Virgo-Maria.org
Qui et Pourquoi, depuis la mort de Mgr Lefebvre en 1991, a détourné la finalité surnaturelle de l’OPERATION-SURVIE des sacres de 1988, pour assigner à la FSSPX ce FAUX objectif prioritaire de la «ré-conciliation» avec la Rome conciliaire (en fait la «ré-conciliarisation» de la FSSPX) ? |
Qui a, depuis 2000, PROMU, et Pourquoi, le FAUX préalable de l’autorisation de la messe de Saint Pie V ? |
Pourquoi n’a-t-on pas posé la VRAIE question du rétablissement du VRAI Sacerdoce de VRAIS prêtres, ordonnés par des Evêques VALIDEMENT sacrés selon le rite VALIDE des Saints Ordres ? |
Qui a INVENTE, et POURQUOI, le faux préalable de la levée des «excommunications» ? |
Pourquoi n’a-t-on pas posé la VRAIE question de l’abrogation de Pontificalis Romani INVALIDE de 1968 et du rétablissement du vrai rite de la consécration épiscopale VALIDE d’avant 1968? |
A quoi servirait-il, en effet, de faire dire le VRAI rite de la messe par de FAUX prêtres ? |
Serait-ce donc qu’après avoir obligé de VRAIS prêtres à dire une FAUSSE messe, l’on veuille désormais faire dire la messe du VRAI rite par de FAUX prêtres ? |
Serait-ce que l’on veuille «concilier» les VRAIS prêtres qui disent encore la VRAIE messe avec un clergé aussi INVALIDE que le FAUX CLERGE ANGLICAN ? |
Gaude, Maria Virgo, cunctas hæreses sola interemisti.
(Tractus Missæ Salve Sancta Parens)
mardi 24 octobre 2006
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La Sapinière, le réseau de renseignement de Saint Pie X
Une étude par Mgr Ducaud-Bourget sur l’œuvre de combat anti-moderniste de Mgr Begnini
Un éclairage sur la FSSPX et sur la subversion cléricale au sein de la Tradition
Mgr Ducaud-Bourget prêchant à Saint-Nicolas-du-Chardonnet
Cette étude passionnante, émaillée de faits et rédigée d’une plume alerte et sensible sous laquelle vibre une âme catholique, cette étude rouvre le dossier historique des pièces du procès de Béatification de Saint Pie X. Il fait revivre la lutte âpre que le saint Pape a mené contre la subversion cléricale qui avait déjà infiltré l’Eglise. La Sapinière (Sodalitium Pianum) fut son service de renseignement, et sous la direction de Mgr Begnini, elle permit alors au grand Pape du combat contre le modernisme, d’être ses « yeux et ses oreilles » et de doter son action d’une efficacité indispensable. Ce réseau secret d’informations observait dans les différents pays les agissements des divers prélats et établissait pour le Pape des rapports circonstanciés qui lui permettaient ensuite d’écarter les mauvais clercs. Mais cette subversion cléricale allait finalement l’emporter avec le concile Vatican II.
En 2006, c’est tout le monde de la Tradition catholique qui est aux prises avec la subversion cléricale d’une camarilla qui agit en son sein.
La FSSPX, verrouillée dans ses postes clés, dont ses médias, par une petite faction de partisans du ralliement à la Rome des antichrists est devenu le théâtre d’un champ de bataille international. L’actuel Supérieur général, Mgr Fellay, réélu sans doute au prix d’un mensonge ou d’une dissimulation, c’est-à-dire l’occultation de l’avancement de ses négociations avec la Rome des antichrists et de la lettre secrète de juin du Hoyos[1], se fait le protecteur de tout ce petit clan qui travaille obstinément à trahir l’œuvre de sauvegarde du Sacerdoce catholique de Mgr Lefebvre afin de la livrer entre les mains des pires ennemis du vrai Sacerdoce de l’Eglise, à savoir les chefs de l’Eglise conciliaire.
Un siècle après la Sapinière et saint Pie X, le combat pour la survie du Sacerdoce catholique continue sur un champ de bataille qui s’est rétréci et où apparaissent quelques figures emblématiques de la subversion cléricales.
Les personnages des abbés Lorans, Celier, de la Rocque, Barthe, de Tanoüarn, Laguérie, etc se croisent dans ces jeux ecclésiastiques et très humains où se mêlent les ambitions, les calculs, l’avidité de reconnaissance, la tentation des jeux de l’ombre et et tous ces dérèglements des esprits qui agitent ces âmes et les poussent au service d’une cause qui ne peut plus être celle de Notre Seigneur Jésus-Christ, alors que l’obscurité de la Passion s’est abattue sur son Eglise, sur son Corps mystique. Cette scène publique où se joue le drame de la destruction de la succession apostolique, laquelle dépend de la pérennité du vrai sacerdoce catholique, attend son grand écrivain qui saurait camper les personnages et dépeindre dans ses différents plis tout cet univers décomposé de la subversion cléricale de la Tradition.
Dans ces ténèbres du Golgotha où les apôtres ont fui et où, dans la solitude du calvaire, ne restent plus que Sa Mère, saint Jean, le disciple qu’Il aimait, et les saintes femmes bruissent les conspirations du silence et les fracas des intérêts humains, les bruits du monde et les silences de Dieu qui contemple cette Chrétienté abandonnée qui commença à Le chasser en coupant la tête de Son Oint de Reims, le Roi Très Chrétien, rétabli par sa grâce un jour de mai 1429.
Privé de la protection du glaive temporel du Roi des Francs pendant plus de deux siècles, le glaive spirituel fut livré aux attaques les plus audacieuses de Satan et qui attend le moment où il espère éteindre enfin définitivement le Sacerdoce de Melchisedech.
Pour réussir cet attentat ultime et définitif, tramé depuis deux millénaires par le Prince de ce monde, il aura fallu tout la lâcheté silencieuse, voire l’infâme collaboration, de beaucoup de clercs. Inopinément, il fut un archevêque, Mgr Lefebvre, qui intervint en 1988 et qui, par son obstination et son souci de l’Arche d’Alliance du Nouveau Testament, perpétua cet épiscopat catholique authentique en voie d’extinction. Mais le Père du mensonge a depuis travaillé les âmes pendant près de vingt ans, afin de parvenir à obtenir, de la part de cette nouvelle hiérarchie épiscopale sauvée du désastre, sa participation volontaire à ce « processus » de ralliement et à cette « réconciliation » avec sa propre hiérarchie sacramentellement invalide qu’il fit installer sur les sièges épiscopaux, de façon méthodique, par un rite invalide, depuis le 18 juin 1968, organisant ainsi la confusion entre vrai et faux sacerdoce catholique (cf Message VM du 10 octobre : Appel solennel aux quatre évêques de la FSSPX[2] !).
La complicité active de l’un d’entre eux, Mgr Fellay, la paresse dans l’étude pour les trois autres et l’abandon lâche et silencieux de leur responsabilité entre les mains de théologiens incompétents et prétentieux, a permis à l’Ennemi du Sacerdoce d’espérer obtenir cette destruction ultime qui vient satisfaire sa haine inextinguible à l’égard du Sacerdoce du Fils incréé, au Sacerdoce substantiel à son union hypostatique. Comble de l’impudence, l’ange rebelle, ennemi de l’Incarnation de Notre Seigneur Jésus-Christ, n’a pas hésité à faire revêtir cette manipulation finale des appels à la prière du Rosaire (cf. l’imposture sacrilège du « bouquet spirituel » d’un million de chapelets), en inversant ainsi, au service de son projet sacrilège, les armes données aux chrétiens par la Mère du Sacerdoce, celle dont il est dit qu’elle doit triompher de lui et lui écraser la tête.
Tous ces bons apôtres du ralliement final manoeuvrent dans la pénombre, et dans les coulisses, car par ce clair-obscur du crépuscule du Sacerdoce ils espèrent recouvrir leurs agissements inavouables et apaiser les remords de leur conscience sacerdotale, alors que les appels émouvants à la charité, à la dévotion au Rosaire, et au dialogue se déversent de leurs lèvres, comme si jamais il n’y eût de clercs plus compatissants et miséricordieux. « Rassurez-vous chers fidèles, le ralliement ne se fera pas tout de suite… il y aura des étapes… et nous conserverons notre ‘spécificité’… ». Ce fut aussi au nom de l’ouverture au monde, des sentiments d’une plus grande humanité, d’un souci de ‘plus grande efficacité pastorale’, d’une écoute de la détresse du monde moderne, que les révolutionnaires en soutane du concile Vatican II firent mourir de chagrin les prélats les plus fidèles à l’âme sacerdotale la plus délicate et la plus profondément catholique et au nom de l’obéissance la plus servile et la plus inflexible.
Mais quarante ans plus tard, les gémissements et les larmes de ces évêques et de ces prêtres de Pie XII respectueux de leur sacerdoce ont rejoint aujourd’hui dans le secret de leur douleur ces souffrances et cette terreur qui désormais déchirent et paralysent à leur tour les abbés les plus fidèles des prieurés de la FSSPX. Et pourtant la leçon de la destruction de l’Eglise dans les années soixante n’est pas si éloignée, elle éclaire déjà d’une lumière crue le sort qui attend la FSSPX si ses clercs devaient continuer à supporter le joug de cette faction libérale, manipulatrice et rallieuse qui la tient d’une main de fer.
Si ce combat et cette misère dans laquelle se débat ce qui reste de l’Eglise militante foisonnent de mensonges et de trahisons dissimulées, perdure également au milieu de ce tableau de la déchéance du clergé, et au sien des plus grandes faiblesses, le mystère d’une ténacité et d’un honneur catholiques[3], d’une fidélité à Dieu et d’une permanence de la grâce qui ne manquent pas d’une certaine grandeur, la grandeur du combat pour la survie de l’authentique Sacerdoce catholique.
Au sujet de ce texte de Mgr Ducaud-Bourget, nous attirons tout particulièrement l’attention des lecteurs sur le rôle de l’abominable cardinal Gasparri, poulain du luciférien cardinal Rampolla, protecteur de l’abbé Portal et qui apparaît ici comme l’ennemi de Saint Pie X. Les faits s’accumulent, implacables, les pires calomnies contre la Sapinière et contre Saint Pie X sont détruites et réduites à leurs sources anonymes et singulières.
Mgr Ducaud-Bourget produit le programme du Sodalitium Pianum, tel qu’approuvé par saint Pie X. Il brosse le portrait de Mgr Begnini qui par ses qualités d’organisation et son zèle parvint à contrecarrer les plans de la maçonnerie. Nous rappellerons les deux autographes de louange adressés par Saint Pie X adressé à Mgr Begnini :
«Nous exhortons au nom de Dieu nos chers fils, les compagnons du Sodalitium Pianum, à continuer leur œuvre bien commencée, eux qui combattent le bon combat de la foi, surtout contre les erreurs multiformes du modernisme et ses ruses ; implorant Dieu en leur faveur, nous leur accordons très affectueusement la Bénédiction Apostolique». Pie X, 5 juillet 1911
«Nous exhortons dans le Seigneur nos chers fils, compagnons du Sodalitium Pianum qui ont si bien mérité du catholicisme, à continuer le bon combat pour l'Eglise de Dieu et le Saint Siège contre les ennemis intérieurs et extérieurs, et, demandant à Dieu, pour eux et leur Institut, tout ce qui leur est favorable et salutaire, nous leur accordons très affectueusement la Bénédiction Apostolique». Pie X, 8 juillet 1912
Continuons le bon combat
Abbé Michel Marchiset
François DUCAUD-BOURGET
LA MAÇONNERIE NOIRE ou LA VÉRITÉ SUR l'intÉgrisme
d'après les documents authentiques du Procès de Béatification de S. Pie X
Rome, janvier 1954.
Le 1er juin 1951, un article de La France Catholique, signé J. F. (peut-être J. de Fabrègue ?), intitulé : «Ducaud-Bourget, Parente et le néo-intégrisme», me clouait au pilori avec Mgr Parente, le collaborateur intime du Card. Ottaviani au Saint-Office (aujourd'hui Cardinal) et découvrait en l'accord de nos publications respectives «une campagne sournoise qui prétend s'autoriser des directives du Saint Siège pour satisfaire de basses rancunes...». En suite de quoi je sollicitai une entrevue avec mon compagnon d'infamie et nous devînmes amis.
Mais je tins à m'informer de cet intégrisme dont j'étais devenu un NEO par la grâce d'un journaliste prétendument catholique. J'entendis parler du procès de béatification de Pie X, où la question de l'intégrisme avait été forcément traitée. Je m'en fus visiter le P. Antonelli (aujourd'hui Cardinal) qui dirigeait la section historique du procès. Il me reçut aimablement et me répondit : «Le texte... il est là...» et il me montrait un livre dans un tiroir. «Mais, ajouta-t-il, vous ne l'aurez pas: c'est un document secret». Je remerciai, malgré le refus, et m'en fus au Vatican parler à mon vieil ami, Mgr Léon Gromier, Chanoine de Saint-Pierre, Consulteur à la S.C. des Rites et Protonotaire Apostolique. «La disquisitio ? me dit-il. Vous la voulez ? La voilà». Et il me passa un livre pris dans sa bibliothèque. Je le remerciai et m'en fus voir mon très cher ami, le R.P. Muller, Supérieur des Pénitenciers de Saint-Pierre, qui me remit un nouvel exemplaire du même texte. Armé de ce document «secret», je lus, je pris des notes et écrivis les pages subséquentes.
Revenu à Paris, je présentai mon texte à un éditeur «catholique», qui n'osa pas l'imprimer. J'attendis donc vingt ans une meilleure occasion. La voici.
Or je n'ai pas changé un mot de mon manuscrit. Lu à la lumière des événements actuels, on peut constater que sa publication aurait dû éviter bien des choses pénibles que nous subissons maintenant. Mais les hommes «sérieux» ont des lueurs à retardement. Je crois surtout qu'ils ont peur des conséquences d'une trop grande clairvoyance. Quoi qu'il en soit, lecteur, voici le fait. A vous de juger.
I
Une Lettre Pastorale signée du vénéré Cardinal Suhard avait attiré l'attention des catholiques, il y a quelques années, sur les deux dangers auxquels ils étaient exposés : le Progressisme et l'Intégrisme. Elle insistait, semble-t-il, plus encore sur ce dernier que sur l'autre.
Depuis lors, le mot : intégrisme, ressuscité, fit une carrière inespérée. Tous ceux qui n'admettaient pas, à première vue et d'enthousiasme, les expériences religieuses et sociales les plus audacieuses, dernières nées du zèle ecclésiastique conjugué avec l'inquiétude nerveuse de notre temps ; tous ceux qui se référaient encore aux Traditions de l'Eglise, à l'expérience du passé, aux Dogmes qui leur avaient été enseignés dans leur jeunesse ; tous ceux-là se trouvaient aussitôt taxés d'intégrisme.
Par contre, embrasser avec passion les utopies les plus évidentes, se lancer en des aventures souvent inutiles, sinon périlleuses ; renier en action les principes les plus essentiels que l'on vénère, officiellement, en paroles prudentes ; interpréter l'Evangile et les commentaires pontificaux en les détournant de leur sens authentique ; les citer hors de leur contexte pour appuyer des idées et des théories diamétralement opposées ; faire litière des Encycliques et des Syllabus comme de textes «dépassés» qui ne s'accordent plus avec le progrès de la Société, qui ne s'adaptent plus au développement de l'Humanité parvenue à l'âge adulte ; soutenir les théories du Libéralisme et du Démocratisme, fils des Droits de l'Homme, jacobins, en un mot : adopter cette forme activiste du Modernisme que Pie XI dénonçait naguère, était devenu l'affirmation d'un catholicisme réel, réaliste, concret, pratique, enfin sorti des âges théologiques, du «moralisme», du juridisme et destiné à conduire notre siècle - ou à le suivre ? - dans son évolution bienheureuse.
Il m'advint, un jour, de lire, dans une revue dominicaine fort cotée, une étude récente alors, écrite par un prêtre encore jeune, mais ancien chirurgien, qui se passionnait depuis peu pour la psychanalyse. Dans ce travail, il décrivait (d'après quelles observations cliniques ? Dieu seul le sait !) les deux mentalités à l'ordre du jour.
Selon lui, l'intégriste subit encore et subira toujours, à moins d'une guérison qui n'est même pas envisagée, les troubles d'une puérilité attardée, à composante sado-anale ; d'un complexe de culpabilité le vouant à recourir sans cesse au Père Fouettard (c'est-à-dire : à l'autorité des Supérieurs), et lui imposant un besoin de délation agressive, etc... La peur fait le fond de son existence. Manquant de personnalité, il cherche une assurance dans autrui. «Il s'agit du réflexe de l'enfant qui n'a pas su assumer son autonomie et la guider lui-même et qui exorcise son angoisse de l'inconnu dans la rigueur d'un surmoi tyrannique lui tenant lieu de moi libre et rationnel... L'intégriste est un anxieux qui souffre»... et qui devient méchant, dénonce, injurie, est prêt à tout !
L'intégriste est donc actuel et l'intégrisme existe encore. Plus loin, entrant dans des exemples historiques, il écrivait :
«Mgr Benigni et le Comité de la «Sapinière» (ici une référence à Dansette) par réaction intégriste vont passer à des procédés de collégiens conspirateurs qui feront à l'Eglise autant de mal que les révolutionnaires erreurs des émules de Loisy. On en arrive à des allégations d'une puérilité telle qu'on se demande, avec le recul, comment des esprits par ailleurs distingués ont pu y ajouter foi...» Et l'on donne «un exemple entre mille» (on aimerait connaître les 999 autres, car cet exemple est une simple affirmation que nous accepterons pour l'instant sous bénéfice d'inventaire).
J'ouvris alors le grave Dictionnaire de Théologie et, sous la signature d'Amman, je lus ceci :
«Peut-être l'histoire se montrera-t-elle sévère pour un certain nombre de moyens mis en œuvre dans l'entourage immédiat du Pape (Pie X) et du Secrétaire d'Etat. Des révélations ultérieures ont fait connaître le rôle peu reluisant que jouèrent à ce moment des personnages qui virent surtout dans l'intégrisme un moyen de se pousser, organisèrent une association occulte, érigèrent la délation en système et ne reculèrent pas toujours devant la calomnie».
L'affaire devenait palpitante et je souhaitai l'étudier plus à fond. Sans aucun doute, a priori, ce prêtre médecin avait dû puiser sa documentation aux bonnes sources. Pourtant, y regardant de plus près, je ne trouvai de référence, quant à l'Histoire, qu'à Dansette qui s'était fourni chez Nicolas Fontaine qui, lui-même, n'en savait pas plus long que le «Mémoire sur la Sapinière», écrit en 1921 par un auteur anonyme commentant la fameuse «Lettre de Gand», résultat d'une correspondance saisie par les allemands en 1914 ou 1915, chez l'avocat Jonckx, Directeur de la «Correspondance Catholique» et membre du Sodalitium Pianum, ou Sapinière. Toute la littérature sur ce sujet découle de ce document unique et vaut donc ce qu'il vaut lui-même.
II
Donc, l'origine de toute cette littérature est un auteur Anonyme écrivant à la suite de perquisitions policières allemandes opérées en conséquence d'une dénonciation du P. Höner, religieux camillien qui, dit-on, conserva les photographies des textes saisis, lesquelles, à sa mort, devinrent la propriété (?) de M. Guerts, professeur au Grand Séminaire de Ruremonde. (Fontaine : S. Siège, Action Française, etc... p. 139). Depuis lors, la rumeur prétend qu'elles ont passé entre les mains de M. Mourret, prêtre de S. Sulpice, qui les aurait léguées à un INCONNU, avec ordre de ne les publier que 50 ans après sa mort (La Pensée Catholique, n° 23, 1952, p. 88-89.).
C'est très clair : ni Dansette, ni Fontaine, ni le Cardinal Gasparri, ni personne n'a vu ces documents INTROUVABLES!
Il faut donc faire là un acte de foi dans la bonne foi ... de qui ? D'un ANONYME.
Ce n'est pas sérieux.
En passant, une note sur Nicolas Fontaine, le propagateur de la fable. Ce PSEUDONYME cacherait un haut fonctionnaire de la Troisième République, commissaire du Gouvernement pour les affaires ecclésiastiques : M. Louis Canet - qui écrivit, sans discussion possible, deux articles ANONYMES, le 15 octobre et le 1er novembre 1918, dans «la Revue de Paris» : «La politique de Benoît XV», dénonçant la germanophilie du Pape et du Vatican. Le R. P. Le Floch, Supérieur du Séminaire Français de Rome, sur l'ordre de Benoît XV, y répondit par une brochure, éditée chez Téqui, Paris, en 1919 : «La Politique de Benoît XV» (Id., note 4).
Tel est le détracteur, l'un des détracteurs du Sodalitium Pianum, de Pie X et de Benoît XV. Un ennemi de l'Eglise serait moins dangereux que cet adversaire réel qui semble la défendre en la trahissant de son mieux.
Mais pour leur œuvre néfaste, le Modernisme et le Démocratisme usent de tous les moyens, y compris la délation ANONYME et les TEXTES FANTOMES.
Ce dont ils accusent les autres.
Bien joué. Mais déjoué.
III
Tel était l'état de la question lorsque fut étudié, à Rome, le procès pour la béatification de Pie X. Certains témoins furent accablants, en particulier le Cardinal Gasparri. Leurs accusations pouvaient se résumer ainsi.
«Pie X a permis, sinon favorisé, tout au moins n'a pas empêché qu'un groupe de personnes intransigeantes ait pu censurer publiquement et impunément des instituts ou des personnes ecclésiastiques, même très dignes, comme des Evêques et des Cardinaux, jetant sur eux l'accusation ou le soupçon de Modernisme, sans fondement certain et sans preuve ; accusations et soupçons qui auraient trouvé facilement croyance auprès du Serviteur de Dieu, surtout dans les dernières années de son pontificat, l'induisant même à changer d'attitude envers les personnes indiquées sans qu'elles puissent faire valoir leurs raisons» (Disquisitie, p. V et VI).
On reprochait en outre au saint Pape «d'avoir approuvé et béni le fameux Sodalitium Pianum, fondé et dirigé par Mgr Benigni, organisation occulte, dit-on, avec centre d'information en tous pays, vrai système d'espionnage qui, au-dehors et au-dessus de la Hiérarchie et de tous les organes ordinaires du Saint-Siège pouvait dénoncer et dénonçait de fait institutions et personnes qui tombaient ainsi en suspicion et, sans pouvoir se disculper ni se défendre, n'en évitaient pas les conséquences » (L.c., p. VI, VII).
D'ailleurs, il y a toute une littérature qui fait retomber, au moins indirectement, la responsabilité de la «maçonnerie noire» sur Pie X (Nov. animadvers., p. 45-46-57-60-63-71).
Ainsi, non seulement des personnes exemplaires auraient été, en conséquence de cet état de choses, voulu ou toléré par le Souverain Pontife, suspectées et mises en disgrâce d'une façon infamante et douloureuse, mais encore - et c'est plus grave - il aurait été créé une profonde division parmi les catholiques - sans exclure les plus grands et même la Hiérarchie - d'un côté les intégristes, tenus pour pleinement orthodoxes ; de l'autre la masse plus ou moins favorable à quelque forme de modernisme, au moins pratique (L.c., p. VII).
Evidemment, on ne jugeait pas l'attitude intellectuelle et spirituelle du Pape dans sa lutte contre le Modernisme. «Tout (y) est objet d'admiration et non de discussion. Mais la discussion (commençait) à l'application pratique des moyens, à l'actuation concrète de cette lutte dans laquelle, quoique tendant à une fin excellente, ont pu se glisser divers défauts, d'imprudence, par exemple, ou de manque de charité ou de justice, surtout lorsque entrent en jeu des personnes, dans les circonstances concrètes des faits particuliers » (L.c., p. V).
Donc la prudence «auriga virtutum» aurait manqué à Pie X. La sagesse, la justice, la charité auraient été gravement lésées et, sans leur perfection, il n'y a pas de sainteté, donc pas de béatification possible. Ainsi pensèrent un certain nombre de Consulteurs de la Sacrée Congrégation des Rites, tout comme le Rme Promoteur Général de la Foi et le Cardinal Micara, Préfet et Ponent de la Cause, qui demandèrent l'intervention de la Section Historique pour plus ample enquête et explications supplémentaires.
La Section Historique entreprit donc ce travail de recherches. Mais les archives demeuraient muettes et semblaient vides.., au moins sur ce sujet. Le Consulteur dont la responsabilité était engagée commençait à désespérer lorsque le 6 mai 1950, il découvrit un dossier, marqué : «Modernisme», et contenant un volumineux paquet de lettres originales, tant de Pie X que du Cardinal de Lai, d'autres personnalités et de Mgr Benigni. Pendant deux mois, d'arrache-pied, la Commission Historique travailla à les dépouiller.
C'est de cette mine précieuse que devait sortir la lumière. C'est par elle que la vérité allait être purifiée des calomnies jetées sur elle par des gens intéressés à les répandre et répétées par les naïfs généreux et honnêtes. Il est résulté de ce labeur où les deux religieux s'étaient «plongés» un Summa rium additionale - édité ensuite hors commerce à la Typographie polyglotte Vaticane en 1950 sous ce titre : «Disquisitio circa quasdam objectiones modum agendi Servi Dei respicientes in modernismi debellatione». Il comprend :
1° des DEPOSITIONS du Procès ordinaire et apostolique, omises dans le «Summarium super virtutibus», mais utiles à la discussion en cours. Après le nom du témoin, on a mis en note sa valeur ou l'importance de sa déposition, montrant les erreurs contenues en certaines affirmations, en particulier celles du Cardinal Gasparri : «Tout ce qui se réfère au Sodalitium Pianum est TRES PEU EXACT. Le Cardinal Gasparri ne connaissait pas (notre actuelle documentation) ou la connaissait seulement en partie et de seconde main, se servant d'une publication tout autre que sereine ; qui est de Nicolas Fontaine : «Saint-Siège, Action Française et Catholiques Intégraux» (Paris 1928) - d'où le jugement si sévère de l'Eminentissime témoin au sujet du Sodalitium Pianum et de la responsabilité qui en reviendrait selon lui à Pie X NE SE SOUTIENT PAS».
2° des DOCUMENTS qui viennent :
a) de la collection des écrits de Pie X, déposés à la S.C. des Rites ;
b) d'extraits des Procès (pour la Béatification) ;
c) de publications diverses déjà éditées ;
d) enfin des archives de la S.C. Consistoriale, qui avait, en ce temps-là, comme Secrétaire, le Cardinal de Lai (Le Préfet de cette Congrégation est le Pape lui-même. Aussitôt après lui vient le Secrétaire). Cette Congrégation, s'occupant de l'état des diocèses, avait à voir aux mille questions relatives au Modernisme et à ses diverses manifestations, surtout dans la Presse et la prédication. Elle s'occupait de la vie, de la discipline et de l'enseignement dans les séminaires, et aussi des questions de personnes. A cause de cela, le Cardinal de Lai traitait continuellement avec Mgr Benigni. Nulle n'était mieux placée pour connaître de cette affaire et pour donner les renseignements exacts. Grâce à elle la réputation de Pie X est lavée des calomnies, le mystère de l'Intégrisme est éclairci, la vérité dissipe tous les brouillards dont on aveuglait la bonne foi des catholiques.
IV
Lorsque Mgr Sarto, évêque de Mantoue, écrivait :
«Il faut combattre le CRIME CAPITAL DE L'AGE MODERNE, qui voudrait sacrilègement substituer l'homme à Dieu. (Il faut) éclairer avec les préceptes et les conseils évangéliques et les institutions de l'Eglise tous les problèmes que l'Evangile et l'Eglise ont lumineusement et triomphalement résolus : éducation, famille, propriété, droits et devoir, rétablir l'équilibre chrétien dans les diverses conditions de la société, pacifier la terre et peupler le ciel : voilà la mission que je dois poursuivre...»
Il semblait annoncer déjà son immortel pontificat.
Cette mission commencée par l'Evêque, le Pape la continuera d'une façon énergique et par les moyens que son rang éminent, le plus élevé dans l'Eglise, mettait à la disposition de son zèle éclairé. Il la résuma dans sa devise : «INSTAURARE OMNIA IN CHRISTO» ("Renouveler tout dans le Christ"). (L.c., p. X-XI-XII. Traduction p. 69)
Monté sur la Chaire de S. Pierre le 4 août 1903, dès le 15 avril 1905 il publiait l'Encyclique Acerbo nimis, le 3 juillet 1907, le Décret Lamentabili et le nouveau Syllabus condamnant 65 thèses modernistes ; le 8 septembre de la même année, l'Encyclique Pascendi Domini gregis ; le 25 août 1910, la lettre «Notre charge apostolique» condamnant les doctrines du Sillon ; enfin, le 1er novembre 1910, le Motu proprio «Sacrorum Artistitum» imposant à tout le clergé le Serment antimoderniste, condamnation formelle et absolue du Modernisme, «synthèse et venin de toutes les hérésies qui tendent à saper les fondements de la foi et à anéantir le Christianisme» (Pie X. Acta IV, p. 93, 268).
Mais l'un des fauteurs de ces théories destinées à soi-disant adapter l'Eglise au monde moderne - comme si l'Eglise n'avait su faire le nécessaire dans le passé et ne savait plus le réaliser dans le présent ! - l'un de ces modernistes condamnés déclarait qu'on ne parvient pas à convaincre à coups de crosse. Malgré les enseignements paternels et persuasifs trouvés dans les textes pontificaux, l'erreur s'acharnait dans ses idées fausses, et dangereuses en conséquence. Il fallait protéger le troupeau fidèle contre elles, car «le premier pas sur le (mauvais) chemin, le protestantisme l'a fait ; au protestantisme a succédé le modernisme qui s'achève dans l'athéisme» (Id., p. 92, 96). La méthode de pénétration du mal est toujours la même, insidieuse, cauteleuse, hypocrite et menteuse.
En apparence, ses tenants sont fidèles à l'Eglise et respectueux de ses enseignements et de ses droits. Ils s'inclinent devant ses décisions, les acceptent officiellement, en paroles, et les rejettent dans leurs actes secrets ou même, parfois, publics, tout en affichant une obéissance trompeuse. C'est une phrase, d'allure inoffensive, jetée dans un article, une étude, un livre, une conférence, un sermon ; c'est un entrefilet dans une revue ; une dissertation sur un sujet orthodoxe ou indifférent, où se glissent des allusions, des interrogations, des affirmations capables de susciter le doute et de gauchir la pensée du lecteur ; c'est l'usage des «opinions libres» jusqu'aux limites après lesquelles il n'y a plus que l'hérésie caractérisée, limites aisées à franchir en bonne logique... Tout cela, par ailleurs, balancé par des démonstrations bruyantes d'attachement aux enseignements de l'Eglise, qui servent d'alibi aux criminels. Il fut un temps où les dissidents avaient le courage de sortir de l'Eglise, de la quitter ostensiblement, de la combattre. En notre siècle, ils demeurent dans son sein et prétendent représenter les véritables doctrines, être l'Eglise elle-même (Fogazzaro : Il santo).
Pie X le savait. Il connaissait l'effroyable danger que courait la Révélation divine interprétée par ces faux prophètes, par ces docteurs improvisés. Il était urgent, indispensable, de déceler le mal partout où il s'infiltrait, de détecter ce cancer rongeant les organismes en apparence les plus sains. L'erreur claire, nette, franche, publique, officielle n'est guère à craindre. Elle se dénonce elle-même. Mais celle qui se cache, qui se grime et se dissimule sous les traits de la plus stricte religion, de la plus authentique, c'est celle-là qui est dangereuse ; c'est elle qu'il faut démasquer à tout prix.
Comment y parvenir ? Les Nonciatures et les Evêchés connaissent la vérité officielle et, parfois, ignorent même ce qui se passe hors des limites de leur influence directe.
C'est alors que Mgr Benigni offrit ses services à Pie X.
Qui était donc Mgr Benigni, cet homme qui, selon notre psychanalyste subtil - mais mauvais historien, nous le verrons - usait de «procédés de collégiens» et en arrivait «à des allégations d'une puérilité telle...». Nous ouvrirons la «Disquisitie» à la page 197 et nous lirons le jugement qu'on portait sur ce prélat en Cour de Rome, en 1950.
Mgr Umberto Benigni, forte intelligence, vaste culture, surtout dans le champ des sciences historiques et sociologiques, avait un tempérament vif, fougueux, prompt dans l'intuition et tenace dans ses projets. Ses qualités d'administrateur étaient remarquables. Son caractère lui avait attiré de nombreuses relations internationales. Il parlait plusieurs langues. Travailleur infatigable, il ne se préoccupa jamais de son confort et des commodités de la vie. Il mourut pauvre.
Trop acerbe, parfois, sa critique ne fut pas toujours objective et sereine, car il se croyait entouré d'ennemis. L'histoire prouve qu'en cela du moins, il ne se trompait pas !
Cette partie de son caractère ne peut-elle s'excuser, ainsi que le faisait le Cardinal de Lai dans une lettre au Cardinal Ferrata, le 9 janvier 1911, en parlant des Frères Scotton, modernistes :
«Dans la bataille, qui peut faire une grave imputation aux défenseurs s'ils ne mesurent pas avec justesse leurs coups et parfois dépassent les limites de l«inculpatæ tutelæ» ? Ainsi répondait S. Jérôme à ceux qui réprouvaient son ardeur, souvent et certainement impétueuse et aigre, contre les hérétiques et les mécréants de son époque». (L.c., p. 157)
Il ajoutait, dans cette même lettre :
«Il est toujours mieux d'exagérer un peu en avertissant du mal que de se taire et de le laisser croître».
Balzac avait écrit, en 1833, dans «Le Médecin de campagne» :
«Laisser aller en paix un malfaiteur, n'est-ce pas se rendre coupable de ses crimes futurs ?»
C'est du simple bon sens.
Mgr Benigni naquit à Pérouse le 30 mars 1862, sous l'épiscopat du Cardinal Joachim Pecci. Il était au séminaire lorsque son archevêque fut élu Pape sous le nom de Léon XIII. A 21 ans, aussitôt ordonné prêtre, il devint secrétaire de son nouvel archevêque et, en même temps, de 1887 à 1893, dirigea un petit journal local. En 1892, il fonde un hebdomadaire : «La Rassegna Sociale». Venant après l'Encyclique Rerum Novarum, cette initiative le met en vedette et, la même année, il est appelé à Gênes, à la rédaction de «l'Eco d'Italia», sans qu'il abandonne néanmoins sa revue. Mais il la transforme alors en un bulletin scientifique mensuel qui vécut jusqu'au moment où, un an plus tard, il fut appelé à Rome, par Léon XIII dit-on. Dans la capitale, il se voue aux études historiques. Il est attaché à la Bibliothèque Vaticane. Plus tard, il ira à Berlin se perfectionner et approfondir la question sociale allemande. Il publie quatre brochures en forme de «Miscellanea d'istoria ecclesiastica» - 1898, 1899, et «Die Getreidepolitik der Päpste» (Berlin 1898), ensuite traduit en italien. Ce dernier livre est une splendide réfutation, à base documentaire, de l'ouvrage du Dr Nau, en 1896 à Berlin, au sujet de la politique agraire des Papes et de la Garde Pontificale. La Civila Cattolica fit du travail de Don Benigni un magnifique rapport.
En 1900, il publie son «Historia ecclesiastica prologomena». Puis il revient à Rome et entre dans la rédaction du journal papal «la Voce della Verita». Ses articles sont goûtés. Le Pape aimait les lire. Don Benigni est alors nommé professeur d'histoire ecclésiastique à l'Apollinaire, puis au Collègio Urbano di Propaganda Fide, puis au Séminaire du Vatican, enfin à l'Académie des Nobles Ecclésiastiques, en 1911.
Déjà, en 1902, il avait édité à Sienne, son «Historiae ecclesiasticae repertorium», et commencé, en novembre, la publication d'une revue : «Miscellanea di Storia ecclesiastica». Le 28 de ce même mois, il devient membre de la Commission historique-liturgique, créée par Léon XIII près de la S.C. des Rites. Là, Don Benigni fut le collègue de Duchesne, Wilpert, Ehrle, et de Mercati, qui devint Cardinal.
Depuis mai 1904, quelques mois après l'élection de Pie X, il étudiait la crise moderniste. Sa revue devient plus précise et plus ouverte : «Miscellanea di Storia ecclesiastica e di teologia positiva». Le 29 novembre 1904, il est «minutante» à la S.C. de Propaganda Fide, et dès 1905, est incardiné au diocèse de Rome, ce qui est une preuve de grande confiance. Sa revue se nomme alors : «Miscellanea d'histoire et de culture ecclésiastique», et il publie : «Historiae ecclesiasticae propaedeutica I. Introduction». (Rome 1905). Le 24 mai, le Professeur Benigni se trouve Sous-secrétaire aux Affaires ecclésiastiques extraordinaires. Il entre ainsi à la Secrétairerie d'Etat, dont le Secrétaire était Mgr Pietro Gasparri, qui l'avait désigné pour succéder à un prélat devenu Délégué Apostolique. Don Benigni, le 28 août 1906, est honoré du titre de Prélat Domestique de Sa Sainteté. Il vient habiter au Vatican et y demeurera jusqu'en 1909.
Il est chargé spécialement de la Presse, et il s'en occupe avec un attachement au Saint-Siège qui - d'après le texte officiel que nous suivons - est hors de doute. Il n'est pas besoin d'y insister, malgré l'accusation, portée contre lui, d'être Franc-Maçon. Son activité contre le Modernisme la dément amplement.
C'est que Mgr Benigni, expert ès questions sociales qu'il a étudiées à fond en Italie et en Allemagne, a compris que le mouvement social est lié à la politique et aux partis politiques : il a vu le danger de déviation. Le socialisme était en progrès partout et s'infiltrait chez les catholiques malgré les Encycliques de Léon XIII. Or toutes les activités profanes doivent se soumettre aux orientations de l'Eglise Catholique. Mgr Benigni a particulièrement observé le libéralisme, toujours prêt aux compromis aux dépends de la Doctrine et de la vie catholique. Il a décelé les tendances libérales ou libéralisantes de la politique sociale pus ou moins détachée des directives pontificales. Le modernisme théologique s'étendait jusqu'aux domaines social, politique, littéraire, culturel, pour «moderniser» l'activité catholique dans toutes ses manifestations. Aussi Mgr Benigni entre-t-il avec enthousiasme dans les vues de Pie X et comprend ses craintes et ses désirs.
Nous sommes en 1907, le 4 juillet. Le Décret Lamentabili et son Syllabus condamnant 65 thèses modernistes, éclatent soudain. Puis, le 8 septembre, voici l'Encyclique Pascendi.
La lutte est engagée. Elle sera dure et longue, car le mal, sournois, est répandu à l'état latent chez beaucoup. Il est dans l'air. Il l'infecte. On le respire un peu partout, insaisissable.
Il n'est pas prouvé, quoique Loisy l'assure, dans ses Mémoires, et que le Giornale d'Italia l'ait publié, que Mgr Benigni ait travaillé pendant un an à composer l'Encyclique. Mais il en avait au moins préparé le terrain en accumulant des documents concernant le Modernisme. Le 23 mai 1907, il avait créé la «Corrispondenza romana» qui observait dans le monde entier tous les mouvements d'idée qui pouvaient intéresser l'Eglise et ses activités culturelles. C'est alors qu'il annonce que ses trop absorbantes occupations le contraignent à supprimer ses «Miscellanea», sans qu'il cesse pour cela de travailler à sa monumentale Histoire sociale de l'Eglise, dont le 1er volume venait de paraître, tandis que le dernier ne verra le jour qu'en 1933, un an avant sa mort.
L'année 1907 s'achève sur l'Allocution Consistoriale du 16 décembre, sur le danger du Modernisme, ses formes variées et ses moyens de pénétration et d'infiltration.
Les 10-11 janvier 1909, un article de «l'Osservatore Romano» paraît, traitant de la tactique générale du Modernisme et des déguisements qu'il emploie pour s'insinuer parmi les catholiques, ensemble de procédés qui semble bien indiquer une conspiration concertée. A la fin d'octobre, un prêtre, Don Gustave Verdesi, dénonce au P. Bricarelli, de la Civilta Cattolica, les noms des modernistes romains. Il semble qu'on doive trouver là le premier indice du Sodalitium Pianum.
Cette année-là, Loisy fut excommunié vitandus.
Pour assurer une meilleure diffusion de la revue, «la Corrispondenza», en 1909, paraît en français, sous le titre de «Correspondance de Rome». A cette époque, Mgr Benigni quitte son appartement du Vatican, sans doute pour ne pas compromettre le Saint-Siège par ses activités et avoir plus de liberté d'action - et il vient habiter Corso Umberto 466, la Maison S. Pierre. Il y installe le siège du Sodalitium Pianum, ainsi que le secrétariat et la rédaction de la «Correspondance». Il est toujours sous-secrétaire aux Affaires ecclésiastiques extraordinaires, et son changement d'habitation n'a rien à voir avec ses fonctions officielles.
En 1909, Pie X crée l'Institut Biblique, et publie l'Encyclique pour le Centenaire de S. Anselme, puis, en 1910, l'Encyclique pour le Centenaire de S. Charles Borromée. En ces deux textes, le Pape insiste sur le péril des modernistes et des «modernisants». Le 23 mars 1910, «l'Osservatore Romano» dénonce clairement la propagande cachée des modernistes. Enfin, le 1er novembre, le Motu proprio « Sacrorum Antistitum» assure la fidélité du clergé par le serment antimoderniste.
1909-1911 fut la belle période, sereine et féconde du Sodalitium Pianum.
***
Comme il fallait s'y attendre, Mgr Benigni était devenu l'objet des haines les plus enragées. Les Modernistes trouvaient des protecteurs dans les milieux les plus inattendus et s'en servaient contre leur infatigable adversaire. C'est ainsi qu'Aristide Briand fit pression, en 1909, auprès de la Secrétairerie d'Etat afin qu'elle se séparât d'un collaborateur qui, trop souvent, au gré des Loges, avait déjoué les plans de la Maçonnerie française. C'est à ce moment que des divergences d'idées se marquèrent entre le Cardinal Gasparri et Mgr Benigni, désaccord qui se prolongea tant que ce dernier vécut... et au-delà ! Mais ce ne fut qu'en 1911 que le Directeur du S.P. quitta son poste aux Affaires ecclésiastiques extraordinaires, où lui succéda un jeune prélat, Mgr Eugénio Pacelli, plus tard devenu Pape sous le nom de Pie XII.
Les ennemis de Mgr Benigni voulurent voir dans ce départ la preuve d'un blâme. Mgr Respighi a déclaré : «Beaucoup doutaient de sa fidélité et de sa correction». Cependant le Cardinal Gasparri, qui n'était guère de ses amis, déclara qu'«il en sortait (de sa place) avec honneur», et cela dit peu, car le Pape créa, le 7 mars 1911, spécialement pour lui, un huitième titre de Protonotaire Apostolique Participant, alors que ce collège vénérable ne compta jamais plus de sept membres.
Dès lors, Mgr Benigni se consacre entièrement aux diverses organisations dont il est l'âme, toutes orientées vers la détection du modernisme caché, larvé, secret. Cette lutte convenait à son caractère combatif et, ajoute notre Document : «il n'esquiva pas toujours le péril d'excès et d'exagération». Cela lui attira des ennuis. En juillet 1911, la Secrétairerie d'Etat se vit obligée, devant des récriminations répétées, de déplorer, dans une dépêche à Mgr Frühwirt, Nonce en Bavière, les vivacités de la Correspondance de Rome, et la déclara «ni officielle ni officieuse». Peu auparavant, une peine profonde avait frappé le Directeur du S. P. dans la personne de son secrétaire Don Verdesi, qui, le 3 avril, avait quitté l'Eglise et s'était fait méthodiste ; puis, attaqué en justice, avait été condamné et s'était enfui en Suisse.
C'est néanmoins en ce temps-là que, le 5 juillet, Mgr Benigni reçut le premier autographe de louange de Pie X pour le Sodalitium Pianum et son activité :
«Dilectos filios socios Sodalitii Piani in Domino exhortamur ut bene inceptum opus pergant, certantes bonum certamen fidei, præsertim contra multiformi modernismi errores et versutias ; eisdem fausta quæque a Domino adprecantes, Apostolicam Benedictionem peramanter impertitnus.
Die 5 julii 1911. Pius Pp. X»[4].
Ainsi encouragé, Mgr Benigni organise, en janvier 1912, une «Agenzia Internazionale Roma» (A.I.R.), à part du Sodalitium, mais néanmoins en rapport avec lui. Le 3 mars, «l'Osservatore Romano» publie une note du Cardinal Merry del Val, Secrétaire d'Etat, adressée à l'Evêque d'Augusta, dans laquelle il déclarait injustifiée l'attaque dirigée contre les informations de Mgr Benigni par la Kôlnische Zeitung, organe du mouvement social interconfessionnel, dit : Miinchen-Gladbach. Et le 8 juillet 1912, parvient le second autographe de louange du Saint-Père :
«Dilectos filios socios Sodalitii Piani de re catholica optime meritos in Domino exhortamur ut bonum certamen certare pergant pro Dei Ecclesia Sanctaque Sede contra internos externosque hostes ; atque eisdem fausta quæque et salutaria quemadmodum eorum Instituto a Domino adprecantes, Apostolicam Benedictionem peramanter impertimus.
Die 8 julii 1912. Pius Pp. X.»[5].
A partir du 19 décembre, il y a un échange de lettres entre le Directeur du Sodalitium et le Cardinal de Lai, Secrétaire de la Consistoriale, en vue de l'approbation canonique de la «Sapinière». En voici un bref extrait :
Sacra Congregazione
CONSISTORIALE
N° di protoc. 300/13.
Rom, 25 febbraio 1913.
... Ho presentato al Santo Padre il programma col quale gli egregi componenti cotesta «Direzione del Sodalizio Piano» mirano di collegare in una comune intesa con un comitato romano vari gruppi di eattolici, che, condividendo un equale sentire di fede cattolica intera ed incondizionata secondo le direttive della Santa Sede, si sono qua e là, in Italia od all'estero, riuniti in famigliari ed amichevoli convegni o comitati od altre organizzazioni per opere di azione cattolica.
L'idea di questa federazione è piaciuta a Sua Santita, ed è stata trovata opportuna sia per conservare i varii gruppi ed i soci dei medesimi in quell ambito di fede e di professione cattolica, che nei loro propositi, sia per infondere nel loro animo quel coragio e quella forza, che dà l'unione, per poter sempre meglio operare a pro della Chiesa e della società cristiana.
Per questi motivi, il S. Padre approva e benedice questa iniziativa, e fa voti ch'essa possa attuarsi per la maggior gloria di Dio e per il bene delle anime, riservandosi a suo tempo di essaminare gli Statuti e di approvarli nelle debite forme pel tramite di questa Særa Congregazione Consistoriale.
† G. Card. de Lai
Vescovo di Sabina, Segretario[6]
Au début de 1913, la «Correspondance» se transforme à nouveau en «Corrispondenza romana». Puis, peu de temps avant sa mort, Pie X adresse à Mgr Benigni son troisième autographe :
«Dilectis filiis gratulantes et fausta quæque ac salutaria in retributionem a Domino adprecantes, præcipuæ benevolentiæ Nostræ testem, Apostolicam Benedictionem amantissime impertimus.
Die 6 julii 1914. Pius Pp. X»[7].
Dès la mort du Pape, survenue au début de la grande guerre, le 20 août 1914, Mgr Benigni déclare dissout le Sodalitium Pianum, tout en s'affirmant prêt à reprendre son activité si elle semblait opportune à ses Supérieurs.
Le 1er novembre 1915, Benoît XV, dans l'Encyclique «Ad beatissimi», confirme la condamnation du modernisme et les mesures disciplinaires prescrites par son prédécesseur, y compris le Serment antimoderniste. La même foi et la même politique unissent les deux Papes. Cependant, les termes «intégralisme» et «intégriste» dont usaient non seulement Mgr Benigni, mais tous les tenants des directives pontificales non-agrégés au Sodalitium, ces mots sont désormais réprouvés par l'Encyclique. Et n'était-ce pas juste ? Car l'on n'est pas plus ou moins catholique. On est tout à fait catholique ou l'on ne l'est plus. Il aurait été inutile et abusif d'insister sur ce point alors que les événements du conflit européen détournaient la pensée et du «catholicisme libéral» et du «catholicisme social» qui ne se manifestaient plus et rendaient oiseux de parler désormais d'un «catholicisme intégral». D'ailleurs, et nous l'avons vu se généraliser de nos jours, tout ce qui n'était pas «intégral» se muait en «chrétien». La distinction s'opérait donc d'elle-même, et l'œuvre de Pie X continuait sous le règne de Benoît XV. Car, en 1915, nous trouvons une autre série de lettres échangées entre Mgr Benigni et le Cardinal de Lai. Nous en extrayons ce passage :
«Roma 3 agosto 1915.
Revmo Signore,
Dopo aver letti i due regolamenti del Sodalizio Piano, quello generale e quello della Dieta, non mi sembra che la S.V. Revma abbia da essere ostacolata in un'opera, che se conserverà lo spirito buono di devozione e soggezione alla S. Sede, non potra que fare del bene.
Senza dunque che sia concessa formale ed esplicita approvazione, Ella puo continuare l'opera intrapresa che non manchera della benedizione del Signore quando abbia per oggetto la sua gloria... »
† G. Card. de Lai
Vescovo di Sabina, Segretario[8].
Mais la catastrophe mondiale, en fermant les frontières, a rendu impossible la correspondance avec l'étranger, et l'organisation de Mgr Benigni devient inefficace.
Après la fin des hostilités, en 1920, il publie ses leçons à l'Académie des Nobles Ecclésiastiques : «Manuel de style diplomatique spécialement à l'usage des services ecclésiastiques». Jamais n'avait cessé son activité de professeur, d'écrivain, de journaliste. Sa santé ébranlée le contraignit à chercher un air meilleur, au delà du Pincio. Il logea via Arno 97, dans un appartement de quatre pièces.
En 1921, on publia un dossier du Sodalitium, séquestré après perquisition, en 1914, à Gand. Les ennemis de Mgr Benigni profitèrent de l'occasion pour l'attaquer violemment, à tel point que le Cardinal Scarretti, Préfet de la S. C. du Concile, dût intervenir.
Malgré ces peines et ces soucis, Mgr Benigni ne cesse pas de travailler pour la bonne cause. En 1923, il dirige la publication des feuilles du C.V.D.S. Comité Veritas de Documentation Sociale. Il s'occupe aussi de son Histoire sociale de l'Eglise.
Enfin, en 1928, de nouvelles attaques lui fournirent l'occasion de présenter au futur Cardinal Rossi, alors substitut de la Consistoriale, un nouveau dossier au sujet du Sodalitium, en le priant de bien vouloir le joindre à celui déjà existant à cette Congrégation. Mais, dès le 25 novembre 1921, il avait reçu du Cardinal Sbarretti, au nom de la S. C. du Concile, l'ordre de cesser les activités du Sodalitium Pianum :
Sacra Congregazione del Concilio,
N° di prot. 5101/21.
Roma, il 25 novembre 1921,
Revmo Monsignore,
e dopo aver preso gli ordini del S. Padre in proposito, Le partecipo che questa S. Congregazione ritienne opportuno, NELLE MUTATE CIRCOSTANZE ATTUALI, lo seiogliomento del Sodalizio Piano... »[9].
Tout aussitôt, Mgr Benigni avait prévenu de cette décision les membres de son œuvre. Il terminait ainsi sa communication :
«...Si ob nostri Sodalitii finem dolore, sane naturali, afficimur, laeti in Domino verificamus quod decisionis a S. Congregatione rata ratio est ex «mutatis circumstantiis actualibus», non vere ex nostra culpa. Unde calumniæ... hoc ipso dilabuntur. Christus vincit !»[10]
Il mourut pauvre, le 26 février 1934, à l'âge de 72 ans.
***
Tel fut l'homme, le prêtre, dont le souvenir fait encore gémir de rage et de haine les survivants du Modernisme et ses héritiers actuels, sous quelque nom qu'ils se cachent. Tel fut ce prélat qui, d'après notre médecin, doublé d'un théologien, triplé peut-être, d'un polémiste - mais certainement pas quadruplé d'un historien - tel fut le défenseur de l'Eglise qui se serait livré «à des procédés de collégiens conspirateurs... à des allégations d'une puérilité telle...» qu'on en frémit encore aujourd'hui... et qui lui font décerner par notre psychanalyste un brevet d'infantilisme. Pourtant, il avait su se faire écouter de la Curie Romaine, composée de personnes sérieuses ; du vénérable Secrétaire d'Etat le Cardinal Mery del Val, - de qui la cause de béatification est introduite - et du Bienheureux Pontife qui vient d'être canonisé. Est-il possible de croire que ces enfantillages d'adolescent «demeuré» aient pu influencer des esprits de cet ordre, de cette qualité ?
Les allégations de notre médecin ne peuvent s'interpréter que de deux manières : ou le Saint-Père et ses Conseillers étaient eux-mêmes des anormaux «arrivés au point culminant de la névrose» et que la «symptomatologie descriptive» trouve soumis à des réactions affectives, d'allures névrotiques d'enfants terrorisés, à des complexes d'infériorité, de crainte, d'agressivité, d'auto-punition, à «une indéniable composante sado-anale», dont il nous est si généreusement parlé au sujet de Mgr Benigni et de ses compagnons ; ou bien les affirmations et les indications que ce Prélat et le Sodalitium apportaient à leurs Supérieurs n'étaient pas autant dénuées de sérieux et de vérité qu'on veut bien le dire et méritaient l'attention de ceux qui, par la volonté de Dieu, avaient la charge spirituelle de l'Eglise et la responsabilité des âmes en cette époque troublée et difficile.
L'alternative semble éclatante. Cependant elle n'a pas été aperçue par les adversaires de l'Intégrisme. Le parti-pris aveugle et empêche de tenir compte des faits appuyés par des documents sérieux, authentiques. Il est plus facile d'accuser, de répéter sans vérifier, de ridiculiser sans prouver que d'aller aux sources de la Vérité et, comme nous l'avons fait, de les découvrir, encore, à Rome ! (C'est ce que l'auteur de l'article susdit appelle «recourir au Père Fouettard», sans doute ?).
V
Qu'était donc le Sodalitium Pianum (ou la Sapinière) créé par Mgr Benigni ?
La nécessité absolue de lutter contre toutes les formes du modernisme qui se manifestaient déjà dans la vie intellectuelle et dans la vie pratique, devenait de plus en plus urgente aux yeux du Saint-Père, depuis le début de son Pontificat. Cependant, les difficultés créées en France par la séparation de l'Eglise et de l'Etat, la rupture unilatérale du Concordat, les lois de la République, maçonnique dans son essence, officiellement athée, lois spoliatrices des droits et des biens des Congrégations religieuses, lois contre la mission sacrée de l'Eglise éducatrice des âmes, les lois dont la France continue encore aujourd'hui à subir les effets pernicieux et destructeurs de sa personnalité morale ; cet ensemble de cruels soucis avait empêché le Bienheureux de parer à l'autre danger, quoiqu'il fut intimement mêlé à cette persécution, d'une certaine manière, et l'ait rendue plus facile à réaliser.
Mais dès 1907, le Pape commence la bataille par le Syllabus et la Pascendi. Les principes qui règlent la politique, la philosophie, la sociologie, la théologie, la culture intellectuelle et la vie quotidienne y sont affirmés avec une force appuyée sur une autorité infaillible. Tout le clergé, sous peine d'avoir à se démettre, est obligé d'y adhérer publiquement par le Serment antimoderniste. Et c'est la première victoire dans cette lutte multiforme contre les secrètes puissances du mal.
De son côté, Mgr Benigni, par ses relations internationales avait pu, déjà, connaître, d'une façon certaine, l'étendue et la profondeur des ravages de l'erreur dans les pays avec qui il se trouvait en correspondance. Les lettres qu'il recevait de ses amis contenaient des avis, des renseignements qui, tous, sans qu'il y eut entente réciproque, aboutissaient à cette conclusion qu'on se trouvait en face d'une organisation dont les attaques contre l'Eglise étaient réglées par une sorte de Centrale dont les moyens d'action atteignaient tous les pays, tous les partis, et les hommes des tendances les plus diverses.
Devant cet état de choses, l'intelligence de Mgr Benigni réagit autant que son esprit de foi. A ce complot subtil contre Rome, il fallait opposer une défense aussi habile, aussi puissante, usant des mêmes procédés pratiqués. La seule contre-attaque utile. Mais il était bien évident que cela ne pourrait se réaliser qu'en connexion avec le Saint-Siège.
Il commença ses préparatifs et bientôt il fut prêt.
«Le prélat était parvenu par un travail opiniâtre, dirigé par une intelligence supérieure, à constituer pour le Saint-Siège un centre d'information d'un prix inestimable sur les affaires catholiques de tous les pays... Cherchant à coordonner toutes les formes de résistance catholique, ce fut lui qui invita leurs représentants divers, avec un succès d'ailleurs restreint, à arborer, à l'encontre de l'étiquette libérale, celle de «catholiques intégraux»[11].
Telle est l'origine de ce mouvement d'idées, sorte de contre-révolution, et de ce titre qu'on vous jette à la tête, aujourd'hui, comme une accusation d'hérésie ou de crétinisme, et qui devrait pouvoir s'appliquer, comme jadis, à tout catholique non entaché de libéralisme et des doctrines qui en découlent:
Le concept primitif était donc lumineux et simple. S'il ne fut jamais complètement réalisé, il rendit néanmoins, malgré les imperfections humaines, de très précieux services à l'Eglise.
Le Sodalitium Pianum devait être un INSTITUT SECULIER, une nouveauté, puisque, jusque là les réunions de prêtres et de laïcs formaient des congrégations de réguliers, de religieux, dépendant des Ordinaires et de la S.G. des Religieux. Cet Institut Séculier aurait été sous la direction immédiate de Rome, par la S. C. Consistoriale. Son but devait être de faire pénétrer dans les masses les idées et les directives pontificales - et d'informer le Saint-Siège de tous les mouvements d'idées culturels, sociaux, et politiques du monde entier. Tout et tous devaient être considérés au point de vue catholique.
Cet Institut comporterait :
1° des membres isolés, des correspondants, des cercles ;
2° la Centrale Romaine : la Dieta.
Les premiers recueilleraient les documents et les enverraient au Centre. De plus, ils auraient travaillé à la pénétration dans les masses par la presse, l'édition, mais surtout par l'EXEMPLE D'UNE VIE INTEGRALEMENT CATHOLIQUE, sans compromis avec l'esprit de ce temps-là, portant le catholicisme à sa parfaite forme d'action dans tous les rangs de la société.
Quant au Centre, il devait informer les divers organes du Saint-Siège, leur adresser les documents reçus et, sous leur dépendance, diriger l'action extérieure selon les nécessités du moment.
Cet Institut demandait l'approbation formelle et canonique, le rendant quasi-autonome, exempt des Ordinaires, mais soumis à la Consistoriale.
Ainsi, il aurait été un véritable Ordre Laïque.
Enfin, Mgr Benigni pensait qu'il était indispensable de le garder secret, les membres du S. P. devant travailler sans être connus, quasi-invisibles, afin de n'être pas entravés, empêchés, neutralisés par la réaction opposée qui, elle-même use de ce moyen pour combattre l'Eglise. Le complot moderniste requérait donc une organisation contradictoire, usant des mêmes ruses, cachée à tous, sauf à l'Autorité Suprême.
Après cet exposé, notre document romain se contente d'ajouter :
«Dommage que ce magnifique projet n'ait pu se réaliser !»
***
Voici, tel que nous l'ont conservé les archives de la Consistoriale, le Programme du Sodalitium Pianum qui fut approuvé et béni par Pie X :
PROGRAMME
1. - Nous sommes catholiques romains intégraux. Comme l'indique ce mot : le Catholique-Romain intégral accepte intégralement la doctrine, la discipline, les directives du Saint-Siège et toutes leurs légitimes conséquences pour l'individu et la société. Il est donc «papiste» (papalino), «clérical», antimoderniste, antilibéral, antimaçonnique. Il est donc intégralement contre-révolutionnaire, parce qu'il est adversaire non seulement de la révolution jacobine et du Radicalisme sectaire, mais également du libéralisme religieux et social. Il reste absolument entendu qu'en disant «Catholique-Romain intégral» on ne prétend pas modifier d'aucune manière l'authentique et glorieux titre de Catholique Romain. Le mot «intégral» signifie seulement intégralement catholique romain, sans lui ajouter ou lui retrancher quoi que ce soit comme les expressions de «catholique libéral», «catholique social» et quelques autres, sans tendre à limiter, en théorie ou en pratique, l'application des droits de l'Eglise ou des devoirs du catholique dans la vie religieuse et sociale.
II. - Nous luttons pour le principe et pour le fait de l'Autorité de la Tradition, de l'Ordre religieux et social dans le sens catholique du mot et dans ses déductions logiques.
III. - Nous considérons comme une plaie dans le corps humain de l'Eglise, l'esprit et le fait du libéralisme et du démocratisme soi-disant catholique, comme du Modernisme intellectuel et pratique, radical ou modéré, avec leurs conséquences.
IV. - Dans le cas pratique de la discipline catholique, nous vénérons et suivons les Evêques, placés par l'Esprit-Saint pour diriger l'Eglise de Dieu sous la direction et le contrôle du Vicaire du Christ, avec qui nous voulons toujours être, avant et malgré tout.
V. - La nature de l'Eglise catholique enseigne, et son histoire le confirme, que le S. Siège est le centre vital du christianisme ; par cela même, à un certain point de vue et spécialement dans quelques circonstances, l'attitude momentanée du S. Siège est aussi la résultante de la situation religieuse et sociale. Aussi nous comprenons pleinement que Rome puisse parfois se taire et attendre, en vue de la situation actuelle, qui se présente à ce moment-là. En de tels cas, nous nous garderons bien d'en prendre prétexte pour rester inactifs devant le danger et les périls de la situation. Dès que nous aurons compris et sûrement contrôlé, en chaque cas, la réalité des choses, nous agirons de la meilleure façon possible contre ces dangers et ces périls, toujours et partout selon la volonté et le désir du Pape.
VI. - Dans nos observations et actions, nous nous tiendrons surtout au point de vue «catholique», c'est-à-dire universel - soit dans le temps, à travers les divers moments historiques soit dans l'espace, à travers tous les pays. Nous savons que dans les contingences momentanées et locales, il y a toujours, au moins au fond, la lutte séculaire et cosmopolite entre les deux grandes forces organiques : d'un côté, l'unique Eglise de Dieu, Catholique-Romaine ; de l'autre, ses ennemis internes et externes. Les externes (les sectes judéo-maçonniques et leurs alliés directs) sont entre les mains du Pouvoir Central de la Secte ; les internes (modernistes, démolibéraux, etc...) lui servent d'instruments conscients ou inconscients par infiltration et décomposition chez les catholiques.
VII. - Nous combattons la secte interne et externe, toujours et partout, sous toutes ses formes et avec tous les moyens honnêtes et opportuns. Dans la personne des sectaires internes et externes, nous combattons seulement la réalisation concrète de la secte, de sa vie, de son action, de ses plans. Nous entendons faire cela sans rancune envers nos frères égarés, comme d'autre part sans faiblesse et sans aucune équivoque, comme un bon soldat traite sur le champ de bataille ceux qui se battent sous l'étendard ennemi, leurs auxiliaires et leurs complices.
VIII. - Nous serons pleinement : contre toute tentative de diminuer, de rendre secondaire, de dissimuler systématiquement les revendications papales pour la Question Romaine, de faire obstacle à l'influence sociale de la Papauté, de faire dominer le LAICISME ; pour la revendication infatigable de la Question Romaine, selon les droits et les directives du S. Siège, et pour un effort continu afin de ramener, le plus possible, la vie sociale sous l'influence légitime et bénéfique de la Papauté et, en général, de l'Eglise Catholique.
IX. – Contre l'interconfessionalisme, le neutralisme et le minimisme religieux dans l'organisation et l'action sociale, dans I’enseignement comme en toute activité de l'individu et de la collectivité, qui dépend de la vraie morale, donc de la vraie Religion, donc de l'Eglise ;
pour la confessionalité en tous les cas prévus précédemment et si, en cas exceptionnels et transitoires, le S. Siège tolère des unions interconfessionnelles ; nous sommes pour l'application consciencieuse et contrôlée de telles tolérances exceptionnelles et pour sa durée et son extension le plus possible restreinte, selon les intentions du S. Siège.
X. - Contre le syndicalisme ouvertement ou implicitement «areligieux», neutre, amoral, qui conduit fatalement à la lutte antichrétienne des classes, selon la loi brutale du plus fort ; contre le démocratisme, même quand il se nomme économico-social, qui pousse, avec son individualisme, à la désagrégation sociale ;
pour l'harmonie chrétienne des classes, des individus et de la société tout entière ; pour l'organisation corporative de la société chrétienne selon les principes et les traditions de justice et de charité sociale enseignés et vécus par l'Eglise et le monde catholique à travers les siècles, et qui sont parfaitement adaptés à toute époque, à toute société vraiment civilisée.
XI. – Contre le Nationalisme paien[12] qui rejoint le syndicalisme areligieux (lequel considérant les nations comme celui-ci les classes, ainsi que des collectivités qui, chacune, peut et doit suivre amoralement son propre intérêt, et contre celui des autres, selon la loi brutale dont nous avons parlé) ; et en même temps contre l'antimilitarisme et le pacifisme utopique, fruits de la Secte en vue d'affaiblir et d'endormir la société dans le rêve judéo-maçonnique ;
pour le patriotisme sain et moral, patriotisme chrétien de qui l'histoire de l'Eglise Catholique a toujours donné de splendides exemples.
XII. - Contre le féminisme qui exagère et dénature les droits et les devoirs de la femme, la mettant hors des lois chrétiennes ; contre la coéducation des sexes ; contre l'initiation sexuelle de la jeunesse ;
pour l'amélioration des conditions matérielles et morales de la femme, de la jeunesse, de la famille selon la doctrine et la tradition catholique.
XIII. - Contre la doctrine et le fait profondément antichrétien de la SEPÀRATIon de l'ÉGLISE et de l'ÉTAT, comme de la religion et de la science, de la cité, de la littérature, de l'art ;
pour l'union loyale et cordiale tant de la cité, de la science, de la littérature, de l'art, que de l'Etat, avec la religion et, par conséquent, avec l'Eglise.
XIV. - Contre l'enseignement philosophique, dogmatique et biblique «modernisé» qui, lorsqu'il n'est pas purement moderniste, devient au moins égal à un enseignement archéologique ou anatomique, comme s'il ne s'agissait pas d'une doctrine immortelle et vivifiante que tout le clergé, sans exception, doit apprendre principalement pour son ministère sacerdotal ;
pour l'enseignement ecclésiastique inspiré et guidé par la glorieuse tradition de la Scolastique et des Saints Docteurs de l'Eglise et des meilleurs théologiens du temps de la Contre-Réforme, avec tous les moyens de la méthode et de la documentation scientifiques.
XV. - Contre le faux-mysticisme à tendances individuelles et illuministes ;
pour la vie spirituelle, intense et profonde, selon l'enseignement doctrinal et pratique des Saints et des auteurs mystiques loués par l'Eglise.
XVI. - En général, contre l'exploitation du clergé et de l'action catholique par n'importe quel parti politique ou social, et en particulier, contre l'exagération «sociale» qu'on veut inoculer au clergé et à l'action catholique sous prétexte de «sortir de la sacristie», pour n'y rentrer que trop rarement, ou en cachette, ou, du moins, avec un esprit absorbé et distrait ;
pour le maintien de l'action ecclésiastique et de l'action catholique en son ensemble sur un terrain ouvertement religieux, avant tout et sans exagération «sociale».
XVII. - Contre la manie ou la faiblesse de tant de catholiques de vouloir paraître «conscients et évolués, vraiment de leur temps», et, naïfs en face d'un ennemi brutal ou hypocrite mais toujours implacable, de vouloir paraître prompts à montrer leur tolérance et à rougir - sinon à les blâmer - des actes de juste rigueur accomplis par l'Eglise ou pour elle ; prompts à un optimisme envers les fourberies des adversaires, réservant leur méfiance et leurs duretés aux catholiques romains intégraux ;
pour une attitude juste et convenable, mais toujours franche, énergique et infatigable devant l'ennemi, ses astuces et ses violences.
XVIII. - Contre tout ce qui est opposé à la Doctrine, à la Tradition, à la Discipline, au sentiment du catholicisme intégralement romain ;
pour tout ce qui lui est conforme (L.c., pp. 262 à 266).
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Que devinrent, dans la réalité, ce programme et ces espérances ?
La Centrale fut réalisée à Rome. La Diète eut son siège chez son Directeur Général, Mgr Benigni, à la Maison S. Pierre, dès 1909. Elle se composait de trois ou quatre ecclésiastiques, les assistants, dont l'un d'eux était le secrétaire.
Nous connaissons les noms de quelques-uns des membres successifs de ce groupe : le R. P. Saubat, d'une vie très intègre ; Don G. Brunner, sous-archiviste de la Secrétairerie d'Etat, de 1910 à 1912 ; Don G. Falsacappa ; le R. P. Charles Maignen, des Frères de S. Vincent de Paul, ensuite Procureur de sa Congrégation, religieux fort apprécié.
Plus tard, le siège de la Centrale suivit Mgr Benigni et se trouva, de 1914 à 1917 ou 1918, via del Babuino 85. Peu après, et certainement en 1921, via Arno, où le Directeur Général devait mourir.
On sait peu de choses sur l'organisation intérieure, les archives, les fichiers, les registres du S. P. - Mais la correspondance y fut énorme. D'ailleurs, Mgr Benigni était un excellent administrateur.
A l'extérieur, il y avait les membres du Sodalitium, ses collaborateurs et les Conférences S. Pierre qui les réunissaient. Il est difficile de les identifier. Certains collaboraient à la Corrispondenza. Mais tous les collaborateurs de la revue n'étaient pas membres du S. P., non plus que tous les correspondants de Mgr Benigni. Enfin, les membres du S. P. n'y furent pas tous affiliés en même temps.
Par sa nature, le S. P. avait besoin de membres étrangers, surtout dans les centres les plus importants. Ces membres, laïcs ou ecclésiastiques, devaient être cultivés et catholiques convaincus, «intégraux ou intransigeants».
Les isolés pouvaient se réunir en cercles amicaux et libres, les Conférences de S. Pierre, afin de créer des noyaux ou des cellules d'activité et de pénétration. Ces groupes faisaient partie intégrante de l'œuvre. L'approbation formelle et canonique désirée devait s'étendre à eux, car il pouvait se produire qu'un Ordinaire vint à gêner ou à interdire leur action. Ils auraient été exempts et seraient demeurés inconnus et secrets pour le public et les Ordinaires, mais non pas à la S. C. Consistoriale, informée par la Centrale de tout ce qui concernait les cercles.
Ces deux points : exemption et secret, furent, pour le CardinaI de Lai, des obstacles insurmontables à l'approbation canonique.
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Les adversaires du S. P. ont prétendu qu'il comptait un millier de membres. Or, Mgr Benigni a toujours affirmé qu'ils n'avaient jamais dépassé la centaine. Mais en dehors du S. P., heureusement, il y avait des catholiques fidèles, dans tous les milieux, ardents à s'opposer aux libéraux et aux démocrates. Cela devait donner à ceux-ci l'impression d'une troupe nombreuse, adversaire de leurs agissements. Pourtant, d'«intégristes» au sens précis du mot, en relation avec la Sapinière, il n'y en eut que très peu. Mais combien leur action fut efficace, et de quelle générosité, de quels sacrifices, de quels dévouements à la cause sainte elle témoigne !
Citons, parmi ces hommes d'élite l'un d'eux qui fut particulièrement odieux à ses adversaires : Jacques Rocafort.
C'est le type du chrétien robuste. Né en 1860, à Perpignan, il y étudia d'abord au Collège S. Louis de Gonzague. Puis il entra au Petit Séminaire de Prades et enfin revint au Collège de sa ville natale. Il prit ses titres d'Enseignement Supérieur et fut professeur en Afrique et en France. En 1888, il tombe malade et va se reposer à Rome où il suit les cours de la Grégorienne et du Séminaire Français : ses ennemis en ont profité pour le traiter de défroqué !... En 1891, il est professeur à l'Université de Nîmes et l'année suivante, il se marie. En 1899, il est nommé à Paris. Chevalier de la Légion d'Honneur en 1924.
Lorsqu'en 1907 le Gouvernement confisqua illégalement la correspondance du représentant de la Nonciature à Paris - déjà supprimée - J. Rocafort fut envoyé à Rome pour s'informer sur ce qu'on appelait : «le cas Montagnini». Alors Mgr Benigni était le sous-chef du bureau où travaillait Mgr Montagnini. C'est ainsi qu'il rencontra Rocafort.
Celui-ci était déjà anti-républicain, anti-libéral, imbu profondément des principes catholiques et déterminé à suivre les directives pontificales. Il s'entendit donc aisément avec Mgr Benigni et donna son adhésion au S. P., assurant une collaboration assidue à la «Corrispondenza», ce qui lui attira l'hostilité violente d’évêques, de libéraux, d'hommes politiques, socialistes et radicaux, ainsi que de tous les «laïques». Le 16 janvier 1910, le Député radical-socialiste Besnard attaque devant la Chambre ce «professeur d'Université adversaire des lois républicaines, de l'enseignement laïque et des catholiques libéraux». Il s'en prend, ensuite, à la «Correspondance de Rome», à Mgr Benigni et au Sodalitium Pianum «contraires à la pacification intérieure de la France». Deux jours plus tard, le Ministre de l'Instruction Publique, Doumergue, lui répond dans un sens assez doux. Mais la presse hostile s'empare du «cas Rocafort» et c'est une véritable «batterie de détresse».
Un an après, Rocafort se retirait du S. P., sans cesser d'agir en son sens. Il avait écrit et écrivit depuis plusieurs ouvrages de valeur : «L'éducation morale au Lycée». - «La morale de l'ordre» - qui furent couronnés par l'Académie française - «Mes campagnes catholiques» - «Autour des directions de Pie X», traitant des répercussions de la politique religieuse du Pape sur la France - enfin, en 1920 : «Les résistances à la politique religieuse de Pie X».
Personnellement, il voulait réaliser une vie chrétienne «intégrale», comme le Saint-Père le désirait. Il a écrit, répondant à une accusation : «Je n'étais pas plus l'agent de Mgr Benigni que du Vatican. Mais j'avais compris les directions pontificales et je voulais les servir, tandis que les libéraux passaient à côté» (Rocafort : «Autour des Directions de Pie X», p. 68).
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Ce genre de catholiques fut nombreux, dans le S. P. et au dehors. Les services qu'ils renient à l'Eglise étaient fort importants : transmission quotidienne ou quasi-quotidienne de matériaux d'information de tous genres : notices, nouvelles, réponses aux demandes, recherches variées ; le tout s'adressant à des personnalités de la Curie Romaine, surtout à la Secrétairerie d'Etat, aux Préfets des Congrégations et, par Mgr Bressan, à Pie X lui-même. Dans les documents dépouillés aujourd'hui nous trouvons les noms des Cardinaux Merry del Val, de Lai, Vivés, van Rossum.
Ces informations, encore une fois, embrassaient tous les sujets. Elles donnaient des comptes-rendus sur les Congrès, les réunions, les cours, les exercices ; des notes sur la presse, les revues, catholiques et autres ; sur des personnages ecclésiastiques et laïques. Bref, le S. P. était une précieuse mine de documents pour les Dicastères Romains qui, néanmoins, possédaient d'autres moyens d'information et de vérification. Il est donc difficile de dire jusqu'à quel point ce service influa de facto sur les décisions pontificales. Le S. P. n'a jamais été l'unique ni le principal ni l'ordinaire moyen d'information de la Curie. On ne peut donc lui attribuer, comme on l'a fait trop facilement, toute la responsabilité de certaines mesures.
Parfois des services extraordinaires lui furent demandés, comme celui d'étudier le Congrès des Catholiques Libéraux de Berlin, en 1909, pour le compte de la Secrétairerie d'Etat ; celui d'enquêter à CZENSTOCHOWA, en Pologne russe, au sujet des graves désordres de Mariaviti, déjà condamnés en 1904 et 1906, pour le compte de la S. C. des Religieux. Ces missions étaient confiées par le Pape lui-même ou par le Cardinal Merry del Val. Nous avons ici la preuve que le S. Siège s'est servi quelquefois directement du S. P. pour des fonctions difficiles et qui eurent de bons résultats.
A côté et en dehors du S. P., Mgr Benigni avait d'autres éléments d'action dans la «Corrispondenza romana», dans les revues et périodiques affiliés ou parallèles, dans l'«Agenzia Internazionale Roma», puis dans l’«Agenzia Urbs».
C'était un «système bien lié de publications et de journaux périodiques intégristes, un vrai régime de terreur et de coercition morale, n'épargnant rien ni personne, portant une fatale division chez les catholiques, dénonçant impunément et accusant des hommes insoupçonnables, même des Evêques et des Cardinaux». Ainsi disent les accusateurs de Pie X et du S. P.
Or «la vérité est au milieu. Tout ne peut s'excuser, certes, mais on ne peut tout condamner» (L.c., p. 214).
Déjà, avant que Mgr Benigni entrât en action, il existait, à Rome, une presse «intransigeante» qui devint ensuite «intégriste». Il en était de même à l'étranger. Il n'est pas surprenant que des sentiments amicaux aient liés cette presse à celle de Mgr Benigni.
«C'est pour suppléer à la mauvaise information des journaux religieux, surtout français, que la «Correspondance de Rome» a été fondée. L'Osservatore romano était le journal officiel du S. Siège, la Correspondance se contentait d'être son amie et son alliée» (Rocafort, L.c., p. 132-133. Cf. Loisy, Souvenirs, T. II-III).
C'était aussi pour donner plus de rapidité et de précision à ces informations, grâce à des correspondants de valeur.
Si les adversaires de la presse intégriste poussent de tels cris d'horreur, n'est-ce pas parce que le but recherché par Mgr Benigni était atteint ? Fournir des nouvelles exactes et orienter la presse dans le sens des directives pontificales. ? L'initiative de ce prélat eut un succès extraordinaire. Les flèches portaient. L'ennemi de l'Eglise accusait le coup.
La Corrispondenza se présentait comme un hebdomadaire de petit format, imprimé sur une seule face, afin de permettre de découper les nouvelles et de les disposer en vue de la mise en page des journaux. Nous avons vu, dans la vie de Mgr Benigni les phases diverses de cette revue.
Enfin, parallèlement, en 1912, fut créée l'Agenzia Internazionale Roma (AIR) qui devint, après 1920, sans doute, l'Agenzia Urbs et qui fut gérée, en particulier, par le neveu de Mgr Benigni.
A travers le monde, d'autres revues étaient de la même tendance que la Corrispondenza.
En France, il y avait la «Critique du libéralisme», fondée le 15 octobre 1908 par Emmanuel Barbier, ancien jésuite, né en 1851 à Poitiers, mort en 1925 à Paris. Il a écrit : «Le progrès du libéralisme catholique en France sous Léon XIII» et «Ne mêlez pas Léon XIII au libéralisme». Enfin : «L'histoire du catholicisme libéral et du catholicisme social en France» (6 volumes) («Non è senza meriti» dit notre texte à son sujet). Ses violences, surtout contre les jésuites, firent interdire sa revue par une trentaine d'évêques français en 1911 et 1912. Sans doute n'étaient-ils pas trop terrorisés par l'intégrisme ? Le S. Siège arrêta cette publication.
Barbier n'appartint jamais au S. P. mais il fut correspondant et informateur de la Corrispondenza.
A la place de «La Critique», naquit à Paris, le 5 décembre 1912, «La Vigie», de l'abbé Boulin, du diocèse de Troyes, qui écrivait sous le pseudonyme de Roger Duguet. Le 13 mars 1913, le Cardinal Amette le fit rappeler par son évêque, parce que, lui aussi, était trop violent. Il appartenait, lui, au S. P., et Mgr Benigni descendait chez lui quand il venait à Paris.
Il y eut d'autres périodiques : «La foi catholique» - «Rome et le monde» - «Les Cahiers romains».
En Belgique, Jonckx, avocat à Gand et correspondant de Mgr Benigni, membre du S. P., fonda «La Correspondance catholique». Naturellement il suscita critiques et mécontentement. La saisie de sa correspondance avec Mgr Benigni et sa divulgation fut l'occasion d'une levée de boucliers pour tous les adversaires du S. P.
En Allemagne. «Die Petrusblàter» de Trèves, et «Këlner Korrespondenz» de Cologne. «Wehrheit und Klarheit», du Cte Opperdorff, à Berlin, qui fut membre du S. P.
En Autriche. L'historiographe et érudit bien connu, R. v. Kralik, publie «Der Gral», revue de haute culture en opposition à «Das Hochland», de Munich, très libéral. On a accusé avec exagération Kralik d'avoir été le chef de l'intégrisme autrichien. Il y eut aussi le très anti-libéral «Das Wiener Sonntagsblatt». Quelques-uns ont voulu voir le précurseur du S. P. dans le très innocent «Pinsverein der Katholiken Osterreichs», fondé sous les auspices de l'épiscopat en 1905, loué par Pie X. Il suscita la scission des catholiques conservateurs et des sociaux, au détriment des conservateurs, ce qui ne dut pas plaire à Mgr Benigni. C'est un exemple typique de la confusion qui peut se glisser parmi les écrivains et les historiens, au grand détriment de la vérité.
En Hollande. «Maasbode» et «Rom» passèrent pour intégristes. Il n'y a pas de lien connu entre eux et le S. P.
En Pologne. «Mysl Katolica», de Czenstochowa, en collaboration directe avec les polonais du secrétariat de la Sapinière.
En Italie. «La Liguria del Popolo», Directeur D. Bescardo, membre du S. P. et correspondant de Mgr Benigni. La «Riscossa», des trois frères Scotton, qui ne furent jamais de la Sapinière.
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Quelle leçon tirer de cette énumération ?
Tout d'abord qu'on peut douter de la consistance de certaines allégations visant à montrer l'existence d'un bloc organisé et bien uni de la Presse catholique «intégriste», sous la secrète mais puissante direction de Mgr Benigni et avec le patronage du Saint-Père. Car cinq seulement de ces périodiques (les cinq petits cailloux pour abattre le Goliath moderniste) cinq appartenaient certainement au S. P. par les liens qui rattachaient leurs directeurs à cette société.
«En un mot, c'est faux et c'est une grave erreur historique de mettre ainsi dans le même sac toute la presse du monde, à cette époque, de couleur et de tendance «intégriste» et de la dire affiliée à la «Corrispondenza Romana», et de proclamer Mgr Benigni comme le père commun de toute cette presse ; aussi bien que de mettre au compte de Mgr Benigni et du Sodalitium Pianum tout ce qui pouvait ou voulait s'appuyer à sa revue» (L.c., p. 218).
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Quelques remarques nécessaires :
1° La «Corrispondenza Romana» ne dépendait pas du S. P. Des membres de cette association y collaboraient sans doute, mais ni le Statut ni le Programme du S. P. ne contiennent une allusion à cette revue qui, d'ailleurs fut créée deux ans avant la Sapinière.
2° Si un journal avait un directeur ou des rédacteurs du S. P. IL N'EST PAS LICITE (L.c., p. 218) de dire qu'il était sous le patronage direct du S. P. ou de Mgr Benigni.
3° Pour qu'il y ait eu dépendance effective et directe d'une revue ou d'un journal intégristes, il faut qu'ils aient été, au moins, comme la «Correspondance Catholique» de Jonckx, documentés par la correspondance privée de Mgr Benigni.
4° On ne peut dire, parce que le S. Siège a donné une «previa», approbation générique du Statut et du Programme du S. P. qu'il est en cause parce que le S. P. a pu, éventuellement, agir dans le domaine de la presse.
5° La Corrispondenza Romana était ni un organe officiel, ni un organe officieux du S. Siège, mais un organe privé. On ne peut donc attribuer au Pape ni au S. Siège les défauts et les intempérances qu'on lui reproche «avec ou sans fondement» (Id., p. 218).
Toutes ces remarques sont appuyées, par l'affirmation du Nonce, Mgr Fruhwirth, dans l'officiel «Der bayrische Kurier» le 14 juillet 1911, que «ni Mgr Benigni, ni aucun Prélat romain n'avait eu part à cette campagne contre le catholicisme allemand...».
- et aussi par l'interview prise auprès de J. Rocafort, au sujet de l'interpellation à la Chambre (Cf. p. 36) : «La Correspondance de Rome n'est ni officielle ni officieuse, mais les rédacteurs sont de LOYAUX SERVITEURS de la pensÉe du pape. Ils vont aux sources, ils rapportent exactement ce qu'entendent dire dans les bureaux du Vatican. Ils ne truquent pas. Voilà leur crédit et leur force. Si vous étiez au courant comme moi de la presse catholique française, vous verriez quel besoin on a de ce véridique et sûr organe... On y reflète exactement, intégralement» la pensée de Pie X (L.c., p. 225.).
En résumé. - D'après ces textes nous pouvons comprendre que le Sodalitium Pianum (comme la Corrispondenza et les Agences et la Presse intégriste) était le franc-tireur de l'Eglise, béni officieusement, ignoré officiellement. Il avait donc le sort des francs-tireurs : se battre, recevoir et donner les coups et demeurer inconnu, heureux de se sacrifier pour une cause sainte.
En conclusion : La Correspondance fut une œuvre privée, propre à Mgr Benigni. Elle n'était pas mentionnée dans les Statuts du S.P. Elle demeurait indépendante du S. Siège. Elle n'était pas secrète : tout le monde pouvait se procurer le bulletin et s'y abonner. Elle fut très diffusée, très influente ; très crainte aussi, parce que beaucoup la croyaient – mais faussement - organe du Vatican ou inspirée par lui. Elle était très informée sur tous les mouvements et attitudes qui pouvaient Intéresser la vie catholique dans ses manifestations les plus variées (L.c., p. 225).
Tel est le jugement porté par la Disquisitio. Il n'y a ni blâme, ni note d'infamie. Une mise au point plutôt laudative. Elle ajoute que c'est une GRAVE EQUIVOQUE (Id., p. 225-6) de croire que la presse intégriste avait été organisée et inspirée par Mgr Benigni : l'immense majorité de ses organes existaient avant la Corrispondenza. C'est ainsi qu'on a pu l'accuser de beaucoup de violences de langage, d'imprudences et de manques de charité dont il n'a aucunement la responsabilité, pas plus que le S.P. ou la revue.
Egalement, l'Agenzia était une affaire personnelle, sans relation avec le S.P. et la revue, sauf, parfois, en ce qui concerne l'usage des informations. Quant à Urbs, elle fut fondée en 1921, après la dissolution du S.P.
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«La MAÇONNERIE NOIRE...»
Le mot fut employé. Il venait de haut. Nous trouvons dans le procès de Béatification, à la page 10, ces graves paroles :
«Le Pape Pie X approuvait donc, bénissait et encourageait une association occulte d'espionnage au-dehors et au-dessus de la Hiérarchie, qui surveillait même les membres de la Hiérarchie et d'Eminentissimes Cardinaux ; en somme, il bénissait et encourageait UNE ESPECE DE MAÇONNERIE dans l'Eglise, chose inouïe dans l'histoire de l'Eglise». (Cardinal Gasparri.)
En effet ! Mais est-ce vrai ? Nous avons vu, plus haut, la valeur des sources auxquelles le Cardinal Gasparri avait puisé ses informations. Cela d'ailleurs peut expliquer son attitude en d'autres circonstances dont nous n'avons pas à traiter ici.
Quoi qu'il en soit, on continue à répéter ces accusations. Je les ai entendues à Rome même où la Disquisitio n'est connue que des seuls intéressés au Procès. Et ces chuchotements semblent s'appuyer sur un fait démontré : l'usage, par les membres du S.P., d'un code de correspondance, d'un chiffre secret !
Examinons un peu ces ombres dramatiques et louches.
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Le Sodalitium Pianum fut-il réellement une société secrète ?
Une société secrète est - de par son nom - cachée à tous, s'organisant seule à l'insu des autres sociétés et des individus. Si elle remet son autorité, sa direction entre les mains d'autrui, si elle est connue d'autres personnes que de ses membres et de ses chefs, elle ne peut plus être dite secrète. La Franc-Maçonnerie, par exemple, ne reçoit pas ses règles, ses ordres, ses principes de la République - puisque c'est le contraire qui a lieu. Nul n'a la puissance et le droit de connaître, hors ses affiliés, ses buts réels, ses moyens d'action, ses plans, le nom de ses membres, encore moins ceux des chefs suprêmes, indépendants de toute autorité extérieure à la Secte.
Or le S.P. obtient du S. Siège une approbation générique de ses idées, de ses buts - qui ne sont rien d'autre que d'obéir à l'Eglise et de la servir. Nous avons vu que Mgr Benigni désirait que l'on gardât le secret (pourquoi ne pas dire : la discrétion ?) sur ce qui se passait dans les groupes extérieurs, sur l'œuvre qui s'y accomplissait. Mais tout ce qui s'y exécutait était connu de la S.G. Consistoriale, ainsi que les noms, au moins ceux des chefs de groupe et ceux du Directeur Général et des membres de la Diète. Rien n'était ignoré de l'Autorité compétente. Qu'avaient donc à voir les étrangers en cette affaire ? Les anciens de la Résistance, en France, savent combien de désastres ont été causés par des paroles inconsidérées, en un mot : par manque de secret.
Néanmoins, ce fut cette question du secret de l'action et du fonctionnement du S.P. qui effraya le Cardinal de Lai et, avec l'exemption des Ordinaires, empêcha l'approbation définitive et canonique de cet Institut séculier.
A l'époque où commençait le S.P., Mgr Benigni pensait
- et «ce n'était pas, objectivement, sans fondement» (L.c., p. 226).
- que les adversaires de l'Eglise, surtout la Maçonnerie et le Modernisme (alors au comble de ses manifestations multiples), pour assurer l'efficacité de leur action, se servaient, dans une très large mesure, du secret, d'une action et d'un fonctionnement cachés, insaisissables, avec toutes les ruses, toutes les fourberies nécessairement liées à un tel système. Aussi - et ce fut une de ses convictions les plus enracinées - pour combattre un ennemi qui fait du secret son arme la plus efficace, il fallait se servir de cette même arme, avec la même habileté, sans pitié, pour prévenir et contrecarrer (L.c., p. 226).
En vérité, les Modernistes avaient-ils un secret ? une organisation secrète ?
Le premier grand historiographe du Modernisme, l'ex-abbé Houtin (1867-1926), un ami de Loisy, écrivit en 1913 son «Histoire du Modernisme» qui - paradoxe - est une sorte d'apologie de Pie X. D'abord moderniste, Houtin s'éloigna de cette erreur sans cependant revenir à l'Eglise. Toutes ses œuvres sont à l'index. Mais il a insisté fortement sur le «complot international des modernistes». Selon lui, c'est une chose réelle. Loisy, de son côté, le nia avec insistance et déclara ce complot créé par l'imagination de Houtin, mais surtout par Mgr Benigni pour mieux impressionner Pie X et justifier l'existence et les méthodes du S.P. (Loisy, Mémoires III, 202-II, 542-III, 247-510).
Néanmoins, certains faits pourraient sembler déceler cette conspiration.
En l'honneur de Fogazzaro, devaient se réunir à Paris, le 17 décembre 1906, Murri, Gallarati-Scotti, Imbert de la Tour, Tyrroll, Paul Sabatier, Loisy et d'autres. Cette assemblée ne put avoir lieu. Mais, fin août 1907, pendant trois jours, à Molvone, dans le Trentin, se rencontrèrent : Fogazzaro, Casati Scotti, Murri, Fracassini, le Baron von Hügel et quatre prêtres non encore censurés, comme l'était déjà Fracassini, Buonaiuti, Casciola, Mari et Piastrella (Id., II, 557).
Ce conciliabule, où l'on traita des affaires de l'Eglise, fut sans résultat ni théorique ni pratique, les esprits étant trop divisés.
Enfin, en Allemagne, l'on trouvait des groupes actifs plus ou moins modernistes ou fortement libéraux et antiromains, comme Index Liga, de Münster.
Oserait-on nommer tout cela : complot ? Il semble que le complot se trouvait surtout dans les erreurs partagées, dans les principes communs à tous les esprits infestés de cette contagion et qui les reliaient en une sorte de société invisible, par une sympathie pour tous ceux qui se libéraient du catholicisme, par une antipathie allant jusqu'à la haine contre le Saint-Siège. On pouvait alors donner une versions neuve du vieux dicton : «Je suis moderniste et rien de ce qui est modernisant ne m'est étranger». Cette conspiration, non concertée peut-être, était inconsciemment aux ordres d'un chef caché, habile à se masquer : le Père du Mensonge, l'Ennemi de Dieu qui, souvent, choisit des lieutenants capables de porter sa parole et d'exécuter ses ordres mystérieux. Tel était, nous semble-t-il, l'immense danger occulte dont Mgr Benigni s'alarmait justement.
Il faut ajouter qu'à cette époque sévissait la manie des pseudonymes. Cette grande multiplicité d'articles d'auteurs inconnus, jamais les mêmes, au moins de nom (Loisy 1. 391,392. II. 440. III. 553) donnait l'impression de se trouver devant un grand nombre d'adeptes de la secte. On évoquait le «patronage» d'ex-prêtres et d'ex-religieux, modernistes ou non, qui existaient réellement à Paris, à Naples, à Milan et ailleurs encore ; œuvre internationale où collaboraient avec eux protestants, juifs et francs-maçons. A Milan, par exemple, leur chef était l'ex-prêtre L. Bessi, Corso Sempione 47. (Cf. S.C. Consistoriale, pli Roma, Modernisme, etc... Et La Vigie, 26 mars 1914).
Ainsi pouvait se légitimer le soupçon qu'il existait, dans le camp moderniste, une collaboration générale sous une direction centrale. Certes, il y eut cette collaboration. Mais peut-on l'attribuer à une véritable organisation internationale ? Cela n'est pas prouvé.
Si Mgr Benigni, dans son affirmation constante du complot moderniste était de bonne foi - ou s'il l'avait construit de toutes pièces - ou s'il en avait exagéré l'idée - ou si l'idée existait à Rome dans certains milieux de la Curie... il serait difficile de le dire. Mais il est certain que Mgr Benigni croyait nécessaire, pour un combat efficace contre le modernisme et son œuvre, une action de forme occulte qui demandait des moyens de ruse et de police. Le P. Saubat, qui est un témoin loyal et sûr, l’atteste.
Mais en fait, concrètement, nous ne trouvons, dans l'énorme dossier de la Consistoriale, que quelques lettres et beaucoup de rapports adressés à plusieurs membres de la Curie, avec mention : «Confidentiel» - «Personnel» - ou, lorsqu'il s'agissait de confrères du S.P. : «Sub sigillo».
Voici, par exemple, un extrait d'une feuille d'information du S.P.
Munich, juillet 1914.
...Sans doute il y a dans l'Allemagne catholique d'autres centres semblables (à ceux désignés plus haut). Désormais le démolibéralisme et le modernisme ont des groupes ou au moins des hommes de confiance dans tous les centres catholiques du pays.
Ces centres et ces hommes travaillent en toute liberté, parce que ceux qui devraient les combattre de par leur autorité, ou ne les voient pas, ou ne veulent pas les voir, ou les voient pour les aider plus ou moins en sous-main.
Ce monde n'a qu'une peur, mais qui s'accroît rapidement : c'est la peur de la «police» des catholiques intégraux. Pour se sauver d'elle, ils recourent à tous les moyens (excepté les honnêtes), du terrorisme contre les prêtres et les laïcs, suspects d'informer, jusqu'à la diversion géniale de ce qu'on appelle les révélations sur les relations internationales de l’«intégrisme» ; révélations fantastiques (comme celle très récente du Düsseldorf Tageblatt) qui ont pour but réel de détourner l'attention de l'Autorité Ecclésiastique et du monde catholique pour qu'elle ne s'arrête pas sur l'organisation parfaitement réelle et très menaçante de l'anti-romanisme dans l'Allemagne (et en Autriche) catholique...»
Tous ces documents paraissent bien prouver qu'on n'y a pas dépassé les bornes de la prudence. «On semble avoir trop voulu voir là des secrets exceptionnels et policiers» (L.c., p. 231). En effet, au début de son œuvre, Mgr Benigni songea bien à instituer, parmi les adhérents du S.P. une sorte de secret légal, semblable à celui qui existe dans quelques familles religieuses, en particulier pour les Supérieurs Majeurs et les Assistants Généraux ; secret naturel qui, d'ailleurs, pour le S.P. valait pour l'extérieur et jamais pour les Supérieurs ecclésiastiques romains. Donc, rien en cela de coupable.
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Maintenant nous arrivons à ce que, sans doute, notre psychanalyste appelle «des procédés de collégiens conspirateurs». Après le secret, le chiffre !
La nécessité de transmettre, sans danger de contrôle indésirable, de cabinet noir ou simplement de pertes dans les courriers, les informations, les directives et les orientations, amena tout naturellement, pour la correspondance, la plus secrète au moins, à user d'un chiffre, à choisir un code.
Ce procédé n'est pas unique dans l'histoire et n'est pas le privilège infamant du S.P. Journellement les banques, la grande industrie, les hommes d'affaires aussi bien que les Gouvernements et le S. Siège lui-même pour leur diplomatie, emploient ce moyen discret de correspondre, et nul ne songerait, et nul ne songe à leur en faire grief, ni à le trouver incorrect, suspect ou mauvais. Ceux qui, aujourd'hui, le signalent avec une vertueuse réprobation oublient sans doute qu'ils en usaient, au temps de la Résistance (s'ils en faisaient partie), et le jugeaient parfaitement normal. En quoi le chiffre de la Sapinière serait-il plus immoral que celui qu'employaient les Réseaux ? C'est un procédé de combat universellement utilisé. Il faut donc bien s'entendre.
Or, en mars-mai 1923, la revue «Le Mouvement» reproduisit ce code, saisi par les allemands chez Jonckx. Il passa ainsi dans le domaine public. Le Cardinal Gasparri le connut de cette façon : Léo Schmidlin et Fontaine, dans leurs ouvrages déjà cités, en donnent des exemples et, quant à ce dernier, il en tira des traductions en clair. Le fait n'est donc pas niable et Mgr Benigni ne l'a pas nié. Au contraire il a admis et justifié l'usage d'un chiffre dans un long exposé au Cardinal Sbarretti, lui expliquant pourquoi ce code a été indispensable à cause des circonstances et comment il fut adopté. Mais ce que les initiés pouvaient déchiffrer sans erreur, les Fontaine et autres ont fort bien pu se méprendre sur le sens et mal comprendre beaucoup de ces signes, quitte à leur faire dire des choses capables de susciter leur vertueuse indignation.
«Toute la question du secret et du chiffre a été exagérée et le sera toujours si l'on ne la replace pas dans l'ambiance de ces années agitées - surtout si l'on prête trop l'oreille aux critiques des adversaires».(L.c., p. 231)
«En conclusion, considérant objectivement les choses, le secret et le chiffre étaient en un certain sens des moyens nécessaires, au moins utiles, certainement pas immoraux, du moment que Mgr Benigni n'avait pas de secret pour l'Autorité compétente du Saint-Siège avec qui il se tenait en contact».(L.c., p. 231)
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Nous voici parvenus aux plus odieuses accusations contre le Sodalitium Pianum : espionnage, délation.
Le Cardinal Gasparri affirme, sans plus, dans le Procès ordinaire romain (fol. 1849) que Mgr Benigni et le Sodalitium Pianum tenaient une liste de personnes, laïques et ecclésiastiques, même d'Evêques et de Cardinaux «da invigilare», à surveiller. Mais la Commission Historique eût vite fait de constater que la liste citée par l'Eminentissime avait été copiée «ad verbum» dans l'ouvrage de Fontaine (p. 143). Cette liste commence d'ailleurs en 1921, donc après la mort de Pie X et ne saurait lui être reprochée. De plus par plusieurs indices, elle semble avoir été compilée a posteriori sur la base de feuillets et de lettres du S.P. où sont cités divers noms. Et qui peut certifier que cette compilation ait été fidèle ? (L.c., p. 232)
Pour mettre les choses au point, il faut donc considérer que :
- le Sodalitium, ni la Corrispondenza, n'avaient PAS POUR BUT DE DÉNONCER mais d'INFORMER. Or, il est impossible de donner des informations sérieuses, objectives, concrètes, sans nommer les personnes et sans noter ce qu'elles ont dit ou fait, dans tel ou dans tel sens. Les feuillets du S.P. signalent donc en grand nombre des faits et des dates - contrôlables - avec, nécessairement le nom des acteurs. «Comment faire autrement» (Id., p. 232) pour remplir sa mission ?
- ces informations furent plus rapides que celles venues officiellement des Nonciatures et des évêchés. Elles furent aussi plus amples, comprenant le domaine des livres, journaux, revues, congrès, réunions, cercles, discours, toutes les manifestations de la vie de l'époque. C'était donc un «vrai miroir du temps», un «utilissime supplemente» à l'appareil des Bureaux et des rapports officiels ;
- ce service d'information pouvait, en un certain sens, ressembler à une entreprise de dénonciation, à une accusation continuelle, par ce qu'il révélait des agissements opposés aux directives du S. Siège. Aussi, de la part de ceux qui se croyaient découverts et de ceux qui n'avaient pas une conscience très sereine, c'est-à-dire «pour les modernistes, les libéraux, les démocrates et les progressistes» éclata un concert de cris d'horreur, de rage et de haine contre Mgr Benigni et le S.P., et les accusations d'espionnage et de délation. C'est toujours la tactique du voleur qui hurle : «Au voleur !» pour détourner de lui l'attention et, pendant qu'on cherche ailleurs, se met à l'abri.
S'il fut besoin, à cette époque, de procéder contre l'un ou l'autre personnage (par exemple, en France, de déposer quelques évêques extrémistes), cela ne se fit pas sur la base des informations du S.P., mais PAR la VOIE REGULIERE des Dicastères compétents qui, d'ailleurs, avaient bien d'autres moyens d'enquête et de jugement.
Certes, il est possible que, quelquefois, certains correspondants particuliers aient eu la tentation ou l'intention de dénoncer, dans le sens péjoratif du mot. L'on peut, en toute organisation, trouver des êtres imparfaits ou mauvais. Il n'en reste pas moins vrai que ces erreurs - moins nombreuses qu'il ne fut dit et qui ne doivent pas être généralisées - ne sont pas imputables au S.P. «qui ne fut pas comme tel et par constitution un service de dénonciation mais un SERVICE D'INFORMATION, ce qui est chose bien différente» (L.c., p. 233).
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Nous avons vu que Mgr Benigni mourut pauvre. Son «affaire» n'était pas une question d'argent. Néanmoins un financement lui était indispensable pour couvrir les frais énormes de la vaste correspondance qu'elle nécessitait.
Ses ressources étaient assurées par les abonnements à la revue et à l'agence, qui couvraient leurs dépenses. Il y avait aussi les cotisations des membres du S.P., ce qui est normal ; et les dons des nombreux amis personnels de Mgr Benigni. Le Pape, chaque année, à l'occasion d'une audience, lui remettait une offrande de 1.000 lires.
C'est très clair. Néanmoins, les adversaires de l'Intégrisme ont cherché là de nouvelles accusations. On trouve, dans la correspondance de Jonckx, que les trappistes de Watten envoient à Mgr Benigni mille francs. Celui-ci répond : «Quelle misère, au moment où j'aurais besoin de millions !» Réflexion très naturelle à qui se trouve en face de dépenses obligatoires et fort élevées. Comment, cependant, réagissent les modernistes ? «Le Mouvement», après avoir cité la phrase la commente : «comme l'écrivait ce pieux Judas». N'insistons pas.
Il est évident que les trois autographes et les subventions de Pie X prouvent que le Bienheureux voit dans le S.P. UNE INSTITUTION BONNE, puisque les Statuts et le Programme l'étaient et que, sans doute aussi, les services rendus n'étaient contraires ni à la morale ni au bon ordre de l'Eglise.
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«Dis-moi qui tu hantes...» Ce proverbe peut s'appliquer en cette affaire de l'Intégrisme, qui eut des amis et des ennemis non moins fidèles les uns que les autres. Voyons lesquels et jugeons nous-mêmes, preuves en main.
Le P. Saubat déclare que le S.P. rencontra faveur et intérêt. Auprès de qui ? Mgr Benigni donne des noms au Cardinal Sbarretti : le Cardinal Vivès y Tute (+ 1913), Préfet de la S.C. des Religieux depuis 1908 ; le Cardinal de Lai (+ 1928), Secrétaire de la S.C. Consistoriale ; le Cardinal Boggiani (+ 1942), Assesseur à la S.C. Consistoriale en 1914, Cardinal en 1916, Archevêque de Gênes, 1919-1921 ; le Cardinal Gotti (+ 1916), Préfet de la S.C. de Propaganda ; le Cardinal van Rossum (+ 1932), Préfet de la S.C. de Propaganda dès 1918 ; le Cardinal Sevin (+ 1916), Archevêque de Lyon en 1912 (Evêque de Chalons en 1908) «insigne figure de l'épiscopat français» (L.c., p. 234). Il avait créé l'œuvre Pro Ecclesia et Pontifice, qu'il songeait à fondre avec le S.P. - ce qui ne fut pas possible.
Mgr Sabadel, capucin (Pie de Langogne), Consulteur de nombreuses Congrégations, très savant, Archevêque titulaire de Corinthe depuis 1911, consacré par Pie X qui voulait le créer Cardinal : la trop faible santé de ce prélat empêcha la réalisation de ce projet : il mourait le 4 mai 1914. Sa bienveillance fut précieuse pour le S.P.
Mgr Caron, Evêque de Gênes en 1912. Il vécut ensuite à Rome, Archevêque de Calcédoine (+ 1914) ; Mgr Gilbert, Evêque du Mans (1894), démissionna en 1898. Retiré à Rome, Archevêque d'Arsinoë ; en 1909, consulteur à la Consistoriale (+ 1914) ; Mgr Volpi, Evêque d'Arezzo, 1904-1919 ; Mgr Monastès, Evêque de Dijon, 1911-1915.
Tous ces hommes, ces prêtres d'une science,d'une compétence, d'une vertu au-dessus de toute critique, auraient-ils pu, en conscience, adhérer, collaborer au S.P. ou le protéger s'ils avaient eu le moindre doute sur la moralité de l'œuvre?
D'autre part, quels furent les adversaires de la Sapinière ?
Il n'y eut pas que des «méchants». Quelques bonnes âmes se laissèrent entraîner par leur pitié pour les «persécutés», par leur amour de la liberté, par leur horreur de la «violence». Le sentiment prévalait sur la raison. Nous ne parlerons donc pas de Loisy et des membres de l'Ecole Moderniste, du Sillon, du libéralisme, etc... Ils devaient, fatalement, étant donné leurs idées et leurs principes, s'efforcer de discréditer le plus possible l'œuvre de Mgr Benigni qui fut combattue par «tous les moyens, quelquefois ni beaux ni honnêtes» (L.c., p. 204-205).
Mais voici Léo Schmidlin, l'unique historien qui écrivit ex professo, avec des intentions scientifiques, sur le Pontificat de Pie X, dont il condamne la politique religieuse et qu'il blâme d'avoir permis l'influence «néfaste» d'un «supergouvernement de l'Eglise», celui de quelques Cardinaux servis par la «terrible Maçonnerie noire» (Schmidlin, 82, 106-169, 176). Il divise les Papes en : Papes modernes et Papes conservateurs. Naturellement, Pie X est rangé parmi ces derniers. Or cet auteur écrivait «privé des documents authentiques» (L.c., p. 235) encore enfermés, alors, dans les archives et non communiqués. Il se servait de publications, dont nous savons l'origine, sans user d'une sévère critique du fond, et chercha ses informations trop souvent chez les modernistes. S'il reconnaît la sainteté de vie du Bienheureux, il n'a pas vu l'essentiel, la raison de l'activité de Pie X pour empêcher l'irruption violente de l'esprit libéral et progressiste dans l'Eglise. C'est dire qu'il n'a rien compris au sujet qu'il traitait.
Il y eut Mgr Mignet. Dans ses Mémoires, reproduits par «Le Mouvement», par Fontaine et par Schmidlin, il se plaint de l'influence de «gens sans mandat», de Mgr Benigni, «grand ouvrier de cette œuvre de démoralisation» qui veut «truster la presse catholique par la Correspondance de Rome». La presse intégriste, écrit-il «a été, dans son ensemble, une œuvre néfaste, parce qu'ŒUVRE DE DIVISION réalisée par la médisance, par la calomnie, par un oubli total des règles ordinaires de la charité chrétienne et des égards dus aux catholiques méritants aussi bien qu'à l'autorité épiscopale». «La plupart de ces condottieri de la plume, ajoute-t-il, enrégimentés par Mgr Benigni, étaient des gens peu recommandables». (Cf. Fontaine, p. 125). C'était un «pouvoir irresponsable et occulte, installé dans l'Eglise à côté de la Hiérarchie légitime et la supplantant parfois (Id., p. 126)», un «Système d'espionnage», de «dénonciations secrètes et anonymes» (Id., p. 126).
Remarquons au passage - non sans ironie - que de telles imputations, lorsqu'elles viennent de libéraux, de démocrates, de modernistes, ne sont ni médisances ni calomnies et ne manquent aucunement aux règles ordinaires de la charité chrétienne. Les adversaires de l'Intégrisme pratiquent fort bien ce qu'ils reprochent aux autres de faire ! «Charité et justice quoi qu'il en coûte... aux autres ! ».
Continuant à lire dans Fontaine les griefs de Mgr Mignet, nous voyons qu'il affirme que le système fonctionnait à Paris contre le Cardinal Amette, à Milan, contre le Cardinal Ferrari, à Vienne contre le Cardinal Piffl, à Fribourg, etc... Cela, dit-il, affaiblit l'autorité des évêques : «de toutes parts commençaient à s'élever des protestations contre une situation intolérable autant qu'anormale». (Id., p. 127).
Mais le Modernisme n'avait-il pas, d'abord, créé une situation infiniment plus anormale : l'hérésie ? Valait-il mieux, en admettant le pire (s'il était réel) garder l'erreur et supprimer les défenseurs de la Vérité ? La bonne foi exigerait ce raisonnement. Mais les modernistes n'en sont pas là et les loups accusent toujours les agneaux de troubler l'onde pure... qui n'est, en réalité, qu'eau trouble, et pas très propre !
Il faut remarquer, en effet, que Mgr Mignet fut toujours très... large envers les Modernistes en France, si nous en croyons les Mémoires de Loisy (p. 583-584 index général). En résumé, les Mémoires de Mgr Mignet sont «le réquisitoire officiel du parti moderniste» (L.c., p. 235-236).
En somme :
- les adversaires des directives de Pie X sont aussi les adversaires de ceux qui les suivent, ces directives, et les défendent ;
- «les méchants haïssent toujours ceux qui osent les contrarier ou les découvrir» (L.c., p. 235-236) ;
- le système de terreur, d'intimidation des évêques, de super-gouvernement au-dessus de la Hiérarchie, éliminant le gouvernement régulier de la Curie EST CHOSE COMPLETEMENT ABSURDE (L.c., p. 235-236). Dans le cas Ferrari, par exemple, qui me fut objecté récemment, à Rome même, les archives de la Curie sont pleines de lettres, d'informations, etc... qui n'ont rien à voir avec le S.P. ni avec Mgr Benigni (D'ailleurs «l'assassiné» mourut après son assassin»).
D'ailleurs, la légende du Cardinal Archevêque de Milan mourant de chagrin après sa disgrâce est absolument fausse. Le Pape savait pardonner les erreurs, surtout involontaires, lorsqu'elles étaient avouées. Avant de recevoir Mgr Ferrari - que les circonstances l'empêchaient sagement de voir - il lui faisait dire, très affectueusement : «Je ne lui ai pas pardonné une fois, mais cent fois !»
Cette bonté du Pape était inlassable. Notre document (p. XXV) note, dans les cas Semeria et Genocchi, sa «grandissima indulgenza et longanimita», qui alla jusqu'à veiller au sort d'un prêtre défroqué et à lui servir une rente afin qu'il ne tombât pas dans la misère et pût reprendre enfin conscience.
Quant à l'influence supposée de quelques Cardinaux qui auraient gouverné l'Eglise à la place d'un Pape, saint mais incapable, voici ce qu'en disait Pie X lui-même :
«Il y en a qui répandent le bruit que ce sont trois Cardinaux qui commandent ; ce sont de ces êtres inqualifiables qui ne manquent jamais dans l'Eglise et qui, pour se soustraire à la soumission convenable, veulent se faire une conscience (et pensent) n'être pas obligés (d'obéir) parce que ce n'est pas le Pape qui commande. De tout cela, assez !» (Sum. add., p. 123.)
Enfin, le texte officiel ne mentionne pas toute une catégorie d'adversaires de l'intégrisme : celle des âmes tendres qui pleurent toujours
«sur ce pauvre Holopherne
Si méchamment mis à mort par Judith».
Le tempérament latin aidant - qui soutient le voleur contre la police et se réjouit de voir rosser le gendarme - les modernistes prirent figure de martyrs. Tel est le sentimentalisme générateur d'anarchie et de révolution. La pitié pour les criminels est catastrophique lorsqu'elle se double de haine et de cruauté contre les défenseurs de la Justice et de la Vérité.
- Au fond, toute la littérature des Mignet, Fontaine, Schmidlin et autres, n'avait qu'un but : dénigrer, déprécier Pie X afin d'ôter à ses actes leur valeur décisive.
«On doit déplorer, ajoute le Texte officiel que nous avons suivi dans ce travail, que personne jusqu'à présent n'ait fait une étude sérieuse et documentée de l'activité de ceux qui suivirent les directives de Pie X, parmi lesquels Mgr Benigni, avec tous ses défauts personnels et ses intempérances d'expression, occuperait une place d'honneur». (L.c., p. 237).
***
Après ce jugement, le texte s'achève par un résumé de tout ce qui a été dit sur le sujet.
La cause est entendue et la sentence est prononcée. Les graves objections opposées à la béatification de Pie X ont été vaincues - ou plus exactement annihilées - par cet exposé historique, impartial, objectif. Si le protecteur du S.P. n'a pas été condamné par l'intransigeante S.C. des Rites, il semble bien que ses accusateurs n'avaient pas raison, et que l'œuvre de Mgr Benigni n'était en rien ce monstrueux assemblage des crimes les plus dégradants, les plus répugnants à l'honnête conscience des très vertueux modernistes et modernisants d'alors et d'aujourd'hui.
On s'en doutait bien un peu, déjà. Mais néanmoins, «on» continue encore à parler de l'Intégrisme (toujours vivant ?) en termes sévères. L'article de notre amateur de psychanalyse en est une preuve.
J'en étais là de mes réflexions lorsque la lecture d'un écrit venant de Belgique - encore ! - me montra la raison de la hargne qui se remarque aujourd'hui chez les «néo-chrétiens». L'auteur est un professeur de l'Université de Louvain et un prêtre. Il est certainement bardé de parchemins et il insiste sur sa connaissance professionnelle des âmes pour donner plus de poids à son étude, copieuse : 763 pages en deux volumes, sur «La littérature du xxè siècle et le christianisme».
Non seulement il charge les catholiques de la responsabilité de l'incroyance actuelle des masses ; et des écrivains dont il disserte, non seulement il trace de ces chrétiens coupables un portrait odieux : religiosité romantique, ignare, égoïste, mesquine, sans fondements théologiques, sentimentale, étroite, obstinée et sotte ; non seulement la littérature catholique du siècle dernier et l'enseignement ecclésiastique y sont caricaturés de la façon la plus outrageante ; mais encore il semble bien qu'il ignore tout - ou veut ignorer - de l'existence et des ouvrages des Joseph de Maistre, des Bonald, des Montalembert, des Lacordaire, des Dom Guéranger, des Gerbet, des Frayssinous, des Monsabré, des Janvier, des Blanc de Saint-Bonnet, des Auguste Nicolas, du Cardinal Pie, sans parler du Cardinal Billot, des Pères Pègues, Noël, Garrigou-Lagrange et de tant d'autres qui surent créer par leurs livres et leurs prédications cette élite religieuse dont l'auteur est obligé - illogiquement, à contre-coeur et en passant (obiter dicta) de reconnaître la présence à une époque foisonnant de nouvelles Congrégations religieuses qui, de nos jours, ne peuvent absolument pas être ignorées ; mais il oublie, lui qui blâme la mièvrerie pieuse du xixè s. (finissant en 1914), le sacrifice sanglant des Zouaves Pontificaux, le dévouement des Hospitaliers de N. D. du Salut, de Lourdes, les Conférences de S. Vincent de Paul et cette Œuvre du Calvaire où les femmes de l'aristocratie et de la bourgeoisie soignent les plus horribles cancers ; il n'a jamais entendu parler des combats, lors des Inventaires et de la défense de nos temples, tout ce qui s'est accompli généreusement pour sauver les biens de l'Eglise française, et ces démissions d'officiers, de magistrats, de professeurs qui préférèrent la misère au reniement de leur foi ; et le défilé d'A.F. devant la statue de Jeanne d'Arc, en protestation contre les insultes des Maçons à celle qui a libéré la Patrie, défilé qui, par sa persévérance chaque année, imposa la fête nationale d'aujourd'hui, gagnée par les blessures et les mois de prison de ces catholiques «peureux» et bornés... ; mais plus encore il passe sous silence les œuvres sociales de ce temps-là créées par Albert de Meun, la Tour du Pin, le P. Chevrier, Timon-David, Maignan, pour ne citer que quelques noms ; ces milliers de patronages et de Cercles ouvriers, ramifiés à travers la France et dont la F.G.S.P.F. était le témoin ; œuvres qui ont formé le cœur et l'esprit de plusieurs générations populaires dont les enfants, actuellement livrés aux nouvelles méthodes libératrices, oublient, hélas ! les principes de leurs pères.
Pourquoi cette omission ? Bonnes gens ! les catholiques de ce siècle n'étaient pas démocrates, donc ils n'ont rien fait que du mal. Par ailleurs, il n'a jamais le mauvais goût de faire allusion ni aux «philosophes» du xviiiè s. ; ni à l'athéisme de la Révolution française et à la constitution civile du clergé, ni à la guillotine ; ni à l'athéisme des lois iniques de la IIIè République, surtout à l'école sans Dieu - qu'avec pudeur on qualifie aujourd'hui de : publique - ainsi que les «filles» - ni au divorce et à la séparation de l'Etat et de l'Eglise ; ni à l'action de la Franc-Maçonnerie, source et origine de cette lutte séculaire contre Rome. Il se fait l'écho des calomnies du plus primaire anticléricalisme et, candidement, prête confiance aux théories de héros de romans à thèse dressées contre tout l'enseignement Pontifical.
Et voici qu'il remarque avec horreur «la recrudescence récente de l'intégrisme en France» (p. 194-11) et que «la recrudescence de l'intégrisme suggère à des historiens actuels l'hypothèse d'une réapparition clandestine d'une société apparentée à la trop fameuse Sapinière. Le Vulgärkatholizismus existe toujours». (p. 198, II).
Alors je me suis demandé : Pourquoi cette crainte ? Autant que je puisse être informé, il n'y a plus de Sapinière. Je suis allé questionner, dans le temps, le double docteur psychanalyste qui parlait si fort de l'intégrisme. Il m'a ri au nez. Fort illogiquement, il m'a dit : «Mais c'est fini depuis Pie X !» Hélas ! voici donc que ça recommence ?
Non. C'est un «canular». Mais il n'en reste pas moins que les modernistes et les démocrates, eux, sont demeurés et qu'ils ne peuvent admettre, aujourd'hui comme il y a 60 ans, l'enseignement de Rome. Tout homme fidèle à cet enseignement sera leur adversaire et donc «intégriste».
De là cette haine des enfants du Sillon, comme celle des «fils de la Veuve», contre la Sapinière. Plus démocrates que chrétiens, ils poussent leurs préjugés politiques jusqu'au mensonge par omission, jusqu'à la calomnie contre ceux qui ne sont pas de leur parti. Ecoutez plutôt :
«Le catholicisme «de ghetto» qu'il (R. Martin du Gard) nous décrit comme étant celui de la France à cette époque (1880-1900) a bien réellement existé. Sans doute une vue plus profonde de l'histoire de l'Eglise de France sous la IIIè République lui aurait-elle révélé l'existence d'un catholicisme plus ouvert aux aspirations légitimes du siècle (Il s'agit du catholicisme libéral, cf., p. 200, II) ; seulement ce catholicisme ne parvint pas à se manifester clairement : l'Action Française a bouché l'horizon durant ces années d'avant 1914[13]. Dans la mesure où ce catholicisme peureux et rétrograde existe encore actuellement, les critiques de Martin du Gard restent utiles à méditer». (p. 168 II). Plus loin, note 24, p. 196 II, il remarque avec tristesse : «Je crains que trop de catholiques aient gardé la nostalgie de l'ancien régime». Et encore, p. 199 II : «Jean Barois ne nous présente que des catholiques «réactionnaires», ceux que l'on nomma, d'un terme agaçant (?) mais qu'il faut bien employer, les «gens de la droite». Il faut avouer que cette «intelligentsia» totalement repliée sur elle-même était celle qui faisait le plus de bruit». Enfin, p. 205 : «Pragmatisme politique ou moral, fidéisme, on aura reconnu l'Action Française...»
«La calomnie, monsieur... Mentez... il en restera toujours quelque chose». Ce grave professeur a dû suivre les cours chez Don Basile. Car enfin, cette Action Française poursuivie avec tant d'acharnement, était-elle, oui ou non, hérétique ? Et, oui ou non, un catholique français a-t-il le droit d'être royaliste et donc d'Action Française au moins de cœur, puisqu'il n'y a pas d'autre parti qu'elle de cette nuance ?[14].
Mais prenez garde ! Si vous chantez cette antienne... c'est que vous êtes intégriste ; c'est que vous avez atteint le fond des abîmes de la sottise, de l'obscurantisme et de l'ignorance. Là-haut, dans leurs nuages, il y a les gens intelligents, les plus lourds que l'air, lourds d'honneurs, d'argent et de gloire. C'est vrai.
Mais écoutons S. Pie X :
«Les catholiques libéraux sont des loups couverts de la toison des agneaux : c'est pourquoi le prêtre vraiment prêtre doit dévoiler au peuple confié à ses soins leurs dangereux pièges et leurs mauvais desseins. Vous serez appelés papistes, cléricaux, rétrogrades, intransigeants (Intégristes...)... Vantez-vous en... Soyez forts et obéissez à ce commandement que rappelle Isaïe : Crie et ne t'arrête point, élève la voix comme une trompette et annonce à mon peuple ses scélératesses et à la maison de Jacob ses péchés».
On dira : «Quel dommage que la politique soit mêlée à tout cela !» Peut-être. Mais à qui la faute ? si EN FRANCE la démocratie chrétienne découle des principes de la Révolution de 1789 ? Tout citoyen est électeur. En conscience, il doit faire de la politique. Mais serait-il contraint d'être démocrate parce que chrétien ? Devrait-il se faire hérétique pour rester catholique ? Non sens ! Alors, il sera intégriste ?
Il est compréhensible que pour les néo-modernistes, la Béatification de Pie X, pas plus que les autres décisions de l'Eglise n'ont une valeur déterminante, exigeant l'obéissance et l'acceptation. Comment peut-on parler officiellement, avec des semblances de respect, de la sainteté du Pape de la Pascendi et de Notre Charge Apostolique et, en même temps déclamer contre les désordres, les injustices, les désastres dont il serait responsable aux yeux de l'Histoire et de la conscience humaine ? Cela semble impossible à concilier... et cependant nous entendons encore, nous lisons ces accusations venant de prétendus catholiques. Y aurait-il encore un Modernisme, un Néo-modernisme ? Certes, et la preuve en est donnée par ce réflexe qui les pousse à dénoncer le Néo-intégrisme qu'ils redoutent et dont ils prétendent flétrir les serviteurs fidèles de la doctrine et des directives pontificales[15].
Intégriste ! telle est la nouvelle insulte qui désigne un homme à l'attention de son évêque, qui attache à son nom une note péjorative de délation, d'hypocrisie et de mensonge. Intégrisme ! nouvelle hérésie qu'on ose mettre en parallèle avec le progressisme et que l'on semble considérer comme plus dangereuse encore.
Hérétiques, les intégristes, parce qu'ils croient tout, absolument tout ce que l'Eglise enseigne (même le dogme de l'Assomption, qui fit larmoyer de dépit et vaticiner contre le Pape certains de nos prophètes : François Mauriac, par exemple) ;
hérétiques, parce qu'ils vivent en conformité avec les Lois de Dieu et de l'Eglise ;
hérétiques, parce qu'ils attendent les décisions de Rome avant de se lancer en des nouveautés, en des expériences qui trop souvent, se révèlent, en fait, désastreuses ; parce qu'ils ne sont pas «en pointe» ; parce qu'ils ne renchérissent pas sur toutes les utopies des adversaires de l'Eglise pour avoir l'air «ouvert» et se gagner des sympathies personnelles chez les ennemis de Dieu ;
hérétiques, parce qu'ils continuent à croire au péché originel et à ses suites après le baptême ;
hérétiques, parce qu'ils n'admettent pas le dogme de Jean-Jacques, de la bonté naturelle de l'homme ;
hérétiques, parce qu'ils croient à l'enfer et aux récompenses éternelles ;
hérétiques, parce qu'ils savent qu'aujourd'hui, comme il l'était hier, comme toujours il le sera, l'homme, sur terre, est pêcheur, que ses vices et ses tentations demeurent, qu'il doit vivre pour sauver son âme à la suite du Sauveur Crucifié ;
hérétiques, parce qu'ils ne croient qu'au progrès spirituel de l'homme et ne mesurent pas sa civilisation en hectowatts ou en chevaux-vapeur ;
hérétiques, parce qu'ils rient d'entendre parler de l'Humanité adulte à l'époque où, justement, énervée par le paganisme, fruit du libéralisme, elle se montre d'autant plus grégaire, plus infantilement terrorisée par une civilisation de tortures, et cela dans tous les pays et même en France où dominent ces mêmes apôtres de l'indépendance des peuples et de la dignité humaine ;
hérétiques, parce qu'ils gardent au cœur admiration et reconnaissance pour un passé - le passé de l'Eglise - sans quoi nul présent, nul avenir ne saurait être fécond et vivifiant ;
hérétiques, parce qu'ils veulent conserver la Vérité objective révélée à l'Eglise par Dieu fait homme ; parce qu'ils n'ont pas besoin de ce dieu immanent qu'il se faut créer chaque jour, ainsi que l'enseignait il y a peu de temps, un illustre académicien «chrétien de gauche» : le Dieu que donne l'Eglise n'étant plus seul capable, pour lui et sa secte, de satisfaire leurs puissances de connaître et d'aimer ;
hérétiques, parce qu'ils veulent que la thèse n'oublie pas l'hypothèse et que l'hypothèse n'oublie pas la thèse ; parce qu'ils veulent, en toutes choses, agir en accord avec la Foi et la raison ; parce qu'ils refusent de flatter ni le prince ni le peuple, éloignés également de la courtisanerie et de la démagogie ; parce qu'ils aiment le peuple pour son bien essentiel, qui entraîne les autres avec lui, c'est-à-dire qu'ils le veulent grand dans la vie chrétienne et qu'ils l'aident à la réaliser, corps et âme, à atteindre sa fin surnaturelle en pratiquant ici-bas les vertus sans lesquelles il n'est pas de vrai bonheur humain ;
hérétiques, parce qu'ils refusent tout ce qui est issu du libéralisme, tout ce qui est démo-chrétien, progressiste, crypto-communiste ; parce qu'ils osent résister à l'envahissement de ces mouvements, condamnés dans leur origine ;
hérétiques, parce qu'ils veulent réaliser dans la personne humaine, dans la famille et dans la Cité, les enseignements traditionnels de l'Eglise, contenus en particulier dans les Encycliques des Papes ;
hérétiques parce qu'ils veulent pour l'homme l'équilibre par le haut, venant de Dieu, basé sur Dieu, non l'équilibre par le bas, toujours instable, fondé sur l'égoïsme et l'orgueil de l'individu, quelque nom officiel et gouvernemental qu'il puisse prendre ; parce qu'ils veulent travailler à instaurer l'ordre et l'harmonie des hommes et des peuples, impossible à réaliser en dehors du Christ vivant dans Sa seule Eglise romaine ; parce qu'ils exigent que Dieu règne sur la terre comme au ciel ; parce qu'il ne sont pas «en recherche» de la Vérité qui leur a été donnée par Rome ;
hérétiques, en un mot, parce qu'ils sont catholiques !
Désormais, il en est ainsi : les dépistés, les pourchassés, les condamnés par Pie X sont devenus les catholiques officiels et publics. Jadis le monde désolé s'était réveillé arien. Aujourd'hui la France commence à se rendre compte qu'elle est moderniste, souvent en pensée, presque toujours en actes, c'est-à-dire qu'elle a, selon le mot du saint, dépassé le stade du protestantisme et qu'elle s'avance vers l'athéisme. L'on n'ose plus s'opposer à ce flux d'erreurs et d'hypocrisie. Partout l'on entend les catholiques accuser l'Eglise d'avoir creusé un fossé entre le prolétaire et elle ; partout on lui reproche de ne pas s'être occupé du peuple, au cours de ses deux mille ans d'existence. Ces calomnies intéressées, jetées par des chrétiens à celle qu'ils osent encore appeler leur Mère, voilent à peine l'apologie des réels coupables du désordre actuel : la Révolution de 1789 et ses principes toujours vivants dans les lois infâmes, charte de notre nation, dans cette laïcité, forme pratique de l'athéisme, apostasie officielle de la Fille aînée de l'Eglise. Pour ces prétendus catholiques, tout cela, c'est l'arche sainte qui abrite les libertés et les droits du libéralisme religieux, de la démocratie chrétienne, du socialisme chrétien et des marxistes cachés. Liberté de pensée, égalité de toutes les religions, fraternité avec les ennemis du Christ, avec ceux qui Le tuent dans l'âme des enfants, des simples et des pauvres : tel est le résumé actuel de tout ce qui est, de tout ce qui fut jadis condamné non seulement par Pie IX, Léon XIII, Pie X et Pie XI, mais aussi encore et récemment par S. S. Pie XII, dans l'Encyclique Humani generis, soigneusement étouffée, d'ailleurs, et passée sous silence.
Au spectacle de cette lamentable, de cette effrayante absurdité du mal, certaines âmes se révoltent contre sa tyrannie et se rejettent vers Rome. Elles mettent leur espoir de salut pour leur patrie en Celui qui possède la Vérité. Les réactions de l'homme devant le mensonge et l'erreur délibérés, celles qui animaient Mgr Benigni et le S. P. ne sont pas, Dieu merci ! annihilées par l'anesthésie mortelle de ce temps. La Vérité engendre des passions vives : l'amour et l'enthousiasme, parfois aussi la colère et la violence. Elle combat à visage découvert, ce qui, trop souvent lui vaut des échecs devant la dissimulation, le froid calcul, la patience haineuse, la calomnie, le mépris, le ridicule, les insinuations, les fausses citations, les textes tronqués, le dénigrement et l'insulte dont use l'Adversaire qui sait employer tout ce qui peut, dans l'ombre, étouffer, désarmer, assassiner une âme, une réputation, une personnalité. La tirade de Don Basile n'a pas été entendue en vain. Elle a fait école. Son auteur s'y connaissait, lui qui était justement l'un de ces beaux esprits «philosophes» qui préparèrent la Révolution française «dont nous sommes tous si fiers», comme le disait en séance publique un prêtre que je connais.
Oui, pourquoi la Vérité n'userait-elle pas du secret, aujourd'hui comme au temps de Mgr Benigni ?
Benoît XV ne voulait plus qu'on employât les termes : intégrisme, intégriste. Pourquoi les disciples de Loisy et de «l'Apôtre Marc» reprennent-ils ces mots sinon pour marquer, sans le vouloir, leur pensée réelle et s'avouer modernistes ? Car il n'est plus besoin de distinguer les catholiques orthodoxes des autres par une désignation spéciale. Ils conservent celle de catholique, alors que, en dehors d'eux, il y a des «chrétiens», puisque ainsi se nomment eux-mêmes ceux qui ont dépassé le protestantisme, les adeptes de cette secte qui prétend être toujours attachée à Rome, alors qu'en réalité elle n'en a plus ni les dogmes ni l'esprit. Néanmoins, si ces gens veulent continuer à parler d'intégrisme et d'intégristes, chacun comprendra de qui il s'agit et les classera, eux, parmi les hérétiques, adversaires masqués de la puissance pontificale et du Verbe éternel qu'elle n'a cessé de proférer depuis sa venue en ce monde. Le mot intégriste» n'est donc pas une insulte. Il n'y a pas à en rougir : c'est un brevet de parfaite orthodoxie qui doit combler d'honneur celui à qui on le décerne.
La lecture du Document officiel, que nous avons présenté en ces pages, ce texte destiné à la justification de Pie X, en même temps que lui justifie ceux qu'il bénissait comme de bons défenseurs de la Cause de Dieu, ceux que nous voudrions imiter, ceux dont le titre était une insulte qui devient maintenant un hommage. Puissent le comprendre, leurs adversaires d'hier et d'aujourd'hui ; puissent-ils, éclairés par cette étude d'un texte décisif, connaître leurs erreurs et revenir à la seule Doctrine qui sauvera le monde : celle de Rome, de la Tradition, celle de Pie X, celle du Crucifié divin.
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[1] http://www.virgo-maria.org/articles_HTML/2006/010_2006/VM-2006-10-19/VM-2006-10-19-A-00-L_abbe_Lorans_compromet_Mgr_Fellay.htm
[2] cf. http://www.virgo-maria.org/articles/2006/VM-2006-10-10-A-00-Appel_aux_quatre_eveques_de_la_FSSPX.pdf
[3] Aux Etats-Unis, la duplicité de Mgr Fellay et du petit clan (abbés Schmidberger, Lorans, Sélégny, de La Rocque,etc) du ralliement dont il s’est entouré, est désormais évidente et très connue, elle suscite déjà une très forte réaction dans le monde anglophone et qui va en s’intensifiant tant le scandale est grand. Plusieurs sites traditionalistes américains viennent de signaler l’apparition d’un Blog qui publie un appel solennel aux trois évêques (Mgr Tissier de Mallerais, Mgr de Galaretta et Mgr Williamson) afin qu’ils se prononcent publiquement pour rétablir la FSSPX dans la fidélité aux principes de Mgr Lefebvre et pour l’arrêt de toute relation avec la Rome moderniste tel que l’avait décidé l’archevêque après les sacres de 1988. A peine né sur internet, ce Blog fourmille de commentaires tantôt signés ou tantôt anonymes. Nous invitons nos lecteurs à y apporter leur contribution. La supercherie sacrilège du « Bouquet spirituel » suivie de la révélation de l’existence de la lettre cachée de Hoyos à Mgr Fellay en juin 2006 a fait éclater le mensonge public de ce dernier. Son crédit sort désormais ruiné de la révélation de son double discours (un discours vrai pour les journalistes et un autre fallacieux pour l’intérieur de la FSSPX) tenu afin d’abuser les fidèles et les clercs et de les entraîner avec rouerie depuis plus d’un an, et d’un commun accord avec Ratzinger, dans un « processus » de ralliement « par étapes ».
Voici l’adresse de ce Blog, puisse cette initiative en susciter de nombreuses autres !
http://www.ipetitions.com/petition/NoAgreementWithModernistRome/
[4] «Nous exhortons au nom de Dieu nos chers fils, les compagnons du Sodalitium Pianum, à continuer leur œuvre bien commencée, eux qui combattent le bon combat de la foi, surtout contre les erreurs multiformes du modernisme et ses ruses ; implorant Dieu en leur faveur, nous leur accordons très affectueusement la Bénédiction Apostolique».
[5] «Nous exhortons dans le Seigneur nos chers fils, compagnons du Sodalitium Pianum qui ont si bien mérité du catholicisme, à continuer le bon combat pour l'Eglise de Dieu et le Saint Siège contre les ennemis intérieurs et extérieurs, et, demandant à Dieu, pour eux et leur Institut, tout ce qui leur est favorable et salutaire, nous leur accordons très affectueusement la Bénédiction Apostolique».
[6] «J'ai présenté au Saint Père le programme par quoi les excellents membres de la «Direction du Sodalitium Planum» visent à réunir dans un même but, avec un Comité romain, des groupes divers de catholiques qui, partageant un même sentiment de la foi catholique, entière et inconditionnelle, selon les directives du Saint Siège, sont ça et là, en Italie ou à l'étranger, réunis en groupes familiers et amicaux, ou en comités ou en autres organisations pour agir de façon catholique.
«L'idée de cette fédération a plu à Sa Sainteté et a été trouvée opportune, soit pour conserver les groupes divers et les associés de ces mêmes groupes dans le zèle de la foi et de la profession catholique et dans leurs projets, soit pour mettre en leur âme ce courage et cette force que donne l'union, afin de pouvoir toujours mieux travailler au bien de l'Eglise et de la société chrétienne.
«Pour ces motifs, le Saint Père approuve, et bénit cette initiative, et fait le vœu qu'elle puisse s'accomplir pour la plus grande gloire de Dieu et pour le bien des âmes, se réservant d'examiner en son temps les statuts et de les approuver dans les formes dues par l'intermédiaire de la Sacrée Congrégation Consistoriale».
[7] «Nous demandons au Seigneur, en reconnaissance envers nos chers fils, et pour leur récompense, tout ce qui leur est favorable et salutaire ; et en témoignage de notre exceptionnelle bienveillance, nous leur accordons très affectueusement la Bénédiction Apostolique».
[8] «Rome, 3 août 1915.
«Très Révérend Seigneur,
«Après avoir lu les deux règlements du Sodalitium Planum, le général et celui de la Diète, il ne me semble pas que Votre Révérence doive trouver obstacle à une œuvre qui, si elle conserve son bon esprit de dévotion et d'obéissance au Saint Siège, ne pourra que faire du bien
«Sans donc que soit concédée l'approbation formelle et explicite. Elle peut continuer l'œuvre entreprise qui ne manquera pas de la bénédiction du Seigneur, puisqu'elle a pour objet Sa gloire».
[9] «Sacrée Congrégation du Concile. Rome, le 25 novembre 1921 ;
«Très Révérend Monseigneur,
«...et après avoir pris les ordres du Saint-Père, les membres de cette Sacrée Congrégation estiment opportune, DANS LES NOUVELLES CIRCONSTANCES ACTUELLES, la dissolution du Sodalitium Planum...»
[10] «...Si nous sommes frappés d'une douleur, sans doute naturelle, par la fin de notre Sodalitium, c'est joyeusement en Dieu que nous remarquerons que la raison de la décision de la Sacrée Congrégation est dans «les nouvelles circonstances actuelles», et non pas dans notre faute. D'où les calomnies sont détruites par cela même. Christus vincit».
[11] Barbier : Histoire du Catholicisme libéral et du Catholicisme social en France, V. 227, cité par Disquisitie, p. 206.
[12] Note 2006 : MAURRAS.
[13] Comment l'A.F. a-t-elle pu gêner Jean Barrois en 1900, puisqu'elle n'existait pas encore ? «Comment l'aurai-je fait si je n'étais pas né ?»
[14] Je suis d'autant plus libre pour parler ainsi que je ne suis adhérant à aucune formation ou parti politique.
[15] La preuve de l'existence actuelle du modernisme n'est pas à faire en 1974.