Abbé Michel Marchiset

 

Quarante ans d’erreurs

 

RÉfutation des arguments erronÉs sur l’infaillibilitÉ de l’Église.

 

˝les vÉritÉs ont ete diminuÉes par les enfants des hommes˝

(Psaume xi, 3)

 

Quand une erreur est réfutée, si elle est répétée, elle devient un mensonge (parler avec l’intention de tromper) 

Aller contre la vérité connue, c’est pêcher contre le Saint-Esprit,

péché irrémissible (Math., xii, 31-32).

 

I - Préliminaires

 

 Pour commencer cette étude, qui se présente dans une large partie sous la forme d’une réfutation de la Note parue sur le bulletin des AFS (supplément au n° 145) en octobre 1999 et de l’Aide-mémoire sur l’infaillibilité de l’Eglise publié en août 2004 sous la direction de Monsieur Arnaud de Lassus, il est absolument nécessaire de rappeler I’unité qui existe entre Notre Seigneur et Son Eglise.

1- Le Christ et l’Église c’est tout un

Régulièrement le fidèle catholique redit son acte de foi :

« Mon Dieu je crois fermement toutes les vérités que Vous nous avez révélées et que Vous nous enseignez par Votre Eglise, parce que Vous êtes la vérité même et que Vous ne pouvez ni Vous tromper, ni nous tromper ».

Plusieurs variantes de l’acte de foi existent et celles-ci correspondent toujours, renforcent même, cette union du Christ et de Son Eglise.

Ainsi, par cet acte de foi mais aussi dans bien d’autres occasions, le fidèle catholique affirme implicitement cette unité entre le Christ et Son Eglise. Il est donc indispensable, si l’on veut parler correctement de l’infaillibilité accordée à son magistère, de rappeler cette union. Merveilleusement développée par les Pères de l’Eglise et citée dans les ouvrages traitant de l’Eglise Corps mystique du Christ, elle est l’objet de plusieurs sermons chez saint Augustin :

«Qu’est-ce que l’Eglise ? Le corps du Christ. Ajoutez-lui la tête, et cela devient un seul homme : la tête et le corps ne font qu’un homme. La tête qui est-elle ? Celui qui est né de la Vierge Marie. Son corps, qui est-il ? Son épouse, c’est à dire, l’Eglise… Et le Père a voulu que les deux ne fassent qu’un seul homme : le Christ-Dieu et l’Eglise » (sermon 45).

2- MÊme voix

 Il en est de même pour l’enseignement. Citons encore saint Augustin qui nous rappelle que l’enseignement prodigué par l’un et par l’autre est une seule voix :

« L’unité merveilleuse de cette personne, Isaïe, lui aussi, nous l’enseigne, car le Christ, en ce prophète, s’exprime en ces termes : « Comme un époux, il m’a couronné d’une mitre, comme une épouse, il m’a embellie d’ornements » (Isaïe lxi, 10). Il se nomme à la fois l’époux et l’épouse. Pourquoi est-il à la fois l’époux et l’épouse, sinon parce qu’ils seront deux en une seule chair ? S’ils sont deux en une seule chair, pourquoi ne seraient-ils tous deux, en une seule voix ? Que le Christ parle donc, puisque, dans le Christ, parle l’Eglise, et dans l’Eglise parle le Christ : la tête dans le corps et le corps dans la tête » (sermon sur le psaume 30).

3- MÊmes modes d’enseignement

 Instruits par ces passages de St Augustin sur l’union du Christ et de Son Eglise, et sur l’identité de l’enseignement du Christ et de l’Eglise, ce que nous affirmons implicitement dans notre acte de foi, nous pouvons maintenant parler des modes d’enseignement employés par Notre Seigneur et prolongés par l’Eglise. Nous vous le rappelons à l’aide des exemples que nous apportent les Evangiles :

- un mode simple et ordinaire, celui que le Maître employait habituellement. Il disait aux Apôtres et aux foules, selon sa manière d’enseigner : 

‘’Ecoutez ! Voici que le semeur sortit pour semer’’Et il leur disait aussi : Est-ce qu’on apporte la lampe pour la mettre sous le boisseau ? N’est-ce pas pour être mise sur le chandelier?’’» Etc. (Marc iv, 2 et 21).

- un mode solennel et extraordinaire, comme s’Il voulait par-là frapper davantage les esprits pour mieux retenir leur attention. Il commençait alors son enseignement par quelque formule solennelle :

« En vérité ! En vérité ! Je vous le dis » ; ou par l’annonce de bénédictions : « Bienheureux les pauvres… Bienheureux… » ; ou encore en fulminant des malédictions : « Malheur à vous… ».

 L’Eglise prolongeant la présence du Maître, a adopté pour enseigner les façons de faire de Notre Seigneur. Laissons-lui le soin de nous rappeler cette vérité avec son Autorité :

«Le Magistère de l’Eglise, établi ici bas d’après le dessein de Dieu pour garder perpétuellement intact le dépôt des vérités révélées et en assurer facilement et sûrement la connaissance aux hommes, s’exerce chaque jour par le Pontife romain et par les évêques en communion avec lui; mais en outre, toutes les fois qu’il impose de résister plus efficacement aux erreurs et aux attaques des hérétiques ou d’imprimer dans l’esprit des fidèles des vérités expliquées avec plus de clarté et de précision, ce magistère comporte le devoir de procéder opportunément à des définitions en formes et termes solennels…Cet usage extraordinaire du Magistère n’introduit aucune nouveauté… » (Pie XI, Mortalium animos).

Afin de nous familiariser toujours plus à ces modes d’enseignement, retenons ce que nous dit le théologien J.-M.-A. Vacant [1] sur le magistère ordinaire universel puisqu’il sera particulièrement question de ce magistère dans l’analyse qui va suivre :

«Ce magistère n’est autre chose, en effet, que celui dont l’Eglise tout entière nous offre continuellement le spectacle, quand nous la voyons parler sans cesse par la bouche du pape et de tous les évêques catholiques, se mettre par tout l’univers à la disposition et à la portée de tous les hommes, des infidèles et des chrétiens, des ignorants et des doctes, leur apprendre à régler d’après la Révélation divine non seulement leur foi, mais encore leurs sentiments, leur culte et toute leur conduite. Ce mode d’enseignement, qui s’exerce aujourd’hui partout et sur toutes choses, il est facile de montrer qu’il s’est toujours exercé de la même manière et qu’on a toujours reconnu son infaillible autorité. C’est en effet, ce mode d’enseignement qui, par lui-même, répond le plus pleinement à la mission dont Jésus-Christ a chargé ses Apôtres ; car Il leur a ordonné de se disperser par toutes les nations, pour enseigner, tous les jours, toute sa doctrine. Ses paroles sont formelles : « Allez instruire tous les peuples et apprenez-leur à garder ce que Je vous ai dit, et Moi je serai avec vous tous les jours jusqu’à la fin des temps ».

4- L’hÉrÉsie du XXè siÈcle sur l’infaillibilitÉ de l’Église

Après ce passage qui fait partie d’un exposé sur ce magistère ordinaire et qui démontre fort bien comment l’Eglise enseignante au concile Vatican I était consciente de ses différents modes d’enseignement, nous devons maintenant dire quelques mots sur la diminution du bagage intellectuel en ces points de doctrine chez nos contemporains.

En comparant les documents relatifs au premier concile du Vatican ainsi que les différents auteurs qui ont traité de l’infaillibilité de l’Eglise jusqu’au début du XXè siècle nous constatons les nombreuses lacunes dans la formation religieuse des trois, voire quatre dernières générations de séminaristes et conséquemment des fidèles qui n’ont pas pu recevoir ce que leurs pasteurs n’avaient pas reçu eux-mêmes. Ce sont ces lacunes que nous essayons de combler en rappelant ces points de doctrine tout en étant conscients que ces lacunes ont engendré des erreurs, de véritables hérésies sur une vérité contenue dans notre Credo, notre foi en l’Eglise qui ne peut ni se tromper ni nous tromper.

Cet oubli du magistère ordinaire infaillible du souverain Pontife en particulier ainsi que le refus de regarder en face le problème posé au concile Vatican II par le magistère ordinaire en général, est donc à l’origine de plusieurs arguments qui auront tous un point commun : une atteinte à la foi théologale en Dieu et en Son Eglise.

Parmi ceux qui ont été à l’origine d’un ou plusieurs arguments, certains sont décédés, mais d’autres générations de clercs et de laïcs continuent de scandaliser les âmes par des solutions toujours aussi erronées.

5 – L’oubli de l’infaillibilitÉ du magistÈre ordinaire du souverain Pontife

Ce magistère ordinaire du souverain Pontife existe bel et bien mais nous devons savoir comment celui-ci fut en quelque sorte placé aux oubliettes. Lorsque nous observons les documents du magistère dont certains seront cités par Monsieur Arnaud de Lassus lui-même, ceux-ci ne manquent pas d’y faire référence. Ne serait-ce que l’encyclique que nous venons de citer : « Le magistère de l’Eglise (…) s’exerce chaque jour par le pontife romain (…) ». Or, paradoxalement, ce magistère fut insensiblement oublié par la proclamation de l’infaillibilité pontificale. Voici à ce propos ce que nous dit le théologien Dom Paul Nau :

«Tout se passe (depuis la proclamation de l’infaillibilité pontificale) comme si l’éclat même de la définition avait rejeté dans l’ombre la vérité jusque là universellement reconnue». Ce qui signifie effectivement que l’infaillibilité de son magistère ordinaire n’était pas contestée. «Elle jouissait alors, nous dit le théologien, d’une tranquille possession».

 Puis dans une note, Dom Paul Nau fait une remarque très intéressante, qui explique bien une des causes de l’état d’esprit actuel :

«On comprend aisément comment à pu s’introduire ce glissement de perspective : depuis 1870, les manuels de théologie ont pris pour énoncés de leurs thèses les textes mêmes du concile. Aucun de ceux-ci ne traitant in recto de l’enseignement ordinaire du seul souverain Pontife, celui-ci a été peu à peu perdu de vue et tout l’enseignement pontifical a paru se réduire aux seules définitions ex cathedra. De plus l’attention étant entièrement attirée sur celles-ci, on s’est habitué à ne plus considérer les interventions doctrinales du Saint-Siège que dans la seule perspective du jugement solennel : celle d’un jugement qui doit à lui seul apporter à la doctrine toutes les garanties requises. Dans cette perspective il était impossible de saisir la vraie nature du magistère ordinaire. Elle demeure pourtant celle de plus d’un auteur ».

(les soulignés et caractères gras sont de notre fait).

Si nous tenons dans ces préliminaires à rappeler les causes de cet oubli du magistère ordinaire du souverain Pontife, c’est bien parce que celui-ci fut implicitement impliqué avec celui des évêques lors de Vatican II. L’on aurait tort en effet, de ne considérer que le cas du magistère ordinaire des évêques, puisque celui-ci en tant que corps épiscopal dispersé ou réuni en concile œcuménique tient son infaillibilité de l’infaillibilité même de sa tête, de l’infaillibilité du magistère du souverain Pontife. Par conséquent et dans le cas qui nous intéresse ici, il s’agit du magistère ordinaire de J. B. Montini qui a présidé et ratifié ce concile. Mais que le lecteur ne s’y trompe pas, il en est de même pour les magistères suivants puisque ceux-ci ont appliqué, et appliquent toujours ce concile, ses réformes liturgiques et disciplinaires.

C’est donc dans ce climat que le Bon Dieu permet que nous subissions les outrages de ceux qui disent que «nous voyons de l’infaillibilité partout» alors qu’eux-mêmes, possédant des lacunes certaines sur les modes d’enseignement du magistère, finissent par ne voir l’infaillibilité de l’Eglise, pour les besoins de leurs causes, que dans les seules définitions ex cathedra.

Avant de passer à l’analyse des documents en question, ce qui nous permettra de remettre bien des choses en place en ce qui concerne le magistère et l’infaillibilité de l’Eglise, retenons tout d’abord ce passage de la Constitution Dei Filius de Vatican I.

6- Le passage le plus connu de la constitution Dei Filius

 Celui-ci mérite d’être cité ( et même au besoin d’être appris par cœur ) en dehors de tous les feux dont il va être l’objet. Les termes magistère ordinaire et universel ont été choisis par les Pères conciliaires et par Pie IX lui-même qui les employait déjà dans sa lettre à l’archevêque de Munich en 1863, pour désigner le mode d’enseignement des évêques, soit dispersés soit réunis en concile mais en tous les cas unis au souverain Pontife.

 Ce passage de la constitution bien compris complète fort heureusement notre acte de foi, lui-même expression et résumé de l’union du Christ et de Son Eglise :

 

«On doit croire de foi divine et catholique, toutes les vérités qui sont contenues dans la parole de Dieu écrite ou transmise par la Tradition et que l’Eglise propose à croire comme divinement révélées, soit par un jugement solennel, soit par son magistère ordinaire et universel».

 

Chapitre III, de fide.

 

II - Un dilemme dans le clergé et parmi les fidèles

1- Le dilemme.

C’est dans le contexte que nous venons de décrire que se situe le dilemme entre ceux d’une part qui ont perdu de vue les principes élémentaires des modes d’enseignement et qui interprètent ceux-ci de façon fort restrictive, et ceux d’autres part qui embrassent toute cette doctrine de l’Eglise et qui devant les hérésies conciliaires et les réformes postconciliaires qui sont désormais des faits, ne peuvent y voir la voix et l’œuvre de l’Eglise de Notre Seigneur Jésus-Christ.

Les premiers contournent les problèmes, pour des raisons que nous allons démontrer, et ne posent jamais les bonnes questions.

Les seconds, au contraire, saisissent combien la vraie nature du magistère dans l’exercice de ses différents modes d’enseignement correspond à l’ordre formel de Notre Seigneur lorsqu’il dit à ses Apôtres :

«Toute puissance M’a été donnée dans le ciel et sur la terre. Allez donc, enseignez toutes les nations, les baptisant au nom du Père et du fils et du Saint-Esprit, et leur enseignant à observer tout ce que Je vous ai commandé. Et voici que Je suis avec vous tous les jours, jusqu’à la consommation des siècles» (Matthieu, xviii, 18-19). Et saint Marc précise : «Celui qui ne croira pas sera condamné», Marc, xvi, 16.

Ils comparent ainsi les faits conciliaires et post-conciliaires avec la doctrine et se posent les véritables questions, celle de l’autorité et de la légitimité de ces « papes conciliaires » et en remontant aux causes, celles des conditions nécessaires pour être canoniquement (validement) élu souverain Pontife. Mais ces questions, nous l’avons dit, ils se les posent en n’oubliant jamais de les replacer dans le contexte de la conjuration antichrétienne qui pour arriver à ses fins avait besoin d’investir la place.

Dans ce dilemme l’auteur des documents que nous analysons a donc biaisé, il a cherché une solution qui permette, et nous insistons bien sur ce fait : d’exclure la possibilité de parler d’un Magistère ordinaire infaillible pour le concile Vatican II.

Ainsi, suite aux vieilles et vaines tentatives pour prouver que l’infaillibilité de l’Eglise n’avait pas été engagée au concile Vatican II (le fameux argument du concile «pastoral»), les tenants de la légitimité des «papes conciliaires» en sont réduits à utiliser des circonvolutions. Circonvolutions qui ne sont évidemment pas faites pour vulgariser la doctrine de l’infaillibilité de l’Eglise. Pour comble, l’auteur n’hésite pas à affirmer dans les premières lignes de l’Aide mémoire : « Doctrine qui est simple mais qui a été compliquée par des ambiguïtés de vocabulaire» ! (p. 69 du n° 174 des AFS).

Puisque selon l’auteur, se sont des « ambiguïtés de vocabulaire » qui ont compliqué la compréhension de la doctrine, nous regarderons donc quelle est son argumentation et si la doctrine qui en résulte est simple et catholique.

 

III – Analyse des documents

1- la mÉthode de l’auteur

Nous avouons que nous goûtons très peu la méthode de l’auteur qui consiste à citer certains Actes du magistère ainsi que les écrits des théologiens pour ses fins particulières et qui ne retenant pas la saine doctrine passe ensuite celle-ci sous les feux de sa propre interprétation. De plus nous nous demandons si cette méthode, déjà fort peu scolastique, ne serait pas l’occasion de régler un contentieux avec quelques clercs et fidèles qui n’auraient fait que rappeler correctement la doctrine sur l’infaillibilité de l’Eglise. La suite de la réfutation de ces deux documents va nous permettre de répondre par l’affirmative.

2- Quand la saine doctrine devient une thÈse

Dans les premières pages de la Note l’auteur passe en revue quelques citations d’articles présentant des définitions du magistère ordinaire et universel qui, même si celles-ci ne parlent pas expressément de mode d’enseignement, désignent directement le magistère comme l’autorité enseignante. Cette autorité étant le sujet du magistère, ces définitions ne posent pas de problème particulier, sauf pour l’auteur et nous allons rapidement en comprendre la raison.

Une définition dérange donc celui-ci. C’est celle qu’il relève dans cet article paru dans la Lettre aux amis du monastère du Barroux n°89 (22 février 1999) :

«(…) Nous leur (certains lecteurs de la Lettre) répondons volontiers par l’enseignement de l’Eglise sur l’infaillibilité de son magistère ordinaire universel, c’est à dire du Pape et de l’ensemble du corps épiscopal uni à lui, à quoi il est nécessaire d’adhérer».

Indépendamment de l’article qui émane d’une communauté ralliée, l’auteur considère cette définition comme une « extension de l’infaillibilité ». Voici le passage où nous signalons l’expression en caractères gras:

 «On trouve la même définition (et la même extension de l’infaillibilité) formulée par d’autres auteurs »(p. 3 et 4 de la Note).

Après les citations des « autres auteurs », ce genre de définition, déjà qualifiée « d’extension de l’infaillibilité » se retrouve présentée comme une « thèse ». C’est ainsi que l’auteur va se fixer particulièrement sur les écrits de l’abbé Lucien qui ne faisait à l’époque (ses écrits datent de 1994), que rappeler la doctrine sur le magistère ordinaire et universel (les caractères gras sont de notre fait) :

«Par l’expression ’’Magistère ordinaire et universel’’(…), il (le concile Vatican II) désigne le corps épiscopal uni à sa tête, dans son enseignement quotidien et concordant. Il s’agit bien du corps épiscopal (subordonné à sa tête) à un moment donné de l’histoire (n’importe lequel bien sûr) et aucunement ce qui a été enseigné toujours et partout…» [2] .

Aux dires de Monsieur Arnaud de Lassus ces textes développeraient une thèse à laquelle il donne un titre :

«Dans ces divers textes, est affirmée comme allant de soi, une thèse que nous appellerons, pour faire court, thèse de l’infaillibilité du Magistère vivant à une époque donnée (quelle qu’elle soit)» (p. 4 de la Note précitée).

3- L’argument de l’auteur

C’est donc dans cette dernière citation que nous découvrons l’argument en question. En effet, il faut s’arrêter sur l’expression : «à une époque donnée». Pourquoi cette précision dans le titre de cette prétendue thèse puisque que nous avons vu dans les définitions que nous venons de donner dans les Préliminaires et tout spécialement avec Pie XI dans Mortalium animos, que «le Magistère de l’Eglise s’exerce chaque jour par le pontife romain et par les évêques en communion avec lui» et qu’en cela il y a parfaite conformité aux Paroles de Notre Seigneur ?

Cette précision fait référence au passage précédent de Monsieur l’Abbé Lucien. Si nous revenons quelques instants sur ce texte, celui-ci signale que le magistère ordinaire et universel ne peut être que le corps épiscopal subordonné à sa tête et cet abbé insiste bien : «dans son enseignement quotidien et concordant, à un moment donné de l’histoire». L’abbé Lucien réfute donc à cet endroit précis un argument qui consistait déjà depuis plusieurs années, et à cause du fait Vatican II, à dire que le magistère ordinaire et universel n’était pas le corps épiscopal uni au souverain Pontife, mais «ce qui a été enseigné toujours et partout», autrement dit, non pas l’autorité ecclésiastique, ni même la fonction, ni encore le mode d’enseignement employé par l’autorité, mais l’enseignement des évêques depuis les origines.

C’est cet argument repris et développé d’une façon fort singulière par Monsieur Arnaud de Lassus que nous allons devoir analyser et réfuter. Nous relèverons au fur et à mesure :

- comment ceux qui ne veulent jamais aborder le problème du concile en posant les bonnes questions, s’évertuent à trouver des solutions qui permettent d’exclure la possibilité de parler d’un magistère infaillible au concile Vatican II.

- la méconnaissance de tout ce qui a été écrit par les théologiens dignes de ce nom sur les modes d’enseignement de l’Eglise.

- ainsi que de singuliers procédés pour faire dire aux mots et même à la Constitution Dei Filius ce qu’elle n’a jamais voulu dire.

Remarquons dès à présent que l’auteur pensera certainement avoir répondu aux difficultés posées par le magistère conciliaire et post-conciliaire, alors que l’auteur ne fera que réfuter des faux problèmes, et disserter d’une manière générale en étant hors sujet, car ce n’est pas le magistère ordinaire et universel en tant que tel qu’il fallait redéfinir, mais dire pourquoi celui-ci fut faillible lors de ce dernier concile et pourquoi il l’est toujours à l’heure actuelle !

4- Le problÈme tel qu’il se pose

Avec le concile Vatican II nous nous trouvons devant un fait. Convoqué par Roncalli, repris et présidé par Montini (appliqué par ce dernier, mais aussi par Luciani, Wojtyla, et Ratzinger) les décrets de ce ‘’concile’’ ont été promulgués par quelqu’un qui apparemment du moins était pape. Ce ‘’concile’’ étant clos depuis longtemps, il est désormais pour tous un fait historique, fait historique et théologique sur lequel tout repose pour la secte conciliaire, évidemment !

Or, lorsque nous regardons les faits, d’une part toutes les conditions réunies pour que ce concile soit infaillible et d’autre part les hérésies ratifiées et promulguées, nous pensons à un raisonnement de Saint Thomas d’Aquin : « aucun principe ne tient devant un fait contraire ».

Ainsi le principe, avec Vatican II, c’est qu’étant un concile œcuménique, il ne peut pas enseigner d’erreur doctrinale, et le fait contraire, c’est que les textes promulgués par ce ‘’concile’’ en contiennent plusieurs (à bien tout compter : 202 !).

Normalement, en suivant saint Thomas, on devrait conclure que le principe, c’est à dire l’infaillibilité du magistère, démenti par le fait contraire, ne tient pas. Mais la foi théologale s’oppose à une telle conclusion. En effet, ici, la vérité du principe est garantie par la véracité de Dieu, qui est absolue.

Cependant la véracité de Dieu ne supprime pas le fait et le fait demeure et perdure. Comment sortir alors de la contradiction ? Disons-le tout de suite, soit par un raisonnement de gribouille, soit en libérant les consciences par un raisonnement de foi et c’est tout le dilemme dont nous avons parlé il y a quelques instants.

5 - Le raisonnement de gribouille

C’est celui de tous ceux qui, n’ayant pas une foi éprouvée, se laissent guider par le sentiment. Ceux-là font subir au principe (l’infaillibilité du magistère) de multiples contorsions pour l’ajuster à leur comportement et sauver arbitrairement les apparences.

6- Le raisonnement de foi

C’est celui, non seulement de ceux qui possèdent cette vertu, mais de ceux chez qui cette vertu est éprouvée et guide leur comportement. Habitués à vivre de la foi, ils savent que la foi interdit de résister à l’autorité.

Mais ils n’oublient pas pour autant que c’est cette même vertu théologale qui leur commande de refuser les nouveautés de Vatican II. Ils comprennent alors, dans la lumière de la foi, que les responsables de ces doctrines erronées, que cette même vertu leur interdit d’accepter, ne sont pas et ne peuvent pas être revêtus par Dieu de l’Autorité qu’ils devraient avoir. Le problème, que Vatican II posait à leur conscience catholique, se trouve ainsi résolu dans le respect du principe (infaillibilité du magistère) et du fait ( car ce dernier concile sera considéré comme il se doit, c’est à dire comme un conciliabule).

7- L’auteur a choisi le raisonnement de gribouille

L’auteur des documents cités (M. Arnaud de Lassus) n’ayant pas mis en avant la véracité du principe (l’infaillibilité du magistère) garanti par la véracité de Dieu, et ne pouvant nier le fait (Vatican II) se trouve donc obligé de ne pas respecter le principe, c’est à dire ici le Magistère ordinaire et universel.

C’est ainsi que nous allons assister à plusieurs dichotomies. L’auteur sans égard pour le sens employé par le magistère, car c’est tout de même cela qui prime avant de faire des dissociations de sens à l’aide d’un dictionnaire sur la langue française, va donc séparer l’autorité (ou pouvoir d’enseigner) d’avec l’enseignement lui-même. Une seconde dissociation sera opérée à partir du mot «infaillibilité». Enfin une troisième dichotomie qui portera sur le mot «universel» ( celui contenu dans magistère ordinaire universel) :

 - une «universalité dans l’espace», une «universalité dans le temps», pour conclure à l’universalité dans l’espace et dans le temps pour accorder l’infaillibilité au magistère ordinaire et universel ainsi redéfini. Et pourtant l’auteur nous a dit : « Tachons d’y voir clair » (p. 5 de la Note).

8 - Les deux critÈres de vÉritÉ

Pour analyser ces dichotomies et leurs conséquences nous devons absolument rappeler les deux critères de vérités que sont :

- le magistère (que nous appelons « autorité ecclésiastique dans l’ordre de l’enseignement »

- et la foi commune ou Tradition qui elle-même possède à son tour plusieurs critères :

- le consentement unanime des Pères

- le consentement unanime des docteurs de l’Eglise et des théologiens

- le consentement des fidèles qui est souvent défini par le canon de Saint Vincent de Lérins : « Tenons pour vrai ce qui a été cru partout, toujours, et par tous les fidèles ».

Après ce rappel, précisons également en quoi consiste ces trois consentements qui composent la Tradition. Nous lisons dans le manuel de doctrine de Mgr Louis Prunel, manuel dans lequel l’auteur vient de puiser une définition du magistère [3]  :

«Le consentement unanime des Pères est une expression directe de l’Eglise enseignante » (…) « le consentement unanime des théologiens et celui des fidèles nous apportent le témoignage de l’Eglise enseignée, mais recueillie dans des conditions où il traduit, sans aucun doute possible la pensée de l’Eglise enseignante, dont il est le reflet ou l’écho fidèle. Tels sont les principaux moyens humains par lesquels s’exerce l’infaillibilité du magistère enseignant »(p. 156,157 ouvrage précité).

 Il est donc fort regrettable que ce passage et tout spécialement la dernière phrase de Mgr Louis Prunel, n’ait pas été retenue par l’auteur, car « les moyens humains par lesquels s’exerce l’infaillibilité du magistère enseignant » ne peuvent faire passer en second plan ou même supprimer la véracité de Dieu qui garantit l’enseignement de son magistère.

Or, c’est bien à cela que l’auteur va aboutir en se livrant à la dichotomie du mot magistère et à celle de la notion d’infaillibilité.

9 - Ce qu’il faut savoir

Le passage de l’ouvrage de Mgr Louis Prunel le résume et les ouvrages des théologiens le développent, mais nous pouvons déjà retenir ici que la Tradition avec ses trois critères, est la transmission du dépôt de la foi, transmission dans la continuité ce que les théologiens désignent de ces deux mots « eodem sensu » et dont nous connaissons le principe général contenu dans le passage de la première Epître de l’Apôtre Saint Paul aux Corinthiens :

 «Ego enim accepi a Domino quod et tradidi vobis (…)», «Car j’ai appris du Seigneur ce que je vous ai moi-même transmis (…)» (I Cor., xi 23).

Ainsi dans la vie de l’Eglise les deux critères, Magistère et Tradition, qui ne doivent en aucune façon être opposés, jouent ainsi dans une perpétuelle interéaction, avec une priorité au magistère hiérarchique de par son enseignement et son jugement car celui-ci possède bien en lui-même la fidélité de Notre Seigneur Jésus-Christ, indépendamment du consentement de l’Eglise, tout en s’affirmant en communion avec elle.

Ainsi le magistère, règle prochaine de la foi, s’assure de l’accord de son enseignement avec le dépôt de la foi, la Parole de Dieu écrite ou transmise par la Tradition, contrôle également ce dépôt, et nous le propose à croire, toujours dans le même sens (eodem sensu) et sans aucune nouveauté. Pour cette proposition, l’Eglise emploie, soit le mode extraordinaire, un jugement solennel, soit plus couramment le mode ordinaire, le magistère ordinaire du souverain Pontife et des évêques unis à lui. C’est ce que le concile Vatican I déclare dans sa constitution Dei Filius :

«On doit croire de foi divine et catholique, toutes les vérités qui sont contenues dans la Parole de Dieu écrite ou transmise par la Tradition et que l’Eglise propose à croire comme divinement révélées, soit par un jugement solennel, soit par son magistère ordinaire et universel».

10- Les diffÉrents sens du mot « magistÈre » :

L’auteur qui pourtant cite lui aussi la constitution Dei Filius ainsi que des passages de saine doctrine, ne retient cependant pas ceux-ci et se livre à la dissociation des différents sens du mot magistère. En cela, nous l’avons dit, il ne tient absolument pas compte du sens utilisé dans la scolastique, et plus précisément par Pie IX et les Pères conciliaires.

Ainsi, en pages 5 et 6 de la Note, la notion de magistère est citée correctement :

 «Le magistère, pouvoir d’enseigner, est l’un des trois pouvoirs de l’Eglise ; il est fondé sur l’ordre de Notre Seigneur aux Apôtres : «Tout pouvoir M’a été donné au ciel et sur la terre ; allez donc : enseignez toutes les nations…».

Suit une définition qui est celle donnée par Mgr Louis Prunel. Une autre est tirée du Dictionnaire pratique des connaissances religieuses de J. Rivière et celle-ci se termine par une réflexion qui vaut son pesant d’or dans notre contexte :

«De toute façon, ce terme caractérise l’autorité ecclésiastique dans l’ordre de l’enseignement »( cité en p. 6 de la Note).

 Or, chose curieuse l’auteur continue : « Au sens large, le mot « magistère peut désigner (c’est nous qui soulignons) non plus le pouvoir d’enseigner de l’Eglise mais l’enseignement même (idem) qui est dispensé ».

Et si nous nous reportons à l’Aide-mémoire, l’auteur précise en page 70 de ce document :

«Le mot "magistère" : - sens principal : fonction d’enseigner : - premier sens dérivé : le résultat de la fonction, autrement dit l’enseignement. Deuxième sens dérivé (couramment utilisé mais ne correspondant pas au sens original du mot latin magisterium et créant des ambiguïtés) : le, ou les, titulaires de la fonction. Ainsi, quand on parle de ‘’magistère ordinaire de l’Eglise ‘’ l’on désigne par là : - soit la fonction d’enseigner du pape et des évêques dans son exercice quotidien (enseignement ordinaire) ; - soit cet enseignement ordinaire ; - soit le pape et les évêques dans l’exercice de cette fonction».

Loin de croire qu’il s’agisse d’une simple question de vocabulaire, nous avons affaire ici à une méthode totalement erronée. Commençons tout d’abord par dénoncer une affirmation péremptoire.

11- Une affirmation pÉremptoire

En effet, l’auteur vient d’introduire lors du deuxième sens dérivé du mot magistère, une affirmation symptomatique des lacunes dont nous avons parlé, celles des manques de connaissances religieuses en cette deuxième moitié du XXè siècle.

Car enfin où a t-on déjà vu que le terme « magistère » tel que « couramment utilisé (…) créait souvent des ambiguïtés » ?

Nous croyons bien au contraire que ces «ambiguïtés» n’existent que chez les ‘’théologiens’’ auxquels l’auteur se réfère et que celui-ci citera pour démontrer que désormais grâce aux travaux de ces derniers, l’on a enfin compris ce que les termes magistère ordinaire et universel voulaient désigner !

Après ces considérations passons à la méthode employée par l’auteur :

12- Suppression, permutation

 Que penser, en effet, en approfondissant le raisonnement de Monsieur Arnaud de Lassus, lorsque nous nous apercevons que dans l’annexe de l’Aide-mémoire en p. 77, celui-ci ayant choisi et retenu le premier sens dérivé du mot magistère : l’enseignement, place ce premier sens dérivé, en « premier sens » tout court, faisant même disparaître le sens principal, c’est à dire la fonction d’enseigner ! Le lecteur, même sans être en possession de ces documents [4] , pourra juger lui-même de l’opportunité de cette méthode car la fin ne justifie pas les moyens.

L’auteur qui n’a qu’un but précis, nous le rappelons encore une fois : exclure la possibilité de parler d’un magistère ordinaire infaillible pour le concile Vatican II, force les consciences pour faire admettre que le terme magistère, dans magistère ordinaire et universel, n’est pas l’autorité enseignante, ni la fonction d’enseigner, ni le mode d’enseignement (dont il ne parle pas), mais l’enseignement de ce magistère.

Or, ce qui nous importe ici de faire remarquer, c’est que cette méthode dissocie totalement le sujet et l’objet du magistère. Le sujet étant l’autorité ecclésiastique dans l’ordre de l’enseignement et l’objet étant l’enseignement, l’auteur en choisissant le sens dérivé « enseignement » vient tout bonnement de remplacer le sujet : l’autorité ecclésiastique, par son objet ! Et c’est bien en cela que l’argument de l’auteur doit être principalement réfuté car celui-ci n’est ni plus ni moins que scandaleux pour la foi.

En effet, le magistère ecclésiastique qui a reçu le pouvoir d’enseigner et qui est garanti par la véracité de Dieu, qui est cause première, se trouve remplacé par l’enseignement, l’enseignement des évêques, c’est entendu, puisque l’auteur ne parle que de ceux-ci à propos du magistère ordinaire et universel, mais l’enseignement tout de même qui, d’objet qu’il était devient sujet par l’astuce de l’homme. Cette astuce ou artifice est un mensonge s’il y a intention de tromper et les conséquences sont évidemment gravissimes. «Omnis homo mendax», «Tout homme est menteur» nous dit le Psaume (Ps .cxv, 11).

13- Comment cet «enseignement - magistÈre» peut-il Être infaillible ?

Si donc maintenant nous considérons ce nouveau magistère ordinaire que nous appellerons ‘’enseignement - magistère’’ par rapport au véritable magistère ecclésiastique dans l’ordre de l’enseignement, comment ce « magistère » recevra-t-il son infaillibilité ?

- de la cause première qui est Dieu qui ne peut ni se tromper, ni nous tromper ?

- de la cause efficiente, qui est l’infaillibilité en tant que « don surnaturel ou privilège que Notre Seigneur Jésus-Christ accorde à Son Eglise pour ne pas errer en matière de foi et de croyance » ? (Mgr de Ségur ; Le dogme de l’infaillibilité, p. 220, cité par l’auteur en p. 70 de son Aide-mémoire).

- ou encore de la cause instrumentale que sont les critères de la Tradition sous couvert du canon de saint Vincent de Lérins dont nous avons vu avec Mgr Louis Prunel qu’ils sont précisément « les moyens humains par lesquels s’exerce l’infaillibilité de l’Eglise » ?

Disons-le tout de suite ce magistère ne pourrait recevoir son infaillibilité que des critères de la Tradition. L’auteur l’affirme sans ambages :

«Son infaillibilité(du magistère ordinaire et universel) est celle de ce qui a été cru partout, toujours et par tous» ! (p. 31 de la Note).

Or, nous ne savons pas si les ‘’théologiens’’ post-Vatican II sont conscients de tous les tenants et aboutissants de cette affirmation car leur enseignement-magistère est condamné dès le départ à ne recevoir aucune infaillibilité pour la bonne raison que les critères de la Tradition reçoivent leur infaillibilité du magistère ordinaire des évêques et de celui du souverain Pontife, ce magistère récusé tout au long de leur argumentation !

Le théologien J.-M.-A. Vacant qui a étudié comment l’infaillibilité est accordée aux critères de la Tradition nous l’explique fort bien. Ne pouvant citer tout son développement, regardons sa conclusion sur le sujet :

«Ainsi s’explique l’infaillibilité que nous avons attribué aux consentements unanimes des saints Pères et des théologiens. Elle vient du magistère ordinaire de l’Eglise enseignante, et spécialement du magistère du souverain Pontife qui approuve leurs enseignements formellement ou tacitement».

C’est parce que l’infaillibilité de l’Eglise découle toujours du magistère que celui-ci est dit règle prochaine de la foi. Ces points de doctrine sont implicitement contenus dans les formules brèves que nous avons citées précédemment, dans le passage de la constitution Dei Filius et dans notre acte de foi.

Nous croyons l’Eglise parce que son magistère, règle prochaine de la foi, est infaillible de cette infaillibilité de Notre Seigneur Jésus-Christ, du «céleste Infaillible», pour reprendre une expression de Mgr de Ségur.

Par conséquent ne pas tenir compte ou faire passer en second plan la règle prochaine de la foi est une atteinte en la foi en Dieu et en Son Eglise qui ne peut ni se tromper ni nous tromper.

Avant de regarder la dichotomie de la notion d’infaillibilité, nous pouvons donc déjà tirer les premières conséquences de l’argument de l’auteur.

14- ConsÉquences de l’argument de l’auteur

Nous avons dit que l’argument employé était scandaleux pour la foi et nous avons montré pourquoi, mais il nous faut aussi parler des conséquences de cet argument.

L’astuce ou l’artifice pour faire passer l’objet du magistère à la place du sujet conduit à un libre examen et à un néo-gallicanisme.

 

Libre examen et nÉo-gallicanisme

Puisque selon la nouvelle définition, le magistère ordinaire et universel devient «la constance de l’enseignement de l’Eglise à travers le temps et l’espace» pour reprendre une autre expression de l’auteur (page 4 de couverture de la Note), il ne lui restera plus qu’à juger sans cesse l’enseignement des autorités avec comme seul critère, cette cause instrumentale, quand bien même se référerait-il au canon de Saint Vincent de Lérins.

Ce libre examen entraîne à son tour à un néo-gallicanisme car l’enseignement ne sera accepté qu’après l’assentiment de ceux qui auront vérifié sa conformité avec la Tradition.

Ces deux erreurs, l’auteur les manifeste dans la conclusion de son Aide-mémoire:

«Grâce à elle ( la doctrine sur l’infaillibilité selon sa version ) nous savons que la vérité peut facilement être atteinte avec certitude (…) Dans la pratique, ce qui compte surtout, c’est la fidélité au magistère constant que saint Vincent de Lérins a si clairement formulée : ‘’Il faut veiller à tenir ce qui a été cru partout, toujours et par tous. C’est cela qui est catholique au sens propre et véritable» (p. 76 de l’Aide-mémoire).

Cette affirmation est une grave erreur car, en plus du rejet en second plan de la véracité de Dieu qui garanti le magistère, règle prochaine de la foi, ce moyen pour agir droitement avec la foi catholique, excellent en soi et de grande utilité pour les théologiens, pour prouver l’apostolicité de l’Eglise par exemple, est quasi impossible à utiliser par les simples fidèles. Il nécessite en particulier des connaissances historiques et patristiques que la grande majorité d’entre eux ne possède pas. J.-M.-A. Vacant l’affirme lui-même :

«Il est en effet, des points de doctrine certains et imposés comme tels, même par des jugements solennels, et qui sont au-dessus de la portée du plus grand nombre des laïques. Aussi serait-ce à tort qu’on chercherait à se rendre compte de la foi de l’Eglise sur ces points par la foi du peuple. Autant vaudrait, dit Melchior Cano (De Locis theol.,I. IV, c. VI, ad 14), demander à un aveugle qu’il voie les couleurs ».

- De même que c’est une deuxième erreur de dire que « grâce à elle ( toujours la doctrine de l’infaillibilité selon la version de l’auteur), nous sommes à même de résister sans hésitations ni inquiétudes à la redoutable crise doctrinale de notre époque » ( idem, p. 76).

En effet, ceux qui prétendent utiliser le ‘’quod semper et ubique ‘’ auront beau jeu lorsqu’ils affirmeront s’ils suivent le canon de saint Vincent de Lérins : «"partout, toujours", tous les catholiques se sont distingués des schismatiques et des hérétiques par leur prompte obéissance au pape régnant». Que font-ils maintenant de ce qui a toujours été fait dans le passé ? puisqu’ils ont constamment recours à un «devoir de désobéissance».

Il n’est donc pas difficile de voir que ce sont ce libre examen et ce néo-gallicanisme que nous retrouvons dans la position actuelle de la majorité traditionnelle.

Après avoir souligné les premières conséquences de cet argument, nous pouvons maintenant regarder la dichotomie du mot infaillibilité et comprendre pourquoi l’auteur parlait « d’extension de l’infaillibilité » là où il n’y avait qu’affirmation de la saine doctrine.

15- Les diffÉrents sens du mot « infaillibilitÉ » 

Afin de garder une définition classique de l’infaillibilité reprenons celle que nous venons de citer plus haut :

«L’infaillibilité de l’Eglise est le don surnaturel que Notre Seigneur Jésus-Christ a fait à l’Eglise de ne pas errer en matière de doctrine et de croyance»

(Mgr de Ségur, ouvrage précité).

 

Toujours selon cette même méthode, citant mais quittant ces définitions comme celle donnée par Mgr de Ségur, l’auteur distingue maintenant deux sens au mot infaillibilité.

Ainsi dans la Note, p. 6, il est question d’infaillibilité « au sens strict » et d’infaillibilité « au sens large » et dans l’Aide-mémoire ( p. 69 ) où sa dichotomie est encore plus prononcée, nous lisons :

«Le mot ’’infaillibilité’’: Mot utilisé dans deux sens :

- infaillibilité au sens subjectif : « la qualité d’une personne (ou d’un groupe de personnes) qui, certaines conditions étant requises, ne peut pas se tromper ;

- infaillibilité au sens objectif : le mot s’applique à une doctrine et non plus à une personne : on parlera de doctrine au sens de doctrine certainement vraie ».

Il est évident que cette distinction opérée sur le mot infaillibilité n’a d’autre but que de choisir ce dont a besoin l’auteur, c’est à dire « une doctrine certainement vraie » afin de correspondre à « l’infaillibilité » de son enseignement-magistère.

Mais il y a plus grave encore, car selon la même méprise que pour sujet et objet dans la dichotomie du mot magistère, l’auteur utilise de nouveau les deux sens du mot infaillibilité sans se rendre compte qu’il manipule à son gré le sujet et l’objet de l’infaillibilité pour les besoins de son argument.

C’est ainsi que dans son interprétation de la constitution Dei Filius, il nous dit :

«Deux infaillibilités apparaissent ici : l’infaillibilité subjective du pape, l’infaillibilité objective de l’enseignement appelé «magistère ordinaire et universel» ! (Aide-mémoire, p. 69)

L’erreur est toujours la même, et il nous semble que l’auteur s’enfonce encore plus dans son Aide-mémoire que dans sa Note parue 5 ans auparavant. En effet, celui-ci utilise le sujet de l’infaillibilité, l’autorité en tant que personne pour le jugement solennel du souverain Pontife, mais prend une fois encore l’objet de l’infaillibilité : l’enseignement (le sens de « doctrine certainement vraie »), lorsqu’il veut parler du magistère ordinaire et universel. C’est ainsi que cette « infaillibilité objective de l’enseignement » est appelée ‘’ magistère ordinaire et universel’’ » !

Evidemment si l’on a point vu dans la dichotomie, que l’on se trouvait en présence du sujet et de l’objet de l’infaillibilité, l’on pourra obtenir autant d’enseignements infaillibles que le mot infaillibilité peut fournir de sens.

C’est d’ailleurs cette méprise et cette méthode qui est l’origine de ce faux problème lorsque l’auteur se bat contre ce qui est que chimère : « le pape bénéficierait de deux infaillibilités » (p.78 de l’Aide-mémoire) ou encore : « l’hypothèse d’une double infaillibilité pontificale est exclue » (idem).

Avec de telles astuces, le magistère ordinaire et universel qui est donc devenu un enseignement-magistère reçoit à présent « l’infaillibilité » qui lui était nécessaire. Ainsi l’auteur ne craindra point de réinterpréter la constitution Dei Filius et d’affirmer dans une phrase subtile :

«Ce texte met en évidence deux catégories d’enseignements « auxquelles ont doit croire de foi divine et catholique » et qui sont donc infaillibles » (p. 71 de l’Aide-mémoire).

L’auteur en arrive donc à contredire Pie IX, les Pères conciliaires et tous les théologiens du XIXè siècle. Mais comment a-t-il formé cette phrase qui semble être une conclusion irréversible ? C’est ce que nous allons regarder en analysant sa technique du copier – coller.

16- Technique du copier–coller

Nous devons en effet dénoncer, là encore, la technique employée par l’auteur pour faire dire à la constitution Dei Filius ce qu’elle n’a jamais dit. Reprécisons celle-ci puisque la réfutation de l’argument nous y oblige :

 
 

«On doit croire de foi divine et catholique, toutes les vérités

qui sont contenues dans la Parole de Dieu écrite ou transmise par la Tradition

et que l’Eglise propose à croire comme divinement révélées,

soit par un jugement solennel,

soit par son magistère ordinaire et universel».
 

Au lieu de nous parler des différents modes d’enseignement que le magistère emploie pour nous proposer les vérités à croire, l’auteur au contraire compose cette phrase qui pour un lecteur non averti pourrait sembler correcte. Afin de mieux saisir sa composition, mettons en évidence ses trois parties et donnons les explications nécessaires :

1.«Ce texte met en évidence deux catégories d’enseignements /

2. ’’auxquels on doit croire de foi divine et catholique’/

3. et qui sont infaillibles».

 a / Puisque l’auteur veut prouver « l’existence » de son enseignement-magistère, il lui est indispensable d’employer des termes qui ne signifient pas autre chose que : enseignement.

Pas question, par exemple, de parler de moyens d’enseignement. Or, dans l’expression « modes d’enseignement », nous avons les moyens par lesquels les vérités de la foi nous sont proposées à croire (par le mode extraordinaire ou par le mode ordinaire).

Au contraire, le terme « catégories d’enseignements » très significatif de son argument, signifie plusieurs sortes d’enseignements, ce que l’auteur traduit par le pluriel : « deux catégories d’enseignements ».

Le vocabulaire employé n’est pas fortuit, d’autant plus que nous devons remarquer que les termes « catégories d’enseignements » se trouvent accompagnés de cet extrait de la Constitution : « auxquels ont doit croire de foi divine et catholique ».

b / Or, quel était l’objet de ce passage dans la Constitution ? Nous pouvons nous-y reporter ci-dessus. L’objet était bel et bien : « tout ce qui est contenu dans la Parole de Dieu écrite et transmise par la Tradition ».

L’auteur s’est ainsi servi de l’affirmation : « On doit croire de foi divine et catholique » qui portait sur les vérités qui sont contenues dans la Parole de Dieu écrite (« scripto » en latin) ou « transmise par la Tradition » (« tradito » en latin) pour la transposer maintenant à ses « deux catégories d’enseignements » !

c / Pour clore sa phrase nous trouvons un curieux ‘’raccourci’’ d’une remarque du Chanoine Berthod qui écrit : « l’obligation de croire comporte nécessairement, comme contrepartie, l’infaillibilité du magistère (…) magistère soit solennel, soit ordinaire et universel» (note 6 de la p. 71 de l’Aide-mémoire). Le ‘’raccourci ‘’ donne ceci : « et qui sont infaillibles », et l’auteur le joint aux éléments précédents. Les trois parties sont donc assemblées ainsi :

«Ce texte met en évidence deux catégories d’enseignements

// auxquels ont doit croire de foi divine et catholique’’

// et qui sont infaillibles ».

Là encore le lecteur jugera de la méthode employée, car l’auteur pervertit la pensée de Pie IX et des théologiens du concile Vatican I. En effet, la constitution, nous l’avons vu, stipule clairement que toutes les vérités (…) nous sont proposées à croire par l’Eglise, soit par un jugement solennel (mode extraordinaire), soit par son magistère ordinaire et universel (mode ordinaire).

L’extrait de la Constitution est donc mêlé au langage de l’auteur dans le but de prouver que les termes « magistère ordinaire » dans la constitution Dei Filius n’étaient pas assez précis, les fameuses ambiguïtés de vocabulaire, et que désormais grâce à la crise engendrée par Vatican II, l’on pouvait définir le magistère ordinaire et universel comme un enseignement en tant que tel et non plus comme un mode d’enseignement et encore moins comme l’autorité ecclésiastique dans l’ordre de l’enseignement.

17 – Un argument dÉjÀ prÉsent dans l’enseignement des « sÉminaires de Tradition »

Nous venons de montrer comment l’auteur force les consciences pour faire admettre son enseignement-magistère. Or, il nous faut également parler, suite à la réaction des clercs et des fidèles face à Vatican II et ses réformes, comment de telles lacunes dans la doctrine sur l’infaillibilité ont pu aboutir à cet argument erroné sur le magistère ordinaire. Les témoignages convergeant des clercs eux-mêmes nous confirment que les prémices de cet argument étaient déjà enseignés depuis plusieurs dizaines d’années dans les séminaires de la tradition et se trouvaient également dans les écrits des ‘’théologiens’’ dans la mouvance de la FSSPX.

L’on présentait en effet le magistère ordinaire et universel, à cause du fait Vatican II, comme un magistère tellement dépendant des critères de la Tradition, que celui-ci ne fut plus considéré comme magistère ordinaire infaillible. D’où cette idée nouvelle qu’il ne pouvait plus s’agir du corps épiscopal uni au souverain Pontife. Nous trouvons cette décision arbitraire dans le n° 101 du Courrier de Rome (mars 1989) :

«En ce qui concerne le magistère postconciliaire (…), il faut exclure de la façon la plus absolue qu’on puisse parler de magistère ordinaire infaillible, puisque lui fait défaut le caractère essentiel du magistère ordinaire infaillible, à savoir la continuité avec la Tradition, attestée par le consentement des fidèles » (cité par l’auteur en p. 26 de la Note).

Et c’est ainsi que s’est forgée cette idée : accorder l’infaillibilité au corps épiscopal serait « une extension abusive de l’infaillibilité » ! Quant à l’infaillibilité du magistère ordinaire du souverain pontife on pouvait même se demander si ce n’était pas une invention de clercs que l’on commençait à accuser de « voir de l’infaillibilité partout ». Et pourtant nous avons vu que celle-ci existe bien et comment grâce aux explications de Dom Paul Nau, elle a fini par ne plus faire partie de l’enseignement scolastique.

Face au fait Vatican II, enseignants, conférenciers et rédacteurs d’articles, passant leur temps à analyser les erreurs du concile sans jamais poser les bonnes questions, et excluant la possibilité de parler d’un magistère ordinaire infaillible à Vatican II, ont réussi à tellement subjectiviser le magistère, que celui-ci ne sera plus compris comme autorité ecclésiastique dans l’ordre de l’enseignement. Or, nous le répétons, il ne s’agissait pas de remettre en cause l’infaillibilité du magistère ordinaire, mais dire pourquoi ce magistère fut faillible à Vatican II.

18- De « magistÈre infaillible », l’on passe À « enseignement infaillible »

Ce subjectivisme fait donc partie des « bagages intellectuels » de la majorité traditionnelle, et c’est ainsi que l’on ne parlera plus dans les exposés doctrinaux, du magistère ordinaire et universel comme sujet direct de l’infaillibilité, alors que nous le trouvons parfaitement énoncé dans la saine doctrine.

Dublanchy, cité par l’auteur lui-même, nous dit dans le Dictionnaire de théologie catholique (les soulignés sont de notre fait ainsi que l’insertion des mots sujet et objet ) :

«Pour que (…) le magistère ordinaire et universel (sujet) soit infaillible, il est nécessaire que son enseignement (objet) soit manifestement donné comme appartenant, directement ou indirectement, à la Révélation chrétienne». ( cité par l’auteur en p. 18 de la Note).

Alors que dans l’enseignement erroné, nous pouvons le remarquer, c’est l’objet de l’infaillibilité qui est pris directement comme sujet de l’infaillibilité :

«(Les textes de cet enseignement) doivent être considérés, non pas à titre individuel, mais dans la continuité de l’enseignement de l’Eglise : ils sont ainsi infaillibles pour autant qu’ils reflètent l’enseignement permanent et inchangé de la foi de l’Eglise, en d’autres termes, pour autant qu’ils sont en accord avec la tradition catholique» (Chanoine Berthod [5] , Bulletin Una Voce helvetica, janvier 1981, p. 13, cité par l’auteur en p. 74 de l’Aide-mémoire).

Cette façon de décrire le magistère ordinaire et universel et de l’enseigner n’est donc point une question de jeux de mots, mais une grave erreur, qui nous l’avons vu, conduit à une atteinte à la vertu théologale de foi.

19 - Ce que nous devons savoir sur le sens subjectif

Puisque l’auteur a distingué dans sa dichotomie un « sens subjectif » et un « sens objectif » sans malheureusement y voir le sujet d’une part et l’objet d’autre part de l’infaillibilité, nous devons faire un léger rappel uniquement dans le but de démontrer que cette distinction est un artifice de plus dans ces arcanes inutiles pour comprendre la saine doctrine sur l’infaillibilité.

Posons la question : pourquoi l’infaillibilité du magistère ecclésiastique est-elle désignée par ce « sens subjectif » ?

[Pour notre gouverne, le terme subjectif signifiant : relatif, variable, dépendant, il se trouve donc que dans un concept, lorsque le sujet est dépendant de son objet, de la pensée par exemple, l’on dit que celui-ci se subjectivise, car tenant son ‘’être’’ (son existence) par la participation de son objet. Cette vue de l’esprit est malheureusement courante dans la théologie moderniste].

Le magistère, pour être infaillible, s’assure donc de la conformité de son enseignement avec les critères de la Tradition. Sous cet angle, mais sous cet angle seulement, parce que le magistère tient compte de ces conditions, l’on peut parler de «sens subjectif».

Ce que nous dénonçons donc ici dans l’enseignement erroné des ‘’théologiens’’ de la majorité traditionnelle, c’est ce subjectivisme «absolu» que l’on fait subir au magistère ordinaire au point de décréter qu’il ne s’agira plus de l’autorité ecclésiastique sous prétexte que l’enseignement fut faillible à Vatican II.

Quoique l’on en dise, le magistère ordinaire existe comme fait objectif puisqu’il est un mode d’enseignement de l’Autorité légitime et celle-ci a toujours été consciente des conditions nécessaires pour que ce magistère soit infaillible :

 «Le Saint-Esprit n’a pas été promis aux successeurs de Pierre pour qu’ils fassent connaître, sous sa révélation, une nouvelle doctrine, mais pour qu’avec son assistance ils gardent saintement et exposent fidèlement la Révélation transmise par les Apôtres, c’est à dire le dépôt de la foi»

(Constitution Pastor aeternus, Vatican I).

L’Eglise enseignante a toujours agit ainsi, et même avec la crise arienne et les prétendus papes hérétiques, le magistère légitime dans sa fonction d’enseignement ne fut jamais mis en défaut. L’histoire de l’Eglise, et plus spécialement celle des Actes du magistère lorsque celle-ci est honnêtement relatée, nous fourni une merveilleuse preuve de l’assistance de Dieu malgré les turpitudes des hommes.

Pour terminer ce paragraphe faisons une remarque d’ordre pratique :

- dans la démonstration de l’auteur, cet enseignement-magistère étant tellement proche de la définition de la Tradition et de ses critères, nous devons tout de même nous rappeler que Notre Seigneur n’a pas dit à l’ «enseignement du magistère» : «Allez donc…», mais il a donné cet ordre à Ses Apôtres et à leurs successeurs.

S’il est nécessaire de rappeler ces simples vérités c’est que dans toutes ces astuces de l’homme, de ces complications de ‘’théologiens’’ l’on finirait par ne plus se souvenir que Notre Seigneur, Verbe de Dieu incarné, vrai Dieu et vrai homme, a confié Ses pouvoirs à Ses Apôtres pour continuer Son enseignement ici-bas. Car c’est bien à eux et pas à leur «enseignement» qu’Il a dit : « Et voici que Je suis avec vous tous les jours jusqu’à la consommation des siècles » (Matthieu 28 / 20).

Et pourtant avec toutes ces arcanes, l’auteur, nous l’avons dit, qui ne craint pas de parler de « doctrine simple », aura encore soumis le lecteur à une troisième dichotomie. Celle qui sera faite sur le mot universalité afin que son enseignement-magistère, soit un « magistère constant ».

20 - Dichotomie du mot universalitÉ

Cette troisième dichotomie que nous trouvons exposée en p. 9 dans la Note, ainsi que dans l’Aide-mémoire aux pages 78 et 79, est en fait la prémice de l’argument de l’auteur car nous avons vu que dans la pensée de celui-ci, ce magistère ordinaire et universel devait être « ce qui a toujours été cru partout et par tous ».

L’auteur aura donc pris le mot universel dans le sens d’une universalité « dans le temps et dans l’espace », termes déjà difficilement accessibles, ne tenant pas compte du sens employé par Pie IX, par les Pères conciliaires et par les théologiens de l’époque.

Dès le départ il y a une méprise qui dans le contexte que nous connaissons ne peut être involontaire. Dans la Lettre de Pie IX à l’archevêque de Munich qui date du 21 décembre 1863 et qui manifeste ce qui sera consigné dans la constitution du concile sept ans plus tard, le souverain Pontife utilise le mot universel dans le sens de dispersé sur la terre :

«Quand il s’agirait de cette soumission qui s’exerce par un acte de foi divine, il ne faudrait pas la restreindre aux points expressément définis par les décrets des conciles œcuméniques ou des Pontifes romains ou du siège apostolique ; mais on devrait l’étendre aussi aux points qui sont donnés comme divinement révélés par le magistère ordinaire de toute l’Eglise dispersée sur la terre, et que, par cette raison, d’un consentement unanime et constant, les théologiens catholiques regardent comme appartenant à la foi», Pie IX, le 21 décembre 1863 (les soulignés sont de notre fait).

Les commentaires du chanoine Bareille nous seront fort utiles également pour démontrer, même 43 ans après cette lettre, qu’il n’y a jamais eu d’ambiguïté de langage, ni dans le mot magistère, ni dans le mot universel :

«Or, c’est justement là ce que le concile du Vatican appelle le magistère ordinaire et universel ; et ce magistère ordinaire et universel est une des manières dont l’Eglise propose explicitement les vérités de foi catholique ; c’est un mode d’enseignement, dont se servent le pape et les évêques dispersés pour proposer les dogmes révélés, et qui ne diffèrent des définitions solennelles des conciles œcuméniques que par le mode et la forme ; il est ordinaire, c’est à dire de chaque instant, et universel, c’est à dire exercé dans toute l’Eglise, au lieu de l’être extraordinairement et dans tel lieu donné, comme dans les conciles» [6] .

21 - Vatican I mis en cause

Avec cette méprise sur le sens du mot universel, ce qui révèle indubitablement une méconnaissance certaine des faits théologiques de Vatican I, ainsi qu’une atteinte à l’adhésion au magistère de l’Eglise, les textes de la constitution Dei Filius seront donc interprétés comme n’étant pas assez précis ! :

«Le concile Vatican I n’a abordé la question du Magistère ordinaire et universel que dans ce seul passage (celui du chapitre III, ndlr) ; il ne lui a pas consacrer de canon ; il n’a pas précisé, de façon explicite, le sens qu’il fallait donner au mot "universel"»(p. 9 de la Note).

Et c’est ainsi qu’avec un tel regard, qui n’est plus celui de la foi en l’Eglise, l’on clapote depuis plusieurs décennies dans des sophismes savamment entretenus dans des revues qui tirent à plusieurs milliers d’exemplaires. L’analyse qui va suivre est du même acabit, et celle-ci ressemblera bien sûr comme deux gouttes d’eau à celle de Monsieur Madiran, lui-même cité en annexe de la Note (p.32-33) comme appui à l’argument de l’auteur.

«Pendant les 90 années séparant les deux conciles du Vatican, cette incertitude n’avait guère de conséquences pratiques, l’enseignement du magistère vivant à cette époque étant en conformité avec la doctrine traditionnelle. Un certain nombre de théologiens ont adopté la solution donnant à l’infaillibilité l’extension maximum : infaillibilité du pape et de l’ensemble du corps épiscopal uni à lui.

Depuis le concile Vatican II, c’est la même solution qu’ont adoptée des théologiens se refusant à critiquer ce concile, car elle leur permettait de justifier les nouveautés conciliaires » (p. 9 de la Note).

Dans le contexte que nous connaissons désormais, cette analyse est scandaleuse pour la foi et pour les fidèles. Elle est un concentré des erreurs que nous réfutons :

- faire croire qu’à Vatican I, c’est à dire avec Pie IX, les évêques et tous ses théologiens, mais aussi sous le règne de ses successeurs, l’on se trouvait dans une incertitude concernant la conception du magistère ordinaire et universel.

- passer sur la question qu’il fallait poser, puisque dans cette période effectivement l’enseignement du Magistère vivant était en conformité avec la doctrine traditionnelle et qu’il aurait fallu se demander pourquoi le magistère fut infaillible dans cette période et pourquoi celui de Vatican II ne le fut pas ?

- croire encore que les théologiens exposant le magistère ordinaire comme l’Eglise l’a toujours entendu était une thèse, thèse de «l’extension maximum de l’infaillibilité».

- faire croire que «cette thèse» serait commune à ceux qui refusent le concile et à ceux qui l’acceptent !

C’est avec ces jugements erronés et cet état d’esprit que l’auteur examine les documents du magistère pour prouver que son « enseignement- magistère » correspond à « l’universalité dans l’espace et dans le temps ».

Or, il est évident qu’en utilisant le sens universalité tel que l’auteur l’entend, ses commentaires ne peuvent être que des lapalissades. En effet, dans les documents des différents magistères avant Vatican II on ne peut que retrouver les critères sur lesquels l’Eglise s’est toujours appuyée pour son enseignement. Voici une de ses lapalissades des plus caractéristiques:

«Ce texte ( à propos d’une lettre du S.C. du Saint-Office à l’archevêque de Boston datant du 8 août 1949) semble bien établir une connection entre "Magistère ordinaire et universel" et "les choses que l’Eglise a toujours prêchées"» ( p. 14 de la Note).

C’est ainsi que l’auteur sera convaincu d’avoir réfuté l’abbé Lucien et tous ceux qui à l’époque ferraillaient pour défendre leurs points de vue.

La réussite sera apparemment obtenue pour ceux qui tenaient à exclure la possibilité de parler d’un magistère infaillible à Vatican II. Cette réussite apparente est même devenue une sécurité doctrinale, nous l’avons vu, pour ceux qui tiennent absolument à ce que cette voix de « l’église conciliaire » soit tout de même la voix de l’Eglise, la voix de Notre Seigneur Jésus-Christ !

Mais dans cette contradiction flagrante avec l’unité d’enseignement du Christ et de Son Eglise, qui l’un par l’autre, ne peut ni se tromper ni nous tromper, il faudra nous dire de qui vient cet enseignement-magistère non garanti par l’infaillibilité ?

Autrement dit :

- où trouve t’on la trace de ce «magistère» dans «toutes les vérités qui sont contenues dans la Parole de Dieu écrite ou transmise par la Tradition et que l’Eglise nous propose à croire comme divinement révélées, soit par un jugement solennel, soit par son magistère ordinaire et universel» ?

Il est évident que cet enseignement-magistère, même si celui est désigné comme «magistère constant» (p. 79 de l’Aide-mémoire) n’existe pas. Il est le fruit de la pensée de l’homme. C’est une nouveauté, et comme toute nouveauté c’est une hérésie. « Omnis homo mendax ».

 

IV Commentaires sur les divers documents cités par l’auteur

 

1- Les Actes du magistÈre et les Écrits des thÉologiens d’avant le concile Vatican II

 Puisque l’auteur cite les documents suivant une classification qui correspond à sa dichotomie du mot universalité : « universalité dans l’espace seulement », puis « universalité dans le temps et l’espace », termes qui ont dû faire acquérir des mérites à certains lecteurs, nous suivrons une toute autre classification et nous regarderons tout d’abord avec profit deux documents parmi les actes du magistère ou des théologiens d’avant le concile Vatican II.

a / Encyclique Satis cognitum de Léon XIII (29 juin 1896) :

 Citons en premier lieu cet extrait que nous rappellerons au chapitre suivant dans nos conclusions. Léon XIII signale une conséquence inéluctable au cas (impossible) où le magistère légitime enseignerait une autre doctrine que celle révélée (les soulignés sont de notre fait) :

« Toutes les fois donc que la parole de ce magistère déclare que telle ou telle vérité fait partie de l’ensemble de la doctrine révélée, chacun doit croire avec certitude que cela est vrai ; car si cela pouvait en quelque manière être faux, il s’ensuivrait, ce qui est évidemment absurde, que Dieu Lui-même serait l’auteur de l’erreur des hommes (…) ».

Et Léon XIII, suite à ce passage, rappellera cette harmonie entre magistère et critères de la Tradition, ce qui l’amènera bien évidemment à préciser les modes d’enseignement employés en citant les Pères du concile Vatican I, de vénérés mémoires, et bien sûr le passage de la constitution Dei Filius qui n’aura donc pas besoin d’être « revisité ».

b / J. B. Franzelin.

Un autre texte doit retenir notre attention. C’est celui de l’ascète et très docte Jésuite et Cardinal J. B. Franzelin, que l’on fait enfin sortir de l’oubli où la grande majorité du clergé l’avait laissé depuis bientôt 130 ans ! L’auteur présente deux courts passages du théologien de Pie IX. Ceux-ci exposent les critères pour qu’une doctrine soit transmise divinement, mais ce qui retiendra notre attention ici, c’est cette phrase où le théologien parle de jugement solennel du magistère authentique (infaillible) à propos d’un concile œcuménique (les soulignés sont de notre fait) :

«Lorsque soit par un jugement solennel du magistère authentique (concile œcuménique ou pape) soit par la prédication ecclésiastique unanime, l’accord présent de l’ensemble est clair et manifeste, cela suffit à soi seul (comme critère de l’apostolicité d’une doctrine)» [7] .

 Si nous tenons à nous arrêter sur cette précision, c’est bien parce dans un de ses documents (dans la Note, p.12), l’auteur a soulevé une question sur ce sujet sans apporter de réponse. Il s’interroge sur la constitution Lumen gentium de Vatican II qui traite de l’infaillibilité du magistère dans un concile œcuménique.

 Voici sa triple question :

«L’infaillibilité revendiquée ici est-elle vraiment celle du magistère ordinaire et universel ? Ne se rattacherait-elle pas plutôt à celle du pape s’exprimant « ex cathedra » ? trois des quatre conditions « ex cathedra » ne sont-elles pas indiquées ici (une doctrine sur la foi et les mœurs, définie par le pape et imposée par lui de façon absolue) ?».

En analysant cette triple question ainsi que la référence au chanoine Berthod sur ce sujet [8] nous constatons des lacunes sur la compréhension de ce qui fait la différence entre mode d’enseignement extraordinaire, dans lequel se situent les définitions ex cathedra mais aussi l’enseignement d’un concile œcuménique, et mode d’enseignement ordinaire.

Pourtant, en se donnant la peine de lire objectivement les documents du magistère, l’auteur possède la réponse. Il la possède aussi en lisant J.- M.-A. Vacant (les soulignés sont de notre fait) :

«(…) Car, je prie le lecteur de s’en souvenir, ce n’est pas le fond et l’autorité des enseignements, mais leur forme et la manière dont ils se présentent, qui font toute la différence entre les jugements solennels, et le magistère ordinaire».

C’est ce que nous expliquait le chanoine Georges Bareille dans son commentaire de la Lettre de Pie IX à l’archevêque de Munich :

«C’est un mode d’enseignement ( le magistère ordinaire et universel, ndlr) dont se servent le Pape et les évêques dispersés pour proposer les dogmes révélés, et qui ne différent des définitions solennelles des conciles œcuméniques que par le mode et la forme (…) au lieu de l’être extraordinairement et dans tel lieu donné, comme dans les conciles» (ouvrage précité).

Par conséquent et pour répondre à la question soulevée, nous pouvons rappeler que le concile Vatican II même sans avoir prononcé de définition « ex cathedra » (et nous prions le lecteur de bien retenir que nous parlons ici de la définition ex cathedra telle que précisée dans le dogme de l’infaillibilité pontificale), a rempli toutes les conditions nécessaires à l’exercice du magistère extraordinaire de l’Eglise.

Pour le fond et l’autorité qui sont communs au mode ordinaire et extraordinaire nous avions bien :

- les décrets qui exposent la foi et les mœurs,

- l’autorité de J. B. Montini exprimée sans équivoque, ne serait-ce que dans la formule de ratification des décrets et constitutions.

Pour le mode et la forme qui sont nécessairement différents entre mode ordinaire et extraordinaire, nous avions bien les conditions du mode extraordinaire :

- celui d’un concile œcuménique (21è) convoqué extraordinairement, et dans un lieu donné.

- seule la forme ou plutôt les différentes formes peuvent être discutées, puisque ce concile n’a point recouru aux définitions dogmatiques et s’est engagé à ne condamner aucune des hérésies et idéologies de XXè siècle.

Ceux qui tiennent absolument à ce que les conditions de l’infaillibilité de l’Eglise ne soient pas réunies au concile Vatican II font donc de cette absence de définitions dogmatiques et de condamnations solennelles, un de leurs arguments, oubliant même dans leurs analyses, de parler de la formule de promulgation des décrets et constitutions qui contient pourtant la dimension ex cathedra, le concile devant être reçu et accepté par toute l’Eglise. Chacun sait que dans ce domaine les documents ne manquent point, ne seraient-ce que les lettres très fermes de J.B. Montini à Mgr Lefebvre.

C’est donc sur la forme employée par ce concile que se sont élevées des controverses. Or, nous prions le lecteur de s’en souvenir, la ratification et la promulgation de documents conciliaires par le souverain Pontife en font l’enseignement personnel de celui-ci.

Par conséquent, nous laisserons polémiquer tous ceux qui méconnaissent ou qui refusent de considérer le magistère ordinaire du souverain Pontife. Leurs polémiques pourront durer aussi longtemps que leurs ‘’théologiens’’ auxquels ils se référent, ne reconnaîtrons pas ce magistère ordinaire et néanmoins infaillible du Vicaire du Christ.

Avec les éléments que l’auteur avait en main, celui-ci aurait dû pousser sa réflexion et se dire finalement que le problème ne résidait pas tant dans le magistère ordinaire des évêques, mais dans le magistère d‘un personnage qui apparemment était pape.

2- Les "thÉologiens" d’aprÈs Vatican II

Si nous passons maintenant aux écrits d’auteurs de l’après concile Vatican II et dans la réaction à celui-ci, Monsieur Arnaud de Lassus cite le Père Joseph de Sainte Marie, le chanoine Berthod dont avons déjà parlé, puis des passages et références aux auteurs d’articles parus dans cette revue du Courrier de Rome, ainsi que l’Abbé Luc Lefebvre, le Père Calmel, l’Abbé Dulac et Mgr Lefebvre.

Un écrit en marge de ces auteurs retiendra également notre attention et nous permettra encore une fois de révéler ces curieuses méthodes employées par Monsieur Arnaud de Lassus pour arriver à ses fins.
 

Nous avons donc déjà vu, à propos du chanoine Berthod, combien la conception du magistère ordinaire était imprégnée de ce subjectivisme adapté au fait Vatican II, et comment l’enseignement sur ce point de doctrine commençait régulièrement par l’objet et non plus par le sujet du magistère. Par conséquent il ne faut pas s’étonner si les textes de ce professeur, s’attardent sur cette universalité mal comprise dès le départ. Ces écrits développent donc eux aussi ces lapalissades que nous avons dénoncées.

Il en sera de même pour le Père Joseph de Sainte Marie qui de surcroît traitera d’une façon très savante ce que tous les auteurs du XIXè siècle ont exprimé d’une façon fort simple et accessible à tous.

Quant au Courrier de Rome, les rédacteurs d’articles expriment encore à ce jour ces arguments qui cherchent continuellement à exclure la possibilité de parler d’un magistère ordinaire infaillible à Vatican II. L’auteur s’étant appuyé en grande majorité sur ce genre de revue [9] il ne faut donc pas s’étonner si nous retrouvons dans ces écrits les bases de l’argumentation de l’auteur.

Regardons maintenant cet écrit sur lequel Monsieur Arnaud de Lassus appuie cette affirmation péremptoire de «thèse commune à ceux qui refusent le concile et à ceux qui l’acceptent». Car enfin par quel moyen arrive-t-on à mêler les partisans du concile avec les catholiques qui rejettent, avec les vrais arguments, ce concile Vatican II 

Il s’agit d’une affirmation du Père Chenu !

C’est donc à l’aide de ce ‘’théologien’’ que Monsieur Arnaud de Lassus justifie sa réfutation d’une dichotomie qui n’appartient qu’à son protagoniste et à ceux qui suivent cette hérésie. Voici ce passage, et nous allons bien sûr expliquer pourquoi l’auteur s’appuie sur ce genre d’écrit :

«Il existe, dans l’Eglise, deux pouvoirs suprêmes : l’évêque de Rome, le pape, et le corps des évêques, dès l’instant que le pape est avec eux… La primauté de l’évêque de Rome est donc équilibrée par la collégialité du corps épiscopal…».

Sans nous attarder sur les deux hérésies présentes ici («deux pouvoirs suprêmes» et cette fameuse «collégialité» des évêques), nous devons nous demander pourquoi l’auteur est allé chercher cette histoire de «deux pouvoirs suprêmes», qui, nous sommes bien d’accord, n’existent pas dans l’Eglise.

Prenons le temps de situer le contexte, car la méthode de l’auteur est en fait un syllogisme.

Nous relevons les deux premiers éléments de ce procédé (p.69, 70 de l’Aide-mémoire) dans sa présentation de l’infaillibilité du pape.

Pour cet exposé, l’auteur choisit des passages de la Constitution Pastor ternus de Vatican I qui parlent de sa primauté de juridiction, de son pouvoir suprême de magistère « auquel est liée la prérogative d’infaillibilité », précise-t-il entre parenthèses.

Puis dans la majeure (premier élément du syllogisme) de sa démonstration, il cite le passage de cette même constitution qui développe les conditions de l’infaillibilité ex cathedra, ainsi qu’une question-réponse du catéchisme de saint Pie X sur l’infaillibilité du Pape.

L’auteur ne parlant de l’infaillibilité accordée au magistère du souverain Pontife que dans le cas de cette définition ex cathedra, il est fort à craindre que la question- réponse du catéchisme, n’ait servi, elle aussi, à limiter le magistère extraordinaire du pape et exclure une nouvelle fois son magistère ordinaire infaillible !

Dom Paul Nau avait donc parfaitement raison lorsqu’il affirmait que «l’enseignement ordinaire du seul souverain Pontife avait été peu à peu perdu de vue et que tout l’enseignement pontifical avait paru se réduire aux seules définitions ex cathedra».

Et celui-ci avait doublement raison en disant que l’attention était entièrement attirée sur cette définition et sur les jugements très précis au détriment de son magistère ordinaire. Il suffit en effet, de parcourir les manuels de théologie de la deuxième moitié du XXè siècle pour remarquer que ceux-ci ne traitent plus des interventions doctrinales du saint-Siège que dans la seule perspective du jugement solennel.

Or, une question subsiste. Que nous dit la réponse du catéchisme de saint Pie X ? Aurait-on déjà réduit à cette époque le magistère extraordinaire du pape et passé aux oubliettes son magistère ordinaire ? Nous posons la question, car il ne faudrait tout de même pas faire dire à ce catéchisme ce qu’il n’a jamais dit :

«Quand est-ce que le pape est infaillible ?

R. - « Le pape est infaillible seulement lorsque, en sa qualité de Pasteur et de Docteur de tous les chrétiens, en vertu de sa suprême autorité apostolique, il définit, pour être tenue par toute l’Eglise, une doctrine concernant la foi et les mœurs ».

Chacun le sait, les catéchismes ont pour but d’exposer la foi de tous et les rédacteurs s’arrêtent à ces affirmations parce qu’ils veulent être brefs et éviter de longs développements.

Par conséquent cette réponse du catéchisme de saint Pie X contient implicitement ce magistère ordinaire et ce magistère extraordinaire, ces deux modes d’enseignement infaillibles du souverain Pontife qui sont exprimés précisément dans les Actes du magistère. Combien de fois lisons-nous cela, ne serait-ce que dans l’encyclique Mortalium animos de Pie XI que nous rappellerons en soulignant ce qui décidemment doit être souligné :

«Le magistère de l’Eglise - établi ici bas d’après le dessein de Dieu pour garder perpétuellement intact le dépôt des vérités révélées et en assurer facilement et sûrement la connaissance aux hommes - s’exerce chaque jour par le pontife romain et par les évêques en communion avec lui (…) mais en outre (…) ce magistère comporte le devoir de procéder opportunément à des définitions en formes et termes solennels…».

Après avoir établit cette «majeure», l’auteur introduit maintenant son élément erroné, sa «mineure»( 2è élément du syllogisme). Dans son commentaire sur le pouvoir suprême dans l’Eglise et dans cette conception restrictive de l’infaillibilité du magistère du souverain Pontife, l’auteur raisonne ainsi :

«C’est d’abord une question de bon sens : s’il y en avait deux, aucun ne serait suprême. Il faut néanmoins insister sur ce point, car la théorie d’un double pouvoir suprême (d’où est tirée la théorie d’une double infaillibilité) n’a pas perdu l’audience qu’elle avait à l’époque du concile Vatican II»

Dans cette histoire de «deux pouvoirs suprêmes», et s’appuyant sur ce passage hérétique du Père Chenu, car c’est à cet endroit que celui-ci est cité (par une note au bas de la p. 73 de l’Aide-mémoire) l’auteur réfute ce qui n’est que chimère : une «double infaillibilité», «deux infaillibilités pour le souverain Pontife».

Ces dissociations des mots magistère, infaillibilité, et universalité, et cette chimère de deux pouvoirs suprêmes n’auront donc servit qu’à lutter contre des moulins à vent. Par contre, ce qui demeure scandaleux, nous ne le signalerons jamais assez, c’est la méthode de l’auteur :

- faire croire aux lecteurs que parler correctement des modes d’enseignement du souverain Pontife et d’une manière générale du magistère infaillible de l’Eglise, relève d’une «thèse», d’une «hypothèse», et même d’une «théorie», de cette hérésie du Père Chenu avec ses «deux pouvoirs dans l’Eglise» !

 Après sa «mineure», l’auteur tire une conclusion tout aussi erronée en s’appuyant, syllogisme oblige, à la fois sur sa «majeure» et sur cette «mineure» que nous venons de décrire. Commentant ce sens du mot universalité dans l’avant dernière page de son Aide-mémoire, nous avons le summum d’une argumentation qui aura été hors sujet du début jusqu’à la fin. Voici ce sommet de l’argument (nous plaçons entre parenthèses les éléments du syllogisme) :

«Sens du mot ’universel’- une universalité dans l’espace seulement ? C’est la thèse soutenue par un certain nombre de théologiens avant et après le concile Vatican II. L’expression ’’magistère ordinaire et universel’’ désignerait alors l’enseignement ordinaire du pape et des évêques en communion avec lui à une époque donnée (le temps présent par exemple). Une telle thèse se heurte à plusieurs difficultés :

- le pape bénéficierait de deux infaillibilités, celle de son magistère extraordinaire (conditions ’’ex cathedra’’ précisées par le texte 3 (la «majeure», ndlr) et celle de son magistère ordinaire (donné avec les évêques du monde entier). Or, si l’on se rapporte aux textes 3 et 4 ( la «mineure», ndlr) on voit (conclusion, ndlr) que l’hypothèse d’une double infaillibilité pontificale est exclue) ».

Suite à ces méthodes fort peu scolastiques qui se terminent par cette réfutation d’une double infaillibilité, vue de l’esprit issue de trois dichotomies, terminons le tour d’horizon des personnes citées par l’auteur pour appuyer son argument. Nous allons comprendre pourquoi les théologiens qui vont suivre n’ont pu donner les véritables raisons pour récuser ce concile.

L’auteur signale qu’il n’a pas retrouvé dans les œuvres de l’ abbé Luc Lefebvre, du Père Calmel, de l’abbé Dulac et de Mgr Marcel Lefebvre de textes traitant du magistère ordinaire et universel. Ceux-ci sont donc cités pour «leurs critiques très vives à l’égard du concile Vatican II», et parce qu’«il est exclu qu’ils aient pu admettre une conception du magistère ordinaire et universel conduisant à l’infaillibilité de toutes les doctrines proposées par le concile» (p. 25 de la Note).

Nous pouvons donc faire remarquer, effectivement, qu’un enseignement correct, émanant de leur part aurait sans doute permis, face au fait Vatican II ainsi que toutes les réformes qui s’en suivirent, de concentrer la réflexion des théologiens, du clergé et des fidèles sur le magistère ordinaire de J.B. Montini, ainsi que par la suite sur celui de ses successeurs plutôt que d’osciller continuellement sans connaître finalement la véritable nature de ces ‘’autorités’’ romaines et de cette «Rome moderniste» dont on parle si souvent.

Or, les théologiens cités par l’auteur, dont Mgr Lefebvre, ne l’on pas fait. Beaucoup de questions furent posées, le concile fut accusé, alors qu’il fut encore un temps où les textes de ces auteurs auraient pu faire autorité. Le combat de Mgr Lefebvre fut ailleurs, c’est certain, mais pourquoi ce silence sur la question du magistère ordinaire ?

La réponse est pourtant relativement facile à donner lorsque l’on a recours aux faits. Les ecclésiastiques cités font en effet partie de ces générations de clercs, y compris Mgr Lefebvre, qu’on le veuille ou non, qui ont reçu un enseignement incomplet et finalement erroné sur le magistère infaillible de l’Eglise lors de leur formation théologique.

L’histoire s’écrit. Nous avons déjà vu avec Dom Paul Nau, comment celui-ci explique la disparition dans les manuels de théologie du magistère ordinaire du souverain Pontife. Pour ce qui est de Monseigneur Lefebvre particulièrement, nous pouvons ajouter qu’il fut l’élève du Père Le Floch, recteur du Séminaire français à Rome qui réduisait le plus possible l’infaillibilité pontificale.

Il ne faudra donc pas s’Étonner si dans l’enseignement donnÉ dans les sÉminaires de tradition, ces lacunes ne soient toujours pas comblÉes et les erreurs qui en dÉcoulent soient toujours vÉhiculÉes.

Avec ces quelques renseignements nous comprendrons pourquoi les ‘’théologiens’’ de la majorité traditionnelle, proposent sans cesse de nouveaux arguments, toujours plus alambiqués les uns que les autres, sans jamais exposer correctement et simplement la saine doctrine sur ces différents modes d’enseignement de l’Eglise.

Mais nous comprendrons aussi, 135 ans après le dogme de l’infaillibilité pontificale, 90 ans après la guerre 14-18 qui marquera un net recul dans l’enseignement scolastique, et après ces dizaines d’années de mauvaise formation du clergé, pourquoi lorsqu’il s’agit de combler les lacunes et de corriger l’enseignement donné, des prêtres dont nous faisons partie, des séminaristes et des fidèles catholiques sont accusés de développer des thèses ou des opinions personnelles, alors qu’il s’agit de la saine doctrine sur l’infaillibilité de l’Eglise qui se trouve ainsi bafouée.

Ces divergences sont donc les conséquences inéluctables de ces lacunes et des erreurs qui en découlent et nous constatons combien ceux qui ont gravement manqué et ceux qui manquent encore à leurs devoirs pour l’exposé de la vraie foi, desservent grandement la défense de celle-ci.

De plus ils rendent la tache difficile à tous ceux qui dénoncent les raisonnements de gribouille, le mot n’aura pas été trop fort, ces raisonnements qui se transmettent depuis des dizaines d’années et qui entraînent les fidèles dans l’hérésie sur le magistère.

Malgré cela, le catholique qui veut garder la foi, le catholique semper idem, toujours le même, tout comme le terme eodem sensu l’exprime pour transmission du dépôt de la foi : une continuité sans changement ni nouveauté, sait qu’il ne faut pas s’étonner outre mesure de ces épreuves et de ces divergences. Notre Seigneur a prévenu :

«Il est nécessaire qu’il arrive des scandales» (Matthieu, xviii, 7),

et saint Paul a donné la raison de cette nécessité :

«afin que soient reconnus ceux d’entre vous qui ont une vertu (une foi, précise la Bible de Filion) éprouvée» (I Cor xi, 19).

C’est donc dans cet état d’esprit que nous voulons aborder maintenant ce cinquième chapitre, répondre à quelques dernières difficultés et aborder les causes de la situation actuelle de l’Eglise.

Puisque nous avons vu comment le scandale de ces arguments et de ces méthodes touchaient la vertu de foi en l’Eglise, regardons maintenant comment Mgr de Ségur, avec la simplicité et l’intelligence de la foi, nous parle de l’infaillibilité, don surnaturel du céleste Infaillible accordé au magistère.

Là encore, nous remarquons, puisque plusieurs citations de l’ouvrage du prélat sont contenues dans les documents que nous réfutons, que l’auteur aura lu la saine doctrine sans la retenir. Et pourtant il est difficile de ne pas s’arrêter sur ces pages qui manifestent cette foi en l’Eglise, Corps mystique du Christ, se faisant ainsi l’écho des sermons de saint Augustin dont nous avons rappelé l’essentiel dans nos préliminaires.

«Il a déclaré (le concile Vatican I, ndlr) que, d’après l’enseignement traditionnel des siècles, Notre Seigneur a déposé dans le Chef, dans le Chef unique de Son Eglise, la pleine puissance d’enseigner l’Eglise universelle, et par conséquent le don surnaturel de l’infaillibilité (...) C’est de Jésus-Christ que dérive l’infaillibilité de son Vicaire, et c’est du Vicaire de Jésus-Christ que découle dans l’épiscopat, dans le sacerdoce et dans le peuple chrétien, la grâce magnifique de l’infaillibilité active ou passive».

 Et Mgr de Ségur précise cette infaillibilité afin que l’on ne croie pas que l’Eglise enseignée possède l’infaillibilité active :

«Elle est passive, nous l’avons vu, pour les fidèles ; elle l’est même pour les prêtres (…). Elle est tout à la fois active et passive pour l’évêque, lequel, pasteur vis-à-vis des prêtres et des fidèles, n’est que brebis vis-à-vis du Pape (…) Ainsi, l’infaillibilité de l’Eglise se résume dans le Pape, comme la personnalité humaine, dans la tête de l’homme ; comme la sécurité du troupeau, dans le pasteur.

«Ce n’est pas à dire que le corps épiscopal, soit dispersé, soit réuni en concile, ne participe pas au divin privilège de l’infaillibilité. Oui, certes : l’épiscopat catholique (c’est à dire le corps des évêques qui sont en communion avec le Pape) a reçu du Seigneur une promesse générale d’infaillibilité, et Jésus-Christ est avec eux comme il est avec le pape, tous les jours jusqu’à la fin des siècles. Mais, notons-le bien, il n’est avec eux que parce qu’ils sont avec le Pape, et en tant qu’ils ne font qu’un avec le Pape. Il ne leur communique Sa divine infaillibilité que parce qu’ils sont unis à l’infaillible Vicaire du céleste Infaillible» (p. 227 à 229, de l’ouvrage précité).

Ce rappel nous permet donc de situer, du point de vue doctrinal, le problème posé par le magistère de ces 45 dernières années. Celui-ci réside dans le sujet principal de l’infaillibilité, ici, le présupposé souverain Pontife.

Voilà pourquoi toutes les astuces des hommes pour contourner ce point de doctrine, ne posant jamais les bonnes questions et ne respectant pas le principe, n’engendrent que des atteintes à la foi et font perdre le sens de l’Eglise.

Dans le chapitre qui va suivre nous regarderons donc ce que nous dit le Droit Canon à propos de ceux qui ont failli dans la foi avant leur élection au conclave et les conséquences qui en découlent pour l’Eglise, son magistère et la sécurité du troupeau.

Mais, nous l’avons dit, il nous faudra également compléter la théologie spéculative, car même si cette dernière nous permet de réfuter les erreurs actuelles, il est nécessaire de recourir à un minimum de connaissances sur la théologie du Corps mystique et de la conjuration antichrétienne, et bien sûr à ce que nous dit l’Epouse du Saint-Esprit, la Très Sainte Vierge Marie pour comprendre la situation de l’Eglise de son divin Fils.

 

V – Une situation unique

Les colonnes des Dictionnaires de théologie spéculative ne nous permettent donc pas d’expliquer entièrement cette situation dont le point de départ se révèle être l’élection de Roncalli et qui continue sans cesse de s’aggraver, maintenant sous nos yeux, sous des apparences de plus en plus trompeuses.

Or, nous ne sommes pas dépourvus de moyens.«Le chrétien réfléchi, compare les faits avec ce qui est prédit» nous dit fort justement Mgr Gaume. C’est pourquoi nous devons comparer les faits avec ce que nous dit la doctrine du Corps mystique de l’Eglise et constater les étapes déjà franchies dans le plan de la conjuration antichrétienne.

C’est d’ailleurs à partir d’une réflexion exposée par Monsieur Arnaud de Lassus, et tout en y répondant, que nous allons pouvoir regarder ces deux domaines. Commençons par regarder celui de la conjuration antichrétienne :

Dans sa Note sur le magistère ordinaire et universel, l’auteur expose le processus qui pourrait servir pour accréditer une religion nouvelle. Mais celui-ci ne fait que citer le principe, puisqu’il pense avoir résolu le problème par son ‘’enseignement-magistère’’.

«Pour accréditer une religion nouvelle sous couvert catholique, deux choses sont nécessaires :

- faire poser par le magistère des éléments de cette religion nouvelle ;

- canoniser les actes de ce magistère en lui accordant l’infaillibilité (canoniser l’actualité).

De ces deux conditions, la seconde est la plus importante, car, une fois qu’elle est acquise, les fidèles ne peuvent plus se défendre contre les nouveautés. D’où l’importance de la question de l’infaillibilité du magistère ordinaire et universel, objet de la présente étude »(p.31 de la Note).

Puisque nous avons déjà largement répondu à cet argument erroné qui conduit toujours à cette fausse piste du magistère ordinaire des évêques, nous devons maintenant nous arrêter sur les remarques précédentes, car celles-ci sont précisément des principes employés dans le plan de la conjuration antichrétienne.

1- La conjuration anti-chrÉtienne

Ce qui est incroyable puisque l’auteur parle des différentes conditions pour accréditer une nouvelle religion, c’est que lui-même cite la technique de l’adversaire dans une de ses revues. Dans un numéro spécial sur la Connaissance élémentaire de la Franc-maçonnerie [10]  nous trouvons retransmis le passage le plus connu de ce principe : l’action sur le clergé. Nous allons donc le citer à notre tour, tout en stipulant bien que ce principe est réalisé et que celui-ci n’est qu’une partie d’une conjuration beaucoup plus vaste :

«Le pape, quel qu’il soit, ne viendra jamais aux sociétés secrètes  c’est aux sociétés secrètes à faire le premier pas vers l’Eglise, afin de les vaincre tous deux. Le travail que nous allons entreprendre n’est l’œuvre ni d’un jour, ni d’un siècle ; mais dans nos rangs le soldat meurt et le combat continue (…). Une fois votre réputation établie dans les collèges, dans les gymnases, dans les universités et dans les séminaires, une fois que vous aurez capté la confiance des professeurs et des étudiants, faites que ceux qui principalement s’engagent dans la milice cléricale aiment à rechercher vos entretiens…

Cette réputation donnera accès à nos doctrines au sein du jeune clergé, comme au fond des couvents. Dans quelques années, ce jeune clergé, aura, par la force des choses, envahi toutes les fonctions : il gouvernera, il administrera, il jugera, il formera le conseil du souverain, il sera appelé à choisir le pontife qui doit régner, et ce Pontife, comme la plupart de ses contemporains, sera plus ou moins imbus des principes italiens et humanitaires que nous allons commencer à mettre en circulation… Que le clergé marche sous votre étendard en croyant toujours marcher sous la bannière des Clefs apostoliques. Tendez vos filets comme Simon-Barjona; tendez-les au fond des sacristies, des séminaires et des couvents plutôt qu’au fond de la mer ; et, si vous ne précipitez rien, nous vous promettons une pèche plus miraculeuse que la sienne… Vous aurez pêché une révolution en tiare et en chape, marchant avec la croix et la bannière, une révolution qui n’aura besoin que d’être un tout petit peu aiguillonnée pour mettre le feu aux quatre coins du monde ».

C’est donc dans ces instructions de la Haute Vente (code de 1819) tombées dans les mains du pape Léon XII (aux alentours de 1825) que nous trouvons ce qui s’est largement réalisé, et s’est vu augmenté des éternelles conspirations des ennemis de Notre Seigneur Jésus-Christ, Verbe de Dieu incarné.

Il suffit de connaître mais aussi d’admettre, car l’ennemi sait parfaitement s’infiltrer dans les groupes de résistance et insinuer que tout cela n’est qu’un complot qui n’existe pas, que la conjuration est annoncée dès le péché originel lorsque Dieu dit au démon : «Je mettrai des inimitiés entre toi et la femme, entre ta postérité et sa postérité : Elle te brisera la tête, et toi tu lui tendras des embûches au talon» (Genèse, iii, 15).

Ce sont les deux cités dont parle saint Augustin. Ce sont les deux civilisations opposées, si bien décrites par Mgr Gaume dans son Traité du Saint-Esprit et par Mgr Henri Delassus dans son ouvrage sur La Conjuration Antichrétienne et sous titré Le temple Maçonnique voulant s’élever sur les ruines de l’Eglise catholique [11] .

Puisque nous supposons que le lecteur connaît ces écrits, nous pouvons donc ajouter que les desseins de ces ennemis de Notre Seigneur, consistent également à détruire le sacerdoce de Melchisedech (le sacerdoce catholique) et rétablir le sacerdoce d’Aaron ainsi que le Temple, tous deux abolis par Notre Seigneur.

C’est pourquoi faire marcher le clergé et les fidèles en leur faisant croire qu’ils marchent sous la bannière des Clefs apostoliques leur est toujours indispensable afin de continuer leurs œuvres, principalement faire disparaître l’apostolicité de l’Eglise en invalidant le sacre des évêques et par la même la transmission du sacerdoce de la Nouvelle et Eternelle Alliance scellée par le Sang de Notre Seigneur Jésus-Christ.

Nous ne saurions donc mieux faire ici que de conseiller le lecteur de relire la parabole des vignerons homicides (Matthieu xxi, 33-46 – Marc xii, 1-12- Luc xx, 9-16). Nous voyons que la vigne fut retirée à ces vignerons homicides et déicides. Ce qui explique que ceux-ci n’ont cesse de vouloir rétablir ce qui leur a été ôté puisque la vigne du Seigneur est désormais confiée au magistère de son Eglise dans cette Nouvelle et Eternelle Alliance et son Sacrifice perpétuel si bien décrit par l’Apôtre saint Paul dans son Epître aux Hébreux.

Après cet aperçu du programme de la conjuration antichrétienne et comparant les faits qui s’accumulent depuis la Renaissance française, la Réforme protestante, la Révolution française qui a démontré ce dont elle était capable par l’interruption du Sacre, l’Onction sacrée qui fait du Roi, l’Oint, le Lieutenant de Notre Seigneur Jésus-Christ-Roi de France, nous avons désormais cette Révolution «en tiare et en chape» qui aura eu tôt fait de porter ses mêmes atteintes sur la validité du sacre des évêques, et par conséquent sur les autres sacrements qui en dépendent directement.

Il est donc avéré, que ces conditions pour accréditer une religion nouvelle, sont réalisées :

- cet empire anti-chrétien à envahi les postes et a posé les éléments d’une religion gnostique [12] et c’est cette religion qui sert actuellement à la réconciliation entre Israël, le Christianisme et l’Islam, dans les perspectives d’un monothéisme commun, religion étape, en vue de l’adoration finale à l’Antéchrist, à «l’Homme d’iniquité».

- ces éléments ou principes de base sont donc «canonisés», avec toutes les apparences et la force d’obligation du concile Vatican II et ceux-ci sont particulièrement contenus dans quatre décrets et constitutions qui servent désormais de base pour le mouvement œcuménique.

N’étant évidemment pas couverts par l’infaillibilité, sinon, nous l’avons vu avec l’encyclique Satis cognitum de Léon XIII, «il s’ensuivrait, ce qui est évidemment absurde, que Dieu Lui-même serait l’auteur de l’erreur des hommes», subsiste donc le problème qui sera appelé par Mgr Lefebvre «le coup de maître de Satan», celui de l’obéissance aux ‘’autorités’’ qui imposent de telles nouveautés.

Ainsi, lorsque nous regardons tous les événements, tous les arguments, pour essayer de justifier le refus de ce concile jusqu’à inventer ce «devoir de désobéissance» aux autorités reconnues comme légitimes, ce qui est scandaleux pour la foi catholique, il faut bien le dire, c’est l’obstination des auteurs d’articles, quitte à s’écarter d’un catéchisme élémentaire, pour soutenir la légitimité des autorités, quand bien même celles-ci seraient hérétiques.

Ainsi clergé et fidèles conciliaires, mais aussi tous ceux dans la majorité traditionnelle qui suivent ces arguments erronés, coopèrent finalement au projet de la Haute-Vente. En faisant allégeance, dans les sacristies, dans les séminaires, dans les couvents, dans leurs propos, dans leurs écrits, dans les processions et décorations en l’honneur du Très Saint Sacrement et surtout par leur union au canon de la Messe, à des autorités qu’ils pensent légitimes, et croyant marcher sous la bannière des Clefs apostoliques, ils facilitent la conjuration antichrétienne dans son œuvre de destruction de l’Eglise catholique.

Or, qu’en est-il donc de ces «pontifes» qui seront «plus ou moins imbus des principes humanitaires» dont parlaient ces instructions ? Qu’en est-il donc ?

La véritable question qu’il faut poser et à laquelle il faut répondre, afin de savoir si la situation des clercs et des fidèles qui refusent les nouveautés de Vatican II et toutes ses réformes, est catholique ou non, car nous savons qu’il en coûte chère au salut des âmes, lorsque l’on invente et suit des arguments justifiant une désobéissance à de vrais souverains Pontifes, successeurs le l’Apôtre saint Pierre.

Ce sont encore les instructions de la Haute-Vente qui vont nous donner les premiers éléments de réponse à cette question :

«Dans quelques années, ce jeune clergé, aura par la force des choses, envahi toutes les fonctions : il gouvernera, il administrera, il jugera, il formera le conseil du souverain, il sera appelé à choisir le pontife qui doit régner, et ce pontife, comme la plupart de ses contemporains, sera plus ou moins imbus des principes italiens et humanitaires que nous allons commencer à mettre en circulation… ».

Ainsi, même les espérances de la Haute-Vente furent dépassées lorsque celles-ci parlaient de «principes humanitaires» car le clergé qui a envahit toutes les hautes fonctions et a choisit le ‘’pontife’’, non seulement fut acquis à ces principes «humanitaires» condamnées par Pie IX dans son Syllabus [13] mais encore et surtout fut imbu des erreurs modernistes condamnées par saint Pie X dans son encyclique Pascendi (1907).

Tous ces candidats depuis 50 ans minimum, ont clapoté en tant que cardinaux, évêques (ou simple abbé pour Ratzinger), dans ce cloaca maxima décrit par Saint Pie X, ce modernisme, égout collecteur de toutes les hérésies.

C’est donc la situation dans laquelle les hérétiques se placent ipso facto qui doit guider notre recherche dans le droit Canon afin de savoir si le magistère a prévu par des Actes sur la discipline, objet de l’infaillibilité de l’Eglise, l’impossibilité à de tels hommes d’être élus canoniquement (validement) sur le trône de saint Pierre.

Longtemps l’on a ferraillé et l’on ferraille encore sur la question des papes hérétiques. Les uns disent que cela est possible en prenant le prétexte de soi-disant papes hérétiques dans le passé de l’Eglise, les autres tout en stipulant que la possibilité fut envisagée par les théologiens et canonistes, le cas de papes hérétiques ne se présente réellement que depuis le concile Vatican II, ce qui a engendré une dichotomie supplémentaire pour essayer de résoudre la question de l’obéissance à de telles autorités : la thèse du pape materialiter- formaliter : un souverain Pontife reconnu comme élu canoniquement sur le siège de saint Pierre (materialiter) mais du fait qu’il enseigne les hérésies conciliaires, ne possède pas les pouvoirs de diriger l’Eglise (formaliter).

Or, il est intéressant de remarquer, à l’encontre de ces positions, que mêmes les instructions de la Haute-Vente ne se sont pas trompées :

«Le pape, quel qui soit, ne viendra jamais aux sociétés secrètes», car les conspirateurs savent mieux que certains supposés défendre la foi catholique, qu’un véritable successeur de saint Pierre, Vicaire de Notre Seigneur Jésus-Christ, ne peut tomber dans l’hérésie dans son magistère ordinaire ou extraordinaire sur la foi et les mœurs.

Pour réaliser leur plan et avoir un Pape "à eux", il leur fallait donc un papabile "à eux", un candidat formé et tenu "par eux", et par conséquent hérétique avant son élection.

Nous l’avons dit, et le reprécisant ici, nous voulons répondre également à Monsieur Arnaud de Lassus et à combien d’autres avant lui et après lui, que se servir de la crise arienne (p. 27-28 de la Note, et p. 79 de l’Aide-mémoire), de prendre le cas du pape Libère en rapport avec saint Athanase, est méconnaître la véritable histoire de l’Eglise ainsi que les merveilleuses preuves de l’assistance de Dieu malgré les turpitudes des hommes. Les auteurs compétents ont depuis longtemps consacré des chapitres entiers dans leurs ouvrages [14]  à la réfutation de la prétendue existence de papes tombés dans l’hérésie dans les premiers siècles du christianisme.

La solution ne se trouve donc pas en aval de leur élection, mais en amont, dans la période précédent leur élection au conclave. C’est ce que nous devons maintenant regarder en ayant recours au Droit Canon, règle suprême de l’Eglise pour le salut des âmes.

2 – Le Droit Canon

Tous nos lecteurs le savent, Paul IV stipule dans une constitution en date du 15 février 1559, qu’un clerc ou même un simple baptisé ayant dévié dans la foi ne saurait en aucun cas devenir Pontife, quand bien même tous les cardinaux seraient d’accord, quand bien même les catholiques du monde entier lui prêteraient joyeuse obéissance durant des décennies. Tous les actes et décisions d’un tel faux-pontife seraient juridiquement nuls et non avenus, et cela ipso facto, sans qu’il faille une déclaration de la part de l’Eglise. Tout chrétien de bon sens le comprend.

Paul IV a porté ce jugement ex cathedra et ce jugement est valide à perpétuité. S’il est vrai que la subversion déjà en action du temps de Léon XIII, aura réussi dans la majeure partie du XXè siècle à faire passer cette Bulle dans l’oubli et pour le grand malheur de l’Eglise militante qui n’en aura plus connaissance au moment où elle aurait dû être brandie face aux imposteurs des années 60, il n’en reste pas moins que celle-ci n’a pas besoin d’être confirmée par qui que se soit.

Lorsqu’on lit avec grand intérêt ce que nous dit J.-M.-A.Vacant, nous voyons que même un assentiment du magistère équivaut à une approbation et devient un enseignement tacite de ce magistère ; cette Bulle, de nouveau rappelée par saint Pie X, fut rangée officiellement dans ce que l’on appelle le corps des lieux canoniques.

Ce qui est redoutable, par contre, c’est de découvrir dans le passé de l’abbé Montini, que celui-ci étudia des mois entiers les actes du magistère au Vatican et forcément le corps des lieux canoniques, un travail qui ne pouvait pas être fait sans un but précis.

Par conséquent, il faut absolument tenir compte du fait que ce personnage avec ses connaissances des actes du magistère, savait parfaitement quels étaient les termes et les moyens à utiliser, ce qu’il était permis de faire, mais aussi de ne pas faire, pour ne rien précipiter dans la Révolution conciliaire ou encore pour aiguillonner celle-ci dans les réformes liturgiques.

Il est donc inadmissible d’innocenter J.B. Montini et de faire croire que celui-ci était « ignorant du magistère ecclésiastique », la seule excuse nous dit saint Thomas d’Aquin, qui puisse éviter la note d’hérétique (commentaire sur toutes les Epîtres de saint Paul, leçon 2 sur Tite 3/ 10 -11).

Cette précision est donc applicable à tous ceux qui sont ainsi parvenus aux conclaves, et qui sont malheureusement devenus papabile pour reprendre l’expression consacrée.

3 - Nul n’est sensÉ ignorer le magistÈre

En effet, selon Saint Thomas (somme théologique, I,q. 32,a. 4), tous les catholiques sont sensés connaître le magistère de l’Eglise et les vérités révélées dans la Sainte Ecriture. Le code de Droit canon stipule que tous les fidèles doivent non seulement croire tout ce qu’enseigne l’Eglise (donc tous sont censés connaître le magistère), mais encore qu’ils sont tenus d’éviter les hérésies ou les opinions proches de l’hérésie et par conséquent tous sont censés connaître les mises en garde contre le protestantisme, le libéralisme, le modernisme, etc.

C’est bien pour cela que saint Pie X a obligé chaque clerc à prononcer le serment antimoderniste, afin de s’assurer que nul ne reste ignorant des condamnations prononcées à l’encontre des erreurs maçonniques modernistes.

Il est donc impossible de contourner ce qui s’applique à ces personnages. Nous venons de parler de Montini, sur lequel il faudrait ajouter le problème de ses origines, celui des marranes introduits dans la vigne du Seigneur, mais il faut citer aussi Roncalli moderniste initié à la F\ M\, celui qui fut l’instrument idéal pour le plan de la conjuration anti-chrétienne et convoquer un concile, Luciani acquis au modernisme, Wojtyla imbus de fausse philosophie et théologie, ainsi que Ratzinger dont la pensée et les écrits modernistes sont connus, ce qui sans abjuration de leur part, en ont fait et en font pour ce dernier, des personnages, là encore ipso facto hors de l’Eglise avant leur élection au conclave.

Dans ces faits, une difficulté subsiste, dont la cause elle-même est condamnable, celle du laxisme de notre monde actuel et dont la majorité traditionnelle n’est pas exempte car celle-ci ne dénonce jamais le parjure de ces hommes qui ont pourtant tous fait profession de foi catholique et prêté le serment anti-moderniste. Quels sont ceux qui parlent d’évêques hérétiques ou d’abbé hérétique en ce qui concerne Ratzinger ?

En effet, combien de fois n’entendons-nous pas dénoncer l’hérésie, sans jamais voir ou entendre désigner le nom de ces hérétiques ?

Et pourtant ces personnes doivent être désignées et dénoncées comme il se doit [15] , afin que les fidèles puissent éviter les hérésies, ne pas être en union avec l’hérétique et cessent enfin de «croire qu’ils marchent sous la bannière des clefs apostoliques».

Ces personnages étant tombés dans l’hérésie formelle et même avec pertinacité, sans même qu’une sanction canonique soit portée à leur égard, se sont placés d’eux-mêmes en dehors de l’Eglise.

Les faits étant connus bien avant le concile, et ceux-ci s’amplifiant encore pendant la période conciliaire, tous les évêques et cardinaux qui avaient autorité pour dénoncer l’hérétique, ont prévariqué ; tous ont manqué au devoir de leurs charges, particulièrement de gardiens de la foi. Et c’est bien parce qu’il y a eu prévarication que ces hommes furent élus et, malgré toutes les apparences, ne sont point les pasteurs du troupeau. C’est cette prévarication qui nous vaut ce châtiment de Vatican II et toutes ces difficultés rencontrées par des arguments qui s’éloignent sans cesse de la saine doctrine sur le magistère et l’infaillibilité de l’Eglise.

Il n’est donc pas question de papes ‘’materialiter’’, suivant cette dichotomie à laquelle nous venons de faire allusion, et qui, suivant cette thèse, pourraient en se convertissant et en abjurant leurs hérésies, Vatican II et ses réformes, posséder les pouvoirs de saint Pierre, mais bien d’usurpateurs suivant le sens donné par Paul IV dans sa Bulle cum ex apostolatus, servant d’instruments pour appliquer le principe du solve et du coagula, ou encore cette technique du démon : diviser pour régner.

Ces hommes composent une hiérarchie qui n’est pas celle de l’Eglise de Notre Seigneur Jésus-Christ car ils ne sont pas rentrés dans la bergerie par la porte, mais ils l’ont «escaladée par un autre point». C’est ce que Notre Seigneur Jésus-Christ nous indique et c’est aussi ce qui sera repris par le magistère en termes juridiques infaillibles dans le Droit Canon :

«En vérité, en vérité, je vous le dis : celui qui n’entre point par la porte dans le bercail des brebis, mais y monte par ailleurs, est un voleur et un larron. Mais celui qui entre par la porte, est le pasteur des brebis. C’est à celui-ci que le portier ouvre, et les brebis entendent sa voix, et il appelle ses propres brebis par leur nom, et les fait sortir. Et lorsqu’il à fait sortir ses brebis, il marche devant elles, et les brebis le suivent, parce qu’elles connaissent sa voix. Elles ne suivent point un étranger, mais elles le fuient, parce qu’elles ne connaissent point la voix des étrangers » (St Jean 10 / 1 à 5).

Et comme les auditeurs ne comprenaient pas ce qu’il leur disait, Notre Seigneur se mit à leur expliquer cette parabole toujours en termes solennels:

« En vérité, en vérité, je vous le dis c’est MOI qui suis la porte des brebis (…) le voleur ne vient que pour voler, égorger et détruire (…) mais le mercenaire, et celui qui n’est point pasteur, dont les brebis ne sont pas le bien propre, voyant le loup venir, laisse là les brebis et s’enfuit ; et le loup ravit et disperse les brebis » (St Jean 10 / 7 à 13).

 Cet enseignement que Notre Seigneur donnait fut cause de dissension parmi les auditeurs au point que certains d’entre eux se disaient :

« Il a en lui un démon, et il a perdu le sens ; pourquoi l’écoutez-vous ? » (St Jean 10 / 20).

A cela, et pour notre instruction concernant le domaine des deux cités, des deux camps, des deux étendards qui s’opposent, Notre Seigneur Jésus-Christ répond :

« Quelqu’un peut-il pénétrer dans la maison d’un homme vigoureux et enlever tout son mobilier sans l’avoir garrotté au préalable ? c’est alors seulement qu’il peut mettre sa maison au pillage. Qui n’est pas avec Moi est contre Moi, et qui n’est pas avec Moi disperse » (Matthieu 12 / 29-30).

 C’est donc tout cet enseignement que nous retrouvons dans cette constitution cum ex apostolatus, document ex cathedra, engageant l’infaillibilité du magistère de Paul IV, pour éviter qu’un personnage soupçonné d’hérésie puisse se faire élire pape. Celui-ci, en effet, confia à l’un de ses proches :

« Pour vous dire la vérité, nous avons voulu nous opposer aux dangers qui menaçaient le dernier conclave et prendre de notre vivant des précautions pour que le diable n’asseye pas à l’avenir un des siens sur le siège de Saint Pierre» (Louis Pastor : Histoire des papes depuis la fin du moyen age, Paris 1932, tome 14, p. 234).

 Et c’est pourquoi la constitution stipule d’une façon très claire les conséquences d’une telle élection :

«Nous ajoutons que si jamais il advient qu’un évêque, même ayant fonction d’Archevêque, de patriarche ou de primat ; qu’un cardinal de l’Eglise romaine, même légat, qu’un souverain Pontife même, avant leur promotion ou leur élévation au cardinalat ou au Souverain Pontificat, ont dévié de la foi ou sont tombés dans quelque hérésie la promotion ou l‘élévation même si cette dernière a lieu dans l’entente et avec l’assentiment unanime de tous les cardinaux- est nulle, non avenue, sans valeur (…)».

Ainsi le catholique, à la voix de l’étranger, doit fuir celui-ci, fuir l’hérésie et même ce qui est proche de l’hérésie comme le rappelle le Droit canon. Se faisant il ne fait que se conformer aux conseils de l’Apôtre saint Jean :

«Si quelqu’un vient à vous et n’apporte point cette doctrine (du Christ), ne le recevez pas dans votre maison, ne lui dites pas même salut. Car celui qui lui dit salut communique à ses œuvres mauvaises»(2 Jean x, 11), et encore au conseil de l’Apôtre saint Paul : «Evite l’homme hérétique» (Tite 3 / 10).

Voilà donc à qui ont affaire tous ceux qui croient marcher sous la bannière des clefs apostoliques, mais qui font allégeance à des antichrists qui ont pillé les trésors de grâces de l’Eglise, c’est à dire invalidé les sacrements, en commençant par le sacre des évêques et cela avant tout autre rituel de la liturgie catholique romaine.

Trente-sept ans après les réformes où rien n’aura été épargné et laissé au hasard, Ratzinger, sous des allures de faux conservateur, continue le solve, et nous ne parlons ici que du sujet qui intéressera plus particulièrement nos lecteurs, en agissant par la séduction en vue de la ‘’régularisation’’ de la FSSPX, dernier carré d’une résistance à dissoudre parce qu’elle possède un véritable épiscopat et transmet validement le sacerdoce, mais qui semble décidemment ne pas avoir la pleine connaissance de l’ennemi, de l’hérétique qui se trouve en face d’elle et qui communique à ses œuvres mauvaises chaque fois que celui-ci est mentionné au canon de la Messe ou dans les autres prières officielles.

Avec ces rappels sur la conjuration anti-chrétienne, le Droit canon et cette actualité de la tradition, nous aurons donc donné la véritable raison pour laquelle Vatican d’eux et ses réformes, la gnose et l’œcuménisme, les magistères conciliaires et postconciliaires, ne sont pas couverts par l’infaillibilité.

En ce qui concerne maintenant l’obéissance à de telles autorités et aux actes de leurs magistères, tous les arguments, tout aussi extravagants les uns que les autres pour justifier un quelconque «devoir de résistance» ou de «désobéissance» et qui engendrent là encore des atteintes à la vertu théologale de foi, proviennent d’une méconnaissance, entre autre, du contenu de la constitution de Paul IV. Tous ces faux arguments tombent d’eux-mêmes avec ce que celle-ci stipule :

«On ne pourra la tenir (la promotion ou l’élévation au souverain Pontificat) pour légitime en aucune de ses parties et elle ne confère ni ne peut être censée conférer quelque pouvoir d’administration au spirituel et au temporel à des tels hommes promus évêques, archevêques, patriarches ou primats, ou élevés au cardinalat ou au Souverain Pontificat. Tous leurs dits, faits et gestes, leur administration et tout ce qui en découle, tout est sans valeur, et ne confère aucune autorité, aucun droit à personne».

Il est donc fort regrettable que cette constitution n’ait pas été ressortie et brandie par ceux qui, lorsqu’il était encore temps, nous l’avons dit, faisaient autorité de leur vivant. Cela aurait évité bien des divergences et des divisions dans la recherche des arguments pour refuser Vatican II, les magistères conciliaires et postconciliaires. C’est cette recherche désordonnée des arguments qui a fini par faire rallier les uns, et qui fait toujours prendre de graves risques à certains autres.

Pourtant ces modalités pratiques de la constitution de Paul IV s’appliquent directement aux magistères précités. Celles-ci font de Vatican II un conciliabule dont toutes les applications sont juridiquement nulles, non avenues et sans valeur. C’est la seule raison qui nous permette de tout rejeter, en bloc, sans chercher, comme certains l’on fait et d’autres qui le feront encore, à reconnaître le concile à la lumière de la Tradition, un de ces compromis parmi d’autres dont le but et toujours le même, celui de faire croire que les signataires marcheront sous la bannière des clefs apostoliques.

4- La visibilité de l’Eglise

Vatican II était donc une assemblÉe dÉpourvue de pasteur lÉgitime, les magistères suivants et actuels également. Il est nécessaire de l’affirmer surtout pour ceux qui avancent aujourd’hui les arguments de l’impossibilité d’une telle situation. En effet, à ceux qui soutiennent que la visibilité ne peut être retirée à l’Eglise, il faut rappeler que cette situation n’est pas impossible à expliquer, à condition que les ‘’théologiens’’ actuels cessent d’accommoder à leurs arguments les colonnes des Dictionnaires de théologie qui ne sont pas faites pour cela, mais tournent plutôt leurs regards vers la théologie du Corps mystique de l’Eglise bien mal menée, là encore, par certains clercs, et tiennent compte également de l’enseignement des souverains Pontifes de la fin du XIXè et du début du XXè siècle qui ont bénéficié des travaux qui les ont précédés et d’une meilleure approche sur une situation qui avait déjà failli être celle que nous vivons actuellement si le cardinal Rampolla avait été élu en 1903.

En cela, ces clercs, pourraient se mettre vraiment à l’école de saint Pie X qui finalement fut l’élu de ce conclave et retenir ce que le saint Pontife enseignait dans son encyclique Communium rerum :
 

«Ne faut-il pas que l’Eglise de jour en jour, prenne d’avantage la ressemblance du Christ ? Ne faut-il pas qu’elle soit comme la vivante image de celui qui a souffert de tels tourments et si nombreux» (21 avril 1909).

Pie XI dans son encyclique Miserentissimus Redemptor, ne sera pas moins explicite :

«La passion du Christ est renouvelée et, en quelque manière, continuée et achevée dans son corps mystique qui est l’Eglise… »(6 juin 1928).

Mais le souverain Pontife le plus explicite dans ce domaine fut Léon XIII, puisque celui-ci a compris l’action des ennemis du Christ sur Son Eglise, précisant sans ambiguïté cette action qui retirerait le pasteur et disperserait le troupeau :

(…) L’Eglise, épouse de l’Agneau Immaculé, la voici saturée d’amertume et abreuvée de poison, par des ennemis très rusés; ils ont porté leurs mains impies sur tout ce qu’elle désire de plus sacré. Là où fut institué le siège du bienheureux Pierre, et la chaire de la Vérité, là ils ont posé le trône de leur abomination dans l’impiété; en sorte que le pasteur étant frappé, le troupeau puisse être dispersé. O saint Michel, chef invincible, rendez-vous donc présent au peuple de Dieu qui est aux prises avec l’esprit d’iniquité, donnez-lui la victoire et faites le triompher(…)».

 Cette partie de l’exorcisme contre Satan et les anges apostats (supplique à Saint Michel Archange) composée par Léon XIII, mais supprimée des versions postérieures à 1903, (ce qui est une preuve supplémentaire de l’action des ennemis très rusés occultant l’acte de Léon XIII), démontre précisément que le souverain Pontife fut divinement inspiré [16] sur ce que deviendrait la situation de l’Eglise et c’est la raison pour laquelle il l’a prémuni par cet exorcisme, tout comme Paul IV avait lui aussi averti l’Eglise par plusieurs Bulles dont celle que nous avons citée précédemment.

 Avec ce rappel, nous comprenons toute la portée de la prophétie de Zacharie(xiii, 7) qui concernait Notre Seigneur et que le divin Rédempteur accomplit au début de Sa Passion :

 «Alors Jésus leur dit : Vous tous vous prendrez du scandale à Mon sujet pendant cette nuit ; car il est écrit : Je frapperai le pasteur, et les brebis du troupeau seront dispersées» (Matthieu, xvii, 31- Marc, xiv, 32 - Jean xvi, 32).

Dans ce qui rentre désormais dans les étapes de la Passion de l’Eglise, Corps mystique du Christ, Léon XIII reprend ces paroles de Notre Seigneur dans ce passage de l’exorcisme, précisément parce que celui-ci a vu la situation de l’Epouse de l’Agneau immaculé, et particulièrement la chaire de la vérité, là où les ennemis très rusés ont posé le trône de leur abomination dans l’impiété ; en sorte que le pasteur étant frappé, le troupeau puisse être dispersé.

C’est donc dans cette théologie du Corps mystique que nous pouvons également saisir toute la portée du Psaume 21 que Notre Seigneur accompli sur la croix, entrecoupé de spasmes. Nous y voyons le divin Crucifié priant pour «Son Unique» (verset 21), pour Son Epouse, celle que l‘«assemblée des méchants a assiégée» (verset 17), c’est à dire ce concile Vatican d’eux (21è concile œcuménique [17] ) composé de tous ceux qui sont décrits dans les versets 13 et 17a, et qui sont désignés nous l’avons vu, comme des ennemis très rusés, ces antichrists du moment que le Maître dit : «Qui n’est pas avec Moi est contre Moi, qui n’est pas avec Moi disperse».

 Cette «assemblée des méchants», ce concile avec toutes ses irrégularités [18] , comme pour le procès de Notre Seigneur, a donc livré l’Eglise aux membres de cet empire antichrétien dont le but, nous l’avons vu, toujours le même, est celui de «s’élever contre le Christ et de détruire Son Eglise».

 Voilà pourquoi, avant de regarder ce que nous dit la Très Sainte Vierge Marie qui nous parle en Reine des théologiens et qui donne la solution en quelques mots, l’accès à ce problème de la visibilité de l’Eglise, celle de son magistère et de son apostolicité, est possible lorsque dans la théologie mystique l’on observe que le Christ demeurant la tête de l’Eglise et que le Saint-Esprit en étant son âme, ce Corps mystique puisse passer par les différentes étapes de la Passion.

La Chaire de Vérité frappée par les ennemis jurés du Christ, brebis et troupeau sont dispersés, ne possédant plus la sécurité qui lui était assurée par l’enseignement du pasteur, du Vicaire du Christ, du véritable successeur de saint Pierre. Tout cet enseignement que la théologie mystique peut nous apporter, elle qui a toujours servi, nous l’avons dit, à réfuter les hérésies, est donc ignoré, alors que Léon XIII au contraire n’a pas hésité à rappeler dans les prières des exorcismes contre Satan et les anges révoltés que le pasteur serait frappé et les brebis dispersées en précisant même que : «le père du mensonge serait ‘’là où fut instituée la Chaire de Vérité’’».

Ce que Léon XIII a perçu le 13 octobre 1884 est devenu rÉalitÉ. Le vicaire du Christ avait discerné ce qu’allait devenir la situation de l’Eglise et avait prémuni celle-ci par cet exorcisme, exorcisme qui a protégé l’Eglise pendant 80 ans environ. La subversion qui a réussi à mutiler cette prière et plus encore, cette tentative de placer définitivement cette partie de l’exorcisme aux oubliettes, nous prouve la réalisation de la prophétie.

Mais il n’est «rien de caché qui ne soit (tôt ou tard) révélé» (Matthieu, x, 26), voilà pourquoi avec cet exorcisme et la Bulle de Paul IV, ces portées ecclésiales restituées, nous avons deux moyens qui nous permettent de comparer la situation actuelle avec ce qui est prédit.

Par conséquent nous ne devons pas oublier ce qui dans la pédagogie divine s’est toujours réalisé. Lorsque nous lisons les commentaires sur cette prophétie de Zacharie accomplie par Notre Seigneur et qui de nouveau se renouvelle pour l’Eglise, les faits qui s’accomplissent sous nos yeux nous démontrent bien que Notre Seigneur à commencé d’accomplir ce qui est conforme à Sa justice.

En effet, les prophètes lorsqu’ils annonçaient les calamités qui devaient fondre sur Israël, supposaient que la nation ne serait pas totalement détruite, mais qu’un reste survivrait parce que le Seigneur poserait Sa main sur ceux qui lui resteraient fidèles.

La dernière partie du verset 7 dans cette prophétie de Zacharie le rappelle : 

 (…) et Je tournerai Ma main vers les petits ».
 

Ce qui était de rigueur dans l’Ancien Testament, et qui nous est indiqué par le prophète Amos : «Le Seigneur ne fait rien sans qu’il ait révélé son secret à ses serviteurs, les prophètes» (Amos 3 / 7), Notre-Dame, pour les membres de l’Eglise que nous sommes, se charge de le faire.

Notre-Dame intervient en tant que Mère de ce Corps mystique. C’est le but de ses apparitions et de ses messages où nous sont rappelés toute cette pédagogie divine.

Par conséquent, 75 ans après les faits signalés par Léon XIII, ce qui correspond maintenant au concile Vatican d’eux et ce plus grand pouvoir accordé aux démons et aux membres de la conjuration antichrétienne, au service de Satan, le père du mensonge, et dans ce mystère d’iniquité qui se déroulent sous nos yeux, nous constatons :

- que le troupeau est privé de pasteur et la majeure partie de celui-ci, dispersée, coure à tout vent de doctrine,

- que Notre Seigneur disperse les superbes et fait revenir sa main sur les petits, les humbles, sur ceux qui sont fidèles, qui gardent la foi en l’Eglise dans cette période d’insécurité doctrinale.

Et nous souvenons avec crainte et piété :

- qu’il sera question de l’épreuve, pour purifier [19] . Cette opération douloureuse, tant de fois rappelée dans les raisons des guerres et des châtiments que nous vivons déjà, est nécessaire et aura pour résultat de purifier des scories, de resserrer les liens de la foi et de rendre plus douces les relations avec Notre Seigneur Jésus-Christ dont le règne tant de fois annoncé, sera établit après une victoire éclatante de Notre-Dame.

Voilà pourquoi toutes les prophéties reconnues par le magistère de l’Eglise ainsi que toutes celles qui ont été éprouvées, contiennent toutes, non pas des mièvreries qui encensent le magistère conciliaire, un piège de plus pour faire croire aux fidèles qu’ils marchent sous la bannière des clefs apostoliques, mais au contraire de sévères avertissements afin que les âmes se détournent des persécuteurs de l’Eglise, implorent le Ciel, par leurs prières et par leurs pénitences.

5- RÉsumÉ des argumentations

Après ces rappels de la doctrine sur l’infaillibilité de l’Eglise et que nous avons voulu compléter par la théologie du Corps mystique afin de donner quelques éléments de réponse à cette question de la visibilité de l’Eglise, nous pouvons donc résumer ce que nous avons développé dans ces chapitres.
 

La question que Vatican II pose à la conscience catholique se trouve résolue :

- dans le respect du principe, c’est à dire dans le respect de l’infaillibilité du magistère garanti par la véracité de Dieu,

- dans le respect du fait, puisque Vatican II n’est qu’un conciliabule avec un enseignement et des réformes qui ne sont pas les œuvres de l’Eglise catholique.

La question de la visibilité de l’Eglise à laquelle nous avons voulu répondre puisque celle-ci est étroitement liée à la conjuration antichrétienne, est résolue lorsque l’on admet que l’Eglise dont Notre Seigneur Jésus-Christ demeure la tête, et le Saint-Esprit, l’âme, passe par les étapes de la Passion où Notre Seigneur fut Lui-même retiré des siens.

Par contre, nous aurons constaté que l’argumentation de l’auteur et la doctrine qui en résulte n’est certainement pas simple et surtout n’est pas catholique. Ce qui nous amène à signaler que tous les ouvrages actuels qui cherchent à prouver par un moyen ou par un autre que l’église conciliaire est l’Eglise de Notre Seigneur Jésus-Christ, sont des argumentations qui manifestent :

- un recul certain dans les connaissances sur le magistère et les conditions de l’infaillibilité,

- un manque d’esprit de foi et de sens de l’Eglise,

- l’oubli de la théologie du Corps mystique tant de fois utilisée par les Pères de l’Eglise et les théologiens pour réfuter les hérésies, théologie qui exprime si bien le lien entre le Christ et son Eglise,

- une connaissance superficielle du plan de la conjuration antichrétienne,

- ou ce qui est plus grave encore, un refus de voir dans la réalité présente, le résultat de cette conjuration contre le Christ et Son Eglise,

- et enfin le refus de se pencher sur ce que nous dit la Très sainte Vierge Marie sur la situation de l’Eglise, le Corps mystique de son divin Fils, principalement à travers le message de La Salette.

 

Avec l’exemple de Notre Seigneur sur la croix priant pour Son Eglise, Son Unique qui serait un jour assiégée par ce «concilium malignantium», cette «assemblée des méchants», et l’exemple de Notre-Dame qui retenait et méditait toutes ces choses dans son Cœur, nous pouvons aborder ce que Notre-Dame elle-même annonce dans son message à Mélanie.

 6- L’Éclipse de l’Église

Constatant qu’une partie du clergé, même dans la majorité traditionnelle, boude le domaine vraiment surnaturel de la doctrine, ne nous faisons pas trop d’illusion lorsqu’il s’agit de parler des révélations privées. Celle-ci cherchera sans doute toujours à expliquer la situation actuelle par des circonvolutions fort savantes et nous aurons assez démontré comment l’astuce de l’homme, du ‘’théologien’’ qui n’agit pas avec un véritable esprit de foi, réussi à compliquer la théologie au point de la rendre rebutante et très souvent erronée. Or, nous devons rappeler que l’Eglise, dans son magistère légitime, n’a jamais exclu la révélation privée de l’économie de la loi nouvelle pour la direction des âmes.

Une homélie du cardinal Pie, qui mérita un bref pontifical de Pie IX, nous rappelle quelles sont les règles que l’Eglise observe dans ce domaine, même si la Révélation est clause à la mort de l’Apôtre saint Jean :

«Il ne s’en suit pas de là que la révélation privée ait été exclue de l’économie de la loi nouvelle. La raison toute seule nous enseigne qu’il est toujours libre à Dieu de se mettre en rapport avec Sa créature ; et les annales de l’Eglise nous montrent de siècle en siècle de grands fruits de sainteté obtenus (…) des directions très opportunes offertes au peuple chrétien par la voix des communications extraordinaires». C’est bien dans ce même sens que nous devons entendre ce passage de l’Epître de l’Apôtre saint Pierre : «Si quelqu’un parle, que ce soit des oracles de Dieu».

Puisque l’on peut être conduit fort loin dans ce domaine, le cardinal Pie n’oublie pas de faire cette remarque :

«Assurément (…) s’il y a des visions vraies, il y en a de fausses ; j’accorde même, étant donnée la disposition des esprits, à certaines époques surtout, qu’une vision vraie devient le signal d’une multitude de visions fausses».

Et voici l’argument du cardinal, celui que l’Eglise a toujours observé :

«…armé de l’autorité de l’Apôtre (saint Paul), lequel à côté du principe, établit la règle au moyen du discernement :‘’Donnez-vous bien garde, dit saint Paul, d’éteindre l’Esprit, et de mépriser de parti pris toute espèce de révélations. Mais soumettez-les à l’épreuve, et retenez ce qui est bon» (I Thessaloniciens, v 19-25). Ainsi fait l’Eglise. Elle a appris de saint Jean «qu’il ne faut pas se fier à tout esprit, mais qu’il faut éprouver si les esprits proviennent de Dieu»(I Jean 4 /1).

C’est ainsi que l’Eglise a reconnu les apparitions à Maximin et Mélanie à La Salette en 1846, ainsi que les messages de la Très Sainte Vierge Marie à cette dernière qui connut bien des persécutions pour son secret.

Le pèlerin non averti, lorsqu’il monte au sanctuaire de La Salette, n’entendra jamais parler du passage le plus important de ce message de Notre-Dame à Mélanie. Et pourtant celui-ci contient tout ce qu’il faut au chrétien réfléchi pour comparer les faits avec ce que la Très Sainte Vierge nous dit de la situation de l’Eglise.

Nous ne pouvons donc pas négliger ce que Notre-Dame nous fait savoir sur l’Eglise de son divin Fils, Elle qui est l’Epouse du Saint-Esprit et qui connaît ce qui fut déjà annoncé en Genèse, iii, 15, et ce qui se continue actuellement : ces inimitiés entre la descendance du démon, le prince de la cité du mal, et sa descendance, la descendance de Celle qui est désormais la base de la Cité du bien.

Mgr Gaume, en nous rappelant l’existence des deux cités qui s’opposent depuis le péché originel, nous offre de beaux passages sur Notre-Dame, la première création du Saint-Esprit dans le Nouveau-Testament :

«Notre-Dame est crée pour être l’Epouse du Saint-Esprit et la mère du Verbe (…). Si vous demandez dans quel but le Saint-Esprit s’est ainsi reposé en elle, les anges et les hommes répondent : parce que Marie devait être Son épouse, la mère du Verbe incarné, la base de la Cité du bien, la femme par excellence, mère d’une lignée perpétuelle de femmes héroïques (…) Jamais, ni à sa conception, ni à sa naissance, ni pendant sa vie, le souffle impur du prince de la cité du mal n’avait effleuré celle qui devait lui écraser la tête (…). Voilà donc la jeune vierge de Juda, devenue l’épouse du Saint-Esprit, la mère du Verbe, la parente de toute la Trinité, comme Eve et Adam furent les bases de la Cité du mal, Marie et son Fils seront la base de la Cité du bien (…). Epouse du Saint-Esprit, Mère du Verbe, Marie est la pierre angulaire de la Cité du bien, chef d’œuvre de beauté intérieure et extérieure, Marie est la perle de l’univers». (Traité du Saint-Esprit, tome II, p. 135-142-144-151).

La Très Sainte Vierge, qui a suivit l’enseignement de son divin Fils et qui est si étroitement unie à la Passion et qui au pied de la croix, s’est associée aux prières du divin Crucifié accomplissant le psaume messianique. Intimement liée à cette union du Christ et de l’Eglise, Elle, la base de la Cité du bien, compatît de nouveau à la Passion de l’Eglise, le Corps mystique de son divin Fils assiégé par les membres de l’empire antichrétien.

Sur la sainte montagne de la Salette, Notre-Dame porte les objets de la Passion et pleure lorsqu’elle révèle à Mélanie dans un langage prophétique, juste et précis, ce que nous mettons des livres entiers à exprimer : «Rome perdra la foi et deviendra le siÈge de l’antÉchrist».

Dans ses paroles inspirées par le Saint-Esprit, Notre-Dame indique cette perte de la foi en ce lieu précis parce que Rome c’est bien évidemment le Siège apostolique et ceux qui ont failli dans la foi et qui ont réussi à l’investir ne sont point les pasteurs du troupeau mais au contraire ceux qui pillent et dispersent les trésors de grâces de l’Eglise [20] .

Ce pillage et cette dispersion des trésors de grâces sont les œuvres de l’empire antichrétien, la réalisation du plan de la conjuration antichrétienne. Celle qui consiste depuis 45 ans à dissoudre(solve), nous l’avons dit en désignant l’invalidité du sacre des évêques et par-là même de l’apostolicité de l‘Eglise, et qui continue de s’accomplir par ces loups couverts de peaux de brebis.

C’est cette action et ses conséquences que Notre-Dame désignent, toujours en très peu de mots, par cette expression : «L’Église sera ÉclipsÉe».

 Expression qui résume toute cette situation dans laquelle nous sommes depuis 45 ans, situation unique et par conséquent qui ne peut être comparée avec aucune autre crise dans l’histoire de l’Eglise. Même avec la crise arienne, par exemple, où nous voyons régulièrement les ’’théologiens’’ actuels chercher en vain leur argumentation.

Notre Seigneur demeurant la tête de l’Eglise, le Saint-Esprit son âme, l’éclipse de l’Eglise signifie donc :

- l’absence du pasteur qui garantissait l’union et la sécurité du troupeau,

- la disparition de l’infaillibilité du magistère puisque nous avons vu que celle-ci se résume dans un pape légitime, véritable successeur de saint Pierre.

- la réduction de la source de la grâce, conséquence de la réforme des antichrists dans le domaine de la liturgie, en premier lieu l’invalidation du sacre des évêques, et par-là même du sacerdoce et de la plupart des sacrements qui en découlent.

- la diminution de la charité.

- la foi catholique et la pratique religieuse réduite à la dimension de domesticité, la chaire de saint Pierre devenue le trône de l’abomination de l’impiété, et les sanctuaires livrés au culte impie.

Toutes ces actions des ennemis du Christ, sont donc les œuvres de ceux qui composent malgré toutes leurs apparences trompeuses, une église qui n’est pas celle de Notre Seigneur Jésus-Christ, mais celle composée par ce faux magistère qui éclipse celle-ci.

Et c’est donc dans cette éclipse que nous nous trouvons, avec de surcroît ce dilemme dont nous avons parlé dans les premiers chapitres, ces entraves posées par ceux qui croient marcher sous les étendards des clefs apostoliques, mais qui confondent l’église conciliaire avec l’ Eglise catholique.

Ainsi dans cette méprise, ceux-ci sont comme des hommes ne connaissant pas la réalité de ce phénomène astral et qui pensent avoir affaire au travail du soleil sur lui-même, alors que la réalité est tout autre puisqu’il s’agit de la diminution de la lumière opérée par l’astre mort, la lune qui s’interpose entre le spectateur et le soleil qui, lui, demeure inchangé.

Combien de fois ne trouvons-nous pas cette méprise particulièrement grave car les fidèles sont invités à faire confiance à ces ’’théologiens’’ qui dans leurs argumentations rendent l’Eglise elle-même responsable de l’obscurité qui s’étend aux domaines que nous venons de citer ! Tous les sophismes de la majorité traditionnelle sont fort révélateurs de cette confusion.

Nous pourrions donner bien des exemples et de tout récents, mais il nous semble que le plus caractéristique est celui contenu dans la brochure envoyée par la FSSPX à Wojtyla et à ses ’’cardinaux’’ :

«L’Eglise catholique n’agit plus en phare de la vérité qui illumine les cœurs et dissipe l’erreur, mais plonge l’humanité dans la brume de l’indifférentisme religieux, et bientôt dans les ténèbres de l’apostasie silencieuse » ! (p. 33 de l’opuscule, Lettre à nos frères prêtres, janvier 2004).

 

Cette analyse totalement erronée, à l’opposé de la doctrine catholique sur la sainteté de l’Eglise, de l’unité d’enseignement entre le Christ et l’Eglise, de la théologie mystique et surtout de ce que nous dit la Très Sainte Vierge Marie dans son message à La Salette, nous révèle donc, non seulement tous les problèmes engendrés par la mauvaise formation du clergé, mais encore la précaire position de la majorité traditionnelle.

 

7 - Conclusion

Après cette réfutation des arguments erronés, le rappel de la doctrine sur l’infaillibilité et la comparaison des faits avec ce qui est prédit, nous comprendrons que dans cette situation unique de l’Eglise, il est nécessaire et urgent de bien situer les camps qui s’affrontent et de bien saisir la nature du combat à mener, car ceux qui cherchent continuellement à prouver la légitimité des autorités conciliaires et postconciliaires, à prouver également la validité des nouveaux rituels, s’alignent eux-mêmes sur l’action de ces pilleurs des trésors de grâces.

 

C’est vers Notre-Dame de La Salette que nous nous tournons. Nous nous adressons filialement vers celle qui saura en tant que Reine des théologiens présenter notre supplique à son divin Fils :

«Sauvez-moi, Seigneur, car il n’y a plus de saint, car les vérités ont été diminuées par les enfants des hommes. Chacun ne dit à son prochain que des choses vaines ; leurs lèvres sont trompeuses, et ils parlent avec un cœur double. Que le Seigneur détruise toutes les lèvres trompeuses, et la langue qui se vante avec jactance» (psaume, xi, 3-4) [21] .

 

Que Notre-Dame de La Salette, Epouse du Saint-Esprit dispose les âmes, afin que celles-ci, surtout les âmes sacerdotales, comblent les lacunes de leur formation et comparent les faits qui continuent de se dérouler sous nos yeux avec ce qui est prédit. Ce faisant, la doctrine pourra être rectifiée et enfin donnée correctement au bon peuple. Grâce à Notre-Dame, base de la Cité du bien, les séductions proposées par les membres de cette cité du mal pourront être déjouées et rejetées. Les âmes comprendront que cette église conciliaire et gnostique n’est pas l’Eglise de Notre Seigneur Jésus-Christ mais celle qui l’éclipse. Et aux temps de l’éclipse totale et du passage de la juste purification, celle qui correspond à cette opération douloureuse mais nécessaire dans la pédagogie divine, elles demeureront fidèles sous sa protection maternelle.

 

Gaude, Maria Virgo, cunctas hæreses sola interemisti

Réjouissez-vous, Vierge Marie, vous seule avez détruit TOUTES les hérésies

Trait de la messe Salve, Sancta Parens

 

 

"Combattez, enfants de lumière, vous, petit nombre qui y voyez"

Nous précise la très sainte Vierge Marie dans son message à La Salette. C’est donc filialement et de tout cœur que nous obéissons à l’ordre de Notre-Dame.

 

Abbé Michel Marchiset.

 



 [1]  Lire son ouvrage fondamental, étude unique et primordiale, L’infaillibilité du Magistère Ordinaire Universel :

 

 [2]  Abbé Lucien, ouvrage cité en référence par l’auteur dans la note 3, p.4.

 [3]  Mgr Louis Prunel, Cours supérieur de religion, 1932, tome II, p. 153.

 [4]  Le lecteur en possession des documents peut comparer la dichotomie de la p. 77 (Aide-mémoire) et celle de la p.7 ( Note).

 [5]  Chanoine Berthod, professeur à Ecône, à ne pas confondre avec l’Abbé Berto, théologien de Mgr Lefefvre pendant les premières années du concile.

 [6]  Chanoine Georges Bareille, Le catéchisme romain. Tome II, Le dogme, p. 604-605. Librairie J. M. Soubiron, Editeur à Montréjeau (Haute-Garonne), imprimatur 2 juillet 1906.

 [7]  J.B. Franzelin, Tractatus de divina traditione et scriptura, 1875. Cité par l’auteur en p. 17 de la Note.

 [8]  p. 24 de la Note.

 [9]  pour la Note sur le magistère ordinaire et universel de 1999, Monsieur Arnaud de Lassus signale qu’il est redevable aux études de Michel Martin parues dans les numéros 15,18,49,61,105,148,152 de la revue De Rome et d’ailleurs

 [10]  supplément au n° 29 . Action Familiale et Scolaire (AFS).

 [11]  Les deux ouvrages cités sont en vente aux Editions Saint- Rémi, BP 80 – 33410 Cadillac. Ils DOIVENT être lus et médités.

 [12]  Lire le Sermon des Ordinations à Ecône, 27 juin 2002, par Mgr Tissier de Mallerais

 [13]  A lire : Petit catéchisme du Syllabus de Mgr Gaume (50 pages) aux Editions saint-Rémi, BP 80 - 33410 Cadillac.

 [14]  Tous les bons manuels de doctrine réfutent cet argument. A propos du Pape Honorius régulièrement cité lire : Honorius a-t-il été monothélite ? de l’Abbé B.-M. Constant, Editions Saint-Rémi, précitée.

 [15]  En cela l’on se conforme à l’injonction de Léon XIII qui recommande, dans son encyclique Humanum genus, d’arracher leur masque aux ennemis de l’Eglise.

 [16]  Selon la version la plus largement acceptée de ce qui s’est passé le 13 octobre 1884, après que le Pape Léon XIII eut terminé la Messe dans la chapelle Vaticane : le souverain expliqua qu’au moment où il s’apprêtait à quitter le pied de l’autel, il entendit soudainement des voix, une douce et bonne, l’autre gutturale et dure. La voix gutturale, la voix de Satan dans son orgueil, criant au Seigneur : ’’Je peux détruire ton Eglise’’. La voix douce du Seigneur : ’’Tu peux alors fait le donc’’. Satan : ’’Pour cela, j’ai besoin de plus de temps et de pouvoir’’. Notre Seigneur : ’’Combien de temps ?’’ ’’Combien de pouvoir ?’’ Satan : ‘’75 à 100 ans et un plus grand pouvoir sur ceux qui se mettent à mon service’’. Notre Seigneur : ’’Tu as le temps, tu auras le pouvoir. Fais avec cela ce que tu veux’’.

 [17]  Lire : Le Concile des méchants M’a assiégé,  par Jean Vaquié

 [18]  Lire, Valeur de l’assemblée qui prononça la peine de mort contre le Christ, des frères Lehmann.

 [19]  Lire : Le dénouement de la persécution par Augustin Lémann

 [20]  Remarquons bien la formule de la très sainte Vierge Marie : ROME. Elle ne dit pas : L’ÉGLISE. La très sainte Vierge Marie connaît la théologie et sait faire la différence entre Rome et l’Eglise.!

 [21]  Traduction selon la Bible de Fillion : «car les vérités ont été diminuées par les enfants des hommes», d’après l’hébreu : les fidèles (c’est à dire les hommes consciencieux auxquels ont peut se fier) ont disparu».