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Gaude, Maria Virgo, cunctas hæreses sola interemisti.
(Tractus Missæ Salve Sancta Parens)
samedi 3 novembre 2007
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Le sabotage doctrinal effectué par Mgr Williamson
La revue Sodalitium recense et réfute les erreurs distillées par l’ancien Anglican, Mgr. Williamson-‘Cunctator[1]’à la Rose[2], dans le numéro 23 du Sel de la terre de l’hiver 1997/1998, revue que le protecteur de l’abbé homosexuel Urrutigoity tient sous sa coupe.
Nous poursuivons l’inventaire des actions de Mgr Williamson par lesquelles il a entraîné le combat de la FSSPX dans une impasse. Mgr Williamson agit sur plusieurs axes, non seulement il protège des abbés qui n’ont rien à faire au sein de la FSSPX, non seulement il a tenté de déstabiliser Mgr Fellay par son sermon du 17 octobre 2004, mais encore il propage de graves erreurs doctrinales.
Dans le numéro 47 de Sodalitium[3] de décembre 1998, l’abbé Giuseppe Murro ne se contente pas de dresser l’inventaire des erreurs de Mgr Williamson-‘Cunctator’-à la Rose sur le Magistère ordinaire de l’Eglise et sur l’infaillibilité pontificale , mais réfute également une à une chacune ces erreurs.
Voici les sophismes que soutient Mgr Williamson dans le Sel de la terre :
« a) Négation de l’infaillibilité du Magistère ordinaire du Pape avec l’adjonction alléguée comme prétexte de conditions. La même chose vaut pour le Magistère Ordinaire Universel[4].
b) Négation de la règle prochaine de notre foi (le Pape), confondue avec la règle éloignée (la Révélation).
c) Affirmation du fait qu’un rite liturgique promulgué par le Pape peut être “intrinsèquement nocif”.
d) Affirmation du fait qu’une définition dogmatique peut être bonne en elle-même mais mauvaise per accidens, c’est-à-dire à cause des circonstances.
e) Affirmation du fait que les définitions de l’Eglise sont dues uniquement à la diminution de la charité chez les fidèles. »
Nous renvoyons également les lecteurs à notre étude[5] sur ce sujet ‘Réfutation de quarante ans d'erreur sur l'infaillibilité ‘. Afin de bien avoir en mémoire l’action dissolvante de Mgr Williamson-‘Cunctator’, (en concertation avec son binôme, l’abbé Schmidberger), nous republions ci-dessous ce schéma diffusé le 1er novembre 2007[6].
Continuons le bon combat
Abbé Marchiset
Mgr Williamson contre le Concile Vatican... I !
Par M. l’abbé Giuseppe Murro
Sodalitium, n° 47, décembre 1998, pages 48 à 64.
«Majeure : le Pape est infaillible.
Mineure : or ces derniers papes sont libéraux.
Conclusion : • (libérale) donc il faut se faire libéral
• (sédévacantiste) donc ces “papes” ne sont pas de vrais papes».
Si nous demandions à un catholique ce qu’il pense de ce syllogisme, les avis seraient différents. Après brève réflexion, les discussions porteront sur l’étrange mineure qui est le “moteur” du syllogisme : il y aura ceux qui l’acceptent, ceux qui la réfutent, ceux qui feront des distinctions. Mais à aucun catholique normal ne peut venir à l’esprit de déplacer la discussion sur la majeure et mettre en doute l’infaillibilité du Pape, en exhumant le gallicanisme enterré par le Concile Vatican I.
Voici au contraire ce qu’écrit, à propos de ce syllogisme inventé par lui, Mgr Williamson (que nous indiquerons pour des raisons de commodité tout au long de l’article par l’abréviation W) dans un écrit du 9 août 1997, intitulé Considérations libératrices sur l’infaillibilité traduit en français par la revue Le sel de la terre[7] (pour qui ne le saurait pas, W est l’un des quatre évêques de la Fraternité Saint Pie X et le Directeur du Séminaire des Etats-Unis) : “Ici, la logique est bonne et la mineure aussi ; donc, si les conclusions laissent à désirer, le problème est à chercher dans la majeure, racine commune des deux conclusions opposées” (p. 21).
W veut démontrer que ceux qui ont suivi le Concile Vatican II (indiqués par le terme “libéraux”) et ceux qui refusent l’autorité de Jean-Paul II (indiqués par le terme “sedevacantistes”) sont dans l’erreur : et la “racine commune” de cette erreur serait rien moins que de croire à l’infaillibilité du Pape ! “Les libéraux - dit W - partagent avec les sedevacantistes une notion de l’infaillibilité très répandue depuis 1870 (Concile de Vatican I), notion pourtant fausse”[8].
Exposition de la thèse de W
Pour W le problème serait donc constitué par la définition de l’infaillibilité du Pape de 1870. D’après lui cette définition serait mal interprétée (“notion fausse”), et même si elle était bien interprétée “elle a contribué beaucoup [per accidens] à une dévalorisation de la Tradition…” Les “libéraux”, adversaires de la définition, auraient changé de stratégie : ne plus nier l’infaillibilité des définitions solennelles, mais affirmer que tout ce qui n’est pas solennellement défini peut être mis en doute.
Contre cette nouvelle erreur, les théologiens catholiques, au lieu de rappeler que “ce n’est pas la définition qui fait la vérité”, en seraient arrivés à inventer une fausse infaillibilité du Magistère ordinaire : “les manuels de théologie écrits entre 1870 et 1950, qui, pour établir une vérité non solennellement définie, se sentent - visiblement - dans le besoin de construire un magistère ordinaire infaillible a priori, calqué sur le magistère extraordinaire infaillible a priori...”. Ces “‘bons’ auteurs des manuels ont d’une certaine façon joué le jeu des libéraux, inconsciemment sans doute, en éclipsant la vérité objective derrière la certitude subjective, et ils ont ainsi contribué à préparer la catastrophe de Vatican II, et de ce ‘magistère ordinaire suprême’ de Paul VI grâce auquel, de fait, il a mis par terre l’Eglise !” W étend sa critique même à ceux qui croient à l’infaillibilité [négative] d’un rite liturgique promulgué par le Pape, comme Michael Davies[9]. Au contraire, toujours selon W, pour répondre aux libéraux, il eût été suffisant alors et il l’est encore aujourd’hui, d’en appeler à la vérité objective, contenue dans la Tradition, comme a fait Mgr Lefebvre.
Liste des erreurs de W
Pour faciliter la lecture de cet article, notons tout de suite les erreurs présentes dans le texte de W.
a) Négation de l’infaillibilité du Magistère ordinaire du Pape avec l’adjonction alléguée comme prétexte de conditions. La même chose vaut pour le Magistère Ordinaire Universel[10].
b) Négation de la règle prochaine de notre foi (le Pape), confondue avec la règle éloignée (la Révélation).
c) Affirmation du fait qu’un rite liturgique promulgué par le Pape peut être “intrinsèquement nocif”.
d) Affirmation du fait qu’une définition dogmatique peut être bonne en elle-même mais mauvaise per accidens, c’est-à-dire à cause des circonstances.
e) Affirmation du fait que les définitions de l’Eglise sont dues uniquement à la diminution de la charité chez les fidèles.
J’examinerai une à une ces thèses de W. Mais, d’abord, puisqu’on discute de la définition de 1870, j’en donne les termes.
La définition dogmatique du Concile Vatican I
Dans la session du 18 juillet 1870, après beaucoup de discussions dues aux objections des anti-infaillibilistes tendant à éviter la définition, les Pères du Concile (quand nous disons Concile dans cet article, il s’agit du Concile Vatican I) proclamèrent solennellement :
“Nous attachant fidèlement à la tradition recueillie dès le commencement de la foi chrétienne, pour la gloire de Dieu notre Sauveur, pour l’exaltation de la religion catholique et le salut des peuples chrétiens, avec l’approbation du Saint Concile, Nous enseignons et Nous définissons comme dogme divinement révélé : Que lorsque le Pontife Romain parle ex cathedra, c’est-à-dire, lorsque remplissant sa charge de Pasteur et de Docteur de tous les chrétiens, il définit, en vertu de sa suprême autorité Apostolique, la doctrine sur la foi ou sur les mœurs qui doit être tenue par l’Eglise universelle, il est doué, par l’assistance divine promise dans la personne du bienheureux Pierre, de cette infaillibilité dont le divin Rédempteur a voulu que Son Eglise fût pourvue en définissant une doctrine sur la foi ou sur les mœurs ; et par conséquent, que de telles définitions du Pontife Romain sont irréformables par elles-mêmes et non en vertu du consentement de l’Eglise. Que si quelqu’un, ce qu’à Dieu ne plaise, avait la témérité de contredire notre définition, qu’il soit anathème” (DS 3074-5)[11].
Selon ce qu’affirme le texte dogmatique, le Pape dans l’exercice de sa fonction de Pape (et non comme personne privée) est infaillible. En d’autres termes, quand, comme pasteur et docteur universel, le Pape donne un jugement définitif sur une doctrine (relative à la foi ou à la morale), il a le privilège de l’infaillibilité, c’est-à-dire de jouir d’une assistance spéciale du Saint-Esprit pour enseigner la vérité révélée sans la moindre erreur. En cela le Pape se distingue de tous les autres hommes, catholiques ou non, lesquels n’ont pas cette assistance promise par Notre-Seigneur à St Pierre et à ses successeurs (Matth. XVI, 19)[12].
Structure de l’article
Puisque W conteste l’autorité en la matière à tous les théologiens des 128 dernières années, je me limiterai à citer les textes du Concile Vatican I, comme on les trouve dans le recueil édité par Mansi. En lisant les actes et l’histoire du Concile, on s’aperçoit comment W (et beaucoup de traditionalistes) reprennent les arguments qui étaient le “cheval de bataille” de la minorité libérale et anti-infaillibiliste à Vatican I, cherchant, avant la définition, à augmenter démesurément les conditions de l’infaillibilité du Pape et, après la définition, à en diminuer la portée de telle manière que le Pape ne serait infaillible que très rarement.
Après la crise advenue avec le Concile Vatican II et l’introduction du nouveau missel, les “traditionalistes” ont commencé justement à résister à l’“aggiornamento” (qui contredit beaucoup de vérités de la doctrine catholique), en refusant les réformes. Mais quand on leur fit observer que les nouveaux enseignements et les réformes étaient promulgués par Paul VI (et ensuite par Jean-Paul II), et que par conséquent - comme tous les décrets du Souverain Pontife - ils devaient être acceptés puisque garantis par l’infaillibilité, de nombreux “traditionalistes” ne trouvèrent rien de mieux que de reprendre les arguments des libéraux.
Ils ont soutenu que le Pape est infaillible seulement à certaines conditions tout à fait extraordinaires qui ne sont pas toutes présentes dans ces réformes ; et puisqu’elles ne sont pas garanties par l’infaillibilité nous ne sommes pas tenus d’obéir. Beaucoup n’ont pas compris, ou ont craint de comprendre, que le refus des réformes mettait en discussion l’autorité qui les avait promulguées. W suit ce courant de pensée qui à notre avis est contraire à la définition du Concile, tant dans les termes que dans le sens.
Analysons maintenant les points niés par W, en nous étendant plus particulièrement sur le premier.
A) Première erreur de W
sur le Magistère ordinaire et sur les conditions pour l’infaillibilité
Les théologiens distinguent en général un Magistère ordinaire du Pape (seul) et un Magistère ordinaire de l’Eglise (“ordinaire et universel”). Le second a été défini comme infaillible par Vatican I (DS 3011) : j’en parlerai à la fin de ce point a). Quant au Magistère ordinaire du Pape, en général on affirme qu’il est théologiquement certain qu’il est infaillible. En effet, le Pape jouit de la même infaillibilité que l’Eglise (DS 3074). Or, l’Eglise est infaillible dans son Magistère ordinaire (DS 3011). Donc, le Pape aussi est infaillible dans son Magistère ordinaire[13]. Cette argumentation, serait suffisante pour prouver combien W se trompe gravement. Mais en lisant les textes du Magistère et les actes de Vatican I, je me suis aperçu qu’en réalité la même définition de l’infaillibilité du Pape quand il parle ex cathedra (DS 3074) ne fait aucune distinction entre Magistère ordinaire ou solennel du Pape. Chaque fois que le Pape parle non en tant que personne privée, mais en tant que Pape, il enseigne authentiquement (avec autorité)[14], et donc il peut enseigner ex cathedra. Cet enseignement n’est pas rare et extraordinaire, comme dans les définitions dogmatiques solennelles (Immaculée Conception, 1854 ; Assomption, 1950) mais c’est tous les jours que le Pape peut enseigner, de manière définitive, à l’Eglise universelle, sur des sujets qui se réfèrent à la foi ou à la morale ; évidemment toute l’Eglise est obligée d’embrasser, au for externe et interne, l’enseignement de l’autorité suprême. Le Pape chaque fois qu’il parle de cette manière, n’est pas tenu d’employer un mode déterminé, ou la forme solennelle : s’il parle comme Pape, il suffit qu’on comprenne, d’une manière ou d’une autre, qu’il veut donner un jugement définitif sur un sujet lié même seulement indirectement à la foi ou à la morale.
En conclusion : nous affirmons que le terme ex cathedra indique seulement l’infaillibilité du Pape tant dans le Magistère ordinaire que solennel8bis. W soutient que le terme ex cathedra indique le Magistère solennel, en en exagérant les quatre conditions, et en niant toute infaillibilité au Magistère ordinaire. J’en viens maintenant à prouver ma thèse, avec les textes du Magistère et les actes de Vatican I.
Enseignement de l’Eglise sur le Magistère Ordinaire du Pape
Clément VI en 1351 demanda au patriarche des Arméniens de signer une formule de foi, dans laquelle on disait aussi : “Si tu a cru et crois encore maintenant que seul le Pontife Romain peut mettre fin aux doutes qui surgissent autour de la foi catholique, par une délibération authentique à laquelle on doit adhérer de façon irrévocable, et que tout ce que lui-même déclare être vrai, en vertu de l’autorité des clefs à lui remise par le Christ, doit être considéré comme vrai et catholique, et ce qu’il déclare être faux et hérétique, doit être considéré comme tel”[15].
Pie XI enseigne : “Le magistère de l’Eglise, établi ici-bas d’après le dessein de Dieu pour garder perpétuellement intact le dépôt des vérités révélées et en assurer la connaissance aux hommes, s’exerce chaque jour par le Pontife Romain et les évêques en communion avec lui ; mais il comporte encore, toutes les fois qu’il est nécessaire pour s’opposer plus efficacement aux erreurs et aux attaques des hérétiques ou développer avec plus de clarté ou de détails certains points de la doctrine sacrée, afin de les mieux faire pénétrer dans l’esprit des fidèles, la mission de procéder par décrets à des définitions opportunes et solennelles”[16].
Encore Pie XI : “Rien ne convient moins à un chrétien… de regarder l’Eglise, envoyée par Dieu cependant, pour enseigner et régir toutes les nations, comme médiocrement informée des choses présentes et de leurs aspects actuels ou même [de] n’accorder son assentiment et son obéissance qu’aux définitions plus solennelles dont Nous avons parlé, comme si l’on pouvait prudemment penser que les autres décisions de l’Eglise sont entachées d’erreur ou qu’elles n’ont pas un fondement suffisant de vérité et d’honnêteté”[17].
Pie XII : «Il ne faut pas estimer non plus que ce qui est proposé dans les encycliques ne demande pas de soi l’assentiment, les Papes n’y exerçant pas le pouvoir suprême de leur Magistère. Cet enseignement est celui du Magistère ordinaire auquel s’applique aussi la parole : “Qui vous écoute, M’écoute” (Lc x, 16) ; et le plus souvent ce qui est proposé et rappelé dans les encycliques appartient déjà par ailleurs à la doctrine catholique. Que si les Souverains Pontifes portent expressément dans leurs actes un jugement sur une matière jusqu’alors controversée, il est évident pour tous que cette matière, cesse par là même, suivant la pensée et la volonté de ces mêmes Pontifes, d’appartenir au domaine des questions librement discutées entre théologiens»[18].
Encore Pie XII : «Le Magistère n’est-il pas… la première charge de notre Siège apostolique ? (…) Sur la Chaire de Pierre, Nous prenons place uniquement comme Vicaire du Christ, Nous sommes Son représentant sur terre ; Nous sommes l’organe par l’intermédiaire duquel fait entendre Sa voix Celui qui est le seul Maître de tous (Ecce dedi verba mea in ore tuo, Jér. i, 9)»[19].
Il résulte de ces textes que l’Eglise a enseigné que le Magistère infaillible peut être soit ordinaire (exercé tous les jours) soit solennel.
Enseignement du Concile Vatican I sur le Magistère du Pape
La matière traitée par le Concile fut préparée par des commissions qui s’étaient réunies avant le Concile lui-même et elle fut présentée aux Pères sous forme de schémas. Ces derniers étaient discutés par les Pères qui, s’ils l’estimaient nécessaire, proposaient des amendements, examinés ensuite par les membres de la Députation de la Foi[20]. La Députation joua donc un rôle central, en répondant aussi aux objections de ce qui était contraire aux schémas proposés. Pour notre question les interventions des membres de la Députation de la Foi sont donc de grande importance ainsi que leurs réponses aux objections : ce sont en effet ces prélats qui expliquèrent le sens exact de la définition conciliaire, en corrigeant les fausses interprétations. Pour une bonne interprétation du Concile, les schémas proposés aident également, même ceux qui ne furent pas discutés du fait de l’interruption du Concile ; normalement les schémas qui furent traités, reçurent peu de modifications, au moins pas dans la substance. Enfin sont également utiles certaines interventions des Pères favorables à la définition dans laquelle on peut trouver des preuves incontestables sur l’infaillibilité du Pape : le Concile leur donna raison en définissant le dogme. En m’appuyant sur ces témoignages, j’examinerai successivement les célèbres “quatre conditions” qui, en réalité, ne sont que l’explication du terme ex cathedra, expression que je commenterai à la fin. Suivra un appendice sur le Magistère ordinaire du Pape et sur le Magistère ordinaire et universel. Je conclurai ainsi l’analyse de la première erreur de W [point a)].
Les quatre conditions
Selon la thèse de W le Pape est infaillible “à quatre conditions”, et non “à trois et demi”. Etant donné que W n’a pas inventé ces conditions, mais qu’elles sont tirées de la définition conciliaire, voyons quelle signification en a donné le Concile. Rappelons ce qu’elles sont. Le Pape : 1) en vertu de sa suprême autorité ; 2) définit ; 3) une doctrine sur la foi ou les mœurs ; 4) en affirmant que cette doctrine doit être tenue par toute l’Eglise.
1ère condition : Le Pape utilise sa suprême autorité
Différentes objections étaient apparues contre la définition de l’infaillibilité du Pape, parmi lesquelles certaines portant sur la doctrine, d’autres sur l’opportunité de la définition, d’autres sur l’objet qu’il serait difficile de délimiter, d’autres sur le terme même qui pouvait être mal interprété. La Députation de la Foi par l’intermédiaire de Mgr Gasser, évêque de Bressanone[21] répondit aux objections et donna l’explication du texte, qui fut ensuite défini. “Le sujet de l’infaillibilité est le Romain Pontife, en tant que Pontife, ou bien en tant que personne publique en relation à l’Eglise universelle”[22]. “Or, quelques Pères du Concile, dit Gasser, ne se contentent pas de ces conditions ; ils veulent encore introduire dans cette constitution dogmatique certaines conditions ultérieures qui de différentes manières se trouvent dans plusieurs traités de théologie et qui se rapportent à la bonne volonté et au zèle du Pape pour la recherche de la vérité”.
Gasser répondit que peu importaient les motivations et les intentions du Pontife, qui regardaient sa conscience, mais que seul comptait le fait qu’il parlait à l’Eglise : “Notre-Seigneur Jésus-Christ (...) a voulu faire dépendre le charisme de la vérité de ses [du Pontife] rapports publics avec toute l’Eglise ; autrement, le don de l’Infaillibilité ne serait pas un moyen efficace pour le maintien et le rétablissement de l’unité chrétienne. C’est pourquoi il n’est pas à craindre que l’Eglise puisse jamais être induite en erreur par la mauvaise volonté ou par la négligence d’un Pape. La protection de Jésus-Christ et l’assistance promise à Pierre sont si puissantes, qu’elles empêcheraient le jugement du Pape s’il était erroné ou nuisible à l’Eglise, et que, si, de fait, le Pape rend un décret, ce décret sera infailliblement vrai”[23].
La première condition indique donc que le Pape parle comme Pape et non en tant que personne privée : cela sera encore mieux montré dans le paragraphe traitant de la formule ex cathedra.
2ème condition : Il définit.
3ème condition : Une doctrine sur la foi ou les mœurs.
Mgr Gasser explique ce point : “On demande l’intention manifeste de définir une doctrine, veut dire mettre fin à la fluctuation sur une doctrine ou sur une chose à définir, en donnant une sentence définitive, et en proposant cette doctrine comme devant être tenue par l’Eglise universelle”[24].
En d’autres termes, le Pape fait comprendre, d’une certaine manière, qu’une doctrine ne peut être librement discutée dans l’Eglise. Si au contraire il ne veut pas résoudre la question, alors elle reste ouverte, il n’y a pas de définition, mais une orientation pratique qui peut être revue. Par exemple, Grégoire XVI se prononça de manière définitive sur la liberté religieuse dans une simple encyclique[25], et - puisque certains croyaient qu’il n’avait pas porté un jugement définitif - il le répéta dans une autre encyclique[26]. Léon XIII a donné un jugement définitif sur la validité des ordinations anglicanes ; Pie XII sur le caractère licite des “méthodes naturelles” ou sur la matière et la forme du Sacrement de l’Ordre. Pie XII toujours confirma dans l’encyclique Humani generis que la doctrine exposée dans Mystici Corporis était définitive[27] et, dans la même encyclique, il clarifia comment, alors que sur certains points de la théorie évolutionniste il y a encore liberté de recherche et discussion (donc il ne définit pas) sur d’autres points au contraire (comme la création directe de l’âme humaine de la part de Dieu, ou la condamnation du polygénisme) il n’y a pas cette liberté (DS 3896-7).
Pour ce qui regarde la troisième condition (l’objet de la définition) personne ne met en doute que le Pape soit infaillible quand il définit un dogme concernant directement la foi ou la morale, et/ou condamne l’hérésie opposée (objet primaire du Magistère). Cette infaillibilité du Pape est de foi, celui qui la nie est hérétique. Le Pape, cependant, est infaillible également quand il traite de tout ce qui a une relation même indirecte avec la foi et la morale (objet secondaire du Magistère) : cette infaillibilité du Pape est au moins théologiquement certaine[28], celui qui la nie commet un péché très grave contre la foi[29]. Pour rendre explicite l’infaillibilité du Pape y compris sur l’objet secondaire, certains Pères conciliaires avaient proposé d’ajouter au mot “définit”, le mot “décrète” (decernit). Mgr Gasser répondit ainsi :
«La Députation de la foi n’a pas l’intention de donner à ce verbe [définit] le sens juridique, pour lequel il signifie seulement que l’on met fin à des controverses qui surgirent en matière d’hérésie ou d’une doctrine, qui appartient à proprement parler à la foi. Mais le mot “définit” signifie que le Pape, directement et de façon à clore la question, prononce son jugement sur une doctrine qui concerne les choses de la foi et de la morale, de telle sorte que désormais chaque fidèle puisse être certain de la pensée du Siège Apostolique, de la pensée du Pontife Romain ; de telle manière que chacun sache avec certitude que telle ou telle doctrine est considérée par le Pontife Romain comme hérétique, proche de l’hérésie, certaine ou erronée, etc. Tel est le sens du terme “définit” (...) En appliquant cette infaillibilité aux seuls décrets du Pontife Romain, il faut faire une distinction : de telle manière que quelques-uns (et la même chose vaut pour les définitions dogmatiques des conciles) sont certains de foi : c’est pourquoi celui qui nierait que le Pontife dans ce décret serait infaillible, déjà, par le fait même (…) serait hérétique ; d’autres décrets du Pontife Romain sont eux aussi certains quant à l’infaillibilité, mais cette certitude n’est pas la même (...) en sorte que cette certitude sera seulement une certitude théologique en ce sens, que celui qui nierait que l’Eglise ou de la même façon le Pontife dans ce décret serait infaillible, ne serait pas ouvertement hérétique en tant que tel, mais commettrait une erreur très grave et, en se trompant de cette manière, un péché très grave»[30].
En résumant : la 2è condition, définir, signifie enseigner de manière définitive ; la 3ème (sur la foi et les mœurs) inclut non seulement les choses révélées, mais aussi - bien que différemment - les choses connexes à la révélation.
4ème condition : Il affirme que cette doctrine doit être tenue par toute l’Eglise
L’expression “doit être tenue” est liée à ce qui vient d’être dit, c’est-à-dire indique l’assentiment qu’il faut donner y compris aux vérités non contenues formellement dans le dépôt de la révélation, qui ne sont pas strictement “de foi” (ces dernières doivent être “crues” et non seulement “tenues”). Le Concile a fait cette distinction pour mettre en évidence que l’objet de l’infaillibilité est double, contre les libéraux qui voulaient le restreindre uniquement aux vérités de foi. Salaverri expose largement cette distinction faite au Concile[31]. En outre si le Pape parle comme Pape, et définit une doctrine concernant la foi et la morale, il est évident que tous les fidèles sont tenus de l’embrasser, même si cela n’est pas dit explicitement. W, au contraire, semble vouloir dire que le Pape, pour être infaillible, devrait spécifier explicitement que toute l’Eglise est tenue d’adhérer à cette doctrine, comme si un chrétien pouvait ne pas adhérer à la Révélation ! Cette interprétation est fausse.
Durant le Concile, l’évêque de Burgos, Mgr Anastasio Yusto, pensa qu’il était nécessaire d’ajouter, précisément dans ce point de la définition, la phrase suivante, pour rendre plus explicite le devoir des fidèles d’embrasser la doctrine proposée : “L’obligation restant ferme, à laquelle tous les catholiques sont tenus de se soumettre au Magistère suprême du Pontife Romain quant aux autres doctrines, qui ne sont pas proposées comme de foi…”[32].
Mgr Gasser, au nom de la Députation de la Foi, jugea cette phrase inopportune, en ajoutant que cela avait déjà été fait dans la Constitution dogmatique approuvée par le Concile[33]. Le Concile en effet avait défini :
“L’Eglise, qui avec la charge apostolique d’enseigner, a reçu le mandat de garder le dépôt de la foi, a aussi, par Dieu, le droit et le devoir de proscrire la fausse science, pour que personne ne soit trompé par la philosophie et par des manœuvres vaines. C’est pourquoi les fidèles chrétiens non seulement n’ont pas le droit de défendre comme légitimes conclusions de la science les opinions reconnues contraires à la doctrine de la foi, spécialement si elles sont condamnées par l’Eglise, mais sont strictement tenus de les considérer plutôt comme des erreurs, qui n’ont qu’une trompeuse apparence de vérité”[34].
Il ressort de cela qu’il est évident que les fidèles sont toujours tenus d’adhérer aux jugements de l’Eglise : il n’est pas nécessaire que l’Eglise spécifie cette obligation.
Cette question, n’est pas non plus nouvelle, et a déjà été résolue depuis longtemps[35]. Nous rapportons un texte du P. Kleutgen, au Concile : “On doit la soumission de l’esprit à l’Eglise qui définit, même si elle n’ajoute aucun précepte. Puisqu’en effet Dieu nous a donné l’Eglise comme mère et maîtresse pour tout ce qui concerne la religion et la piété, nous sommes tenus de l’écouter quand elle enseigne. C’est pourquoi, si la pensée et la doctrine de toute l’Eglise apparaît, nous sommes tenus d’y adhérer, même s’il n’y a pas de définition : combien plus donc si cette pensée et cette doctrine nous apparaissent par une définition publique ?”[36].
Mais, certains, croient que quand le Pape s’adresse à une ou à quelques personnes, même s’il définit une doctrine qui vaut pour toute l’Eglise, il ne serait pas infaillible. Il s’agit d’une erreur[37]. Le Pape peut s’adresser à quiconque, même à une seule personne, mais s’il parle comme Pape, comme personne publique, comme Chef de toute l’Eglise (et ce qu’il dit a rapport au dépôt révélé, avec la volonté de clore une question) toutes les “conditions” sont réalisées. Ainsi Pie XII, dans un discours adressé aux sages-femmes italiennes (29-10-1951) - donc un groupe particulier de personnes - résolut la discussion sur l’usage des “méthodes naturelles”. Les erreurs de Marsile de Padoue furent condamnées dans un document adressé à l’évêque de Worcester (DS 941) ; Benoît XIV résolut le problème de l’incorporation des hérétiques à l’Eglise en vertu du Baptême, dans une lettre à l’évêque d’York (DS 2566 et ss.). C’est pourquoi Grégoire XVI, en s’adressant à l’évêque de Fribourg, enseigna :
“[Ce que nous venons de dire] est conforme aux enseignements et avertissements que vous savez déjà formulés, vénérable frère, soit dans nos Lettres ou Instructions aux divers archevêques et évêques, soit dans celles de notre prédécesseur Pie VIII, édictées par ses ordres ou par les nôtres. Il importe peu que ces instructions aient été données seulement à quelques évêques qui avaient consulté le Siège Apostolique, comme si la liberté était accordée aux autres de ne pas suivre cette décision !”[38].
Conclusion : toutes les fois que le Pape parle comme Pape, et définit une doctrine qui concerne la foi ou la morale, il est infaillible et tous les catholiques sont obligés de tenir ou de croire la doctrine définie.
Ex cathedra
Cette expression, qui renferme en elle-même la signification des soi-disant “quatre conditions”, a été expliquée de manière explicite par le Concile. Mgr Gasser :
«Le pontife est dit infaillible quand il parle “ex cathedra”. Cette expression a dans l’école un sens tout à fait déterminé, reçu dans la définition même, savoir : lorsque le Pape parle ex cathedra : premièrement il ne décide rien comme personne privée, ni simplement comme évêque, ou chef d’un diocèse ou d’une province de l’Eglise, mais il parle comme pasteur et docteur de toute la chrétienté ; deuxièmement, il ne suffit pas de présenter la doctrine d’une manière quelconque ; on requiert encore l’intention manifestée de mettre fin, par une décision définitive, aux fluctuations d’une doctrine, et d’obliger toute l’Eglise à accepter cette décision. Ce dernier est quelque chose d’intrinsèque à toute définition dogmatique sur la foi ou la morale, qui est enseignée par le suprême pasteur et docteur de l’Eglise universelle et qui doit être tenue par toute l’Eglise universelle : [le Pape] doit aussi exprimer cette même propriété et cette note de définition proprement dite en quelque manière, quand il définit la doctrine qui doit être tenue par toute l’Eglise»[39].
Le P. Kleutgen expliquait dans la relation au schéma réformé : «Ce que l’on voit par la charge de l’Eglise, on le connaît aussi par les paroles par lesquelles Jésus-Christ a promis l’assistance de l’Esprit divin : “Il vous enseignera toutes choses” (Jn xiv, 26) ; “Il vous enseignera toute la vérité” (Jn xvi, 13). Ces mots certes ne doivent pas être pressés, selon nous, [de manière à comprendre] que l’Eglise serait instruite par le Saint-Esprit même dans les choses qui n’ont rien à voir avec le salut éternel ; mais il ne faut pas non plus les prendre d’une manière si restrictive, qu’on pense que l’Eglise n’est guidée que dans les affirmations révélées. Une promesse si ample ne comprend-elle donc pas toutes les choses dont la connaissance est nécessaire pour comprendre avec fruit la doctrine du Christ, et la suivre dans toute notre vie ? Et il n’est pas requis, pour que les jugements de l’Eglise sur ces choses soient très certains, que l’Esprit-Saint lui fasse de nouvelle révélations, mais seulement qu’il la dirige, et dans la compréhension de la parole de Dieu, et dans l’usage de la raison. Est-ce que nous-mêmes nous ne jugeons pas chaque jour beaucoup de choses non révélées à partir des vérités révélées, et est-ce que nous ne devons pas faire ainsi ? Ce que donc nous faisons chacun avec risque d’erreur, l’Eglise le fait dans ses jugements publics, en étant protégée contre ce risque par l’assistance du Saint-Esprit (…). Dans d’autres livres publiés on lit, d’après une sentence commune des théologiens, que le Pontife Romain alors seulement parle “e cathedra”, quand il propose à croire des dogmes de foi divine. Il est vrai que, si l’on considère seulement les mots, on lit cela chez plusieurs théologiens plus récents ; mais cette sentence est loin d’être commune parmi les théologiens. Tous les anciens et beaucoup parmi les récents rendent ces paroles “parlare e cathedra” avec ces ou semblables : “iudicialiter”, ou “in iudicio determinare”, “pro potestate decernere”, “cum auctoritate apostolica”, “ut papam loqui”[40] etc. de telle sorte que la locution e cathedra se distingue de l’autre par la manière avec laquelle enseigne le pontife, non par la chose qu’il transmet, ni par la censure qu’il émet. Il semble que même les plus récents (…) n’en donnent pas une signification différente. En effet puisque, comme il arrive parfois, ils expliquent la chose au moyen des contraires, ils ne disent pas : il n’y a pas de locution e cathedra, si le Pontife Romain condamne une opinion par une censure mineure ; mais si ce qu’il lui semble, il l’exprime ou le conseille, sans toutefois décréter quelque chose avec autorité. Donc ces théologiens parlent de dogme de foi, lorsqu’ils distinguent la sentence définie avec autorité apostolique par la sentence du docteur privé, et non lorsqu’ils distinguent la sentence définie avec la note d’hérésie de celle définie avec une censure mineure»[41].
Il ressort clairement de ces explications que le terme ex cathedra s’oppose au terme “docteur privé”, et indique le Pape quand, comme personne publique, il définit quelque chose qui fait partie de l’objet primaire ou secondaire du Magistère. De manière claire et populaire Mgr de Ségur, dans un ouvrage approuvé par Pie IX, confirme cette conclusion :
“Il faut distinguer ici : dans le Chef de l’Eglise, il y a le Pape et l’homme. L’homme est faillible, comme tous les autres hommes. Lorsque le Pape parle comme homme, comme personne privée, il peut parfaitement se tromper, même quand il parle des choses Saintes. Comme homme, le Pape n’est pas plus infaillible que vous et moi. Mais quand il parle comme Pape, comme Chef de l’Eglise et comme Vicaire de Jésus-Christ, c’est une autre affaire. Alors il est infaillible : ce n’est plus l’homme qui parle, c’est Jésus-Christ qui parle, qui enseigne, qui juge par la bouche de Son Vicaire”[42].
Magistère ordinaire et conditions
Dans certains textes du Concile il ressort clairement que les Pères, quand ils parlent d’infaillibilité, ne font pas de distinction entre le magistère ordinaire, qui s’exerce continuellement, et le magistère solennel. Et ils n’affirment pas non plus que l’infaillibilité n’existe que dans des canons, des formes solennelles ou dans des conditions particulières.
Mgr Gasser, au nom de la Députation de la foi, dans l’intervention susmentionnée, s’exprimait ainsi :
“Dans l’Eglise de Jésus-Christ (...) le centre de l’unité doit agir sans interruption, avec une certitude constante et sans exception”[43].
“Les Pontifes romains se sont toujours levés comme témoins, docteurs et juges de l’Eglise entière, pour la défense de la vérité chrétienne, parce qu’ils savaient qu’en vertu de la promesse divine ils étaient protégés contre l’erreur. Qu’on ne dise pas que les Papes, en affirmant ainsi l’autorité du Siège romain, ont parlé dans leur propre cause, et que pour cette raison leur autorité n’a point de valeur. S’il en était ainsi, si pour cette raison il fallait récuser le témoignage des Papes de Rome, c’en serait fait de toute la hiérarchie de l’Eglise : car l’autorité de l’Eglise enseignante ne peut se prouver que par l’Eglise enseignante elle-même”[44].
Le même rapporteur de la Députation trouve une autre preuve de l’infaillibilité du Pape dans la nécessité pour les catholiques de la communion avec la chaire de Pierre[45] :
«Cette foi des Papes en leur Infaillibilité personnelle, l’Eglise l’a affirmée (...) quand elle regardait l’union avec le Saint-Siège comme entièrement et absolument nécessaire. Car l’union avec la Chaire de Pierre était et valait l’union avec l’Eglise et avec Pierre lui-même, et par conséquent avec la vérité révélée par Jésus-Christ. St Jérôme écrit ainsi : “Je ne connais pas Vitalis, je rejette Mélétius, Paulinus m’est inconnu. Celui qui ne recueille pas avec toi (c’est-à-dire avec le Pape Damase), disperse ; en d’autres termes, celui qui n’est pas avec Jésus-Christ est avec l’Antéchrist[46] (...) “L’Eglise a fait connaître son assentiment à la foi des Papes, en ce que tous les chrétiens, véritablement croyants, rejetaient toute doctrine comme erronée dès qu’elle avait été condamnée et rejetée par un Pape. “Comment l’Italie admettrait-elle, dit St Jérôme[47], ce que Rome a rejeté ? Comment les évêques admettraient-ils ce que Rome a condamné ?”. Enfin, nous pouvons encore prouver cet assentiment par ce fait que, dans toutes les questions de foi, on avait recours au Siège apostolique, comme à Pierre et à l’autorité de Pierre, et que jamais il n’a été permis d’en appeler du Siège romain et de ses décisions dogmatiques».
Mgr Gasser répondait encore ainsi à quelqu’un qui soutenait que le Pontife, en donnant des définitions, devait observer une certaine forme : “Ceci ne peut être fait, en effet il ne s’agit pas d’une chose nouvelle. Déjà des milliers et des milliers de jugements dogmatiques furent promulgués par le Siège apostolique ; mais où est donc le canon qui prescrit la forme à observer dans ces jugements ?”[48].
Mgr de Ségur disait la même chose : «[Le Pape] est infaillible quand il parle comme Pape (...) mais non pas quand il parle comme homme. Et il parle comme Pape, lorsqu’il enseigne publiquement et officiellement des vérités qui intéressent toute l’Eglise, au moyen de ce qu’on appelle une Bulle, ou une Encyclique, ou quelque autre acte de ce genre»[49].
Une confirmation de ce que nous avons exposé se trouve dans différentes interventions des Pères du Concile du Vatican, parmi lesquels Mgr de la Tour d’Auvergne, évêque de Bourges[50], Mgr Maupas, évêque de Zara[51], Mgr Freppel, évêque d’Angers[52]. Pour eux le Pape est infaillible avec son Magistère ordinaire, qui s’exerce continuellement, sans nécessité d’en exagérer les conditions.
Magistère ordinaire universel et conditions
Jusqu’à maintenant on a parlé uniquement du magistère du Pape. Les dominicains d’Avrillé, qui ont publié le texte de W, affirment, dans une note, qu’il faut également des conditions dans le magistère ordinaire et universel des évêques (unis au Pape). Et, dulcis in fundo, on ne sait pas quelles sont ces conditions ! Le Concile du Vatican ne l’aurait pas dit. Il aurait défini que ce magistère est infaillible, mais n’en ayant pas précisé les conditions il resterait complètement obscur, nous ignorerions quand il existe. En pratique le Concile aurait défini… rien du tout ! Lisez plutôt : “Le concile Vatican I a aussi exposé que les catholiques devaient croire, en plus des jugements solennels, l’enseignement du magistère ordinaire universel (DS 3011). Mais il n’a pas précisé à quelles conditions ce magistère ordinaire est infaillible”[53].
Or l’affirmation, dite de cette manière, contredit la définition du Concile du Vatican, qui expose clairement quand ce Magistère est infaillible, en définissant que tout enseignement du M.O.U. est de foi : “Est à croire de foi divine et catholique tout ce qui est contenu dans la parole de Dieu ou écrite ou transmise, et que l’Eglise, soit par un jugement solennel, soit par son magistère ordinaire et universel, propose à croire comme divinement révélé” (DS 3011).
La définition a été reprise également par le Code pie-bénédictin (can. 1323, §1). Pie IX déjà dans Tuas libenter avait enseigné que l’acte de foi ne doit pas être limité aux vérités définies, mais doit s’étendre à “ce qui est transmis comme divinement révélé par le magistère ordinaire de toute l’Eglise dispersée sur la terre”[54]. Complètement obscur ?
Pour qui ne l’aurait pas encore compris (mais il n’est pire aveugle…), tout cela veut dire que chaque fois que l’Eglise, c’est-à-dire l’union morale de tous les évêques unis au Pape, enseigne une vérité comme appartenant au dépôt révélé, elle doit être crue de foi divine. Les fameuses conditions ? Elles y sont toutes : 1ère : tous les évêques avec le Pape constituent l’Eglise enseignante, la suprême autorité ; 2è : propose à croire ; 3è et 4è : une vérité contenue dans la Révélation, qui requiert d’elle-même l’assentiment à cause de l’autorité de Dieu qui révèle[55]. Ce que l’on peut dire tout au plus c’est que le fidèle a une plus grande facilité à connaître une vérité enseignée par le magistère solennel que par le magistère ordinaire et universel. Nous avons déjà parlé longuement dans Sodalitium de tout ce qui regarde le Magistère Ordinaire et Universel et nous invitons les lecteurs à se reporter aux articles publiés[56].
b) Deuxième erreur de W :
négation de la Règle prochaine de notre foi, confondue avec la règle éloignée
W affirme d’abord une chose juste : la définition de l’Eglise ne “fait” pas les vérités, elles nous ont été révélées par Dieu, elles existent avant la définition de l’Eglise, laquelle les porte à la connaissance des fidèles. Pour s’en convaincre, il suffit de relire précisément Vatican I, là où il est écrit : “Ce n’est pas, en effet, pour publier, sous sa révélation, une doctrine nouvelle, que le Saint-Esprit a été promis aux successeurs de Pierre, mais pour garder saintement et exposer fidèlement, avec son assistance, le dépôt de la foi ou la révélation transmise par les Apôtres” (Pastor Æternus, ch. IV, DS 3070). L’objet de notre foi, donc, est la divine révélation (contenue dans la Tradition et dans l’Ecriture) et le motif de la foi est l’autorité de Dieu qui se révèle, comme l’enseignent tous les manuels tant méprisés par W.
Mais W poursuit : “Dire que (…) là où il n’y a pas de définition à quatre conditions, il n’y a pas de vérité certaine, c’est perdre tout sens de la vérité, c’est la maladie du subjectivisme qui ne peut concevoir de vérité objective sans certitude subjective”[57]. Ici il démontre ne pas comprendre pleinement le rôle important du magistère de l’Eglise. En effet, comment un fidèle peut-il tout seul connaître la vérité “objective” ? St Augustin écrivait : “Je ne croirais pas aux Evangiles, si l’autorité de l’Eglise catholique ne me le disait”[58]. De la même manière, paraphrasant St Augustin, on peut dire : “Je ne croirais pas à la Tradition, si l’autorité de l’Eglise catholique ne me le disait”.
Un fidèle, comment peut-il savoir, par exemple, que l’Evangile de St Jean est intégral, que les quatorze Epîtres de St Paul ou les livres des Macchabées sont révélés, que certaines œuvres de Tertullien sont bonnes et d’autres non, que le Concile de Nicée est œcuménique, qu’il faut interpréter rigoureusement certains écrits de St Augustin… ? Il devrait se fier à sa perspicacité, se donnant à un libre examen de l’Ecriture ou de la Tradition, comme soutiennent les anglicans et les orthodoxes ? Ne serait-ce pas tomber dans un autre subjectivisme ? C’est justement ce qu’affirment les protestants pour la Sainte Ecriture : chacun la lit et est capable de lui-même d’en comprendre le sens.
Même chose pour les modernistes : étant donné que nombre d’entre eux avaient accompli des études approfondies d’exégèse, ils estimaient pouvoir interpréter les Saintes Ecritures tout seuls, sans devoir se soumettre au Magistère de l’Eglise, et St Pie X condamna leur théorie (DS 3401-8). Et voilà que W soutient la même chose à propos de la Tradition : chacun peut de lui-même chercher dans la Tradition les vérités à croire, la Tradition serait la règle prochaine de la foi, indépendamment du Magistère de l’Eglise[59]. A part l’énorme difficulté pratique (on ne voit pas comment un fidèle peut consulter Migne, Mansi, la Patristique…), comment fera-t-on pour choisir et interpréter le texte d’un ou de plusieurs Pères ? Comment fera-t-on pour juger si telle tradition est bonne ou mauvaise ? La discipline de l’Eglise a changé à travers les siècles ; par exemple : la communion sous les deux espèces est-elle plus “traditionnelle” que celle sous une seule espèce ? Même parmi les plus grands Pères de l’Eglise il peut y avoir des discordances, ou des interprétations douteuses. Ce fut exactement cela l’erreur des jansénistes : prendre St Augustin comme règle prochaine de la foi, prétendre savoir lui donner la juste interprétation, indépendamment du Magistère de l’Eglise.
La Tradition ne peut être règle prochaine : si un doute surgit entre les catholiques, qui pourra le résoudre ? La Tradition est muette, le Magistère au contraire parle, peut résoudre les questions. Dieu Lui-même, en nous donnant la Révélation, a voulu nous donner l’instrument, objectif et non subjectif, afin qu’infailliblement nous puissions connaître quelles sont les vérités que nous devons croire pour notre salut. Cet instrument est le Magistère de l’Eglise, qui puise dans la Révélation (contenue dans l’Ecriture et la Tradition) et, assisté par le Saint-Esprit, propose à croire aux fidèles les vérités révélées ou connexes au révélé. La définition infaillible sur le Magistère ordinaire et universel, considérée ci-dessus (DS 3011), justement illustre ceci : tout fidèle doit croire de foi le révélé que l’Eglise lui propose de croire.
C’est pourquoi l’on dit : Ecriture et Tradition constituent la Règle éloignée de la Foi ; le Magistère est la Règle prochaine de notre foi, c’est-à-dire qu’elle est plus proche du fidèle. Sodalitium a déjà traité de ce sujet[60]. Si la règle prochaine de la Foi était la Tradition, alors tout progrès du dogme serait impossible : la charge de l’Eglise serait uniquement de conserver les dogmes, comme affirment les “orthodoxes”. En effet, selon cette manière de voir, si l’on voulait étudier le dépôt révélé pour le connaître plus profondément et pour expliciter les vérités contenues de manière implicite, on se trouverait devant un problème insoluble : les vérités découvertes grâce à cette étude, étant “nouvelles” à notre connaissance, contrediraient la règle prochaine, la Tradition, et l’Eglise ne pourrait jamais les définir.
Au contraire, pour la doctrine catholique, la Tradition est la règle éloignée, alors que le Magistère vivant est la règle prochaine de notre foi. C’est le Magistère qui donne la bonne interprétation de l’Ecriture et de la Tradition, et ce n’est pas à nous de le faire. Nous prouverons notre assertion par l’autorité du Magistère et du Concile Vatican lui-même.
Enseignement de l’Eglise sur la Règle prochaine de la foi
Pie XII[61] enseigne : «Et bien que ce Magistère sacré doive être pour tout théologien, en matière de foi et de mœurs, la règle prochaine et universelle de vérité, - puisque c’est à lui que le Christ Notre-Seigneur a confié tout le dépôt de la foi, Ecriture Sainte et Tradition, à garder, à défendre et à interpréter - toutefois le devoir qu’ont les fidèles d’éviter aussi les erreurs qui voisinent plus ou moins avec l’hérésie, et par conséquent d’“observer aussi les constitutions et décrets par lesquels le Saint-Siège proscrit et prohibe de telles opinions mauvaises”[62], est parfois aussi ignoré d’eux que s’il n’existait pas. Ce qui est exposé dans les encycliques des Souverains Pontifes sur le caractère et la constitution de l’Eglise est, par certains, délibérément et habituellement, négligé dans le but de faire prévaloir une notion vague qu’ils disent prise aux anciens Pères, spécialement aux Grecs. Les Papes, en effet, répètent-ils, n’entendent pas se prononcer sur les questions qui sont matière à discussion entre les théologiens ; c’est pourquoi il faut retourner aux sources et expliquer par les écrits des anciens les constitutions et décrets récents du magistère. C’est peut-être bien dit, mais ce n’est pas exempt de sophisme. De fait, il est vrai que les Papes laissent généralement aux théologiens la liberté sur les questions disputées entre les docteurs les plus renommés, mais l’histoire enseigne que bien des choses qui furent d’abord laissées à la libre discussion ne peuvent plus désormais supporter aucune discussion».
Léon XIII : «Quant à déterminer quelles sont les doctrines révélées de Dieu, c’est la mission de l’Eglise enseignante, à laquelle Dieu a confié la garde et l’interprétation de ses paroles. Dans l’Eglise, le docteur suprême est le Pontife Romain. (…) [Il faut l’obéissance au Magistère de l’Eglise et du Pape]. L’obéissance doit être parfaite, parce qu’elle est exigée par la foi elle-même, et elle a cela de commun qu’elle ne peut pas être partielle… C’est ce que St Thomas d’Aquin explique d’une manière admirable dans le passage suivant : “(…) Or, il est manifeste que celui qui adhère à la doctrine de l’Eglise comme à une règle infaillible donne son assentiment à tout ce que l’Eglise enseigne ; autrement, si, parmi les choses que l’Eglise enseigne, il admet ce qu’il veut et n’admet pas ce qu’il ne veut pas, il adhère non plus à la doctrine de l’Eglise comme à une règle infaillible, mais à sa propre volonté… L’unité [de l’Eglise] ne saurait être sauvegardée que si toute question soulevée en matière de foi est résolue par celui qui est le chef de l’Eglise entière, de sorte que sa sentence soit fermement acceptée par toute l’Eglise. C’est pourquoi de l’autorité du Souverain Pontife seul relève une nouvelle édition du Symbole comme toutes les autres choses qui regardent l’Eglise universelle”[63]… C’est pourquoi le Souverain Pontife doit pouvoir déclarer avec autorité ce que contient la parole divine, quelles doctrines concordent avec elle et quelles doctrines s’en écartent : pour la même raison, il doit pouvoir montrer ce qui est bien et ce qui est mal, ce qu’il faut faire et ce qu’il faut éviter pour faire son salut ; autrement, il ne pourrait être ni l’interprète infaillible de la parole de Dieu, ni le guide sûr de le vie humaine»[64].
St Pie X place également dans la règle de la foi les lois de l’Eglise et tout ce que le Pape commande : “C’est dans cette obéissance à la suprême autorité de l’Eglise et du Souverain Pontife, autorité qui nous propose les vérités de la foi, nous impose les lois de l’Eglise et nous commande tout ce qui est nécessaire à son bon gouvernement, c’est dans cette autorité que se trouve la règle de notre foi”[65].
Enseignement du Concile du Vatican sur la Règle prochaine de la foi
Mgr Gasser, dans sa mémorable intervention, prouve que le Pape est infaillible puisque son Magistère constitue la règle de la foi[66] : “Un témoignage indirect [de l’infaillibilité provient de] la règle de foi que les premiers Pères ont composée (...). St Irénée, qui montre la règle de la foi dans l’accord des Eglises fondées par les Apôtres, propose en même temps, comme vous le savez, une autre règle plus courte et plus sûre : la tradition de l’Eglise romaine, avec laquelle tous les fidèles de la terre doivent être d’accord, à cause de sa prééminence, et dans laquelle ils conservent tous, par leur union avec le centre de l’unité, la tradition apostolique. Ainsi donc, selon St Irénée60 bis, la foi de l’Eglise romaine est en même temps, à cause de sa primauté, la ligne de conduite pour toutes les autres Eglises, et à cause de sa dignité, comme point central, le principe conservateur de l’unité (...). Cette même règle de foi, St Augustin l’expose en ces termes (...) Il suffit donc [pour lui], pour condamner l’erreur des Donatistes, qu’aucun Pape romain n’ait été donatiste, et cette règle, il la déclare, à cause de l’autorité de Pierre, plus certaine et plus indubitable”.
En conclusion : nous avons prouvé tant par le Magistère de l’Eglise que par les documents explicatifs du Concile du Vatican, que la proposition de l’Eglise est nécessaire pour la Foi de tout catholique. Même en ne faisant pas partie du motif de la foi (“objet formel quo”), elle est cependant une condition sine qua non pour que l’assentiment de notre intelligence soit un acte de foi divine[67]. St Thomas n’a pas attendu Vatican I pour enseigner : “Ce qu’il y a de formel en l’objet de la foi c’est la Vérité première telle qu’elle est révélée dans les Saintes Ecritures et dans l’enseignement de l’Eglise. Dès lors, quiconque n’adhère pas, comme à une règle infaillible et divine, à l’enseignement de l’Eglise qui découle, lui, de la Vérité première révélée dans les Saintes Ecritures, celui-là n’a pas l’habitude de la foi. S’il soutient des choses qui sont de foi, c’est autrement que par la foi. (...) Si [quelqu’un], de ce que l’Eglise enseigne il retient ce qu’il veut, et ce qu’il ne veut pas retenir, ne le retient pas, à partir de ce moment-là il n’adhère plus à l’enseignement de l’Eglise comme à une règle infaillible, mais à sa propre volonté [et ainsi il devient hérétique]” (II-II, q. 5, a. 3).
Par conséquent, je crois aux Evangiles et à la Tradition parce que l’Eglise me le dit et de la manière dont elle me le dit ; de cette façon la Foi comporte la soumission de l’intelligence. Si au contraire je crois pour un autre motif, alors je préfère à l’Eglise un autre critère : mes convictions, un Saint, un Père de l’Eglise, un évêque, un prince…, mais tout cela n’est pas la règle prochaine de la Foi, c’est la ruine de la Foi.
c) Troisième erreur de W :
un rite liturgique promulgué par le Pape peut être intrinsèquement mauvais
W attaque Michael Davies car il «refuse toute nocivité intrinsèque au missel de la nouvelle messe, parce que celui-ci a été “solennellement” promulgué par le suprême législateur» (p. 22).
W soutient, avec raison, que le nouveau missel est mauvais. Mais il soutient aussi, à tort, que celui qui l’a promulgué était la légitime autorité de l’Eglise et donc que la légitime autorité peut promulguer un rite mauvais. W ne réussit donc pas à répondre à M. Davies sans nier l’enseignement de l’Eglise selon lequel ses lois, sa discipline, son culte, ne peuvent être nocifs. Pie XII écrit : «Tout au long de son existence séculaire, l’Eglise est réellement régie et gardée par le Saint-Esprit, non seulement dans l’enseignement et la définition de la foi, mais aussi dans le culte, dans les exercices de piété et de dévotion des fidèles. Ce même Esprit la “dirige infailliblement pour la connaissance des vérités révélées” (Const. Ap. Munificentissimus Deus, 1/11/1950, définition dogmatique de l’Assomption)»[68]. De nombreux autres arguments d’autorité, déjà rapportés par l’abbé Ricossa[69], existent : «A ceux qui niaient que les enfants avaient le péché originel St Augustin répondait que l’Eglise les baptisait, et “qui pourra jamais alléguer un argument quelconque contre une Mère aussi sublime ?” (Serm. 293, n° 10). St Thomas, en se demandant si le rit de la Confirmation est convenable, après avoir présenté toutes les objections possibles, répond simplement : “Cependant, tel est l’usage de l’Eglise, qui est dirigée par le Saint-Esprit” ; de fait il ajoute : “Appuyés sur cette promesse du Seigneur à Ses fidèles : ‘là où deux ou trois sont assemblés en Mon Nom, Je suis au milieu d’eux’ (Matth. XVIII, 20), nous devons tenir fermement que les décisions de l’Eglise sont dirigées par la sagesse du Christ, et que, par conséquent, les rits observés par l’Eglise dans ce sacrement [la confirmation] comme dans les autres sont ce qu’ils doivent être” (III, q. 72, a. 12). Telle est, en substance, la réponse que l’Eglise a toujours donnée à tous les hérétiques qui critiquaient l’un ou l’autre de ses rites, ou leur ensemble. Ainsi, furent condamnés les hussites, par le concile de Constance et par le Pape Martin V, lesquels refusaient l’usage de la communion sous une seule espèce (D. 626 et 668) et méprisaient les rites de l’Eglise (D. 665) ; ainsi, le concile de Trente condamna les luthériens, qui méprisaient le rit catholique du baptême (D. 856), la coutume de conserver le Saint-Sacrement au tabernacle (D. 879 et 889), le canon de la Messe (D. 942 et 953), et toutes les cérémonies du missel, les ornements, l’encens, les paroles prononcées à voix basse, etc. (D. 943 et 954), la communion sous une seule espèce (D. 935)... De la même manière, les jansénistes réunis au synode de Pistoia furent condamnés par Pie VI pour avoir amené à penser que “l’Eglise, qui est dirigée par l’Esprit de Dieu, puisse constituer une discipline non seulement inutile (...) mais même dangereuse ou nocive...” (D. 1578, 1533, 1573). En somme, pour faire court, il est impossible que l’Eglise donne du poison à ses fils (D. 1837, Vatican I). Il s’agit d’une vérité “si certaine théologiquement, que la nier serait une erreur très grave ou même, d’après l’opinion de la plupart, une hérésie” (cardinal Franzelin)».
Même sur ce point, donc, pour sauvegarder la légitimité de Paul VI et Jean-Paul II, W doit contredire la doctrine de l’Eglise.
d) Quatrième erreur de W :
une définition dogmatique peut être bonne en elle-même mais mauvaise per accidens,
c’est-à-dire à cause des circonstances
Voici ce que soutient W : “Non pas que la définition du magistère solennel ou extraordinaire infaillible du pape fût une mauvaise chose per se, au contraire, mais per accidens[70], par la méchanceté des hommes, elle a contribué beaucoup à une dévalorisation de la Tradition”[71]. Cette affirmation est très grave, mais révélatrice de l’embarras que la définition de l’infaillibilité crée chez les représentants de la Fraternité. Si une définition infaillible (qui plus est faite solennellement par un Concile Œcuménique) peut causer chez celui qui y croira un mal, même seulement “accidentel”, cela veut dire que le Saint-Esprit, cause de cette définition, est cause du mal chez les bons catholiques !
Autre chose serait de dire : chez celui qui n’a pas cru, la définition a été occasion d’achoppement. Cela est vrai non seulement pour le Concile du Vatican, mais pour tous les autres Conciles ; c’est vrai pour la mort de Jésus sur la Croix, pierre d’achoppement, scandale pour les juifs, folie pour les païens[72] ; pour la Loi de l’Ancien Testament, comme l’explique bien St Paul, qui a été occasion de chute[73]. Mais ni les définitions, ni Notre-Seigneur, ni la Loi n’ont été cause per accidens du mal ; la cause fut seulement la mauvaise volonté de celui qui agit mal, de celui qui ne voulut pas croire.
Mais W pourrait répondre en alléguant la phrase par laquelle il précise sa pensée : «La définition de 1870 a été bonne per se, parce qu’elle a permis d’ancrer les esprits catholiques là où les libéraux faisaient tout pour que tout flotte. Mais dès que la définition fut chose faite, les méchants libéraux ont tout de suite changé de tactique : “Oui d’accord, bien sûr, nous avons toujours cru (hypocrites ! !) qu’il y a un magistère a priori infaillible au sommet de l’enseignement de l’Eglise, mais en-dessous de ce sommet qui ne voit pas maintenant que rien n’est absolument sûr ?”
Et les libéraux de s’en donner à cœur joie pour mettre en doute toute vérité au-dessous de ce sommet constitué par le corps de vérités définies infailliblement selon les quatre conditions de la nouvelle définition de 1870»[74]. Pour W (j’ai déjà cité ailleurs ce qu’il dit) les catholiques répondirent à cette tactique libérale en construisant “un magistère ordinaire infaillible a priori, calqué sur le magistère extraordinaire infaillible a priori, avec seulement trois conditions, ou trois conditions et demie, au lieu de quatre[75]. Mais non, justement ! Il faut quatre conditions et pas seulement trois et demie pour qu’il y ait a priori infaillibilité. Mais ce magistère à trois conditions et demie, était comme nécessaire pour asseoir une vérité catholique dans ces esprits faussement éblouis par le magistère solennel à quatre conditions” (pp. 21-22).
En effet, les “libéraux”, qui, comme W et avant lui, avaient contesté l’opportunité de la définition de l’infaillibilité du Pape, avancèrent un argument semblable à celui auquel se réfère W... Lisons Léon XIII, dans sa condamnation de l’américanisme : “Il importe davantage de signaler une opinion dont on fait un argument en faveur de cette liberté qu’ils proposent aux catholiques. Ils disent à propos du magistère du Pontife romain, que, après la définition solennelle qui a été faite au Concile du Vatican, il n’y a plus d’inquiétude à avoir de ce côté ; c’est pourquoi, ce magistère sauvegardé, chacun peut maintenant avoir plus libre champ pour penser et agir” (évidemment puisque, les américanistes, comme W, pensaient que tout le magistère qui n’était pas ultra-solennel, n’était pas infaillible)[76]. Si W et Léon XIII signalent le même danger, ils ne donnent toutefois pas le même remède ! Pour W il se trouve dans la “Tradition” interprétée sans le magistère. Pour Léon XIII au contraire il n’en est pas ainsi : “Etrange manière en vérité de raisonner ; s’il est en effet une conclusion à tirer du magistère de l’Eglise, c’est, à coup sûr, que nul ne doit chercher à s’en écarter et que, au contraire, tous doivent s’appliquer à s’en inspirer toujours et à s’y soumettre de manière à se préserver plus facilement de toute erreur de leur sens propre” (ibidem) !
Sans motif, donc, W critique l’opportunité de la définition de 1870, en suivant les traces de Döllinger. L’Eglise a jugé bien différemment sur l’opportunité du Concile Vatican I. Le même Pie IX en parle explicitement[77] : “Certes, les vicissitudes de notre époque… attestent avec quelle opportunité la divine Providence a permis que la définition de l’Infaillibilité pontificale fût proclamée alors que la règle droite des croyances et de la conduite allait, au milieu de difficultés si multipliées, être privée de tout appui”.
Pie XI en donne le même jugement[78] : “L’Eglise ne demande rien d’autre que d’être écoutée avant d’être condamnée : d’autant plus facilement est parvenue à tous, au moins aux chercheurs, la connaissance des Actes du dernier Concile, d’autant plus clairement apparaîtra cette ignorance, témérité et audace qu’eurent les ennemis de l’Eglise, quand ils jugèrent comme un crime la décision et les effets de la décision de Notre prédécesseur de Sainte mémoire Pie IX. Quiconque considère attentivement l’ensemble des documents, qui concernent et relatent la longue préparation du Concile et les travaux de cette importante et célèbre assemblée des évêques, doit nécessairement - à moins qu’il ne haïsse la religion et ne soit aveuglé par des préjugés – reconnaître et proclamer que ce n’est pas sans l’inspiration et la protection divine qu’eut lieu la préparation, la convocation et la session du Concile œcuménique du Vatican ; et doit reconnaître que ce Pontife, qui pour tant de mérites est voué à l’éternité et à l’immortalité, ne visait pas tellement l’opportunité contingente - qui était niée par les critiques faibles d’esprit - mais prévoyait et pressentait plutôt les nécessités des temps futurs”.
La définition de l’infaillibilité, opportune en 1870, est encore plus opportune et providentielle pour notre temps, per se et per accidens, même si elle ne l’est pas pour W !
e) Cinquième erreur de W :
les définitions de l’Eglise seraient dues seulement à la diminution de la charité
Nous nous arrêtons rapidement sur ce point. W dit que “au fur et à mesure que la charité se refroidit” les vérités définies augmentent toujours plus[79] : ici il veut presque diminuer la nécessité du magistère, qui ne se révèle plus être une règle stable de notre foi, toujours nécessaire, mais un remède exceptionnel et contingent dû à la méchanceté des hommes. Au contraire, l’histoire nous enseigne que les occasions de définitions de l’Eglise sont multiples : la charité qui se refroidit, des erreurs nouvelles qui voient le jour, l’approfondissement de problèmes théologiques, une plus grande ferveur. Si Léon XIII se prononça sur la validité des ordinations anglicanes, Pie XII sur la matière et la forme de l’Ordre, on comprend bien que la charité n’a rien à y voir. Si Pie IX définit le dogme de l’Immaculée et Pie XII celui de l’Assomption, ce ne fut certes pas à cause d’une moindre dévotion envers la Bienheureuse Vierge Marie ! Et on ne peut pas non plus dire qu’avant la définition il y avait plus de ferveur envers ces dogmes, quand justement beaucoup de catholiques les niaient ! L’Eglise en effet a l’assistance du Saint-Esprit non seulement pour conserver le dépôt révélé, mais encore pour l’expliquer et l’exposer (DS 3070). Même là, en somme, notons que W a des idées préconçues, et que pour cette raison il a un jugement erroné sur beaucoup de choses.
Conclusion
Beaucoup de “traditionalistes” croient qu’embrasser la vraie Foi dans les matières exposées ci-dessus signifie risquer d’accepter tout le Concile Vatican II avec ses réformes. C’est ce qui semble être l’obstacle le plus grave, qui leur empêche de prendre au sérieux la doctrine de l’Eglise comme nous l’avons examinée dans les paragraphes précédents.
La solution de ce nœud a été exposée par la Thèse de Cassiciacum : Il est impossible d’accepter ces réformes, parce que l’acte de Foi à leur égard est métaphysiquement impossible. Si nous croyons par exemple, de foi, que la liberté religieuse est une erreur, comment pouvons-nous croire qu’elle est en même temps une vérité révélée ?
Si nous croyons que l’œcuménisme est mauvais, comment mon intelligence peut-elle croire qu’il est une bonne pratique pour l’Eglise ? Il y a une impossibilité réelle pour mon intelligence d’adhérer à deux propositions contradictoires, toutes les deux proposées à croire par le Magistère : les premières, par celui des Pontifes du passé, les secondes, par celui des “pontifes” du post-concile (Vatican II). Or le Magistère ne peut pas se contredire ni la Foi non plus. Donc l’un des deux est dans l’erreur. Mais si l’un des deux est dans l’erreur, alors cela veut dire, ipso facto, que l’“autorité” qui avait promulgué ce “magistère” erroné n’était pas assistée par le Saint-Esprit. Elle n’était pas formellement l’Autorité[80].
Nous avons montré avec surabondance de documents que le Pape est infaillible avec le Magistère ordinaire ; que ce Magistère traite tant des vérités révélées que des vérités connexes au révélé ; que par ce Magistère infaillible le Pape est la règle prochaine de notre foi.
Etant donné que W n’accepte pas l’autorité des “bons auteurs des manuels [de théologie]”, parce qu’ils “ont d’une certaine façon joué le jeu des libéraux”[81], nous n’avons pas voulu les prendre en considération, mais nous nous sommes limités aux documents du Magistère, du Concile du Vatican et de son explication. Il est possible que W réfute aussi l’autorité de ceux-ci : alors n’y aura-t-il plus aucune autorité intermédiaire entre le fidèle et la Tradition ? Chacun sera-t-il pour lui-même la règle de sa propre foi[82] ? Dans ce cas nous voudrions poser à W quelques questions. S’il avait vécu au temps où l’on discutait sur la validité du Baptême donné par les hérétiques, ou en quel jour il faudrait célébrer Pâques, comment se serait-il comporté ? Aurait-il suivi la “tradition” ou les décisions du Pape ? S’il avait vécu au temps où les jansénistes contestaient l’infaillibilité du Pape sur les faits dogmatiques, à qui aurait-il donné raison ?
Interpréter seul la Tradition, parce que cela nous semble évident ou dans le sens où nous la comprenons, n’est-ce pas cela un subjectivisme dans l’acte de foi, l’acte le plus important pour notre salut ? «On ne peut pas – dit Pie XII - scruter et expliquer les documents de la “Tradition”, en négligeant ou en minimisant le magistère sacré»[83].
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[1] Cf. les trois messages VM des 17 septembre et 02 octobre 2007 :
http://www.virgo-maria.org/articles/2007/VM-2007-10-02-C-00-Societes_secretes_europeennes.pdf
http://www.virgo-maria.org/articles/2007/VM-2007-09-17-A-00-Mgr_Williamson_Muggeridge.pdf
http://www.virgo-maria.org/articles/2007/VM-2007-09-17-B-00-Mgr_Williamson_Actions_US.pdf
[2] Cf. les quatre messages VM des 15, 18 et 20 octobre, et 01 novembre 2007 :
http://sww.virgo-maria.org/articles/2007/VM-2007-10-15-A-00-Blason_Williamson_Cunctator.pdf
http://www.virgo-maria.org/articles/2007/VM-2007-10-18-A-00-Coat-of-arms_Williamson_Cunctator.pdf
http://www.virgo-maria.org/articles/2007/VM-2007-10-20-A-00-Vatican-Homosexuel.pdf
http://www.virgo-maria.org/articles/2007/VM-2007-11-01-A-00-Williamson-Urrutigoity.pdf
[3] Signalons toutefois que nous ne pouvons retenir la thèse à laquelle l’abbé Murro renvoie dans sa conclusion pour résoudre les problèmes posés par Vatican II et les autorités conciliaires. Cette thèse du pape materialiter mais pas formaliter est contredite par les faits. Les seuls travaux de Rore Sanctifica la ruine entièrement : Ratzinger n’est pas ontologiquement évêque et ne peut donc en aucune manière être pape.
[4] Pour le Magistère Ordinaire Universel, cf. Sodalitium n° 40 pp. 36 et ss. ; n° 43 pp. 38 et ss.
[5] http://www.virgo-maria.org/articles/2006/VM-2006-02-05-A01-Document_Refutation_erreurs_sur_infaillibilite.pdf
[6] http://www.virgo-maria.org/articles/2007/VM-2007-11-01-A-00-Williamson-Urrutigoity.pdf
[7] Le sel de la terre, Couvent de la Haye-aux-Bonshommes, F - 49240 Avrillé, n° 23, Hiver 1997-8, pp. 20-22.
[8] Ibidem, p. 20.
[9] En note les Dominicains d’Avrillé expliquent : «Michael Davies est un auteur anglais qui a écrit plusieurs livres pour défendre la Tradition et en particulier Mgr Lefebvre. Pourtant il ne suit pas complètement les positions de Mgr Lefebvre, notamment sur la nouvelle messe. Il est président d’Una Voce».
[10] Pour le Magistère Ordinaire Universel, cf. Sodalitium n° 40 pp. 36 et ss. ; n° 43 pp. 38 et ss.
[11] Conc. Vat. I, Const. dogm. Pastor Æternus, ch. IV, 18-7-1870.
[12] Sodalitium n° 40 p. 37.
[13] Sodalitium n° 43 p. 47. Voir aussi la citation de Mgr d’Avanzo, pp. 42 et 49. Salaverri, Sacræ Theologiæ Summa, Theologia Fundamentalis, T. III De Ecclesia Christi, B.A.C., Madrid 1962. Livre 2, c. 2 a. 2, n° 647-8.
[14] Sodalitium n° 40 p. 37.
8bis Un prêtre qui a lu cet article dans l’édition italienne de Sodalitium a émis l’objection suivante :
«D’après vous le Magistère et le Concile du Vatican ne font pas de distinction entre le magistère ordinaire et le magistère solennel du Pape. Ils ne distinguent certainement pas quand ils parlent de l’un en particulier et non de l’autre, mais c’est une erreur de penser que “ex cathedra” équivaut au magistère ordinaire et au magistère solennel en même temps. Il suffit de voir le canon du Code de Droit Canonique au n° 1323 § 2 : “Prononcer les jugements solennels appartient en propre tant au Concile qu’au Pontife Romain quand il parle ex cathedra”. Du reste cela me semble clair dans les actes de Vatican I. On dirait que vous introduisez cette affirmation pour rappeler une vérité importante qui est que le Pape seul - sans l’Episcopat - peut parler infailliblement fréquemment, et non de manière aussi extraordinaire comme il arrive une fois par siècle ainsi que le croient les minimalistes contredisant le Saint Concile. Mais sur ce point W a raison (seulement sur ce point), en soutenant que ex cathedra est synonyme de “solennel” ; mais il n’a pas raison de penser que cela n’arrive que rarement ou presque jamais. Le Pape est infaillible tous les jours comme premier et principal élément du M.O.U. et non en définissant ex cathedra ; c’est pourquoi, ce type de magistère papal est appelé extraordinaire.
En pratique le Pape définit ex cathedra chaque fois qu’il : définit un dogme de foi, mais aussi quand il définit une doctrine comme certaine, ou la condamne comme hérétique, favorable ou sentant l’hérésie, schismatique, contraire aux oreilles pies. Il définit aussi ex cathedra chaque fois qu’il canonise un St ou (comme il est plus probable) le béatifie, quand il approuve définitivement un Institut de perfection, quand il promulgue des lois universelles disciplinaires ou liturgiques, etc. Dans toutes ces occasions le Pape régnant est infaillible parce qu’il définit ou détermine du haut de la chaire suprême. C’est pourquoi les définitions ex cathedra d’un Pape, qui règne même seulement deux ans, sont très nombreuses. Mais tout cela n’a rien à voir avec le Magistère ordinaire du Pape, qui par sa nature, comme le M.O.U. ne définit pas mais plutôt transmet. S’il y a une définition papale, il y a un jugement solennel, c’est-à-dire ex cathedra».
Tout d’abord nous faisons remarquer que la divergence d’opinions entre Sodalitium et notre critique, pour importante qu’elle soit, ne touche pas le fond de la question : nous sommes tous les deux convaincus de la grande extension de l’infaillibilité du Magistère papal, et ce contre la Thèse de W et de la Fraternité.
Quant à la Thèse qui nous critique, bien qu’étant respectable, elle est très loin d’être aussi sûre que nous la présente notre contradicteur. A ce propos il nous semble suffisant de citer l’abbé Bernard Lucien : «Précisons encore que parmi les partisans d’une “vision large” de l’infaillibilité pontificale, on peut découvrir (au moins) trois catégories :
- les uns tiennent que la définition de Vatican I est effectivement très restreinte (c’est-à-dire que les cas d’infaillibilité qu’elle décrit sont rares), mais qu’elle n’est nullement restrictive (c’est-à-dire qu’elle n’exclut nullement qu’il y ait infaillibilité en d’autres cas) ;
- d’autres admettent que la définition de Vatican I est restrictive, mais ils reconnaissent qu’en elle-même elle est large ;
- d’autres enfin - parmi lesquels nous nous insérons - tiennent à la fois que la définition de Vatican I est large et qu’elle n’est pas restrictive» (Bernard Lucien, L’infaillibilité du Magistère Pontificale Ordinaire, in Sedes Sapientiæ, n° 63, p. 42).
A ce qu’il nous semble notre contradicteur peut être classé dans la seconde catégorie, tandis que nous nous plaçons, avec l’abbé Lucien, dans la troisième. Quant à l’objection déduite du canon 1323 § 2 du Code de Droit canonique, il est facile de répondre, que le Code n’établit pas une identité entre jugement solennel et locution ex cathedra : tout jugement solennel, pour le Code, appartient au Pape qui parle ex cathedra ou au Concile œcuménique, d’accord ; mais le Code ne dit pas que le Pape qui parle ex cathedra, le fait en s’exprimant seulement de manière solennelle. C’est pourquoi l’abbé Lucien peut, malgré le canon 1323 § 2 qu’il cite à la page 38, établir comme une caractéristique du courant minimaliste sur l’infaillibilité du Pape la position qui identifie jugements solennels et locutions ex cathedra (p. 45).
[15] Clément VI, “Lettre Super quibusdam à Mekhithar, Catholicos des Arméniens”, 29-9-1351, DS 1064.
[16] Pie XI, Mortalium animos, 6-1-1928. DS 3683. Le texte est rapporté in E. P. n° 871.
[17] Pie XI, Casti Connubii, 31/1/1930, E. P. n° 905.
[18] Pie XII, Humani Generis, 12-8-1950, E. P. n° 1280.
[19] Pie XII, Commossi, 4-11-1950, E. P. n° 1295.
[20] Les membres de la Députation de la Foi étaient vingt-quatre, choisis par les Pères, et le président, le Cardinal Bilio, avait été nommé par Pie IX.
[21] 84ème Congrégation générale, 11-7-1870, Mansi, 1204-18.
[22] Mgr Gasser, ibidem, Mansi, 52, 1225.
[23] Mgr Gasser, ibidem, Mansi, 52, 1214.
[24] Ibidem, Mansi 52, 1225.
[25] Grégoire XVI, Mirari vos, 15-8-1832, DS 2730.
[26] Grégoire XVI, Singulari quadam, 25-6-1834, E. P. “La paix intérieure des nations”, n° 29.
[27] Humani Generis, 12-8-1950 : “Certains sont d’avis qu’ils ne sont point liés par la doctrine que Nous exposions (...) en notre encyclique et qui s’appuie sur les sources de la révélation, à savoir que le Corps mystique du Christ et l’Eglise catholique romaine sont une seule et même chose”. E. P., L’Eglise, n° 1282.
[28] L’objet de l’infaillibilité de l’Eglise et du Pape est double : ce qui est contenu formellement dans la Révélation, est appelé objet primaire ; ce qui est connexe (lié) nécessairement à la Révélation, est appelé objet secondaire. Le sujet a été traité in Sodalitium n° 40, pp. 40-47.
[29] Mgr Gasser, ibidem, Mansi 52, 1226 : “D’autres vérités (...) quoique non révélées, sont cependant nécessaires pour la conservation, l’explication et la confirmation des vérités révélées. De telles vérités, parmi lesquelles il faut compter les faits dogmatiques, en tant que sans eux le dépôt de la foi ne pourrait être ni conservé ni expliqué, n’appartiennent pas, il est vrai, directement au dépôt de la foi, mais sont une condition nécessaire de la garde de ce dépôt. C’est pourquoi la doctrine unanime des théologiens catholiques est que l’Eglise est infaillible aussi dans la proclamation authentique de ces vérités, et que le rejet de cette Infaillibilité serait une très grave erreur.
Les avis ne diffèrent que sur le degré de certitude avec lequel les théologiens soutiennent cette Infaillibilité : doit-elle être regardée comme un dogme de foi dont la négation serait une hérésie, ou bien est-elle une simple déduction d’une vérité révélée et n’est-elle pas, par suite, que théologiquement certaine ? Puisqu’il en est de l’Infaillibilité pontificale comme de l’Infaillibilité de l’Eglise, cette même question se pose ici aussi ; mais comme les membres de la Députation de la Foi ont unanimement décidé de ne pas résoudre maintenant cette question, il suit nécessairement qu’on ne définit maintenant qu’un seul point (…) : l’obligation de croire sur l’objet de l’Infaillibilité pontificale la même chose que sur celui de l’Infaillibilité de l’Eglise”. Cf. TH. Granderath S. J., Histoire du Concile du Vatican, depuis sa première annonce jusqu’à sa prorogation d’après les documents authentiques, T. 3, 2ème p., p. 114-115.
[30] Mgr Gasser, 86ème Congr. Générale, 16-7-1870, Mansi 52, 1316.
[31] Salaverri, op. cit., Epilogue, n° 909-910.
[32] Amendements proposés au ch. IV de la Constitution De Ecclesia, 7-7-1870, Mansi, 52, 1135.
[33] Mgr Gasser, 84ème Congr. générale, 11-7-1870, Mansi 52, 1229.
[34] Constitution dogmatique Dei Filius, définie le 24-4-1870, DS 3018.
[35] Abbé Bernard Lucien, L’infaillibilité du Magistère ordinaire et universel de l’Eglise, Documents de Catholicité, Bruxelles 1984. Annexe, pp. 131-146. Sodalitium n° 40, pp. 49-50.
[36] P. Kleutgen, dans l’exposé théologique du schéma sur l’Eglise, au Concile, Mansi 53, 330 B, cité par B. Lucien, op. cit., p. 135.
[37] “Non videtur requiri, ut documentum quod definitionem continet, ad universam Ecclesiam immediate dirigatur ; sufficit ut toti Ecclesiæ destinetur, licet proxime forsan dirigatur ad episcopos alicuius regionis in qua damnandus error grassatur” (Zapelena, De Ecclesia Christi, pars altera, Thèse 18, p. 195).
[38] Grégoire XVI, Non sine gravi, à l’évêque de Fribourg, 23/5/1846, E. P., n° 190.
[39] Mgr Gasser, ibidem, Mansi 52, 1225.
[40] “Avec jugement”, “déterminer avec jugement”, “discerner avec autorité”, “avec autorité apostolique”, “parler en tant que pape”.
[41] Actes de la Députation de la Foi : Relation du P. Joseph Kleutgen sur le schéma réformé, Mansi, 53, 326-9.
[42] Mgr de Ségur, Le Pape est infaillible, Paris 1872, p. 192, ouvrage approuvé par Pie IX le 8-8-1870.
[43] Mgr Gasser, ibidem, Mansi 52, 1206. Cf. Granderath, op. cit., p. 94.
[44] Mgr Gasser, ibidem, Mansi 52, 1207. Cf. Granderath, op. cit., p. 96.
[45] Mgr Gasser, ibidem, Mansi 52, 1207.
[46] St Jérôme, Ad Damasum Papam, Migne, P. L. XXII, 356, cité par Gasser.
[47] St Jérôme, Enarrationes in Psalmos, XL, 30, Migne, P. L. XIV, 1082, cité par Gasser.
[48] Mgr Gasser, ibidem, Mansi 52, 1215.
[49] Mgr de Ségur, op. cit., p. 192.
[50] Mgr de la Tour d’Auvergne, en demandant la condamnation du gallicanisme, cita une Lettre de Clément XI (Litt. apost. archiepiscopis et episcopis aliisque ecclesiasticis viris Parisiis congregatis, 15-1-1706) dans laquelle, puisque certains évêques considéraient que les décrets du St-Siège devaient être soumis à l’examen des évêques, le Pape le réprimanda ainsi : “Qui vous a constitués juges au-dessus de nous ? Peut-être appartient-il aux inférieurs de discerner sur l’autorité du supérieur ? Qu’il soit dit pour votre paix, vénérables frères, que cette chose ne peut en aucun cas être tolérée… Interrogez vos aînés, et ils vous diront qu’il n’appartient pas aux évêques particuliers de discuter sur les décrets du siège apostolique, mais de les accomplir”. 75è Congr. générale, 20-6-1870, Mansi, 52, 820-1.
[51] Mgr Maupas, évêque de Zara, en affirmant la nécessité de la définition dit : “Le caractère de notre temps et surtout le danger de corruption qui ne cesse de menacer les fidèles d’aujourd’hui exigent [la définition] : l’infaillible magistère de l’Eglise doit veiller sans cesse à condamner les erreurs qui, sous le faux nom de science, se multiplient de toute part et redressent la tête. Oui, la définition est nécessaire, car sans elle le magistère infaillible de l’Eglise n’existerait qu’in abstracto ; en fait il ferait défaut, vu l’impossibilité de réunir continuellement tous les pasteurs de l’Eglise, ou même de les interroger tous”. Intervention à la 76è Congr. générale, 23-6-1870, Mansi 52, 837. Voir aussi : TH. Granderath, op. cit., p. 38.
[52] L’intervention de Mgr Freppel est d’un relief particulier. Appelé à Rome comme consultant dans les commissions préparatoires, durant le Concile il fut consacré évêque. Les anti-infaillibilistes voulaient introduire, dans le texte de la définition, certaines conditions pour l’infaillibilité du Pape (parmi lesquelles la consultation des évêques, la recherche diligente, l’enquête sur les sources, etc.). Bien que les conditions dont parle W soient très différentes de celles réclamées à l’époque, la réponse de Mgr Freppel est éclairante puisqu’elle démontre que l’on ne doit pas introduire d’autres conditions, sinon “on ouvrirait le plus vaste champ aux subterfuges des hérétiques” qui mettraient toujours en doute si le Souverain Pontife a justement et suffisamment observé les conditions requises pour l’infaillibilité. 81è Congr. générale 2-7-1870, Mansi 52, 1038-41. Cf. Granderath, op. cit., p. 85.
[53] Le sel de la terre, op. cit., p. 21, note 1.
[54] Pie IX, Tuas libenter, 21/12/1863, à l’archevêque de Munich, DS 2875-80, in Sodalitium n° 40, L’infaillibilité de l’Eglise, pp. 48-49.
[55] “Puisque l’homme dépend totalement de Dieu comme son créateur et Seigneur et que la raison créée est soumise complètement à la Vérité incréée, nous sommes tenus, quand Dieu se révèle, à lui prêter, avec la foi, la pleine soumission de notre intelligence et de notre volonté” Conc. Vatican, Const. dogm. Dei Filius, ch. 3 De fide, 24-4-1870, DS 3008. Voir aussi ce que j’ai dit à propos de la 4è condition.
[56] Sodalitium n° 43, pp. 40-47 ; n° 40, pp. 47-49.
[57] Le sel de la terre, op. cit., p. 22.
[58] St Augustin, Contra epistulam manichei, 5, 6. R.J. 1581.
[59] Newman avant de se convertir étudia la Tradition et se convertit en voyant que les Pères étaient soumis au jugement de l’Eglise de Rome. Le Pontife Romain en effet n’est jugé par personne, pas même par la Tradition : au contraire, c’est lui qui juge la Tradition.
[60] Sodalitium n° 43, pp. 31-34.
[61] Pie XII, Humani Generis, 12-8-1950, DS 3884-5 et E. P. n° 1278-9.
[62] C.J.C., can. 1324 ; Conc. Vat., De Fide cath., DS 3045.
[63] St Thomas, Somme théologique, II II, q. 5, art. 3 ; q. 1, art. 10.
[64] Léon XIII, Sapientiæ Christianæ, 10-1-1890, E. P. nn° 510, 511, 512, 513.
[65] En italique dans le texte. St Pie X, Grand Catéchisme, Petite Histoire de la Religion, Itinéraires, D. M. M., Paris 1978, p. 354.
[66] Mgr Gasser, ibidem, Mansi 52, 1207.
60 bis St Irénée, Adv. haer. III, 3, 1. 2. TH. Granderath, op. cit., pp. 96-97.
[67] Zubizaretta, Theologia dogmatico-scholastica, III, n° 366. A ce propos Marin Sola O.P., écrit (L’Evolution homogène du dogme catholique, n° 149 et ss.) commentant St Thomas, II, II, 5, 3, ad 2um : “Quiconque cherche à adhérer à la Vérité Première de l’Ecriture et de la Tradition par un autre chemin que l’Autorité de l’Eglise, n’a pas une vraie foi divine, mais une autre foi, une foi à lui, une foi créée, humaine : une foi scientifique ou acquise. (…) L’homme ne peut parvenir à l’assentiment de foi divine, que par un seul moyen : l’autorité de l’Eglise. Sans ce moyen, l’acte de notre foi divine est totalement impossible”.
[68] Pie XII, Inter complures, 24/10/1954, E. P., L’Eglise, II, 1389.
[69] F. Ricossa, préface à A. V. Xavier da Silveira, La nuova messa di Paolo VI, Ferrara, ed. pro manuscripto, pp. 4-6.
[70] En note les dominicains d’Avrillé expliquent : «Les expressions per se et per accidens, signifient ici que, dans le premier cas, la conséquence suit l’essence de la chose, dans le deuxième cas, cette même conséquence arrive à cause de circonstances en soi indépendantes de la chose (ici, la circonstance déterminante est “la méchanceté des hommes” actuels)».
[71] Le sel de la terre, op. cit., p. 20.
[72] I Cor. I, 23.
[73] Rom. VII, 7 et ss.
[74] Le sel de la terre, op. cit., p. 21.
[75] Selon W, seul le magistère solennel est infaillible, et pour qu’il y ait magistère solennel il faut les quatre conditions. S’il en manque une seule (ou une demie, comme il dit), il n’y a plus magistère solennel ni infaillibilité.
[76] Léon XIII, Lettre au cardinal Gibbons, Testem benevolentiæ, du 22 janvier 1899, E. P., L’Eglise, I, 633.
[77] Pie IX, Lettre à un évêque d’Allemagne, 6-11-1876, E. P. n° 437.
[78] Pie XI, Epist. ad R. P. D. Ludovicum Petit, 5-XI-1924, in A.A.S., Polyglottis Vaticanis 1924, Epistula VIII, p. 463.
[79] Le sel de la terre, op. cit., p. 22.
[80] H. Belmont, L’exercice quotidien de la Foi dans la crise de l’Eglise. Bordeaux 1984, pp. 12-13 et Brimborions, Grâce et vérité, Bordeaux 1990, pp. 51-69.
[81] Le sel de la terre, op. cit., p. 22.
[82] Les définitions du Magistère solennel en effet sont rares et ne recouvrent pas tout le révélé, ni toute la doctrine catholique.
[83] Pie XII, Inter complures, 24/10/1954, E. P., L’Eglise, II, 1389.