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Gaude, Maria Virgo, cunctas hæreses sola interemisti.
(Tractus Missæ Salve Sancta Parens)
samedi 11 novembre 2006
Ce message peut être téléchargé au format PDF sur notre site http://www.virgo-maria.org/.
Un transfuge excommunié du début de l’œcuménisme,
l’abbé Hyacinthe Loyson (1827-1912)
Suite de l’enquête sur les réseaux subversifs de l’anglicanisme à la fin du XIX° siècle.
Voyage au cœur de la subversion cléricale
DOCUMENT PDF de l’étude téléchargeable depuis http://www.virgo-maria.org
Le CIRS (Comité international Rore Sanctifica) nous communique ce texte. Ce texte est une composition qui reprend, à titre de témoignages, des écrits de membres de l’Eglise Gallicane et qui n’engagent que leurs auteurs du site http://www.gallican.org. Le CIRS n’adhère absolument pas aux conceptions des auteurs de ces témoignages, mais y voit bien des preuves de la subversion cléricale déjà à l’œuvre dans l’Eglise et dans les milieux religieux à la fin du XIX° siècle.
Ce texte exhume des faits historiques importants et méconnus. Il vient illustrer les recherches du CIRS sur les milieux précurseurs de l’œcuménisme et sur les premières tentatives anglicanes dans l’élaboration de l’attaque contre l’Eglise catholique, son Sacerdoce et ses rites dès le XIX° siècle.
Alors qu’à l’automne 2006 la Rome des antichrists prépare le traquenard par lequel elle espère capturer et dissoudre la FSSPX, c’est-à-dire l’œuvre de sauvegarde du Sacerdoce catholique fondée par Mgr Lefebvre, ces témoignages historiques de la subversion cléricale doivent être médités. Déjà les ecclésiadéistes succombent au plan de Ratzinger désormais appuyé par les pseudo-évêques de France réunis à Lourdes. Leur calcul est bien d’accorder une certaine réhabilitation du rite de Saint Pie V, ou plutôt du rituel latin déjà adultéré par Roncalli-Jean XXIII en 1962, afin d’obtenir une acceptation du concile Vatican II par la FSSPX, « sous des formes appropriées », et ensuite d’en prendre le contrôle.
Ce calcul suppose une collaboration active de Mgr Fellay et de son petit clan de rallieurs afin d’organiser une confusion inextricable des Sacerdoces, le valide, seul véritable sacerdoce catholique de la Nouvelle et Eternelle Alliance, et l’invalide, pour mieux exterminer le premier par cette confusion organisée avec le second.
A ce propos, nous n’avons pour l’instant toujours que le mensonge public de Mgr Fellay du 12 octobre 2006, et, à notre connaissance aucune réponse n’a été encore apportée à la lettre ouverte solennelle aux quatre évêques[1], ces derniers s’obstinant toujours à se murer dans un silence mortel sur cette question vitale pour tout catholique authentique.
Cette lettre ouverte qui concerne tout catholique qui veut conserver des sacrements certainement valides, comme l’a voulu Mgr Lefebvre, appelle une réponse des évêques et devrait faire l’objet d’une publication dans la presse.
Continuons le bon combat
Abbé Michel Marchiset
Communiqué du CIRS du 10 novembre 2006
Après notre communiqué sur la destitution de l’abbé Portal par le cardinal Merry del Val[2], nous abordons ici une nouvelle figure d’une génération antérieure à l’abbé Portal, il s’agit de l’abbé Hyacinthe Loyson.
Signalons que Hyacinthe Loyson, quitta l’Eglise catholique lors de la proclamation du dogme de l’infaillibilité pontificale à Vatican I.
Ce prêtre apostat rédigea la préface de l’ouvrage d’Elie Benamozegh, Israël et l’humanité, édité en 1914 par les soins d’Aimé Pallières, son disciple. Benamozegh, rabbin kabaliste de Livourne en Italie, fut un théoricien du noachisme. Il a exercé une influence souterraine importante au XX° siècle. Aimé Pallières, le disciple de Benamozegh, a bien connu Hyacinthe Loyson et Paul, le fils de celui-ci, ainsi que la femme de l’abbé excommunié. Pallières consacre deux chapitres (XVIII et XIX) et deux annexes (I et II) de son ouvrage, Le Sanctuaire inconnu, à Loyson qu’il essayait de détourner d’un attachement aux sacrements :
« il était encore beaucoup trop catholique de sentiment pour imaginer que la fréquentation des sacrements fût possible sans la foi entière qu'ils exigent du fidèle. » Aimé Pallières, Chapitre XIX
Mais ce qui nous intéresse ici, c’est plutôt l’action de Loyson pour l’œcuménisme et ses liens avec les milieux anglicans. Frappé de l’excommunication majeure le 10 octobre 1869, Loyson va multiplier les contacts les plus divers et les voyages avant d’ouvrir en mars 1878 une église gallicane à Paris, avec l’appui de l’archevêque anglican de Canterbury.
Le 10 août 1879, le Père Hyacinthe participe à une réunion œcuménique à Berne (Suisse), à laquelle participe un dignitaire anglican, le pseudo-évêque Mgr Henry Cotteril. L’Eglise anglicane lui proposera la consécration épiscopale (dans son rite anglican invalide), ce qui en dit long dans la confiance qu’elle place dans ce religieux excommunié, afin de développer sur le sol de France une Eglise gallicane qui puisse concurrencer l’Eglise catholique. Finalement, plus prédicateur que pasteur et homme d’action, Loyson refusera la proposition.
En 1879 il s’est alors écoulé quatre ans depuis que le cardinal Franzelin ait remis son Votum au Saint-Office et que celui–ci ait développé l’argumentaire du rejet de la validité des Ordres anglicans.
Dix ans plus tard, en 1889, aura lieu la rencontre de Lord Halifax (membre de la famille royale britannique et haut dignitaire des loges maçonniques illuministes anglaises) et de l’abbé Portal (prêtre Lazariste) à Funchall sur l’île de Madère au large du Maroc.
Le noble anglican y sera accompagné par Edouard, futur ministre des affaires étrangères de Sa Majesté. A partir de cet évènement déclencheur va être initiée un fil d’évènements, impliquant les agents de l’anglicanisme, qui s’achèvera en 1895 par une tentative de faire reconnaître la validité des Ordres anglicans par Léon XIII, alors que le cardinal Rampolla était Secrétaire d’Etat et Gasparri membre actif de la commission nommée à cet effet. Nous savons que cette tentative a échoué et même produit le résultat inverse : la condamnation des Ordres anglicans en 1896, par la bulle Apostolicae Curae, dans laquelle le Pape Léon XIII a engagé son infaillibilité.
Le 3 décembre 1883, la république maçonnique du Président Jules Grévy et de son ministre de l’Intérieur Waldeck Rousseau va autoriser officiellement la chapelle gallicane de la rue d’Assas à Paris (à deux pas de l’Institut catholique de Paris).
Finalement les responsables de l’Eglise vieille catholique vont en venir à considérer Loyson comme « trop œcuménique ». A partir de 1887, ils reprennent la main sur les lieux de culte, et ce n’est qu’en 1928, qu’est fondé, sous direction française, le « siège patriarcal » (sic) de Gazinet, par leur prélat, Mgr Giraud.
Il est très significatif d’observer la rapidité avec laquelle cet ancien religieux carme va faire naufrage dans la Foi pour passer d’une profession de foi catholique très libérale à la révolte, puis au rejet de la foi catholique romaine et aux fréquentations les plus œcuméniques.
Alors que les soubresauts de la Tradition catholique de ces derniers mois depuis 2004 ont donné lieu à des expulsions de la FSSPX, suivies cet été de l’érection d’un nouvel institut (Institut du Bon Pasteur) au prix de la soumission à Vatican II, cette versatilité des clercs n’a rien de si nouveau, mais reçoit ici l’éclairage d’une page d’histoire bien réelle.
L’apostasie de l’abbé est, comme bien souvent, habillée sous les dehors de raisons naturelles et surnaturelles les plus séduisantes. Cible de Louis Veuillot dans l’Univers, Loyson se veut l’apôtre de la paix, il prétend attirer plus d’âmes, il a la suffisance de prétendre revenir aux véritables valeurs évangéliques. Autant de slogans qui, un siècle plus tard, sont devenus depuis 1962, des poncifs éculés dans la bouche des réformateurs de Vatican II, dont nous avons pu constater les effets calamiteux durant ces décennies, et que nous commençons à entendre, non sans éveiller notre légitime inquiétude, dans la bouche des clercs de la FSSPX qui prônent aujourd’hui un « processus de réconciliation », alors même que la question de l’invalidité des consécrations épiscopales depuis 1968 est ouverte et béante, et que notre Comité a apporté tous les documents et les études suffisants pour conclure. Les panégyriques de l’abbé Loyson par ses propres disciples et que nous reproduisons ici montrent bien cette mystification qui tend à présenter celui qui n’est qu’un religieux excommunié déchu et révolté, comme un homme d’une spiritualité et d’une vie chrétienne très élevée.
A la lecture du missel gallican de 1891 qu’il a préfacé, l’abbé Loyson prend l’allure d’un précurseur de Vatican II et de la réforme liturgique du Lazariste et franc-maçon Annibale Bugnini et du Novus Ordo Missae de 1969. Ce missel gallican sera codifié en 1928 par Mgr Giraud.
Loyson se fait un partisan de la messe en vernaculaire (français) et administre la communion sous les deux espèces. L’échange du baiser de paix et l’absolution générale des péchés lors de la messe sont des pratiques de l’Eglise gallicane. Ces mêmes pratiques ont été développées dans l’Eglise conciliaire depuis 1969. Loyson, précurseur, demande également l’abandon du célibat pour les prêtres, sur ce point il rejoint les propositions les plus progressistes d’aujourd’hui, alors même qu’une partie du clergé conciliaire actuel vit avec une femme dans la discrétion[3]. Sur ce sujet, il est utile de rappeler ce qu’en écrit Aimé Pallières dans son ouvrage Le Sanctuaire inconnu, alors qu’il dépeint l’exécration qu’éprouve Paul Loyson, le fils de l’abbé Hyacinthe, à l’égard de l’Eglise romaine. L’épisode concerne la publication d’une biographie de l’abbé Charles Perraud, un disciple du Père Gratry, autre opposant au dogme de l’infaillibilité pontificale :
« Paul Loyson de son côté apportait dans l'affaire des préoccupations bien différentes. Personne ne contestera la noblesse de sa nature et la fougue généreuse avec laquelle il se portait à la défense de ce qu'il considérait comme la vérité. Certes, il y avait dans son caractère, qu'il s'agisse de littérature ou de politique, de sentimentalité ou de patriotisme, une exagération fébrile et, avec cela, une intransigeance, une âpreté peu attirantes et qui ne laissèrent pas cependant de lui valoir de durables amitiés. Mais ce n'est pas un mystère non plus que son évolution s'était faite dans un sens nettement anti-chrétien et qu'il nourrissait en particulier à l'égard du catholicisme une hostilité marquée, d'autant plus inexplicable que son enfance avait été pétrie de tradition catholique et qu'il professait un culte pour son père dont la tendresse pour l'Eglise imposait tout au moins une certaine réserve. Paul Loyson voyait donc dans les révélations sur la vie de Charles Perraud une manœuvre de guerre contre Rome, comme disait Mgr Lacroix, et cela suffisait pour qu'il désirât la publication de la brochure. Mme Loyson, d'abord hésitante, finit par se joindre à son fils, dans la persuasion qu'il y avait là une documentation en faveur du mariage des prêtres.» Aimé Pallières, Le Sanctuaire inconnu, Annexe I
Voici donc la biographie de l’abbé Loyson, suivie de textes de ses disciples. Ces témoignage extraits du site de l’Eglise gallicane et rédigés par des membres de cette institution, révèlent un esprit d’opposition à l’Eglise catholique et ils montrent à quel point dès la fin du XIX° siècle, l’abbé Loyson fut un précurseur de la subversion cléricale de Vatican II.
Comité international Rore Sanctifica
Textes de présentation de l’abbé Hyacinthe Loyson
Charles Loyson, plus connu sous son nom religieux Père Hyacinthe, né à Orléans le 10 mars 1827, mort à Paris en 1912, est un prêtre et un prédicateur français. On le connaît plus particulièrement pour ses sermons à Notre-Dame de Paris.
Il était le fils d'un professeur du collège d'Orléans, qui fut ensuite nommé recteur d'académie dans les Basses-Alpes. Il était proche parent de son parfait homonyme, le poète Charles Loyson.
Il fit, en même temps que son frère Jules, ses études au collège de Pau en qualité de boursier, entra en 1845 au séminaire de Saint-Sulpice et fut ordonné prêtre quatre ans plus tard. Successivement professeur au séminaire d'Avignon et de Nantes, puis, vicaire à Saint-Sulpice, il finit par prendre la robe de dominicain, devint aumônier à la fameuse Abbaye-école de Sorèze et fut distingué par Lacordaire, qui le prit en amitié et qui disait parfois : « C'est Loyson qui me remplacera. »
On ne sait trop pourquoi il quitta Sorèze. Toujours est-il qu'il partit pour Rome, s'enferma environ deux ans à la Trappe, puis revint en France et, après un noviciat à Lyon, entra dans l'ordre des Carmes en 1860 et prononça ses vœux. Ce fut alors qu'il adopta le nom de Père Hyacinthe, alors que chez les dominicains il avait pu garder son nom.
Son existence se serait écoulée avec la monotonie cléricale, s'il n'avait fait montre de ses talents oratoires, d'abord lors d'une retraite qu'il prêcha au lycée de Lyon en 1862, puis dans diverses chaires de province : l'Avent de 1863 à Bordeaux, le Carême, l'année suivante, à Périgueux, et enfin à Paris, où il se fit entendre au cercle catholique de la rue Cassette, puis à la Madeleine, où ses sermons eurent un brillant succès devant un auditoire élégant et mondain. Il prêcha en 1866 dans l'église Saint Louis des Français à Rome. L'originalité un peu théâtrale de son éloquence, son lyrisme exubérant, les sujets souvent scabreux qu'il se plaisait à traiter, tout, jusqu'à son costume de moine, charmait l'assistance qui voyait en lui un successeur de Lacordaire.
Bien que, par ses tendances vaguement libérales et son mysticisme romanesque, il causât quelque inquiétude aux ultramontains, il fut choisi par l'archevêque de Paris, Mgr Darboy, pour la prédication de l'Avent 1864 à Notre-Dame, mission qu'il remplit pendant cinq années consécutives à cette chaire prestigieuse et enviée où s'étaient succédé des prédicateurs célèbres : Lacordaire, l'Abbé de Ravignan, le Père Félix, et où lui-même obtint un succès bruyant. Il aborda les sujets les plus variés, certains, classiques, traitant de théologie, de dogmes ou de symbolique chrétienne, d'autres de questions politiques, tels que l'origine du pouvoir, le caractère de la société civile, la souveraineté populaire et le droit divin, la paix, la guerre, d'autres enfin, plus inhabituels pour l'époque, de questions intimes ou quotidiennes, tels que l'amour conjugal, le mariage, la famille, la virginité, le rôle des courtisanes dans la société moderne. Il combattit aussi les idées ou doctrines nouvelles, qui rejetaient le surnaturel et la révélation et qui ne prenaient que l'expérience, la conscience et la raison pour critérium. À ces occasions, il montra de la vigueur dans ses polémiques contre la « morale indépendante » (Avents de 1865 et 1866), le positivisme, le rationalisme et le matérialisme.
Mais, à cette époque, la tâche d'un prédicateur aussi en vue n'était pas facile, Lacordaire en avait fait l'expérience avant lui. Malgré le succès rencontré, ses sermons ne plurent pas à tous. Certains sujets abordés, ses tentatives de concilier la raison et la foi, ou le dogme et la philosophie, ses échappées de libéralisme, ses concessions aux idées modernes irritèrent les ultramontains. Il fut l'objet d'attaques très dures de la part de Louis Veuillot dans le quotidien catholique l'Univers. Accusé d'hérésie, il fut victime de dénonciations, auprès du général de son ordre et du Saint-Siège. Il fut appelé à Rome et tout porte à croire qu'il y reçut un avertissement.
Mais cela ne refroidit pas son ardeur. Le 24 juin 1869, invité au congrès de la ligue de la Paix, il y parla avec modération des protestants et des juifs. Il prononça également un discours retentissant contre la guerre : « Tu ne tueras point, dit le commandement éternel ! s'écriait-il, mais condamne-t-il seulement l'homme lâche et cruel qui suit sa victime dans l'ombre et lui enfonce un couteau dans le cœur ou lui brûle la cervelle avec un pistolet ? Le meurtre n'est-il plus un crime quand il se commet en grand et qu'il est le fait d'un prince ou d'une assemblée délibérante ? » et il osait ajouter : « Vous n'avez qu'à appliquer aux peuples la morale des individus et à renverser cette barrière du mensonge: une morale pour la vie privée et une morale pour la vie publique. ». Cet œcuménisme et ce pacifisme firent scandale dans l'Église et augmentèrent les inimitiés qui ne cessaient plus de le harceler.
Fatigué d'humiliations, de calomnies et d'attaques venimeuses, il sentit à la fin se révolter sa dignité d'homme. Après bien des combats intérieurs, sans doute, il se décida à une rupture éclatante. Le 20 septembre 1869, il adressa au général de son ordre, au pape et aux journaux une lettre qui eut un grand retentissement, et dans laquelle, en rappelant « les attaques ouvertes et les délations cachées » dont il avait été l'objet, il accusait les « menées d'un parti tout-puissant à Rome », et déclarait qu'il ne remonterait plus dans la chaire de Notre-Dame, parce qu'on voulait lui imposer « un langage qui ne serait plus l'entière et loyale expression de sa conscience, une parole faussée par un mot d'ordre, ou mutilée par des réticences ». Il annonçait en même temps qu'il s'éloignait de son couvent et, désignant le dogme de l'infaillibilité pontificale qui se préparait et qu'il n'approuvait pas, il protestait devant le pape et devant le concile œcuménique qui allait se réunir « contre ces doctrines et ces pratiques qui se nomment chrétiennes, mais qui ne le sont pas, et qui, dans leurs envahissements toujours plus audacieux et plus funestes, tendent à changer la constitution de l'Église, le fond comme la forme de son enseignement et jusqu'à l'esprit de sa piété." ».
Le Père Hyacinthe était alors supérieur des carmes déchaussés de Paris. Quelques jours après, Mgr Dupanloup, évêque d'Orléans, écrivait à son « cher confrère », le moine insurgé, une lettre pompeuse pour l'inviter à aller se jeter aux pieds du Saint-Père ; mais il n'en reçut qu'une courte réponse qui peut se résumer dans cette phrase : « Ce que vous appelez une grande faute commise, je l'appelle un grand devoir accompli. »
Redevenu simplement l'abbé Loyson et frappé de l'excommunication majeure depuis le 10 octobre 1869, il partit presque aussitôt pour un voyage aux États-Unis. Il y fut accueilli par des ovations, et il fit quelques conférences qui eurent un chaleureux succès. De retour en France, il se retira à Bouillac. Le 30 juillet 1870, il publia une lettre dans laquelle il protestait contre les décisions du concile et contre « le prétendu dogme de l'infaillibilité du pape, inconnu de toute l'antiquité ecclésiastique et qui introduit un changement radical dans la constitution de l'Église et dans la règle immuable de sa foi. »
Après avoir vu, selon son expression, « passer les deux absolutismes qui avaient si lourdement pesé sur l'Église et sur le monde, l'empire des Napoléons et le pouvoir temporel des papes, » il se rendit en Italie en mars 1871 et passa quelques mois à Rome. Là, bien qu'excommunié, il reçut la communion à la Basilique Saint-Pierre, et continua à attirer sur lui l'attention publique en publiant diverses lettres dans les journaux, notamment une lettre à son ami le chanoine Döllinger, chef de la secte des vieux-catholiques (26 avril 1871), une autre sur la Commune de Paris (29 mai), une troisième au sujet de la pétition des évêques à l'Assemblée nationale (22 juin). Le 7 juillet suivant, il faisait acte d'adhésion complète à la déclaration signée à Munich par les vieux-catholiques, « convaincu, disait-il, que ce grand acte de foi, de science et de conscience sera le point de départ du mouvement réformateur qui seul peut sauver l'Église catholique. »
Peu après, il se rendit auprès de Döllinger, et en septembre, il assista au congrès de Munich, où il prononça des discours. À la fin de cette même année (23 décembre), il reprocha amèrement au Père Gratry son adhésion au dogme de l'infaillibilité, qu'il avait si vivement combattue.
Le 25 janvier 1872, il fit paraître à Rome le premier numéro d'un recueil hebdomadaire, l'Espérance de Rome, recueil rédigé en français et destiné à devenir l'organe des vieux-catholiques, et il donna quelques conférences traitant de questions dogmatiques et disciplinaires avant de rentrer à Paris.
Il annonça alors, dans une lettre publiée par les journaux, qu'il renonçait au célibat et que le mariage s'imposait à lui « comme une de ces lois de l'ordre moral auxquelles on ne résiste pas sans troubler profondément sa vie et sans aller contre la volonté de Dieu » (25 août). Il se rendit alors à Londres , où il épousa, le 3 septembre, à Westminster, une Américaine qu'il avait convertie au catholicisme, Mme Émilie Jane Butterfield, veuve Merriman, âgée de trente-cinq ans, Loyson est âgé de quarante-cinq ans. Après ce mariage, il n'en continua pas moins à célébrer la messe et à protester de sa parfaite orthodoxie, qualifiant sa décision de premier pas vers une réforme de l'Église.
Appelé à Genève au commencement de 1873 par des catholiques libéraux, il s'y rendit au mois de mars. Il célébra sa première messe à Pâques, le 13 avril, dans la salle de lecture de la bibliothèque du Collège Calvin. Le 17 août il célébra sa première messe en langue française. Il donna également des conférences, déclarant, par exemple dans un sermon qu'il prononça le 4 mai 1873, que la confession obligatoire était essentiellement immorale. Cependant, en août 1874, il renonça à la cure de Genève qu'on lui offrait, car, affirma-t-il, l'Église catholique-nationale « ne devait être ni libérale en politique, ni catholique en religion ». Il ne continua pas moins à combattre pour le mouvement vieux-catholique, attirant les masses par ses sermons à Genève puis à Paris.
En mars 1878, il fonda à Paris l'Église gallicane, une Église catholique indépendante, soutenue par l'Église anglicane en la personne de l'archevêque de Canterbury. Le 9 février 1879 une chapelle fut inaugurée rue Rochefort, dans le IXème arrondissement de Paris.
« L'idée d'une Eglise de France indépendante fait son chemin. L'idéal gallican du Père Hyacinthe souhaite en effet favoriser la prise d'identité des Eglises locales. Il est œcuménique. Le 10 août 1879 a lieu une réunion à Berne (Suisse) sur le thème de l'inter communion.
Y participaient: Mgr Edouard Herzog, évêque de l'Eglise Catholique-Chrétienne de la Suisse, Mgr Joseph Reinkens, évêque de l'Eglise Catholique Indépendante d'Allemagne (équivalents suisse et allemand de l'Eglise Gallicane - fondées en réaction au concile du Vatican de 1870), Mgr Henry Cotteril, évêque de l'Eglise Anglicane, le R.P. Hyacinthe Loyson, pour l'Eglise Gallicane.»
Rapidement trop petite, une nouvelle chapelle d'une capacité de 1500 fidèles fut ouverte le 6 mars 1881, rue d'Arras, toujours à Paris. Un décret du 3 décembre 1883, signé par Jules Grévy et son ministre de l'Intérieur Waldeck-Rousseau, autorisa le fonctionnement de cette chapelle, tout en ne reconnaissant pas le caractère officiel de la nouvelle religion.
« Sur le plan juridique, la situation de l'Eglise Gallicane est jusque là illégale, mais du fait de sa très grande notoriété le Père Loyson est quasiment intouchable. A la demande de trois amis du Père Hyacinthe, membres du Conseil Directeur de la paroisse, le Président de la République autorise le fonctionnement légal de la chapelle gallicane sise rue d'Arras à Paris. L'Etat ne peut reconnaître le culte catholique-gallican[5]. (…) En revanche, le Président de la République peut autoriser la célébration d'un culte public non reconnu par l'Etat.
En fait, Jules Grevy et son Ministre de l'Intérieur Waldeck Rousseau contournent la loi pour répondre à l'attente »[6] des fidèles attachés au gallicanisme.
« Ce décret eut-il une influence sur la future loi de 1905 dans laquelle la République déclara ne plus reconnaître, salarier et subventionner aucun culte ? C'est une hypothèse à considérer. »[7]
C’était, vingt-deux ans avant que, le 9 décembre 1905, les parlementaires français promulguent la loi de séparation de l'Eglise et de l'Etat.
L'église de la rue d'Arras se dota d'un nouveau vicaire, l'abbé Georges Volet, issu de l'Église Catholique Chrétienne de Suisse. Le 3 mars 1893, le Père Hyacinthe se démit de toutes ses fonctions à l'intérieur de son Église, laissant Mgr Gul, archevêque de l'Église Vieille-catholique de Hollande, prendre possession de la paroisse parisienne.
« Le décret du 3 décembre 1883 laissait entrevoir d’immenses possibilités pour le développement de l'Eglise gallicane. L'autorisation de Jules Grevy aurait pu être étendue à d'autres paroisses (celle de l'Abbé Junqua à Bordeaux par exemple), à de futures chapelles constituées »[8]
Le Père Hyacinthe, ayant toujours refusé la consécration épiscopale proposée par l'Église Anglicane, ne put ordonner de nouveaux prêtres, condamnant ainsi son mouvement à la marginalisation.
« Sans au moins un évêque pour l'administrer l'Eglise Gallicane ne pouvait se développer: impossible pour elle d'ordonner de nouveaux prêtres, de mettre en place la nécessaire structure (formation des clercs, statut des paroisses, coordination du clergé, etc).
Qu'advint-il alors de l'oeuvre du Père Loyson ? Environ un an après le décret du Président de la République, l'illustre prédicateur envisagea de se démettre de sa charge de recteur de la grande paroisse gallicane de Paris. Les fidèles et son Conseil de direction le persuadèrent de rester en fonction.
Mais l'arrivée en 1887 d'un vicaire ordonné par la Suisse (Abbé Volet) poussa le Père Hyacinthe vers la sortie. On lui reprocha son mariage contracté en 1872 et ses idées oecuméniques.(…)
Le 3 mars 1893 le Père Hyacinthe fut obligé de démissionner. Le 1er mai, Mgr Gul, archevêque de l'Eglise Vieille-Catholique de Hollande prit possession de la paroisse parisienne ex-gallicane au nom de l'Union d'Utrecht. Mais des divergences naquirent parmi les fidèles. La communauté se scinda en deux blocs. Une moitié accepta la tutelle hollandaise, emmenée par les Abbés Volet et Van Thiel; l'autre moitié conduite par l'Abbé Bouland refusa de se soumettre au siège hollandais. Il y eut alors rupture et constitution de deux paroisses distinctes à Paris: l'une vieille-catholique, soumise à Utrecht; l'autre gallicane, sous la direction spirituelle de l'abbé Bouland. Cependant, ni l'une ni l'autre n'auront l'impact charismatique du Père Hyacinthe. Elles se désagrégeront lentement.
(…) Les catholiques gallicans n’avaient pas quitté Rome pour se placer sous l'autorité d'un siège étranger: Utrecht, Canterbury ou patriarcats orthodoxes (Moscou ou ailleurs).
Ce catholicisme gallican a toujours voulu rester libre et administrer lui-même sa propre Eglise gallicane. C'est ce que put réaliser Mgr Giraud par la suite, notamment en créant le siège patriarcal de Gazinet en 1928. A 67 ans Hyacinthe Loyson[9] reprend son bâton de pèlerin et de conférencier. On l'entend en France et en Suisse. »[10]
Il mourut en 1912 à l'âge de 85 ans, et fut enterré au cimetière du Père-Lachaise. Il eut un fils, Paul Hyacinthe Loyson (Genève 1873 - Paris 1921), qui fut dramaturge et qu’anima une profonde exécration pour l’Eglise catholique.
Témoignage extraits du site de l’Eglise gallicane et rédigé par des membres de cette institution
Ces textes écrités dans un esprit d’opposition à l’Eglise catholique montre à quel point dès la fin du XIX° siècle, l’abbé Loyson fut un précurseur de la subversion cléricale de Vatican II
Source : http://www.gallican.org
I. Le décret du 3 décembre 1883
« Vu les termes du Concordat de 1801, la situation d'une Eglise gallicane indépendante de Rome était jusque là illégale. Seuls étaient admis à fonctionner les cultes: catholique-romain, protestant et israélite. Le décret du Président de la République y rajoute l’Eglise gallicane. »
II. Le père Hyacinthe, souvenirs vécus
A. Sa Vie Publique
Cette vie publique n'est autre chose que sa carrière de haute prédication. Sous ce rapport, les avis sont unanimes. Le Père Loyson était un orateur prestigieux. Prêchant la station quadragésimale à Notre-Dame de Paris, il illustra cette chaire au même titre que Lacordaire, et le Père Monsabré (né comme lui en 1827) ne l'éclipsa pas, pas plus que ceux qui les avaient précédés et qui les ont suivis.
Son éloquence tenait sous le charme ses auditeurs enthousiasmés, et souvent des applaudissements leur échappaient dans le lieu saint, subjugués par la magnificence du verbe de cet orateur plein de feu.
Quand il eut quitté le froc de Carme pour s'unir par le mariage religieux à celle qui devait être la compagne élue de son coeur, il n'abandonna pas la prédication qui était la raison d'être de son activité.
Il essaya de redonner de l'élan à l'Eglise Gallicane qui avait beaucoup perdu de son prestige et menaçait de s'éteindre. Il loua, au n°3 de la rue d'Arras, à Paris, un local qu'il transforma en chapelle. Elle était entourée de tribunes confortables qui la rendait apte à accueillir les nombreux assistants de l'après-midi dominical.
Il habitait alors une agréable villa, boulevard Inkermann, à Neuilly-sur-Seine, et, chaque dimanche, il se déplaçait pour célébrer la messe le matin dans son oratoire, et l'après-midi pour le chant des Vêpres et le discours hebdomadaire, fervemment attendu par de nombreux parisiens.
Un petit local de deux pièces attenant à l'édifice était occupé par un vicaire et par moi-même, alors simple clerc. Ma chambre servait de salle à manger, où le frugal repas était fourni par un hôtel voisin. La messe était suivie par un groupe assez important de fidèles. La liturgie était celle de l'Eglise Romaine, en français.
Le Père célébrait le divin Sacrifice sans ornements, vêtu seulement de l'aube. Son homélie dominicale était d'une grande simplicité: il parlait à ses fidèles comme tous les pasteurs de toutes les églises, avec la modeste éloquence du coeur.
Les divers prédicateurs de Notre-Dame ont tous fait imprimer leurs discours qui, après des années, laissent encore aux lecteurs des impressions admiratives. Le Père Hyacinthe fait exception. Il n'a jamais voulu livrer ses magnifiques discours.
Je n'ai connu de lui qu'une mince brochure intitulée: ni cléricaux, ni athées. Il méditait profondément ses sujets, puis au moment de les développer en public, c'était un torrent d'éloquence qui laissait ses auditeurs stupéfaits et ravis. Il avait un don d'improvisation vraiment extraordinaire. Le fait suivant, dont j'ai été témoin, en donnera une idée.
C'était un dimanche habituel. Il parlait depuis un quart d'heure, entourant sa rhétorique de preuves théologiques et d'arguments scripturaires, lorsqu'au milieu d'une période une voix s'éleva au sein de l'auditoire silencieux pour s'écrier d'un ton que semblait fortifier la colère: - Ce n'est pas vrai ! L'orateur surpris, s'interrompt, puis jette à son contradicteur cette apostrophe: - Ah ! ce n'est pas vrai ! Je veux vous faire rentrer ça dans la gorge. Ecoutez-moi et vous mordrez la poussière. Ah ! ce n'est pas vrai... Et là-dessus, il déverse avec feu une cascade de solides arguments qui, stimulés par la contradiction, touchent le sublime de l'éloquence. Et le discours se déroule, une demi-heure, une heure... L'orateur intarissable, en sueur, s'arrête enfin, et s'excuse de ne pas avoir donné suite au discours précédemment annoncé ! Il est remis à une date ultérieure. On avouera qu'il n'avait pas écrit une seule ligne préparatoire à ce second discours...
Et d'ailleurs, il prenait des notes dans son cabinet de travail, mais ne les développait pas, se fiant au génie de son verbe. Et si toute improvisation est sujette à des redites ou à des périodes d'une facture moins parfaite, nul ne s'en apercevait.
Il semble qu'avec un homme qui avait montré un grand courage pour braver l'opinion, et qui se révélait une intelligence supérieure, son projet de réforme catholique eût paru voué à un plein succès. Il avait reçu des encouragements de pasteurs protestants en vue, et des sympathies du côté du clergé romain - restées secrètes - ne lui manquèrent pas.
En dépit de tous ces atouts, la réforme resta morte-née. En voici la raison: le Père Hyacinthe était un prédicateur hors ligne, mais là se bornait sa capacité. Il était d'une déficience surprenante au point de vue organisateur.
Ce méditatif n'était pas un homme d'action, et il n'eût aucun collaborateur pour le seconder. Il dut même en quelque sorte abandonner son titre de chef gallican.
Ce fut, à cette époque, l'archevêque d'Utrecht qui essaya de ranimer l'Eglise mourante en lui proposant un lieu de culte boulevard Auguste Blanqui - lequel, après avoir, pendant un certain temps, donné asile à quelques prêtres sérieux issus de la branche vieille-catholique suisse, est aujourd'hui entre les mains d'une Eglise Orthodoxe.
Pénétrons dans la petite villa du boulevard Inkermann, et surprenons la vie intime du Père Hyacinthe auprès de Madame Loyson et de son fils Paul. Lui, le Père, un homme bon, paternel, toujours pensif et méditatif, ne s'occupant en rien de la direction de sa maison. Elle, son épouse, maîtresse femme, menant la barque du ménage d'une main vigoureuse. Et le jeune Paul, élève du lycée Janson de Sailly, gentil garçon, intelligent, quelque peu mystérieux. Je l'ai aidé dans ses devoirs du collège et n'ai jamais pu distinguer son vrai caractère; sous des dehors affables et polis, il restait un peu distant.
Le Père passait ses journées dans son bureau où il répondait méthodiquement à une nombreuse correspondance et recevait de fréquents visiteurs de tout genre et de toute situation sociale. On peut dire que sa vie était celle d'un moine. A proximité de son cabinet de travail était une petite pièce, sa chambre à coucher, à peine meublée, où l'on voyait un lit de camp - telle la cellule d'un religieux franciscain.
Généralement silencieux, il ne se perdait pas en parole auprès des siens. C'est la mère qui emplissait la maison de vie, car, au contraire de son mari, elle était expansive et exubérante, ce qui avait l'air d'ailleurs de plaire au chef de famille taciturne.
Tout homme, surtout celui dont la vie publique est mouvementée, a besoin de certaines heures de détente et d'apaisantes récréations. Je n'ai aucun souvenir de ce qui a pu être pour le Père Hyacinthe ce délassement intellectuel. Il vivait étranger au monde extérieur; physiquement, il était de ce monde, spirituellement il était d'ailleurs.
Et c'est peut-être pour cela qu'il considérait d'un oeil serein les critiques acerbes qui ne manquaient pas de lui être décochées et les appréciations désobligeantes de ses moindres démarches. Dans ses conversations avec des intimes, sa voix était douce et caressante. Et lorsqu'il croyait devoir adresser à quelque inférieur un blâme sur sa façon de vivre, il s'en acquittait d'un air à la fois contraint et persuasif, dont on ne pouvait se défendre et qu'on acceptait comme venant d'un père très aimant.
Des langues malveillantes lui ont fait le reproche d'être un homme orgueilleux. Il l'était aussi peu que possible et vivait d'une vie tellement effacée et retirée que, sans ses retentissantes conférences religieuses, il fût passé tout à fait inaperçu, même de ses plus proches voisins.
On sait que le Vatican lui avait fait une offre vraiment alléchante pour un "paria". Il lui promettait, en échange de sa démission de l'Eglise Gallicane et l'annulation de son mariage - son élévation à l'archevêché de Lyon... Après avoir été l'obscur desservant de la rue d'Arras, se voir promu prince de l'Eglise et primat des Gaules, aurait pu, à tout autre que lui, paraître le tremplin d'une gloire enviable. L'humble Père Hyacinthe n'en fit rien et demeura le simple prêtre découronné qu'il voulait être devant sa conscience.
Autant son langage vibrant dans la chaire chrétienne auréolait l'orateur d'une grande majesté, autant le ton de sa conversation était dépourvu de tout éclat. On conversait avec lui comme avec un simple curé de petite paroisse; il se mettait tout naturellement à la portée de son interlocuteur, et rien dans l'échange des paroles d'une entrevue familière n'eût pu rappeler la foudre éloquente de la chaire de Notre-Dame qui laissait l'auditoire dans une sensationnelle émotion.
Le Père Hyacinthe pardonnait chrétiennement à ses contradicteurs, à ses ennemis aussi, car il en avait parmi les fanatiques qui jugeaient sa vie scandaleuse et digne de profond mépris. Et c'est pourquoi il est probable que, prévoyant qu'après sa mort un jour viendrait peut-être où sa dépouille mortelle serait profanée - comme le fut le cadavre de ce pontife malheureux qu'une foule déchaînée précipita dans les eaux du Tibre...
Aussi prit-il ses précautions pour éviter ces injures d'outre-tombe: son corps fut incinéré en 1912. Il était âgé de 85 ans.
La concentration que nous avons remarquée dans sa vie intime se retrouve dans sa vie religieuse. Le Père Hyacinthe était incontestablement un homme de prière. De quelles pieuses méditations n'a-t-elle pas été témoin, la cellule monastique de l'ex-carme ! Mais il priait dans le secret de son coeur, comme ayant la pudeur de ses élans vers Dieu.
Dans son oratoire de la rue d'Arras, il ne présidait aucune prière en commun: récitation de chapelet, litanies, etc... Seules avaient grâce à ses yeux les oraisons liturgiques du Sacrifice de la Messe et des Vêpres.
Le reste lui paraissait un roulement de paroles sans valeur profonde, débitées dans l'inattention et le vide de l'âme. (…)
III. L’apôtre de la paix
Mais ce jour là ce n'est pas dans une église que le Père Hyacinthe allait parler, l'auditoire était le plus divers que l'on puisse concevoir: chrétiens de toutes confessions, juifs, musulmans ou athées... Tous réunis dans un seul but: La Paix.
Le sujet était à la taille de l'orateur et chacun se sentait impatient d'entendre le disciple d'Elie dont le symbolique manteau blanc couvrait la silhouette brune; lui, contemplait en silence cette immensité d'yeux rivés sur lui et, peut-être, pensait-il comme son Maître Divin: "J'ai pitié de cette foule".
Et sa voix tonna soudain dans le silence attentif: "Tu ne tueras point !":
l'orateur remontait aux sources mêmes de sa Foi, au commandement du Dieu Très Haut qu'adoraient Catholiques et Protestants, Juifs et Musulmans et dont la Parole ne restait jamais sans écho, même au coeur de l'incroyant.
"Tu ne tueras point, dit le commandement éternel ! mais condamne-t'il seulement l'homme lâche et cruel qui suit sa victime dans l'ombre et lui enfonce un couteau dans le coeur ou lui brûle la cervelle avec un pistolet ? Le meurtre n'est-il plus un crime quand il se commet en grand et qu'il est le fait d'un prince ou d'une assemblée délibérante ? "
En posant cette question le Carme semblait s'adresser à toutes les nations du monde et dans son verbe semblait vibrer et retentir le Verbe de l'Eternel: "Quoi, vous pourrez sans violer la loi de Dieu, sans soulever la conscience de l'homme, sans porter à votre front le signe de Caïn et sans amasser sur votre tête de charbons ardents, vous pourrez ouvrir au soleil de l'Histoire ces vastes champs de carnage et y faire broyer par la mitraille, pour vos caprices ou pour vos calculs, des centaines de créatures humaines !... Caïn ! Caïn ! qu'as-tu fait de ton frère Abel !"
Enfin un prêtre tenait le langage que l'Eglise aurait dû tenir toujours, enfin un prêtre se dressait face à la guerre et osait dire "Non" à toutes ces tueries: "Non ! Depuis que le rayon céleste a gravé la croix sur le labarum, plus de guerres si ce n'est la guerre juste", le Carme parlait comme il n'avait jamais encore parlé, les bravos auxquels il n'était pas habitué (on n'applaudit pas dans une église) semblaient stimuler son ardeur et le public accroché à ses lèvres saluait chacune de ses périodes par de fervents applaudissements qui s'amplifièrent encore quand il s'écria: "Vous n'avez qu'à appliquer aux peuples la morale des individus et à renverser cette barrière du mensonge: une morale pour la vie privée et une morale pour la vie publique."
Ainsi parla le Père Hyacinthe LOYSON, définiteur provincial des Carmes et supérieur du couvent de Paris, le 24 juin 1869.
Ce discours souleva l'indignation des milieux "bien-pensants" et l'Univers écrivit par la plume de Louis Veuillot: "Qu'importent des milliers de vies humaines si les âmes ne meurent pas !"
L'orateur fut blâmé par Rome et par les ultramontains, fut mis par son supérieur dans l'alternative de se soumettre ou se démettre; alors le 20 septembre, dans une lettre pleine de dignité, il fit part à ses chefs de sa décision de rester envers et contre tous fidèle à la cause de la paix: "Je ne resterai pas comme ces chiens muets d'Israël dont parle le prophète."
Ayant rompu toute attache avec l'Eglise de Rome, le Carme adhéra à l'Eglise Gallicane et devint curé d'une paroisse rue d'Arras; par humilité il refusa toujours l'épiscopat comme il l'avait auparavant refusé de l'Eglise Romaine.
Son souvenir demeure vivace dans l'Eglise Gallicane et ce n'est jamais sans une certaine émotion qu'après avoir dit ma messe je récite, au bas de l'autel, la profession pacifique de l'Eglise que reprend l'assistance: "Nous voulons que la paix de Dieu règne sur la Terre parmi tous les hommes... Eternellement qu'il en soit ainsi."[11] »
IV. Le Missel du Père Hyacinthe Loyson
Aujourd'hui, le rite utilisé pour la célébration de la messe dans nos paroisses est le rite gallican de Gazinet. Ce rite, rénové et codifié sous le patriarcat de Monseigneur Giraud (1928-1950) est célébré en français depuis cette époque. Nous pensions que l'abandon du latin était une spécificité de la réforme gallicane initiée par Mgr Giraud, eh bien non ! Déjà sous la tutelle du Père Hyacinthe l'Eglise Gallicane célébrait la messe en français et administrait la communion sous les deux espèces: " les offices publics doivent être célébrés dans une langue accessible à tous... - ... En s'élevant depuis entre le peuple et le clergé, la barrière d'une langue morte a constitué comme deux Eglises séparées: l'une, celle des prêtres, à laquelle sont réservés les mystères de la Bible et de la liturgie; l'autre, celle des laïques, qui ne comprend ni ce que Dieu dit à l'homme dans la révélation, ni ce que l'homme répond à Dieu dans la prière. Cette sorte d'excommunication du peuple chrétien a été comme scellée par le privilège que le clergé s'est arbitrairement réservé, depuis plusieurs siècles, de boire seul à l'autel la coupe de la Rédemption, dont Jésus-Christ a dit: buvez en tous. La communion sous les deux espèces a une portée plus haute qu'on ne le suppose d'ordinaire, et son rétablissement fait nécessairement partie de notre programme" (pages 124 et 125).
Le Père Hyacinthe fut un précurseur en bien des domaines. Des passages entiers de la messe qu'il célébrait se retrouvent dans la liturgie de Gazinet, mot pour mot. Du Père Hyacinthe à Monseigneur Giraud il y a donc continuité d'esprit. Il faut pour bien le comprendre se rappeler que Monseigneur Ducasse-Harispe (ordonné prêtre par Mgr Giraud en 1932) fut - dans sa jeunesse - élève du célèbre Père Hyacinthe Loyson. Qu'il ait plus tard fait don à Monseigneur Giraud des textes et documents édités par le Père Hyacinthe - dont son missel - n'est pas pour nous surprendre; ce serait de l'ordre du possible et du logique...
L'échange du baiser de paix, l'absolution générale des péchés donnée pendant la messe se retrouvent aussi dans le missel du Père Hyacinthe, comme ils figurent dans la liturgie de Gazinet. Cela encore a valeur de signe.
B. Projet de Réforme
Outre la liturgie de la messe, les prières en famille du culte domestique ainsi qu'un catéchisme, le missel du Père Hyacinthe contient également un projet de réforme (principes de la réforme catholique p. 107 et programme de la réforme catholique p.122).
C Le programme du Père tient dans cinq propositions.
La première consiste dans le rejet du dogme de l'infaillibilité papale: "ce rejet est la condition sine qua non de la réforme de l'Eglise romaine et de l'union des différentes branches de l'Eglise chrétienne. L'infaillibilité du pape est un dogme nouveau, qui ne se trouvait pas dans nos catéchismes avant 1870, et qui est l'oeuvre d'un concile sans oecuménicité comme sans liberté, dont le Père Gratry a dit avec raison: "ce fut un guet-apens suivi d'un coup d'Etat !" (p. 122). La seconde consiste dans le rétablissement des élections des évêques par le clergé et les fidèles, comme cela se pratiquait dans les premiers siècles de l'Eglise: "élus par le clergé et par le peuple, ils posséderont leur confiance et gouverneront d'accord avec eux" (p. 124). La troisième demande la célébration des offices en langue française (p.124 et 125), le Père y fait même référence dans la préface de son missel (p. 4). La quatrième souhaite la disparition du célibat forcé pour les prêtres: "la liberté du mariage est un point central et décisif dans la Réforme. Nous respectons le célibat comme une exception légitime, salutaire, sublime, mais à condition qu'il soit réel et apparent, libre et non forcé" (p. 125). Enfin la cinquième réclame la liberté et la moralité de la confession: "il ne faut pas que la confession devienne un instrument de déchéance pour les consciences ou de domination pour les prêtres" (p. 127).
Tous ces points seront repris par Monseigneur Giraud lors de la rédaction de la "Profession de Foi de Gazinet" qui sera publiée dans sa version définitive en 1945. »
Fin des citations de http://www.gallican.org
Fin du communiqué du CIRS du 10 novembre 2006
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[1] http://www.virgo-maria.org/articles/2006/VM-2006-10-10-A-00-Appel_aux_quatre_eveques_de_la_FSSPX.pdf
[2] http://www.virgo-maria.org/articles/2006/VM-2006-10-23-D-00-La_destitution_de_l_abbe_Portal_2.pdf
[3] Consulter sur les associations CLAIRE-VOIE (« devant l'immobilisme de leurs compagnons, quelques-unes de ces "clandestines" ont décidé de réagir ») et PLEIN JOUR, le site http://plein.jour.free.fr/, ainsi qu’en Italie Vocatio Associazione Italiana Preti Sposati, ou encore l’ouvrage La Brisure (http://pageperso.aol.fr/lescof/)
[4] Reprise et complétée de la biographie publiée sur Wikipedia
[5] En raison du concordat qui le lui interdit
[6] http://www.gallican.org
[7] http://www.gallican.org
[8] http://www.gallican.org
[9] - Loyson fut en relation avec Mgr Vilatte comme en témoigne l'étude de l'abbé Parisot publiée en 1899.
[10] http://www.gallican.org
[11] Cet article est écrit par le Père Patrick (le futur Monseigneur Truchemotte) en 1955, et est paru à l'époque dans l'hebdomadaire Rolet