Symposium Pascendi : 9, 10 et 11 novembre 2007

Paris

Sous la Présidence de Mgr Tissier de Mallerais

Conférence de Mgr Bernard Tissier de Mallerais (FSSPX)[1]

 ‘Actualité de Pascendi : l’hydre moderniste toujours vivante’

«Mesdames et Messieurs, Chers fidèles catholiques,

Vous êtes venus pour écouter la voix du magistère de l’Eglise par Saint Pie X de son encyclique Pascendi.

Le 8 septembre 1907, il y a donc 100 ans, le Pape saint Pie X, avec une fine analyse, a condamné, par son encyclique Pascendi, une singulière et nouvelle hérésie. Cette hérésie ne consistait pas, comme les précédentes, à nier telle ou telle vérité de Foi, à faire un choix entre les vérités à croire (puisque le mot hérésie, en grec, signifie faire un choix) mais, le modernisme était une hérésie qui consistait à changer et à pervertir la notion même de la Foi. «Ce n’est point aux branches et aux rameaux, dit St Pie X, que les modernistes ont mis la cognée, mais c’est à la racine même, c’est-à-dire à la foi, et à ses fibres les plus profondes»: Pascendi n° 1.

Le but de mon petit exposé est d’abord de vous montrer les origines du modernisme. Ensuite nous verrons le modernisme tel que St Pie X l’a condamné, les implications actuelles du modernisme, spécialement l’exégèse, l’historicis-me, c’est-à-dire l’évolution du dogme et enfin la révision et la relecture moderne des grands dogmes de l’incarnation, de la rédemption et du Christ Roi. C’est un petit peu un exposé à la fois historique et en même temps très actuel et je crois que je vais davantage traiter l’actualité du modernisme que l’actualité de Pascendi.

Table des matières

1.       L’origine du modernisme. 14

1.1.      Chez Kant : La négation de la réalité des êtres. 15

1.2.      Kant professe l’inconnaissance des êtres immatériels. 15

1.3.      La ruine du principe de causalité, de la théodicée. 15

1.4.      L’application à la morale : la finalité surnaturelle niée. Dieu devient une adjonction à la morale. 16

2.       Le modernisme tel que saint Pie X l’a condamné. 16

2.1.      Saint Pie X dévoile les deux principes de Kant à la racine du modernisme. 16

2.2.      L’immanentisme de la foi moderniste. 16

2.3.      Le double mouvement de la foi moderniste : du dedans (création vitale) vers le symbole et, en sens inverse, du symbole-dogme vers l’interprétation vitale. 17

2.4.      L’essence du modernisme : les dogmes ne sont que des symboles. 17

2.5.      L’invention moderniste : le Jésus de l’histoire et le Christ de la Foi 18

2.6.      Application de Husserl à la Foi : le réel révélé évacué et remplacé par le vécu de la Foi 18

2.7.      Le moderniste se détourne de la réalité pour appréhender ses problèmes psychologiques par des symboles  19

3.       Dans 3 articles de Foi, Ratzinger nie la réalité du mystère. 19

3.1.      « est descendu aux Enfers » : le symbole de la déréliction moderne par l’absence de Dieu. 19

3.2.      « est ressuscité des morts » : la réanimation du Corps de Jésus remplacé par la survie par l’amour 20

3.3.      « est monté aux Cieux » : l’Ascension dans le Cosmos ramenée à un lieu psychologique. 20

4.       La méthode moderniste chez Ratzinger-Benoît XVI : herméneutique et historicisme. 20

4.1.      L’occultation par Ratzinger de la réalité physique du mystère, le sens littéral étant ignoré. 20

4.2.      Le récent « Jésus de Nazareth » de Ratzinger affirme la notion d’évolution dans l’interprétation de l’Ecriture Sainte. 21

4.3.      L’exégèse devient un art herméneutique qui réduit les faits fabuleux à des phénomènes psychologiques. 21

4.4.      Ratzinger puise chez Dilthey, le père de l’herméneutique et de l’historicisme. 21

4.5.      Le discours du 22 décembre 2005 de Ratzinger : illustration de l’historicisme et de l’herméneutique. 22

5.       Ratzinger applique la méthode moderniste aux 3 dogmes : Incarnation, Rédemption, Christ-Roi 23

5.1.      Le dogme de l’Incarnation, revisité par Ratzinger à la lumière de l’existentialisme de Heidegger 23

5.2.      Le dogme de la Rédemption, revu  par Ratzinger selon la dialectique de Hegel et l’existentialisme de  Gabriel Marcel 23

1.          Saint Anselme voit dans la Croix un sacrifice expiatoire. 24

2.          Négation aujourd’hui du sacrifice de la Croix. 24

3.          La Croix devient : Jésus a aimé pour nous. 24

4.          La Croix devient une pure exemplarité. 25

5.          La Croix est dématérialisée, elle devient une idée platonicienne, Jésus est décrucifié. 25

6.          Le Sacerdoce est réduit au pouvoir d’enseignement 26

5.3.      La Royauté Politique et Sociale de Notre Seigneur Jésus-Christ revue par Ratzinger à partir du personalisme d’Emmanuel Mounier 26

6.       Conclusion : un super-modernisme sceptique, pour Ratzinger les dogmes ne sont que des symboles. 27

6.1.      Le Dieu d’Emmanuel Kant 27

6.2.      Le Dieu de Kant est le Dieu de Ratzinger 27

6.3.      Face au super-modernisme, le remède se trouve dans Saint Thomas d’Aquin. 28

1.   L’origine du modernisme.

On peut le dire, l’origine du modernisme, c’est l’idéalisme kantien. L’origine de la foi subjective des modernistes c’est l’idéalisme d’Emmanuel Kant (1724-1804)

1.1. Chez Kant : La négation de la réalité des êtres

Kant

Pour le philosophe de Koënigsberg, en Prusse orientale, qui était le contemporain de Jean-Jacques Rousseau, nos idées générales, nos principes, ne tiennent pas leur nécessité de la nature des choses qui est inconnaissable (l’intelligence est incapable de connaître la nature des choses : ce qu’est un chat, ce qu’est un chien, ce qu’est l’homme, l’intelligence ne peut pas le connaître).

D’où viennent nos idées générales et nécessaires ? Elles viennent de la seule raison et non pas des choses. Elles viennent de notre raison et de ses catégories subjectives innées. Par exemple, l’idée de substance, l’idée de cause sont des catégories subjectives de mon intelligence et non pas des genres de l’être réel. La raison seule structure le réel et lui donne son intelligibilité.

Si nous pouvons comprendre une chose, ce n’est pas parce qu’elle est intelligible, mais parce que nous la structurons, nous la faisons rentrer dans les cadres de nos catégories subjectives. Il faut dire que la science physique moderne a suivi cet idéalisme avec succès en tenant que le monde physique reste opaque à la raison, que nous ne pouvons pas connaître la nature ou le sens des choses, que nous ne pouvons avoir que des représentations mathématiques du monde physique ou symboliques, avec des notions d’énergies, d’ondes, et des choses comme cela qui sont des symboles mathématiques.

Et nous n’avons que des théories scientifiques approchées et jamais adéquates au réel et toujours perfectibles. Voyez donc le succès de Kant dans l’ordre des sciences physiques. Le malheur c’est que l’on va vouloir appliquer cela à la philosophie et à la religion.

1.2. Kant professe l’inconnaissance des êtres immatériels

Kant ne voit pas que les êtres réels, l’essence des choses, par exemple, ou alors l’être même, l’existence, ou encore l’Etre premier, la cause première, Kant ne voit pas que ces réalités sont au contraire souverainement intelligibles en elles-mêmes et d’autant plus intelligibles que ces êtres sont plus immatériels. La consé-quence de cette inconnaissance, qu’on appelle aussi agnosticisme (on ne peut pas connaître l’être des choses, on ne peut pas connaître l’être en tant que tel, ce qu’on appelle l’être en tant qu’être, ce que c’est qu’exister, on ne peut pas le connaître dit Kant) c’est que l’analogie de l’être est indéchiffrable. Il n’y a pas entre tous les êtres qui existent un rapport d’analogie qui puisse aider à raisonner de l’un à l’autre.

1.3. La ruine du principe de causalité, de la théodicée

Egalement, le principe de causalité (tout effet s’explique par une cause) n’a aucune valeur métaphysique, c’est-à-dire ontologique, si bien que la conséquence c’est qu’une quelconque analogie entre les créatures et le créateur est incon-naissable. Vouloir remonter des créatures au créateur, pour dire quelque chose de Dieu, c’est impossible, parce que l’analogie de l’être ne vaut pas. Dire que Dieu est l’Etre Premier, ça n’a aucun sens, ça serait presque un blasphème pour Kant. L’analogie de l’être n’existe pas.

De même l’analogie entre le bien sensible objet du désir, et le bien honnête, objet de la raison : Il n’y a aucun rapport, il n’y a aucun raisonnement à partir du désir naturel des choses sensibles pour expliquer le désir naturel spirituel du bien. Donc, la raison ne peut connaître, d’après Kant ni l’existence, ni les perfections de Dieu.

C’est donc ruiner ce que l’on appelle la théologie naturelle, la théodicée, la connaissance de Dieu par la simple raison. Et pourtant le concile Vatican I a bien rappelé que nous pouvons connaître l’existence et les perfections divines à partir des créatures. Et bien Kant nie cela. Nous ne pouvons, par notre raison, connaître ni l’existence, ni les perfections de Dieu.

De même, autre conséquence, les analogies révélées dans l’évangile, dans la Bible, que Dieu a utilisé pour nous parler qui nous dévoilent ses mystères surnaturels, sont fatalement des métaphores, puisqu’il n’y a aucun rapport entre Dieu et sa créature. Tout ce que Dieu nous dit ce sont des métaphores. Par conséquent toute parole de Dieu ne peut être qu’allégorique et tout discours humain sur Dieu, inversement ne peut être que mythologique. C’est l’application à la religion.

1.4. L’application à la morale : la finalité surnaturelle niée. Dieu devient une adjonction à la morale.

Enfin, l’application à la morale de cet agnosticisme kantien : En morale, l’acte bon, vertueux, n’est pas celui qui a un objet et une fin conformes à la nature (inconnaissable), mais c’est l’agir dans l’indépendance de tout objet et de toute fin, par pur devoir, pour respecter en soi-même, l’humanité, dit Kant. Et comme une telle vertu a pu agir par pur devoir, par respect envers l’humanité en soi, comme une telle vertu est quasi stoïcienne et ne coïncide pas avec le bonheur ici-bas, (l’homme vertueux n’est pas vraiment heureux) eh bien elle postule l’existence d’un Dieu rémunérateur dans l’au-delà et donc l’existence de Dieu découle simplement d’un besoin d’une récompense ou d’une sanction éternelle de la vertu.

Donc Dieu n’est pas la clef de la morale. Dieu est une adjonction accidentelle de la morale. La nature humaine est inconnaissable, nous n’en connaissons pas les lois, nous n’en connaissons pas l’auteur, Dieu n’est pas l’auteur de la nature humaine, Dieu n’est pas l’auteur de la loi morale, Dieu sert comme d’une adjonction accidentelle à la morale. Voilà donc l’origine du modernisme : l’idéalisme kantien.

2.   Le modernisme tel que saint Pie X l’a condamné

Venons-en au modernisme, condamné par saint Pie X.

2.1. Saint Pie X dévoile les deux principes de Kant à la racine du modernisme

Saint Pie X

L’idéalisme de Kant réside donc dans deux principes cohérents entre eux : l’inconnaissance métaphysique et morale qu’on appelle l’agnosticisme (on ne peut pas connaître la nature des choses, on ne peut pas connaître ce que c’est que l’action bonne) et d’autre part, deuxième principe, l’autonomie de la raison théorique et de la raison pratique qu’on nomme l’immanentisme, c’est-à-dire que toute connaissance sort du sujet et toute bonté morale vient du sujet et non pas de l’objet. Donc les deux principes de la philosophie kantienne sont l’agnosticisme (l’ignorance des natures et de Dieu) et l’immanentisme (toute connaissance vient du sujet, de ses catégories subjectives).

Ce sont ces deux principes que saint Pie X découvre dans le modernisme, dans la conception purement subjective de la Foi. Pour la foi catholique, son objet est proposé de l’extérieur. Je parle de la Foi catholique. L’objet est présenté de l’extérieur par l’autorité divine, elle est présentée par le magistère de l’Eglise. Et cet objet extérieur, le mystère divin, s’impose à mon intelligence en raison de l’autorité de Dieu qui révèle et non pas par l’autorité de ma raison. Donc la foi catholique vient de l’extérieur, les mystères divins qui nous sont présentés de l’extérieur, par Dieu et par l’Eglise, et auxquels j’adhère avec mon intelligence à cause de l’autorité de Dieu qui révèle et qui est souverainement vérace, qui ne peut ni se tromper, ni nous tromper.

2.2. L’immanentisme de la foi moderniste

Au contraire, la foi moderniste vient du dedans de moi-même, d’où le mot immanence ou immanentisme, (in manere = demeurer en), ça vient de l’intérieur, voilà la différence.

La Foi catholique vient de l’extérieur, de mystères objectifs que je n’ai pas faits, qui s’imposent à moi. Au contraire, la foi moderniste vient de mon intérieur, elle est immanentiste, elle est l’émanation du besoin religieux dit saint Pie X, ou encore cette Foi moderniste est l’expression de mon expérience religieuse de croyant. Donc à la racine du modernisme, il y a l’expérience religieuse. Chacun doit dans sa vie faire une expérience originelle d’où jaillit sa foi. Vous voyez l’erreur. Qui va faire une expérience originelle ?

Il y a des grâces mystiques, mais c’est pas le commun des fidèles. Donc la Foi, pour les modernistes, est l’émanation du besoin religieux ou l’expression de l’expérience religieuse du croyant.

Ensuite, deuxième étape, la foi va «objectivi-ser», excusez-moi ce barbarisme, ou objectiver, mais disons «objectiviser» c’est mieux. La foi va objectiviser et concrétiser son expérience subjective par des symboles imagés que sont les récits évangéliques. Par exemple le récit de l’Ascension de Notre Seigneur Jésus Christ qui va imager et exprimer, le pouvoir de souverain juge de Jésus : il est monté au ciel pour être notre souverain juge par exemple.

Donc mon expérience originelle va être objectivisée par des symboles imagés que sont les récits évangéliques, puis les formules représentatives de ces symboles qui sont les dogmes. Voilà comment les modernistes expriment les origines des évangiles et des dogmes.

2.3. Le double mouvement de la foi moderniste : du dedans (création vitale) vers le symbole et, en sens inverse, du symbole-dogme vers l’interprétation vitale

Ce sont de purs symboles de ma foi subjective. Donc, si vous voulez, dit d’une autre manière, la foi moderniste a un double mouvement. D’abord historiquement, un mouvement centrifuge, qui va de l’intérieur vers l’extérieur, un mouve-ment de création vitale, de transformation de mon expérience originelle, en symbole expressif de cette expérience, et l’Eglise, de ces symboles, a fait des dogmes. Et puis, ensuite, un deuxième mouvement centripète, qui va de l’extérieur vers l’intérieur à la suite des temps par lesquels le croyant va vers une interprétation vitale des symboles et des formules des dogmes que nous donne l’Eglise pour vivre ma foi. Pour vivre ma foi, je dois interpréter les dogmes vitalement, pour en vivre, pour intérioriser ma croyance et qu’elle devienne ainsi source de vie intérieure. Remarquez bien que le principe est juste, ma foi doit être source de vie intérieure, seulement le modernisme entend par cette intériorisation une déformation. Nous allons voir.

2.4. L’essence du modernisme : les dogmes ne sont que des symboles

C’est ce que l’on appelle l’intériorisation des dogmes pour les vivre. Saint Pie X a analysé ce double processus centrifuge et centripète, et a dégagé l’essence du modernisme qui est, il me semble, d’affirmer que les dogmes ne sont que des symboles. Quelques citations pour faire ressortir cette vérité qui complète ce que mes confrères ont dit au sujet du modernisme. Je cite saint Pie X dans Pascendi : «C’est l’office de l’intelligence (d’abord il y a le sentiment et ensuite il y a l’intelligence. Le sentiment c’est l’expérience puis ensuite l’intelligence va faire les dogmes) faculté de pensée et d’analyse dont l’homme se sert pour traduire d’abord en représentations intellectuelles, puis en expressions verbales, les phénomènes de la vie dont il est le théâtre. C’est l’intelligence qui va interpréter mes sentiments pour en faire des symboles. De là ce mot devenu banal chez les modernistes : «L’homme doit penser sa foi». Fin de citation.

Donc le produit de cette pensée ce sont les formules de foi. Je cite : «celles-ci venant à être reçues par le magistère de l’Eglise deviennent des dogmes» fin de citation, numéro 12.

Autre citation, numéro 13, ces formules de foi constituent entre le croyant et sa foi, une sorte d’entre deux. Par rapport à la foi, ces formules ne sont que des signes inadéquats de son objet.

Dire que Jésus est le fils de Dieu c’est un signe inadéquat de la réalité. Vulgairement ce sont des symboles. La notion de fils de Dieu c’est un symbole d’une réalité qui n’est pas forcément la divinité de Jésus. Je continue la citation N° 13 : «d’où l’on peut déduire que les formules dogmatiques ne contiennent point la vérité absolue. Comme symboles, elles sont des images de la vérité».

Conséquence, n°16 : «La doctrine de l’expérience, jointe à la doctrine du symbolisme consacre comme vraie toute religion puisque toute religion fait des expériences religieuses qui a des dogmes. L’islam a ses dogmes, l’islam a ses symboles. Donc toute religion qui a une expérience et un symbolisme, toute religion est vraie. Je retiens ici de ces textes de saint Pie X, l’essence du modernisme c’est l’expérience religieuse et le symbolisme.

A la racine, il y a une expérience religieuse et ça abouti à des symboles. Les dogmes ne sont que des symboles qui m’aident à… Nous allons voir, n’allons pas trop vite.

Les symboles ont un double rôle : extérioriser la foi subjective en la rendant objective, communicable en Eglise, et le magistère consistera à contrôler et à vérifier et à unifier l’expérience commune des fidèles en Eglise. Par exemple, au cours de la célébration eucharistique : expérience commune. Le magistère contrôlera et unifiera l’expérience commune par l’unique sujet Eglise comme dit le cardinal Ratzinger. Et réciproquement, les symboles ont un autre rôle d’intérioriser les croyances communes, (divinité de Jésus Christ), grâce à leur puissance d’évocation des états d’âme du croyant. Jésus Christ fils de Dieu, eh bien ça met en acte, en activité, mon état d’âme de me considérer aussi comme fils de Dieu, par exemple. Les symboles aident à évoquer mes états d’âme. Il suffit de décrypter le sens métaphorique des symboles dogmatiques. Saint Pie X donne un exemple : Le Christ de l’Histoire est le Christ de la foi. Je résume : le Christ de l’His-toire, le christ historique qui a réellement vécu, c’était un pur homme. Mais un homme d’une nature exceptionnelle (!) dit saint Pie X pour expliquer le modernisme. N° 11

Ce pur homme d’une nature exceptionnelle a été sublimé par la foi des premiers chrétiens en un Christ de la foi qui lui est le fils de Dieu et qui a fait des miracles. N° 10.

2.5. L’invention moderniste : le Jésus de l’histoire et le Christ de la Foi

Donc il y a un double Christ : le Christ réel, historique qui n’était pas Dieu, qui était un peu extraordinaire, et puis le Christ de la foi, qui est dieu et qui a fait des miracles. Peut-on concilier les deux ? Le moderniste, s’il est philosophe et historien va nier que selon la réalité historique le Christ soit Dieu et s’il est exégète, il suspendra son jugement sur la divinité du Christ. «Nous n’en pouvons rien dire. Tout ça c’est des symboles». Mais, si le moderniste est croyant, parce qu’il se dit croyant, il affirmera la divinité de Jésus parce qu’il considère la vie de Jésus Christ comme vécue à nouveau par la foi et dans la foi, par lui-même croyant.

Donc voyez cette dichotomie de Jésus Christ : Le Christ de l’Histoire et le Christ de la Foi que le moderniste réconci-lie. S’il est exégète il dira : «on ne peut rien en dire» et s’il est croyant, ou s’il se prétend croyant, il dira, oui je crois à la divinité de Jésus Christ parce que ça m’aide à vivre intérieurement ma foi. Au fond, peu importe au moderniste la réalité extra mentale de ce qu’il croit, l’important est que ce qu’il croit, à savoir des symboles l’aident à évoquer ses problèmes psychologiques et à les situer et à les résoudre.

2.6. Application de Husserl à la Foi : le réel révélé évacué et remplacé par le vécu de la Foi

Loisy                                   Husserl

On a ici une petite application à la fois de la théorie du philosophe allemand Edmund Husserl[2], fondateur de l’école phénoménologique. Il y a, disons, une ressemblance. Pour Husserl, le monde extérieur tel qu’il est n’a aucun intérêt. Ce qui compte c’est le vécu existentiel, le vécu représentatif, la force de représentation des idées. L’important c’est que vous en viviez. Peu importe l’existence ou la non existence d’une chose. C’est la théorie de phénoménologie qui se désintéres-se, qui met entre parenthèses la réalité du monde extérieur, sans la nier on la met entre parenthèses, donc elle ne nous intéresse pas, l’important c’est d’étudier les conditions du vécu existentiel.

Une petite citation de Husserl si ça vous intéresse : «Le donné (ce qui est donné à ma conscience, mon vécu) est une chose essentiellement la même que l’objet représenté existe ou qu’il soit imaginé ou qu’il soit peut-être absurde». Vous avez une application ici au modernisme : mon vécu intérieur est l’essentiel, peu importe que ce que j’appelle la divinité de Jésus Christ soit une vérité ou une erreur ou une imagination.

On voit dans Husserl qui était un contemporain de Loisy[3] qui a vécu de 1859 à 1938 (Husserl) qui n’a jamais appliqué ça à la foi. Il était Hébreu, il n’a pas appliqué ça à la foi, c’était un pur philosophe, mais on peut voir une convergence des idées. C’est intéressant.

2.7. Le moderniste se détourne de la réalité pour appréhender ses problèmes psychologiques par des symboles

On voit qu’à cette époque c’était dans l’air : se désintéresser du réel pour s’intéresser seulement au phénomène intérieur de conscience. Or c’est cette philosophie qui va permettre le modernisme. Donc, au fond, je répète ma première conclusion de cette partie philosophique et historique, l’origine du modernisme : Peu importe au moderniste la réalité extra mentale, extérieure, de ce qu’il croit, même l’existence de Dieu, l’important, c’est que ce que je crois, à savoir les symboles, m’aident à évoquer mes problèmes psychologiques, à les situer et à les résoudre. Ca vous semble invraisemblable et c’est pourtant ce qui existe actuellement.

3.   Dans 3 articles de Foi, Ratzinger nie la réalité du mystère

Joseph Ratzinger

L’exégèse de l’évangile selon le théologien Joseph Ratzinger. (quand il était théologien) voici comment le théologien de Tübingen, en Allemagne, dans son livre «Foi chrétienne hier et aujourd’hui» de 1968, réédité sans changement en 2005, en disant qu’il n’avait rien à changer substantiellement, et il n’a rien changé, interprète trois articles de la foi de notre credo qui sont contenus dans l’évangile. «est descendu aux enfers, le troisième jour est ressuscité des morts, est monté aux cieux» ; le premier n’est pas contenu dans l’évangile, mais il est dans la Sainte Ecriture ailleurs. Voyons le commentaire de Joseph Ratzinger qui était seulement abbé à ce moment-là sur ces trois faits de la vie de Jésus. Comment comme exégète, comme commentateur de la Sainte Ecriture, il a interprété ces trois faits de la vie de Jésus.

3.1. « est descendu aux Enfers » : le symbole de la déréliction moderne par l’absence de Dieu

Premièrement, «est descendu aux enfers». Vous savez que Jésus est descendu aux limbes pour délivrer les âmes des patriarches de l’ancien testament, des justes qui attendaient la délivrance pour monter au ciel avec lui. Donc Jésus a visité les âmes des limbes. Je cite Joseph Ratzinger : «Aucun article de foi n’est aussi étranger à notre conscience moderne» (ça c’est la majeure, la thèse). Antithèse : Mais non, quand même, n’éliminons pas cet article de foi, il représente l’expérience de notre siècle, l’expérience de la déréliction, par l’absence de Dieu dont Jésus Christ fait l’expérience sur la croix. «Mon Dieu pourquoi m’avez-Vous abandonné a dit Jésus sur la croix». Il a fait l’expérience de la déréliction par l’absence de Dieu. Eh bien, la descente aux enfers c’est cela. C’est un symbole pour exprimer notre déréliction moderne par l’absence de Dieu.

Donc, cet article de foi exprime, je cite, que «Jésus a franchi la porte de notre ultime solitude, qu’Il est entré à travers Sa passion, dans l’abîme de notre déréliction», fin de citation. Et alors les limbes, visitées par Jésus, eh bien elles sont le signe de ce que, je cite : «là où aucune parole ne saurait nous atteindre, il y a Lui. Ainsi, l’enfer est surmonté ou plutôt la mort qui auparavant était l’enfer, ne l’est plus depuis que dans la mort habite l’amour», fin de citation, page 213.

Donc voilà une interprétation de la descente aux enfers. L’expérience psychologique de la déréliction par l’absence de Dieu qui va être surmontée par l’amour, c’est la descente aux enfers.

3.2. « est ressuscité des morts » : la réanimation du Corps de Jésus remplacé par la survie par l’amour

Deuxièmement, «est ressuscité des morts». J’explique : l’homme est voué à la mort, Jésus, comme homme était-il voué à la mort ? ou Jésus peut-il faire exception ? et moi-même pourrais-je faire exception ? ça c’est la thèse. Antithèse : en fait, cet article de foi correspond au désir de l’amour qui prétend à l’éternité car l’amour est plus fort que la mort dit le Cantique des Cantiques (chapitre 8). Or l’homme ne peut survivre, (désir d’éternité : survivre) qu’en continuant à subsister dans un autre. Soit dans nos enfants, soit dans la bonne réputation, soit dans un autre, cet autre qui Est : le Dieu des vivants. Donc je ne peux survivre qu’en continuant à subsister en Dieu.

Je continue, je résume Joseph Ratzinger : «je suis en fait davantage moi-même en Lui que lorsque j’essaye d’être simplement moi-même», fin de citation. Remarquez le platonisme ; je serais plus réel en Dieu qu’en moi-même. Ce serait un peu exagéré. Je cite : «Jésus en se présentant réellement du dehors aux disciples s’est montré assez puissant pour leur prouver qu’en Lui, la puissance de l’amour s’était avérée plus forte que la puissance de la mort», fin de citation. Donc triomphe de l’amour sur la mort.

Conclusion : La réanimation du corps de Jésus, au moment où Il est sorti du tombeau. Sa sortie du tombeau au matin de Pâques, n’est pas nécessaire. Il suffit de professer la survie du Christ par la force de Son amour. Et cette survie est garante de ma survie après la mort par l’amour. Cela ne me rassure pas sur la réalité de ma résurrection future. Donc on garde le mot résurrection, on professera toujours : Jésus est ressuscité des morts, mais on l’entend comme une survie de Jésus par l’amour.

3.3. « est monté aux Cieux » : l’Ascension dans le Cosmos ramenée à un lieu psychologique

Enfin «est monté aux cieux». Je cite Ratzinger : «parler d’ascension au ciel ou de descente aux enfers reflète aux yeux de notre génération éveillée par la critique de Bultmann (un protestant libéral) cette image du monde a trois étages que nous appelons mythique et que nous considérons comme définitivement périmé (p. 221) » (ça c’est la thèse : c’est ridicule de croire que Jésus est monté. Un monde à trois étages, l’enfer, la terre et le ciel c’est dépassé dans la conception de nos contemporains. C’est périmé. C’est la thèse. Attention, il y a toujours une anti-thèse, pour compléter la thèse) mais je continue la thèse : «Selon la relativité, (par Einstein, qui a raison) il n’y a ni haut ni bas».

Je continue la thèse, je cite Ratzinger : «cette conception périmée a certainement fourni des images par lesquelles la foi s’est représentée ses mystères». Donc au fond il y a un mystère car la foi a exprimé ce mystère par ces images de Jésus montant. Jésus montant au ciel, dans les nuées, c’est une image que la foi a utilisé pour exprimer un mystère. A nous de le décrypter, ce mystère. Nous avons le symbole, la montée de Jésus dans les nuages, un symbole, à nous de décrypter ce symbole pour atteindre le mystère : mouvement centripète, mouvement d’analyse ou d’herméneutique. L’anti-thèse : la réalité, le mystère, c’est qu’il y a deux pôles dans l’existence humaine : le bas et le haut. Synthèse : donc l’ascension du Christ n’est pas dans les dimensions du cosmos, mais dans les dimensions de l’existence humaine. C’est moi qui le dit.

De même que la descente aux enfers représente la plongée dans, je cite : «la zone de solitude de l’amour refusé» et bien «de même l’ascension du Christ, je cite, évoque l’autre pôle de l’existence humaine, le contact avec tous les autres hommes dans le contact avec l’amour divin si bien que l’existence humaine peut trouver en quelque sorte, son lieu géométrique dans l’intimité de Dieu». Donc, l’ascension du Christ dans le cosmos c’est un symbole qui exprime le lieu géométrique psychologique d’une âme qui s’unit à Dieu. Voyez, rien de surnaturel, c’est du psychologique.

4.   La méthode moderniste chez Ratzinger-Benoît XVI : herméneutique et historicisme

4.1. L’occultation par Ratzinger de la réalité physique du mystère, le sens littéral étant ignoré

Conclusion de cette exégèse du pape Joseph Ratzinger, de ces trois articles du Credo, de ces trois faits évangéliques, c’est une conclusion que je tire : la réalité physique du mystère n’est pas affirmée, ni décrite, ni commentée. Dans ce livre on ne nous explique pas comment, sous les yeux des disciples, Jésus s’est levé et a disparu dans les nuages, comme le dit l’évangile, on ne fait aucun effort pour affirmer ou décrire ou commenter la réalité physique du mystère. Le sens littéral de l’Ecriture est passé sous silence. Il est mis entre parenthèses ; peu importe la réalité historique, l’important c’est que les symboles scripturaires, puis dogmatiques trouvés par l’évangéliste, puis créés par l’Eglise, que ces symboles puissent représenter l’expérience intérieure du croyant du XX° ou du XXI° siècle. La vérité des faits de l’écriture, la vérité du dogme, c’est leur puissance d’évocation des problèmes existentiels de l’époque présente. La vérité c’est la puissance d’évocation. ( la vérité elle est libre ??? inaudible).

4.2. Le récent « Jésus de Nazareth » de Ratzinger affirme la notion d’évolution dans l’interprétation de l’Ecriture Sainte

Je cite Joseph Ratzinger dans l’introduction à son «Jésus de Nazareth» qui est paru cette année, ça c’est Benoît XVI. Je résume : «Du reste, dit-il, toute parole de poids recèle beaucoup plus que n’en a conscience l’auteur, elle dépasse l’instant où elle est prononcée et elle va mûrir dans le processus de l’histoire de la foi». L’auteur ne parle pas seulement de lui-même, par lui-même, mais il parle en puissance dans une histoire qui va suivre, dans une histoire commune, qui le porte et dans laquelle sont secrètement présentes les possibilités de son avenir (à cette parole). Le processus de relecture et d’amplification des paroles n’aurait pas été possible s’ils n’étaient pas déjà présents dans les paroles elles-mêmes de telles ouvertures intrinsèques. Donc c’est une autre notion, c’est la notion d’évolution dans l’interprétation de l’Ecriture Sainte.

4.3. L’exégèse devient un art herméneutique qui réduit les faits fabuleux à des phénomènes psychologiques

L’exégèse, c’est-à-dire l’étude et l’interprétation de l’Ecriture Sainte devient un art divinatoire. On peut deviner ce que l’écrivain sacré n’a jamais voulu dire et n’a jamais dit, il suffit d’imaginer que sa parole contient l’évolution ultérieure qu’elle va subir dans l’Eglise. L’exégèse devient un art divinatoire, l’exégète devine ce que l’auteur sacré n’a ni pensé ni exprimé.

L’exégèse est donc un art herméneutique de relecture et d’amplification, nous allons y revenir. C’est surtout un art de création libre d’un sens spirituel de l’écriture qui n’est pas fondé sur le sens littéral, parce que le sens littéral est mis entre parenthèses. Mais c’est encore et toujours la voie de l’immanence décrite par saint Pie X dans Pascendi, c’est toujours la transfiguration par l’écrivain sacré de ses sentiments en faits fabuleux, les miracles de Jésus Christ, Sa résurrection, Son ascension : des faits fabuleux. C’est moi qui le dit mais c’est bien cela. Et en retour, c’est la démythologisation de ces faits fabuleux pour les réduire par la réduction anthropologique et naturaliste à des phénomènes intérieurs de conscience. Voilà pour l’exégèse de Benoît XVI.

4.4. Ratzinger puise chez Dilthey, le père de l’herméneutique et de l’historicisme

Dilthey                                   Schelling

C’est donc la méthode moderniste. Les dogmes ne sont que des symboles, les faits évangéliques ne sont que des symboles qui évoquent mes problèmes psychologiques. Ensuite pour en arriver à cette évolution des dogmes, il faut faire intervenir un philosophe allemand inspirateur de toute la théologie allemande et donc qui a influé sur Joseph Ratzinger, c’est Wilhem Dilthey[4], 1833-1911, le père de l’herméneutique et de l’historisme. L’herméneutique c’est l’art d’interpréter les faits ou les documents. Historisme ça veut dire le rôle de l’Histoire dans la réalité. Pour Dilthey comme pour Schelling[5] et Hegel[6], qui étaient des idéalistes, la réalité ne se comprend que dans son histoire, mais alors que pour Schelling et Hegel, la vérité se développe par elle-même, par un processus dialectique que nous avons expliqué, pour Dilthey, la vérité se développe par le processus de réaction vitale du sujet à l’objet, selon le rapport de réaction vitale entre l’historien qui se penche sur des faits historiques et le choc de l’Histoire.

Ainsi la richesse émotive de l’historien, ou de celui qui lit l’histoire, sa richesse émotive va enrichir l’objet étudié. A chaque époque, l’histoire se charge de l’énergie, d’émotions des lecteurs et ainsi les jugements du passé sont sans cesse colorés par les réactions vitales de l’historien ou du lecteur. Ainsi les jugements du passé, selon Joseph Ratzinger qui s’inspire de cette thèse, doivent au terme de chaque époque historique (selon Dilthey) par exemple au terme de l’époque moderne, 1962, l’arrivée du concile Vatican II, c’était le terme d’une époque, et donc on pouvait et on devait revisiter, réviser tous les faits historiques, les jugements du passé, spécialement sur la religion, pour en dégager les faits significatifs et les principes permanents.

Cette rétrospective purifie nécessairement le passé de ce qui s’était ajouté au noyau de la foi et cette révision, cette rétrospective agrège nécessairement à la vérité, le colorie des préoccupations du présent. Donc il y a un double processus dans la relecture du passé qui est la purification du passé, des adjonctions (adventis ?), des réactions émotives du passé ou des philosophies du passé et d’autre part, deuxièmement, un enrichissement des faits historiques par la réaction vitale actuelle.

4.5. Le discours du 22 décembre 2005 de Ratzinger : illustration de l’historicisme et de l’herméneutique

Ratzinger - Benoît XVI

Ainsi croissent les sciences humaines et la foi ne va pas faire exception selon l’école de Tübingen. La foi va être soumise à cette pensée historiste dont Joseph Ratzinger est un héritier. Voilà ce qu’il dit dans son discours du 22 décembre 2005, son discours inaugural de son pontificat, je cite : «La foi exige une nouvelle réflexion sur la Vérité et un nouveau rapport vital avec elle». C’est la même chose : rapport vital, c’est Dilthey. Il continue : «cette interprétation (herméneutique) fut celle de Vatican II, chercher un nouveau rapport vital avec la vérité révélée et cette interprétation vitale doit guider la réception du concile. » Donc le concile a été une interprétation vitale de la foi traditionnelle et il faut continuer à pratiquer maintenant encore, pour recevoir le concile, il faut continuer à faire cette interprétation vitale. Avec quels outils ? Avec les philosophies modernes qui seront, disait Jean XXIII dans son discours d’ouverture du concile Vatican II, qui sont par leurs méthodes d’investigations le grand secours pour exprimer la foi dans sa pureté linéaire (c’est moi qui le dit) et dans un langage adapté à nos contemporains. C’est tout le but de Jean XXIII dans son discours du concile du 11 octobre 1962 que cite Benoît XVI dans sa «quasi» encyclique inaugurale, son discours du 22 décembre 2005.

Roncalli - Jean XXIII

Donc le concile Vatican II avait un double but et nous sommes tout à fait d’accord : il fallait purifier la foi de tous ces artefacts des siècles passés (nous ne sommes pas d’accord bien sûr. L’analyse est juste. L’analyse du modernisme, c’est le pur modernisme) et l’enrichir de nos propres expériences actuelles. Donc voyez la subjectivité. On offense nos pères dans la Foi en disant qu’ils ont dévoré la Foi par leur subjectivité, ce qui est faux, et on va trahir la Foi en lui ajoutant notre propre subjectivité. Voilà la méthode de l’immanence, du modernisme. Donc Jean XXIII voulait cela, c’était le but du concile : purifier la Foi et l’adapter. Deux mouvements contradictoires c’est la quadrature du cercle. Purifier la Foi de tous ses artefacts passés et l’enrichir de toutes nos expériences modernes.

5.   Ratzinger applique la méthode moderniste aux 3 dogmes : Incarnation, Rédemption, Christ-Roi

Voyons comment Joseph Ratzinger va appliquer cette méthode aux deux ou trois grands dogmes de la foi catholique. C’est l’actualité du modernisme. C’est actuel.

5.1. Le dogme de l’Incarnation, revisité par Ratzinger à la lumière de l’existentialisme de Heidegger

Heidegger

Premièrement le dogme de l’incarnation, revisité à la lumière de l’existentialisme. On va se servir de l’existentialisme et on va pratiquer la méthode d’immanence et la méthode de l’historisme. Le principe de l’immanence qui dit que tout vient de l’intérieur (la foi vient de notre intérieur) et la méthode de l’historisme qui dit qu’il y a eu une évolution du dogme, une transformation du dogme. Voilà comment se présente le dogme de l’incarnation.

Le théologien Joseph Ratzinger, dans son livre «Foi chrétienne» de 1968 : la thèse, anti-thèse, synthèse. La thèse : le philosophe Boèce[7], qui a vécu de 480 à 526, à la fin de l’Antiquité a défini la personne, la personne humaine, comme le subsistant d’une nature intellective, permettant de développer le dogme des deux natures de Jésus Christ en une seule personne défini au concile de Chalcédoine en 451. Voilà la thèse, c’est classique. Boèce, philosophe chrétien, a éclairci la notion de personne et a aidé à développer le dogme de Chalcédoine. Très bien. Anti-thèse : aujourd’hui Boèce est dépassé par Martin Heidegger[8], existentialiste allemand né en 1889 qui voit dans la personne l’auto-dépassement de soi-même qui est plus conforme à l’expérience que le subsistant d’une nature intellective. Il préfère l’auto-dépassement. Nous réalisons notre personne en nous dépassant nous-mêmes, voilà la définition de la personne selon Heidegger.

Conclusion, synthèse : le Christ, l’homme-dieu, dont nous professons la divinité, dans le credo, n’a plus besoin d’être considéré comme le Dieu fait homme. Il est l’homme qui, je cite : «en tendant infiniment au-delà de lui-même s’est totale-ment dépassé et par là s’est vraiment trouvé ; il est un avec l’infini, Jésus Christ». (page 159). Je répète parce que ça vaut la peine d’être lu. Donc il faut croire la divinité de Jésus Christ mais, il n’y a plus besoin de le considérer comme le Dieu fait Homme. Non, il faut considérer que, en tendant infiniment au-delà de lui-même, Jésus s’est totalement dépassé et par là s’est vraiment trouvé. Il est Un avec l’infini, Jésus Christ. Donc c’est l’homme qui se dépasse, qui devient le surhomme et qui devient divin. Voilà le mystère de l’incarnation re-interprété à la lumière de l’existentialisme et en même temps de l’historisme.

On dit que Boèce est dépassé et qu’il faut préférer Heidegger parce que l’expérience de Boèce est dépassée, l’expérience de Martin Heidegger correspond à nos problèmes actuels, à nos problèmes psychologiques actuels : l’auto-dépassement. L’égoïsme vaincu par l’auto-dépassement. Jésus Christ a vaincu l’égoïsme, radicalement, en se dépassant infiniment lui-même, en s’unissant à l’infini.

5.2. Le dogme de la Rédemption, revu  par Ratzinger selon la dialectique de Hegel et l’existentialisme de  Gabriel Marcel

Gabriel Marcel                          Hegel

Deuxièmement : le dogme de la rédemption, revu dialectiquement selon Gabriel Marcel[9], donc on va utiliser la méthode de la dialectique de Hegel et en même temps l’existentialisme chrétien de Gabriel Marcel. On applique la méthode de Hegel et le principe de Gabriel Marcel et toujours bien sûr le principe de l’immanence. Vous allez voir ça.

1.       Saint Anselme voit dans la Croix un sacrifice expiatoire

Alors, la thèse ( inaudible… catholique) : depuis saint Anselme qui a vécu de 1033 à 1109, saint Anselme de Cantorbéry[10], la piété chrétienne voit dans la croix de Jésus Christ, un sacrifice expiatoire.

2.       Négation aujourd’hui du sacrifice de la Croix

Anti-thèse : mais, le nouveau testament ne dit pas que l’homme se réconcilie Dieu, mais que c’est Dieu qui réconcilie l’homme. Et donc que Dieu exige de Son Fils un sacrifice humain, ce n’est pas conforme au message de l’amour du nouveau testament. Dire que Dieu a exigé de Son Fils un sacrifice humain ce n’est pas conforme au message de l’amour du nouveau testament. Dieu n’a pas pu exiger de Son Fils un sacrifice humain. Du reste l’ancien testament interdisait les sacrifices humains.

Autrement dit aujourd’hui nous ne pouvons plus accepter que la croix soit un sacrifice expiatoire. C’était bon pour saint Anselme, mais aujourd’hui c’est impossible parce que notre connaissance du nouveau testament, le message d’amour du nouveau testament nous dit que Dieu ne peut pas exiger le sang de son fils comme un dieu Moloch[11] assoiffé de sang. Excusez-moi le blasphème, excusez, ce n’est pas moi qui le dit, ce sont des évêques qui ont dit cela, Mgr Huyghe, évêque d’Arras, il y a 20 ans, en appliquant J. Ratzinger.

Alors, voilà, cette négation, la croix n’est pas ce sacrifice d’expiation offert par un homme à Dieu, par l’homme Jésus Christ à Dieu Son Père. La croix n’est pas un sacrifice expiatoire, cette négation dans son absolu par son absolu, est tellement absolue qu’elle engendre sa contradictoire, c’est-à-dire l’anti-thèse, selon la méthode de Hegel. Toute une série de textes du nouveau testament affirment au contraire la satisfaction pénale offerte par Jésus à notre place à Dieu Son Père. On peut citer même Isaïe dans l’ancien testament nous décrivant l’homme de douleur qui porte nos péchés et qui paye l’expiation de notre péché : «c’est nos crimes qu’Il portait, c’est pour nos crimes qu’Il était défiguré, qu’Il était frappé». Saint Isaïe décrivait la passion de Jésus comme un sacrifice expiatoire et toute l’épître aux Hébreux proclame le sacrifice expiatoire de Jésus sur la croix.

3.       La Croix devient : Jésus a aimé pour nous

Et donc Joseph Ratzinger est obligé par l’absolu même de sa négation, il doit poser la contradictoire quand même. Il y a toute une série de textes de la Sainte Ecriture qui affirment malgré tout que la croix est un sacrifice expiatoire. Voilà le problème, comment sortir de la contradiction ? Enfin (comment nier ??? inaudible) que la croix est une satisfaction pour nos péchés, une œuvre de justice opérée par le Christ à notre place pour la justice divine, pour faire justice à Son Père, pour le péché des hommes.

Synthèse de Joseph Ratzinger : Sur la croix, Jésus s’est substitué à nous, c’est vrai. Non pas pour acquitter une dette, ou même payer une peine, mais pour aimer pour nous. Donc Jésus sur la croix se substitue à nous, pour aimer pour nous. La croix c’est : Jésus a aimé pour nous. Pour nous qui ne pouvions plus aimer (on ne sait pas pourquoi, nous étions loin de Dieu, nous ne pouvions plus aimer). Sur la croix, Jésus a aimé pour nous.

Et donc ainsi la thèse se reconquiert enrichie de l’anti-thèse. C’est bien la dialectique de Hegel. La vérité doit progresser dans l’Histoire par une thèse qui par son affirmation engendre sa contradictoire et cette contradictoire vient finalement enrichir la thèse dans une synthèse. Donc la synthèse, voyez, il y a une substitution de Jésus Christ, à notre place, sur la croix, simplement pour aimer pour lui. Et vous voyez très bien que dans cette philosophie de Hegel, appliquée à la Foi, la thèse et l’anti-thèse, toutes les deux, bien que contradictoires, sont vraies et font toutes les deux partie de la Vérité.

Donc la négation du départ, Jésus n’a pas offert un sacrifice expiatoire et puis deuxièmement, il y a quand même toute une série de textes qui disent que la passion est un sacrifice expiatoire, ça concorde, ça va quand même ensemble, la synthèse, Jésus nous remplace, Il aime pour nous. Il se substitue pour aimer pour nous. Ce qui n’est pas faux, Jésus a une charité infinie, mais ce n’est pas tout, Jésus a payé durement la peine de nos péchés, donc l’hérésie consiste dans la négation. L’affirmation est juste : Jésus a aimé pour nous, mais ça ne suffit pas, l’hérésie consiste dans la négation de la peine subie par Jésus volontairement pour nous sur la croix.

4.       La Croix devient une pure exemplarité

Et ainsi voyez, selon Hegel, selon Joseph Ratzinger, cette synthèse, dans le futur, rien n’empêche qu’elle devienne une thèse, qui, par son absolu engendre une nouvelle anti-thèse, qui exigera une nouvelle synthèse et ainsi le dogme pourra évoluer. Notre conception de la rédemption pourra encore évoluer, indéfiniment.

Résultat : je vais citer un petit peu Joseph Ratzinger, pour la rédemption, «le sacrifice chrétien n’est autre chose que l’exode du (pour ???) consistant à sortir de soi, accompli à fond dans l’homme qui est tout entier exode, dépassement de soi par amour. (Ce sont des catégories existentialistes : la sortie de soi, l’exode.) Donc, la passion du Christ n’opère notre salut ni par mode de mérite (on ne parle pas des mérites de Jésus Christ, pas de Ses souffrances), ni par mode de satisfaction (on ne parle pas de la peine de Jésus, donc la rémission obtenue de nos péchés), ni par mode de sacrifice (on ne parle pas du sacrifice de la croix) ni par mode d’efficience, d’efficacité, à la manière d’une cause efficiente, rien de tout cela que pourtant saint Thomas d’Aquin proclame bien dans sa somme théologique. Non, la passion de Jésus Christ a opéré notre salut par pure exemplarité du don de soi absolu. Ca veut dire que c’est un exemple extraordinaire de don de soi absolu. Donc en tant qu’exemple de don de soi, la passion opère notre salut.

5.       La Croix est dématérialisée, elle devient une idée platonicienne, Jésus est décrucifié

Voilà le dogme de la rédemption, la croix est une idée platonicienne, pur exemplaire. Exemplaire de quoi ? De quelque chose d’intérieur à moi ; le don de moi ; Ce qui n’est pas faux, le don de soi, c’est la charité, mais voyez l’erreur, la croix devient seulement un exemplaire du don de soi. La croix est dépouillée de tout son lot de souffrances, d’avanies subies par Jésus. La croix est dématérialisée. Jésus est décrucifié. Il ne reste que l’amour.

La croix est un symbole du don de soi, peu importe la matérialité des souffrances de Jésus, l’important c’est la valeur d’évocation de mon devoir du don de moi-même. La croix devient une idée platonicienne.

Et je continue à citer Joseph Ratzinger : «A partir de cette révolution dans l’idée d’expiation. (Jésus n’expie pas en payant une peine mais en aimant à notre place, c’est une révolution, dit-il, dans cette idée d’expiation, on ne parle plus de peine ou de pénitence ou de sacrifice, seulement de don de soi et d’amour, c’est quand même plus «valuant» et positif) et donc dans l’axe même de la réalité religieuse le culte chrétien et toute l’existence chrétienne reçoivent eux aussi une nouvelle orientation».

Le culte chrétien et l’existence chrétienne, donc toute la vie chrétienne et toute la liturgie vont être infectés par ces idées platoniques. Je vais vous citer quelque chose à ce sujet, c’est la nouvelle messe où M. l’abbé Knittel hier nous a montré que toutes les oraisons du nouveau missel ne parlent plus de combat chrétien contre les ennemis, contre soi-même, il n’y a plus de pénitence, il n’y a pas d’expiation, il y a juste à aimer. Il reste l’amour. Ce n’est pas faux, l’amour c’est l’âme de la pénitence mais on ne peut pas dématérialiser la vie chrétienne et oublier l’aspect pénitentiel, l’aspect quotidien, l’aspect de se vaincre soi-même, de porter sa croix à la suite de Jésus. C’est ce que Jésus a dit dans l’évangile.

6.       Le Sacerdoce est réduit au pouvoir d’enseignement

Donc vous voyez, toute l’existence chrétienne en reçoit une nouvelle orientation et le culte chrétien, c’est la nouvelle messe. La nouvelle messe devient la célébration commune de la foi. Ce n’est plus un sacrifice, c’est la célébration commune de la foi, la célébration des hauts faits de Jésus. Le sacerdoce aussi est révisé dans son essence par Joseph Ratzinger. Je cite : «Vatican II, par chance, a dépassé le niveau de la polémique qui avait rétrécie la vision du sacerdoce au concile de Trente en y voyant seulement un pur sacrificateur dans le prêtre». Le concile de Trente avait rétréci la vision totale et globale du sacerdoce, Vatican II a élargi les perspectives. Alors je cite (c’est Ratzinger) : «Vatican II a, par chance, dépassé le niveau de la polémique et a tracé un tableau positif complet de la position de l’Eglise sur le sacerdoce où l’on a accueilli également les requêtes de la Réforme qui voyait le prêtre comme l’homme de la parole de Dieu, de la prédication de l’évangile».

Ainsi donc, dit Joseph Ratzinger, la totalité du problème du sacerdoce se ramène en dernière analyse à la question du pouvoir d’enseignement dans l’Eglise de façon générale. Donc, il ramène tout le sacerdoce au pouvoir d’enseignement dans l’Eglise. Il ne va pas nier le sacrifice, simplement il dit : «tout se ramène au pouvoir d’enseignement dans l’Eglise». Donc même l’offrande de la messe par le prêtre à l’autel, doit être relue dans une perspective d’enseignement de la parole de Dieu. Il faut revisiter le sacerdoce, même le sacrifice, même la consécration, ce n’est rien que la célébration des hauts faits du Christ, Son Incarnation, Sa Passion, Sa Résurrection, Son Ascension, vécus en commun sous la présidence du prêtre. On a revisité le sacerdoce. Ce n’est qu’une parenthèse pour vous montrer comment les idées de Joseph Ratzinger de 1968 ont été effectivement appliquées, avaient été appliquées au concile Vatican II, parce que ça vous le trouvez dans le décret du concile sur le sacerdoce.

5.3. La Royauté Politique et Sociale de Notre Seigneur Jésus-Christ revue par Ratzinger à partir du personalisme d’Emmanuel Mounier

Mounier

Voyons maintenant le Christ Roi, sa royauté sociale, Jésus qui a droit d’imposer sa loi aux lois civiles. Que l’Etat, la société civile doit suivre la loi de Jésus Christ, sa royauté sociale. Eh bien le Christ Roi va être purifié lui aussi dans une vision historiste et par le personnalisme. Ce n’est plus l’existentialisme, c’est le personnalisme, philosophie moderne avec Emmanuel Mounier[12] Personnaliste chrétien français qui a vécu de 1905 à 1950.

Alors thèse ; le personnalisme d’Emmanuel Mounier, voilà l’outil qui a fait défaut à Lamennais[13] au 19° siècle pour introduire la liberté des cultes dans le christianisme. Lamennais a voulu introduire la liberté des cultes dans la doctrine chrétienne. Il a été condamné par Grégoire XVI en 1850. Lamennais a été condamné ; pourquoi, dit Yves Congar[14], parce qu’il n’a pas su et qu’il n’a pas eu l’outil qu’Emmanuel Mounier a apporté un siècle plus tard : le personnalisme. L’outil lui a manqué pour introduire la liberté des cultes dans le catholicisme. Anti-thèse : il suffit aujourd’hui d’utiliser cet outil pour purifier et corriger cette valeur, la liberté religieuse, cette valeur de deux siècles de culture libérale comme disait Joseph Ratzinger en 1984.

On va faire reposer la liberté religieuse non pas sur la vérité du culte en disant seule la vraie religion a le droit à la liberté, mais on va faire reposer la liberté religieuse sur le solide fondement de la dignité de la personne humaine. Sur la réalité (?) de la personne comme disait Jean-Paul II dans Veritatis Splendor.

Donc, la liberté des cultes ne repose plus sur la vérité du culte, la réalité objective du culte exercé : est-ce une vraie ou une fausse religion, mais elle repose sur la vérité de la personne, c’est-à-dire, sur l’agir libre et responsable de chacun en vertu de ses propres options, comme disait Emmanuel Mounier. Le concile s’est inspiré d’Emmanuel Mounier en disant la dignité de la personne, aujourd’hui sans cesse prise en conscience, actuellement par nos contemporains et chacun revendique l’avantage d’agir en vertu de ses propres options. C’est presque une citation littérale d’Emmanuel Mounier et on en fait la base de la liberté religieuse du droit à la liberté religieuse.

Donc on a remplacé la vérité objective du culte, à savoir le vrai culte catholique qui est la seule vraie religion et puis les autres religions qui sont pas des religions, donc qui n’ont pas de droits. On l’a remplacé par soi-disant la vérité de la personne, c’est-à-dire on a subjectivé la personne. La liberté que la personne revendique d’agir en vertu de ses propres options, selon l’immanence. Selon Emmanuel Mounier, je me réalise, je réalise ma propre personne par mes propres options, par mes propres choix de vie, indépendamment de la vérité ou de l’erreur où je pourrais être car l’important, c’est d’agir en vertu de mes propres options, ça c’est Emmanuel Mounier. On met entre parenthèse la vérité ou l’erreur. On ne va pas nier qu’il y a une vraie et une fausse religion, simplement, ça ne nous intéresse pas. C’est toujours la même méthode. On considère seulement l’intérieur. Agir en vertu de mes propres solutions.

Donc vous voyez très bien la revisite du Christ Roi qui n‘a plus son mot à dire, qui est découronné parce que maintenant c’est la personne humaine agissant selon ses propres options qui fonde le droit à sa liberté religieuse, de pratiquer dans la société civile le culte de son choix. C’est ce que Vatican II a enseigné dans la déclaration sur la liberté religieuse in Dignitatis Humanæ.

6.   Conclusion : un super-modernisme sceptique, pour Ratzinger les dogmes ne sont que des symboles

Venons-en à notre conclusion.

Je dirais un modernisme perfectionné, un super modernisme sceptique. On ne nie pas la vérité, on ne devient pas athé franchement, non, simplement on met entre parenthèses le bon Dieu, l’Incarnation réellement, la Rédemption réelle, le Christ Roi, on met tout ça entre parenthèses. Ce qui nous intéresse c’est ce que ces symboles évoquent mes problèmes psychiques et m’aident à résoudre mes problèmes existentiels. Alors, j’essaye de conclure brièvement.

6.1. Le Dieu d’Emmanuel Kant

100 ans avant Pascendi, Kant voyait déjà dans les dogmes, si vous lisez Kant c’est intéressant il avait écrit un petit ouvrage intitulé : «La religion dans la limite de la simple raison». Kant voyait déjà dans les dogmes de purs symboles d’idées morales. Je vous donne des exemples : la trinité pour Kant, symbolise l’union en un seul être de trois attributs : la sainteté, la bonté et la justice. Voyez la réinterprétation de la Trinité par Kant : un pur symbole moral, de choses morales : la sainteté, la bonté et la justice. De même, pour Kant, le fils de Dieu incarné (ah intéressant ça aussi) n’est pas un être surnaturel, c’est un idéal moral, celui d’un homme héroïque. C’est tout à fait l’inspiration de Joseph Ratzinger : l’homme qui se dépasse lui-même et arrive à l’infini ; un idéal moral.

Et l’idée de l’Enfer, disait Kant, il ne faut lui donner qu’une valeur régulatrice de mes actions, Ca sert par la crainte, (ça sert à pratiquer la vertu ? inaudible) ça ne veut pas dire que l’Enfer existe. On met entre parenthèses. Voyez, pour Kant, les dogmes sont de purs symboles ; c’est ça, c’est l’essence du modernisme. Donc 100 ans avant le modernisme, il existait déjà, simplement à l’extérieur de l’Eglise. Kant était un protestant, pas un catholique. 100 ans après, ce sont des théologiens modernistes, Loisy, qui font les mêmes théories.

6.2. Le Dieu de Kant est le Dieu de Ratzinger

Ratzinger - Benoît XVI

Et puis 100 ans après Pascendi, en 2007 ce ne sont plus seulement les protestants, ce ne sont plus seulement de simples théologiens, ce sont les plus hauts degrés de la hiérarchie qui confessent cette… ce modernisme à la lumière des noms célèbres de la philosophie moderne : Hegel, ( ???inaudible Dry ???) Dilthey, Husserl, (Hiaskle ????inaudible) Heidegger aussi, Gabriel Marcel et Emmanuel Mounier et même Jacques Maritain.

Qu’est-ce qu’ils ont fait ? ces supers modernistes actuels enrichis de toute la philosophie du XIX° siècle, ils ont désincarné Jésus Christ. Et Verbum caro factum est. Le Dieu s’est fait chair : Non, non … pas besoin de çà ! Que Dieu s’est fait chair ! non, non, l’homme se dépasse, l’homme s’est dépassé parfaitement. Ils ont désincarné Jésus Christ, ils ont décrucifié Jésus Christ, l’amour pur, à l’extrême, et enfin, ils ont découronné Jésus Christ avec plus de brio que Loisy ; mais leur Foi subjective aux prises avec les flots du doute dont parle Joseph Ratzinger dans son ouvrage : «La foi chrétienne», cette foi subjective, aux prises du doute où Joseph Ratzinger dit que le croyant comme l’incroyant sont toujours dans le doute de leur position (le croyant comme l’incroyant sont toujours dans le doute de leur position !) un tel croyant ne peut plus proposer au monde sans Dieu, un monde sans Dieu en péril de se perdre, comme moyen de salut, qu’un Dieu idéel et hypothétique : le Dieu d’Emmanuel Kant.

L’homme devrait chercher à vivre et à organiser sa vie comme si Dieu existait écrit Joseph Ratzinger dans sa conférence à Subiaco, le 1er avril 2005, juste avant d’être élu Pape. Voilà la solution sociale pour amener l’ordre dans le monde «L’homme devrait chercher à vivre et à organiser sa vie comme si Dieu existait», selon l’adage des philosophes de lumières et de Kant, qui ont recherché toujours à trouver des règles universelles pour le monde entier qui vaudraient même si Dieu n’existait pas : trouver une morale universelle même si Dieu n’existait pas. Et bien on devrait dit Joseph Ratzinger, trouver aujourd’hui, chercher à réorganiser sa vie comme si Dieu existait. C’est donc d’un scepticisme épouvantable qui nous indique l’aboutissement ultime du modernisme. Le modernisme conduit au scepticisme, c’est-à-dire à des chrétiens qui ne sont plus sûrs de ce qu’ils croient ; ils sont dans le doute de ce qu’ils croient.

6.3. Face au super-modernisme, le remède se trouve dans Saint Thomas d’Aquin

Voilà donc chers amis l’actualité plus que jamais de Pascendi face à cet accès aigu de modernisme qui affecte maintenant la chaire de Pierre elle-même. Eh bien Pascendi, nous prévenait, les pasteurs et les fidèles, contre cette contagion mortelle et Pascendi nous indiquait le remède à toute cette fausse philosophie qui est saint Thomas d’Aquin.

Le grand remède protecteur pour garder la Foi saine, la vraie notion de la Foi surnaturelle, assentiment véritable de l’intelligence par la vérité divine reçue du dehors à cause de l’autorité de cette divine Vérité, c’est saint Thomas d’Aquin qui a rappelé ces vérités. Et bien nous avons en lui le grand instrument protecteur de notre Foi. En effet c’est parce que cette Foi objective catholique concorde parfaitement avec la philosophie de saint Thomas d’Aquin que saint Pie X prescrit aux futurs prêtres l’étude de la philosophie que nous a léguée le docteur angélique, citation de saint Pie X. Et donc je conclurais : à cette fièvre sceptique qui affecte les plus hautes autorités dans l’Eglise d’aujourd’hui nous préférons la ferveur thomiste.

ANNEXE – Programme du Symposium Pascendi

Vendredi 9 novembre 2007 :

Ouverture à 9 h 00 et début des conférences à 9 h 30.

1er exposé : « Les documents traitant du modernisme de Léon XIII à Pie XII ». Comment les papes parlent ou ne parlent pas, beaucoup ou peu, du modernisme (abbé Vincent Robin)

2e exposé : « Problématique du modernisme : modernisme historiographique, modernisme réel ». L’historiographie du modernsime est faite par des personnes engagées dans la problématique : Rivière, Poulat, Colin etc. Cette historiographie correspond-elle à la vision de saint Pie X ? (abbé Grégoire Celier)

3e exposé : « Réaction à L’Evangile et l’Eglise et/ou élaboration des deux documents antimodernistes » (abbé Nicolas Portail).

Vendredi après-midi : début à 14 h 00

4e exposé : « Au coeur de l’antimodernisme : La Sapinière » (abbé Nicolas Pinaud)

5e exposé : Le postulat de l’immanence, soubassement de la nouvelle théologie de la foi, du magistère et de la Tradition (abbé Philippe Toulza)

6e exposé : Le postulat personnaliste, soubassement de ce que l’on pourrait appeler la nouvelle théologie morale : conception de la morale personnelle, conception de la famille et du mariage, conception des rapports entre l’Eglise et l’Etat (abbé Jacques Mérel)

Samedi matin 10 novembre 2007 : début 9 h 30

7e exposé : La nouvelle christologie : Incarnation et Rédemption (abbé P. de La Rocque)

8e exposé : La nouvelle théologie de la messe et du sacerdoce (abbé F.-M. Chautard)

9e exposé : La nouvelle théologie des sacrements et de la liturgie (abbé François Knittel)

Samedi après-midi : début 14 h 00

10e exposé : La nouvelle ecclésiologie et l’oecuménisme (abbé Jean-Michel Gleize)

11e exposé : La nouvelle méthode historique (abbé Christian Thouvenot)

12e exposé : La nouvelle exégèse (abbé Vincent Callier)

Dimanche matin 11 novembre 2007

10h 30 : Messe pontificale à Saint-Nicolas-du-Chardonnet

Dimanche après-midi à l’ASIEM : début 14 h 30

M. l’abbé Thouvenot - Pascendi : le centenaire d’un combat toujours actuel.

Mgr B. Tissier de Mallerais - Actualité de Pascendi : l’hydre moderniste toujours vivante. 



[1] Transcription depuis l’enregistrement de la conférence disponible sur Virgo-Maria.org :

http://www.virgo-maria.org/page9.htm

Les titres et intertitres sont de Virgo-Maria.org

[2] http://www.memo.fr/article.asp?ID=PER_CON_001

[3] http://fr.wikipedia.org/wiki/Alfred_Loisy

[4] http://fr.wikipedia.org/wiki/Wilhelm_Dilthey

[5] http://fr.wikipedia.org/wiki/Friedrich_Wilhelm_Joseph_von_Schelling

[6] http://fr.wikipedia.org/wiki/Georg_Wilhelm_Friedrich_Hegel

[7] http://philomedievale.canalblog.com/archives/2006/12/01/3133567.html

[8] http://fr.wikipedia.org/wiki/Martin_Heidegger

[9] http://fr.wikipedia.org/wiki/Gabriel_Marcel

[10] http://fr.wikipedia.org/wiki/Anselme_de_Cantorbéry

[11] http://fr.wikipedia.org/wiki/Moloch

[12] http://fr.wikipedia.org/wiki/Emmanuel_Mounier

[13] http://fr.wikipedia.org/wiki/Félicité_de_Lamennais

[14] http://fr.wikipedia.org/wiki/Yves_Congar