fidèle ne peut mettre en doute la conformité avec la doctrine de la foi d'un rite sacramentel promulgué par le Pasteur Suprême (p. A 3) ;

b) le caractère sacrificiel et propitiatoire de la Messe est absolument réaffirmé, conformément au Concile de Trente, dans l'Institutio Generalis du Missel romain (p.A 4);

c) vos déclarations au sujet de l'Ordo Missae et votre opposition à son usage répandent la défiance, et le désarroi, voire la rébellion parmi les fidèles (ibid.).

2. Vos déclarations générales (sur l'autorité du Concile Vatican II et du Pape Paul VI) s'unissent à une praxis qui amène à se poser la question : ne se trouve-t-on pas devant un mouvement schismatique ? (p. A 6). En effet, vous ordonnez des prêtres contre la volonté formelle du Pape et sans les «titterae dimissoriae» requises par le Droit canonique et vous avez continué après votre suspense a divinis — vous envoyez ces prêtres dans des prieurés où ils exercent leur ministère sans l'autorisation de l'Ordinaire du lieu ; vous faites des discours propres à répandre vos idées dans des diocèses dont l'évêque vous refuse son consentement ; avec des prêtres que vous avez ordonnés, vous commencez, que vous le vouliez ou non, à former un groupement propre à devenir une communauté ecclésiale dissidente (pp. A 7 et 8).

3. Vous estimez que les prêtres ordonnés par vous ont la juridiction prévue par le Droit canonique pour le cas de nécessité. N'est-ce pas raisonner comme si la Hiérarchie légitime avait cessé d'exister ? (p. A 8).

4. Le Pape a la «potestas soprema iurisdictionis» «non solum in rebus quae ad fidem et mores sed etiam in iis quae ad disciplinam et regimen Ecclesiae per totum orbem diflusae pertinent» (Conc. Vat. I, Const. Pastor Aeternus, DS 3064) (p. A 9), ainsi l'obéissance qui lui est due n'est-elle pas limitée aux matières doctrinales.

5. Par vos déclarations sur la soumission au Concile et aux réformes post-conciliaires de Paul VI - déclarations auxquelles s'accordent tout un comportement et en particulier des ordinations sacerdotales illicites - vous êtes tombé dans une désobéissance grave dont la logique propre conduit au schisme (p. A 10).

Franc. Card. Seper Préf.