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CAPITAL : Lettre ouverte solennelle des fidèles aux quatre évêques de la FSSPX
http://www.virgo-maria.org/articles/2006/VM-2006-10-10-A-00-Appel_aux_quatre_eveques_de_la_FSSPX.pdf
Qui et Pourquoi, depuis la mort de Mgr Lefebvre en 1991, a détourné la finalité surnaturelle de l’OPERATION-SURVIE des sacres de 1988, pour assigner à la FSSPX ce FAUX objectif prioritaire de la «ré-conciliation» avec la Rome conciliaire (en fait la «ré-conciliarisation» de la FSSPX) ? |
Qui a, depuis 2000, PROMU, et Pourquoi, le FAUX préalable de l’autorisation de la messe de Saint Pie V ? |
Pourquoi n’a-t-on pas posé la VRAIE question du rétablissement du VRAI Sacerdoce de VRAIS prêtres, ordonnés par des Evêques VALIDEMENT sacrés selon le rite VALIDE des Saints O rdres ? |
Qui a INVENTE, et POURQUOI, le faux préalable de la levée des «excommunications» ? |
Pourquoi n’a-t-on pas posé la VRAIE question de l’abrogation de Pontificalis Romani INVALIDE de 1968 et du rétablissement du vrai rite de la consécration épiscopale VALIDE d’avant 1968? |
A quoi servirait-il, en effet, de faire dire le VRAI rite de la messe par de FAUX prêtres ? |
Serait-ce donc qu’après avoir obligé de VRAIS prêtres à dire une FAUSSE messe, l’on veuille désormais faire dire la messe du VRAI rite par de FAUX prêtres ? |
Serait-ce que l’on veuille «concilier» les VRAIS prêtres qui disent encore la VRAIE messe avec un clergé aussi INVALIDE que le FAUX CLERGE ANGLICAN ? |
Gaude, Maria Virgo, cunctas hæreses sola interemisti.
(Tractus Missæ Salve Sancta Parens)
dimanche 22 juillet 2007
Ce message peut être téléchargé au format PDF sur notre site http://www.virgo-maria.org/.
Joseph Ratzinger,
Témoin et architecte de la métamorphose de l’Eglise
Conférence du Docteur Regazzoni à Paris devant la FSSPX en octobre 2005
Un blog catholique produit un texte très important. Il s’agit de la conférence du Docteur Regazzoni donnée à Paris lors du Symposium de théologie de la FSSPX des 6, 7 et 8 octobre 2005.
Alors que la Direction de la FSSPX poursuit l’application de la politique suicidaire inspirée par l’abbé Aulagnier, celle des « deux préalables » que nous dénonçons depuis des mois dans le bandeau en tête de nos messsages, ce texte dévoile le rôle clé de l’abbé apostat Ratzinger dans la destruction de l’Eglise catholique, à la fois comme témoin lors du concile Vatican II, puis comme Architecte à mesure qu’il a pris des responsabilités importantes au sein de cette structure antichrist qui éclipse la véritable Eglise catholique.
Le vrai visage trompeur, rusé et habile de l’abbé apostat Ratzinger apparaît en pleine lumière :
« ils [les révolutionnaires de Vatican II]ont opéré au sein de l’Eglise une révolution comparable à celle faite par les réformateurs avec la différence que ces derniers ont été moins malhonnêtes en déclarant ouvertement leur opposition au Magistère de l’Eglise alors que Ratzinger[1] a toujours contesté qu’il y avait une scission entre l’époque préconciliaire et celle qui l’a suivie » Docteur Regazzoni, 2005
C’est avec ce personnage qui respire la duplicité et la manipulation, et dont Mgr. Lefebvre avait déclaré qu’il ne serait jamais possible de traiter avec lui « car il travaille à la déchristianisation du Monde », que Mgr Fellay a pris l’initiative d’amorcer un « processus de réconciliation », mettant ainsi clairement en péril de mort l’œuvre sacerdotale de Mgr Lefebvre qui transmet encore validement le sacrement de l’Ordre du Sacrifice de Melchisédech.
Remarquons la situation de vulnérabilité dans laquelle le petit réseau des infiltrés et Mgr Fellay ont placé la FSSPX depuis le pèlerinage à Rome de l’an 2000, puis l’adoption de la politique suicidaire des « deux préalables » d’Aulagnier depuis 2002, pour engager enfin un « processus de réconciliation » depuis la visite de Mgr Fellay à Ratzinger le 29 août 2005, visite sollicitée par Mgr Fellay sur les instances de l’abbé Schmidberger, complice de l’abbé Aulagnier qui avait déjà organisé la chute et l’apostasie de Campos, le diocèse de Mgr Castro-Mayer.
Cette vulnérabilité a été accrue par les initiatives répétées de conditionnement des esprits effectuées par le petit réseau des infiltrés modernistes et Mgr Fellay : dissimulation des scandales et sacrilèges conciliaires, diffusion du leurre de la « réforme de la réforme » (rite de La Rocque, messe pipaul de l’abbé Celier, etc.), trahison de la vérité dans les études (sophismes répétés dans les prétendues démonstration de validité du nouveau rite épiscopal de Bugnini\-DomBotte-Lécuyer-MontiniPaulVI, fausse justification de l’imposture sacrilège de la pseudo-révélation du « 3ème secret de Fatima » de l’an 2000 qui n’est qu’une contrefaçon, fausse notion du Magistère ordinaire universel, etc).
C’est cette vulnérabilité, introduite à dessein, qui a déjà produit une première hémorragie des fidèles (-20%) et une baisse des vocations. Elle sécrète une paresse intellectuelle qui engendre la médiocrité et la perte progressive de la flamme de la Foi.
Mgr Lefebvre ne reconnaîtrait plus son œuvre sacerdotale s’il revenait aujourd’hui et s’il entendait les autorités parler de « prêtres probables » ou d’ « ordinations à priori valides », ou encore de « concept devenu inopérant » au sujet de la doctrine du Christ-Roi, ou encore, selon les écrits de l’abbé Celier, de l’« immobilisme de type providentialiste, qui reviendrait à ne pas faire ce qui est à notre portée pour contribuer à résoudre la crise, sous le fallacieux prétexte que « Dieu y pourvoira ». Mgr Lefebvre dénoncerait ! Et chasserait de tels modernistes de son œuvre !
Comment en 16 ans, par quelle somme progressive et quotidienne de démissions et de compromis coupables, la Direction de la FSSPX a-t-elle pu en arriver là ?
Abandonnant avec détermination le combat doctrinal et sacramentel de Mgr Lefebvre, la Direction de la FSSPX n’a toujours produit aucune analyse critique de la première prétendue encyclique de l’abbé Ratzinger en début 2006, assimilant eros et Dieu.
Elle reste muette face aux discours oecuménistes répétés de Ratzinger et de son équipe, alors que se multiplient les initiatives et que les contacts interconfessionnels n’aient jamais été aussi avancés dans la réalisation du plan maçonnique de religion universelle.
Elle reste impavide devant l’annonce au printemps 2007 d’une prochaine « union » de l’Eglise Catholique avec les Anglicans.
Et surtout, aucune réaction officielle ne vient prendre en considération l’étendue des faits incontournables de l’invalidité du nouveau rite de consécration épiscopale, désormais largement exposés sur la place publique. Nous connaissons les propos erronés et condamnés par le Pape Innocent XI et attribués à Mgr Fellay par le site Donec Ponam sur les « prêtres probables » et les ordinations conciliaires « a priori valides ».
Pas un mot non plus des autorités ni des clercs de la FSSPX à propos des archives officielles du Consilium liturgique des réformateurs modernistes antichrists, archives inconnues de Mgr. Lefebvre, désormais révélées publiquement dans toutes leurs effarantes turpitudes et mises en ligne sur le site du CIRS www.rore-sanctifica.org.
Rien pas une seule réaction, pas un battement de cil !!! Et ces gens là prétendent aimer et défendre l’honneur de Notre seigneur Jésus-Christ !
Aux différents titres de moderniste qu’il cumule depuis le début de sa carrière, l’abbé apostat Ratzinger doit sans doute apprécier à huis clos, avec ses plus proches comparses, un titre qui lui tient à cœur plus que les autres : celui d’avoir été le témoin et l’Architecte de la métamorphose de la FSSPX.
Dans ce texte très profond et très bien documenté du Docteur Regazzoni, nous attirons l’attention des lecteurs sur la filiation intellectuelle de Ratzinger avec le bénédictin Dom Beauduin, en passant par le jésuite Wilhelm de Vries :
« Le texte élaboré par le Professeur Ratzinger pour compte du Cardinal Frings veut être une critique de la conception romaine de la catholicité. Loin d’être les rêveries d’un professeur solitaire ses réflexions traduisent l’état d’esprit présent chez une partie des catholiques qui, tout en acceptant les vérités de foi exprimés à travers les dogmes, n’approuvaient pas que le Magistère de l’Eglise exige qu’on ait recours à l’ontologie classique pour les rendre intelligibles. L’éminent spécialiste des églises orientales, le père jésuite Wilhelm de Vries, s’était exprimé sur ce sujet une année auparavant dans un article intitulé: « Le problème œcuménique à la lumière des ententes d’Union en Orient »[2]. L’identification du dogme avec le modèle de l’Eglise Romaine représente pour le père de Vries l’obstacle majeur à une réunification. Séparant romanité et catholicité, il affirme que ceux qui identifient ces deux données n’ont pas le sens de la vraie catholicité qui consiste à savoir incorporer, dans la mesure où elles répondent aux conditions impliquées dans le dogme, la pluralité des cultures avec leurs formes propres dans l’Eglise universelle. S’appuyant sur la thèse soutenue trente ans auparavant par Dom Lambert Beaudouin – un des précurseurs de l’œcuménisme – de Vries affirme qu’en insistant sur la forme latine du catholicisme, on pourra gagner des personnes individuelles, mais qu’on ne pourra jamais faire adhérer une communauté entière à la cause de l’unité. D’après de Vries ce principe s’appliquait également aux églises séparées de Rome à la suite de la Réforme. » Docteur Regazzoni
Nous sommes là exactement devant le projet de Dom Beauduin, de ‘L’Eglise anglicane unie mais non absorbée’[3] (1925) que nous avions diffusé en mars 2006.
C’est ce modèle que, quarante ans plus tard, l’abbé Ratzinger tente d’appliquer avec les Anglicans et les Patriarcats orientaux, et aussi, actuellement, avec la FSSPX dirigée par Mgr Fellay qui fait tout pour en être la première victime, et sans doute le premier récompensé.
Cette conférence du Docteur Regazzoni de 2005 semble être désormais devenue très gênante pour la Direction de la FSSPX qui se garde bien de la faire connaître.
Continuons le bon combat
Abbé Michel Marchiset
Conférence du Docteur Regazzoni
au Symposium théologique de la FSSPX à Paris, les 6, 7 et 8 octobre 2005[4]
Dans nos études précédentes, je me suis efforcé de démontrer jusqu’à quel point le dernier Concile était marqué par la volonté d’opérer une métamorphose au sein de l’Eglise. Au courant du présent symposium, je voudrais vous présenter un témoin et architecte de cet événement : le Professeur Joseph Ratzinger, conseiller de l’un des chefs de file de l’alliance du Rhin, le Cardinal archevêque de Cologne, Joseph Frings. C’est en cette qualité qu’il développa, en collaboration avec d’autres partisans de la nouvelle théologie tels que Rahner et Küng, la doctrine de l’église conciliaire.
On peut, dans son activité, distinguer plusieurs phases. La première phase, qui coïncide avec la phase préparatoire du Concile, commence avec sa nomination comme expert par le Cardinal Frings. Cette phase est particulièrement importante car elle nous familiarise avec une façon de penser inhabituelle pour un catholique orthodoxe. Elle se termine avec la défaite du parti romain au moment où Jean XXIII, dans la question sur les deux sources de la Révélation, prit ouvertement position en faveur des modernistes. La deuxième phase peut être nommée la phase de consolidation de la position moderniste. Elle commence par l’élection du Cardinal Montini à la suprême magistrature de l’Eglise. La troisième phase va de la fin du Concile à sa nomination comme préfet de la Congrégation pour la Foi. C’est alors qu’il rédigera son œuvre de base intitulée : « Introduction au Christianisme», mais il vaudrait mieux l’appeler « Initiation à la vie de Chrétien ». La quatrième phase comprend son activité comme préfet et bras droit de Jean Paul II. Dans mon exposé, je me limiterai à la première phase, tout en ayant recours à des écrits provenant d’autres époques, car c’est à ce moment que ses prises de position contre l’orthodoxie catholique laissent pressentir ce que sera la future Eglise. Je voudrais également préciser que, dans le but de rester fidèle à la pensée de Ratzinger, je me référerai au texte original allemand, que je traduirai.
Lorsque, comme philosophe, on se penche sur l’ensemble des faits humains, on est amené à s’interroger sur les nécessités qui les conditionnent. Pour y répondre, on doit avant tout se rendre compte qu’il s’agit de nécessités historiques et non ontologiques. Elles se manifestent chez l’homme sous forme d’un appel, c’est-à-dire d’un acte de la conscience humaine invitant l’homme à rester fidèle à ses convictions qui sont un pacte qu’il conclut avec lui-même et qui génère ce qu’on appelle en langage juridique des effets obligatoires. Puisque l’homme agit en vertu de ses convictions, il est appelé à en assumer les conséquences, faute de quoi il perd sa crédibilité aux yeux de lui-même et de ses semblables.
Pour Saint Thomas d’Aquin, l’homme est tenu à ne pas s’opposer à sa conscience, même lorsqu’elle exige la transgression d’une loi divine[5]. Elle ne le dégage cependant pas de la responsabilité de son acte. Il justifie son point de vue en relevant que ne peuvent être qualifiées de mérite ou de péché que les actions volontaires,[6] celles qui n‘ont pas été soumises à des contraintes provenant de l’extérieur[7].
L‘objet de la volonté est perçu comme un bien sans tenir compte s’il l’est effectivement[8]. Puisque un bien apparent et un bien réel ne doivent pas nécessairement coïncider, on peut arriver à considérer une action objectivement mauvaise comme honnête sur le plan subjectif. Si la conscience exige qu’on agisse conformément à un but qu‘on croit être bon, on ne peut pas être tenu pour responsable de la faute[9].Ce n’est par conséquent pas la vérité qui lie l’homme au jugement de sa conscience.
Lorsqu’on demanda au Cardinal Ratzinger, s’il pouvait s’imaginer, maintenant qu’il était devenu le Préfet de la Congrégation pour la Foi, qu’il renierait une conviction personnelle, il répondit que des corrections, se rapportant à des détails, résultant de la prise de conscience à travers le dialogue, n’étaient pas exclues. Mais il ne pourrait cependant en aucun cas renier sa conviction actuelle acquise par ses propres moyens.[10]
Ratzinger est également un homme qui, grâce au Cardinal Frings, qui le choisit comme expert au Concile, a joué un rôle déterminant dans l’Eglise des quarante dernières années. Son choix ne fut pas le fruit du hasard, mais répondait à des exigences découlant de la nouvelle orientation que Jean XXIII avait voulu faire assumer à l’Eglise dès son élection à la suprême magistrature. Cette nouvelle orientation ne pouvait se justifier à partir de l’enseignement traditionnel. Il était donc tout à fait logique qu’il cherche à contourner cette difficulté en s’appuyant sur des traditions qui se situaient en dehors de celles qui avaient été approuvées par les magistères précédents. Il s’agit de la nouvelle théologie, du mouvement liturgique, ainsi que de la nouvelle science biblique.
Lorsque Ratzinger apparut pour la première fois comme Benoît XVI à la loge du balcon de Saint-Pierre il se présenta comme l’humble travailleur dans la vigne du Seigneur que les Cardinaux réunis en Conclave ont choisi pour succéder au grand Pape Jean Paul II sur le trône de Saint Pierre . Mais en réalité il est un prélat qui, dès le début de sa carrière ecclésiastique, a été profondément marqué par le conflit qui a opposé la théologie classique soutenue par le Magistère à la nouvelle exégèse. Cette exégèse était conditionnée par la réception des nouvelles méthodes d’étude des Saintes Ecritures en milieu catholique. Il avait cru trouver un moyen approprié pour surmonter ce conflit dans la nouvelle théologie. Compte tenu de l’enjeu, il me semble indiqué d’esquisser en bref le conflit entre exégèse et théologie classique.
La réception des méthodes de l’exégèse moderne en milieu catholique s’est fait sentir sur deux points :
a. L’exégèse moderne a contesté l’enseignement du Magistère préconciliaire qui a toujours stipulé que les Saintes Ecritures sont des témoignages authentiques de la présence de Notre Seigneur parmi nous,
b. La capacité de rendre intelligible le message révélé à l’appui d’une philosophie répondant au besoin de l’intelligence humaine de se conformer à la réalité a été mise en doute par elle.
Vu la gravité des conséquences et comme c’est l’opposition entre l’enseignement du Magistère préconciliaire et l’exégèse moderne qui a marqué le jeune Ratzinger, il me semble indiqué d’approfondir la question.
Le Concile de Trente avait stipulé par son décret « de libris et traditionibus recipiendis » du
8 avril 1546, qu’après avoir écarté les erreurs, l’Evangile dans toute sa pureté serait conservé dans l’Eglise. Il avait été tout d’abord été annoncé par les prophètes sous forme de promesse dans les Saintes Ecritures, puis prêché aux Apôtres par Notre Seigneur Jésus Christ qui leur avait ensuite ordonné de l’annoncer à toute créature comme source de vérité salutaire et rectitude morale[11].
Le décret précise ensuite que vérité et enseignement étaient contenus d’une part dans les livres écrits et d’autre part dans les traditions non écrites. Ils nous étaient parvenus par les Apôtres à qui le Christ les avait communiqués oralement, ou que le Saint-Esprit leur avait dicté.
Pour le théologien allemand Joseph Matthias Scheeben, [12]la distinction entre une partie écrite et une partie non écrite de l’enseignement est conditionnée par l’interdépendance entre la transmission du message et sa prédication et il ajoute que toute transmission se fait par la prédication d’une époque et toute prédication est transmission de la parole de Dieu à la postérité. Il distingue toutefois [13] entre les Apôtres qui ont reçu leur mandat directement du Christ et ceux qui leur ont succédé. Ces derniers n’ont pas été mandatés par les Apôtres, mais par le Christ à travers eux pour annoncer tout ce qu’il leur avait appris sur le Christ.
Si on applique à ce qui précède l’argument par le contraire, on est obligé d’admettre que tout refus de la vérité historique des évangiles est faux et doit être rejeté. C’est dans ce sens que Léon XIII termine son encyclique « Providentissimus Deus », en stipulant qu’il était tout à fait inadmissible de limiter l’inspiration des Saintes Ecritures à quelques parties et de prétendre des erreurs de la part du Saint Auteur [14]. A cela il ajoute : On ne peut tolérer la manière de procéder de ceux qui, pour contourner les difficultés, admettent sans hésiter que l’inspiration divine se limite aux questions de foi et de morale. Ils sont dans l’erreur quand ils croient, ayant à faire à la vérité d’une sentence, qu’il est moins important de rechercher ce que Dieu voulait dire que de rechercher les raisons qui l’ont amené à le dire. Avec cette déclaration le Pape Léon XIII avait frappé l’étude des sciences bibliques d’une interdiction qui la limitait dans ses possibilités de recherche.
Avec la préfecture du Cardinal Tisserant[15], un esprit nouveau s’empara de l’étude des sciences bibliques. Nous le retrouvons dans une lettre au Cardinal Suhard qui lui avait demandé l’abolition des deux décrets émis par la Commission Pontificale Biblique dont le deuxième stipulait qu’on ne pouvait mettre en doute le sens littéraire et la vérité historique des trois premiers chapitres de la Genèse lorsque ces faits touchent les fondements de la religion chrétienne à savoir : la création à partir du néant, la création particulière de l’homme, la création de la première femme, la transgression de l’interdiction divine ainsi que la promesse du salut (proto Evangile)[16]. Dans sa réponse, le Préfet relève : La question des formes littéraires des onze premiers chapitres de la Genèse est bien plus obscure et complexe. Ces formes littéraires ne répondent à aucune de nos catégories classiques et ne peuvent pas être jugées à la lumière des genres littéraires gréco-latins ou modernes. On ne peut donc en nier ni affirmer l’historicité en bloc sans leur appliquer indûment les normes d’un genre littéraire sous lequel ils ne peuvent pas être classés. Si l’on s’accorde à ne pas voir dans ces chapitres de l’histoire au sens classique et moderne, on doit avouer aussi que les données scientifiques actuelles ne permettent pas de donner une solution positive à tous les problèmes qu’ils posent.[17]
Tisserant conclut sa lettre par une déclaration qui reflète une philosophie à tendance idéaliste : déclarer a priori que leurs récits ne contiennent pas de l’histoire au sens moderne du mot, laisserait facilement entendre qu’ils n’en contiennent en aucun sens, tandis qu’ ils relatent en un langage simple et figuré, adapté aux intelligences d’une humanité moins développée, les vérités fondamentales présupposées à l’économie du salut, en même temps que la description populaire des origines du genre humain et du peuple élu.
Ces paroles traduisent une mauvaise foi profonde car on y trouve une confusion voulue entre les images dont se servent les Saintes Ecritures et le contenu ontologique exprimé à travers ces images. Son contenu n’est pas un produit de la conscience subjective mais une reproduction fidèle de la structure interne du réel. Il était clair que c’était une déclaration de guerre à la pensée catholique traditionnelle et Pie XII ne manqua pas de relever ce défi par son encyclique « Humani generis ». Le Pape y dénonce les théologiens qui voudraient que le Magistère de l’Eglise, lorsqu’il explique les dogmes, abandonne la langue de l’ontologie classique au profit de celle des Saintes Ecritures et des Pères de l’Eglise[18]. Ces revendications reflètent, d’après lui, un relativisme qui méprise l’enseignement catholique traditionnel[19].
Les passages que j’ai cités nous permettent de voir qu’à la base de la critique du Magistère de l’Eglise préconciliaire il y a un refus, celui de reconnaître que le sens profond des Saintes Ecritures ne peut être rendu intelligible sans qu’on se serve d’une philosophe qui réponde au besoin de vérité de l’intelligence humaine. Nous retrouvons cet état d’esprit dans une étude intitulée « Théologie biblique de l’Ancien Testament »[20] du père Luis-Alonso Schoekel, - par surcroît une des bêtes noires de Monseigneur Spadafora[21] – où avait été étudiée la façon dont le problème avait été abordé en période préscolastique.
L’étude en question avait pour point de départ le texte de l’histoire biblique au sens littéral. A ce dernier s’ajoutait l’allégorie qui établissait la relation avec le Christ et finalement une perspective qui anticipait la gloire céleste. Le père Alonso Schoekel donne pour exemple Jérusalem qui, au sens littéral est une réalité historique, la ville dont David a fait la capitale de son royaume, au sens allégorique elle représente l’Eglise en tant que Cité choisie par le Christ et finalement au sens anagogique elle est une anticipation de la Cité céleste. Vient également s’ajouter le sens tropologique ou moral d’où émanent les règles de vie pratique. Le père jésuite en tire la conclusion suivante : toute la théologie n’était autre chose que le déploiement des vérités que les Saintes Ecritures contenaient implicitement soit l’histoire en tant que fondement, l’allégorie dont la foi était l’ébauche, la tropologie d’où émanait la morale et l’anagogie sur qui est bâti l’espoir.
Avec Maître Pierre Lombard, le texte biblique est abandonné au profit de la spéculation théologique, ce qui signifie que l’ordre logique de la Profession de Foi s’est substitué à l’ordre historique[22]. Le père Alonso Schoekel ne conteste pas que Saint Thomas d’Aquin et d’autres maîtres du haut Moyen Age étaient des exégètes expérimentés. Toutefois pour eux, la Bible était la servante de la théologie spéculative[23]. Un exemple : à partir du texte de la Genèse on a développé toute la spéculation sur le pêché originel alors que la Bible parle uniquement de la désobéissance à l’égard de Dieu.
Le père Alonso Schoekel conclut son étude en reprochant à la théologie scolastique de se servir des sciences bibliques à des fins apologétiques en s’appuyant sur des textes que l’exégèse moderne ne considère pas comme des témoignages historiques.
Avec sa déclaration, il avait affirmé qu’il pouvait y avoir opposition entre la façon d’étudier la révélation à partir de la dogmatique spéculative et les sciences bibliques. Cette opposition présumée a marqué le début de la carrière ecclésiastique du jeune Ratzinger. Il en parlera cependant qu’un demi-siècle plus tard dans son allocution à l’occasion du centenaire de la commission biblique.
Au cours de son allocution, le Cardinal Ratzinger, devenu entretemps Cardinal, parle d’un commentaire sur les synoptiques que son maître Friedrich Wilhelm Maier avait rédigé et qui avait été frappé par le décret « De quibusdam commentariis non admittendis » du 29 juin 1912 de la Congrégation Consistoriale.
D’après Ratzinger, cet homme, qui menait une vie de prêtre exemplaire, ressentait les décrets de la Commission Biblique (en particulier ceux traitant de l’origine mosaïque du Pentateuque, 1906, sur le caractère historique des premiers trois chapitres de la Genèse,1909, des auteurs et de la période de rédaction des psaumes, 1910, de Marc et Luc, 1912, de la question synoptique, 1912) comme des entraves à la liberté de recherche qui empêchait les exégètes catholiques d’être à la hauteur de leur tâche. Ce professeur, nous dit Ratzinger, était persuadé que les faits historiques pouvaient être reconnus grâce à une application stricte de la méthode historique. Cette méthode était pour lui le seul moyen pour déchiffrer le sens propre des Saintes Ecritures, qui sont des livres historiques.
Ratzinger admet que son maître n’avait pas vu que même la méthode historique avait des bases philosophiques. Il admet également que chaque fois qu’on interroge un texte, cette interrogation se fait à partir d’une perspective herméneutique. Toutefois il n’est pas prêt à reconnaître le bien-fondé des décrets en question.
Une expérience pareille devait rendre le jeune Professeur disponible, non seulement pour assumer la nouvelle orientation de Jean XXIII, mais également pour lui fournir les bases théoriques.
Il le fit tout au long de son oeuvre à partir du discours qu’il rédigea pour compte du Cardinal Frings. Ce discours faisait suite à une réunion de la conférence des évêques allemands qui s’était tenue à Fulda du 29 au 31 août 1961 où le Cardinal Frings[24] avait fait un exposé intitulé : « le Concile et la pensée moderne », dans lequel s’était efforcé de dégager les tâches qui, selon lui, devaient incomber au Concile. Cette intervention était une sorte de répétition générale du discours que le Cardinal devait prononcer à Gênes en janvier 1962 et pour lequel il fit appel à l’abbé Ratzinger qui venait d’être nommé sur la chaïre de théologie fondamentale à Bonn. Ratzinger accepta l’offre et lui soumit en peu de temps son projet qui épata tellement le Cardinal qu’il n’y apporta qu’une seule modification. [25]
Le texte élaboré par le Professeur Ratzinger pour compte du Cardinal Frings veut être une critique de la conception romaine de la catholicité. Loin d’être les rêveries d’un professeur solitaire ses réflexions traduisent l’état d’esprit présent chez une partie des catholiques qui, tout en acceptant les vérités de foi exprimés à travers les dogmes, n’approuvaient pas que le Magistère de l’Eglise exige qu’on ait recours à l’ontologie classique pour les rendre intelligibles. L’éminent spécialiste des églises orientales, le père jésuite Wilhelm de Vries, s’était exprimé sur ce sujet une année auparavant dans un article intitulé: « Le problème œcuménique à la lumière des ententes d’Union en Orient »[26]. L’identification du dogme avec le modèle de l’Eglise Romaine représente pour le père de Vries l’obstacle majeur à une réunification. Séparant romanité et catholicité, il affirme que ceux qui identifient ces deux données n’ont pas le sens de la vraie catholicité qui consiste à savoir incorporer, dans la mesure où elles répondent aux conditions impliquées dans le dogme, la pluralité des cultures avec leurs formes propres dans l’Eglise universelle. S’appuyant sur la thèse soutenue trente ans auparavant par Dom Lambert Beaudouin – un des précurseurs de l’œcuménisme – de Vries affirme qu’en insistant sur la forme latine du catholicisme, on pourra gagner des personnes individuelles, mais qu’on ne pourra jamais faire adhérer une communauté entière à la cause de l’unité. D’après de Vries ce principe s’appliquait également aux églises séparées de Rome à la suite de la Réforme.
Le texte de Ratzinger ne veut pas être une appréciation des temps modernes à la lumière de l’enseignement de l’Eglise de toujours, mais veut faire ressortir la façon dont l’Eglise pourrait rendre son témoignage accessible à l’homme moderne pour le gagner à la cause du Christ[27]. Une telle préoccupation doit, d’après lui, être au premier plan d’un concile qui se veut pastoral. Dans ce contexte il est indiqué de rappeler que les membres de la hiérarchie provenant de l’alliance du Rhin avaient la conviction, qu’on ne pouvait être à la fois conservateur et avoir un esprit missionnaire, car pour eux, être conservateur signifiait ignorer les problèmes qui accablent l’homme dans sa situation concrète. Il était donc tout à fait normal que le Ratzinger commence par s’interroger sur les défis auxquels l’Eglise qui sortirait du Concile aurait à faire face. C’était pour lui une façon de témoigner de sa propre bonne foi.
L’approche du Professeur Ratzinger est typologique, ce qui lui permet de comparer des phénomènes historiques séparés par le temps. Il voit un parallélisme entre le moment où le message chrétien initia son périple dans le monde et l’époque actuelle. Le langage commun de la culture gréco-romaine d’alors était la Koinè. Bien que marqué par l’immanentisme panthéiste des Stoïciens, ce fut le langage familier à tout le monde et le christianisme n’a pas hésité à s’en servir pour répandre son message et le transformer ainsi en langage des chrétiens. A partir de cette constatation, on peut se demander si aujourd’hui où l’Eglise doit faire face à la pensée uniforme du monde de la civilisation technique, il ne serait pas opportun qu’elle fasse l’effort d’exprimer son message dans une langue familière aux hommes d’aujourd’hui.
On peut reconnaître à travers la critique de Ratzinger une pensée opérationaliste semblable à celle qu’à son temps l’archevêque de Milan, Monseigneur Montini avait largement développée dans sa lettre pastorale à l’occasion du Carême de 1958. Sa déclaration, que la liturgie devait être une réponse au besoin de l’absolu de l’homme moderne, avait provoqué la colère de Pie XII.
Ratzinger admet de son côté que sa volonté d’être opérationnel au nom de la foi se heurte à une forte résistance chez les peuples d’Asie qui, et en raison des atrocités commises par les chrétiens, éprouvent une profonde méfiance à l’égard du christianisme et de ses possibilités de transformer les hommes et le monde. Il met avec sa déclaration le doigt sur un point crucial pour toute l’église conciliaire : comment concilier l’attitude tolérante exigée par la société pluraliste avec l’exigeante de séparer le bien du mal. A ce jour et malgré plus de vingt ans à la tête d’un des plus importants dicastères, il n’a pas été en mesure de donner une réponse appropriée.
Un autre défi auquel l’Eglise doit faire face est la volonté présente chez les jeunes peuples d’affirmer leur identité, ce qui devait nécessairement se répercuter sur la conscience de la Chrétienté occidentale, qui, jusqu’alors persuadée de la supériorité occidentale sur le plan politique, l’avait également projetée dans le Christianisme.
La crainte d’être marginalisé est présente tout au long de l’argumentation de Ratzinger. D’une part il admet que l’apparition de nouvelles perspectives à caractère global a eu un effet de désillusion sur l’homme occidental, puisque, en lui faisant prendre conscience de ses limites historiques et culturelles, cette prise de conscience l’a privé du principal pilier de sa foi dans la supériorité du christianisme. En même temps elle l’a plongé dans le relativisme. Ce trait marquant de la conscience contemporaine de la culture n’a pas épargné les fidèles[28].
Toutefois en bon dialecticien, Ratzinger a une réponse toute prête à ce désarroi apparent. Dans la mesure où le relativisme engendre la prise de conscience de la relativité de toute créativité humaine il est un bienfait. Cette prise de conscience peut en effet engendrer une modestie mutuelle qui empêche tout homme à ériger son héritage culturel en absolu. En le libérant de son étreinte d’un absolu fictif, elle met en évidence sa nature contingente dans toute sa pureté et permet ainsi - en brisant des limites jusqu’ici infranchissables - d’engendrer de nouvelles ententes[29].
Le dialogue entre christianisme et modernité, nous dit-il, n’est possible que si on est capable de distinguer entre les vérités de foi immuables et leurs formes d’expression contingentes. Une fois que le fidèle en aura pris acte, il sera amené à procéder à un examen de conscience à travers lequel il réalisera que le Concile aura pour tache d’ouvrir l’Eglise en tant que catholique encore d’avantage à la pluralité des créations de l’esprit humain.
Comme toujours Ratzinger revient sur sa dialectique. Il s’agit de concilier les deux forces antagonistes qui marquent la société contemporaine à l’état mondial. D’une part la toujours plus grande interdépendance et d’autre part le besoin d’identité particulièrement développé chez les jeunes nations. A l’image de la société profane, on retrouve le même antagonisme dans l’Eglise d’aujourd’hui. Pour éviter sa dissolution, on doit pouvoir garder tout particularisme dans le sein de l’Eglise. Ce sera la tâche de l’évêque de tenir compte des besoins de l’église locale tout en restant en communion avec Rome où se trouve le siège de Saint Pierre.
Avant d’être un homme de doctrine, Ratzinger était un homme d’église, moins par sa capacité de la gouverner et l’orienter que par l’originalité de sa pensée. Comme tel il savait qu’il fallait donner à la critique telle qu’elle était exprimée par l’alliance du Rhin sa place dans l’église.
Pour justifier sa critique, Ratzinger évoque la tension qui découle, dans l’Ancien Testament, de l’opposition entre la religion du Temple, fondée sur le culte et la loi, et la parole de Dieu à travers les prophètes[30]. Reprenant la thèse de Paul Ricoeur[31]selon laquelle le prophète ne « réfléchit » pas sur le péché , mais prophétise contre, Ratzinger voit dans la prophétie la protestation contre l’autosuffisance des Institutions, qui ont remplacé la morale par le rite et la conversion par des cérémonies. Le prophète oppose la souveraineté divine à l’interprétation arbitraire de la parole de Dieu faite par l’homme qui instrumentalise ainsi l’appel de Dieu au profit de son propre égoïsme. Il en tire la conclusion que l’Ancien Testament connaît ainsi une critique qui est l’expression véritable de la parole de Dieu. Il n’est pas difficile de reconnaître dans les paroles de Ratzinger un reproche voilé à l’égard du Magistère de l’Eglise d’alors et en particulier à l’égard de la Curie romaine à qui il reproche de s’être emparée de la parole de Dieu à des fins propres tout en restant incapable de l’annoncer dans un langage accessible à l’homme moderne.
A partir de cette constatation, Ratzinger se questionne si on peut faire confiance à une église, qui après s’être emparée de la parole de Dieu, se montre hostile à la vérité. Cette question revêt un double aspect, l’un ecclésiologique, l’autre dogmatique. Ratzinger essaiera d’y répondre en se servant d’une argumentation proche de celle de Luther.
Ratzinger commence par comparer l’Ancien au Nouveau Testament. A la base de l’Ancien Testament il y a un pacte fondé sur la réciprocité entre Dieu et son people. Dieu promet le salut à ceux qui sont prêts à se soumettre à ses commandements[32]. Pour Saint Thomas d’Aquin,[33] les lois de l’Ancien Testament sont bonnes tout en étant imparfaites. Leur valeur est ancrée dans la droite raison. Mais pour Ratzinger, comme d’ailleurs pour Luther, toute loi est insignifiante pour le salut de l’humanité puisqu’aucun homme n’est parfaitement bon.[34]Son issue sera donc nécessairement tragique.
Par contre, le Nouveau Testament enseigne que Dieu lui-même devient homme et adopte l’humanité par amour pour l’homme, ce qui met un point final au drame de l’histoire et Dieu conclut un pacte définitif et inconditionné avec son nouveau peuple, l’Eglise. Cette adoption n’a plus pour fondement la moralité de l’homme, mais la grâce qui a réussi à vaincre son amoralité. Ratzinger[35]qualifie la grâce divine un « nonobstant » qui n’est plus enchaînée à une condition, mais destinée à sauver tous les hommes. C’est la grâce en tant que « nonobstant » qui rend l’Eglise sainte. Elle est le lieu de l’action salvatrice de Dieu.
Pour Ratzinger l’Eglise n’est plus, comme chez Pie XII, le Corps Mystique du Christ, mais la communion de tous ceux qui bénéficient de l’action salvatrice de Dieu. C’est la raison pour laquelle l’homme n’est plus en mesure de se créer un lieu en dehors de cette communauté : c’est dans cette communauté qu’il doit témoigner et faire sa profession de foi en déclarant, non pas « je crois en l’Eglise », mais « je crois l’Eglise », ce qui se traduit ainsi : « je crois que Dieu réalise le salut à travers cette Eglise ». En d’autres mots, l’Eglise est le signe qui montre que Dieu veut sauver les hommes, malgré qu’ils soient pêcheurs. Elle n’est donc sainte ni parce qu’elle est le Corps Mystique du Christ, ni par son enseignement et ses sacrements, mais puisqu’elle est la communauté de ceux que Dieu veut sauver malgré qu’ils soient pécheurs. Comme von Balthasar, Ratzinger considère que péché et sainteté forment une unité dialectique, car l’Eglise vit du constant pardon qui la transforme de prostituée en Sainte. Ce sont les mêmes raisonnements dont le Cardinal se servira pour rédiger à la demande de Jean Paul II et au nom de la Commission Internationale de Théologie le document « Mémoire et Conciliation ». C’est sur ce document que Jean Paul II s’appuiera pour prononcer son fameux mea culpa qu’il croira pouvoir faire au nom de toute l’Eglise.
L’attitude du Professeur Ratzinger nous devient intelligible dans le mesure où nous prenons acte de la prise de conscience des membres de la hiérarchie qui au concile du Vatican formeront l’alliance du Rhin. Le Cardinal Kasper[36] en donne une description pertinente en déclarant lors d’un Symposium à Vercelli (Italie) : Il est vrai que l’Eglise préconciliaire n’a pas connu le genre de contestation qui dans l’église actuelle sont à l’ordre du jour. Il avait fallu cependant payer le prix. Il avait fallu renoncer à une bonne entente avec la culture moderne au profit de l’intégrité de la foi. Les diverses églises s’étaient de plus en plus aliénées. Le magistère de l’Eglise avait refusé de créer un espace favorable au dialogue œcuménique et d’autant moins à celui avec les religions non chrétiennes. On était arrivé ainsi à un véritable schisme entre la foi de l’Eglise et la culture moderne. Et le Cardinal poursuit : il y avait heureusement eu, même dans l’Eglise préconciliaire, des signes d’un changement d’orientation tels que le manifestait la recherche d’une nouvelle pastorale par l’admission des prêtres ouvriers en France et, en Allemagne, la prise de conscience que la foi n’était pas un complexe de dogmes, mais le processus historique imperturbable d’une tradition vivante. Le Cardinal Kasper oublie cependant qu’il a également fallu payer un prix pour réussir à s’affirmer dans le monde moderne. Les paroles du Cardinal Kasper expriment la crainte qui hantait la hiérarchie d’alors, en particulier celle provenant des pays non catholiques. Elle a généré en elle la volonté de priver l’Eglise de sa mémoire dans la mesure où cette dernière l’empêcherait à poursuivre son chemin vers l’avenir. C’est cette volonté qui a fini par avoir le dessus au Concile. Ainsi le Concile fut le triomphe de l’esprit opérationnel et communautaire sur le réalisme ontologique. On la retrouve dans le témoignage que l’abbé Ratzinger fit de la première session du Concile.
Pour lui, le Concile devait témoigner d’une vitalité de la foi dans l’Eglise[37]. Toutefois il y avait en lui, comme chez tous ceux qui espéraient en un renouveau, l’appréhension que le tout pourrait se terminer par la simple ratification de décisions déjà prises. Si ce fait devait se produire, nous dit-il, bien de fidèles seraient déçus et découragés, puisqu’ils verraient la dynamique du bien paralysée et les nouveaux problèmes mis de côté, alors qu’ils devraient être pour l’Eglise un défi à affronter.[38] Il ne conteste pas le bon travail fait par les commissions préparatoires, mais n‘y voit aucune utilité pour l’homme d’aujourd’hui.
En même temps il évoque l’euphorie qui l’accompagnait dès son arrive à Rome. Elle était générée par le sentiment d’être au seuil d’une nouvelle ère qui faisait une sorte de contrepoids à l’appréhension initiale. Cette ambiguïté des sentiments était également présente à la cérémonie d’ouverture. L’immense cathédrale, la grandeur de la liturgie, tout cela était impressionnant, mais ne pouvait pas effacer le malaise qui le hantait. Il admet que le critère invoqué pourrait manquer d’objectiver mais y voit néanmoins la manifestation de quelque chose de plus profond: le manque de communion entre les participants et le manque d’unanimité[39]. Ratzinger tire une première conclusion: pour le succès du Concile il fallait que la liturgie de clôture soit différente de celle de l’ouverture.
Bien entendu il voit dans le discours scandaleux de Jean XXIII, en raison de son refus de toute condamnation négative, un signe positif[40]. Le refus de ne pas s’abandonner à des disputations scholastiques sur des détails, mais de procéder à un renouveau total dans un dialogue vivant avec le monde actuel et ses besoins est pour lui un autre signe positif.
Les prélats qui formaient l’alliance du Rhin n’étaient pas des gens dépourvus de principes. Ils voulaient une Eglise rajeunie, capable de s’affirmer dans un monde en transformation permanente. Dans leur zèle apostolique, ils avaient malheureusement oublié que, d’après l’enseignement de l’Eglise, la volonté de bien faire n’est que le début de la vertu mais pas son achèvement. Saint Thomas d’Aquin[41] ajoute qu’une telle volonté, aussi longtemps qu’elle n’est pas complétée par un choix des moyens proportionnés à la fin envisagée, est d’autant plus dangereuse qu’elle est ressentie de façon intense. Ces pasteurs d’âmes acceptaient et respectaient les dogmes de l’Eglise tout en ignorant les directives de Pie IX. C’est ainsi qu’ils refusèrent de se soumettre aux points de doctrine qui, d’un consentement commun et constant, sont tenus dans l’Eglise comme des vérités et des conclusions théologiques tellement certaines, que les opinions opposées, bien qu’elles ne puissent être qualifiées d’hérétiques, méritent cependant quelque autre censure théologique[42]. A la place, ils ont préféré suivre leurs propres impulsions, qui, une fois érigées en principes, ont développé une propre logique.
Dans ce contexte, il est intéressant de noter que le même Cardinal Frings, au moment où il réalisa ce qui s’était fait au nom du Concile, avait eu des remords et s’était souvent demandé, s’il n’en était pas, du moins en partie, responsable[43].
Ratzinger considère que le rejet de la liste des membres de la commission préparée par le Cardinal Ottaviani exprime la volonté de s’affirmer par rapport à la Curie romaine de l’épiscopat diocésain mondial. Toutefois tous ceux qui ont suivi l’orchestration du Concile par Jean XXIII ainsi que son discours d’ouverture ne pourront s’empêcher de voir dans ce rejet autre chose qu’une manœuvre habile pour déposséder la Curie de son pouvoir au profit de l’aile moderniste des évêques. Mais pour Ratzinger cet épiscopat est une réalité qui, dans chaque pays, avait fait ses propres expériences et développé ses propres particularités à travers le dialogue avec les frères séparés et le monde athée.
D’ailleurs d’après une confidence du Cardinal Frings à Ratzinger, Jean XXIII[44] lui aurait avoué qu’il n’avait pas fixé de thème au Concile, mais qu’il avait invité tous les évêques à lui faire part de leurs priorités afin que de cette expérience vivante de l’Eglise à l’échelon mondial se dégage le thème que le Concile aurait à traiter. Comme on le verra par la suite, cet épiscopat au niveau global était, du point de vue de l’intégrité de la foi, loin d’être un modèle de fiabilité. Dans ces circonstances, la convocation d’un Concile, sans avoir tracé les grandes orientations et lui avoir fixé les limites des débats, comportait le risque d’engendrer une situation devant laquelle, quelques décennies plus tôt, le Cardinal Billot avait mis le Pape Pie XI en garde en lui déconseillant de convoquer un Concile.
Ratzinger voit cependant les choses autrement. L’attitude généreuse de Jean XXIII nous dit-il a été ressentie comme un encouragement au franc parler permettant ainsi de surmonter la neurose de l’antimodernisme. On a souvent reproché à Monseigneur Lefèbvre d’avoir critiqué les autorités du Concile, mais ici c’est un simple abbé qui s’érige en juge sur l’attitude des papes préconciliaires, parmi lesquels il y a un saint. Elle traduit cependant un état d’esprit qui se retrouvait en particulier chez les jeunes abbés d’alors : le refus de prendre en considération l’expérience des anciens. Après ces considérations d’ordre général, Ratzinger se penche sur le schéma sur la liturgie.
D’après le Professeur Pasqualucci,[45] la fidélité à la Tradition de l’Eglise ressort avant tout de la fidélité à la méthode séculaire de l’Eglise. Pour bien saisir à quel point la réforme liturgique décidée par Vatican II reflète une infidélité à l’égard de la Tradition de l’Eglise nous voudrions remonter aux sources de la crise qui frappe actuellement l’Eglise.
L’encyclique «Aeterni Patri » de Léon XIII du 4 août 1879 doit être considérée, en raison de la décision prise par l’autorité suprême de fixer les critères d’interprétation des vérités de foi, comme le déclenchement des hostilités entre la tradition et la volonté d’adaptation. Loin d’être, comme le prétendent les modernistes[46], une victoire de la tradition sur le progrès, la décision de Léon XIII était solidement fondée et bien réfléchie, car elle codifiait une méthode qui faisait partie de la pratique de l’Eglise depuis Saint Anselme de Canterbury et qu’on connaît sous le nom « fides quaerens intellectum » ou la foi qui recherche son intelligibilité. Pour tout catholique, la foi n’est pas une certitude intérieure, mais la reconnaissance par une intelligence aidée par la grâce d’une réalité inatteignable par des moyens naturels. Une fois reconnue, l’intelligence peut, avec l’aide d’une bonne philosophie, approfondir la réalité de ce mystère perçu à l’aide de la grâce. Elle a par conséquent un rôle déterminant à jouer dans ce procès de clarification[47]. Pour y parvenir, il est indispensable qu’elle applique correctement les principes de la connaissance.[48] A ceux qui respectent ses consignes, elle facilite le chemin vers la Révélation en rendant leurs coeurs réceptifs,[49] pour qu’ils puissent percevoir à l’aide de la raison et sans mélange d’erreurs les vérités qui ne sont pas totalement hors de leur portée[50].
Les règles que nous venons d’énumérer s’appliquent également à la liturgie, dont le but doit être de rendre les mystères de la foi visibles à l’oeil humain afin que l’homme puisse parvenir à reconnaître à l’aide de son intelligence la grandeur du mystère qu’elle exprime et orienter par la suite sa volonté vers l’adoration du seul Dieu dans sa Sainte Trinité. C’est dans ce sens que Pie XII, parlant de l’oeuvre de Fra Angelico[51] déclarait qu’il avait su inculquer à ses contemporains les vérités de foi en les persuadant, à l’aide de la forme, de leur beauté.
Dans son étude sur le mystère pascal, Pasqualucci [52]relève que le schéma sur la liturgie de Vatican II s’est écarté sur le point suivant de la tradition préconciliaire : il donne aux conférences épiscopales une compétence pratiquement illimitée pour introduire la langue vernaculaire dans la liturgie, par le moyen révolutionnaire de l’expérimentation. Celui qui étudie l’histoire de la liturgie se rend parfaitement compte que les réformes se sont toujours faites sans jamais toucher au principes mêmes de la liturgie en se tenant aux règles de prudence.
Il existe un lien étroit entre la volonté d’être opérationnel à tout prix et l’expérimentation en tant que moyen. Effectivement qui veut être opérationnel à tout prix ne supporte pas l’échec et se voit par conséquent contraint à rechercher en permanence de nouveaux moyens pour l’éviter. Par conséquent, en choisissant l’expérimentation, on se met en opposition à la continuité et le manque de sens de continuité caractérise les considérations de Ratzinger sur la liturgie. Pour lui le schéma en question renferme toute une ecclésiologie qui met au centre non plus l’Eglise en tant que hiérarchie mais en tant que Mystère[53]. Il y voit également un retour au mystère pascal, notion inconnue jusque-là du Magistère officiel et des théologiens orthodoxes, mais bien connue de la nouvelle théologie dont elle constituait depuis quarante ans le cheval de bataille[54]. Pour Ratzinger, il signifie la primauté du dimanche axé sur la fête de Pâques par rapport aux fêtes des Saints et du mystère de l’adoration.
Il convient de signaler que le mot mystère a une autre signification pour les modernistes que pour la théologie traditionnelle. Son origine est le mouvement liturgique dont un des protagonistes, Dom Odo Casel avait reproché à la liturgie classique issue du Concile de Trente d’avoir, en recommandant les exercices personnels de dévotion……affaibli la sensibilité religieuse vivante qui ne pouvait être autre que communautaire[55]. Cette sensibilité est nommée par le mouvement liturgique une mystique communautaire[56]. Paradoxalement le mouvement liturgique voit dans les formes de dévotion prescrites par le Concile de Trente une forme de mystique moderne. Dans sa recherche de la divinité elle se sert de moyens individuels tels que la purification, la contemplation, l’ascétisme, le détachement de la communauté et la fuite du monde. Par contre d’après le mouvement liturgique, la mystique classique (celle du mouvement liturgique[57]) opère en union avec la divinité. C’est l’idée d’un culte qui est avant tout la célébration de la présence divine parmi les hommes qui est l’idée maîtresse du mouvement liturgique. C’est donc essentiellement la question de la liturgie en tant que source de piété communautaire qui a marqué la réforme liturgique.
Pour Ratzinger, ce renversement impliquera, pour la célébration de la messe, que tout acte, dont on n’arrive pas à saisir le sens, devra être écarté. Ne pas saisir le sens signifie qu’on n’y retrouve aucune utilité. Il y aura également lieu de réintroduire la liturgie de la parole qui est l’annonce de la parole de Dieu adressée aux hommes. En bref : la célébration liturgique devra avoir le caractère d’un dialogue et se manifester comme le service commun du peuple de Dieu.[58]
La valeur ecclésiologique de ce schéma réside, d’après Ratzinger dans l’attribution d’un statut canonique aux conférences épiscopales. Dans la mesure où leur est reconnu le droit de légiférer en matière liturgique à l’intérieur de certaines limites, il leur est reconnu un pouvoir original qui leur est propre. Cette pensée sera développée plus amplement dans le récit de la deuxième session du Concile et nous y reviendrons en temps utile.
Au sujet de la réforme liturgique décidée par Vatican II, il convient de relever une omission à laquelle l’abbé Ratzinger – consciemment à notre avis – ne fait pas allusion. Il s’agit du caractère expiatoire de la messe.
La conception expiatoire de la messe est le produit d’une synthèse de deux doctrines. D’une part l’homme, étant responsable de ses actes, doit, pour autant qu’on l’exige, réparer les offenses qu’il a commises à l’égard de son Créateur.[59] A la suite du pêché commis par Adam, il n’est cependant plus en mesure de réparer cette offense.[60]Il faut donc que le Christ assume le rôle de médiateur en intervenant auprès de Dieu en sa faveur.[61] Il appartient au médiateur, nous dit Saint Thomas d’Aquin[62], de se situer entre deux extrêmes et de parvenir à établir un lien entre deux extrêmes en transférant ce qui appartient à l’un vers l’autre. Bien que sa nature humaine soit différente de sa nature divine, elle se distingue de celle des autres hommes par sa dignité, sa grâce et sa nature. Comme tel il peut ramener les autres hommes à Dieu en leur montrant les préceptes et les dons et intervenir en leur faveur auprès de Dieu par son acte réparatoire. Tout au cours de la messe de Saint Pie V, le prêtre, en se reconnaissant indigne de présenter à Dieu une offrande pour ses innombrables péchés, lui demande néanmoins de l’accueillir avec bienveillance[63]. Il le fait aussi bien en son nom qu’au nom de tous les fidèles vivants et morts afin que l’offrande serve à son propre salut ainsi qu’à celui des autres pour la vie éternelle.[64] Il anticipe ensuite la transsubstantiation, événement qui doit se produire sous peu, en demandant à Dieu qu’il accorde, selon le mystère de cette eau et de ce vin, de prendre part à la divinité de celui qui a daigné partager notre humanité, Jésus-Christ, votre Fils, notre Seigneur.[65]
Dans le passage de la Constitution « Sacrosantum Concilium »[66] où il est stipulé que l’Eglise n’a pas cessé de se réunir en assemblée pour célébrer le mystère pascal par la lecture des Saintes Ecritures et la célébration de l’Eucharistie, Pasqualucci[67]arrive à la conclusion que le mystère pascal est identifié ou superposé à la messe de toujours. Dans un article paru dans la revue Concilium et intitulé « l’Eucharistie est-elle un sacrifice », Ratzinger[68] prend position sur cette question.
Le point de départ, est pour Ratzinger,[69] le refus de la messe par Luther comme idolâtrie eucharistique. Ce refus a pour lui également un aspect positif puisqu’il met en évidence que :
a. l’action salutaire du Christ est pour tous les temps l’offrande suffisante par laquelle Dieu à l’encontre de l’inutilité du culte que l’homme veut lui offrir, lui fait le don de la seule vraie offrande conciliatrice.
b. le culte chrétien ne peut pas consister dans des offrandes, mais uniquement dans l’acceptation de l’action salutaire du Christ.
A partir de ces deux constatations, Ratzinger conclut qu’il est exclu qu’on puisse considérer la messe comme une offrande se suffisant à elle-même. D’où l’idée d’une présence du Christ se donnant aux siens s’impose. Nous retrouvons dans ce passage, comme Ratzinger[70] d’ailleurs le reconnaît, une idée chère à Luther, celle de la primauté de l’être pour les autres par rapport à l’être en soi.
A l’arrière-plan de la notion « d’être pour »[71] il y a la notion biblique d’une suppléance à caractère paradigmatique. Celui qui supplée est celui qui assume par amour, pour compte des autres. Elle est, selon Ratzinger, l’idée maîtresse du Nouveau Testament où le Christ annonce que par sa mort, il va, par amour, suppléer à une insuffisance des hommes. C’est en d'autres mots, l’Homme « qui n’est que pour les autres ». C’est dans cette substitution qu’il faut voir la vraie offrande qui est en même temps un témoignage. C’est le Christ présent dans l’eucharistie. Par contre l’offrande faite par l’homme est définitivement abolie comme indigne aux yeux de Dieu[72].
Ensuite Ratzinger étudie le rapport entre la Sainte Cène et sa présence dans la mémoire de l’homme. La mémoire est[73]une catégorie de l’actualisation. Elle est liée à l’offrande telle que nous la connaissons à travers l’Ancien Testament. A travers elle, l’homme se rend présent les bienfaits qu’il a reçus et qui sont en même temps pour lui une source d’espérance. Les paroles de Saint Paul[74] « chaque fois en effet que vous mangez ce pain et que vous buvez cette coupe, vous annoncez la mort du Seigneur jusqu’à ce qu’il vienne », sont pour Ratzinger[75]un signe du lien étroit qui existe entre l’offrande et sa mémoire à travers sa proclamation. Par cette proclamation, l’homme se montre reconnaissant et professant son espérance dans le retour du Seigneur.
Nous retrouvons dans ces réflexions les éléments de base de la réforme liturgique que Paul VI va opérer à la fin de la décennie. Sans s’opposer proprement dit à la liturgie classique, elle déplace les accents en direction de l’eucharistie en tant que repas mémorial avec offrande.[76] Ratzinger insistera une nouvelle fois sur ce point dans un article intitulé « la célébration eucharistique, sa figure et son contenu ».[77]
La question de l’utilisation de la langue latine dans la célébration de la messe fut également une pierre d’achoppement dans les débats liturgiques. D’après Romano Amerio,[78] il existe une connaturalité entre la religion catholique et la langue latine. Elle n’est pas de nature métaphysique mais historique. Le latin a été façonné à la manière de penser de l’Eglise et c’est à travers cette langue que l’Eglise a exprimé sa vocation universelle. L’immuabilité de son enseignement était mieux garantie par une langue morte qui n’est pas soumise à des fluctuations que par une langue vivante dont le sens des mots est en mutation permanente. De ce fait le latin est également un rempart contre les dangers pouvant menacer l’identité catholique. C’est grâce au latin que l’Eglise a réussi à forger une culture capable de répondre à ses exigences. Cette culture nous est connue sous le nom de romanité. Elle convenait parfaitement à une liturgie axée en premier lieu sur l’action du prêtre.
Pour Ratzinger[79] par contre, l’attachement au latin est en grande partie responsable de la stérilité à laquelle la théologie et la philosophie a été condamnée depuis l’Age des Lumières. Cette option a plongé l’Eglise dans l’isolement. Elle s’est trouvée dans l’impossibilité de percevoir le monde extérieur. Elle n’a donc pas pu relever les défis qui lui avaient été lancés et par conséquent elle lui a ôté la possibilité d’agir sur le monde.
La présence au Concile des églises orientales ayant les mêmes droits que les églises latines est pour Ratzinger un signe encourageant. Grâce à cette présence, il a été possible de briser l’exclusivité latine et d’obliger l’assemblée à ne plus penser à la manière latine, mais catholique et d’éviter la confusion entre latin et catholique.
Un autre élément positif est la présence silencieuse d’environ deux cents observateurs chrétiens non catholiques. Personne ne pouvait dans ses discours ignorer leur présence ce qui donnait à chaque parole une portée œcuménique. En d’autres mots : il n’était désormais plus possible d’être pleinement catholique.
En abandonnant la romanité l’Eglise a abandonné sa propre mémoire. Cette séparation, nous dit Ratzinger,[80] était nécessaire puisqu’elle elle condamnait l’Eglise à une attitude défensive. Du fait de cette séparation, les évêques de l’alliance du Rhin n’ont pas accepté le schéma sur les deux Sources de la Révélation qu’avait élaboré la Commission théologique qui était présidée par le Cardinal Ottaviani.
Dans ce refus, Ratzinger reconnaît la prise de conscience des évêques du rôle qu’ils ont à assumer dans une Eglise axée sur l’avenir. Mais il y voit aussi la concrétisation de la nouvelle orientation que Jean XXIII voulait faire assumer à l’Eglise et qui consistait à ne plus condamner, mais à pratiquer la miséricorde, à ne plus rejeter, mais à présenter la foi sous une forme positive et surtout à ne pas prononcer d’anathèmes. Cette volonté, nous dit-il, a permis aux Cardinaux Liénart, Frings, Léger, König, Alfrink, Suenens, Ritter et Bea d’exercer une critique violente contre le schéma sur les sources de la Révélation. Cette critique [81] visait plutôt l’attitude que le fond de la question. Il l’a formulé ainsi : « Faut-il persévérer dans l’antimodernisme, faut- il maintenir la volonté de rester à l’écart, de condamner, de défendre ou faut-il que l’Eglise, après s’être démarquée par rapport aux erreurs de la modernité, puisse tourner une page et adopter une attitude positive à l’égard de ses origines, ses frères séparés et le monde d’aujourd’hui ? » L’option pour la deuxième solution de la part de la majorité des évêques a permis au Concile de prendre un nouveau départ. Alors que Trente et Vatican I avaient comme but d’affirmer la position catholique, Vatican II a préféré ouvrir de nouvelles perspectives. Ratzinger reviendra sur ce thème vingt ans plus tard au moment où il fera l’éloge du schéma sur l’Eglise dans le monde[82]. Ce texte, nous dit-il[83], est celui qui en raison de sa structure et de ses orientations est le plus éloigné de la ligne que les Conciles précédents avaient tracée. C’est son le testament spirituel. Il exprime la volonté de l’Eglise à entrer en dialogue avec le monde moderne. Ce dialogue est conçu comme un échange de vues profitable à toutes les parties impliquées. Tout le texte reflète le besoin de l’Eglise de faire quelque chose de concret, visible et palpable pour l’humanité.[84] Pour ce[85]. il fallait laisser tomber les anciens préjugés et au lieu d’adopter une réserve critique à l’égard des nouvelles forces civilisatrices, s’impliquer dans le développement.
C’est dans cet ordre d’idées que la directive de Jean XXIII, stipulant que les textes devraient avoir un caractère pastoral et œcuménique, doit être comprise.[86] « Pastoral » signifie que l’homme actuel doit être placé au centre de ses préoccupations. Cet homme éprouve dans un monde en mutation permanente des difficultés à voir dans la parole de Dieu perçue à la façon des anciens, le renouvellement permanent du pacte entre Dieu et son peuple[87]. Cette difficulté fait de lui un homme écartelé entre sa présence dans le monde actuel et sa foi ancrée dans un monde passé. Il verra ses difficultés augmenter dans la mesure où il sera obligé d’adopter une attitude anachronique à l’égard du monde actuel. C’est la raison pour laquelle il tient à connaître ce qu’il y a de positif dans la foi sans devoir entendre les éternelles condamnations. En d’autres mots, c’est à l’opérationnalité et non la vérité qu’on doit donner la préférence.
Avoir une attitude oecuménique veut dire admettre chez l’autre une attitude authentiquement chrétienne qu’il doit pouvoir soutenir même en cas d’erreur. C’est avoir une vision globale et ne pas uniquement faire ressortir un aspect partiel qui mérite une condamnation. C’est reconnaître que catholique ne signifie pas s’enfermer dans des traditions particulières, mais reconnaître la vérité dans toute sa plénitude.[88] C’est cet aspect que le texte, dont l’inspiration scholastique était trop évidente, n’avait pas pris suffisamment en considération. Ratzinger[89] se réjouit donc de l’intervention de Jean XXIII en faveur de la majorité moderniste.
Même devenu Cardinal et préfet de la Congrégation pour la foi, Ratzinger ne modifiera pas sa façon de voir. La réponse donnée vingt ans après le Concile à Vittorio Messori est à ce sujet significative. Interrogé par ce dernier sur les réformes conciliaires, il lui répondit : Le Concile a voulu remplacer une attitude conservatrice par une attitude missionnaire. Beaucoup oublient qu’opposé du conservatisme il n’ y a pas le progressisme mais l’esprit missionnaire[90]. Toutefois celui qui voudrait savoir d’avantage sur l’opposition qu’il vient de formuler, cherchera en vain, car il ne trouvera rien. On a donc l’impression qu’il s’est servi d’un terme équivoque dans le but de ne pas avoir à donner une justification qu’il n’était pas en mesure de donner.
On voit que Ratzinger a suivi dès la première heure Jean XXIII dans l’aventure dans laquelle il a entraîné l’Eglise. Par manque de respect des règles de la foi, les fidèles de Jean XXIII ont fait preuve d’une témérité qui dépasse toute imagination. Ainsi que le remarque justement le père Giovanni Perrone SJ,[91] toute règle de foi véritable doit avoir les propriétés suivantes :
Elle doit être en mesure de :
a. maintenir l’intégrité de la foi,
b. faire face aux difficultés qu’elle rencontre,
c. éloigner les dangers résultant d’une mutation, non seulement de la part de l’objet, mais également de la part du sujet, à savoir du fidèle.
Pour répondre à ces exigences elle doit être proportionnée à l’homme ce qui sera le cas, si :
d. elle est claire et évidente et reconnaissable par tous ceux qui animés d’un esprit honnête et sincère sont à la recherche de la vérité[92].
e. tous ceux qui s’en servent avec une âme droite réussissent grâce à elle à obtenir la certitude au sujet de la vérité dont l’assentiment leur est demandé par Dieu,
f. elle est perpétuelle et indéfectible.
Si on examine de près les points énumérés par Perrone, on remarque qu’il s’agit tout simplement des moyens à employer pour maintenir la foi vivante dans la conscience des hommes. Les nouveautés que Jean XXIII et sa suite ont introduites de leur propre chef au sein de l’Eglise sont du « jamais vu ». Elles ne répondent pas aux critères énumérés ci-dessus puisqu’elles n’ont pas réussi à maintenir la foi intègre et, par surcroît, ont plongé une grande partie des fidèles soit dans le désarroi soit dans l’indifférence. Elles n’ont pas écarté les dangers, ce qui a été démontré de façon magistrale par le Professeur May[93] dans son étude intitulée : « Le piège de l’œcuménisme ». Ainsi ils ont opéré au sein de l’Eglise une révolution comparable à celle faite par les réformateurs avec la différence que ces derniers ont été moins malhonnêtes en déclarant ouvertement leur opposition au Magistère de l’Eglise alors que Ratzinger[94] a toujours contesté qu’il y avait une scission entre l’époque préconciliaire et celle qui l’a suivie.
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[1] Liturgie – wandelbar oder unwandelbar?, dans: Das Fest des Glaubens 71
[2] Il problema ecumenico alla luce delle unioni realizzate In Oriente., paru dans: „Orientalia Christiana Periodica (Bd.27 1961, S 64-81). N’ayant pas réussi à nous procurer les texte original nous avons eu recours au texte allemand paru dans: Herder Korrespondenz Jhrg. XV, Heft 10, 462 ff.
[3] http://www.virgo-maria.org/articles/2006/VM-2006-04-10-1-00-Dom_Beauduin_Eglise_anglicane_unie_non_absorbee.pdf
[4] Texte en PDF sur http://catholicus.romandie.com/resource/7549/123406 et en HTML sur http://catholicus.romandie.com/post/7549/50321
[5] Quod si alicui dictat conscientia ut faciat illud quod est contra legem Dei, si non faciat, peccat; et similiter si faciat: quia ignorantia iuris non excuset a peccato, nisi forte sit ignorantia invincibilis, sicut est in furiosis et amentibus; quae omnino excusat Quodl.3.12.2.ad 2
[6] Omnis autem actus humanus habet rationem peccati vel meriti inquantum est voluntarium. Quodl.3.12.2
[7] cum illud quod fit ex violentia, sit extra naturam (quia violentum est cuius principium principium est extra, nihil conferente vim passo; naturale autem est, cuius principium est intra) In octo libros physicorum Aristotelis Expositio, V/X, 740
[8] Obiectum autem voluntatis secundum propriam rationem est bonum apprehensum. Et ideo actus humanus iudicatur virtuosus vel vitiosus secundum bonum apprehensum, in quod per se voluntas fertur,et non secundum materialem obiectum actus. Quodl.3.12.2
[9] Conscientia non dicitur scientia simpliciter, sed secundum quid, scilicet secundum aestimationem illius cuius est conscientia: dicitur enim conscientia, secundum quod aliquis sibi conscius est, quamvis autem scientia semper sit verorum, non tamen quidquid aliquis aestimat se scire, verum est: et ita non oportet quod semper sit conscientia vera. In Sent. 39.3.2.ad 4
[10] Das Salz der Erde, 15
[11] Puritas ipsa Evangelii in Ecclesia conservetur, quod promissum ante per Prophetas in Scripturis sanctis Dominus noster Jesus Christus Die Filius proprio ore primum promulgavit, deindeper suos Apostolos tamquam fontem omnis et salutaris veritatis et morum disciplinae omni creaturae praedicari iussit. Denzinger 1501
[12] Handbuch der katholischen Dogmatik, erstes Buch: theologische Erkenntnislehre 197
[13] Op.cit.
[14] At nefas omnino fuerit aut inspirationem ad aliquas tantum sacrae Scripturae partes coangustare aut concedere sacrum ipsum erasse autorem. Denzinger 3291
[15] F.Spadafora: op.cit. 53 svv.
[16] Denzinger 3512 svv.
[17] Denzinger 3862-3864
[18] Denzinger 3881 svv.
[19] Huiusmodi molimina non tantum ducere ad „relativismum“ dogmaticum, quem vocant. Sed illam reapse continere; cui quidem despectus doctrinae communiter traditae eorumque vocabulorum, quibus eadem significatur, satis superque favet. Denzinger 3883
[20] Luis Alonso-Schoekel SJ: Biblische Theologie des Alten Testamentes, Stimmen der Zeit, Vol. 172, 1962/63, Cahier 7, 34
[21] Voir sur cette question: Francesco Spadafora: La Nuova Esegesi
[22] Ibd. 36/37
[23] Ibd. 47
[24], ibd. 562
[25] Kardinal Frings über das Konzil und die moderne Gedankenwelt, in Herder, Heft IV, Jahrgang 16, 168 svv.
[26] Il problema ecumenico alla luce delle unioni realizzate In Oriente., paru dans: „Orientalia Christiana Periodica (Bd.27 1961, S 64-81). N’ayant pas réussi à nous procurer les texte original nous avons eu recours au texte allemand paru dans: Herder Korrespondenz Jhrg. XV, Heft 10, 462 ff.
[27] Kardinal Frings über das Konzil und die moderne Gedankenwelt, in Herder, Heft IV, Jahrgang 16, 168 svv.
[28] Kardinal Frings über das Konzil und die moderne Gedankenwelt, in Herder, Heft IV, Jahrgang 16, 170
[29] ibd.
[30] Freimut und Gehorsam: Das Verhältnis des Christen zu seiner Kirche, in: Wort und Wahrheit 410
[31] Finitude et Culpabilité, Vol: II, La symbolique du mal, 57
[32] Freimut und Gehorsam in der Kirche, 412
[33] S.Theol.I-II.98.1.c.
[34] Ibd-
[35] Ibd. 413
[36] Il significato storico del Concilio Vaticano II, in: Atti del Convegno su: Il Concilio tra Storia e Profezia, Vercelli 15 maggio 1999, 33
[37] Die erste Sitzungsperiode des Zweite Vatikanischen Konzils, Ein Rückblick, Cologne 1963 (7).
[38] Ibd. 8
[39] Ibd. 9-10
[40] Ibd., 11
[41] Naturalis inclinatio ad bonum virtutis, est quaedam inchoatio virtutis: non autem est virtus perfecta. Huiusmodi enim inclinatio, quanto est fortior, tanto potest esse periculosior, nisi recta ratio adiungatur, per quam fiat recta electio eorum, quae conveniunt ad debitum finem.S.Thomae Aquinatis: S.Theol.I-II.58.4.ad 4,
[42] Tuas libenter 503
[43] cité dans: Norbert Tippen: Joseph Kardinal Frings (1887-1978), Vol. II, 562
[44] Joseph Ratzinger: l’ecclésiologie de la constitution "Lumen gentium", conférence tenue à Rome le 27 février 2000 à l’occasion d’une session sur le concile
[45] Vatican II et le mystère pascal, dans :La messe en question, Actes du V congrès théologique de Si si no no, 135
[46] Vgl. Gabriel Daly: Transcendens and Immanens, A Study in Catholic Modernism and Integralism, 9ff
[47] voir à ce sujet: Mgr. Martin Grabmann: Geschichte der scholastischen Methode, 272-286
[48] Sed neque spernenda neve posthabenda sunt naturalia adiumenta quae divinae sapientiae beneficio hominum generi suppetunt. Quibus adiumentis rectum philosophiae usum constat esse praecipuum. Ibd. 3135
[49] Ac primo quidem philosophia, si rite a sapientibus usurpetur, iter ad veram fidem quodammodo sternere et munire valet, suorumque alumnorum animos ad revelationem suspiciendam praeparare. Ibd. 3136
[50] sed nonullas etiam manifestavit, rationi non omnino impervias, ut scilicet, accedente Die auctoritate, statim et sine aliqua erroris admixtione omnibus innotescerent. Ibd.
[51] AAS XXXXVII (289).
[52] Op.cit. 136
[53] Op.cit. 26
[54] Pasqualucci: op.cit. 137
[55] Paolo Pasqualucci: L’archetype païen dans la réforme liturgique de Vatican II, 175
[56] Ibd.
[57] ndr.
[58] Op.cit. 28
[59] Si aliqua satisfactio requirebatur, conveniens fuitut ut ille satisfaceret qui peccavit : quia in iusto Dei iudicio unusquisque onus suum portare debet. ScG : IV/53 : 3915
[60] in remissione peccati exigitur etiam aliquid ex parte eius cui peccatum remittitur : ut scilicet satisfaciat ei quem offendit. Ibd. IV/55 : 3952
[61] Et quia alii hjomines pro seipsis hoc facere non poterant, Christus hoc pro omnibus fecit, ibd.
[62] S.Theol.III.26.2
[63] Voir : Fraternité Sacerdotale Saint Pie X : Le problème de la réforme liturgique, 40 svv.
[64] Missel de Saint Pie V: Offertoire - Offrande du pain
[65] Ibd. Préparation du calice
[66] SC 6
[67] Vatican II et le mystère pascal 139
[68] Joseph Ratzinger: Ist die Eucharistie ein Opfer?, dans: Concilium 1967, 299 svv.
[69] Ibd.
[70] Ibd. 300
[71] Ibd. 302
[72] Ibd. 303
[73] Op.cit. 303
[74] I Cor. 11,26
[75] op.cit. 303
[76] Voir à ce sujet l’étude faite par la fraternité Saint Piex X sur le problème de la réforme liturgique
[77] Le titre allemand de l’étude: est: Gestalt und Gehalt der eucharistischen Feier, elle a été une première fois publiée dans la Revue Internationale Catholique Communio 6, (1977) 385-396 et par la suite en 1981 dans un recueil sous le nom : la célébration de la foi (Das Fest des Glaubens) 31-54
[78] Iota Unum 517
[79] Op.cit 35
[80] Ibd. 41
[81] Ibd. 43.
[82] Theologische Prinzipienlehre, 395
[83] Ebd.
[84] Ebd.
[85] Ebd. 398
[86] Ibd. 44
[87] Angesichts der Welt von heute, Ueberlegungen zur Konfrontation mit der Kirche im Schema XIII, Wort und Wahrheit 8/9, XX Jhrg. août/septembre 1965, 493
[88] Die erste Sitzungsperiode des Zweite Vatikanischen Konzils, Ein Rückblick, Cologne 1963 (47)
[89] Ibd. 49
[90] Zur Lage des Glaubens, Ein Gespräch mit Vittorio Messori, 11
[91] Il Protestantesimo e la regola di fede, I/12
[92] Ibd. I/13
[93] Georg May: Die Oekumenismusfalle, Stuttgart 2004
[94] Liturgie – wandelbar oder unwandelbar?, dans: Das Fest des Glaubens 71