DROIT DE RÉPONSE à la Revue LE SEL DE LA TERRE N° 53
(au sujet de l’article du Frère Louis-Marie o.p.)
10 août 2005
Cher Frère,
J’accuse bonne réception de votre dernier n° du Sel de la terre, et comme vous pouvez vous en douter, j’ai lu attentivement votre article «La neutralisation du 3ème Secret».
Je regrette néanmoins que vous ne m’ayez pas communiqué l’article avant sa publication ce qui aurait certainement permis d’améliorer certains points… qui vont devenir bien confus pour les lecteurs…
Tout d’abord, vous commencez par discréditer mon ouvrage en indiquant qu’il comporte des arguments de très inégale valeur (ce que je ne conteste pas puisque dans tout débat il y a toujours des arguments plus forts que d’autres), mais surtout qu’il comporte «des paralogismes ou des interprétations arbitraires» et dans la note qui veut donner des exemples, il ne s’en trouve qu’un seul (qui d’ailleurs est sous forme interrogative et est plus près de la boutade que d’une “interprétation arbitraire” et que j’aurai sans doute mieux fait de ne pas faire), alors que le reste de la note reproduit des textes qui n’ont pas été écrits par moi et que je ne partage pas (sauf la réflexion de bon sens de Michèle Reboul mais qui là non plus ne peut pas s’appeler ni un paralogisme ni une “interprétation arbitraire” : elle constate seulement que la description de la prétendue vision du 3ème Secret «rappelle les mauvais westerns»… Je vous signale d’ailleurs que l’Abbé de Tanouarn que vous connaissez bien écrivait lui aussi dans Fideliter : «Il n’est pas possible que la Vierge perde son temps à des compositions symboliques d’un intérêt douteux, comme celles que nous présente sans honte Angelo Sodano.»1). Bref, vous discréditez mon ouvrage d’emblée sur de fausses bases sans même que je puisse m’en défendre. Cela mériterait une rectification dans un prochain n° de la revue : Les textes que vous reproduisez dans cette note sont extraits du site www.fatima.be dirigé par Mr Fernand Saura. Ce site propose le téléchargement de mon ouvrage il est vrai, mais ce n’est pas pour cela que je cautionne tout les textes qui se trouvent sur ce site par ailleurs. Il y a un “forum” sur ce site et donc, chacun prend la responsabilité de ses écrits. Vous auriez du vous en tenir à ce qui se trouve exclusivement dans les ouvrages rédigés par moi-même. À cela, j’ajoute que je n’ai formé dans mon ouvrage édité en 2001 (3ème édition octobre 2001) que cinq arguments majeurs que vous avez entièrement repris dans vos onze points comme « des démonstrations qui méritent d’être prises au sérieux». Dès lors, je ne vois pas trop où sont les “paralogismes ou les interprétations arbitraires” si ce n’est, peut-être quelques points secondaires, mais qui ne méritent pas d’être d’abord mis en avant, sans manquer de loyauté...
D’emblée, j’ai donc été plutôt indisposé, vous le comprendrez…
Ce n’est pas que ma petite personne s’en trouve contrariée. C’est surtout que la démonstration de l’inauthenticité s’en trouve d’emblée discréditée par l’ajout d’éléments étrangers qui manquent de rigueur dans l’analyse. Dans une controverse, c’est assez déplorable.
Vu l’importance du sujet, je tiens donc à apporter une réponse à votre article car j’estime que plusieurs points ont été analysés par vous à la légère et surtout de manière partiale : ils ne rendent pas compte d’une analyse rigoureuse. Dès le départ de votre article, il semble que, quoiqu’il en soit, vous voulez arriver à une conclusion allant en faveur de l’authenticité du texte. Je tiens donc à reprendre ici plusieurs points importants de la démonstration de l’inauthenticité (les arguments forts), analysés par vous superficiellement, alors que ces points sont pourtant susceptibles d’éclaircir grandement la question de l’authenticité ou de l’inauthenticité du texte.
L’argument 1. Vous essayez d’expliquer que l’on retrouve des expressions de Lucie dans la prétendue vision, ce qui garantit son authenticité. Qu’il y a t-il d’étonnant à cela et en quoi cela est-il un élément en faveur de l’authenticité ? Sur les faux billets de banque, on retrouve aussi la presque totalité des «expressions» et du graphisme des vrais billets… Comment s’en étonner ? Un faussaire qui fait son travail correctement cherchera à imiter soigneusement, parfaitement et complètement les expressions, le graphisme et la façon de ce qu’il veut contrefaire ou imiter. C’est seulement sur de petits détails que l’on arrive — parfois péniblement — à détecter un faux. Pour l’expression de la prétendue vision du 3ème Secret : « quelque chose de semblable à la manière dont se voient les personnes dans un miroir », j’estime l’expression être de la pure et simple copie de cet autre passage de sœur Lucie et que vous citez : « quelque chose de semblable à la façon dont nous nous voyons dans un miroir » (son explication lors de l’interview de 1947 concernant la lumière divine). Je ne comprends même pas comment vous ne vous apercevez pas que cela fait plus penser à du « copier/coller » qu’à une nouvelle expression authentique de sœur Lucie… L’expression n’est pas « classique » : elle est purement et simplement copiée mot pour mot (les petites différences ne viennent vraisemblablement que des traductions) ! Donc en 1947, sœur Lucie aurait déjà révélé une expression du 3ème Secret, malgré la défense formelle de n’en rien dire ? Votre façon d’analyser les choses le laisse penser. Quant aux fautes d’orthographe et de grammaire, c’est un jeu d’enfants pour des faussaires que de les imiter en se basant sur les écrits connus (et manuscrits qui plus est) de sœur Lucie. Mais passons, puisqu’à ce niveau on ne peut rien prouver de manière certaine.
Si j’ai écrit que le 3ème Secret ne correspondait pas avec la forme, le style des deux premiers, c’est notamment au niveau de la clarté : « il faut bien le reconnaître, le texte publié par le Vatican ne cadre ni avec le contenu, ni avec le style des deux premières parties. Ce style était simple, très clair, très compréhensible, très concret : dans les deux premières parties, rien d’obscur, rien d’ambigu. Rien que des faits, des noms, des événements, des demandes précises, tout est d’une parfaite netteté. Aucune nécessité de commenter ou d’interpréter. Même la vision de l’enfer de la première partie du Secret n’est pas symbolique et sujette à interprétation. La guerre de 1939 a été prédite de façon précise ; et la sainte Vierge, comme d’ailleurs dans les autres paroles adressées par la suite à sœur Lucie, n’use pas de symboles. Elle est au contraire d’un grand réalisme. Il n’est que de relire les avertissements du 13 juillet 1917. Ils n’ont pas besoin d’une clef de lecture de caractère symbolique ! » (p. 23, 3ème édition 2001) — La vision de l’enfer est claire, les révélations du 2ème Secret également, même pour ce qui doit encore arriver («plusieurs nations seront détruites»), même la vision de Tuy n’a pas besoin d’une interprétation ; or, pour la 3ème partie, on ignore ce qu’elle signifie… (les interprétations qui fleurissent de droite et de gauche sont nombreuses et divergentes) même 45 ans après, et il faut donc une interprétation, et on fait dire pour l’occasion à la «sœur Lucie» que c’est au pape de donner cette interprétation ! Voilà ce qui ne concorde pas avec tout le reste du message de Fatima. Le passage de sœur Lucie cité plus haut où elle a du mal à expliquer sa relation avec les personnages célestes (difficulté que l’on peut comprendre) n’a rien à voir avec le MESSAGE lui-même : rien n’est confus et difficile à interpréter dans tous les messages donnés par la sainte Vierge à Fatima. Aucun message venant de cette apparition n’a eu besoin d’une grille de lecture, d’éléments d’interprétation, même pour des faits à venir, non encore réalisés, et donc a fortiori pour le message qui devait être révélé au monde entier («lu au monde» selon la demande de sœur Lucie) par la hiérarchie ! Combien devait-il être clair puisque destiné à l’ensemble du monde ! Comme l’écrivait le Père Alonso : «le secret de Fatima a un contenu “logique”, clair et défini.2 » Comment peut-on penser et envisager que la sainte Vierge s’amuse à nous faire attendre des années (1942-1960 : 18 ans) pour finalement nous révéler un texte « d’un intérêt douteux » (dixit Abbé de Tanouarn) et surtout qui ne nous apprend rien de nouveau comparativement au 2ème Secret, et enfin qui fait poser d’innombrables questions sur la façon dont il faut le comprendre ? Je suis stupéfait que vous puissiez envisager une pareille hypothèse.
Bien sûr, on peut toujours dire qu’un événement futur le rendra plus clair : le problème, c’est qu’il devait l’être, clair, à partir de 1960… De plus, je doute fort même dans l’avenir qu’un pape soit tué avec des flèches (instrument qui n’est plus utilisé en Europe), au sommet d’une montagne avec des troncs bruts, en chêne-liège (il faudra aller vérifier…)… Quant à l’arrosoir de cristal3… On est loin des annonces claires, précises, des deux premières parties du Secret qui ne se perdent pas dans des détails d’un « intérêt douteux » ! Bref, votre réponse à cet argument n’est pas satisfaisante : elle est même insuffisante et décevante. Elle cherche plutôt à s’évader du problème bien remis en évidence ici.
L’argument 1960. Là aussi, beaucoup de surprise et de déception dans la façon dont le Sel de la terre tente d’éluder l’argument… Vous écrivez :
« Sa réponse “Alors il apparaîtra plus clair” [le 3ème Secret en 1960] semble plutôt une réflexion de bon sens face à une question dont la répétition devait devenir lassante. Comme une façon de dire : la Sainte Vierge sait ce qu’elle fait. Si elle a demandé sa divulgation en 1960, c’est qu’à cette date, il sera utile.
« Il convient de ne pas donner à cette petite phrase plus d’autorité qu’elle n’en a. Il semble exagéré d’en vouloir faire, comme la C.R.C. [il faut rajouter cher Frère : le cardinal Ottaviani et le Père Alonso], la base d’une démonstration.
« Reste évidemment le premier fait : la date de 1960 indiquée par Notre-Dame. Mais rien ne garantit que cette date corresponde au début de la réalisation de la prophétie. Elle peut très bien ne désigner que le moment où la hiérarchie de l’Église aura besoin de cet avertissement pour éviter de s’engager dans une voie qui mènera (peut-être beaucoup plus tard) au malheur annoncé. Dans cette perspective, la date de 1960 paraît claire. Sans même entrer dans l’interprétation du secret, il suffit de remarquer que sa tonalité générale ne va pas du tout dans le sens de l’euphorie conciliaire. Sa révélation en 1960 aurait sans doute freiné — et peut-être même empêché — “l’ouverture au monde” prôné par Vatican II. Mais Jean XXIII préféra, lui, dans son discours d’ouverture, fustiger les “prophètes de malheur”. »
Bref, pour vous l’expression « plus clair » de sœur Lucie doit être comprise, pour les besoins de votre cause en « plus utile ». Et, vous semble t-il toujours, « il semble exagéré d’en vouloir faire la base d’une démonstration. »
Mais je vous pose la question : qui est dans l’arbitraire ? Vous vous permettez de modifier une réponse de sœur Lucie en affirmant (certes avec beaucoup de “semble”) que cela veut dire qu’à partir de cette date “il sera utile” et non pas “clair”. Je me permets de vous signaler que c’est là de votre part une interprétation personnelle purement gratuite encore plus arbitraire — sinon plus car vous vous permettez de changer un mot de votre propre chef — que l’analyse de la C.R.C. à ce sujet beaucoup plus plausible et surtout, basée sur la vraie réponse de sœur Lucie. Si chacun y va de ses modifications sur les textes officiels, on ne pourra pas avancer dans le débat, ce n’est plus possible. On peut tordre tous les textes dans le sens que l’on veut leur donner. Et la C.R.C. ne s’en prive pas lorsqu’il s’agit de faire coller Jean-Paul Ier avec l’évêque vêtu de blanc de la prétendue vision… Ne faisons pas comme eux.
Donc, en 1960, le texte du 3ème Secret devait apparaître « plus clair ». Ne cherchons pas des échappatoires à cette formule on ne peut plus certaine. Si donc, il fallait attendre cette date c’est que, logiquement, il ne contenait pas les mêmes révélations que le 2ème Secret déjà révélé en 1942. C’est d’une clarté évidente !
Et puis, même au niveau de son “utilité”, pour suivre votre interprétation, je me permets de vous signaler que votre analyse est fantaisiste et inexacte et vous la contredisez même quelques pages plus loin. Vous écrivez en effet que si la vision avait été publiée en 1960, cela aurait évité aux papes de s’engager dans une voie qui mènera au malheur annoncé : « Sa révélation en 1960 aurait sans doute freiné — et peut-être même empêché — “l’ouverture au monde” prôné par Vatican II. » écrivez-vous. Cela aurait dissipé l’ambiance optimiste de Vatican II. Pouvez-vous m’expliquer comment vous arrivez à une telle conclusion ? Si je lis attentivement la fausse vision, je ne vois pas comment, en 1960, un pape aurait pu faire une telle analyse, car le Pape certes est en difficulté dans cette vision, mais je vous fais remarquer que la persécution vient de l’extérieur et qu’il est tué par un groupe de soldats [=persécution extérieure et militaire] avec des balles et des flèches (devons-nous craindre le retour des indiens ? Il y a longtemps que l’on n’utilise plus de flèches pour tuer !?), alors que lui, le Pape, est au pied de la croix, faisant plus figure de victime. Je vous rappelle que le 2ème Secret qui était déjà publié est beaucoup plus fort dans ses annonces que cette prétendue vision (cf. ci-après). Il est surtout beaucoup plus clair, et il fait bien ressortir que les châtiments qui viendront sur le monde et l’Église sont le fait de ne pas avoir écouté les demandes de la sainte Vierge. D’ailleurs, vous confirmez vous-même cette analyse et donc vous vous contredisez, p. 151 : « On notera cependant que la vision ne présente pas le Pape et la hiérarchie comme responsable de la crise, mais au contraire s’en affligeant, et priant pour les cadavres. » D’où voyez-vous donc que cette ruine, ce malheur, vient ou viendra (en 1960) d’une réforme dans l’Église, qu’elle est le résultat d’une crise dans la Foi, et surtout que cette vision aurait été en mesure d’empêcher l’ouverture au monde prônée par Vatican II ? Le Pape dans cette vision apparaît plus comme un martyr que comme un responsable de la situation. Votre interprétation est donc là aussi arbitraire, car je ne vois pas comment les papes de Vatican II auraient pu se remettre en cause ou remettre en cause leur réforme à la lecture de cette vision qui n’est pas du tout claire contrairement à ce que vous écrivez. Autrement dit, en 1960, le texte de la prétendue vision n’aurait été ni « plus clair » (piu chiaro) ni même d’ailleurs « plus utile » : d’ailleurs, vous l’avouez vous-même : 45 ans après, vous êtes dans l’incapacité d’expliquer à vos fidèles ce qu’il signifie vraiment ! « Nous n’avons pas d’explication générale et parfaite du Secret de Fatima. (…) Nous n’avons pas une thèse à défendre ou à imposer. » (p. 149) Un aveux révélateur ! Comment pouvait-il être « plus utile » en 1960 dans ces conditions ? Comment aurait-il évité aux papes de s’engager dans une voie qui mènera au malheur ? Et surtout comment aurait-il pu empêcher les réformes de Vatican II ? Vous inventez là de toutes pièces un scénario qui ne repose sur rien de plausible ni de sérieux.
Ce n’est pas parce qu’il y avait l’annonce d’un attentat et de persécutions que le Pape devait stopper un Concile. Les persécutions des premiers siècles n’ont en rien arrêté la marche de l’Église. Elles n’ont pas été vues comme des châtiments envers les chrétiens. Et je ne vois donc pas en quoi nous devrions analyser cet « attentat » avec des balles et des flèches par un groupe de soldats, envers un Pontife affligé de peine, comme une sanction de ses réformes. On peut certes émettre l’hypothèse, mais rien ne nous permet de conclure dans ce sens.
D’ailleurs, je vous rappelle que ce prétendu 3ème Secret a été révélé au cœur des festivités du Jubilé de l’an 2000 et que sa publication n’a en rien « cassé l’ambiance », ni provoqué une quelconque remise en cause des réformes de Vatican II. Bien au contraire : il a servi à la glorification de Jean-Paul II, à la poursuite de l’œcuménisme, et à bon droit puisque comme vous l’écrivez « la vision ne présente pas le Pape et la hiérarchie comme responsable de la crise, mais au contraire s’en affligeant » : quoi de plus normal dans ces conditions que de tourner à l’avantage du pape qui pense être décrit dans cette fameuse vision ? On voit même le feu du Ciel devant tomber sur la terre finalement annulé ! Vous me direz : c’est parce qu’il a été mal interprété… Mais c’est bien là le problème : comment faut-il l’interpréter ? Personne n’est en mesure d’en fournir une explication, une interprétation solide, fiable. Et qui aurait autorité pour cela ? C’est justement cela qui dénote avec tout le reste du Message de Fatima, comme je vous l’ai rappelé au point 1 (premier argument).
Il ne fait pas l’ombre d’un doute que la publication de la prétendue vision en 1960 aurait provoqué le même étonnement, la même incompréhension qu’en l’an 2000. À n’en pas douter, en 1960, elle aurait provoqué tout comme en l’an 2000, toutes sortes d’interprétations divergentes et donc entraîné par le fait même une grande confusion, car la vision n’est pas claire (elle est à géométrie variable), contrairement à tout le reste du message de Fatima. Dans cette perspective, on peut même affirmer que cette publication n’aurait pas seulement été inutile mais même nuisible pour la cause de Fatima, vue la confusion que cette prétendue vision met dans les esprits4 ! Est-ce là la marque d’un message authentique solennel qui devait être annoncé au monde entier par la hiérarchie précisément en 1960 ? Assurément non. Ce prétendu Secret, l’Abbé de Tanouarn le dit avec beaucoup de bon sens est d’un « intérêt douteux ». Ce n’est pas là une « interprétation arbitraire », c’est la constatation que nous en faisons en voyant le résultat de sa publication et les fruits qu’il apporte.
J’ajoute encore que dans vos “éléments” permettant d’éclaircir la prétendue vision, vous indiquez pour l’ange menaçant la terre : « Cette vision est fréquemment interprétée comme une figure de la guerre froide. Notre-Dame aurait, par son intercession, empêché ce conflit de dégénérer en guerre mondiale. De fait, en 1960 (…) il semble que ces catastrophes aient empêché, à ce moment, le déclenchement d’une guerre mondiale. » 45 ans après, vous écrivez toujours “il semble”… alors que vous écrivez p. 149 : « Il nous semble, au contraire, que l’explication du 3ème Secret de Fatima doit, le moment venu, s’imposer d’elle-même. » Pour suivre cette affirmation, et comme l’interprétation ci-dessus ne s’impose pas absolument, lorsque le moment fut venu (en 1960), dois-je la rejeter ? Quelle force, quelle autorité lui donner ?? Quand s’imposera t-elle d’elle-même absolument ???
Donc là encore, votre réponse à cet “argument 1960” est inexacte, bien peu convaincante et elle se contredit elle-même.
En attendant, la question et l’argument demeure : POURQUOI 1960 ? Alors que si vraiment le texte de l’authentique secret aborde la perte de la Foi jusque dans l’Église, le sujet colle parfaitement à 1960 : il n’y a même plus besoin de démonstration, d’explication ou d’interprétation. Il suffit de regarder l’état du monde et celui de l’Église. Comme je l’écrivais, c’est le seul événement mondial clairement identifiable à partir des années 60 (chute des vocations, fréquentation des églises en forte baisse, matérialisme, hédonisme, etc).
Argument 6. Le troisième Secret est constitué de « petites paroles » (palavrinhas) qui ne devaient pas être répétées, seulement à François.
Je me suis déjà bien expliqué à ce sujet dans le livret complémentaire : « Vrai ou faux 3ème Secret de Fatima ». J’y reviens pour insister sur un point. La phrase : « Ceci, ne le dites à personne. A François, oui, vous pouvez le dire. » ne se trouvait pas dans la rédaction du 2ème Secret faite dans le récit du 3ème Mémoire. Elle a été rajouté dans le 4ème Mémoire, en même temps et juste à la suite directe de la phrase sur le Portugal et le fameux etc. Le 3ème Secret symbolisé par cet « etc » est donc forcément concerné par cette consigne ! Même le Frère François de Marie des Anges a fini par l’admettre mais en trouvant une échappatoire : les paroles à ne pas répéter étaient celles de l’Ange : « Pénitence ! Pénitence ! Pénitence ! »… Évidemment, si l’on décide que le bout de phrase « Au Portugal se conservera toujours le dogme de la Foi, etc. » n’est pas le début, l’amorce du 3ème Secret (mais alors, à quoi incorporer ce bout de phrase et son « etc » ??), alors mon argument perd de sa force. Mais en revanche, dans cette hypothèse (ce bout de phrase n’est pas le début du 3ème Secret), vous êtes dans l’impossibilité d’expliquer le pourquoi de ce rajout dans le 4ème Mémoire : « la portée exacte et la raison d’être de la phrase sur le Portugal » (p. 126) vous échappe.
Argument 8. Les révélations du Cardinal Ratzinger :
Pour mémoire : Après avoir affirmé qu’il a lu le 3ème Secret, le Cardinal Ratzinger de son côté, en août 1984, répond au journaliste Vittorio Messori qui lui demande pourquoi ce Secret n’est toujours pas révélé : « Parce que, selon le jugement des papes, il n’ajoute rien d’autre à tout ce qu’un chrétien doit savoir de la révélation : un appel radical à la conversion, la gravité absolue de l’histoire, les périls qui pèsent sur la foi et la vie du chrétien, et donc du monde. Et puis l’importance des “derniers temps” […]. Mais les choses contenues dans ce 3ème Secret correspondent à ce qu’annonce l’Écriture… »5.
Vous écrivez : « On ne voit rien, dans ces propos, qui contredise le texte publié le 26 juin 2000 (surtout si l’on garde à l’esprit que le cardinal n’entendait aucunement révéler le secret, mais, au contraire, éluder la question). »
Eluder la question en évoquant la fin des temps, la gravité absolue de l’histoire, les périls qui menacent la Foi ? Rendez-vous compte de la gravité et de la portée de ces allusions ? S’il voulait éluder la question comme vous l’écrivez, il aurait pu choisir de ne parler que d’un appel à la prière et à la pénitence et au retour à l’Évangile, comme il le fit dans une autre déclaration beaucoup moins explicite… Parler de l’importance des « Derniers Temps » dans la bouche d’un cardinal de l’église conciliaire, et en évoquant le 3ème Secret de Fatima, c’est vraiment énorme !
Or, que décrit cette prétendue vision ? Malgré son « flou artistique », on discerne quand même un attentat contre le Pape qui sera tué par un groupe de soldats avec des balles et des flèches, au sommet d’une montagne où il y aura une croix en troncs bruts… Quel rapport avec les Derniers Temps ? Quel rapport avec « les périls qui pèsent sur LA FOI » ?? Quel rapport avec « la gravité absolue de l’histoire » ??? (expressions du cardinal Ratzinger en 1984 pour décrire de manière voilée — mais suffisamment explicite — le contenu du vrai 3ème Secret). Des attentats contre les papes, il y en a eu dans l’histoire, à commencer par le premier : saint Pierre, mort martyr crucifié tête en bas. Un pape tué, c’est certes une épreuve, mais là aussi on peut dire, toutes proportions gardées : « le pape est mort, vive le pape ! »… Des persécutions aussi il y en a eu. Et combien de martyrs ? De sang versé… Je ne vais pas vous en dresser la liste… Cela fait partie de l’histoire de l’Église. Et la description de la prétendue vision s’inscrit dans cette liste : elle ne permet aucunement de faire la relation ni avec la fin des temps, ni avec la perte de la Foi annoncée par l’Écriture précisément pour cette fin des temps, entraînant “la gravité absolue de l’histoire”.
Par ailleurs, il y a bien un ange dans cette prétendue vision du 26 juin 2000 qui pourrait faire penser — comme certains l’ont affirmé — à un passage de l’Apocalypse (VIII, 5 et suivants), mais le problème c’est que le feu qui est déversé sur la terre dans l’Apocalypse est arrêté dans la vision de Fatima avant même d’atteindre la terre. Autrement dit, la liaison avec l’Apocalypse s’arrête là, ou alors il faut penser qu’on assiste à une sorte d’annulation de l’Apocalypse qui donc n’aura pas lieu, à l’encontre donc du texte scripturaire ! De quoi retrouver l’optimisme conciliaire et donner raison aux paroles de Jean XXIII fustigeant contre les prophètes de malheur !
Il faut donc vraiment être de mauvaise foi pour affirmer que la prétendue vision du 3ème Secret est bien conforme avec ce qu’en avait annoncé le cardinal Ratzinger en 1984 !
Argument 2. La prétendue vision ne fait que reprendre les annonces du 2ème Secret sous une forme symbolique, alors que le thème devait nécessairement être différent, distinct. (1960 devait clarifier la prophétie)
Vous répondez : « Le 3ème Secret se contente-t-il de répéter d’une autre façon, ce que disait déjà le deuxième ? La chose pourrait se soutenir si l’on s’en tenait à l’interprétation qu’en donne le Vatican (le 3ème Secret représenterait les persécutions du XXe siècle et l’attentat du 13 mai 1981). Mais c’est une interprétation très peu objective, nous le verrons. De toute manière, ce genre d’argument, s’il pouvait servir à donner une plus ou moins grande vraisemblance à telle ou telle hypothèse avant que le secret ne soit révélé, ne saurait avoir de force contraignante. La sainte Vierge n’a-t-elle pas le droit de se répéter lorsqu’elle veut insister sur un sujet — et ne l’a t’elle pas fait à plusieurs reprises (parlant par exemple du rosaire à chacune de ses apparitions) ? » (p. 123-124)
« La chose pourrait se soutenir si l’on s’en tenait à l’interprétation qu’en donne le Vatican… », dites-vous. Le problème, c’est que même en suivant les éléments que vous nous donnez pour apercevoir la bonne interprétation, on aboutit au même résultat !
En effet, vous proposez en finale sans trop vous engager — et à défaut d’une tentative d'interprétation puisque vous avouez ne pas en avoir — « sept éléments, empruntés de droite ou de gauche, et que seul l’avenir permettra de départager » (p.149), nous permettant « déjà d’apercevoir ou entr’apercevoir certains des éléments de cette explication ». Tout cela est bien vague. Mais ces éléments (qui parfois se contredisent comme vous le reconnaissez) se résument à ces thèmes : martyre et souffrances du Pape, persécutions contre l’Église et le Pape (aboutissant à la crise que l’on connaît et qui augmentera encore sans doute), guerre avec une ville (probablement Rome) à moitié détruite, mais qui peut aussi symboliser l’Église. Or, toutes ces choses sont déjà décrites dans le 2ème Secret dont je vous rappelle les termes particulièrement forts et clairs : « (Dieu) va punir le monde de ses crimes par le moyen de la guerre, de la faim et des persécutions contre l’Église et le Saint-Père. Pour empêcher cette guerre, je viendrai demander la consécration de la Russie à mon Cœur immaculé et la communion réparatrice des premiers samedis. Si on accepte mes demandes, la Russie se convertira et on aura la paix ; sinon elle répandra ses erreurs à travers le monde, provoquant des guerres et des persécutions contre l’Église. Les bons seront martyrisés, le Saint-Père aura beaucoup à souffrir, diverses nations seront détruites. »
Donc vos “éléments” confirment en fait la thèse de la C.R.C. : « le [3ème] Secret, comme nous allons le voir, reprend les prophéties de la partie précédente sous une forme symbolique.6 » Vos “éléments” n’apportent en effet rien de nouveau par rapport aux annonces du 2ème Secret. A l’analyse, il faut même conclure que le 2ème Secret est beaucoup plus important que le 3ème, et surtout beaucoup plus clair ! [La clarté qui est un élément majeur du message de Fatima ne se retrouve plus dans ce 3ème Secret.] Je vous reporte donc à mon livret « Vrai ou faux 3ème Secret ? » (réponse à la 6ème objection).
Mais cela ne vous gène pas : «La sainte Vierge n’a-t-elle pas le droit de se répéter lorsqu’elle veut insister sur un sujet — et ne l’a-t-elle pas fait à plusieurs reprises (parlant par exemple du rosaire à chacune de ses apparitions) ? » (p. 124).
C’est confondre une insistance pédagogique bien compréhensible avec une annonce prophétique qui ne devait être révélée qu’à partir de 1960 car alors ce texte « il apparaîtra plus clair ». Les deux choses ne peuvent pas être comparées : c’est de la mauvaise foi. Et la sainte Vierge ne pouvait pas nous faire attendre 18 ans (1942-1960) pour finalement nous apporter un texte énigmatique, sans thème nouveau, et dont on se demande encore 45 ans après ce qu’il peut bien signifier !
Pour vous échapper de cette logique, vous écrivez d’abord : « Sa réponse “Alors il apparaîtra plus clair” semble plutôt une réflexion de bon sens face à une question dont la répétition devait devenir lassante. Comme une façon de dire : la sainte Vierge sait ce qu’elle fait. Si elle a demandé sa divulgation en 1960, c’est qu’à cette date, il sera utile. Il convient de ne pas donner à cette petite phrase plus d’autorité qu’elle n’en a. »
Si vous commencez à modifier et diluer les réponses de Lucie pour asseoir votre thèse, laissez-moi vous dire que vous perdez tout crédit.
De surcroît, on sait que les thèmes seront différents : la révélation de Notre-Seigneur le 17 décembre 1927 ne laisse à ce sujet aucun doute : sœur Lucie avait reçu l’autorisation de révéler tout ce que le Secret contenait sur la dévotion au Cœur Immaculé de Marie. Tout : c’est à dire autant les paroles que les visions puisqu’elle révéla aussi la vision de l’enfer par la même occasion. Donc le 3ème Secret évoque un autre thème.
« Le 17-12-1927, Lucie s’adressa à Jésus-Hostie pour savoir comment elle pourrait bien obéir à son Directeur spirituel, qui lui demandait de consigner par écrit certaines grâces de Dieu, alors que parmi elles se trouvait précisément le secret confié par Notre-Dame de Fatima. Et Jésus lui fit entendre d’une voix claire ces paroles : “Écris, ma fille, écris ce qu’on te demande. Écris aussi tout ce que la Très Sainte Vierge t’a révélé au sujet de la dévotion au Cœur Immaculé de Marie. Quant au reste [“etc” signifie précisément selon le dictionnaire : “Et le reste” !] du secret, continue pour le moment à garder le silence !” »7
C’est une preuve manifeste que le 3ème Secret ne peut pas répéter la même chose que les deux premières parties, même sous une forme différente (vision symbolique) ! Notre-Seigneur donne ici l’autorisation quant au thème, au sujet : la dévotion au Cœur Immaculé de Marie, et les conséquences qui découleront de l’observation ou de la non-observation aux demandes à ce sujet. Comment, après cela, écrire que le 3ème Secret peut bien ne répéter que ce que disait déjà le 2ème Secret ? La « chose distincte » ne serait qu’une question de forme (vision symbolique) et non de thème, ce qui est ici contredit par la révélation de 1927.
Argument 4. La phrase inachevée sur le Portugal et la conservation de la Foi.
Enfin, je note que vous ne donnez aucune explication sur « la portée exacte et la raison d’être de la phrase sur le Portugal » (p. 126). Vous critiquez ceux qui voient là le tout début du 3ème Secret (le Père Alonso notamment et tous les experts de Fatima), mais vous êtes incapables de donner un sens, une interprétation, une logique à ce bout de phrase. Encore moins au « etc » : sans parler de la ponctuation (problème secondaire), la vision qui lui ferait suite n’a aucun rapport ni avec le thème (la Foi), ni avec la forme (texte clair). Un bout de phrase pourtant capital car le thème évoqué, comme je l’ai écrit dans mon livret complémentaire, est en soi un thème plus important que les guerres, les famines et les persécutions : garder la Foi est plus important que tout ! Et contrairement au Père Alonso, j’estime que ce « bout de phrase » est parfaitement à sa place. D’ailleurs, Lucie a affirmé avoir redit le Secret mot pour mot et dans l’ordre où les paroles furent prononcées : « En 1946, plusieurs historiens de Fatima ont pu faire préciser à Sœur Lucie certains points importants que voici : (…) — En écrivant le Secret, avez-vous cité littéralement les paroles de la Sainte-Vierge ? — « Oui, lorsque j’écris, je tâche de citer littéralement. J’ai donc voulu écrire le secret mot à mot. » — Etes-vous sûre d’avoir tout retenu ? — « Je pense ! et j’ai écrit les PAROLES dans l’ordre même où elles furent prononcées ! »8
Donc, si cette phrase vient après ce qui apparaît comme une conclusion : «A la fin, Mon Cœur Immaculé triomphera», (la conclusion de la partie concernant le Cœur Immaculé de Marie, selon l’autorisation de publication de Notre-Seigneur en 1927) c’est qu’elle ouvre un autre chapitre, un autre thème distinct qui n’était pas encore évoqué jusqu’alors : LA FOI et notamment un grand risque de PERTE DE LA FOI dans les autres parties du monde9. D’autre part, cette petite phrase demande une suite : comme le faisait remarquer le Frère Michel : si la Foi se conservera au Portugal, c’est que dans les autres parties du monde, on peut penser qu’il y a péril à ce sujet ?… Donc, cette phrase est non seulement importante quant au nouveau thème évoqué (qui ne se trouve pas dans les deux premières parties du Secret), mais elle réclame une suite : elle n’est pas terminée car elle laisse le lecteur sur sa faim… Pourquoi ne parler que de la Foi au Portugal ? Et le reste du monde, va t-il perdre la Foi ? C’est l’interrogation qui logiquement nous vient à l’esprit en lisant ce « bout de phrase », et on ne pourra jamais conclure en l’absence de la suite. Cette petite phrase restera à jamais énigmatique. Selon une formule classique en pareil cas : « vous en avez trop dit ou pas assez ». Comment peut-on laisser ce problème en suspens dont le thème trouve pourtant un immense écho de nos jours — vous avouez même que c’est un élément de poids qui va dans le sens de l’inauthenticité de la vision publiée — et néanmoins conclure de manière certaine à l’authenticité de la prétendue vision de manière catégorique, alors qu’elle s’avère confuse et qu’elle n’éclaire en rien cette petite phrase ? Elle n’en reprend même pas le thème ! Ce n’est pas sérieux. Et donc, il n’est pas possible d’interpréter le « etc » comme signifiant la vision annexe du 3ème Secret. Je reviens donc sur ce que j’ai écrit dans mon livret complémentaire car à l’analyse, ce n’est même pas envisageable, étant donné que cette vision ne vient aucunement éclaircir le thème évoqué. Comme je l’écrivais dans mon livre en 2001 : « Et il est impossible de greffer une vision sur une phrase qui reste à terminer ! Ceci est du domaine de la simple logique et du bon sens. Même un jardinier qui n’a pas fait de hautes études saura comprendre qu’on ne peut pas greffer une pousse d’ortie ou une branche de cerisier sur un rosier ! » (p. 33, 3ème édition)
J’ajoute encore ceci, pour répondre à ce que vous écrivez p. 150 :
« Il semble qu’Elle ait voulu aussi, sans y insister davantage, laisser entendre, avec la délicatesse d’une mère, que le mal pourrait être bien pire encore et corrompre la foi à l’intérieur même de l’Église (en partie à cause de la subversion communiste). C’est ce que laisse entendre la petite phrase sur le Portugal. Il n’était pas besoin d’en dire davantage puisque, de fait, cette seule petite phrase a suffi à orienter l’esprit des experts vers la crise actuelle de la foi.10 »
“Il n’était pas besoin d’en dire davantage” ? Alors, dans ce cas, si au Portugal se conservera toujours le dogme de la Foi, et si on estime que la phrase est complète et qu’elle n’a pas de suite, alors tout va bien : c’est une bonne nouvelle, réjouissons-nous. Le Portugal sera toujours fidèle. Point final. Rien, en effet, dans cette perspective, ne nous autorise à penser qu’elle se perdra ailleurs. Rien dans la prétendue vision n’est à même d’aller dans ce sens. Donc, de ce côté, la situation est « normale ». Le thème est certes important, mais la situation est bonne. Pas de perte de la Foi expressément indiquée et donc pas de crise des “Derniers Temps” à envisager. Pire même : on peut faire par exemple légitimement le raisonnement suivant qui va à l’encontre de ce que vous écrivez : la sainte Vierge nous donne comme modèle le Portugal. Si les autres pays du monde gardent la même foi que le Portugal, c’est qu’il conservent toujours le dogme de la Foi. Et comme le Portugal a suivi les réformes conciliaires, la nouvelle Messe, que Fatima va même ouvrir un centre inter-religieux, que la dénatalité est très importante, c’est que les pays qui suivent la même route conservent donc toujours le dogme de la Foi : « la Foi authentique, la vraie Foi » selon les mots de sœur Lucie que vous citez… Donc, la petite phrase n’est pas assez complète telle qu’elle est, ni donc suffisante, pour “indiquer une crise de la Foi”. Si les experts ont pensé à cela, c’est dans l’hypothèse logique que cette phrase se continue pour l’annoncer explicitement et nous donner des éléments complémentaires pour être en mesure de la comprendre parfaitement.
Écrire donc que ce bout de phrase était suffisant pour évoquer la perte de la Foi dans le monde (p. 150) : je réponds OUI si ce bout de phrase a une suite le précisant expressément (comme tous les experts l’ont pensé à juste titre, avec confirmation par le cardinal Ratzinger et il ne s’agit pas là de conjecture puisqu’il avait lu le texte authentique !). NON si ce bout de phrase est fini et complet. Ou alors, on tombe dans l’interprétation personnelle et… arbitraire. Là encore « La Sainte Vierge laisse entendre », écrivez-vous. Certes, on peut s’interroger sur une éventuelle perte de la Foi ailleurs qu’au Portugal, mais l’interrogation restera à jamais ouverte sans que personne ne puisse conclure de manière certaine. C’est une hypothèse qui ne s’impose pas.
***
Enfin, vous écrivez comme preuve annexe de l’authenticité que le prétendu Secret a été publié du vivant de sœur Lucie et qu’elle n’a rien dit, qu’il n’y a pas eu de désapprobation, etc… Quel argument ! Vous rendez-vous compte que par ailleurs, on lui a fait dire n’importe quoi et vous en convenez : que la date de 1960 venait de son intuition… Que le Secret ne concernait que le Pape… Que lui seul était en mesure de l’interpréter… Qu’il n’était qu’une révélation symbolique (lettre du 12 mai 1982)… Que l’interprétation du Vatican est la bonne… Que la Consécration de la Russie est faite comme Notre-Dame l’avait demandé (dans des lettres largement publiées), etc. Et je n’évoque même pas les interviews avec Carlos Evaristo puisque vous écrivez que cette relation ne mérite aucun crédit : pourtant, comment expliquez-vous que l’enregistrement de l’un des interviews a été diffusé sur les ondes en Italie (information d’Yves Chiron dans Aletheia) : et puis, sœur Lucie a t-elle un jour protesté contre les énormités qu’on lui a fait dire dans ces interviews ? Jamais, alors qu’ils ont été édités par de grandes maisons d’édition (Mame-Plon en France) et largement publiés. Compte tenu de ces éléments, je ne vois pas où est le grand risque pour le Vatican de continuer sur le même chemin… Elle doit obéir à ses supérieurs et manifestement, ils ne se privent pas de leurs pouvoirs. Il est vrai que l’on peut se poser des questions autour de sœur Lucie (toutes les hypothèses sont ouvertes comme l’indique mon chapitre VIII, sans pouvoir conclure de manière certaine), mais manifestement le Vatican ne pouvait craindre une réaction forte de sœur Lucie face à la publication d’un faux Secret, du fait de son état de religieuse cloîtrée et obéissante. Ce n’est pas un argument qui tient. De plus, il ne faut pas oublier que sœur Lucie était très âgée en l’an 2000… Le communiqué de l’Agence France Presse qui a annoncé son décès en 2005 affirme qu’elle « était sourde et aveugle depuis des années »… (voir en annexe : cette agence n’a pas l’habitude d’annoncer de fausses nouvelles) Je n’ai pu avoir confirmation de cette nouvelle, mais si c’est exact, il n’y avait plus aucune réaction à attendre de sa part…
Quant à dire que la difficulté d’interprétation de la “vision” par le Vatican plaide en faveur de l’authenticité, je pense le contraire : qu’elle a été calculée comme je l’ai expliqué dans mon livre p. 55-56. Comment imaginer un texte clair, qui tourne visiblement à l’avantage de l’église conciliaire et de Jean-Paul II ? Le faux aurait tout de suite été démasqué. Or, ce texte certes obscur et difficile à déchiffrer permet de noyer le poisson “Fatima” et son fameux 3ème Secret, avec une marge de confusion et de brouillard très judicieuse… Comme certains textes ambigus de Vatican II ! Le flou était calculé pour pouvoir, après coup, l’interpréter à sa manière. C’est un enterrement de première classe puisque tout le monde tombe dans le panneau tout en se demandant quelle signification précise il peut avoir… Là aussi, c’est manifestement « le coup de maître de Satan » !
Je regrette donc beaucoup votre conclusion qui ne fait pas l’ombre d’un doute, malgré les zones d’ombre que vous reconnaissez : le texte est certainement authentique ! La formule est d’ailleurs éloquente : « il nous semble pouvoir affirmer avec certitude » : s’il vous semble seulement, il faudrait éviter d’affirmer une certitude finalement “douteuse”.
Au lieu de conclure à l’authenticité certaine du texte publié le 26 juin 2000 — avec néanmoins beaucoup de “semble” dans vos analyses —, vous auriez pu au moins laisser un doute plus marqué, surtout qu’en conclusion finale, vous avouez votre incapacité à en fournir une analyse cohérente et plausible. C’est au moins honnête de ce côté.
Mais vous devriez vous rendre compte que votre conclusion même est un argument en plus en faveur de l’inauthenticité… Puisque le texte n’est toujours pas clair 45 ans après la date où il devait l’être… Vous êtes même obligés de conclure qu’il ne peut concerner qu’un événement futur, encore à définir, et je ferais comme vous si je croyais à l’authenticité du texte et si je ne tenais pas compte de cette date de 1960...
Tous ces éléments auraient du vous amener, comme je vous l’ai écrit au départ, à une conclusion plus nuancée. Vous auriez du au moins envisager l’inauthenticité comme une possibilité. C’est ce que je déplore le plus dans votre article qui, de ce fait, apparaît trop partisan. C’est dommage. Et je pense surtout, en écrivant cela, à la confusion totale qui va s’installer dans l’esprit des lecteurs… Cette conclusion affirmative et catégorique est d’ailleurs d’autant plus surprenante que vous écriviez dans l’introduction : « L’article qui suit n’entend pas trancher de façon définitive, mais apporte des éléments d’information et de réflexion. » !? Or en conclusion, vous affirmez avec certitude que le texte publié le 26 juin 2000 est authentique.
Espérons que l’avenir éclaircira définitivement la question, d’une manière certaine et absolue, et que toutes ces divisions qui nuisent gravement au Message de Fatima disparaissent enfin. C’est mon plus grand souhait !
Laurent MORLIER
P.S. : Sur les autres arguments, en bref :
1/ concernant la longueur du texte et sa disposition, j’ai écrit qu’on ne pouvait rien affirmer de précis (notamment en nombre de lignes) mais seulement conclure que le texte présenté par le Vatican constituait une longueur maximale et qu’il permettait d’affirmer que de toutes manières le texte ne pouvait pas être plus long (ce qui exclu les hypothèses comme quoi il manquerait les paroles qui expliqueraient la vision : hypothèse en son temps de l’abbé Delestre, qu’apparemment il semble ne plus soutenir).
2/ Sur l’angoisse et le malaise de Lucie pour écrire le 3ème Secret : j’admets à la rigueur que l’on puisse envisager que cet état ait pu venir d’un problème de conscience entre obéir à Notre-Seigneur qui lui avait demandé de n’en rien dire (1927) et l’ordre de son évêque de le mettre par écrit. C’est pourquoi, je ne considère pas cet argument comme un argument majeur, et je ne l’ai pas présenté comme tel. Les deux hypothèses peuvent néanmoins se soutenir puisque le Père Alonso qui connaissait bien Lucie soutenait celle que je soutiens, que je ne fais que rappeler, à savoir que l’importance du contenu et le fait de le mettre par écrit provoqua ce grand malaise intérieur. Néanmoins, elle ne s’impose pas absolument.
3/ Concernant les analyses graphologiques, j’ai déjà répondu dans le livret complémentaire « Vrai ou faux 3ème Secret de Fatima » (p. 31) : « Pour le reste, bien sûr, comme dans tout procès juridique, les analyses graphologiques ne constituent qu’un élément du dossier, un indice souvent discutable, entre d’autres preuves, mais jamais — ou très rarement — la preuve absolue. Je n’ai donc pas la prétention de déclarer faux la lettre du 12 mai 1982 et le 3ème Secret du 26 juin 2000 sur cette seule base et c’est pourquoi dans le chapitre III récapitulant les preuves de l’inauthenticité, je n’ai pas mentionné comme preuve les analyses graphologiques. Elles sont traitées à part, dans un chapitre à la fin de l’ouvrage, comme en annexe du raisonnement principal. C’est simplement un indice supplémentaire à porter au dossier, mais un indice que je sais contestable. »
Il n’est donc pas question de se lancer dans une bataille d’experts et contre-experts. Plusieurs affaires criminelles ont montré dernièrement que les analyses graphologiques n’avaient pas permis d’apporter une preuve absolue.