Virgo-Maria.org
Gaude, Maria Virgo, cunctas hæreses sola interemisti.
(Tractus Missæ Salve Sancta Parens)
dimanche 31 décembre 2006
Ce message peut être téléchargé au format PDF sur notre site http://www.virgo-maria.org/.
Luc Perrin, partisan du ralliement de la FSSPX s’exprime
Un éloge, à la fois détourné et étonnant, de l’ancien Anglican, Mgr Williamson,
par un supporter de la « réforme de la réforme » que nous désignons comme réforme Anglo-Tridentine
Le blog anglophone Rorate Caeli est généralement bien informé sur les progrès des discussions en cours entre Mgr Fellay et la Rome apostate pour rallier la FSSPX. Il a publié le 2 septembre 2006 une interview de l’historien français Luc Perrin. Celui-ci est un partisan du ralliement et son propos nous donne un aperçu sur les opérations en cours entre Rome et la Direction de la FSSPX. Luc Perrin enseigne à la Faculté de théologie catholique de Strasbourg. Il intervient au CIEL. Il a pour collègue Marcel Metzger. Il suit attentivement depuis des années tout le mouvement traditionaliste.
Dans cette interview, nous déplorons la réduction des graves enjeux de la situation actuelle à une interprétation politicienne telle que l’analyse sur la « politique centriste » de Mgr Fellay et nous constatons qu’une fois de plus la question de la survie du Sacerdoce catholique sacramentellement valide n’est toujours pas posée et que la question des véritables finalités de la FSSPX, voulues par Mgr Lefebvre, ne l’est pas non plus. Cela fait beaucoup.
A peine Luc Perrin effleure-t-il le vrai problème, celui qu’a posé Mgr Tissier de Mallerais. Il s’agit du problème de la nature même de l’Eglise conciliaire et de la théologie du Sacerdoce qui la sous-tend.
« Ensuite, on nous dit que l'acte principal du sacerdoce de Notre-Seigneur Jésus-Christ, Notre-Seigneur Jésus-Christ comme prêtre, ne consiste pas dans l'offrande sanglante de Son sacrifice sur la Croix, mais essentiellement dans Son sacerdoce céleste, par lequel donc, traversant la tente du sanctuaire céleste, Il se présente à Son Père avec Son Sang. Donc on va nier que l'acte principal du sacerdoce c'est l'offrande du sacrifice de Notre-Seigneur sur Sa Croix. On parlera, on va mettre l'accent sur le sacerdoce céleste ; et ceci n'est pas nouveau, dès 1958, c'était professé par le Père Joseph Lécuyer, futur successeur de Mgr Lefebvre à la tête de la Congrégation des Pères du Saint-Esprit. Ces Hérésies datent d'avant le Concile. Elles ont été propagées par le Concile et après le Concile. » Mgr Tissier de Mallerais, 29 juin 2002, Sermon aux ordinations d’Ecône[1]
Mgr Tissier a lu et analysé la doctrine du Père Lécuyer sur le Sacerdoce. Signalons que cette doctrine du Père Lécuyer a fait l’objet d’une présentation par une conférence approfondie de l’abbé Chautard (FSSPX) lors du Symposium de la FSSPX à Paris en octobre 2005 à l’Institut Universitaire Saint-Pie X[2]. C’est cette même doctrine qui sous-tend la forme du nouveau rite de consécration épiscopale. C’est cette même conception hérétique du Sacerdoce qui donne la véritable interprétation du rite dans lequel sont sacrés les évêques conciliaires depuis 38 ans. Mais Luc Perrin ne semble pas s’émouvoir de ce grave enjeu qu’il ne peut ignorer.
« Mgr Tissier est allé plus loin dans la mesure où il a considéré que l'Eglise Catholique actuelle n'est pas une Eglise Chrétienne, émettant des doutes sérieux sur la validité du sacerdoce « conciliaire », l'appelant « un sacerdoce gnostique » (homélie du 27 juin 2002). » Luc Perrin, 2 septembre 2006
Mgr Tissier montre en quoi la gnose imprègne et influence l’Institution conciliaire :
« Je conclus : tant dans ses dogmes que dans son culte la NOUVELLE RELIGION a vidé notre religion catholique de sa substance. La Passion de Notre-Seigneur ne sert qu'à révéler d'une façon très intellectuelle et abstraite l'amour de Dieu le Père pour nous. Quant à l'amour du Christ pour Son Père ou pour nous autres, on n'en sait rien. Et puis, d'autre part, le culte chrétien, c'est seulement une mémoire. Donc prendre conscience en sommes de la grande œuvre des hauts faits du Christ, en prendre tellement conscience que cette œuvre devient présente dans l'assemblée en prière, comme une auto-conscientisation commune. Cette NOUVELLE RELIGION n'est rien d'autre, bien chers fidèles, qu'une gnose. Je pense que c'est le mot qui la caractérise parfaitement puisque c'est une religion sans péché, sans justice, sans miséricorde, sans pénitence, sans conversion, sans vertu, sans sacrifice, sans effort, mais simplement une auto-conscientisation. C'est une religion purement intellectualiste, c'est une pure gnose.
Alors, bien chers futurs diacres et prêtres, soyez assurés que je ne vous ordonne ni diacres, ni prêtres, pour être des diacres et des prêtres de cette religion gnostique. Et je suis persuadé que telle était aussi votre intention de recevoir aujourd'hui le sacerdoce catholique, des mains de l'Eglise Catholique, et non pas de recevoir un sacerdoce gnostique des mains de je ne sais quel système gnostique.
Rejetons avec horreur, bien chers fidèles, bien chers ordinands, cette religion naturaliste, intellectualiste, qui n'a rien À voir avec la religion catholique, et soyons au contraire bien fermement, toujours plus fermement persuadé de la raison de notre combat, de la raison de notre sacerdoce. » Mgr Tissier de Mallerais, 29 juin 2002, Sermon aux ordinations d’Ecône[3]
Par contre, nous remarquons que Luc Perrin, tout en déplorant la position dite « anti-romaine » de Mgr Williamson, présente celui-ci comme l’évêque de la FSSPX qui « pose les bonnes questions ».
« Mais au delà de ces jeux de forcing dans la FSSPX, très semblables aux stratégies de lutte jouées dans la prétendue Eglise « conciliaire », Mgr Williamson pose des questions capitales, qui est le noyau du problème Traditionaliste à laquelle l'Eglise doit faire face, qu'Elle l'aime ou pas : la philosophie néo-moderniste ayant infiltré l'église. Qu’est-ce qui est acceptables, inévitables ou nécessaires ? Qu’est-ce qui est mortel pour la foi catholique ? » Luc Perrin, 2 septembre 2006
Ce qui nous amène à poser cette question : pourquoi cette mise en avant de Mgr Williamson par un adepte du ralliement, quand on a lu l’été dernier les déclarations presque burlesques de l’ancien anglican sur le « mentévacantisme »[4] où il prétend que l’esprit de Ratzinger serait « malade ». Mgr Williamson serait-il donc l’opposant « officiel » choisi par la mouvance pro-ralliement du G.R.E.C. et des arcanes romaines ? Comme nous l’avions déjà signalé dans notre message[5] du 18 décembre dernier le seul fait de mettre en avant Mgr Williamson comme chef de file d’une possible scission de la FSSPX, semble bien suspect. Cette « publicité » autour de l’ancien Anglican devenu évêque est donc à suivre au plus près.
Continuons le bon combat
Abbé Michel Marchiset
Interview donnée par l’historien Luc Perrin au Blog Rorate Caeli
http://rorate-caeli.blogspot.com/2006_09_01_rorate-caeli_archive.html
Traduction en français par nos soins
Luc Perrin est professeur à l'université de Strasbourg 2 - Marc Bloch, où il enseigne l'histoire de l'Eglise. Perrin, très connu des cercles traditionalistes en France, a écrit plusieurs travaux historiques sur les tendances pré-Conciliaires et post-Conciliaires dans l'Eglise Catholique, incluant ce que l’on appelle la « Question Traditionaliste », « L'affaire Lefebvre » et « Paris à l'heure de Vatican II ».
En tant qu'historien de l'Eglise, Luc Perrin a une connaissance plus profonde de tous les aspects des conflits courants dans l'Eglise que la plupart des analystes. Un an après la visite historique de Mgr Fellay à Castel Gandolfo, nous lui avons posé quelques questions.
« Professeur Perrin, merci d'accepter notre invitation. Une année s’est passée depuis la réunion du Pape avec Mgr Fellay, l’Abbé Schmidberger, et l’Abbé Nély à Castel Gandolfo. La situation Traditionaliste s'est-elle améliorée durant cette période ? »
Première précision et si vous me le permettez, correction même : « la situation Traditionaliste » ne dépend pas entièrement des rapports entre la FSSPX et Rome. C'est une simplification incorrecte courante. Ainsi le vrai « point de départ » n'est pas la dernière réunion d'août 2005 entre Mgr Fellay et le pape Benoît XVI, mais l'élection pontificale d'avril 2005. N'importe quel pape peut sérieusement améliorer « la situation Traditionaliste » s'il le veut et s'il sent que c’est une nécessité, avec des répercussions apparentes, bien au delà du mouvement Traditionaliste existant : les Traditionalistes attachés à Rome sous le régime actuel de l'indult de 1984-1988 et du motu proprio, aussi appelé Catholiques Ecclesia Dei, la FSSPX et ceux parmi les indépendants qui reconnaissent la légitimité du pape ; peut-être même quelques sédévacantistes ont pu aussi être influencés par une telle amélioration.
La question majeure dans de le débat traditionaliste - il y en a d'autres - est la liturgie. Tout le monde sait que le Cardinal Joseph Ratzinger, maintenant Evêque de Rome, a beaucoup écrit sur les nombreux échecs de la prétendue « Réforme Liturgique », c'est-à-dire, la révolution qui a instauré ou établi le Novus Ordo Missae et cette descente rapide dans la mentalité catholique à cause d'une Messe centrée sur le mystère et la recherche d'une communion avec Dieu comme Corps Eucharistique dans une « célébration » pleine de bruit et d'agitation, scène d'une bataille pour que quelques militants laïques d’apparat jouent un rôle sacerdotal, une « trivialisation » et l'obscurcissement du principe Catholique (et pour les Eglises Orientales) la doctrine de la Présence Réelle.
Le Cardinal qui a constamment blâmé cette révolution liturgique des années 60 et des années 70 est maintenant le pape régnant. Ceux qui dénoncent cette destruction révolutionnaire du sacré comme une cause de la crise de l'Eglise ne sont pas seulement les Traditionalistes. D'ailleurs, le Cardinal Ratzinger à reconnu lui-même, très clairement, ne pas être un Traditionaliste.
Vraiment, depuis avril 2005, qu'a-t-il été fait ? En termes de décisions, en termes de vrais accomplissements, la réponse est très facile : rien ! Tout le monde dans l'Eglise attendait un changement dans le domaine liturgique, peut être la liberté pour les Rites Latins Traditionnels (le rite Romain selon le missel de 1962, et tous autres rites Latins comme l'Ambrosian…) ou quelques premier pas fait dans la « réforme de la réforme » (révision du N.O.M.) ; au moins, une orientation claire mais la première encyclique « Deus caritas est » traite de tout autre chose.
Une superbe occasion a été offerte par le Synode des Evêques en octobre 2005 et elle a été gâchée. L'élite de l'épiscopat Catholique est encore encrée dans le « Renouveau » illusoire : trop d'évêques, ainsi qu’une grande majorité de prêtres et de nombreux fidèles pratiquants vivent dans le monde des années 1960-1970, essayant de s’accommoder aux médias libéraux avec une baisse du féminisme, plus d’« amusement », plus d’« inculturation ». Toutes « solutions » qui ont prouvées, après 40 ans, leurs effets destructifs et négatifs ; et les membres de cette élite en veulent… plus. Certains comme le Cardinal Daneels constatent le désastre mais ne peuvent pas faire face aux vraies solutions : il n'y a, selon eux, aucune possibilité de sortir du N.O.M. et du « Renouveau » de Bugnini. Nous pouvons seulement espérer que l'exhortation post-synodale que le pape va livrer, sera plus appropriée que les propositions médiocres qui ont été faites en public, pour la première fois, après le synode.
Jusqu'ici aucune impulsion, aucune décision : une perte de temps complète ? Pour 2005, c’est oui, évidemment. L'impact direct de l'élection a été très limitée sur l’augmentation des indults locaux : en France, le champion anti-Traditionaliste notoire, l’Evêque Daucourt, a accordé un indult dans son diocèse de Nanterre mais l'Archevêque Jordan à Reims ne l’a pas accordé ; dans le monde entier, très peu de nouveaux endroits ont été concédés pour les Traditionalistes Romains et la Commission pontificale « Ecclesia Dei » (C.P.E.D.) sous la présidence du Cardinal Castrillon Hoyos n’a pas renforcé sa politique concernant les chancelleries hostiles. Un petit progrès a été accompli avec la première paroisse personnelle érigée dans le diocèse de Toulon-Fréjus, le premier dans toute l'Europe. Un tabou canonique a été cassé par Mgr Rey mais aucun autre évêque n'a suivi…
2006 a vu quelques événements qui pourraient mener à quelques améliorations. La question de la FSSPX a été officiellement discutée lors de deux réunions de la Curie et pendant le Consistoire. Nous devons retourner en 1986 pour voir Rome se pencher sur ce problème. Même les entretiens de 2000-2001 n'ont jamais obtenu ce niveau d'attention. En juin et juillet, le secrétaire nouvellement désigné du CCD (Congrégation pour le Culte Divin), l'archevêque sri lankais Albert Malcolm Ranjith Patabendige Don, a donné quelques entretiens de choc précisant l'échec de la « réforme » sur plusieurs points. Rien de neuf en fait sauf que personne à ce niveau de la responsabilité (n°2) n’a jamais parlé ainsi avant ! Des rapports ennuyeux sur la « richesse » de la nouvelle liturgie, des références enthousiastes sur la messe du Concile (sic), de l'éloge rituelle des grands experts, de l'enthousiasme, de joie etc. . Le langage Stalinien ou Orwellien de l'Etablissement néo-liturgique est bien connue par les malheureux qui doivent lire ces piles de documents. Il faut dire aussi que le CCD est une forteresse Bugniniste, le temple où la mémoire des méfaits du défunt Archevêque Bugnini, l'architecte de N.O.M., sont vénérés.
Mais importe peu la force et la régénération des rapports de l'Archevêque Patabendige Don, ce sont des mots creux, vides de sens, pour le moment présent. Enfin tout le monde – favorable ou non – attend une première décision dans la Liturgie : le statut canonique des Traditionalistes Romains est inchangée, la pratique et le statut canonique des Rites Latins Traditionnels est aussi confus qu'il l’était sous Jean-Paul II, les discussions avec la FSSPX n’ont rien apporté de neuf. Le chaos Liturgique du N.O.M. est là comme il était en avril 2005. Le renouvellement véritable est toujours une espérance.
Les traditionalistes peuvent raisonnablement prévoir que le planning sera plus serré que sous le pontificat de Jean-Paul II : rencontre de Mgr Lefebvre en 1978, première Instruction afin de corriger les plus gros abus des Messe du N.O. en 1980, publication de l'Indult permettant aux évêques d'accorder la célébration selon le missel de 1962 en 1984… Avec un rythme semblable, « la situation Traditionaliste » s'améliorerait vers… 2011.
« Comme vous l’avez mentionné, il y avait beaucoup de développements intéressants et rapides à Rome dans les premiers mois de 2006. Même les évêques français ont dit, à la fin de leur réunion de printemps, qu'un certain développement en faveur des Catholiques Traditionnels serait accordé par le Saint-siège dans les « semaines ou mois suivants ». Du point de vue historique, croyez-vous que le pape a subit des pressions pour arrêter les prochains développements ? Ou est-ce, à en croire, une suspension stratégique avant des mesures plus fortes ? »
Le Cardinal Ricard a indiqué qu’il est probable que quelque chose pourrait se produire plus tard, il se demandait si cela pourrait se produire dans les « semaines ou mois suivants ». Mais vos lecteurs doivent savoir que les résultats de la réunion française de la Conférence des Evêques de France tenue au printemps n'était certainement pas « en faveur des Catholiques Traditionnels » ! Fondamentalement les Evêques Français, comme Institution, ont solennellement réprimandé la création d'une Administration Apostolique Personnelle pour le fidèle Traditionaliste Romain, ils ont établi un petit groupe de travail pour rédiger des directives, c.-à-d. une camisole de force pour empêcher de nouveaux évêques français bienveillants d’agir comme a fait Mgr Rey et ont péniblement accepté les décisions possibles du Saint-siège envers la FSSPX.
Mais l'idée d'une réconciliation possible avec cette Société est un tel supplice pour une majorité de l'épiscopat français que la Conférence a énuméré trois conditions, très mal formulées, pour une pleine communion avec l'Eglise, l'une d'entre elles – la prohibition absolue de toute critique de N.O.M. – ferait du pape actuel (et beaucoup avec lui)… un schismatique !
Les papes, depuis Paul VI, ont toujours subit de fortes pressions par ceux qui veulent que le Saint-siège fasse comme si leurs propres avis doctrinaux et pastoraux étaient la doctrine Conciliaire et par extension la doctrine de l'Eglise, sans aucune discussion possible. Paul VI était sous une pression forte des Cardinaux Villot et Garrone ; le défunt Cardinal anglais Hume a reconnu avoir fortement pressé Jean-Paul II en 1986 pour empêcher la liberté accordée au Rite Romain Traditionnel, le défunt Cardinal Eyt s’est réjoui publiquement quand les entretiens ont été arrêté en 2001, juste après la réunion d'août 2005, l’ancien Cardinal Pompedda, de la Curie, a fait des rapports hostiles…
Regardons juste un fait : l’Archevêque Lefebvre à rencontré Jean-Paul II en 1978 et lui a posé plusieurs questions, parmi lesquelles la messe. La pression sur le pape polonais bienveillant était si intense que l'Indult a été seulement édité en 1984, et le CCD y a mis tant de restrictions, que ce document n'a pas été mis en application avant le motu proprio « Ecclesia Dei adflicta » de 1988.
Je ne suis pas une souris vivant dans les couloirs du Vatican mais il n'y a aucun doute qu’une pression énorme est appliquée sur pape Benoît. La revue « Catholic News Service » (le 25 août 2006) a publié une interview de Mgr Fellay : il dit « je pense que le pape voudrait probablement que les choses aillent plus vite, mais il fait face, probablement, à beaucoup d'opposition parmi les Cardinaux», ajoutant qu'en un an « il n'y a eu aucun développement » sur la question. C'est bien vrai, cependant je serais étonné si le pape décidait d'abandonner et se plier au lobby hostile. Nous avons déjà mentionné les déclarations du secrétaire de la CCD et à la mi-septembre, le nouveau secrétaire d'Etat, le Cardinal Bertone, remplacera le Cardinal Sodano : une Curie plus Ratzingerienne émerge lentement.
Selon la légende, l’ours de Saint Corbinian sur le Blason papal n'était pas un coureur rapide mais il ne s'est pas sauvé loin de son devoir. La question Traditionaliste est une pièce maîtresse d'un tableau plus large où le futur et la vie de l'Eglise est en jeu : l’ancien Cardinal Ratzinger le savait, le pape Benoît devra lui faire face aussi avec le jeu de l’inévitable et désagréable coup de bâton.
« Croyez-vous que la réélection de Mgr Fellay à la tête de la FSSPX, soit dû particulièrement au dialogue avec le Saint-siège ? »
C’est une question difficile pour y répondre car tout dépend d'où vous vous situez : soit un défenseur de Mgr Williamson, un journaliste de « La Croix », du point de vue de l’Abbé Aulagnier, du Cardinal Castrillon Hoyos ou, par exemple, de beaucoup d'Evêques de l'Europe de l'Ouest, tous regardent l'événement de différentes perspectives.
D'abord, la réélection était plus que prévue : c’est presque écrit dans les constitutions de la FSSPX. L’Archevêque Lefebvre s’est inspiré des vieilles constitutions des Pères du Saint Esprit : la majorité des membres du Chapitre Général est nommée par le Supérieur Général pour une liste de responsabilités et seulement une minorité de « délégués » sont ajoutés. Mgr Lefebvre a tiré des conclusions radicales de sa propre expérience de 1968 et a supprimé entièrement l'élection. La minorité de membres non désignés dans la Société est composé des plus anciens adhérents. En conséquence, le Supérieur Général a un appui potentiel très fort dans le Chapitre Général: il n'avait fait aucun mystère qu'il était prêt pour un deuxième mandat de 12 ans et qu’ainsi s'il n'était pas réélu, nous aurions une crise sérieuse dans la Fraternité. La continuité a dominé et nous pouvons deviner que les principaux membres de la FSSPX soutiennent la politique « centriste » complexe de Mgr Fellay.
Les supporters sont-ils tous bien dans le rang ? Dans n'importe quelle élection, il est difficile de le dire. Toutefois l'unité de la FSSPX demeure intact après cette réélection, ce qui signifie apparemment, un certain appui plus large pour Mgr Fellay.
D'un point de vue Romain bienveillant, c'était probablement la meilleure issue. Au moins, Mgr Fellay a indiqué clairement qu'il veut garder vivant un lien avec le Saint-siège, il ne rejette pas le Corps Episcopal « Conciliaire », il avait souligné depuis de nombreuses années l'importance de la « Romanité » dans la FSSPX, quand le schisme, de fait, ramenait l'Eglise à un idéal, à une notion philosophique. Avec le Grand Jubilé de 2000, Mgr Fellay a invité ses prêtres à entrer en contact avec la hiérarchie afin que les fidèles puissent gagner l'indulgence par les pèlerinages programmés, aboutissant au pèlerinage de Fraternité à Rome. Les entretiens et la rencontre - hélas trop courte - avec le pape Jean Paul II en 2000 étaient une conséquence de cette attitude générale de Mgr Fellay, jointe à un désir ardent d’une réconciliation avec le pape, activement aidé par le nouveau président de la C.P. E.D., le Cardinal Dario Castrillon Hoyos.
Mais nous savons tous ce qui… ne s'est pas produit. Une opposition puissante de la Curie et de l’épiscopat ont menacé de schisme, un pape malade et épuisé d'un côté, des tensions et des craintes dans la FSSPX de l'autre côté et tout « a calé » comme le dira Mgr Fellay. La réconciliation, comme un mirage a encore disparu, néanmoins, une nouvelle structure canonique, l'Administration Apostolique Personnelle de Campos (Brésil) et le premier évêque consacré, en communion avec Rome dans le Rite Traditionnel Romain depuis 1969 est rentré dans l'Eglise.
Dans ce cas-ci, tout le monde peut noter des similitudes : l'histoire semble une sorte de répétition perpétuelle. La réunion d'août 2005 avec Benoît XVI était beaucoup plus longue, quelques entretiens ont eu lieu encore avec le même Cardinal-président de la C.P.E.D. et les mêmes voix hostiles ont été entendues : les échos négatifs sont venus des réunions de la Curie présidée par le pape, des Cardinaux très réticents ont parlé au Consistoire et de l'autre côté, la même hostilité tumultueuse des douches froides et chaudes de Mgr Williamson, rejoint par Mgr Tissier de Mallerais, ou de Rome et de Mgr Fellay. Finalement aucune des deux conditions posées par la FSSPX au début de 2001 n'est remplie aujourd'hui.
Pour Mgr Fellay, il serait possible de changer d’orientation « centriste » - mais aucun dérapage vers un sedevacantisme de fait, ni aucune réconciliation formelle -, seulement par un mouvement significatif du Saint-siège sur ces deux conditions nécessaires.
Les questions doctrinales, qui sont très importantes pour toute l'Eglise, doivent d'ailleurs, toujours être adressées. Les omettre pour un accord purement canonique ne serait pas une option, d’après ce que je peux savoir. Il serait alors difficile d'éviter une cassure dans la Fraternité, les conséquences positives d'une réconciliation sur le reste de l'Eglise Romaine serait alors réduite aux chapelles de la Fraternité.
Le Cardinal Ratzinger suggérait en 2002, une sorte de commission mixte pour discuter les points contestés de la doctrine Liturgique. J’ai toujours pensé que c'était une manière d'essayer, suivant l'expérience du dialogue œcuménique, mais peut-être avec un espoir plus substantiel de trouver une issue.
Le discours papal décisif du 22 décembre à la Curie Romaine est, jusqu'ici, l'acte le plus significatif dans le tout pontificat de Benoît XVI : il faut dire que cette doctrine fondamentale et l'approche herméneutique du legs de Vatican II, avec des implications pastorales énormes, a été largement discutée dans les petits cercles Traditionalistes et obstinément ignorée par 99% de catholiques…
Sa Sainteté devra faire plus que chuchoter à quelques oreilles complaisantes de certains membres de la Curie pour être entendu sur cette question décisive.
« En tant qu'historien, voyez-vous des différences fondamentales entre l'Archevêque Lefebvre et l’Evêque Fellay dans leurs attitudes respectives concernant les relations avec le Saint-siège ? »
En tant qu'historien, je dois reconnaître qu’il y a des contextes radicalement différents où tous les deux ont dû prendre des décisions. Mgr Lefebvre était regardé avec pitié en tant que pauvre vieux missionnaire qui a manqué le train du progrès et de son destin, qui était incapable de s'émerveiller de « ce monde moderne » extraordinaire avec ses occasions fantastiques pour la foi Catholique, qui n'a pas partagé la certitude de la réconciliation imminente de toutes les Eglises Chrétiennes promis par les œcuménistes « toujours-sourirant »… Un Ecossais dirait qu'il était un « crabbit », [de mauvais caractère, grincheux, brusque, désagréable, dans une mauvaise humeur] de ces personnages se plaignant toujours, de temporisation, un simple réactionnaire condamné pour mourir et pour être oublié.
Été 2006 : le Supérieur Provincial des Jésuites en France mettait en garde contre le « risque » majeur, selon lui, de retourner vers le Catholicisme du passé. Inutile de dire qu'aujourd'hui la Tradition est prise de plus en plus au sérieux dans l'Eglise Catholique, même par ceux qui la détestent. Les questions posées par la FSSPX et le mouvement Traditionaliste dans son ensemble ont aujourd'hui un écho beaucoup plus grand dans l'Eglise, même s'il y a une gamme diverse de réponses. Le contexte pour arriver à une réconciliation est assurément meilleur pour Mgr Fellay qu'il ne l’était du temps de Mgr Lefebvre.
Sinon, je suis frappé par quelques attitudes opposées : Mgr Lefebvre avait une position plus radicale et plus séparatiste durant les trois dernières années de sa vie et avait été plus ouvert de manière permanente aux négociations durant les années précédentes, de 1974 de 1988. Mgr Fellay a été élu dans un contexte « de guerre froide » entre Rome et la FSSPX et est entré la première fois, dans ce que j'appelle sa politique « centriste » , dans la deuxième moitié de son premier mandat. Le contexte joue ici une partie majeure comme nous avons dit tout à l’heure. Ceci dit, tous les deux ont accepté de rencontrer les fonctionnaires Romains, tous les deux ont rencontré des évêques, tous les deux ont accepté de rencontrer le pape (3 fois pour l'Archevêque, deux fois pour l’Evêque Fellay), tous les deux se sont toujours engagé pour refuser n'importe quel schisme formel. Mgr Lefebvre s’est même réconcilié pendant une nuit en mai 1988, après la signature d'un accord rédigé par… Joseph Ratzinger. Le manque de confiance dans un contexte hostile amène à ce qui s'est produit après. Personne ne sait ce que le Saint Esprit peut inspirer aux deux parties dans l’avenir.
« Avez-vous un commentaire sur les derniers mots de l'Evêque Williamson's ?… »
L’Evêque Williamson et l’Evêque Tissier de Mallerais ont, avant le Chapitre Général, clairement dit qu'ils étaient opposés à la politique « centriste » de Mgr Fellay. Tous les deux ont fait des rapports semblables déjà en 2001-2002 : Mgr Tissier est allé plus loin dans la mesure où il a considéré que l'Eglise Catholique actuelle n'est pas une Eglise Chrétienne, émettant des doutes sérieux sur la validité du sacerdoce « conciliaire », l'appelant « un sacerdoce gnostique » (homélie du 27 juin 2002). Même Mgr de Galaretta, généralement discret, a dit presque la même chose que Mgr Williamson dans son interview. Dans une homélie du le 3 juin 2001, il considérait que l'Eglise était divisée en deux catégories de modernistes : les modernistes « spéculatifs », radicalement opposés à la FSSPX et les modernistes « pragmatiques » « plus pratiques, naturellement plus conservateurs parce qu'ils s'adaptent aux réalités, et tellement plus ouverts à nous, mais qui sont également des personnes fausses aux doubles faces».
Rien de neuf sous le soleil comme vous pouvez voir !
Ceci reflète le dilemme constant qui secoue régulièrement la Société fondée par Mgr Lefebvre : en 1976 l'Archevêque a dû se séparer du Frère Guérard des Lauriers o.p. du corps enseignant au séminaire d'Écône en raison de sa « thèse de Cassiciacum », une théorie très subtile qui s'est appelée plus tard « Sédéprivationisme », une forme complexe de sedevacantisme. D'une part, en 1988-1989, plusieurs prêtres ont quitté la Fraternité pour rejoindre la pleine communion Romaine, lançant ce qui est devenu le mouvement «Ecclesia Dei ». Les Evêques Williamson et Tissier sont tous deux ceux qui poussent le pendule aussi loin que possible jusqu’à Guérard des Lauriers sans jamais passer le Rubicon, comme le reconnaît le Sédévacantiste Abbé Cekada.
En étudiant la vie de Mgr Lefebvre, vous trouverez quelques citations dont vous avez besoin pour soutenir la position centriste du Supérieur Général réélu, ainsi que pour la position anti-Romaine radicale adoptée par Mgr Williamson et aussi pour l'option de compromis préconisée par l’Abbé Aulagnier avant son expulsion de la FSSPX.
Mais au delà de ces jeux de forcing dans la FSSPX, très semblables aux stratégies de lutte jouées dans la prétendue Eglise « conciliaire », Mgr Williamson pose des questions capitales, qui est le noyau du problème Traditionaliste à laquelle l'Eglise doit faire face, qu'Elle l'aime ou pas : la philosophie néo-moderniste ayant infiltré l'église. Qu’est-ce qui est acceptables, inévitables ou nécessaires ? Qu’est-ce qui est mortel pour la foi catholique ?
Le catholicisme n'a jamais été un fondamentalisme et la Tradition implique une dimension historique. Le Catholicisme également a toujours marginalisé l'érémitisme, l'option « cultique » qui est à la racine du protestantisme. Le Catholicisme est également un corpus dogmatique fort qui est offert à tous les êtres humains dans toute l'histoire entière, une Eglise construite sur la roche au lieu du sable de sondages d'opinion…
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[1] http://www.virgo-maria.org/Documents/eveques/mgr-tissier/27-Juin-2002-Sermon-de-Mgr-Tissier-a.pdf
[2] Conférence à étudier attentivement, elle a été signalée sur le LFC : http://www.freewebs.com/lecuyer/Lecuyer-chautard.doc
[3] http://www.virgo-maria.org/Documents/eveques/mgr-tissier/27-Juin-2002-Sermon-de-Mgr-Tissier-a.pdf
[4] http://www.traditionalmass.org/articles/article.php?id=86&catname=12
[5] http://www.virgo-maria.org/articles/2006/VM-2006-12-18-B-00-Mgr_Williamson_Omission_d_Avrille_1.pdf