Table des matières du livre : Ils l'ont découronné

Chapitre 30 - Vatican II, triomphe du libéralisme dit catholique

 

Je ne pense pas qu’on puisse me taxer d’exagération quand je dis que le Concile a été le triomphe des idées libérales ; car les entretiens précédents vous ont suffisamment exposé les faits : les tendances libérales, les tactiques et les succès des libéraux au Concile et enfin leurs pactes avec les ennemis de l’Église.
Du reste les libéraux eux-mêmes, les catholiques libéraux, proclament que Vatican II a été leur victoire. Dans son entretien avec Vittorio Messori, le cardinal Ratzinger, ancien "expert" d’esprit libéral au Concile, explique comment Vatican II a posé et résolu le problème de l’assimilation des principes libéraux par l’Église catholique ; il ne dit pas que cela ait abouti à un succès admirable, mais il affirme que cette assimilation a été faite, a été réalisée :

" Le problème des années soixante était d’acquérir les meilleures valeurs exprimées de deux siècles de culture "libérale". Ce sont en fait des valeurs qui, même si elles sont nées en dehors de l’Église, peuvent trouver leur place — épurées et corrigées — dans sa vision du monde. C’est ce qui a été fait " [1].

Où cela s’est-il fait ? — au Concile bien sûr, qui a entériné les principes libéraux dans Gaudium et spes et Dignitatis humanae. — comment est-ce que cela s’est fait ? — Par une tentative vouée à l’échec, une quadrature du cercle : marier l’Église avec les principes de la Révolution. C’est précisément le but, l’illusion des catholiques libéraux.
Le cardinal Ratzinger ne se vante pas trop de l’entreprise, il juge même le résultat avec quelque sévérité :

" Mais maintenant le climat est différent, il a bien empiré par rapport à celui qui justifiait un optimisme sans doute ingénu. Il faut maintenant chercher un nouvel équilibre " [2].

Donc l’équilibre n’est pas encore trouvé, vingt ans après ! Mais on le cherche encore : c’est bien toujours l’illusion libérale !
D’autres catholiques libéraux, en revanche, ne sont pas si pessimistes, ils chantent ouvertement victoire : le Concile est notre victoire. Lisez par exemple l’ouvrage de M. Marcel Prélot, sénateur du Doubs, sur l’histoire du catholicisme libéral[3]. L’auteur commence par mettre en exergue deux citations, l’une de Paul VI, l’autre de Lamennais, dont le rapprochement est révélateur : Voilà ce que dit Paul VI dans son message du Concile aux gouvernants (je crois vous avoir déjà cité ce texte), le 8 décembre 1965 :

" Que demande-t-elle de vous, cette Église, après deux mille ans bientôt de vicissitudes de toutes sortes dans ses relations avec vous, les puissances de la terre ; que vous demande-telle aujourd’hui ? Elle vous l’a dit dans un des textes majeurs de ce Concile : elle ne vous demande que la liberté ".

Et voici ce qu’écrivait Lamennais, pour un prospectus destiné à faire connaître son journal L’Avenir :

" Tous les amis de la religion doivent comprendre qu’elle n’a besoin que d’une seule chose : la liberté ".

Donc, vous voyez : chez Lamennais, comme à Vatican II, c’est le même principe libéral de "la liberté seule" : pas de privilège pour la vérité, pour Notre Seigneur Jésus-Christ, pour l’Église catholique. Non ! La même liberté pour tous pour l’erreur comme pour la vérité, pour Mahomet comme pour Jésus-Christ. N’est-ce pas la profession du plus pur libéralisme (dit catholique) ?
Et Marcel Prélot rappelle ensuite l’histoire de ce libéralisme jusqu’à son triomphe à Vatican II :

" Le libéralisme catholique (...) connaît des victoires ; il pointe avec la circulaire d’Eckstein en 1814 ; il fulgure avec l’essor de l’Avenir en automne 1830 ; il connaît des victoires, des crises alternées ; jusqu’à ce que le message de Vatican II aux gouvernants marque sa fin : ses revendications fondamentales, éprouvées et épurées, étant reçues par le Concile lui-même. Aussi est-il possible aujourd’hui de considérer le libéralisme catholique, tel qu’en lui-même enfin l’éternité le change. Il échappe aux confusions qui ont encombré sa carrière, qui, à certains moments, ont failli la clore prématurément ; il apparaît ainsi qu’il fut réellement non pas une suite d’illusions pieuses, professées par des ombres diaphanes et chlorotiques, mais comme une pensée engagée, ayant au cours d’un siècle et demi mis son emprise sur les esprits et sur les lois, avant de recevoir l’accueil définitif de cette Eglise qu’il avait si bien servie, mais dont il avait été si souvent méconnu ".

Cela confirme parfaitement ce que nous disons : Vatican II est le concile du triomphe du libéralisme.
On reçoit la même confirmation à la lecture du livre de M. Yves Marsaudon L’œcuménisme vu par un franc-maçon de tradition, écrit pendant le Concile. Marsaudon sait ce qu’il dit :

" Ils ne devront pas oublier pour autant, les chrétiens, que tout chemin mène à Dieu (...) et se maintenir dans cette courageuse notion de la liberté de penser qui, on peut maintenant parler là de révolution, partie de nos loges maçonniques, s’est étendue magnifiquement au-dessus du dôme de Saint-Pierre ".

Lui, il triomphe. Nous, nous pleurons ! Et il ajoute ces lignes terribles et pourtant vraies :

" Lorsque Pie XII décida de diriger lui-même le très important ministère des Affaires étrangères, la Secrétairie d’État, Mgr Montini fut élevé au poste extrêmement lourd d’archevêque du plus grand diocèse d’Italie : Milan, mais il ne reçut pas la pourpre. Il ne devenait pas impossible canoniquement, mais difficile traditionnellement, qu’à la mort de Pie XII, il puisse accéder au Pontificat suprême. C’est alors qu’un homme vint, qui comme le Précurseur s’appela Jean, et tout commença à changer ".

Et ce franc-maçon, libéral par conséquent, dit vrai : toutes leurs idées, pour lesquelles ils ont lutté un siècle et demi, ont été entérinées par le Concile ; ces libertés : liberté de pensée, de conscience et des cultes, elles sont inscrites dans ce concile, avec la liberté religieuse de Dignitatis humanæ et l’objection de conscience de Gaudium et spes . Or, cela ne s’est pas fait par hasard, mais grâce à des hommes, infectés eux-mêmes de libéralisme et qui sont montés sur le Siège de Pierre et ont usé de leur pouvoir pour imposer ces erreurs à l’Église. Oui, vraiment, le concile Vatican II est la consécration du catholicisme libéral. Et quand on se souvient que le pape Pie IX, soixante-quinze ans plus tôt, disait et répétait à ceux qui lui rendaient visite à Rome : " Attention ! Il n’y a pas pires ennemis de l’Église que les catholiques libéraux ! ", on peut mesurer alors la catastrophe que représentent pour l’Église et pour le règne de Notre Seigneur Jésus-Christ, de tels papes libéraux et un tel concile !

  1. Mensuel Jesus, novembre 1984, p. 72.
  2. Ibid.
  3. Armand Colin Ed.

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