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Gaude, Maria Virgo, cunctas hæreses sola interemisti.
(Tractus Missæ Salve Sancta Parens)
jeudi 11 janvier 2007
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Histoire des Rose+Croix : La pointe mortelle de la maçonnerie
Une introduction à la maçonnerie Rose+Croix par Jean Vaquié
Une histoire du Rosicrucianisme par Rebisse
Symbole Rose+Croix
La maçonnerie qui naît et s’organise à partir de 1717 a été précédée par des sociétés secrètes qui ont préparé l’apparition de la maçonnerie spéculative. Parmi ces sociétés secrètes, nourries par la gnose, se distingue la mouvance des Rose+Croix. Gnostiques, Manichéens, Cathares, Vaudois, « spirituels », « johannites », etc vont influencer et se mêler au sein des société secrètes qui se développent dans la Chrétienté depuis le XIII° siècle. Luther fut Rose+Croix. La « Fraternité de la Rose+Croix » mena une action sur les plans politique et religieux et fut l’animatrice de la « Reforme », ainsi que de la révolte des Pays-Bas et des révolutions d’Angleterre. Ces sociétés secrètes se sont poursuivies et développées et constituent la partie supérieure de la maçonnerie, la branche illuministe. D’apparence religieuse, elle se préoccupe de rites, de royauté sacrée, d’expérience mystique, de symbolique. Elle domine et dédaigne la maçonnerie rationaliste (de type Grand Orient de France), opérant la distinction et la hiérarchisation entre les Hautes loges illuministes et des Basses loges rationalistes. La Rose+Croix reprend le vocabulaire catholique, mais le subvertit par des inversions. Nous en avons donné un aperçu dans notre message[1] du 18 décembre 2006 (Le Bon Pasteur et la symbolique luciférienne Rose+Croix) sur le 18° degré de chevalier Rose+Croix dans l’initiation maçonnique et la symbolique qu’il contient.
Ces loges rosicruciennes sont les plus dangereuses pour la Tradition catholique, elles sont les plus à même d’attirer des clercs traditionalistes. Elles vont en apparence s’opposer à la maçonnerie, à la révolution de 1789, pleurant la mort du Roi Louis XVI et accorder de l’importance au rite traditionnel (Tridentin), critiquer Vatican II alors que ses initiés sont en réalité et, de façon secrète, de véritables ennemis de Notre Seigneur Jésus-Christ. C’est à une loge illuministe, l’OTO, qu’était affilié le secrétaire d’Etat du Pape Léon XIII, le cardinal Rampolla[2].
Ces sectes rosicruciennes ne sont, à notre connaissance, jamais étudié dans les revues de la Tradition catholique. Les dominicains d’Avrillé (Le Sel de la terre), l’AFS d’Arnaud de Lassus, Si si No no, Sous la bannière, à notre connaissance, ne publient jamais sur ces sujets, bien que par ailleurs Avrillé organise des sessions sur la Contre-Eglise. Leur critique de la gnose porte notamment sur Guénon. De même ces revues restent silencieuses sur l’anglicanisme et l’action influente de ses agents dans la subversion de l’Eglise depuis plus d’un siècle. Serait-ce un sujet tabou ? un sujet qui dérange ?
Dans les années 1970-80, Jean Vaquié développa les études sur la gnose et les Rose+Croix. C’est lui qui intervint auprès de Mgr Lefebvre pour faire écarter de l’Institut Saint Pie X (où l’abbé Lorans l’avait laissé s’introduire), le Professeur de Nancy, Jean Borella, dont les ouvrages (par exemple La charité profanée) sont imprégnés des concepts de la pensée gnostique.
Le combat de Jean Vaquié et des Cahiers Barruel contre la gnose fut victorieux, il permit de relancer les études sur la gnose et l’occultisme parmi les catholiques. Malheureusement le savant devait disparaître en 1992.
Nous faisons connaître aujourd’hui l’un de ses textes introduisant à l’étude des Rose+Croix. Il présente les manifestes rosicruciens.
Nous signalons un site qui publie une histoire[3] du rosicrucianisme rédigée par un historien qui leur est favorable. CSI-Diffusion avait déjà diffusé ce texte le 20 février 2005. Nous ne nous engageons pas sur son contenu, néanmoins, nous estimons qu’elle constitue un apport d’informations intéressant. L’historien de la maçonnerie, Antoine Faivre leur nie un quelconque rapport d’organisation ésotérique. Mais d’autres historiens, dont Jean-Claude Lozachmeur, leur reconnaissent au contraire une importance de premier plan.
Amulette Rose+Croix
Nous renvoyons à Maçonnerie et sectes secrètes : le côté caché de l’histoire d’Epiphanius, édité en 2005 par le Courrier de Rome, chapitres IV à VI inclus (pages 47-88) :
· Chapitre IV – Les Rose-Croix
o Johann Valentin Andreae
o Sur l’existence des Rose-Croix
· Chapitre V – Jan Amos Comenius
o L’œuvre de Comenius
o La Panorthossie (1644)
o Lux in tenebris
· Chapitre VI – Vers le siècle des Lumières : maçonnerie et Rose-Croix
o Martinésisme et Martinisme
o La doctrine Martiniste
o Stricte observance et Martinisme
o Les Supérieurs inconnus
o Le Rite écossais rectifié
La destruction sacramentelle du sacerdoce de Melchisedech est l’un des buts de ces sociétés secrètes. Dans son livre publié en 1992, De la Révolution, Jean-Claude Lozac’hmeur cite les textes du prêtre apostat devenu occultiste, le chanoine Rocca (1830-1893) qui annonçait « l’instauration d’un gouvernement socialiste mondial sous l’autorité d’un pape converti au nouveau christianisme »[4] et aussi « la réunion d’un Concile qui modifiera non seulement la liturgie et la morale de l’Eglise, mais encore la fonction pontificale elle-même »[5] :
« Je crois que le culte divin tel que le règlent la liturgie, le cérémonial, le rituel et les préceptes de l’Eglise romaine subira prochainement dans un Concile œcuménique une transformation qui tout en lui rendant la vénérable simplicité de l’âge d’or apostolique le mettra en harmonie avec l’état nouveau de la conscience et de la civilisation moderne « (« L’abbé Gabriel »).
« Le converti du Vatican n’aura pas, d’après le Christ, à révéler à ses frères un enseignement nouveau. Le Pontife se contentera de confirmer et de glorifier le travail de l’Esprit du Christ ou du Christ-Esprit dans l’esprit du public, et grâce au privilège de son Infaillibilité personnelle, il déclarera canoniquement urbi et orbi que la civilisation présente est fille légitime du Saint Evangile de la Rédemption sociale » (Glorieux centenaire p.III)
Chanoine Rocca
« Cette « ouverture au monde » entraînera l’abolition du Sacerdoce ou du moins sa trnsformation totale »[6] selon Lozac’hmeur.
Aujourd’hui, les travaux du CIRS (site http://www.rore-sanctifica.org) ont montré l’invalidité du nouveau rite de consécration épiscopale (Pontificalis Romani, 1968) et ses conséquences, c’est-à-dire, l’instauration d’un « clergé » conciliaire invalide, réitérant le modèle Anglican pour détruire l’Eglise et le Sacerdoce de Melchisedech.
C’est, en réaction à cette destruction, que Mgr Lefebvre a sacré en 1988, afin de préserver « l’Arche de la Nouvelle Alliance » (préface aux statuts de la FSSPX, 1990) et de continuer à transmettre sacramentellement la plénitude du Sacerdoce catholique.
Continuons le bon combat
Abbé Michel Marchiset
Jean Vaquié
LES MANIFESTES ROSICRUCIENS
L'adjectif "rosicrucien" qualifie tout ce qui concerne la Rose-Croix. Et le substantif "rosicrucianisme" désigne la doctrine en usage dans la Rose-Croix. Mais qu'est-ce donc que cette mystérieuse et fameuse Rose-Croix ?
Si l'on s'en tient à la simple emblématique, la Rose-Croix est l'association d'une rose et d'une croix. C'est une rose placée au centre d'une croix, originellement au centre d'une croix latine, par la suite au centre de toutes sortes de signes cruciformes.
Quoi de plus chrétien que la rose et que la croix ? La rose est l'un des emblèmes de la Mère de Dieu, laquelle, dans les litanies qui lui sont consacrées, est saluée du nom de "Rose Mystique", avec le sens, simple et évident, de beauté cachée.
Les éléments constitutifs de l'emblème rosicrucien sont donc d'origine chrétienne, cela ne fait aucun doute. Mais c'est l'association de ces deux éléments constitutifs qui a donné lieu à une nouvelle convention. Nouvelle convention qui est beaucoup moins chrétienne que les éléments constitutifs pris isolément. Or, de fait, la rose et la croix associées recouvrent toujours une intention de détournement du christianisme institutionnel.
Historiquement la "rose-croix" a été choisie comme pavillon par une société de pensée dont nous allons voir les premières manifestations et dont le dynamisme est tout entier dirigé vers la réformation universelle, c'est à dire dans le sens du renversement des institutions historiques chrétiennes et dans le sens de leur remplacement par autre chose. Autre chose qu'il s'agit précisément d'élaborer. Le pavillon rosicrucien est chrétien dans ses apparences, mais la marchandise qu'il couvre ne l'est pas.
Trois coups de clairons teutoniques ont brusquement annoncé, dans les premières années du XVIIè siècle, l'existence, que l'on soupçonnait vaguement d'ailleurs, de la Fraternité de la Rose-Croix. Ces trois coups de clairons, ce sont les trois Manifestes rosicruciens que nous allons étudier maintenant.
Et s'ils prennent place dans notre enquête sur les doctrines révolutionnaires, c'est précisément parce qu'ils ont inauguré, sur un certain plan tout au moins, la phase de la réformation politique.
La "Réformation" luthérienne avait été surtout religieuse. La "Réformation Universelle" qu'entreprennent bruyamment les frères de la Rose-Croix s'étend à la philosophie, à la science et à la politique des États. Examinons tout cela.
Quels sont donc ces trois manifestes dont le ton fut si tonitruant ? Le premier s'intitule la Fama Fraternitatis et date de 1614. Le second est la Confessio Fraternitatis et il a été publié l'année suivante, 1615. Le troisième a pour titre Les Noces Chymiques de Christian Rosenkreutz, édité en 1616.
Pour situer dans le temps les Manifestes rosicruciens, il faut se souvenir qu'à l'époque de leur publication (1614-1616), Luther était un homme du passé récent, mort en 1546 voilà 70 ans, tandis que Cromwel était un homme de l'avenir donc un homme encore inconnu, sa république devant dater de 1653, c'est à dire 37 ans plus tard. Voilà l'encadrement chronologique et événementiel des Manifestes que nous avons maintenant à analyser, sans plus tarder.
* * *
La fama fraternitatis d'abord, puisque c'est le premier en date. Nous sommes donc en 1614 dans le Wurtemberg, c'est-à-dire entre la province de Bade, qui couvre la Forêt-Noire, et le Royaume de Bavière. Et nous sommes à l'Université de Tübingen.
Sur certaines éditions, le titre du premier Manifeste est gravé dans un médaillon entouré de guirlandes à la manière du XVIIè siècle commençant : fama fraternitatis ou confrérie du très louable ordre de la Rose-Croix. 1614. Il n'y a ni nom d'éditeur, ni nom de ville d'origine. Simplement la mention Würtemberg.
Et il n'y a pas non plus de nom d'auteur. Mais, mis à part quelques suppositions qui furent rapidement abandonnées, on soupçonna unanimement Valentin Andrea d'être le rédacteur de la Fama. Ce Valentin Andrea était un jeune pasteur luthérien de moins de trente ans, très connu par ailleurs, parce que très dynamique, très remuant et même très aventureux.
Fama est un mot latin qui signifie renommée, gloire. Le ton est emphatique, dès le titre et il va le rester jusqu'à la fin. Le document se donne comme une déclaration solennelle qui s'adresse aux Princes et aux autorités de la science : "Nous, frères de la Fraternité de la Rose-Croix, dispensons notre salut, notre amour et nos prières aux régents, aux ordres, aux hommes savants et à tout homme qui lit notre écho dans une intention chrétienne."
On va en effet nous exposer une certaine forme du Christianisme. Mais ce sera un christianisme libre, un christianisme insatisfait et frondeur. Bref, ce sera un christianisme révolutionnaire.
Le texte retrace les circonstances qui justifient cette solennelle déclaration : "Dieu a présentement favorisé la naissan-ce d'esprits hautement éclairés qui ont pour mission de rétablir dans ses droits l'art (nous dirions la culture, la civilisation) en partie souillé et imparfait, afin que l'homme achève de comprendre à la fois la noblesse et la magnificence qui sont les siennes et sa condition de microcosme, et encore la profondeur de ses possibilités dans la pénétration de sa propre nature".
La Fama nous annonce donc une réforme de la philosophie qui va enfin nous aider à comprendre notre état et notre statut d'être humain, état et statut dont l'intelligence profonde nous échappe jusqu'à présent. Et le texte continue : "Or Dieu a gratifié notre siècle par une foule de révélation, par le livre de la nature et par la règle de tous les arts". Autre-ment dit, le progrès qui c'est récemment manifesté dans toutes les sciences annonce une rénovation complète de la civilisation.
Voici maintenant la présentation du génial philosophe qui est le fondateur de l'ordre de la Rose-Croix au nom duquel la déclaration est faite : "Aussi a pris naissance le projet d'une réformation universelle auquel notre défunt Père Christian Rosenkreutz, esprit religieux et hautement illuminé, Allemand, chef et fondateur de notre Fraternité, a consacré de grands et longs efforts."
Et la déclaration préliminaire se termine par des considérations un peu alambiquées que l'on peut résumer ainsi : il n'est plus temps de s'en tenir aux anciens dogmes, il faut au contraire réviser ses connaissances, pour repartir sur des bases nouvelles.
Nous tenons là la quintessence de l'intention qui va être développée par la suite : une réformation universelle qui sera le prolongement de la réformation plus proprement religieuse de Luther. Ce sera une réformation de la science et de la philosophie puisque la Fama s'adresse aux notoriétés intellectuelles ("les ordres"). Et ce sera aussi une réformation de la politique des États puisque ce même document s'adresse aux "régents", c'est-à-dire aux Princes.
Nous en avons fini avec les considérations préliminaires, avec les "généralités". Elles sont relativement courtes mais elles condensent bien les intentions de l'auteur.
Après cela, tout le reste de ce premier "manifeste" va être consacré à la biographie du fondateur de la Fraternité de la Rose-Croix, Christian Rosenkreutz.
On ne tarde pas à se convaincre que ce Christian Rosenkreutz est un personnage mythique. Mais c'est aussi un per-sonnage typique. Il présente tous les traits communs à ces illuminés gyrovagues qui, à la fin du moyen-âge, se mêlant aux étudiants sérieux, sillonnèrent la Chrétienté et périgrinèrent d'Université en Université, soit pour écouter des cours, soit pour en donner eux-mêmes. Un des modèles les plus accomplis de cette sorte de personnages est incontestable-ment Paracelse que précisément Valentin Andrea, l'auteur de la Fama, prend explicitement comme exemple.
Paracelse est un médecin et un alchimiste Suisse qui a réellement existé. Il a vécu au début du XVIè siècle, de 1493 à 1541, donc 73 ans avant la publication de la Fama. Nous allons le retrouver tout à l'heure, mais écoutons Valentin Andrea nous raconter la vie mythique et typique de Christian Rosenkreutz.
Entrons donc dans la "Chanson de geste rosicrucienne" qui va nous rappeler, sous bien des rapports, les Romans et les Poèmes du cycle du Graal ; elle nous rapellera surtout, évidemment, les romans graaliens de la deuxième génération, non pas ceux de Chrétien de Troyes dans lesquels l'inspiration chrétienne est encore prédominante, mais ceux de Wolfram von Eschenbach où c'est l'influence arabe qui l'emporté.
Christian Rosenkreutz serait né en 1378. Ses parents, nobles et pauvres, comme il se doit, le confient à des religieux qui lui dispensent une instruction soignée, lui apprenant le latin et le grec. Il est bien évident que cet enfant prédestiné se montre d'une extrême précocité. Il est difficile qu'il en soit autrement. Dès que ses forces le lui permettent, il part en pèlerinage au saint sépulcre, accompagné par un des religieux du collège où il a été élevé.
Mais voilà qu'à l'escale de Chypre, le religieux accompagnateur tombe malade et meurt. Les liens que rattachent le jeune homme à la religion institutionnelle viennent de se rompre. Christian Rosenkreutz, qui a atteint sa pleine maturité intellectuelle et qui n'a plus besoin de son mentor, continue seul son pèlerinage.
Cependant, au lieu d'aller directement à Jérusalem, il marque un long arrêt dans une ville de Turquie où il gagne sa vie en exerçant la médecine, malgré son jeune âge, que Valentin Andrea semble avoir un peu oublié.
C'est dans cette ville de Turquie qu'il entend parler, pour la première fois, des sages de damcar et des révélations qui leur ont été faites sur la nature toute entière. Voila donc des "Sages", notons le en passant, qui reçoivent des révélations, non plus sur les choses surnaturelles, comme les saints du christianisme, mais sur les choses de la nature. Ne soyons pas trop regardants sur l'origine de ces "révélations".
Il n'en faut pas plus à Christian Rosenkreutz pour se détourner de son pèlerinage au Saint Sépulcre. Il prend une bifurcation tout à fait symptomatique de l'état d'esprit qui va désormais le régir : il part pour la ville de Damcar et on ne nous reparlera plus du Saint Sépulcre.
Quelle est donc cette ville de Damcar ? S'agit-il de Damas ou de Damiette ? On ne sait. On nous dit seulement qu'elle est située en Arabie, une Arabie romanesque où la précision géographique ne s'impose pas.
A Damcar, Rosenkreutz entre en conférence avec les sages dont il a tellement entendu parler. Ceux-ci lui donnent à lire un livre étonnant qui est pour lui une véritable révélation : le Liber Mundi.
Ce Liber Mundi existe réellement. C'est un ouvrage occultiste arabe du XIVè siècle. On y traite du symbolisme naturel, c'est-à-dire des correspondances entre l'homme microcosme et l'univers macrocosme.
Rosenkreutz traduit en latin le Liber Mundi et il le conserve dorénavant dans ses bagages. Car il part maintenant pour l'Égypte qui manque encore à sa formation.
La Fama ne s'étend pas sur ce que fit Rosenkreutz en Égypte et sur ce qu'il y apprit. De l'Égypte il passe au Maroc. L'étape du Maroc va être la plus importante de son pèlerinage détourné.
A Fez il est émerveillé par le niveau intellectuel des savants arabes et plus encore par leur organisation. Songez que tous les ans, à Fez, se tient une grande assemblée des sages venus de tous les pays musulmans. Ils se réunissent pour confronter leurs acquisitions de l'année sur les mathématiques, la physique et la magie. Christian Rosenkreutz séjourne deux ans à Fez et il y apprend beaucoup.
Il passe ensuite en Espagne, avec dans ses bagages, accompagnant le Liber Mundi traduit en latin qui le suit depuis Damcar, une multitude d'objets précieux ramenés de Turquie, d'Arabie, d'Égypte et du Maroc.
Installé en Espagne, il se met en devoir de répandre son expérience, ses connaissances et sa philosophie. Il écrit à tous les "savants", non seulement d'Espagne, mais de toute la Chrétienté. Il rédige à leur intention "une axiomatique nouvelle qui permet de résoudre absolument tous les problèmes". Le texte de la Fama n'en dit pas plus et ne cite aucune des phrases de cette axiomatique. S'agit-il d'une systématisation de la méthode expérimentale ? On ne sait. Malheureusement les savants chrétiens ne sont pas mûrs pour un enseignement si élevé. Ils se donnent la peine de répondre aux lettres de Rosenkreutz, bien sûr, mais c'est pour lui faire savoir qu'ils trouvent son axiomatique ridicule.
Devant cette incompréhension générale, Christian Rosenkreutz conclut à la nécessité : "de fonder en Europe une société qui possédât assez d'or et de pierres précieuses pour en faire le prêt aux Rois à des conditions intéressantes. Société qui se chargeât également de l'éducation des Princes. Société encore qui sût tout ce que Dieu a accordé aux hommes de savoir, afin que l'on pût, comme les païens à leurs idoles, s'adresser à elle en cas de nécessité !"
En somme Rosenkreutz, ou plutôt Valentin Andrea, le véritable auteur de la Fama fraternitatis, rêve d'une académie permanente, d'une société de pensée qui éduquerait les Princes et règnerait, par son organisation, sur les consciences et sur les esprits.
Ici le texte de la Fama interrompt la biographie de Christian Rosenkreutz pour se livrer à des considérations générales, fort intéressantes d'ailleurs puisqu'elles nous livrent les doctrines de Valentin Andrea.
Nous apprenons qu'au temps de Christian Rosenkreutz (ce qui nous ramène au dernier quart du XIVè siècle) : "le monde était déjà gravide d'un grand bouleversement... et ce monde engendrait déjà des héros inépuisables et glorieux qui faisaient éclater les ténèbres de la barbarie... Ces héros constituaient la pointe du triangle de feu dont l'éclat de flamme ne cesse d'augmenter et qui allumera, sans aucun doute, le dernier incendie qui embrasera le monde".
Comme exemple de ces "héros inépuisables et glorieux", la Fama cite évidemment Paracelse, l'un des grands prototypes du "sage", et ajoute aussitôt : "Certes Paracelse n'a pas adhéré à notre Fraternité. Mais il était un lecteur assidu du Liber Mundi..."
Cette digression dans l'ordre de la philosophie de l'histoire étant terminée, la Fama reprend la biographie romanesque de Christian Rosenkreutz.
Nous l'avons quitté en Espagne au moment de ses appels infructueux aux savants d'Europe. Il ne va pas rester en Espagne, si loin de tout.
Il revient dans son pays, en Allemagne, fort de ses connaissances philosophiques et en particulier de ses connaissances en alchimie spirituelle, bien que nourrissant une forte animosité à l'égard des alchimistes opératifs qu'il considère comme des charlatans.
En Allemagne, il se fait construire une vaste demeure confortable où il se met à "méditer sur ses voyages et sa philosophie pour en constituer un mémorial précis". C'est dans cette demeure confortable qu'il construit beaucoup de beaux instruments dont la plupart sont aujourd'hui perdus malheureusement.
Puis il commença le recrutement de la Fraternité dont il avait senti la nécessité quand il était en Espagne, en vue de la grande mutation universelle. Le texte de la Fama donne par leurs initiales les noms des trois premiers frères de la Rose-Croix. Ces trois groupes d'initiales ont donné lieu à des suppositions nombreuses entre lesquelles nous n'avons pas à choisir. Peu importe qui furent les premiers frères de la Rose-Croix. Ce qui est certain, selon la Fama, c'est que Rosenkreutz leur fit contracter un engagement suprême à son égard, un engagement de fidélité, de diligence et de silence.
La Fraternité rosicrucienne vivait des soins que les frères dispensaient aux malades. Mais les malades devenaient trop nombreux. Il fallut recruter huit nouveaux membres. C'est alors seulement que l'on rédigea la règle de la Confrérie.
Voici les principaux articles : Interdiction d'exercer une profession autre que de guérir les malades ; interdiction de porter un habit spécial ; obligation de se réunir chaque année dans la maison des fondateurs appelée dès lors la "Maison de l'Esprit"; la confrérie doit rester ignorée pendant deux siècles ; obligation de se choisir un successeur.
Intervient alors la cérémonie de la dispersion solennelle des frères de la Rose-Croix. Chacun partit dans la contrée qui lui avait été assignée afin de travailler séparément à la grande réformation universelle, en jouant le rôle de levain clairsemé dans la pâte.
Ceux qui publièrent, en 1614, la Fama Fraternitatis déclarent avoir appartenu à la troisième cooptation.
Le texte comporte alors cette étonnante déclaration où l'on sent la plume du fougueux pasteur luthérien Valentin Andrea "Sans mettre en doute les remarquables progrès que le monde a réalisés en l'espace d'un siècle, nous avons cependant la conviction de l'immutabilité de notre axiomatique jusqu'au Jugement dernier... Nous avons la certitude que nos pères, s'ils avaient profité de cette vive lumière qui nous baigne aujourd'hui, auraient eu plus de facilité pour taner le cuir du pape et de mahomet, au lieu de ne recourir qu'à des soupirs"
Étonnante déclaration en effet sous bien des rapports, en particulier parce qu'elle constitue une véritable manifestation d'illuminisme : "Si nos pères avaient profité de cette vive lumière qui nous baigne aujourd'hui..."
La Fama nous réserverait encore un épisode haut en couleur : la découverte du tombeau de Christian Rosenkreutz. Mais nous n'avons pas le temps de nous y attarder. Il faut en finir avec ce premier Manifeste.
La Fama est incontestablement un appel au recrutement "Bien que nous n'ayons actuellement indiqué ni notre nom (d'auteur), ni emplacement de notre assemblée, il est certain que les avis de tous nous parviendront." Ce qui veut dire que toutes les précautions sont prises pour que les "savants" qui sont intéressés, puissent prendre contact avec les frères de la Rose-Croix.
Mais la Fraternité n'a pas pour autant le désir de devenir une association publique. Elle entend rester cachée. Elle veut rester une société secrète. C'est tout au moins ce qu'affirment, avec une certaine grandiloquence, les trois dernières lignes de ce premier Manifeste : "Il faut bien que notre demeure, quand bien même 100 000 hommes aient pû la contempler, reste intacte pour l'éternité au yeux du monde impie, à l'ombre de tes ailes, ô Jéhovah."
* * *
Le second Manifeste rosicrucien est la Confessio Fraternitatis dont voici le titre complet : "Confessio Fraternitatis ou Confession de l'Insigne Confrérie du Très-Honoré Rose-Croix à l'Adresse des Hommes de Science de l'Europe. 1615."
Il n'y a là, non plus, ni nom d'éditeur, ni nom d'auteur. Mais on attribue couramment ce second texte au même rédacteur que le premier c'est-à-dire à Valentin Andrea.
C'est un document très court. Il ne comporte que quatorze petits chapitres de 15 à 20 lignes chacun. C'est une suite de déclarations de principes entre lesquelles on a du mal à choisir les plus caractéristiques. Nous ne pouvons pas tout citer. Notre sélection sera forcément arbitraire.
Du chapitre premier nous retiendrons seulement la notion du "nouveau matin" qui se prépare : "En ce jour le monde est sur le point d'atteindre l'état de son repos, avant de se hâter vers un autre matin, après l'achèvement de sa période et de son cycle."
Le chapitre II se résume ainsi : La philosophie ancienne (scolastique) est malade. A sa suite, le monde est malade. Mais la rénovation universelle est imminente.
Le chapitre III invite les savants à venir goûter, dans la Confrérie, "les merveilles du sixième temps".
Du chapitre quatrième on peut extraire ceci : "...nous allons démanteler et abandonner le vieil édifice disgracieux... nous allons construire un nouveau château et une nouvelle forteresse à la Vérité. C'est aux Rose-Croix qu'est réservé l'allumage du sixième candélabre."
Le chapitre cinquième serait à citer entièrement. Retirons-en seulement cette phrase sibylline : "...nous sommes chargés d'organiser en Europe le gouvernement. Nous en possédons une description établie par notre Père Christian. Cela, après que se soit réalisé et accompli ce qui doit antérieurement arriver. A savoir quand les prédictions, murmurées par bribes, d'un avenir que l'on présage à l'aide des symboles secrets, auront rempli la terre entière".
Faut-il voir là l'évocation d'un plan révolutionnaire par étapes successives ? Ou bien s'agit-il seulement d'une rodomontade ? Le symptôme est un peu trop mince pour que l'on puisse en décider.
Le chapitre VI se résume en ceci : que l'on n'essaye pas de nous infiltrer, on n'y parviendra pas.
Chapitre VII : la réformation prochaine sera la réouverture du paradis terrestre.
Le chapitre huitième fait état de l'apparition d'astres inconnus dans certaines constellations. Ils annoncent la proximité de la rénovation.
Le chapitre neuvième annonce la mise au point par les frères d'une écriture magique et d'une nouvelle langue.
Le chapitre X est l'apologie de la Bible que tous sont invités à appliquer à la lettre.
Le onzième chapitre rectifie le jugement trop sévère porté par la Fama sur les alchimistes.
Le chapitre douzième, en sens contraire, met en garde contre les charlatans.
Le treizième chapitre est celui de la cordialité tudesque et wurtembergeoise : "Qu'en dites-vous, bonnes gens, com-ment vous sentez-vous maintenant que vous comprenez et que vous savez que nous proclamons le Christ en toute inno-cence, que nous condamnons le Pape, que nous menons une existence de chrétiens... Ne pensez-vous pas vous initier enfin à nos côtés, compte tenu non seulement de vos dons intérieurs mais aussi de votre expérience du Verbe de Dieu".
Quatorzième et dernier chapitre : La Fraternité restera secrète. Elle ne se révèlera pas à l'extérieur tant qu'un décret divin particulier ne l'y aura pas expressément invité.
Ainsi se termine la "Confessio Fraternitatis", texte beaucoup moins romanesque et moins pittoresque que la Fama, mais beaucoup plus révélateur quant à l'esprit et à l'organisation de la Confrérie rosicrucienne.
* * *
Le troisième Manifeste rosicrucien s'intitule, en allemand Chymische Hochzeit Christiani Rosenkreutz anno 1459. L'ouvrage est édité, non plus dans le Würtemberg, mais à Strasbourg en 1616. Il est censé être écrit par Rosenkreutz lui-même.
Ce troisième Manifeste est-il encore de la plume de Valentin Andrea ? C'est moins certain que pour les deux premiers. Ce texte est un roman à la fois chevaleresque et alchimique. Il est on s'en doute, éminemment allégorique. Christian Rosenkreutz, qui se met en scène lui-même, se donne parfois les traits de Perceval dans les romans du Graal.
D'une façon générale, la ressemblance des "Noces Chymiques" avec les romans du Graal deuxième manière est notable et l'on peut s'étonner qu'elle n'ait pas été mise plus souvent en évidence.
Le roman de ces "Noces" se déroule en sept jours. Nous n'avons pas le temps de nous attarder sur chacune de ces sept phases. Nous ne résumerons que les épisodes les plus importants.
Le "premier jour" raconte l'invitation aux Noces. Nous sommes à la veille de Pâques. Rosenkreutz est assis à une table et il médite. Il médite sur des mystères "dont quelques-uns lui ont été révélés par le maître des lumières". Soudain, une terrible tempête s'élève au milieu de laquelle apparaît une "glorieuse vision".
Un personnage magnifique se montre, portant des vêtements bleu-ciel et étincelant de lumière. Dans sa main droite il porte une trompette d'or sur laquelle est écrit le nom de Christian Rosenkreutz. Dans l'autre main, il porte un paquet des letttres qu'il va distribuant dans le monde entier. C'est l'invitation aux "Noces Royales". Rosenkreutz reçoit la sienne. Il peut y lire : "Dirige-toi vers la montagne où trois Temples se dressent avec majesté. Là où tout est visible, du commencement à la fin." Rosenkreutz s'habille alors de blanc, il épingle sur son épaule un ruban rouge en forme de croix et il pique quatre roses rouges sur son chapeau.
Le deuxième jour est consacré à l'arrivée au château et à la prise de contact avec les autres invités. Les allégories sont nombreuses mais nous n'avons pas le temps de nous y attarder.
Le troisième jour est celui du banquet. Sur des tables revêtues de nappes en velours rouge à franges d'or, des pages offrent aux convives des bijoux : les uns sont des "Toisons d'Or" et les autres des "Lions Volants".
Le quatrième jour est celui de la représentation théâtrale. Le public se tient "entre les colonnes", car deux colonnes délimitent l'assistance. Le drame se déroule sur le rivage de la mer. Le flot apporte une caisse qui contient un enfant accompagné d'une lettre. Le pays de l'enfant a été envahi par les Maures. On a voulu sauver l'enfant. Mais le Roi des Maures le poursuit. Le voilà qui apparailt. Cependant, l'enfant s'est transformé en une jeune femme que le Roi Maure veut saisir. Le fils du Roi du rivage intervient et la sauve. On les fiance.
Le cinquième jour est celui de l'exploration de la crypte. Rosenkreutz y découvre des inscriptions étranges, toutes remplies d'allusions alchimiques.
Le sixième jour est consacré "au dur travail des fourneaux". Les alchimistes réussissent a créer la vie sous la forme d'un phénix.
Le septième et dernier jour est le plus important. Les invités aux Noces montent dans 12 bateaux dont les pavillons représentent les 12 signes du Zodiaque. Une demoiselle d'honneur vient les informer qu'ils sont tous créés "Chevalier de la pierre d'or". Après une promenade en mer, ils se forment un cortège pour une somptueuse procession. Un page lit les règles de "l'Ordre de la Pierre d'Or". Elle comporte cinq articles parmi lesquels certains ressemblent singulièrement à ceux de la Constitution d'Anderson (1717) qui forme la Charte de la Franc-Maçonnerie. Nous n'avons pas le temps de nous livrer à une comparaison, mais elle serait très instructive. La journée se termine par une intronisation à la chevalerie (à noter que le texte ne comporte pas le terme d'adoubement, ni celui d'initiation).
Rosenkreutz suspend la "Toison d'Or" à son chapeau avec cette inscription : "Summa Scientia Nihil Scire". Le sommet de la science est de ne rien savoir. Devise qui résume la règle contemplative des "Mystiques Rhénans", appelée aussi la docte ignorance.
Ainsi se termine le troisième et dernier Manifeste rosicrucien : "Les Noces Chymiques de Christian Rosenkreutz".
Mais finalement point de Noces, point de mariage. A peine de vagues fiançailles esquissées sur le bord de la mer à la fin du quatrième jour. A tel point que l'on se demande si, d'allégories en allégories, les "noces chymiques" auxquelles nous avons été conviées ne sont pas tout simplement la hiérogamie du Créateur avec la créature dans le meilleur style alchimique.
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Pris dans leur ensemble, les Manifestes rosicruciens sont un appel à la Réformation Universelle sur les ruines de l'ordre chrétien. A un certain moment, nous avons même vu apparaître, en feu-follet, comme la lueur du "Grand Soir".
Ces trois coups de clairon ont suivis un silence hermétique ("silentium post clamorem" disait-on alors en Würtemberg). Mais il est bien évident qu'ils avaient été précédé par une longue préparation, une longue incubation. La Fraternité de la Rose-Croix a eu sa préhistoire.
Quant à l'influence postérieure de ces trois manifestes, elle a été considérable et cela surtout en Angleterre. Ce sont les frères de la Rose-Croix qui sont allés parasiter les dernières loges opératives d'Angleterre et d'Écosse et qui les ont transformées en loges dites spéculatives. Le rosicrucianisme est une des sources les plus certaines de la maçonnerie moderne en même temps que de l'idéologie révolutionnaire.
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[1] http://www.virgo-maria.org/articles/2006/VM-2006-12-18-A-00-Bon_Pasteur_Symbolique_Rose_Croix_1.pdf
[2] http://www.virgo-maria.org/articles/F-Rampolla/VM-2006-04-29-1-00-Operation_Rampolla_Complet.pdf
[3] http://www.rose-croix.org/01_histoire_his_rosic.htm
[4] De la Révolution, Essai sur la politique maçonnique, Jean-Claude Lozac’hmeur et Bernaz de Karer, Editions Sainte Jeanne d’Arc, p. 145
[5] Ibid, p. 146
[6] Ibid, p 147