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Gaude, Maria Virgo, cunctas hæreses sola interemisti.

(Tractus Missæ Salve Sancta Parens)

Etude P.Chaussée – Partie 1

samedi 28 juillet 2007

Ce message peut être téléchargé au format PDF sur notre site http://www.virgo-maria.org/.

Paul Chaussée écrit à Mgr Fellay :

Une réfutation accablante du livre de l’abbé Celier
et du piège du Motu Proprio

Mgr Fellay gravement compromis par l’affaire Celier suivie par celle du Motu qui en est la suite immédiate

La réaction argumentée d’un fidèle qui dénonce le jeu néo-moderniste de l’abbé Celier au service
du ralliement à l’abbé apostat Ratzinger et à sa pseudo-« restauration »

Nous publions dans ce message la première partie de cette étude très documentée de Monsieur Paul Chaussée qui en a souhaité la diffusion « la plus large possible » en raison de « la gravité de la situation de la FSSPX ».

Paul Chaussée se livre à une critique implacable du dernier ouvrage de l’abbé Celier (« Benoît XVI et les traditionalistes »), il dénonce aussi le piège du Motu Proprio Summorum Pontificum paru le 7 juillet 2007, en particulier dans son article 1.

Nous mettons néanmoins en garde les lecteurs contre certaines idées contenues dans ce texte, qui ne permettent pas à Paul Chaussée d’aller au bout de ses conclusions.

Décrivant la révolution à l’œuvre au sein de l’Eglise conciliaire, sous la bannière de leur chef, l’abbé apostat Ratzinger, Paul Chaussée n’a pas encore réalisé que cette Eglise conciliaire n’est pas l’Eglise catholique, mais sa contrefaçon, et quelle réalise ce que l’Apocalypse a annoncé en son chapitre XIII en évoquant la figure de la « Bête de la terre ». L’auteur n’a donc pas encore pris la mesure de la gravité de la question de l’invalidité du nouveau rite de consécration épiscopale et de toutes ses conséquences ontologiques implacables.

Paul Chaussée n’a pas non plus compris la question de l’infaillibilité, dont il partage malheureusement la notion erronée enseignée à Ecône.

N’allant pas au bout du principe de non-contradiction et ne concluant pas sur les autorités illégitimes de la Rome « antichrist » (cf. Mgr Lefebvre), Paul Chaussée fait écho à l’argumentation pernicieuse de Mgr Williamson[1] et de l’abbé Bourmaud sur le prétendu « mentévacantisme » de l’abbé apostat Ratzinger : Ratzinger serait moderniste car il aurait ‘l’esprit malade’ ! (sic), ou il serait « malade », parce qu’il serait moderniste…De toute façon, de cette manière, s’il est malfaisant, ce serait en quelque sorte « malgré lui », car il faudrait lui supposer la pureté de ses intentions et son désir de bien faire.

Autre exemple de violation du principe de non-contradiction et d’inconséquence :

Paul Chaussée fait référence avec beaucoup d’à propos aux grands textes décisifs, et absolument essentiels de Saint Pie X condamnant solennellement le modernisme, textes dont nous fêtons cette année le centenaire : le décret Lamentabilii du 3 juillet 1907 et l’encyclique Pascendi du 8 septembre 1907, tout en faisant remarquer en passant, au détour de sa note 54, que le Saint Pape avait solennellement déclaré, avec les notes de l’infaillibilité pontificale, ipso facto excommuniés latae sententiae tous les contradicteurs de ces deux textes par son Motu Proprio[2] Praestantia Scripturae du 8 novembre 1907.

Et notre auteur, poursuit son analyse avec impavidité en démontrant très justement que l’abbé Ratzinger est depuis toujours un moderniste invétéré qui viole tous les jours le serment anti-moderniste qu’il a dû prêter lors de son ordination, prescrit depuis 1910 par Saint Pie X et aboli en 1967 par Montini-Paul VI, sans réaliser qu’en vertu même de l’infaillibilité pontificale et des dispositions solennelles de ce texte qu’il mentionne en passant en note 54, cet abbé apostat Ratzinger était précisément excommunié ipso-facto – donc HORS DE L’EGLISE - bien avant d’accéder aux fonctions de pontife !

Que peuvent donc signifier pour notre auteur ces sanctions suprêmes ?

Quelles conséquences est-il prêt de fide à en tirer ?

Puisque l’auteur mentionne Fatima, nous le mettons en garde, ainsi que les lecteurs, sur ce sophisme, car sinon il pourrait être abusé lorsque paraîtra le prochaine manœuvre de Ratzinger : la divulgation, sous forme de désaveu de Bertone, du vrai-faux pseudo-troisième secret ou du « quatrième » secret de Fatima, préparée par la polémique médiatique très violente engagée en ce moment sur ce sujet en Italie entre le secrétaire d’Etat Tarcisio Bertone, et le journaliste en vue Antonio Socci, ces deux protagonistes ayant curieusement reçu chacun personnellement le soutien écrit de Ratzinger.

Comme le montrent en effet les travaux méthodiques et factuels de l’abbé Tam, dont nous poursuivons la publication, Ratzinger n’est nullement « un esprit malade », mais, bien au contraire, à conçu, pensé et planifié, avec beaucoup d’opiniâtreté et une longue patience, sa fausse pseudo-« restauration » qui s’accomplit ces mois-ci sous nos yeux, afin de neutraliser définitivement (selon son espoir) la FSSPX, seule organisation sacerdotale mondiale qui préserve encore le sacerdoce catholique sacramentellement valide muni de ses pouvoirs sacrificiels ontologiques, et les communautés traditionnelles indépendantes de l’Eglise conciliaire.

Ratzinger possède en effet un esprit très rusé, très intelligent et très cultivé, d’une pointure nettement supérieure aux esprits qui pourraient se donner bonne conscience de l’avoir dominé à peu de frais en le qualifiant sottement d’« esprit malade ».

Nous vivons, depuis le début de cet été, à travers le Motu Proprio, une tentative historique de séduction, de pseudo-« restauration », à l’égard de laquelle nous avons le devoir de mettre les clercs et les fidèles en garde, afin de préserver la Foi et les sacrements.

Jamais peut-être dans l’histoire de l’Eglise, une telle opération de séduction des âmes n’a été mise en œuvre.

Plus que jamais restons fermes dans la Foi, étudions la doctrine de l’Eglise, appuyons-nous sur les sains principes de la logique, surtout sur le principe de non-contradiction, et de la connaissance des faits et plaçons-nous sous la protection de la Très Sainte Vierge Marie qui arme notre combat, victorieuse de toutes les hérésies, et qui écrase la tête du serpent séducteur des nations.

Malgré ces lacunes que nous avons tenu à souligner, cette étude de Paul Chaussée marque une prise de conscience désormais très vive, au sein de la FSSPX, envers l’action et les idées néo-modernistes d’un abbé Celier et de l’action du petit réseau d’infiltrés cautionnés par Mgr Fellay, pour faire avancer le « processus » de trahison de l’oeuvre de Mgr Lefebvre par le ralliement-apostasie à Ratzinger.

Paul Chaussée rejette aussi le contenu de l’article 1 du Motu Proprio, Motu dont Mgr Fellay a déclaré à Présent qu’il est « positif » et pour lequel il a fait chanter partout le Te Deum.

Les études et les analyses diffusées par Virgo-Maria sont de plus en plus partagées par ceux qui font preuve de lucidité alors que règne au sein de la FSSPX la terreur de la police de la pensée et, sur ses médias, avec la complicité de Mgr Fellay, la chape de plomb de la censure, au nom de la « politique des deux préalables » et du « processus » du ralliement.

Les jours passant, une semaine après le rejet fracassant par l’abbé Aulagnier (IBP) de l’article 1 du Motu proprio et de son assimilation du nouveau rite de la messe de 1969 à la lex orandi et à la lex credendi du vrai rite traditionnel romain, Mgr Fellay et son petit entourage d’infiltrés modernistes, apparaissent plus isolés et plus discrédités que jamais aux yeux des clercs et des fidèles.

Les agissements coupables et naïfs de Mgr Fellay (serait-il déjà atteint par le secret espoir de la pourpre cardinalice de l’Eglise conciliaire ?) l’ont conduit à ruiner sa propre autorité et à rabaisser le combat de Mgr Lefebvre.

Il a choisi et maintenu, contre toute évidence et tout bon sens, les hommes de cette politique impie, et, juste récompense de ses actes et de sa duplicité, il en paie désormais, par boomerang, les conséquences désastreuses pour sa crédibilité.

Car, et la réaction de Paul Chaussée le montre, les fidèles et les clercs en ont clairement conscience.

Le Motu Proprio aura été en effet un accélérateur de la prise de conscience, au sein de la FSSPX, de la situation désastreuse où sa direction l’aura désormais plongée avec une opiniâtreté dont il faudra bien un jour rendre compte.

Continuons le bon combat

Abbé Marchiset


Première partie du texte de Monsieur Paul Chaussée

Paul Chaussée

Chemin du Casteret

F 33750 - Beychac et Caillau

Courriel : <pchaussee2@wanadoo.fr>

Le 17 juillet 2007

Concerne : L’ouvrage Benoît XVI et les traditionalistes, par Olivier Pichon et l’abbé Grégoire Celier (Éditions Entrelacs 2007) et le Motu proprio Summorum pontificum.

Monseigneur,

Monsieur l’abbé,

Cher Ami,

Le but de ce mémoire n’est pas de chercher noise à un abbé ni de vous dicter votre devoir. Nous vous croyons assez consciencieux pour remédier de vous-mêmes aux maux décelés dont nous souffrons. Nous vous informons donc de nos observations.

Alors que notre seul but est de garder notre foi intègre, nous la voyons gravement et sournoisement menacée de plusieurs côtés par le Vatican, par certains de nos prêtres et par le livre ci-dessus que soutiennent les médias de la Fraternité Saint Pie X.

Cette analyse de l’ouvrage en question n’a été rédigée qu’après plusieurs lectures atten­tives qui nous ont fait prévoir les effets que produiront chez les fidèles de la Fraternité les idées et suggestions exprimées par les auteurs et particulièrement par l’abbé Celier. Malgré l’abondance de détails vrais sur l’histoire de la rupture entre la Fraternité et le Vatican, cet auteur omet sciemment les causes efficientes et réelles de la crise actuelle ; par conséquent les solutions proposées, loin de résoudre cette crise, l’étendront aussi à la Fraternité en y inspirant la défiance de nos Supérieurs et en affaiblissant la foi et l’espérance théologales ; elles causeront même une désertion de fidèles et de prêtres qui, lassés par ce combat sans fin prévisible, se laisseront séduire par l’apparente bienveillance du Motu proprio et tenter par l’imitation des accords sécurisants signés par Campos et par l’Institut du Bon Pasteur, accords qui ne sont que ralliements tacites à la Rome néo-moderniste.

Constatant d’une part l’intense activité déployée pour faire lire cet ouvrage pernicieux, et d’autre part, le silence que gardent nos Prieurs et Supérieurs qui, sans aucun doute, n’ont pas eu le loisir de lire ce livre le crayon à la main, nous jugeons de notre devoir de vous transmettre le résultat de nos réflexions. Nous n’avons bien sûr aucune compétence reconnue pour ce travail qui est certainement très imparfait. Néanmoins, la reconnaissance que nous devons à la Fraternité pour la saine doctrine et les sacrements fiables que nous avons reçus d’elle nous font un devoir de parler publiquement sans hésitation, comme si nous défendions notre mère. C’est pourquoi nous signons ce travail de notre nom.

Enfin, nous vous prions de noter que nous ne jugeons que les faits et aucunement le for interne des auteurs et des prêtres qui ont écrit ce livre et ont permis son édition.

La présente étude critique est divisée en cinq chapitres et quatre annexes.

1 – Généralités sur l’éditeur et les auteurs ;

2 – Analyse de l’ensemble du livre ;

3 – Résumé des propositions de l’abbé Celier ;

4 – Les obstacles qu’elles trouveront au Vatican néo-moderniste ;

5 – Réflexions sur les conséquences prévisibles du conflit Propositions - Obstacles ;

Annexe I - Révélation et Tradition vivantes selon le cardinal Ratzinger.

Annexe II - L’abbé Grégoire Celier d’après ses œuvres.

Annexe III – Liturgie ou doctrine, Quelle est la priorité ?

Annexe IV – La sortie probable de cette crise à la lumière des messages de Fatima.

Nous restons, Monseigneur, Monsieur l’abbé, bien respectueusement votre dévoué in Christo,

Paul Chaussée

74 ans, ingénieur autodidacte, revenu à la Tradition en 1984, par la miséricorde de Dieu et de sa Sainte Mère.

Benoît XVI et les traditionalistes,

par Olivier Pichon et l’abbé Grégoire Celier

(Editions Entrelacs 2007)

Analyse critique

1          Chapitre  1 – Généralités

1.1        Genèse de cet ouvrage

Voyant la place qu’occupait dans les médias l’éventualité d’un accord entre les traditio­nalistes de la Fraternité sacerdotale Saint Pie X (ci après FSSPX) et le Vatican, les Éditions Entrelacs (filiale d’Albin-Michel : voilà l’appât) ont pris l’initiative de proposer sur ce sujet un ouvrage dans leur collection « Connivences » (appellation prémonitoire) qui repose sur la confrontation entre deux interlocuteurs ayant des points de vue différents. En fait, c’est Jean-Luc Maxence, directeur de cette collection mais aussi collaborateur de Monde et Vie qui est à l’origine de ce livre. Il est intéressant de noter que Jean-Luc Maxence est écrivain, psychanalyste et auteur d’une trentaine d’ouvrages de poésie et d’ésotérisme (comme René Guénon, le philosophe invisible, et encore L’Égrégore, énergie psychique collective) publiés par les Éditions Dervy Livres, spécialisées en ésotérisme et en gnosticisme. Il a proposé le sujet à Olivier Pichon, directeur de Monde et Vie, lui demandant de trouver un interlocuteur ayant un « point de vue différent ». Il est évident que si Pichon ouvre les colonnes de Monde et vie à Maxence, c’est qu’il y a entre eux une affinité certaine par les idées[3]. M. Pichon qui connaît évidemment les idées singulières de l’abbé Celier-Sernine à propos de la gnose et de l’anti-complotisme, est un journaliste orienté surtout vers les questions de politique et d’enseignement ; l’actualité religieuse ne l’intéresse que très médiocrement comme cela est évident à la lecture régulière de Monde et vie. Donc la personne qui intéresse Maxence, c’est, bien plus que Pichon, l’abbé Celier que les Éditions Entrelacs présentent comme « un des responsables historiques de la Fraternité Saint Pie X »[4]. Mais cet abbé est directeur des Éditions Clovis, et « joue un rôle grandissant dans la communication de la Fraternité sacerdotale Saint Pie X » selon Yves Chiron[5]. M. Pichon a donc choisi sa vieille connaissance l’abbé Grégoire Celier.

1.2        Sur les auteurs de ce livre

Chacun d’eux se présente longuement en mettant en valeur son objectivité comme s’il devait se défendre par avance de tout soupçon d’intégrisme.

Grégoire Celier : Né en 1958, se dit un pur produit de l’école laïque, se défend d’être traditionaliste et même d’avoir jamais eu la moindre tentation d’intégrisme : « Je n’ai pas une seule heure d’école catholique à me reprocher » (p.22).. Entré au séminaire d’Ecône en 1979, il y a été ordonné prêtre en 1986. Il a fait la connaissance d’Olivier Pichon en 1986 ou 1987. Dès sa sortie du séminaire, il enseigna à l’École St Michel à Niherne près de Châteauroux. Les œuvres de ce professeur de philosophie [6] (qui signe aussi Paul Sernine et Abbé Michel Beaumont) ne sont pas des modèles de rigueur intellectuelle ni d’inspiration surnaturelle [7].

Olivier Pichon : Né en 1949. Agrégé d’histoire et docteur en sociologie politique. A milité dans un « parti d’opposition » qu’il ne nomme pas, (il s’agit du Front National). Ami de Jean Ferré, il collabore avec Radio Courtoisie (qui accueille à peu près n’importe qui, et souvent le philosophe athée et anti catholique Alain de Benoist). Directeur depuis peu de Monde et Vie, il vint en journaliste demander à l’abbé Celier de lui expliquer le « traditio­nalisme catholique » et la « position de la Fraternité sur les accords » avec Rome (p. 50).

Il a fait de bonnes études secondaires, mais malgré un passage chez les Jésuites, (« J’ai beaucoup d’heures d’école catholique à me reprocher » dit-il p. 39), il est le fruit de l’enseignement supérieur public dont les maîtres, « honnêtes et dévoués, sont tous hommes de gauche, agnostiques ou catholiques progressistes » (p. 42).

Dans ce dialogue, avec une aimable complicité, il pose les questions qu’il faut, quand il le faut et donne ainsi l’impression d’être le « faire valoir » de l’abbé Celier qui est le maître qui sait et qui, avec une très habile ambiguïté, dit n’exposer que des idées personnelles mais qu’il présente aussi comme étant celles de la Fraternité (p. 37).

Lecture et relecture faites, et reprenant l’introduction ou « Ouverture » du Directeur de collection Jean-Luc Maxence, nous trouvons que celui-ci a eu la main heureuse en choisissant Pichon et Celier : tous trois sont de Connivences – appellation prémonitoire – pour faire croire à la Fraternité Saint Pie X que « cet entretien peut constituer une pierre importante dans l’édifice d’une réconciliation… » (p. 10). Il reste à voir ce que coûtera et ce que vaudra cette construction élevée sur du sable…

1.3        De qui est le point de vue : de l’abbé Celier ?  ou de  la Fraternité Saint Pie X ?

Lorsque l’on parcourt le volume à vitesse normale, on ne remarquera pas nécessairement que, lorsqu’il expose l’opinion ou la position de la Fraternité, l’abbé Celier passe du sujet Je…  au Nous… Serait-ce le pluriel de majesté ? Il est vrai que passe facilement inaperçue la mise au point de la page 37 :

« Dans la présente conversation, je parle exclusivement à titre personnel, n’étant pas mandaté par la Fraternité Saint Pie X, en sorte que mes affirmations ne l’engagent en rien. Ce que je peux dire n’est ni officiel, ni officieux. – O.P. : Vous ne représentez donc que vous-même ? – GC : Ne passons pas d’un extrême à l’autre ! Le fait que je ne sois pas mandaté par la Fraternité ne signifie pas que je m’éloigne des positions de cette dernière. C’est même le contraire qui est vrai. J’ai bien l’intention, au cours de notre conversation, d’essayer de traduire l’esprit de la Fraternité. Cependant je parle sous ma responsabilité personnelle. Je le fais en homme libre, avec mes mots à moi, sans prétendre engager par chacune de mes opinions la société à laquelle j’appartiens ; même si, évidemment, mes supérieurs sont au courant de notre dialogue. C’est pourquoi toutes les erreurs et toutes les maladresses s’il y en a, seront de mon seul fait. »

Fort bien. Mais alors pourquoi lit-on p. 89 et 175 (entre autres) : « D’après nousNous sommes… Nous pensons que… » où le nous représente Celier ET la Fraternité à laquelle il s’identifie. On retrouve cette identification constante pages 211 à 223 et 225 à 248. Or Celier affirme parler exclusivement à titre personnel. Faut-il supposer que la Fraternité est consen­tante ? Sinon il faudrait parler d’abus de pouvoir ou d’usurpation de mandat. Que les supérieurs de l’abbé soient au courant de ce dialogue (p. 37) ne signifierait pas nécessairement qu’ils connaissent le détail de son contenu et l’approuvent.

Or, dans son entretien avec Fideliter, entretien publié après la sortie de presses du livre sur le site <La Porte latine>[8] le 3 mars 2007, l’abbé Celier déclare :

« Les supérieurs de la Fraternité Saint-Pie X ont estimé que l’affaire [la participation à ce livre d’entretiens] méritait d’être tentée, qu’il était utile d’essayer de présenter de façon organique la position de la Fraternité Saint-Pie X. Mais, afin de conserver leur entière liberté sur cette question des accords, afin de ne pas se trouver « liés » malgré eux par telle réflexion plus personnelle, ils ont souhaité que ce livre paraisse sous ma seule responsabilité, sans engager ex professo la Fraternité Saint-Pie X. En un mot, ce livre n’est ni officiel, ni officieux, mais il est autorisé à paraître par mes supérieurs, après lecture évidemment.

Il est fort probable que l’argutie que nous avons soulignée échappera à l’attention de la plupart des lecteurs, traditionalistes ou non. Pour s’en convaincre, il suffit de poser la question autrement : « Si ce livre contenait des affirmations fausses ou des opinions erronées, les Supérieurs qui l’ont lu l’auraient-ils laissé imprimer sans exiger au préalable la correction de ces erreurs ? » Non, bien sûr, car cette équivoque aurait risqué de faire imputer à la Fraternité les erreurs de Celier[9].

Donc, probablement séduits par le renom des « Éditions Albin-Michel », les Supérieurs ont lu le manuscrit en question, et ont approuvé son contenu, mais tacitement, ne voulant pas être “liés”. Voilà, un comportement ambigu que l’on ne manquera pas de trouver fort étrange lorsque l’on aura découvert ce que cache cet ouvrage. Comportement inquiétant lorsque l’on se souvient du précepte « Que votre oui soit oui si c’est oui ; non si c’est non. Ce qu’on y ajoute vient du Malin » (Matthieu 5, 37).

De fait, ce livre suscitera non seulement de graves controverses, mais aussi des divisions au sein de la Fraternité. On le comprendra mieux lorsqu’on aura compris ce qu’impliquent les propositions de l’abbé Celier faites on ne peut plus opportunément puisque le Motu proprio libéralisant la messe traditionnelle vient d’être publié. Alors, à quoi bon vouloir finasser et manger avec le Malin qui gouverne Albin-Michel, Dervy Livres, etc. ?

C’est qu’il n’y aura pas que le haut clergé conciliaire à lire ce livre ; il y aura aussi tous ceux qui, dans la tradition le liront avec la confiance qu’inspire un prêtre de la Fraternité.

*          *          *

2          Chapitre   2 – Analyse du livre

L’ouvrage ne démarre vraiment qu’à la page 53 (tout ce qui précède n’est qu’une mise en condition du lecteur) avec l’histoire de la rupture entre les traditionalistes et Rome, histoire qui ne commence qu’avec Vatican II et est introduite par le titre Présent : Accords en vue ?, ce qui donne le ton optimiste du livre.

Il serait fastidieux de relever les nombreux détails critiquables, et nous nous limiterons à l’analyse des caractéristiques principales suivantes :

§         La forme de dialogue, préjudiciable à une réflexion sérieuse sur le sujet traité ;

§         Le naturalisme qui imprègne l’ouvrage alors qu’il aurait fallu le combattre ;

§         Le silence voulu sur la cause efficiente de la crise actuelle de l'Église, silence qui fausse la perception de sa gravité et rend vaine toute recherche d’une solution ;

§         L’absence de réflexion sur la personnalité réelle du pape et de ceux qui, au Vatican, veulent la réconciliation de la FSSPX avec la soi-disant “Église conciliaire” ;

§         Des propositions viciées à la base par défaut de réalisme mais accumulées comme par jeu de créativité pour persuader que la réconciliation est possible et facile ;

§         L’ignorance ou le mépris des réactions probables des fidèles qui seraient séduits par ces propositions comme l’ont été les autres “ralliés Ecclesia Dei”.

Bien plus difficiles à découvrir que des erreurs fortuites, toutes ces caractéristiques font de ce livre un ouvrage très pernicieux.

2.1        La forme

Le choix du dialogue, unique forme de tout le livre, n’est pas innocent. Le dialogue continu prive le lecteur de toute vue d’ensemble ordonnée donc intelligible car il est comme fasciné par une joute oratoire, prenant plaisir aux réparties et oubliant de vérifier la cohérence de l’ensemble, cohérence fort peu évidente car nous sommes dans une longue discussion de style « Café du Commerce »[10]. Sans plan évident, sans divisions en chapitres – la table des matières est plus que sommaire –, sans paragraphes, la réflexion critique sur l’ensemble et la mémorisation sont quasiment impossibles ; la recherche d’une occurrence antérieure est laborieuse ; et aucune citation n’est référencée. Bref, c’est la “forme” idéale pour influencer le lecteur tout en l’empêchant de réfléchir. Il avalera sans penser, il croira sur parole. Cette forme permet aussi toutes les approximations ou inexactitudes. Cependant, l’accumulation de dates et de faits précis donne au livre une apparence de sérieux et d’objectivité. Ce dialogue est émaillé par l’abbé Celier de beaucoup de citations intéressantes mais sans précision de source (aucune note de pied de page). C’est regrettable car ces références sont souvent nécessaires pour poursuivre une réflexion intelligente, et les sources sont utiles pour connaître le contexte des faits importants, par exemple, de la condamnation en déni de justice de Mgr Lefebvre. En outre, ce dialogue transforme de graves événements en anecdotes de la petite histoire (par exemple p. 94 à 104). Comme il n’est constitué que d’exposés de l’abbé Celier relancé périodiquement par les brèves questions d’Olivier Pichon, le lecteur ne retiendra que quelques faits saillants qui correspondent à ses sentiments et à ses souvenirs. Par contre si l’on s’astreint à prendre des notes pour se libérer du désordre apparent de la conversation, on découvre derrière le fouillis des idées entrecroisées une idée directrice qui n’est pas celle que donne la Table des matières. La recherche d’un plan cohérent et ordonné fait alors apparaître des redites, des contradictions et surtout des omissions révélatrices qui échapperont à la plupart des lecteurs. Dès lors, nous avons progressivement acquis la conviction que ce qui était exposé n’était probablement pas la vraie position des Supérieurs de la Fraternité, et que le dessein du Directeur de collection et des auteurs n’était pas non plus celui qui était annoncé en quatrième page de couverture et dans le chapitre « Présent », première partie du livre.

2.2        Un naturalisme oppressant

Quant à l’esprit de l’ouvrage, deux mots le caractérisent : naturalisme et modernisme.

Dans ce livre, rien n’inspire l’espérance surnaturelle, rien n’aide à régler sa vie en s’élevant au-dessus de l’agitation désordonnée de ce monde absurde parce que sans Dieu. Or dans ce bavardage continu de deux cent cinquante pages, il y a comme une terrible absence d’attention à Dieu, un manque étouffant d’air pur, d’altitude, de perspective d’éternité. Ces braves intellectuels discutent sans fin de religion, de liturgie, de doctrine du concile, etc., sans donner le moins du monde l’impression d’avoir conscience qu’il s’agit de questions vitales qui engagent non seulement la vie, mais la vie éternelle ; qu’il s’agit de questions qui unissent et fortifient les familles, ou qui les déchirent. Or il s’agit de Dieu et de son règne effectif car sans Lui l’homme est aveugle et impuissant ; mais entre eux deux, il n’est jamais question de Dieu qui est traité comme inexistant ou indifférent. Ainsi, il n’est jamais fait mention de l’action de la divine Providence ni du secours promis par la Mère de Dieu. Par exemple, page 93, Celier dit que, pour défendre la tradition, « le sort tomba sur la Fraternité » alors que Mgr Lefebvre a plusieurs fois répété qu’il s’était toujours efforcé de suivre docilement la Providence. Dès lors, faut-il s’étonner de lire page 226 que « la Fraternité Saint Pie X est une œuvre simplement humaine », comme si ce n’était pas Dieu qui, en Mgr Lefebvre, « avait opéré le vouloir et le faire » ?

Et il en est de même de la Vierge Marie, totalement absente de cet ouvrage, alors que nous avons bien besoin qu’on nous rappelle souvent qu’elle est et sera toujours notre ultime recours. Nos deux compères ignorent, semble-t-il, qu’aujourd’hui en 2007, nous sommes, dans le domaine temporel, à la veille de l’explosion de la plus gigantesque crise multiforme (économique, sociale, financière, identitaire, idéologique, religieuse, etc.) que le monde connaîtra [11]. Il faut être aveugle ou fermer les yeux pour ne pas voir que nous sommes comme à Byzance en 1453, et nos “sages” discutent du « sexe des anges ».

Devant la situation tragique de l'Église et du monde, il était opportun et même nécessaire, ici et là, d’élever notre réflexion, d’évoquer Dieu et d’inviter le lecteur à se tourner vers lui, mais le choix arbitraire de la forme d’un dialogue continu ramenait toute pensée au niveau d’un papotage au « Café du Commerce ». Or ce bavardage souvent pédant est toujours écœurant de naturalisme, au point que, plusieurs fois, nous avons dû en interrompre la lecture pour respirer un air plus pur et nous oxygéner l’âme. Et plusieurs fois, il nous a fallu faire effort pour reprendre notre lecture, puis pour en finir de ce pensum.

Certes, pour un lecteur superficiellement catholique et curieux d’histoire religieuse, ce survol rapide de la crise actuelle n’est pas dénué d’intérêt. Le journaliste Pichon pose les questions qu’il faut pour maintenir le suspense et aborder tous les aspects du problème tandis que l’abbé Celier joue au magister philosophe qui sait tout, a réponse à tout et parle bien. Mais ce duo concerté manque d’inspiration et d’élévation de pensée, comme si Dieu n’était pas cet être « supervivant » qui, par amour, et tout en nous laissant libres, nous inspire et nous gouverne vers notre bien temporel – la sortie de la crise – et vers notre éternité en Lui.

2.3        Une réflexion avortée, une pensée impuissante

Quant au modernisme, nous avons l’impression que l’abbé Celier ignore ce que c’est et qu’il n’a rien retenu sur ce sujet de ses études à Écône. Car méconnaître à ce point la réalité de ce mal, n’est-ce pas être soi-même atteint de cette terrible maladie de l’intelligence ?

« La crise actuelle a de multiples explications… » écrit-il (p. 72). Et d’évoquer Mai 68, la prospérité des Trente glorieuses, et les erreurs du concile Vatican II non infaillible… Or, après avoir allégué que « pour certains, l'Église serait entrée en crise au début du xxe siècle pour n’avoir pas su prendre le tournant de la modernité », l’abbé Celier convient que « même en étant sensible à l’histoire longue, il faut s’arrêter à une borne raisonnable ». Il vient de dire que « l’opposition entre les traditionalistes et Rome n’est que la conséquence d’une crise qui affecte l'Église tout entière et que c’est à déterminer la nature de cette crise qu’il convient de s’attacher ». Pourtant, il décide arbitrairement que « notre perspective est le fameux concile Vatican II » (p. 53) et il omet de préciser la nature de la crise en question. Quelques lignes plus loin (p. 55), remarquant que, « vue de l’extérieur, l'Église de Pie XII est très séduisante », il reconnaît que « tout cela s’est plus ou moins effondré quelques années plus tard » par la baisse effarante de la pratique religieuse passant en vingt ans de 35 % en 1958 à 15 % en 1978. » Il y avait donc « une faiblesse cachée », un « problème intellectuel notamment la nouvelle théologie ». « La crise moderniste sous le pape saint Pie X, avait été un signal avertisseur, mais on n’en avait pas suffisamment tenu compte ». Eh bien Celier n’en tiendra pas davantage compte ; avoir évoqué la crise moderniste lui suffit et il ne sera plus du tout question du modernisme ni de sa réapparition sous Pie XII sous la forme du néo-modernisme ni de son omniprésence au Concile [12].

Mais pourquoi après Pie X n’a-t-on pas tenu compte de la crise moderniste et de la « nouvelle théologie », alors que le saint Pape avait mis en place les moyens[13] pour lutter contre les modernistes cachés au « sein même de l'Église » ? L’abbé Celier connaît certaine-ment la réponse à cette question ; elle est simple mais, par idéologie anti complotiste, Paul Sernine (alias Grégoire Celier) doit la cacher. Cette réponse, la voici : c’est à cause de la tactique des modernistes et de la conjuration anti chrétienne. Bref, c’est à cause d’une sorte de complot qui dure depuis plus de deux siècles. Un complot ? Horresco referens !

D’une part, Cellier connaît évidemment les deux premiers paragraphes de Pascendi Domini Gregis où saint Pie X affirme en 1907 avoir découvert que les modernistes prétendus rénovateurs mais « artisans d’erreurs » se cachent « dans le sein même et au cœur de l'Église ». Celier connaît certainement aussi le Motu proprio Sacrorum Antistitum[14] dans lequel on lit au premier alinéa : « Les modernistes, même après que l’Encyclique Pascendi Domini Gregis eut levé le masque dont ils se couvraient, n’ont pas abandonné leurs desseins de troubler la paix de l'Église. Ils n’ont pas cessé de rechercher et de grouper en une association secrète de nouveaux adeptes, et d’inoculer avec eux dans les veines de la société chrétienne, le poison de leurs opinions ». Les modernistes de 1907 et des années du concile ont donc occupé secrètement dans l'Église une place de plus en plus importante dont ils n’ont jamais pu être chassés.

D’autre part, Celier sait sûrement aussi que, changeant de stratégie vers 1820, les francs-maçons ont commencé à infiltrer l'Église avec, comme « but final, celui de Voltaire et de la Révolution française : l’anéantissement à tout jamais du Catholicisme et même de l’idée chrétienne »[15]. Avec plus d’un siècle d’avance sur les modernistes, ils ont occupé dans l’Eglise des positions stratégiques avec les Rampolla, Gasparri, Lienart, Villot, Baggio, Casaroli, Bugnini, Bea, et combien d’autres. Comment n’auraient-ils pas saisi l’occasion inespérée d’utiliser à leurs fins les théologiens néo-modernistes de l’Alliance (les Congar, de Lubac, Rahner, Ratzinger…) eux aussi déjà en place ou rappelés par Jean xxiii (lui-même initié) et tous ensemble – sans devoir recourir à aucune conjuration, car ils avaient des objectifs parfaitement complémentaires –, ils firent du Concile un désastre pour la foi, et de l'Église, « une barque prête à couler » comme le reconnut le cardinal Ratzinger en 2005.

Comment en est-on arrivé là ?

2.4        Un complot bien réel mais sciemment “oublié” par idéologie

Dès l’élection de Benoît xv, les modernistes restés cachés dans l’Église et leurs alliés objectifs les francs-maçons infiltrés au Vatican par le cardinal Rampolla commencèrent leurs manœuvres pour obtenir la suppression de La Sapinière, et introduire de nouveaux complices dont bien peu furent découverts, tel Mgr Pietro Gasparri, futur cardinal et Secrétaire d’Etat de Benoît xv (dont il obtint la suppression de la Sapinière) et de Pie XI (1922-1939) qui condamna l’Action Française en 1926 et abandonna les Cristeros en 1929. Pendant ces années-là, les modernistes et autres infiltrés évitaient de se manifester. Cependant les idées étaient dans l’air et se répandaient ; les années 1920 virent la naissance des mouvements liturgique et oecuménistes[16] qui, bien que plus ou moins contrôlés par Pie xi (cf. l’encyclique Mortalium animos en 1928), réussirent à s’imposer après Pie xii et triomphèrent au Concile. Au sein de l'Église, les modernistes sont passés d’une génération à l’autre en infestant tous les échelons de la hiérarchie, jusqu’au plus élevé, celui du successeur de Pierre en Jean xxiii et en Benoît xvi. Une action aussi opiniâtre est impossible si elle n’est que l’effet de l’ambition humaine. Dans cette conquête sournoise du pouvoir, il y a quelque chose de surhumain et même de diabolique [17] que la Providence nous a fait la grâce de découvrir et que l’abbé Celier est coupable de cacher à ses lecteurs qui découvriraient alors la vanité de ses propositions.

On connaît la tactique des modernistes clairement exposée par saint Pie X dès le début de son pontificat dans son Encyclique Pascendi Domini Gregis (§ 2, 3, 4 et 37). En bref, leur but est de vouloir adapter l'Église au monde moderne pour la rendre humainement plus efficace, plus libre, plus fraternelle, car le monde moderne est issu de la Révolution. Ils veulent donc faire évoluer la théologie, la philosophie, la structure monarchique, la doctrine et la liturgie[18]. Leur tactique consiste d’abord à ne jamais exposer méthodiquement leurs doctrines, mais à les fragmenter et à les éparpiller dans différents domaines d’application ; ensuite, ils veulent rester cachés dans l'Église pour la modifier peu à peu de l’intérieur. Découverts et condamnés, ils feignent la soumission, se font oublier, mais n’en poursuivent pas moins leur dessein. Avec leurs alliés maçons infiltrés, ils ont en commun le goût des manœuvres secrètes et patientes qui défient les années.

La conjuration anti chrétienne des francs-maçons fut décrite exhaustivement par Mgr Delassus dans son ouvrage portant ce titre [19]. Au début du xixe s. les conjurés qui, plus que jamais, voulaient la destruction de l'Église et de toute religion chrétienne, changeaient de stratégie ; ils abandonnaient la persécution sanglante et décidaient d’infiltrer massivement leurs affidés dans l'Église. Plus tard, ils trouvèrent dans les modernistes des alliés objectifs ou des “idiots utiles”. Cette stratégie connue depuis 1819 par des documents incontestables fut décrite en 1859 par Jacques Crétineau-Joly sur ordre de Pie IX dans L'Église romaine en face de la Révolution [20].

Il est certain que l’abbé Celier, directeur de la maison d’édition et de diffusion Clovis connaît ces ouvrages de Mgr Delassus et de Crétineau-Joly qui sont cités par Mgr Lefebvre dans son livre Ils l’ont découronné [21]. Il connaît aussi de Mgr Lefebvre l'Église infiltrée par le modernisme, et de Jacques Ploncard d’Assac L'Église occupée. Et comment ne connaîtrait-il pas, de l’abbé Dominique Bourmaud, l’ouvrage remarquable d’érudition et de clarté « Cent ans de modernisme, Généalogie du concile Vatican II », puisque c’est Clovis qui l’a édité en 2003 ? Or ce livre établit clairement la filiation de la crise actuelle par le modernisme, depuis le protestantisme jusqu’au néo-modernisme triomphant par tous les papes depuis Jean xxiii, jusqu’à Benoît xvi inclusivement.

Dès lors, l’abbé Celier ne peut pas ignorer que le Concile Vatican II et la crise actuelle qui en résulte étaient en gestation depuis le début du xxe s. par l’infiltration au Vatican des alliés objectifs modernistes et francs-maçons. Comment Celier-Sernine peut-il froidement escamoter tous ces faits qui rendent l’histoire de l'Église cohérente et raisonnable parce que simple application de la guerre des deux cités vue par saint Augustin. Celier qui fait étalage d’une excellente mémoire en matière d’histoire contemporaine de l'Église n’ignore rien de cette conjuration toujours actuelle – l'Église est toujours occupée ! – mais, par parti-pris d’anti-complotisme, il ferme les yeux sur ces faits bien réels. Voilà l’aveuglement qui obscurcit toute son analyse et rend vaines et mensongères ses propositions de révision du Concile et d’accord de bonne foi avec le Vatican.

Alors comment ce prêtre peut-il à ce point fermer les yeux et mutiler l’intelligence de ses lecteurs ? Cette phrase de l’abbé de Tanoüarn répond à notre question : « Je voudrais d’abord faire comprendre que l’on peut et que l’on doit récuser les théories complotistes et conspira­tionnistes par simple honnêteté intellectuelle. (…) Les théories qui voient des complots partout, en imaginant qu’une main cachée dirige toute l’histoire du monde, pêchent par leur absence totale de sérieux »[22]. Pour l’abbé de Tanoüarn, il n’y a donc pas de Conjuration anti chrétienne, et il n’y a pas eu non plus le « pilotage du Concile par un noyau organisé » avec « prise de pouvoir » par les cardinaux Liénart et Frings selon « un scénario écrit à l’avance » vérité historique que Celier lui-même nous relate (p. 60-62).

L’occultation de la cause efficiente de la crise n’est donc pas une omission fortuite mais elle prouve la volonté d’orienter le lecteur vers une conclusion prédéterminée, comme nous le verrons encore plus loin. Cette omission voulue suffit déjà à nous faire classer l’ouvrage Benoît xvi et les traditionalistes parmi les mauvais livres, ceux qui trompent sur leur but. Comment alors ne pas s’interroger d’abord sur le mobile de cette mauvaise action, et ensuite sur l’incroyable facilité avec laquelle elle a pu s’accomplir sous les yeux mêmes des supérieurs de la Fraternité ?

3          Chapitre  3 – Les propositions de l’abbé Celier

Tout le séduisant plan de l’abbé Celier, “communicateur” de la Fraternité Saint Pie X, tient en ces quelques propositions dispersées dans l’incessant dialogue :

« Mettre Vatican II entre parenthèses », « l’oublier tout en le révisant progressive­ment » pour « dépasser le problème » tout en conservant les « développements heureux, et il y en a beaucoup. » (p. 87-89). Il ne précise pas quels sont ces nombreux « développements heureux » et, voyant l’apostasie générale qui ne cesse de croître, nous pouvons déjà le juger trop optimiste.

Plus loin, toujours rêvant, Celier pense qu’il faut « imaginer plusieurs processus de révision du Concile car il pose de multiples problèmes ». Ainsi, imagine-t-il que Rome pourrait traiter certains textes inassimilables de Vatican II comme on le fait des déchets radioactifs : « les couler dans une gangue de béton puis les enterrer profondément à l’écart » (p. 185). Ou « pratiquer un moratoire sur les citations de Vatican II » (p. 186). On pourrait encore imiter « l’accord de Brest-Litovsk en 1595 » qui spécifiait ne pas porter sur tous les points sur lesquels les signataires restaient en désaccord ( !)

« Ce que je crois utile de faire, c’est de montrer qu’un tel processus de restauration progressive de la foi est possible et dès maintenant, (…) et avec les hommes d’aujourd’hui. Cela suppose évidemment que les prélats de la Curie veuillent sortir de la crise, ce qui n’est pas évident pour le moment. Mais en imaginant qu’ils le décident enfin… » (p. 186).

Et il répète : « Mon but est simplement de montrer qu’il serait possible de s’attaquer au Concile (…) si Rome en avait la volonté… » (p. 190).

Il faut observer que l’abbé Celier n’écrit rien de faux. Il précise bien les conditions : « Si Rome en avait la volonté… Si les prélats voulaient sortir de la crise… », et il reconnaît la difficulté : « ce qui n’est pas évident pour le moment ». On ne peut donc rien lui reprocher. Rien sauf de remonter à la cause de cette impossibilité ; c’est qu’il utilise fort habilement l’imprécision du dialogue qui privilégie la réception par sensibilité plutôt que par raison. En effet, tout son plan de “restauration” est construit sur le sable des suppositions et des conditionnels, c’est-à-dire sur une extrême équivoque et dans un désordre tel que le lecteur interprètera ces propositions avec sa sensibilité personnelle et selon la pression médiatique du moment, et non pas avec sa raison jugeant de la vérité des faits et de la convenance des propositions. Dès lors, il y a de forces chances que cèdera à ce chant de sirènes tout lecteur qui n’est pas formé à « régler sa vie sans se déterminer par aucune affection désordonnée »[23].

3.1        L’examen de Vatican II

« Aujourd’hui où l’urgence pastorale a un peu baissé en raison du nombre de prêtres disponibles (…), il me semblerait important de s’attaquer à l’examen de Vatican II » écrit Celier page 85. Eh bien non, et pour plusieurs impossibilités qui nous paraissent évidentes :

D’abord, le nombre de prêtres est toujours insuffisant pour répondre aux besoins des fidèles, pour enseigner dans nos écoles, et pour pratiquer une vraie pastorale au lieu de « parer au plus urgent » dans leur vastes secteurs. D’ailleurs, page 229, Celier écrit exactement le contraire de ce qu’il disait page 85 [24], contradiction que personne ne remarquera vu leur éloignement dans l’ouvrage.

Ensuite, l’examen de tout ce que ce funeste concile a produit est un travail théologique considérable qui demande des compétences en théologie, exégèse, Droit Canon, apologétique, et celles-ci ne peuvent être que le fruit d’aptitudes intellectuelles et d’études poussées et poursuivies bien au-delà du séminaire. De tels prêtres théologiens sont certainement très rares dans la Fraternité. Donc cette difficulté est actuellement insurmontable.

Enfin parce que, devant aller de pair avec la discussion doctrinale au Vatican, cet examen serait peu productif vu l’état d’esprit et la corruption intellectuelle et théologique de toute la hiérarchie ecclésiale. Celier l’admet p. 186 : « Cela suppose évidemment que les prélats de la Curie veuillent sortir de la crise, ce qui n’est pas évident pour le moment. »

Certes, trois documents majeurs du Concile ont déjà été examinés et critiqués par Mgr Lefebvre avant leur promulgation (p. 78), mais c’est la totalité des constitutions et décrets qu’il faudrait non seulement examiner, mais récrire afin d’évacuer toutes les équivoques et possibilités d’interprétations modernistes. Il faut se souvenir de l’aveu d’un “expert” au concile : « Nous nous exprimons de façon diplomatique [dans les documents], mais après le Concile nous tirerons du texte les conclusions qui y sont implicites. (…) Il soulignait que la minorité [progressiste] avait bien compris que la phraséologie vague du schéma serait interprétée après le Concile dans le sens le plus fort. »[25].

Cela implique l’étude critique de toutes les discussions du concile. Bref un travail titanesque et réservé à des spécialistes [26]. D’ailleurs Celier en est conscient puisqu’il écrit : « Lorsqu’on discute un texte, on ne peut l’amender qu’à la marge : son orientation profonde et son esprit ne peuvent être changés. Voilà pourquoi l’Alliance ne voulait pas des textes prépa­rés par la Commission pré-conciliaire. » (p. 62). (…) « Comme le note Mgr Lefebvre : “Nous avons pu limiter les dégâts, changer telles affirmations inexactes ou tendancieuses. Mais nous n’avons pas réussi à purifier le Concile de l’esprit libéral et moderniste qui imprégnait la plupart des schémas. Quand un texte est rédigé dans un esprit faux, il est pratiquement impossible de l’expurger de cet esprit : il faudrait le recomposer entièrement pour lui donner un esprit catholique. » (p. 63).

C’est ce que nous constatons aujourd’hui : le concile a élaboré un néo-catholicisme en rupture radicale avec la Tradition [27]. De fait, Celier constate que ce concile pastoral a voulu « intégrer dans la vie catholique les valeurs de la modernité. »

Ces prétendues “valeurs” (que Celier ne nomme pas), on les connaît, ce sont celles de la Révolution : Liberté-Egalité-Fraternité, mais elles signifient bien plus que ce que comprend le peuple. C’est la liberté religieuse et le libéralisme avec toutes ses applications aux mœurs, à la foi, aux religions, à l’économie… ; c’est la collégialité et la démocratie remettant en cause le fondement de l’autorité même dans l'Église ; c’est l’œcuménisme et le salut dans toute religion. Et le cardinal Ratzinger l’a confirmé : « Nous devons constater qu’au concile Vatican II ont été entérinées des valeurs qui ne sont pas venues de l'Église, mais qui viennent de deux siècles d’esprit libéral, mais purifiées, corrigées »[28]. Comme si l’on pouvait purifier ou corriger un poison mortel, alors que la seule solution est de le détruire ! Et ces valeurs – l’abbé Celier le reconnaît – « étant nées hors de l'Église et contre l'Église, vouloir à tout prix les intégrer dans le système catholique représente un véritable problème » (p. 78). Seulement un problème ? Que non ! C’est une contradiction interne, un non-sens ! et c’est fabriquer un autre poison mortifère.

Bref, l’imagination étant au pouvoir, Celier introduit toutes ces idées mirobolantes par des « Imaginons que… », « Supposons que… », « Il serait possible de … », « Cela suppose que … », « En imaginant que Rome… », au point que Pichon en reste médusé et lâche : « Un tel texte fait rêver… »

Oui, avec ce « wishful thinking » ou pur idéalisme, on est bien loin du réel. La réalité c’est que ni Benoît xvi, ni aucun prélat de curie, ni aucune Conférence épiscopale ne sem­blent vouloir lâcher quoi que ce soit des acquis du Concile ni de ses réformes malgré le désastre qui en a résulté[29]. Or il n’y a quasiment aucun document conciliaire qui ne contienne une dose plus ou moins importante de poison – c’est-à-dire d’altération dogmatique ou d’ambiguïté – soit concentré dans une proposition, soit disséminé et contaminant tout le document. Voilà ce qu’est « l’esprit de Vatican II », un esprit radicalement néo-moderniste.

Finalement, cette évocation onirique tournant court, les deux compères oublient de considérer que l’obstacle majeur à cette « révision progressive » ou « mise entre parenthèses » de Vatican II, c’est le pape, sa personnalité, sa théologie néo-moderniste, son dessein et son absence d’autorité, comme nous le verrons plus loin. L’autre obstacle, c’est la masse inerte de la hiérarchie ecclésiale qui s’est habituée à croire ce qu’elle veut et à ne faire que ce qui lui plaît. Les épiscopats français et nord-américain en sont de tristes exemples.

3.2        Le problème liturgique

L’abbé Celier présente la liturgie traditionnelle tantôt comme un lien charnel avec l’Église primitive, tantôt comme un patrimoine qui s’enrichit car « la liturgie est une réalité vivante » (p. 128) « Il est donc normal qu’elle connaisse des réformes périodiques »[30] « Nous ne sommes pas des opposants de principe à toute réforme liturgique. » (p. 129). Au concile Vatican II, la Constitution sur la liturgie fut acceptée sans difficultés car le schéma avait été préparé dans l’esprit du « Mouvement liturgique » qui plaisait aux tenants de la Nouvelle théologie. Ici, Celier aurait dû mentionner que cette Nouvelle théologie est caractérisée par son modernisme. Mais l’organisme chargé d’étudier l’application de cette constitution fut placé par Paul VI sous la direction effective du Père Annibale Bugnini qui, douze ans plus tard, bien que promu Monseigneur, fut « frappé de disgrâce » et envoyé comme Nonce en Iran. Disgrâce ? Pour quelle raison ? Non pas, comme l’écrit Celier, pour « manque de sens théologique », ou « pour raisons idéologiques » – c’était un peu tard pour l’en sanctionner – mais parce que l’on venait de découvrir son appartenance à la Franc-Maçonnerie. Quelle horreur ! a dû penser Celier-Sernine, « Cachez ce complot que je ne saurais voir ! » Aussi cache-t-il ce que rapporte Mgr Lefebvre dans le numéro 10 de la Lettre aux amis et bienfaiteurs : « Lorsqu’on apprend à Rome que celui qui a été l’âme de la réforme liturgique est un franc-maçon, on peut penser qu’il n’est pas le seul. Le voile qui couvre la plus grande mystification dont les clercs et les fidèles ont été l’objet commence sans doute à se déchirer. » D’autres sources le confirment [31], notamment la liste de prélats francs-maçons trouvée dans un temple lors du scandale de la Loge P2.

Celier impute à Paul VI une grande part de responsabilité dans cette funeste réforme liturgique (p. 132-134). Certes, Paul VI était lui-même moderniste[32] et poursuivait évidem­ment l’œcuménisme conciliaire du décret Unitatis redintegratio pour faciliter le rappro­chement avec les « frères séparés » : l’expression de la foi catholique ne doit pas faire obstacle au dialogue avec les frères. Mais Paul VI et son complice Bugnini vont plus loin : avec l’aide d’experts protestants, ils fabriquent une liturgie protestantisée et, comme tout ce qu’elle contient de typiquement catholique a été supprimé, elle est devenue protestantisante.

Cela non plus n’est pas le fait du hasard, mais d’un dessein longuement mûri, d’un complot, en quelque sorte, au point de satisfaire pleinement à la fois les protestants et les ennemis de l'Église, les francs-maçons [33]. Ce fait n’a pas échappé à M. Pichon qui objecte : « Ne tombez-vous pas dans un travers trop fréquent : le complotisme ? » (p. 143). Mais Celier feint de n’avoir pas entendu l’objection et poursuit son exposé qui contient beaucoup de critiques pertinentes du Nouvel Ordo Missae (p. 150-157), critiques qu’il oubliera lorsqu’il voudra le “récupérer” dans sa messe “pipaule”.

Mais encore une fois, ces critiques objectives sont noyées dans la bouillie du dialogue où est absente la cause essentielle de notre désaccord. Et comme la démarche logique dans le constat d’une telle catastrophe est d’en rechercher la cause, on peut dire ici que l’absence de cette recherche n’est pas fortuite mais volontaire. Ici, cette omission est très révélatrice du dessein des auteurs sur lequel nous reviendrons plus loin.

La cause essentielle de notre désaccord, c’est que la nouvelle messe nous “trompe sur la marchandise” et, même valide, elle nous paraît toujours douteuse. Lorsqu’on l’a constatée une fois, on ne peut plus oublier cette affirmation tragique : La nouvelle messe « s’éloigne de façon impressionnante, dans l’ensemble comme dans le détail, de la théologie catholique de la Sainte Messe telle qu’elle a été formulée à la XXe session du Concile de Trente lequel éleva une barrière infranchissable contre toute hérésie qui pourrait porter atteinte à l’intégrité du Mystère.[34] ». En effet, la messe authentique a une valeur surnaturelle infinie que n’a pas son succédané. Comment cela ? Parce que la Sainte Messe étant un sacrifice propitiatoire, ce sont les mérites infinis de la Passion de Jésus-Christ vrai Dieu et vrai homme qu’elle applique aux fidèles qui y participent ; mais cette application se fait en proportion de leurs dispositions intérieures auxquelles contribue la liturgie. Par la foi, en assistant à la messe, nous croyons assister au Sacrifice du Christ au Calvaire et il y a entre Lui et nous un vivifiant échange d’amour. Or la « nouvelle messe » est tournée vers l’homme et l’assemblée, et par ses omissions voulues par œcuménisme, sa liturgie – même conforme aux rubriques – a perdu l’essentiel de son caractère sacré et propitiatoire. Dès lors, cette pseudo messe n’oriente plus du tout le fidèle vers l’amour de son Sauveur. En conséquence, il n’en reçoit plus rien ou peu s’en faut puisque rien dans le rite ne suscite plus ces dispositions intérieures propices à la réception des fruits surnaturels. D’où l’abandon massif de la pratique religieuse qui suivit bientôt son introduction obligatoire en 1970 [35].

L’objet principal de notre « désaccord liturgique » est donc que les “fabricants” néo-modernistes de la nouvelle messe inspirés par un esprit faux – l’œcuménisme mélangé d’anthropocentrisme [36]– ont conçu une “célébration” qui n’a plus rien de sacré et qui est stérile quant au surnaturel ; les fidèles qui y assistent sont donc « trompés sur la marchandise » et privés de grâces précieuses. Mais ignorant ce don propre à la Sainte Messe traditionnelle, ils ne se sentent pas frustrés. Pire encore : à leur insu, ils perdront lentement la foi catholique et deviendront protestants, de cette nouvelle variété d’apostats : ceux qui se croient encore catholiques [37].

Ainsi, par la réforme liturgique, la messe a été viciée dans son esprit et est irrécupérable, comme l’a dit Mgr Lefebvre que Celier et nous-même avons cité.

Alors que propose l’abbé Celier ?

Il rêve à « une véritable réforme de la nouvelle liturgie [une nouvelle “nouvelle messe” !], une correction qui ne serait pas seulement superficielle, mais qui redresserait en profondeur cette liturgie et lui redonnerait une orientation pleinement catholique. » Par contre, selon lui, la « réforme de la réforme » vaguement annoncée par le Pape ne serait que superficielle et radicalement insuffisante (p. 158-159).

Puis, abandonnant provisoirement la question de la nécessaire réforme liturgique (on constate encore ce désordre dans la présentation des idées qui condamne la forme dialoguée du livre), Celier revient sur les raisons qu’a eues la Fraternité de refuser dans le passé les propositions d’accord que faisait le Vatican. Toute cette partie (p. 163 à 182) est inutilement compliquée, alors qu’il suffisait de rappeler cette déclaration de Mgr Lefebvre faite le 21 novembre 1974 [38] : « Nous refusons par contre et avons toujours refusé de suivre la Rome de tendance néo-moderniste et néo-protestante qui s’est manifestée clairement dans le concile Vatican II et après le concile dans toutes les réformes qui en sont issues. »

Tout était dit et parfaitement clair. Et Mgr Lefebvre précise bien les causes essentielles de son refus : le néo-modernisme et le néo-protestantisme qui détruisent la foi et l'Église. Or ces mots que nous soulignons, nous ne les trouvons jamais sous la plume de Celier ni dans ces vingt pages ni ailleurs dans le livre. Certes, Celier mentionne bien (p. 168) les « erreurs théologiques » du concile, et le fait que c’est « du sein même de l'Église que provenaient les attaques contre la foi », mais il n’identifie pas la cause, l’ennemi qui attaque la foi catholique en se dissimulant dans l'Église. Ainsi, en cachant encore une fois l’identité de l’ennemi, non seulement il ne peut le combattre, mais il expose tous ses lecteurs à succomber à ses ruses et à ses assauts.

Alors, il s’imagine qu’il suffit de « parcourir à l’envers le chemin de la rupture de 1974-1977 » (p. 176 et 182). Mais cette comparaison trop optimiste fausse le jugement car il ne s’agit pas ici d’une banale erreur d’itinéraire puisque ce parcours s’est étalé sur des années ; on ne remonte pas dans le temps en faisant tourner l’horloge à l’envers, pas plus qu’on n’inverse le sens de l’écoulement en inversant le sens de rotation d’une pompe centrifuge.

Donc dit-il, faisons d’abord la paix avec Rome en obtenant qu’elle redonne à la tradition son “droit de cité” en nous concédant les deux préalables [39]. Ensuite, « il faut que Rome s’engage clairement en faveur de la foi vraie et intégrale » (p. 184), c’est-à-dire que « le pape donne enfin un bon coup de barre » pour s’éloigner de Vatican II et de la réforme liturgique de 1969 (p. 185). « Il faudrait que… » On peut rêver. Soit, mais en l’occurrence, est-ce bien utile de tant rêver au lieu de réfléchir ?

Le premier “préalable” semble clairement accepté « à la suite de la création récente de l’IBP (Institut du Bon Pasteur) » dit Pichon. Et Celier développe cet acquis : « Cela représenterait un changement considérable dans l’actuelle conception romaine, et il serait pour nous très rassurant » (p. 193). Il revendique la liberté absolue de célébrer la liturgie traditionnelle sans obligation de célébrer la liturgie nouvelle (ce qui sera refusé), et la possibilité de continuer à émettre « des réserves doctrinales sur la nouvelle liturgie dans le cadre d’une critique sérieuse et constructive »[40] (p. 194). En somme, Celier ne revendique pour la Fraternité que ce que Campos et l’IBP ont déjà obtenu et qu’elle obtiendra sans difficulté, croit-il, en profitant du Motu proprio.

3.3        Le Motu proprio Summorum pontificum du 7 juillet 2007

En substance, voici ce que décide le pape Benoît xvi : [41]

-          Il y aura dans l’Église deux formes de rite romain : la forme ordinaire de la messe est celle de Paul vi ; la forme extraordinaire ou traditionnelle est celle de saint Pie v, de 1962. [Ces deux formes sont considérées comme équivalentes alors qu’elles sont contradictoires !]

-          Tout prêtre peut, sans autorisation, célébrer selon la forme traditionnelle.

-          Tout groupe stable de fidèles attachés à la forme traditionnelle peut en faire la demande au curé de la paroisse. S’ils n’obtiennent pas satisfaction, ils peuvent s’adresser à leur évêque qui est prié d’exaucer leur désir.

-          A dater du 14 septembre 2007, ces normes remplaceront l’indult de 1984 et le motu proprio de 1988 (Ecclesia Dei).

-          Aucun prêtre ne peut, par principe, refuser de célébrer la messe de Paul VI car « cette exclusion du nouveau rite (de 1969) ne serait pas cohérente avec la reconnaissance de sa valeur et de sa sainteté ». [Benoît xvi veut donc nous faire croire à la valeur et à la sainteté de la messe de Luther !]

-          Les deux formes de rite romain pourront s’enrichir réciproquement : par l’ajout de nouveaux saints et de nouvelles préfaces dans la messe traditionnelle ; par l’amélioration de la “sacralité” de la nouvelle messe. [Enrichissement par métissage !]

-          À terme, Benoît xvi croit possible et souhaitable une unification [fusion] des deux rites.

Il est clair que Benoît xvi ne veut pas restaurer l’exclusivité ni la primauté de la messe traditionnelle. Mais dans sa lettre explicative aux évêques (datée 7 juillet 2007), il attire leur attention « sur le fait que ce missel n’a jamais été juridiquement abrogé, et que par conséquent, en principe, il est toujours resté autorisé. » C’est bien le seul point positif et réjouissant de ce motu proprio qui confirme officiellement ce que nous savions depuis quelques années déjà, malgré le silence de Rome et les mensonges de l’épiscopat français.

Par contre, nous trouvons dans cette Lettre aux évêques quelques affirmations qui ne font pas honneur à l’honnêteté intellectuelle du Pape et de ses collaborateurs. 

C’est tordre la vérité que de déclarer ordinaire le rite douteux et protestantisant, tandis que le rite sanctifiant est dit extraordinaire ; c’est mentir que de les déclarer équivalents ; c’est être aveugle que de voir comme enrichissement ce qui ne serait que le métissage sinon la corruption de ce qui est encore parfait, la Sainte Messe de toujours.

Il est faux de dire que le missel traditionnel a été préféré « parce qu’en de nombreux endroits on ne célébrait pas fidèlement selon les prescriptions du nouveau missel ». Certes, les excès de créativité ont fait disparaître le caractère sacré de la messe, mais le rejet de la nouvelle messe est surtout venu de la découverte de son caractère non catholique comme cela est exposé dans le Bref examen critique (daté octobre 1969 et déjà largement diffusé en mars 1970) que nous avons déjà cité et dont le document papal ne fait pas mention, et pour cause.

Et il est également faux d’affirmer qu’il n’y a « aucune contradiction entre l’une et l’autre édition du Missale Romanum » sans « jamais de rupture. » Au contraire, dans leur lettre à Paul VI ou Préface, les auteurs du Bref examen critique soulignent que « Les raisons pastorales avancées pour justifier une si grave rupture ne semblent pas suffisantes. » En effet, chaque partie de cet examen critique met en évidence bien des nouveautés ou omissions qui détruisent la « clef de voûte » de la Messe, qui est « primordialement un Sacrifice ».

Hélas, pour continuer à défendre la nouvelle messe issue de Vatican II, Benoît xvi est obligé d’affirmer dans sa Lettre aux évêques que « l’exclusion totale du Nouveau rite ne serait pas cohérente avec la reconnaissance de sa valeur et de sa sainteté ». Or, c’est justement à cause de son manque de valeur catholique et de son absence de sainteté que la FSSPX et nous les fidèles, refusons ce nouveau rite, même célébré validement. Et les raisons de ce refus sont clairement explicitées non seulement par le Bref examen critique (de 1969), mais encore dans l’étude théologique Le problème de la réforme liturgique[42] (de 2001).

En ignorant volontairement ces documents essentiels ; en affirmant l’absence de contra­diction entre deux formes évidemment différentes bien que portant le même nom de « rite romain ; en affirmant l’équivalence de ce qui détruit et de ce qui édifie ; en obligeant évêques, prêtres et fidèles à accepter ce non-sens absolu qui n’est certes pas inspiré par l’Esprit Saint, le Pape nous permet de comprendre que serait vaine toute discussion doctrinale sur la cause de la rupture (le néo-modernisme), sur la stérilité surnaturelle de la nouvelle messe, sur les erreurs du Concile, sur l’excommunication de nos évêques et le prétendu schisme, etc..

C’est que tout se tient par l’enchaînement des causes et de leurs effets. Et si nous avons chanté Te Deum avec ferveur, ce n’est pas pour la victoire remportée (sur quel ennemi ?) par ce Motu proprio, mais c’est 1°/ pour la grâce de la confirmation officielle quoique tardive de notre bon droit ; et 2°/ pour la grâce de l’évidence que, pour l’heure, nous ne pouvions rien attendre de Rome tant qu’elle ne se convertira pas par retour à la religion catholique intégrale.

En conclusion, nous ne devons avoir aucune illusion sur les suites de cette libéralisation de la messe traditionnelle. Elle ne débouchera pas sur une ouverture au dialogue entre Rome et la Fraternité, ni sur le développement de celle-ci. Au contraire, le désordre croissant dans la liturgie augmentera la séduction qu’exercent la Fraternité Saint-Pierre et l’Institut du Bon Pasteur par l’offre conjointe de la belle liturgie traditionnelle et de la communion avec Rome, ces Ralliés faisant silence sur les désaccords doctrinaux plutôt embarrassants car échappant à l’entendement de beaucoup de fidèles.

3.4        Où cela nous conduit-il ?

Imaginons à présent ce que va devenir la situation liturgique en France où l’on connaît l’esprit d’indépendance des évêques. Comme le prévoit Celier, cette situation ne va pas se simplifier ; l’on passera du bi-ritualisme actuel à « une offre liturgique d’une incroyable diversité ». Bref, on va vers une « situation d’anarchie généralisée » (p. 197).

Pour en sortir, que propose-t-il ?  Rien de bon, qu’on en juge :

Il imagine que pourrait naître un rite hybride qu’il appelle « messe pipaule », mélange du rite « Pie » et du rite « Paul », de la messe saint Pie v et de la messe Paul vi, qui pourrait être utilisé par les jeunes prêtres pour « réenraciner dans la tradition la liturgie nouvelle qu’ils célèbrent en public » (p. 196). Mais aussi pour “améliorer par métissage” le rite qu’ils préfèrent selon l’utopique option que Benoît xvi appelle « enrichissement réciproque ».

Il imagine d’utiliser le caractère très ouvert de la nouvelle liturgie pour « proposer de nombreuses variantes » en « permettant le maximum d’emprunts à la tradition » (p.200).

Il imagine encore que « la nouvelle messe s’irriguerait des richesses de la liturgie traditionnelle » [encore le métissage !], mais il « imagine mal que ce joyau spirituel qu’est la liturgie traditionnelle cesse d’être célébré » (p. 201). [Ouf !]

Espérons que le lecteur attentif aura remarqué (p. 196), le sabot fendu du Malin qui se laisse voir sous la soutane dans la proposition de la messe hybride « Pipaule ». Il se prononce comme people ce qui donne “messe people” ou messe populaire ! comme on parle de la “presse pipeule” pour dire presse à scandales. On en rirait si le sujet le permettait. Eh bien, rien que ce mot aurait dû attirer l’attention d’un censeur sur tout ce qu’il y a derrière cette suggestion de fabriquer un hybride de plus de la Sainte Messe et de la messe de Luther.

Nous prions le lecteur de nous pardonner de lui avoir fait partager l’écœurement que nous avons éprouvé en lisant et en relisant ce discours irresponsable afin d’en saisir toute la signification. Nous ne dirons rien des questions de fond qu’il suscite et qui nous entraîneraient trop loin [43]. Mais revenons au simple bon sens ; il nous dit qu’il est insensé de s’éloigner du réel et de traiter le sacré comme n’étant que du trivial ; et qu’il est insensé d’espérer sortir du désordre en libérant l’imagination de tout contrôle.

En passant, disons un mot sur une autre proposition de messe métissée faite par un autre prêtre : À titre provisoire, et pour familiariser les fidèles conciliaires avec la messe tridentine, il propose qu’on pourrait la dire en langue vernaculaire et sur une “table versus populum”. Cela ressemble fort à la proposition Celier de « refaire en sens inverse le chemin de la rupture ». Or ce ne peut pas être en conservant les innovations qui, en 1970, ont désacralisé la Messe – à savoir la langue vulgaire, et la table et le prêtre tournés vers l’assemblée – que l'on contribuera à resacraliser la liturgie et à sensibiliser les fidèles (protestantisés et ignares) à la richesse surnaturelle du Saint Mystère qu’il faudra bien, tôt ou tard, prendre la peine de leur exposer avant que de faux pasteurs ne les persuadent par la nouvelle théologie, de l’équivalence des « deux formes du même rite ». En français comme en latin, un mystère reste impénétrable, et des causes funestes ne se transformeront jamais en causes propices par le seul accompagnement du rite romain. Donc la messe « pipaule », comme tout autre « métissage », augmenterait certainement le désordre liturgique en ajoutant une nouvelle “messe” ( ?) à celle de saint Pie V, et aux quatre versions de Paul vi, ceci sans tenir compte des multiples versions non officialisées car improvisées par des célébrants manquant d’humilité. On aurait donc plus de cinq variantes mauvaises ou dangereuses pour une seule bonne !

En conclusion, mais sans le dire clairement, Celier suggère d’imiter les prêtres de Campos (Brésil), qui ont obtenu une « Administration apostolique » personnalisée (p. 214), et surtout, l’Institut du Bon Pasteur (Bordeaux) qu’il mentionne favorablement à plusieurs reprises (pages 192-193 ; 209 ; 215-216 et 221) et dont il défend le fondateur, l’abbé Philippe Laguérie (p. 176) bien que lui, Celier, ait apporté sa contribution personnelle à l’exclusion de cet abbé frondeur [44]. Mais point rancunier, l’abbé Laguérie, dans son bulletin Le Mascaret, se réjouit fort de la parution du livre de Pichon et Celier. Et sur son Blog, il ne tarit pas d’éloges enthousiastes et jubilatoires pour le motu proprio omettant cependant d’évoquer, et le grain d’encens qu’il a accepté de brûler sur l’autel de Vatican II, et l’obligation de reconnaître l’absence de contradiction entre les deux formes du rite ainsi que l’impossibilité qui lui est signifiée de refuser par principe de célébrer la nouvelle messe [45].

Ceci prouve l’alliance objective entre Laguérie et Celier. Et lorsque celui-ci affirme : « Soyons clairs. Je ne suis pas d’accord avec l’Institut du Bon Pasteur, sinon j’en serais membre », c’est une affirmation gratuite et qu’il ne faut croire ni claire ni sincère. Il est manifeste, au contraire, qu’en ce qui concerne le sujet de ce livre – le ralliement des traditionalistes à Rome – Celier est d’accord avec l’IBP, mais tactiquement, pour persuader les fidèles de la Fraternité d’accepter les offres de Rome, il vaut mieux qu’il dise le contraire ; et stratégiquement, Celier se voit plus utile à la cause du ralliement en restant (temporairement ?) dans la Fraternité qu’en rejoignant l’IBP. C’est ce que prouve son livre.

*          *          *

4          Chapitre  4 – Les obstacles romains

L’abbé Celier pense donc que le pape pourrait s’éloigner du concile Vatican II et des réformes qui en sont issues. Mais Benoît xvi le peut-il vraiment ? Et d’abord, le veut-il ? On ne peut rien affirmer si on ignore qui il est. Nous verrons alors ce que vaut cette opinion.

4.1        Qui est  Benoît XVI ?

Il est encore trop tôt pour juger le pape à ses résultats. Cependant, on a déjà remarqué qu’il continuait, comme il l’avait annoncé, la politique de son prédécesseur Jean-Paul ii. Il voyage, rassemble des foules et parle en œcuméniste convaincu : il a renouvelé le scandale d’Assise en 2006 ; il a reçu très amicalement une délégation du B’naï B’rith[46], et a visité les juifs dans leurs synagogues et les musulmans dans leurs mosquées[47]. Sous les projecteurs de l’actualité depuis le Concile, soit depuis quarante années, le cardinal Ratzinger s’était déjà exprimé comme théologien dans de nombreux livres et comme Préfet de dicastère. Il est donc possible de juger s’il est vraiment le conservateur que certains voient en lui.

Dans son ouvrage autobiographique Ma vie - Souvenirs, il nous apprend sur sa formation quelques faits très éclairants [48]. Durant la guerre 1939-1945, le jeune Joseph Ratzinger (né le 16 avril 1927) ne put faire que des études perturbées et lacunaires où bien des matières furent laissées à ses goût personnels [49]. Ainsi, il reconnaît qu’au séminaire, « nous ne voulions pas nous contenter de faire de la théologie au sens étroit du terme, mais écouter l’homme d’aujourd’hui ». Ses choix étaient orientés dans un sens assez profane (« on dévorait les romans que tout le monde lisait »), ou moderne dans le domaine philosophique. « En revanche, j’avais du mal à comprendre saint Thomas d’Aquin, dont la logique cristalline me semblait bien trop fermée sur elle-même, trop impersonnelle et trop stéréotypée. » Après seulement deux années au séminaire diocésain, Ratzinger demanda et obtint de son évêque de pouvoir s’inscrire à la Faculté de Théologie de l’Université de Munich où le corps enseignant était d’esprit plus libéral, plus moderne. Ainsi l’un de ses maîtres l’amena à lire le Père de Lubac, théologien déjà condamné par Pie XII mais qui exerça sur lui une influence certaine. Un autre professeur d’exégèse lui montra la « fécondité spécifique de l’équilibre entre dogme et libéralisme » (comme si ce n’était pas le dogme qui devait être défendu contre le libéralisme !).

Enfin, on trouve dans ces Souvenirs la genèse, en 1957, de cette fameuse “Tradition vivante” dans une conception très personnelle de la Révélation. En effet, pour obtenir l’agrégation, l’abbé Ratzinger dut présenter un mémoire qu’il consacra au concept de la Révélation chez saint Bonaventure. Or la partie « critique » de ce travail fut refusée parce que professant « un dangereux modernisme, en passe de faire du concept de la Révélation une notion subjective ». Dans ses Souvenirs le cardinal Ratzinger nie toute validité aux critiques de son professeur et censeur de 1957. Au contraire, il défend encore ses idées personnelles sur la Révélation et « établit un rapport entre Révélation et Tradition, mais toujours à la lumière du concept subjectiviste de révélation qu’il n’a cessé de professer »[50].

En résumé, voici les trois points principaux de la pensée du Cardinal sur ce sujet :

o       La Révélation devient un fait de la conscience du sujet qui la reçoit, elle se subjectivise et, sans la participation du sujet, elle n’est pas révélation.

o       Selon la philosophie moderne il n’y a pas de vérité indépendante de la pensée du sujet qui la pense

o        La vérité révélée (ou Révélation) est susceptible de développements ultérieurs et nouveaux de la part du “sujet qui perçoit” (l'Église). N’est donc plus valable le principe que la Révélation s’est achevée avec le dernier Apôtre [51].

On notera que cet ouvrage de souvenirs écrit en 1998 ne contient ni critique, ni correction de ces opinions contraires à l’enseignement traditionnel de l'Église.

Les deux conséquences de ces concepts subjectifs (donc modernistes) de Révélation, de Tradition et de vérité sont extrêmement graves :

1)      On ne peut plus considérer la Révélation comme étant un ensemble de faits et de significations d’origine exclusivement surnaturelle que l’homme – pour le salut duquel ces faits et valeurs ont été révélés – doit accepter et garder sans aucune altération parce qu’il se trouve face à des vérités qui ne dépendent pas de lui mais viennent de Dieu. Au contraire, la Révélation est vivante, donc évoluant selon la perception du sujet (voir Annexe I).

2)      Quant à la Tradition, elle n’exprime plus l’idée d’un « dépôt de la foi » d’origine divine, maintenu pendant dix-neuf siècles et résultant de l’Écriture et de la Tradition gardées et expliquées par le Magistère de la Sainte Église, un « dépôt » qu’aucune nouvelle interprétation ne doit avoir l’audace de modifier. Elle aussi est “vivante” et subjectivée de la même manière que la Révélation.

Ces conceptions modernistes des deux éléments qui constituent l’objet de notre foi rendent impossible un dialogue qui viserait à réunir dans une foi commune la Rome conci­liaire (et majoritairement moderniste) et les traditionalistes. Cette dérive de la signification des mots essentiels de la théologie catholique résulte des philosophies de Kant, de Hegel, etc., selon lesquelles toute “vérité” est subjective et donc évolutive. On prend alors conscience de l’abîme qui aujourd’hui sépare les néo-modernistes[52] et les traditionalistes ; cette incommuni-cabilité rend illusoire toute tentative de « relire Vatican II à la lumière de la Tradition ». En outre, Mgr Lefebvre écrivait : « Quand un texte est rédigé dans un esprit faux [ici, l’esprit néo-moderniste de Vatican II], il est pratiquement impossible de l’expurger de cet esprit ; il faudrait le recomposer entièrement pour lui donner un esprit catholique ». Cette citation est faite par l’abbé Celier en page 63. Dès lors, comment peut-il encore rêver à une révision de Vatican II ?

Quant au cardinal Ratzinger, on le dit conservateur, aimant l’esthétique de la liturgie de son enfance, et déplorant la manière dont s’effectua la réforme liturgique, mais cela n’a pas suffit à faire de lui un défenseur de la messe tridentine et de sa rigueur doctrinale, et bien qu’elle soit la messe de son ordination sacerdotale en juin 1951, il ne la célèbre plus.

Par ailleurs, les fruits qu’il a produits comme théologien au concile et comme Préfet de la Congrégation pour la Doctrine de la Foi sont terriblement accusateurs. S’il fit parfois dans ses ouvrages [53] (et à titre privé) un constat objectif de la ruine de l'Église, il n’a jamais apporté aucun remède aux maux qu’il dénonçait, tout simplement parce qu’il n’est jamais remonté à leur cause : le néo-modernisme. Étudiant cette cause, il devrait s’accuser lui-même. Pour s’en assurer, il suffit de parcourir le chapitre que lui consacre l’abbé Bourmaud [54] dont voici l’essentiel :

« A certains égards, le cardinal Joseph Ratzinger ressemble à Paul VI. Comme lui, il est tout puissant à la curie, puisqu’il cumule les fonctions de préfet à la Congrégation pour la Doctrine de la foi, à la Commission théologique internationale et à la Commission Biblique pontificale. Comme Paul VI, il pleure sur le travail de démolition à l’œuvre autour de lui. Et pourtant, comme Paul VI, il agit en idéologue aveugle qui va jusqu’au bout de ses principes. Il ne lui vient pas à l’idée que ce sont ces principes mêmes, et non leur interprétation abusive, qui sont empoisonnés. » (p. 420).

Une autre synthèse révélatrice du néo-modernisme régnant au Vatican se trouve dans l’ouvrage La “Nouvelle théologie” [55] dont le chapitre 7 intitulé « Ratzinger : un Préfet sans foi à la Congrégation pour la Foi » est un implacable réquisitoire contre le théologien néo-moderniste qui, aujourd’hui, occupe le Siège de Pierre.[56]

Comment alors ne pas juger que, pour en arriver là, son esprit doit être si profondément gâté par le modernisme qu’il en est incurable sauf conversion miraculeuse  ? (À Dieu, rien n’est impossible). Et comment ne pas conclure qu’en conséquence, quasiment tous ceux qui, au Vatican, exercent une quelconque responsabilité ecclésiale, ne peuvent pas avoir été préservés d’un mal aussi sournois et contagieux et soient restés en poste ?

Dès lors, comment expliquer que des gens aussi instruits que M. Pichon puissent affirmer que « L’élection de Benoît xvi, inespérée, marque un tournant : ce fut une “divine surprise” » ? Et que l’abbé Celier puisse confirmer : « Il est vrai que l’élection de Jozef Ratzinger nous a semblé une « lueur d’espérance »[57] pour sortir de la crise qui secoue l'Église. » (p. 208). Lueur d’espérance ? Peut-être mais seulement en ce sens que le pire qui était possible (l’élection d’un papabile encore plus néo-moderniste que Ratzinger !) nous a été épargné. Mais la « divine surprise » est une illusion grossière, et la « lueur d’espérance ». s’est vite éteinte dès les premiers actes officiels de Benoît xvi au cours de l’année 2005.

L’explication de cette illusion est simple : les gens lisent peu et mal, retiennent moins encore et ne réfléchissent plus du tout sur ce qu’ils ont lu. Toutefois, il arrive que ceux qui lisent beaucoup et qui retiennent ce qu’ils ont lu, comme l’abbé Celier, soient aveuglés et trompés par leur idéologie. « Ils se sont alors égarés dans leurs vains raisonnements et leur cœur insensé s’est rempli de ténèbres. Se vantant d’être sages, ils sont devenus fous. » (Rom 1, 21-22). Il est vrai que le modernisme tel que décrit par Pie X est une terrible maladie de l’intelligence, et que l’on peut se demander à juste titre, si elle est guérissable. Nous y reviendrons dans notre conclusion.

La « profonde crise » qui déchire l'Église est telle qu’elle est semblable à un combat sans issue prochaine, un combat contre l’erreur et contre des hommes puissants mais imprégnés d’erreurs. Or ce combat, le pape et ses collaborateurs, les cardinaux et les évêques veulent-ils vraiment le mener et le gagner ? Les faits nous obligent de répondre négativement. Nous voyons bien que, dans notre camp, les clercs qui ont été fatigués de se battre ainsi contre un ennemi invisible et insaisissable se sont empressés de fuir la bataille ou de ne s’activer que dans une pastorale pacifiste (être à tout prix en paix avec Rome) qui n’est, hélas, et quoi qu’ils en disent, qu’une trahison de Jésus Christ-Roi et de sa doctrine.

4.2        Que veut le pape ?  Que veulent les Éminences du Vatican ?

Nous connaissons le dessein de Benoît xvi par :

(1°) sa première homélie-programme prononcée aussitôt après son élection ;

(2°) ses propositions faites à Mgr Fellay lors de l’audience du 29 août 2005 ;

(3°) son discours aux cardinaux et à la Curie le 22 décembre 2005.

Que disait-il ?

1°- Nouveau successeur de Pierre et Pasteur de l'Église, il déclare : « Je veux affirmer avec force ma ferme volonté de poursuivre l’engagement de mise en œuvre du Concile Vatican II, dans le sillage de mes prédécesseurs et en fidèle continuité avec la tradition bimillénaire de l’Église »[58]. (Il ne mentionne pas encore l’herméneutique de la rupture confrontée à l’herméneutique de la continuité, c’est-à-dire les contradictions entre le concile et la Tradition que lui avait exposées Mgr Lefebvre en 1988 – voir ci-après).

2°- « Quant au Concile Vatican II, nous dit Mgr Fellay, Rome voudrait reprendre le protocole signé en 1988 par Mgr Lefebvre et le cardinal Ratzinger, et qui dit qu’une seule interprétation du Concile est valable, celle qui est faite à la lumière de la Tradition. Même si cela n’a pas été dit très explicitement, nous avons bien compris au cours de notre rencontre avec le Pape qu’il nous considérait comme vieux jeu et que le Concile, c’était aussi un esprit que nous devions acquérir. Je suis d’accord avec la formule du Concile interprété à la lumière de la Tradition, mais je ne puis pas la signer dans le contexte actuel. »[59]  Or voici ce qu’écrivait Jean-Paul II en juillet 1988 en condamnant les sacres épiscopaux :

« A la racine de cet acte schismatique, on trouve une notion incomplète et contradictoire de la Tradition. Incomplète parce qu'elle ne tient pas suffisamment compte du caractère vivant de la Tradition qui, comme l'a enseigné clairement le Concile Vatican II, «tire son origine des apôtres, se poursuit dans l'Église sous l'assistance de l'Esprit-Saint ; en effet, la perception des choses aussi bien que des paroles transmises s'accroît, soit par la contemplation et l'étude des croyants qui les méditent en leur cœur, soit par l'intelligence intérieure qu'ils éprouvent des choses spirituelles, soit par la prédication de ceux qui, avec la succession épiscopale, reçurent un charisme certain de vérité ». (Motu proprio Ecclesia Dei du 2 juillet 1988, § 4)

3°- Dans son Discours de vœux à la Curie le 22 décembre 2005, le pape Benoît xvi expose longuement pourquoi la réception de Vatican II suscite tant de difficultés : c’est le conflit entre deux interprétations ou « deux herméneutiques contraires [qui] se sont trouvées confrontées et sont entrées en conflit.[60] (…) D’un côté, l’herméneutique de la discontinuité [qui] risque de finir par une rupture entre Église pré-conciliaire et Église post-conciliaire. (…) D’autre part, l’herméneutique de la réforme, du renouveau dans la continuité. (…) Dans ce processus de nouveauté dans la continuité, nous devions apprendre à comprendre plus concrètement que les décisions de l'Église en ce qui concerne les faits contingents (…) devaient nécessairement être elles-même contingentes parce qu’elles se référaient à une réalité déterminée et en soi changeante. Il fallait apprendre à reconnaître que, dans de telles décisions, seuls les principes expriment l’aspect durable (…) tandis que les formes de leur application dans des contextes nouveaux peuvent varier. »[61]

Pour sauver Vatican II du naufrage, le pape en arrive à cette funeste contradiction des objectifs : Poursuivre Vatican II et Être fidèle à la Tradition ; la continuité dans les principes, mais la nouveauté dans leur interprétation et leur application selon l’évolution du monde [62].

Cette pensée, qui viole sereinement le principe de non-contradiction de la saine philoso­phie ne peut paraître rationnelle que par une nouvelle acception du mot Tradition dans le vocabulaire théologique. Nous avons vu plus haut ce qu’en pensait le cardinal Ratzinger.

Observons encore que cette erreur fondamentale qui est celle du néo-modernisme, dérive de la proposition : « La vérité n’est pas plus immuable que l’homme lui-même car elle évolue avec lui, en lui et par lui », proposition n° 58 condamnée par le décret Lamentabili sane exitu approuvé par Pie X en 1907.

Quant aux Éminences et aux Excellences qui s’activent à la Curie et au Vatican, il est certain que, mises en place depuis la fin du Concile, toutes (sauf exceptions rarissimes et insi­gnifiantes), toutes sont formées à suivre les cardinaux responsables de dicastères choisis par Jean-Paul II pour leur docilité à tout comprendre, à tout interpréter selon Vatican II et rien que Vatican II. Une relecture des textes du concile « à la lumière de la Tradition » ne peut donc que soulever une masse insurmontable de questions qui resteront sans réponse parce que, en fait de Tradition, ils ne connaissent plus que celle qu’ils ont adaptée au monde actuel et qui est dite vivante (en fait subjective) comme le cardinal Ratzinger l’a expliqué. Pour situer la position de celui-ci par rapport à la doctrine pré-conciliaire, rappelons ce qu’il écrivait en 1982 à propos du texte de Vatican II Gaudium et Spes, constitution pastorale sur l'Église et le monde : « De ce texte, on pourrait dire qu’il est (en liaison avec les textes sur la liberté religieuse et sur les religions du monde) une révision du syllabus de Pie IX, une sorte de contre-syllabus »[63]. Et ce sont ces textes, ces contre-syllabus, qu’il veut continuer à mettre en œuvre ! Et les thèses de l’abbé Ratzinger sur la Révélation subjective (et la Tradition vivante) ne s’opposent-elles pas au décret Lamentabili contre les erreurs modernistes ? Il n’y a donc aucun espoir, à vue humaine, de pouvoir amorcer avec Benoît xvi une discussion doctrinale sur Vatican II.

Il faut aussi garder à l’esprit que tous les clercs formés avant le concile sont âgés de plus de 70 ans ; il n’y a plus au Vatican que les deux générations de clercs post-conciliaires et de l’orthodoxie desquels l’épiscopat français donne une attristante idée. Alors, que pourrait faire le pape, avec la meilleure intention du monde, – bonne intention qu’on lui concède volontiers – contre sa propre philosophie moderne (non thomiste) et contre ses conceptions modernistes de la Révélation et de la Tradition ? Que pourrait-il faire contre une Curie imbue des mêmes conceptions ? La réponse est : rien !

4.3        Que peut faire le pape Benoît XVI ?

Nous l’avons vu : Benoît xvi est un moderniste par formation et préférence philoso­phique et il ne connaît que la « nouvelle théologie ». Il “voudrait bien” rassembler l'Église, la remettre à flot, mais c’est un velléitaire comme on a pu le constater durant ces vingt-trois années où il disposait du pouvoir de Préfet de la Doctrine pour la foi et où il n’a rien fait parce qu’il s’était lié les mains en faisant sienne et en appliquant la fausse doctrine de la collégialité.

Lors du chemin de Croix du Vendredi Saint 2005 au Colisée – c’était moins d’un mois avant son élection pontificale – il suscita déjà une « lueur d’espérance » lorsqu’il déclara avec émotion : « Ne devons-nous pas penser également à ce que le Christ doit souffrir dans son Église elle-même ?...  Combien de fois ne célébrons-nous que nous-mêmes, et ne prenons-nous même pas conscience de Sa présence !... Quel manque de foi dans de très nombreuses théories, combien de paroles creuses !  Que de souillures dans l'Église... Combien d'orgueil et d'autosuffisance ! » Ensuite il avait prié : « Souvent, Seigneur, ton Église nous semble une barque prête à couler, une barque qui prend l'eau de toute part. Et dans ton champ, nous voyons plus d'ivraie que de bon grain. Les vêtements et le visage si sales de ton Église nous effraient. Mais c'est nous-mêmes qui les salissons ! C'est nous-mêmes qui te trahissons chaque fois, après toutes nos belles paroles et nos beaux gestes. Prends pitié de ton Église… »

Quel aveu ! Comme Paul vi en son temps [64], il prenait enfin conscience de la situation catastrophique de l'Église « prête à couler ». On crut que cette quasi-repentance amorçait sa conversion et qu’il allait, comme saint Pie x, vouloir tout restaurer dans le Christ. Mais ce moment de lucidité et d’émotion fut sans suite. En toute sincérité, il imita Paul vi et continua Jean-Paul II, prédécesseur admiré, en faisant des amitiés aux ennemis de Notre Seigneur.

Comme Mgr Lefebvre s’est vainement confronté à ses deux prédécesseurs, c’est au pape régnant et à toute la hiérarchie ecclésiale moderniste que nous continuerions à nous opposer sans avoir le pouvoir – sinon par nos prières – de les guérir de cette maladie quasiment incurable que l’abbé Celier ignore par un inconcevable aveuglement.

A – Pour rendre Vatican II acceptable, Benoît xvi peut-il nous concéder quelque chose sur l’interprétation du Concile ?

Certainement pas. Ce qu’il veut, c’est « mettre en œuvre Vatican II (…), relire le Concile à la lumière de la Tradition », mais ce sera selon sa propre conception de la Révélation et de la Tradition « vivantes », conception radicalement erronée qui tord dans le sens néo-moderniste le Commonitorium de saint Vincent de Lérins, et donc inconciliable avec ce qui a toujours été cru et enseigné par tous et partout. En outre, il ne faut pas oublier qu’une relecture même partielle de Vatican II soulèverait dans la Curie et les épiscopats une opposition farouche à cause de l’enracinement dans les esprits de quarante années de néo-modernisme et de la collégialité que ni lui ni Jean-Paul II n’ont jamais contestée. Il ne dispose donc d’aucune autorité pour se faire obéir là où il y a contestation. Ainsi, pour tenter de résoudre le grave problème que posait la nouvelle catéchèse française, il vint en 1983 faire des conférences remarquées à Paris et à Lyon. Les évêques de France n’en tinrent absolument aucun compte et leurs catéchistes continuèrent à “former” les soi-disant catholiques qui, aujourd’hui ne pratiquent plus parce qu’ils ne croient plus à rien [65].

En 1988 dans son discours aux évêques chiliens, il relativisait encore plus nettement son autorité et même celle de Vatican II : « Le concile n’a défini aucun dogme et a voulu de manière consciente s’exprimer à un niveau plus modeste. Pourtant beaucoup l’interprètent comme s’il était un super dogme qui ôte toute importance au reste ».

Plus récemment, dans le Motu proprio de juillet 2007, on trouve d’autres contradictions et incohérences qu’explique la tentative de concilier les contradictoires.

On voit que les preuves d’impuissance ne manquent pas. Dès lors, si l’on ne trouve chez les interlocuteurs romains ni saine métaphysique, ni diagnostic sérieux, ni vocabulaire, ni théologie sur lesquels on s’accorderait, ni autorité pour définir l’acception des mots et des concepts, ni pouvoir pour imposer l’obéissance, quelle communion pourrait réaliser une discussion doctrinale sur Vatican II ?

Le bon sens oblige à répondre : aucune.

Conclusion trop pessimiste ? Non, mais nous concédons que ce serait déjà un résultat positif si, après bien des journées ou des mois de discussions, on parvenait à se mettre d’accord sur la liste de tous les désaccords surgissant des textes conciliaires lus de notre côté à la lumière solaire de l’authentique Tradition, et de l’autre côté, à la lumière vacillante de la Tradition vivante. Mais comme il n’y a actuellement pour trancher ces désaccords, aucune autorité si ce n’est la douteuse volonté et l’incertaine autorité de Benoît xvi, il est certain que les résultats concrets seront nuls. En bref, Mgr Lefebvre le disait déjà clairement en 1987 : « Vraiment, je crois que nous avons affaire à des gens qui n’ont plus l’esprit catholique. (…) C’est cela qui est terrible. Nous n’avons plus affaire à des gens honnêtes [66] ».

B – Pour rendre à l'Église le Saint Sacrifice de la Messe, Benoît xvi peut-il nous concéder l’usage libre et universel du rite de Saint Pie V ?

Certes, il le peut et c’est même la chose la plus facile à nous accorder. Mais cela ne résoudra pas le problème de la dissidence de la Fraternité Saint Pie X, tant que subsistera le désaccord doctrinal, la saine doctrine étant prépondérante (voir Annexe III). En outre, sa décision n’aura que bien peu d’effets concrets parce qu’il ne sera guère obéi à cause de la collégialité qu’il a lui-même contribué à instaurer dans l'Église et qui y règne désormais ; à cause aussi de l’opinion qu’ont la plupart des évêques français sur la liturgie traditionnelle. Il suffit de voir comment ont été et sont toujours reçus en France les prêtres fidèles à la Sainte Messe de toujours malgré les bonnes intentions déclarées de l’indult de 1984 et du motu proprio Ecclesia Dei de 1988. Bien que “ralliés” à Rome, les prêtres de la Fraternité Saint Pierre sont traités en parias par les évêques qui, dès l’annonce du Motu proprio libéralisant la « messe en latin », se sont précipités à Rome pour y faire connaître leur opposition. Est-ce parce que « Cette messe leur fait peur » comme l’écrit l’abbé de Cacqueray en éditorial de Fideliter [67]. Non, Monsieur l’abbé, ce n’est pas qu’elle leur fait peur ; c’est qu’ils la haïssent comme Luther, un demi-siècle avant saint Pie v, haïssait déjà la messe de toujours[68]. Seul leur plaît le N.O.M. que Mgr Lefebvre appelait la « messe de Luther ». C’est que se prétendant toujours catholiques, ils sont en vérité devenus protestants et haïssent le catholicisme authentique.

D’autre part, même si le différend liturgique est le plus médiatisé et semble le plus sensible, le désaccord doctrinal né du concile n’est pas moins important, au contraire, bien qu’il soit omis ou voilé par l’habile tactique du négociateur romain le cardinal Castrillon de Hoyos. Auprès de certaines groupes ou tendances de traditionalistes fatigués du combat ou de l’apartheid où ils se trouvaient relégués, le cardinal a fait miroiter les avantages de la libéralisation de la messe tridentine et d’un statut juridique taillé sur mesures. Cela a suffit pour séduire et faire basculer ces groupes dans le ralliement à l'Église conciliaire. La Com­mission Ecclesia Dei ne leur demandait que de signer un “accord pratique” aux termes duquel ils reconnaissaient – grain d’encens à brûler sur l’autel de Vatican II –la validité du N.O.M. et s’engageaient à adopter à l’égard du Concile une « attitude positive », ou à en faire une « critique constructive », ou à « l’interpréter à la lumière de la Tradition ». Mais aucun des signataires ne semblait avoir observé que, depuis ce fameux Concile, les mots avaient changé de sens. Et aucun ne prévit que leur statut serait révisé – ou qu’un autre supérieur leur serait imposé – lorsque cela conviendrait au Vatican, comme on l’a vu avec la Fraternité Saint Pierre. Et tous les fidèles de ces mauvais pasteurs les ont suivis puisque, leur sensibilité liturgique respectée, ils ne voyaient à courte vue aucun changement de religion. Et pauvres de bon sens, pas un instant ils n’ont prévu qu’à l’avenir ils devraient se plier aux conditions du Vatican pour les séminaires, les ordinations, en avalant à petites doses la doctrine du Concile.

Le piège a donc parfaitement fonctionné avec tous les groupes traditionalistes qui se sont ralliés à Ecclesia Dei [69], avec le résultat que l’on constate : tous ont abandonné la revendi­cation de révision doctrinale du Concile, ou l’ont acceptée « à la lumière de la Tradition » – vivante, bien entendu, c’est-à-dire évolutive.

Tout cela, Grégoire Celier le sait puisque c’est le sujet de son ouvrage L'Église déchirée, appel aux « catholiques Ecclesia Dei », édité par Fideliter en 1994, et, plutôt que de présenter sous un jours favorable le ralliement de l’Institut du Bon Pasteur, il aurait dû en rappeler le prix à son ami Olivier Pichon en lui en offrant un exemplaire de son livre.[70]

5          Chapitre   5 – Les conséquences prévisibles

5.1         Des omissions volontaires et des propositions dangereuses

On l’aura compris, ce qui fait le danger du livre de MM Pichon et Celier, ce ne sont pas des hérésies ou des affirmations proches de l’hérésie ; ce sont d’abord les omissions volontaires qui cachent le piège ; ce sont ensuite les propositions très dangereuses qui constituent ce piège et qui conduisent à un ralliement de fait à Vatican II par lequel les fidèles et prêtres de la Fraternité croiront conserver la liturgie mais risqueront fort de perdre finalement la saine doctrine et la foi avant de perdre aussi la liturgie.

Ces propositions visent à persuader tous les lecteurs de la Fraternité – le lectorat non traditionaliste n’est très probablement qu’un prétexte d’éditeur – qu’il est maintenant possible, facile – et même souhaitable, vu l’occasion inespérée – d’initier avec Rome un « processus de restauration progressive de la foi », de discuter d’une révision du Concile et de trouver par une « réforme de la réforme », une formule de messe satisfaisant à la fois les conciliaires et les traditionalistes, par exemple la messe « pipaule » ou autre variante de “métissage”.

Cette possibilité d’obtenir enfin la paix dans la réconciliation avec Rome – à l’instar de l’Institut du Bon Pasteur et des prêtres de Campos – va engendrer un immense espoir chez les fidèles impatients et avides de paix qui ne manqueront pas de vouloir pousser les Supérieurs à engager enfin un dialogue constructif avec un Pape qui semble si bien disposé puisqu’il a déjà concédé la libéralisation de la messe traditionnelle.

Pour réussir, cette manœuvre de persuasion doit absolument créer l’illusion de la possibilité et même de la facilité, et cacher ce qui rend impossible la réussite de l’opération “dialogue-accord-réconciliation”. Donc quant à la situation religieuse réelle et actuelle du Vatican, on occultera le fait que depuis la mort de saint Pie X, il a été progressivement investi et finalement occupé par les néo-modernistes et francs-maçons. Ce mensonge par omission ne sera pas remarqué par tous ceux qui ne lisent que Fideliter et les livres proposés par Clovis dans lesquels il n’est jamais question de la conjuration antichrétienne ni de l’occupation de l'Église par ses ennemis coalisés, modernistes et francs-maçons.

Un élément manquant dans un ensemble en désordre passe facilement inaperçu. Une erreur est plus vite décelée qu’une omission. Pour la remarquer, il faut reconstituer mentalement l’image ou le raisonnement complet dans lequel cet élément est absent alors qu’il en est ou devrait en être une partie importante. Il faut donc lire tout très attentivement et avec un esprit critique éveillé qui, seul, peut remarquer ce qui manque à un exposé pour qu’il soit structuré et cohérent, et juger alors si cette absence est fortuite ou voulue.

Ainsi, une lecture faite même avec attention critique ne découvrira pas facilement les omissions volontaires si l’œil n’a reçu de l’esprit que la consigne de vérifier l’orthodoxie de l’écrit ; alors l’œil et l’esprit ne cherchent que ce qui est faux et non pas ce qui manque.

Ce qui manque dans ce livre, c’est la mention claire de la cause, et de la crise de l'Église, et de la fabrication de la messe de Luther, dite “de Paul vi. Or si Celier prétend sortir de cette crise ou la guérir, il faut nécessairement en identifier la cause et la traiter par le remède ad hoc ou par un combat visant cette cause. Et ici la cause, c’est le modernisme ou, pour être plus précis, le néo-modernisme qui règne à Rome et qui, depuis le concile, s’est installé et enraciné dans tous les rouages de la hiérarchie, y compris dans le cerveau de Benoît XVI, néo-moderniste depuis ses études !. Or cette cause a été dénoncée à plusieurs reprises par Mgr Lefebvre en novembre 1974 et en juin 1988 avec une précision telle que Monseigneur en déduisait que toute négociation ou discussion avec Rome était impossible et vaine, que ce soit sur la liturgie, ou sur la doctrine du Concile. En outre, cette cause a été étudiée en profondeur quant à son origine et quant à ses manifestations par divers auteurs dont l’abbé Dominique Bourmaud dans son livre Cent ans de modernisme, Généalogie du concile Vatican II, livre édité par Clovis et donc nécessairement lu ou au moins parcouru par Celier ! Mais celui-ci en faisant arbitrairement partir son analyse du concile Vatican II (voir p. 53), peut ainsi passer sous silence la genèse de la crise moderniste et donc fermer les yeux sur son profond enracinement dans toute la hiérarchie vaticane et même non romaine.

C’est dire que nous ne voyons pas comment Celier – qui n’est pas un imbécile – peut proposer de reprendre avec la Rome moderniste de 2007, une discussion doctrinale pour réviser Vatican II ou pour restaurer la Sainte Messe (plutôt qu’une « réforme de la réforme ») et mettre à la poubelle la messe de Luther. Et la multiplication des solutions imaginaires (et même farfelues) ne rend pas l’échec moins certain.

Voilà ce que nous appelons des propositions très dangereuses.

Car ce qui est dangereux, ce sont leurs effets. Ces propositions tendent à pousser les Supérieurs de la Fraternité à engager des discussions qui deviendront vite des négociations où, par nature, on doit concéder une chose pour obtenir ou conserver une autre chose jugée préférable. En l’occurrence, avec des interlocuteurs de mauvaise “foi” – rappelez-vous ce qu’en disait Mgr Lefebvre – nous avons bien plus à perdre qu’à gagner, et parce que nous n’avons rien à céder, toute concession est alors une perte. Le prouvent tous les « accords » des ralliés Ecclesia Dei.

Or comme ce fait échappe à la plupart des fidèles qui ne comprennent pas ce qu’est le néo-modernisme (maladie quasiment incurable de l’intelligence et de l’âme dont Benoît xvi même est atteint), ils vont fantasmer sur la paix, l’unité et la réconciliation, et tant aspirer à ces « accords » qu’ils en oublieront prudence et patience et en arriveront à accuser nos Supérieurs de manquer de diplomatie, d’être trop exigeants ou même de les trahir par sectarisme ! Et ces « fidèles », plus impatients que fidèles, abandonneront la Fraternité pour rejoindre les ralliés du Bon Pasteur ou de Saint Pierre qui les attendent bras ouverts, tous abandonnant le combat doctrinal pour être en paix avec Rome.

Ici aussi, remontons à la cause. D’où viennent cette impatience et ce manque de fidélité ?

En bonne part, de l’ignorance et d’une vie spirituelle manquant de profondeur et, en fait, atteinte par le naturalisme ambiant.

Remontons encore d’un niveau dans les causes. Cette tiédeur spirituelle et cette igno­rance de la doctrine viennent de ce que lisent ou ne lisent pas les “fidèles” et aussi, de leur attachement à la télévision qu’ils croient inoffensive parce qu’ils choisissent soigneusement les « programmes regardables ». Quant aux médias « officiels » de la Fraternité, l’on observera vite ce qu’ils sont : un mélange séduisant d’un peu de bon perdu dans beaucoup de médiocre, de magazine superficiel et mondain BCBG où domine l’éphémère et l’inconsistant qui, une fois lu, ne laisse rien de substantiel. Hélas, on ne trouvera que difficilement ce qui y manque, et qui est toujours plus difficile à déceler que le mauvais, nous avons dit pourquoi.

En général, ces médias, à la manière des catholiques de ce siècle, sont modernistes, naturalistes, et euphorisants. Techniquement parfaits, ils se sont asservis aux technologies disponibles et ont habitué leurs lecteurs à tout ce qui flatte les goûts sensuels d’aujourd’hui mais coupe l’appétit pour ce qui nourrit l’esprit. Il leur manque de pouvoir éveiller l’âme du lecteur et de l’ouvrir à l’Esprit pour toujours aller à l’essentiel, au nécessaire combat quotidien pour la sainteté, animé par « l’âme de tout apostolat ». Comme une nourriture médiocre, ils remplissent, mais ne nourrissent pas.

Voilà ce que l’on découvre en cherchant les causes.

Mais alors pourquoi, malgré ses bonnes intentions, l’abbé Celier passe-t-il sous silence le fait capital de la cause qui éclaire et rend intelligible toute la crise actuelle de l'Église ? Pourquoi ne voit-il pas ce néo-modernisme qui crève les yeux parce qu’il imprègne non seulement la liturgie, mais tout Vatican II ?

Pourquoi ? Parce que prononcer le mot reviendrait à attirer l’attention du lecteur sur le fait que ce néo-modernisme, égout collecteur de toutes les hérésies, est toujours actuel aussi bien chez Benoît xvi que dans la Curie. Or il constitue l’obstacle insurmontable – sauf miracle – à la conclusion d’une vraie réconciliation et même d’un accord simplement pratique entre Rome et la Fraternité, accord auquel pousse l’ouvrage de l’équipe Maxence-Pichon-Celier. Ah ! se diront les lecteurs de ce livre, nous serions en paix avec Rome si les Supérieurs acceptaient de conclure un accord semblable à celui qu’a signé l’abbé Philippe Laguérie pour son Institut du Bon Pasteur ! Celui-ci est mentionné cinq fois en référence sinon en exemple, même si page 215 Celier s’excuse de ne pouvoir dire tout ce qu’il pense sur la création de l’IBP « car elle remue des sentiments profonds »[71]. Remarquons aussi l’éloge appuyé que l’abbé Laguérie a fait du livre de Pichon-Celier dans son bulletin Mascaret : « livre recommandé par les supérieurs » de l’abbé Celier. Alors, comment ne pas deviner que le dessein de celui-ci est de pousser les fidèles de la FSSPX, et par eux, les dits supérieurs à conclure au plus vite un “accord” en profitant de la “divine surprise” que constitue le Motu proprio bienveillant de Benoît xvi ?

6          CONCLUSION

Lorsqu’il a ainsi poussé ses lecteurs à demander un “accord” avec Rome, l’abbé Celier ignorait-il de bonne foi la cause efficiente de l’effroyable déviationnisme doctrinal et liturgique de Vatican II, et de la rupture entre la Fraternité et Rome ? Ou bien Celier a-t-il sciemment omis de voir cette cause ?

Hélas ! l’ignorance de bonne foi est impossible car cette cause (l’occupation de l'Église par ses ennemis néo-modernistes et francs-maçons) est :

o       désignée explicitement et à plusieurs reprises par Mgr Lefebvre ;

o       exposée dans plusieurs ouvrages classiques que Celier mentionne dans son livre Libéralisme et antilibéralisme catholiques ;

o       le sujet du livre de l’abbé Bourmaud Cent ans de modernisme édité par Clovis ;

o       évoquée par lui, Celier, dans le chapitre intitulé Alliance européenne et qui relate la prise en mains du Concile par ces conjurés.

L’omission est donc volontaire par idéologie et par irénisme.

Quoi qu’il en soit, oublier cette cause ou la cacher ouvre le piège dans lequel, par impatience ou aveuglement, bon nombre de traditionalistes vont se jeter : le piège dont l’appât est l’accord facile sur la messe qui cache la réconciliation avec Rome, le ralliement au Concile Vatican II et la corruption doctrinale.

Enfin, cerise sur le gâteau pour vaincre les ultimes hésitations des traditionalistes encore méfiants, le compère Pichon rappelle l’élection inespérée de Ratzinger, sa sensibilité traditionnelle, son ouverture exceptionnelle (p. 208-210) et il cite la fable de La Fontaine, de ce héron qui, fine bouche, dédaigna tanches et goujons, mais dut finalement se contenter de limaçons, fable dont Celier fait tout un chapitre. « Il faut donc ne pas se montrer trop difficile et saisir l’occasion favorable ». (…) « Serait mortel pour nous et pour l'Église un immobilisme de type providentialiste » (p. 212) [comprenons : qui consisterait à attendre de la Providence une occasion meilleure]. Et d’évoquer le succès des accords de tous les rallié Ecclesia Dei : Fraternité Saint Pierre, Le Barroux, Campos, l’IBP, etc., « qui ne s’en sont pas trop mal tirés » grâce à « l’assouplissement des hommes de la Curie pour récupérer le maximum des déçus du lefebvrisme » (p. 213). Enfin, Celier donne sa recette : « Avec un minimum d’habileté et de bonne volonté, les choses sont susceptibles de s’arranger par la grâce de Dieu. » (p. 223). Et voilà ! On a totalement escamoté la cause qui, pourtant, est toujours là, aussi active et pernicieuse, mais nos compères ont engendré un optimisme irrésistible, une confiance sans bornes. Et les traditionalistes naïfs et bien dupés, peuvent s’engager dans le piège à la suite des faux pasteurs. Qui les en empêchera encore ? Celier a laissé ses collaborateurs dans Fideliter et garde en mains le site Internet <La Porte latine>.

La vérité – et il faut bien ouvrir les yeux pour la voir – c’est que le Motu proprio de 2007 n’est pas pour nous « La victoire de la liberté ! » comme le proclame un abbé dans le site La Porte latine. Ce n’est pas une victoire parce que l’ennemi – qui n’est pas défait mais toujours maître du champ de bataille –, n’a effectué qu’un repli stratégique sur une position préparée depuis plus de deux ans. Et le terrain qu’il nous a magnanimement abandonné, il l’a “miné”, nous empêchant ainsi de le considérer totalement nôtre. Relisez les conditions de ce Motu proprio et en particulier celles-ci [72] :

- La forme ordinaire de rite est la messe de Paul VI (celle « qui s’éloigne, de façon impressionnante, dans l’ensemble comme dans le détail, de la théologie catholique de la Sainte Messe ») ; la messe libérée est la forme extraordinaire. Les deux formes sont équivalentes.

- Aucun prêtre ne peut refuser de célébrer la forme ordinaire de la messe ; donc tout prêtre de la Fraternité devrait accepter de célébrer la nouvelle messe et devrait en reconnaître la valeur et la sainteté.

Pour supprimer ces conditions (évidemment inacceptables), il faut nécessairement engager et gagner une discussion doctrinale sur la messe et donc sur la théologie qui sous-tend Vatican II. Nous avons vu que la situation à Rome ne permettait pas d’engager une telle discussion, sauf miracle de conversion du Pape et de la Curie. Souvenons-nous que si les “ralliés” ont pu garder la liturgie traditionnelle, tous on dû concéder tacitement que Vatican II était intouchable et qu’ils ne peuvent en faire qu’une « critique sérieuse et constructive » c’est-à-dire approbative. Donc, s’ils y songeaient, il leur serait interdit de remettre en cause les nouveaux principes de la théologie : la Révélation subjective et la Tradition vivante par lesquels Benoît xvi leur fera accepter tout le reste. Dès lors, ces erreurs conciliaires qui ne seront plus dénoncées ni combattues par les prêtres ralliés, mais toujours assénées par Rome et par les évêques conciliaires, finiront par pénétrer les esprits de fidèles et y supplanteront la saine doctrine à laquelle elles s’opposent, car une erreur non combattue finit par acquérir l’autorité de la vérité.

Ils ont donc et garderont la liturgie, mais sans la doctrine qui soutient la vérité de la liturgie et lui donne sa fécondité surnaturelle de Sacrifice propitiatoire indispensable au salut.

Dernière remarque : Pour un lecteur fidèle à la spiritualité enseignée par le Fondateur de la Fraternité, tout ce livre semble dominé par la seule raison, mais c’est par la raison inférieure. Méditant sur la Passion de Notre Seigneur Jésus-Christ, Mgr Lefebvre rappelle que « saint Thomas fait une distinction entre la raison inférieure qui domine les sens, qui domine le corps, et la raison supérieure qui atteint Dieu et vit avec Dieu, et qui vit en Dieu »[73]. Or la messe doit être comprise par la raison supérieure. Alors on y voit bien autre chose et bien plus qu’un rite qui, pour satisfaire aussi bien les traditionalistes passéistes que les progressistes, peut être manipulé jusqu’à cet hybride choquant qu’est la messe “pipaule”. « La messe, ce n’est pas seulement se remémorer la Cène ou la Croix. C’est beaucoup plus que cela. Il y a un mystère insondable dans le Sacrifice de la Messe ; il contient ce que l’amour de Dieu a fait pour nous, car s’il est un témoignage de l’amour de Dieu pour nous, c’est bien Notre Seigneur Jésus-Christ crucifié sur la croix »[74]. Voilà une vérité surnaturelle totalement oubliée ou passée sous silence dans le chapitre sur la « messe pipaule ».

Accordons encore à l’abbé Celier le préjugé favorable : Ainsi, après avoir donné la fidélité de Mgr Lefebvre en exemple, il encourage son interlocuteur : « Nous devons rester fidèles à confesser la vraie foi, même si cela entraîne pour nous des difficultés » (p. 171). Certes, mais pourquoi met-il en œuvre un si funeste moyen, un mauvais livre ?

« Le plus grand crime est de publier un mauvais livre, car il ne cesse jamais plus de produire ses effets. »

*          *          *

TABLE des Matières

1      Chapitre  1 – Généralités. 5

1.1        Genèse de cet ouvrage. 5

1.2        Sur les auteurs de ce livre. 5

1.3        De qui est le point de vue : de l’abbé Celier ?  ou de  la Fraternité Saint Pie X ?. 6

2      Chapitre   2 – Analyse du livre. 7

2.1        La forme. 7

2.2        Un naturalisme oppressant 8

2.3        Une réflexion avortée, une pensée impuissante. 9

2.4        Un complot bien réel mais sciemment “oublié” par idéologie. 10

3      Chapitre  3 – Les propositions de l’abbé Celier 11

3.1        L’examen de Vatican II 12

3.2        Le problème liturgique. 13

3.3        Le Motu proprio Summorum pontificum du 7 juillet 2007. 15

3.4        Où cela nous conduit-il ?. 17

4      Chapitre  4 – Les obstacles romains. 18

4.1        Qui est  Benoît XVI ?. 18

4.2        Que veut le pape ?  Que veulent les Éminences du Vatican ?. 21

4.3        Que peut faire le pape Benoît XVI ?. 22

5      Chapitre   5 – Les conséquences prévisibles. 24

5.1        Des omissions volontaires et des propositions dangereuses. 24

6      CONCLUSION.. 26

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[1] Mgr Williamson qui refait surface. Nous allons y revenir

[2] « C'est pourquoi Nous croyons qu'il faut déclarer et ordonner, comme Nous déclarons présentement et ordonnons expressément, que tous sans exception sont tenus en conscience d'obéir aux décisions doctrinales de la Commission biblique pontificale, à celles qui ont été émises comme à celles qui le seront, de la même manière qu'aux décrets des Sacrées Congrégations approuvés par le Souverain Pontife ; que tous ceux qui, en paroles ou par des écrits, attaqueront ces décisions, ne pourront éviter la note de désobéissance ou de témérité et se chargeront la conscience d'une faute grave, sans parler du scandale qu'ils peuvent causer et des autres responsabilités qu'ils peuvent encourir devant Dieu par les critiques téméraires et erronées dont s'accompagnent le plus souvent des résistances de cette espèce.

En outre, voulant réprimer l'audace de jour en jour croissante de nombreux modernistes - qui, par toutes sortes de sophismes et d'artifices, s'efforcent de ruiner la valeur et l'efficacité non seulement du décret Lamentabili sane exitu rendu, sur Notre ordre, le 3 juillet de l'année courante, par la sainte Inquisition romaine et universelle, mais encore de Notre Encyclique Pascendi dominici gregis, du 8 septembre de cette même année, - Nous réitérons et confirmons, de Notre Autorité apostolique, tant le Décret le cette sainte Congrégation suprême que Notre Encyclique, et nous ajoutons la peine d'excommunication contre les contradicteurs.

Nous déclarons et décrétons que si quelqu'un - ce qu'à Dieu ne plaise - avait assez de témérité pour défendre n'importe laquelle des Propositions, des opinions et des doctrines réprouvées dans l'un ou l'autre des documents mentionnés plus haut, il encourrait ipso facto la censure portée par le chapitre Docentes, de la Constitution Apostolicæ Sedis, laquelle censure est la première des excommunications latæ sententiæ simplement réservées au Pontife romain. Et il doit être entendu que cette excommunication ne supprime pas les peines que peuvent encourir ceux qui se seront opposés en quelque manière aux susdits documents en tant que propagateurs et fauteurs d'hérésies, lorsque leurs propositions, opinions ou doctrines seront hérétiques, ce qui, à la vérité, est arrivé plus d'une fois aux adversaires de ces deux documents, surtout lorsqu'ils se sont faits les champions du modernisme, c'est-à-dire du rendez-vous de toutes les hérésies. »

Saint Pie X Motu Proprio Praestantia Scripturae du 8 novembre 1907

[3] Comme chacun a pu le remarquer, Pichon a introduit dans Monde et vie d’autres collaborateurs et un autre esprit que celui de Mme Giraud, ce que nous avons regretté.

[4] Affirmation exagérée, évidemment, puisque lors de la fondation de la Fraternité en 1970, Grégoire Celier n’était encore que lycéen !

[5] Selon Yves Chiron dans sa lettre d’informations religieuses Aletheia du 21 février 2007. M. Chiron a fait des études d’histoire et de théologie. Il est membre de la Société d’histoire religieuse de France, écrivain et professeur d’histoire à l’École Saint Michel à Niherne, lycée de la Fraternité S. Pie X où professa l’abbé Grégoire Celier. Il ne collabore plus à Fideliter, mais bien à La Nef et à Présent. De son propre aveu, il assiste indifféremment à la messe tridentine ou à la messe Paul VI.

[6] On peut juger de la qualité de cette philosophie en lisant le pensum de Grégoire Celier « Le dieu mortel », longuement critiqué dans Le Sel de la terre n° 12, p. 170 à 182 et dont on peut conclure que ce livre est imprégné de naturalisme et que la philosophie de ce professeur n’est pas très scolastique. Nous en avons parlé dans notre article critique L’affaire Sernine paru dans Cahiers de Chiré n° 19 (D.P.F. 2004), p. 129 à 153.

[7] Une brève critique des principales œuvres de Grégoire Celier se trouve Annexe II.

[8] Il importe de rappeler ici que l’abbé Celier est directeur de Fideliter et qu’en l’occurrence, il s’interroge lui-même ou se fait interviewer par l’un de ses subordonnés, et que le site La Porte latine est également sous sa direction. Cela confirme ce que disait Y. Chiron quant à « son rôle grandissant dans la communication de la Fraternité » où il ne peut donc pas être mieux servi que par lui-même.

[9] D’ailleurs, lorsque Celier veut que la Fraternité ne soit pas impliquée par ses écrits, il n’hésite pas à les publier sans mentionner son état sacerdotal ou même en usant de pseudonymes (voir Annexe II).

[10] Dans le Fideliter n°176, article « Un livre sur les accords ? », voyez p. 18 la photo montrant Celier et Pichon attablés dans un café devant un demi et un apéro ! Ce n’est certes pas critiquable, mais cela illustre parfaitement le style et le sérieux de l’ouvrage dont le sujet méritait mieux.

[11] Nous en avons décrit quelques aspects en 1999 dans notre ouvrage Miracle et message du Saint Suaire, montrant que les causes de ces crises n’étant aucunement traitées, les effets ne cessent de s’amplifier comme on peut le voir en comparant la situation de 1998 avec celle d’aujourd’hui. Or la Providence avait déjà préparé les secours nécessaires en cette terrible épreuve au cours de laquelle nous serons persécutés et notre foi et notre espérance mises en danger. Ces secours, ce sont le Sacré-Cœur de Jésus et sa miséricorde miraculeusement illustrée par le Saint Suaire, et la dévotion au Cœur Immaculé de Marie demandée à Fatima. Or l'Église a refusé ces remèdes, réduisant le Saint Suaire à une icône, et négligeant ou rejetant les demandes de Notre Dame.

[12] Dans son Paysan de la Garonne, (p. 16), J. Maritain parle de « la fièvre néo-moderniste fort contagieuse, auprès de laquelle le modernisme du temps de Pie X n’était qu’un modeste rhume des foins… ».

[13] Ce sont le serment anti-moderniste et le réseau de « La Sapinière » qui informait le Pape sur les candidats à l’épiscopat et empêchait les clercs suspects de modernisme d’infester secrètement la hiérarchie de l'Église.

[14] Ce motu proprio du 1er septembre 1910 prescrit aux clercs qui doivent être promus aux ordres majeurs la prestation du Serment anti moderniste ; l’abbé Celier a donc dû le prester avant son ordination.

[15] Instruction permanente de la Haute Vente en 1819, citée par Jacques Crétineau-Joly in L'Église romaine en face de la Révolution, t. II, C.R.F. 1976, p. 83. Cet ouvrage figure dans la liste des titres recommandés par Grégoire Celier dans Libéralisme et antilibéralisme, Clovis 2004, pour « Etudier les antilibéraux », p. 73.

[16] Cf. de l’abbé Didier Bonneterre Le Mouvement liturgique, Fideliter 1980, chapitre II.

[17] Dans son ouvrage L'Église romaine en face de la Révolution, réédition préfacée par Mgr Lefebvre en 1976 ; ouvrage capital toujours disponible , Crétineau-Joly cite ce passage d’une lettre de la Haute vente, datée du 3 avril 1824 : « Nous devons faire l’éducation immorale de l'Église et arriver, par de petits moyens bien gradués quoique assez mal définis, au triomphe de l’idée révolutionnaire par un pape. Dans ce projet qui m’a toujours semblé d’un calcul surhumain, nous marchons en tâtonnant (…) Le succès de notre œuvre dépend du plus profond mystère ». [secret]. (tome II, p. 129). Comprenons qu’ici surhumain signifie diabolique.

[18] Ils veulent aussi faire évoluer sa doctrine sociale, comme le propose fort habilement l’abbé Beaumont dans Fideliter n°163, p. 23 (Voir Annexe II).

[19] D’autres auteurs se consacrèrent à combattre d’autres aspects ou secteurs du combat des Deux Étendards car le combat de la « contre révolution » n’est pas seulement politique mais aussi idéologique et religieux.

[20] Dans l’ouvrage déjà mentionné, Crétineau-Joly cite les instructions de la Haute Vente, branche de la Franc-maçonnerie vouée à la destruction de l'Église par infiltration. L’essentiel se trouve encore reproduit dans le livre de Mgr Lefebvre Ils l’ont découronné, Éditions Fideliter 1987, chapitre XXI : Le complot de la Haute Vente des Carbonari. (Cet ouvrage mériterait la réédition, de préférence à certains livres de nouvelles édités par Clovis.)

[21] Ils sont aussi mentionnés par Grégoire Celier dans son livret Libéralisme et antilibéralisme catholiques, Éditions Clovis 2004, sous le titre « Étudier les antilibéraux », p. 73.Ces titres sont toujours disponibles.

[22] Nouvelle Revue Certitudes n° 13, janvier 2004. citation tirée de l’article « Pourquoi j’édite Paul Sernine » Cet article était inspiré par la Psychologie du conspirationnisme d’Alain de Benoist, philosophe athée, anti catholique mais ami de l’abbé de Tanoüarn.

[23] C’est le but que saint Ignace donne à ses Exercices spirituels.

[24] Il écrit page 229 : « Nous sommes accablés de travail pastoral, et nous pourrions sans difficulté, si nous avions les forces ou les prêtres nécessaires, en faire dix fois ou cent fois plus. »

[25] Père Ralph M. Wiltgen in Le Rhin se jette dans le Tibre, le concile inconnu, Le Cèdre 1976, p. 238. Cf. Le Sel de la terre n° 43, p. 199 note 1.

[26] Ce travail d’examen et de révision devrait suivre un plan concerté et une méthode rigoureuse, comme celle qu’a proposée le Pr. Pasqualucci lors du Symposium de théologie de Paris (octobre 2002) et publiée dans le Sel de la terre n° 43 p. 59 à 74.

[27] Cf. Sel de la terre n° 43, pages 75 et 78.

[28] Au mensuel Jésus, nov. 1984, p. 72, cité par Le Sel de la terre, n°5, p. 4. Le cardinal (et franc-maçon) Suenens affirmait plus simplement : « Vatican II, c’est 1789 dans l'Église » (cité par Mgr Lefebvre in Lettre ouverte aux catholiques perplexes, Albin-Michel 1985, p. 133).

[29] Pour comprendre comment Benoît xvi “tient” à Vatican II, il suffit de relire le chapitre 2 de son livre Entretien sur la foi (Fayard 1985) où il exprime sa conviction que « Vatican II ne peut pas être considéré comme responsable de l’évolution catastrophique de l'Église » (p. 31). Il croit même « que le véritable temps du concile n’est pas encore venu, et qu’on n’a pas encore commencé à le recevoir de façon authentique. » (p. 43). Et il dit la même chose dans Les principes de la théologie catholique (Téqui 1985, p. 437). En bref, le cardinal excuse le concile tandis que Mgr Lefebvre écrit J’accuse le concile (cf. Ils l’ont découronné, Fideliter 1987, p. 231-233).

[30] Liturgie vivante ? Il faut être très prudent dans l’emploi de l’épithète “vivante”, abusivement appliqué par la nouvelle théologie aux concepts de Révélation et de Tradition. (Cf. ci-après chap. 4 et Annexe I.)

[31] Au même moment paraissait le livre Nel Fumo di Satana de l’écrivain Tito Casini où l’on lit p. 150 : « La réforme a été conduite par ce Bugnini qui finalement a été démasqué, il est bien ce que l’on soupçonnait : un franc-maçon. » (Itinéraires supplément Voltigeur n°38 du 15.05.1976). -- Voir Bulletin Introïbo n°13 p. 2 et n°14, 1976 (Association Noël Pinot, Angers). – Sous la Bannière n° 19, 1988, p. 20-22 (éd. Ste Jeanne d’Arc, Villegenon). – La Maçonnerie à la conquête de l'Église, par Carlo A. Agnoli, (Courrier de Rome 1997).

[32] Pour empêcher que Mgr Montini ne devînt pape, Pie XII le nomma à Milan. Mais à peine élu, Jean XXIII le rappela et le créa cardinal, lui préparant ainsi sa succession . Par ailleurs, ont été publiés de sérieux indices qui prouveraient que les cardinaux Roncalli et Montini (futurs papes Jean XXIII et Paul VI) étaient francs-maçons.

[33] Dans son livre (destiné à ses “Frères”) L’œcuménisme vu par un franc-maçon, (Vitiano 1964, p. 120), l’éminent franc-maçon Yves Marsaudon se félicite des résultats irréversibles du Concile et ne tarit pas d’éloges pour les personnes et l’œuvre œcuménique des papes Jean XXIII (mentionné ou cité 26 fois) et Paul VI (19 fois).

[34] Cardinaux Ottaviani et Bacci dans la Lettre à Paul VI en préface du Bref examen critique du nouvel Ordo Missae (juin 1969).

[35] Selon le sondage CSA-Le Monde des religions (janvier 2007), 50,7 % des personnes majeures interrogées se disent catholiques (sans précision de tendance). De ces catholiques, 83 % ne vont jamais à la messe sinon pour de grandes fêtes et pour mariages ou enterrements ; seulement 8 % y vont une fois par semaine.

[36] L’anthropocentrisme est le culte de l’homme cher à Paul VI. Le prouvent l’article 7 de l’Instructio generalis, comme aussi la “table de célébration” tournée vers l’assemblée, et bien d’autres détails.

[37] Le caractère “protestantisant” de la nouvelle messe a vite été perçu par les convertis du protestantisme : Julien Green, l’abbé Montgomery-Wright, l’abbé Bryan Houghton, Marie Carré… et ils ont immédiate­ment refusé la copie de ce qu’ils avaient rejeté en se convertissant.

[38] C’était une déclaration faite aux professeurs et séminaristes d’Écône suite à l’inspection du séminaire par deux visiteurs apostoliques envoyés par le pape Paul VI. Ce texte n’était pas destiné à la publication, mais ayant néanmoins circulé à l’extérieur du séminaire, Mgr Lefebvre en a donné à la revue Itinéraires une version authentique qui fut publiée dans le numéro 189 de janvier 1975.

[39] Mentionnés p. 174. Il s’agit de 1°/ la reconnaissance du droit universel à la messe de saint Pie V ; 2°/ la levée des sanctions canoniques frappant les évêques de la Fraternité S. Pie X.

[40] C’est une formule de l’engagement signé par l’IBP et encore mentionnée sans réserve par Celier p. 216.

[41] Nous passons sur les petites inexactitudes qui visent à présenter la réforme liturgique de 1969 comme bénéfique et bien accueillie, et à faire oublier la persécution dont la messe traditionnelle et ses célébrants furent l’objet durant 37 années.

[42] Fraternité Sacerdotale Saint-Pie X, Clovis 2001, 126 p. Cet ouvrage a été envoyé au pape Jean-Paul II, aux cardinaux, à tous les évêques francophones et à de milliers de prêtres. Benoît XVI ne peut donc pas l’ignorer.

[43] Nous ne doutons pas que d’autres qui liront cette étude, se les poseront et se feront un devoir d’y répondre sans tarder comme nous l’espérons.

[44] Dans les Communiqués de la Fraternité Sacerdotale Saint Pie X, District de France, du 10 septembre 2004 (site La Porte latine), l’abbé Grégoire Celier répondait en quatre pages aux objections que des partisans de l’abbé Laguérie exprimaient dans un tract distribué à St Nicolas du C. à Paris le dimanche 5.9.04. Cela explique les sentiments douloureux que la fondation de l’IBP remue chez l’abé Celier (p. 215-216).

[45] On trouve une semblable satisfaction béate du Motu proprio dans le manifeste signé par deux Pères Abbés o.s.b. (Fontgombault et Le Barroux) et par le Directeur de La Nef, publié dans Alethéia (Yves Chiron) n° 112 du 19.7.07. Le Motu proprio y est vu comme la possibilité d’apaiser l'Église et l’occasion de « faire un pas vers l’autre » afin de s’unir pour la « priorité d’aujourd’hui : la nouvelle évangélisation ». [Pas une allusion à la crise doctrinale qui, autant sinon plus que la liturgie, déchire et divise toujours l'Église !].

[46] B’naï B’rith ou Fils de l’Alliance, obédience maçonnique réservée exclusivement aux juifs et très secrète. Son but déclaré est la philanthropie ; son but réel est d’empêcher l’assimilation des juifs dans les pays des goïm, de lutter contre l’antisémitisme et toutes les pratiques religieuses publiques chrétiennes. Par Jules Isaac, et par l’intervention des cardinaux Bea et Decourtray, elle obtint de l'Église la révision de la liturgie du Vendredi Saint et de la doctrine traditionnelle sur la culpabilité d’Israël, d’où Nostra Aetate et la judaïsation de l'Église qui n’en finit pas. Les B’naï B’rith font donc partie des pires ennemis de l'Église catholique.

[47] Même la diplomatie ne justifiait pas sa “prière” avec le Grand Mufti dans la Mosquée d’Istanbul en 2005.

[48] Joseph Cardinal Ratzinger, Ma vie – Souvenirs (1927-1997), Fayard 1998. Dans son n° 207, décembre 1998, sous le titre: « Les souvenirs d’un “nouveau théologien”, le Courrier de Rome – Si si No no met en relief « quelques points utiles pour comprendre la crise actuelle de l'Église ». Cette analyse détaillée et fort instructive occupe les huit pages de ce numéro.

[49] On remarquera que le jeune Karol Wojtyla, futur pape Jean-Paul II, souffrit également par la guerre d’une formation lacunaire en théologie et philosophie.

[50] Courrier de Rome (B.P. 156, 78001 Versailles Cedex) n° 207, décembre 1998, p. 5. Cette étude critique est longue et nous n’en citons en Annexe I que les passages importants permettant au lecteur de se faire une opinion sur les conceptions erronées que Benoît XVI a de la Révélation et de la Tradition. L’auteur cite le cardinal Ratzinger et rappelle les réfutations de ces erreurs selon la théologie traditionnelle de l'Église.

[51] Or le Décret Lamentabili (Pie X, 3 juillet 1907) réprouve et proscrit la proposition : « La Révélation qui constitue l’objet de la foi catholique n’a pas été complète avec les Apôtres. » (Proposition XXI).

[52] Les idées et procédés des modernistes ont été décrits et condamnés par saint Pie X (Pascendi Domini Gregis) en 1907. Les néo-modernistes condamnés par Pie XII (Humani Generis) en 1950, ont été rappelés par Jean XXIII et ont imprégné le Concile de l’esprit que l’on sait.

[53] Particulièrement dans Entretiens sur la foi (1985), et Le Sel de la terre, (1997).

[54] Abbé Dominique Bourmaud, op. cit, chapitre 23, p. 419-434. Remarquer que l’abbé Celier, éditeur de cet ouvrage, n’a jamais émis la moindre critique de ces sévères jugements de Ratzinger moderniste.

[55] La “Nouvelle Théologie, Publications du Courrier de Rome, Versailles 1994, chapitre 7, p. 95 à 111.

[56] Bien sûr, nous ne portons pas ici de jugement au for interne contre le pape ; nous ne jugeons que ses fruits ou actes, selon le précepte du Seigneur (Mt 7, 15-17). Rappelons néanmoins que le modernisme (égout collecteur de toutes les hérésies, disait Pie X) est d’une gravité telle que ce saint Pape a sanctionné d’excommunication les contradicteurs du décret Lamentabili et de l’encyclique Pascendi. (Motu proprio du 18 nov. 1907).

[57] Citant le communiqué de presse de Mgr Fellay (19 avril 2005) saluant l’élection de Benoît XVI.

[58] Benoît XVI, homélie et programme lors de sa première messe pontificale, le 20 avril 2005 (Zenit). Dans cette homélie, remarquons que le pape se réfère onze fois à Jean-Paul II et cinq fois à Vatican II.

[59] Mgr Fellay dans l’entretien accordé à Vincent Pellegrini, journaliste au Nouvelliste (Suisse) le26.9.2005 (Source Internet -- Nous n’avons pas pu trouver plus précis dans les médias de la FSSPX.)

[60] Herméneutique : interprétation des textes juridiques, philosophiques ou religieux ; le mot est absent du Dictionnaire de Théologie Catholique (1920). On trouvera une analyse plus complète de ce discours du 22.12.05 dans Le Sel de la terre n° 56, p. 134 à 138 et commentaire « Suresnes » du 21.01.07, site <laportelatine>.

[61] Source : site internet Zenit Documents.

[62] C’est la contradiction entre la vérité du principe et la vérité de la « philosophie de l’action » qui est « la conformité du jugement avec les exigences de l’action ou de la vie humaine qui évolue toujours » selon Maurice Blondel. (Cf. P. Garrigou-Lagrange La nouvelle théologie, où va-t-elle ? in La “Nouvelle théologie”, Publications du Courrier de Rome, 1994, p. 178.)

[63] Cardinal Ratzinger in Les principes de la théologie catholique,(Téqui 1982), p. 426.

[64] « L'Église se trouve en une heure d’inquiétude, d’autocritique, on dirait même d’autodestruction » (1968) – « Par quelque fissure, la fumée de Satan est entrée dans le temple de Dieu » (1972). Mais Paul vi ne fit rien…

[65] Voir les édifiants résultats du sondage CSA-Le Monde du 13 janvier 2007.

[66] Mgr Lefebvre, Nos relations avec Rome, conférence donnée à la retraite sacerdotale à Écône le 4 sept. 1987, retranscrite dans Le Sel de la terre n° 31, p. 200 et 205.

[67] Fideliter n° 177, mai-juin 1977, Éditorial.

[68] Luther écrivait : « Quand la Messe sera renversée, je pense que nous aurons renversé toute la papauté ». Et encore : « J’affirme que tous les lupanars, les homicides, les vols, les adultères sont moins mauvais que cette abominable Messe. On en fait un sacrifice ; la messe n’est pas un sacrifice ; appelons-la bénédiction, eucharistie ou table du Seigneur, ou cène ou mémoire du Seigneur. »

[69] Par contre, les sedevacantistes sont restés sur leur position intransigeante, écartant toute éventualité de “discussion” avec Rome, mais ils ont leurs propres évêques. (Que l’on ne voie pas dans ce constat une approbation de leur prise de position !)

[70] On trouvera dans l’Annexe II un bref commentaire de ce livre.

[71] Il est vrai qu’en septembre 2004, lors de l’exclusion de l’abbé Laguérie de la FSSPX, Celier avait participé à son “exécution” sur le site <La Porte latine>.

[72] Voir supra Chapitre 3, § 3, pages 13-14.

[73] Mgr Lefebvre, in Le Mystère de Jésus, Clovis 1995, chap. xxviii, p. 176.

[74] Mgr Lefebvre, homélie à Écône le 14 sept. 1975, citée par Mgr Tissier de Mallerais, Fideliter 165 p. 57.