Virgo-Mara.org

CAPITAL : Lettre ouverte solennelle des fidèles aux quatre évêques de la FSSPX

http://www.virgo-maria.org/articles/2006/VM-2006-10-10-A-00-Appel_aux_quatre_eveques_de_la_FSSPX.pdf


Qui et Pourquoi, depuis la mort de Mgr Lefebvre en 1991, a détourné la finalité surnaturelle de l’OPERATION-SURVIE des sacres de 1988, pour assigner à la FSSPX ce FAUX objectif prioritaire de la «ré-conciliation» avec la Rome conciliaire
(en fait la «ré-conciliarisation» de la FSSPX) ?

Qui a, depuis 2000, PROMU, et Pourquoi, le FAUX préalable de l’autorisation de la messe de Saint Pie V ?

Pourquoi n’a-t-on pas posé la VRAIE question du rétablissement du VRAI Sacerdoce de VRAIS prêtres, ordonnés par des Evêques VALIDEMENT sacrés selon le rite VALIDE des Saints O rdres ?

Qui a INVENTE, et POURQUOI, le faux préalable de la levée des «excommunications» ?

Pourquoi n’a-t-on pas posé la VRAIE question de l’abrogation de Pontificalis Romani INVALIDE de 1968 et du rétablissement du vrai rite de la consécration épiscopale VALIDE d’avant 1968?

A quoi servirait-il, en effet, de faire dire le VRAI rite de la messe par de FAUX prêtres ?

Serait-ce donc qu’après avoir obligé de VRAIS prêtres à dire une FAUSSE messe, l’on veuille désormais faire dire la messe du VRAI rite par de FAUX prêtres ?

Serait-ce que l’on veuille «concilier» les VRAIS prêtres qui disent encore la VRAIE messe avec un clergé aussi INVALIDE que le FAUX CLERGE ANGLICAN ?


Gaude, Maria Virgo, cunctas hæreses sola interemisti.

(Tractus Missæ Salve Sancta Parens)

jeudi 17 avril 2008

Ce message peut être téléchargé au format PDF sur notre site http://www.virgo-maria.org/.

L’abbé Rosmini condamné par Léon XIII et ‘béatifié’ par Ratzinger

 

Antonio Rosmini (1797-1855) prêtre au blason présentant des similitudes avec la symbolique Rose+Croix

Les 5 plaies de l’Eglise’ de Rosmini (1848) : le livre-programme de la crucifixion de l’Eglise par Vatican II, cent ans plus tard. Un livre codé pour initié.

L’affaire de la réhabilitation et de la béatification de Rosmini poussée par des francs-maçons de la liste Picorelli au Vatican.

L’abbé Belwood (aumônier des dominicaines de Kernabat depuis septembre 2007 et protégé de l’ex-anglican Mgr Williamson) a assisté à Rome, à la ‘béatification’ de Rosmini par Ratzinger le 18 novembre 2007, et s’est fait ensuite, à Kernabat, auprès des enfants des familles fidèles de la FSSPX, le propagandiste zélé du prêtre condamné.

L’ordination de l’abbé Belwood a été faite dans le nouveau rite invalide promulgué en 1969 et n’est pas valide. Monsieur Robert Belwood, au regard de la théologie sacramentelle catholique traditionnelle, est un simple laïc et ne possède pas les pouvoirs sacerdotaux. Il n’a pas été réordonné sous conditions.

Et pendant ce temps, Mgr Fellay négocie avec les Rose+Croix du Vatican les conditions de sa ‘pleine communion’ avec ces milieux maçonniques illuministes, par le ralliement de l’œuvre de Mgr Lefebvre.

Les livres et vidéo importante sur Rosmini sont téléchargeables depuis cette page du site VM :

http://www.virgo-maria.org/Antonio-Rosmini-Serbati/index_rosmini.htm

Nous remercions les conseils avisés des personnes qui nous ont guidés dans nos recherches pour l’étude du cas de Rosmini

Table des matières

1.       Petite chronologie des évènements de 1826 à 1859 autour de Rosmini et des origines de l’Institut de la Charité (Rosminiens) 2

2.       Histoire et rôle dans la subversion de l’Eglise. 6

2.1.       Qui est Rosmini ?. 6

2.2.       Pourquoi a-t-il été condamné ?. 7

2.3.       La symbolique du blason de Rosmini est similaire à la symbolique Rose+Croix. 12

2.4.       Les « Cinq plaies de l’Eglise » : le livre-programme de la crucifixion de l’Eglise par Vatican II : un livre codé pour initié. 12

2.5.       Antonio Rosmini-Serbati : un jeune ambitieux choisi par des ennemis de l’Eglise. 16

2.6.       La mort de Rosmini persuadé d’avoir été empoisonné. 18

Lucienne Portier fait état de la conviction de Rosmini d’avoir été empoisonné : 18

2.7.       Les connexions de Rosmini et des Rosminiens avec l’Angleterre. 18

3.       La réhabilitation et la ‘béatification’ de Rosmini après Vatican II et sous la houlette de Ratzinger 19

3.1.       Comment et quand les modernistes conciliaires l’ont-ils réhabilité et « béatifié » ?. 19

3.2.       Rosmini est présenté par les autorités et les auteurs conciliaires comme le précurseur de Vatican II et de la liberté religieuse en particulier 21

3.3.       Luciani-Jean-Paul I a rejeté la pensée de Rosmini, mais « aurait finalement changé d’avis » (témoignage postérieur à la mort de Jean-Paul I dont David Yallop écrit qu’elle ne fut pas naturelle) 22

3.4.       Le réseau maçonnique de la Curie qui a effectué la réhabilitation et la « béatification » de Rosmini 23

4.       La réaction et les silences de la Tradition catholique face à cette ‘béatification’ de Rosmini 27

4.1.       L’abbé Tam dénonce la réhabilitation de Rosmini dans son bulletin n°3 où il examine les textes de l’Osservatore Romano de l’année 2001. 27

4.2.       Quelle fut le comportement de la FSSPX face à cette réhabilitation et à cette béatification ?. 30

5.       Un Rosminien à la FSSPSX : l’abbé Robert Belwood. 32

5.1.       Qui est l’« abbé » Belwood ?. 32

5.2.       L’« abbé » Belwood a été ordonné dans le nouveau rite qui n’est pas valide, il n’est donc pas prêtre (en outre l’on ne sait rien de l’évêque qui l’a « ordonné ») 33

1.       Annexe 1 - Liste des 40 propositions de Rosmini condamnées par le Pape Léon XIII. 35

2.       Annexe 2 - Article de Sodalitium n°52 de janvier 2002 dénonçant la réhabilitation de Rosmini, ce prêtre condamné par l’Eglise sous le pontificat de Léon XIII. 39

3.       Annexe 3 - Article de « Trente Jours », mensuel italien moderniste (organe inféodé à l’église conciliaire), retraçant l’histoire de la ‘béatification’ de Rosmini, condamné par le Pape Léon XIII. 45

4.       Annexe 4 - Note de Ratzinger réhabilitant Rosmini (30 juin 2001) 50

5.       Annexe 5 - La mission rosminienne en Angleterre. 53

6.       Annexe 6 - Un philosophe italien du XIX° siècle – Ouvrages de Rosmini traduits en français. 57

Un philosophe italien du XIXème siècle. 57

7.       Annexe 7 - Interview du ‘cardinal’ lors de la béatification de Rosmini (texte en anglais) par le journal moderniste conciliaire ‘Trente Jours’ – N°9 – Année XXV – Septembre 2007. 59

8.       Annexe 8 - Rosmini, prophète de la liberté religieuse de Vatican II - par le journal moderniste conciliaire Trente Jours’ – N°9 – Année XXV – Septembre 2007. 63

9.       Annexe 9 - Antonio Rosmini : un prêtre philosophe sur les autels - par la revue moderniste conciliaire ‘Liberté politique’ – Novembre 2007. 66

10.        Annexe 10 - Wikipedia – Biographie de Mellerio. 69

1.   Petite chronologie des évènements de 1826 à 1859 autour de Rosmini et des origines de l’Institut de la Charité (Rosminiens)

1829, le 31 mars, Mgr. Francesco Castiglioni (20 novembre 1761-30 novembre 1830) est élu Pape sous le nom de Pie VIII.

Pie VIII succède à Mgr. Annibale Sermattei della Genga, Pape sous le nom de Léon XII du 28 septembre 1823 au 20 février 1829, particulièrement hostile au libéralisme et considéré comme « le Pape de la Sainte Alliance ».

Léon XII avait consacré son bref pontificat de cinq ans et demi à lutter contre la société secrète des carbonari et à réprimer par sa police les assassinats et attentats commis par ces derniers dans les états pontificaux.

A cet effet il aura publié en 1826 son importante encyclique Quo Graviora par laquelle il renouvelle à son tour infailliblement les excommunications portées contre tous les membres des sociétés secrètes et de la Franc-Maçonnerie, suivie le 26 juin 1827 de sa lettre apostolique Dirae Librorum, condamnant leurs écrits.

Les célèbres et capitales « Lettres de la Alta Vendita des Carbonari » saisies plus tard par la police pontificale de Grégoire XVI, et qui seront publiées par Crétineau-Joly bien plus tard en 1859 sous le règne de Pie IX dans les deux tomes de son ouvrage l’Église romaine face à  la révolution, commencent sous son règne et embrassent la période 1820-1846. Cet ouvrage sera réédité en 1976 par Mgr. Marcel Lefebvre.

C’est à la fin du règne de Léon XII qu’un jeune prêtre d’origine vénitienne Antonio Rosmini-Serbati, né le 25 mars 1797 à Rovereto, ordonné prêtre catholique sous le règne de Pie VII à 24 ans le 21 avril 1821 à Chioggia après avoir terminé ses études à Pavie et Padoue, fait à 30 ans la connaissance au mois de juin 1827, à Milan dans la demeure de son grand ami le riche et puissant Comte Giacomo Mellerio[1] (de la célèbre famille des orfèvres- bijoutiers Mellerio (ou Meller) protégée de Marie de Medicis – dont la maison fut fondée plus tard à Paris en 1613 – originaires de Craveggia dans le Val Vigezzo à côté de Domodossola) qu’il connaissait depuis son arrivée en février 1826 à Milan, d’un jeune prêtre du même âge, Giovanni Lowenbruck venu de Lorraine qui lui demande avec insistance de l’aider à fonder une société religieuse, ce qu’il firent le carême suivant en février 1828, au Sacro Monte Calvario tout proche de Domodossola, Rosmini y rédigeant les constitutions de leur nouvelle société religieuse : l’Institut de Charité, ouvert initialement aux clercs et aux laïcs.

Les fondateurs de cet institut (Lowenbruck, Rosmini, Gentili, Molinari) lui assignent pour emblème un pélican se déchirant les entrailles pour nourrir ses oisillons (en référence à l’hymne catholique du Pieux Pélican), mais emblème qui est également celui de l’initiation du 18ème degré maçonnique du Rite Ecossais Ancien et Accepté, degré du Chevalier illuminé de la Rose+Croix.

1830, apparition de Très Sainte Vierge Marie à la Sœur Lazariste Catherine Labouré à la chapelle de la Congrégation, rue du Bac à Paris, lui demandant de répandre la « médaille miraculeuse », sous l’invocation « O Marie conçue sans péché ».

1830, le prêtre Félicité de Lamennais fonde le journal l’Avenir avec le Dominicain Henri de Lacordaire et Charles de Montalembert, dans lequel il réclamait la liberté de conscience, de la presse et la liberté religieuse, et dans lequel les chrétiens libéraux pouvaient développer leur idées de séparation de l’Eglise et de l’Etat.

1830, le 30 novembre, mort du Pape Pie VIII.

1831, le 02 février, Bartolomeo Capellari (8 septembre 1765-1er juin 1846), Père abbé de l’ordre des Camaldules est élu Pape sous le nom de Grégoire XVI.

1831, le 06 février, l’abbé élu Pape Bartolomeo Capellari, après avoir reçu ce même jour la plénitude du Sacerdoce par sa consécration épiscopale, est couronné par la tiare pontificale.

1831, Grégoire XVI reçoit à Rome les « pélerins de la Liberté », rédacteurs du quotidien français l’Avenir, le prêtre Félicité Lamennais, le Père Dominicain Henri Lacordaire et Charles de Montalembert.

1832, le 15 août, Grégoire XVI publie son Encyclique Mirari Vos condamnant le Libéralisme philosophique, le Catholicisme Libéral, et la Liberté Religieuse.

1832, l’abbé Antonio Rosmini-Serbati achève à 35 ans au Sacro Monte Calvario (Domodossola) la rédaction de son ouvrage « Des cinq plaies de l’Eglise » qu’il ne publie pas, mais dont il fait lire le manuscrit à un cercle très restreint d’« amis sûrs », ouvrage qui dresse le programme d’une « réforme » fondamentale de la Sainte Eglise et de la Sainte liturgie sur les principes libéraux et « démocratiques », dont le programme sera réalisé point par point 130 ans plus tard par les Décrets et Constitutions de Vatican II (du jeudi 11 octobre 1962 au mercredi 08 décembre 1965).

1834, Félicité de Lamennais persiste en publiant ses Paroles d’un croyant.

1834, par le Bref pontifical Singulari nos, Grégoire XVI condamne à nouveau personnellement l’abbé Félicité de Lamennais.

1834, décembre, par un Bref, le Pape Grégoire XVI que l’abbé Antonio Rosmini avait connu dès 1823, avant son élection pontificale alors que celui-ci n’était encore que Père abbé Camaldule, répond à l’abbé Rosmini qui l’avait interrogé sur l’envoi en Angleterre de trois compagnons en mission pour convertir les Anglicans, en lui indiquant qu'il laisse "à sa prudence d'accepter ou non la mission proposée par Mgr. Baines"

1835, départ en Angleterre pour la conversion des Anglicans de trois compagnons de l’Institut de Charité, un italien Luigi Gentili (membre fondateur) et deux français Emile Belisy et Antoine Rey, appelés par l’évêque Bénédictin catholique Mgr. Augustine Baines, de Bath à Prior Park, et par Ambrose Lisle March Phillipps De Lisle, un ancien Anglican converti Catholique, ami du pasteur anglican Georges Spencer proche de la famille royale, bientôt à son tour converti catholique.

1838, le 20 décembre, le Pape Grégoire XVI approuve les Constitutions de l’Institut de Charité, revues par l’abbé Antonio Rosmini.

1839, le 25 mars, 20 Rosminiens prononcent leurs vœux en Italie et 6 en Angleterre (à Spetisbury and Prior Park)

1839, le 20 Septembre, la lettre apostolique In sublimi de Grégoire XVI récapitule les autorisations pontificales données à l’Ordre, et nomme à vie l’abbé Antonio Rosmini-Serbati, Préfet général de l’Ordre.

1840, Dom Guéranger, Père Abbé de l’Abbaye bénédictine de Solesmes, publie son œuvre monumentale Les Institutions Liturgiques, dans laquelle il définit l’hérésie anti-liturgique.

1843, le 17 août, naissance de Mariano Rampolla del Tindaro à Polizzi Generosa en Sicile.

1846, le 1er juin, mort du Pape Grégoire XVI d’une crise d’érésipèle.

1846, le 16 juin, élection de Mgr. Giovanni Maria Mastai Ferreti (13 mai 1792-7 février 1878) à la Papauté sous le nom de Pie IX.

1846, le samedi 19 septembre, la Très Sainte Vierge apparaît à deux petits pastoureaux sur la montagne de La Salette près de Grenoble, Maximin Giraud et Mélanie Calvat. Elle leur confie à chacun un Secret, demandant à Mélanie de « faire passer à tout son peuple » le sien qui annonce que « Rome perdra la Foi et deviendra le siège de l’Antéchrist ».

1848, 16 années après avoir fini la rédaction de son manuscrit et l’avoir conservé « confidentiel » depuis 1832, « Des cinq plaies de l’Eglise » qui dresse le programme d’une « réforme » fondamentale de la Sainte Eglise et de la Sainte liturgie sur les principes libéraux et « démocratiques », dont le programme sera réalisé point par point 130 ans plus tard par les Décrets et Constitutions de Vatican II (du jeudi 11 octobre 1962 au mercredi 08 décembre 1965), Antonio Rosmini se décide à le publier en tirage limité pour un cercle d’amis “qui – écrit-il - avaient partagé mes peines, et qui aujourd’hui, comme moi, espèrent en l’avenir”.

1848, le 15 août, Antonio Rosmini-Serbati arrive à Rome, en Ambassadeur envoyé sur le conseil de Vincenzo Gioberti par le Roi Carlo Alberto de Savoie-Piémont, pour négocier avec le pape Pie IX un Concordat entre les Etats Pontificaux et le Royaume de Sardaigne-Piémont de la Maison de Savoie, et former entre les deux Etats une alliance contre l’Autriche (ex-Empire Romain germanique), alors en guerre contre ce Royaume à l’origine des hostilités, ainsi que le modèle d’une future Fédération qui unifie les états italiens « sous l’autorité spirituelle du Pape ».

1848, le 15 novembre, le nouveau Premier Ministre des Etats pontificaux, nommé par Pie IX, Pellegrino Rossi, est assassiné d’un coup de poignard dans la Chancellerie et des émeutes éclatent simultanément dans Rome. Des prêtres et quelques Cardinaux sont tués.

1848, le 16 novembre, un nouveau gouvernement dirigé par Antonio Rosmini qui prendrait aussi le portefeuille de l’Education, est brièvement proposé sous l’autorité de Pie IX pour calmer les esprits. Rosmini aurait refusé la fonction.

1848, le 24 novembre, le pape Pie IX quitte Rome incognito pour Gaëte et la République est proclamée. Le lendemain Antonio Rosmini quitte Rome à son tour pour le rejoindre le 26 novembre.

1849, le 19 mars, le Père Oratorien Theiner publie, sous le titre « Lettres historico-critiques au sujet du livre des Cinq plaies de l’Eglise du P. Antonio Rosmini-Serbati », une critique acerbe et approfondie de l’ouvrage de l’abbé Antonio Rosmini-Serbati qui venait d’être publié.

1849, à Gaëte, le Pape demande, à l’abbé Antonio Rosmini, à propos de son ouvrage récemment paru « Des cinq plaies de la Sainte Eglise », de s’expliquer sur sa position concernant les quatre points suivants exprimés dans son ouvrage :

  1. Le « droit divin » du clergé et du peuple à l’élection des Evêques,
  2. L’usage du vernaculaire dans la Liturgie,
  3. Sa critique de l’Ecole Scholastique,
  4. La séparation de l’Eglise et de l’Etat.

1849, le 30 mai, par décret la Sacrée Congrégation de l’Index condamne l’ouvrage d’Antonio Rosmini-Serbati « Des cinq plaies de la Sainte Eglise », ainsi que ses deux lettres en annexe sur l’élection des évêques catholiques par le clergé et les fidèles, en même temps que son ouvrage « La Constitution selon la justice sociale », condamnation ratifiée de Gaëte le 6 juin 1849 par le Pape Pie IX.

1849, le 19 juin, Antonio Rosmini doit quitter Gaëte sous la pression du Cardinal Giacomo Antonelli, Secrétaire d’Etat de Pie IX.

1849, le 03 juillet, les troupes françaises entrent dans Rome défendue par le carbonaro Guiseppe Garibaldi, et y rétablissent le pouvoir temporel du Saint Siège.

1851, le samedi 21 novembre, naissance de Désiré Mercier, futur Cardinal, à Braine en Belgique.

1854, le 8 décembre, Pie IX proclame le dogme de l’Immaculée Conception par sa Bulle Ineffabilis Deus.

1855, le 01 juillet, l’abbé Antonio Rosmini-Serbati, venant juste de revenir malade d’un court séjour à Rovereto, son lieu de naissance et son ancienne paroisse, meurt à l’âge de 58 ans d’une cause indéterminée, à Stresa devenu le siège de l’Ordre.

1858, le 25 mars en la fête de l’Annonciation, apparition à Lourdes à Bernadette Soubirous de la Très Sainte Vierge qui Se nommera Elle-même en patois local « Que soy era immaculada concepciou ».

1859, le Pape Pie IX autorise par un bref pontifical Crétineau-Joly a publier les célèbres et capitales « Lettres de la Alta Vendita des Carbonari », embrassant la période 1820-1846, saisies par la police pontificale de son prédécesseur Grégoire XVI, dans les deux tomes de son ouvrage l’Église romaine et la révolution. Cet ouvrage sera réédité en 1976 par Mgr. Marcel Lefebvre.

Fin de la brève chronologie

Il était nécessaire de présenter d’emblée au lecteur pour qu’il l’a garde présente à l’esprit, cette brève chronologie des évènements significatifs pour la Sainte Eglise et pour Antonio Rosmini des 33 premières années de la gestation et de la naissance de son Ordre qui fut formellement reconnu par Grégoire XVI le 20 septembre 1839, 11 années après la rédaction de ses constitutions.

Ajoutons qu’au cours de cette période, l’Institut de Charité vécu en particulier des largesse et dons de deux puissants et généreux protecteurs qui lui accordèrent des libéralités financières et dons de plusieurs immeubles et propriétés, notamment à Domodossola, Stresa, et en d’autres endroits privilégiés : le Comte Giacomo Mellerio[2] (à Domodossola en particulier) d’une part, et le Roi de Sardaigne-Piémont Carlo Alberto, Chef de la Maison de Savoie (à Stresa, Turin etc…) d’autre part. De sorte qu’en 1839 cette nouvelle institution religieuse était déjà matériellement solidement dotée, quand l’Ordre Rosminien reçu enfin le 20 septembre sa reconnaissance officielle de la part du Pape Grégoire XVI

2.   Histoire et rôle dans la subversion de l’Eglise

2.1.             Qui est Rosmini ?

Wikipedia en donne le bref résumé autobiographique qui suit.

«Antonio Rosmini, né le 25 mars 1797 à Rovereto et mort le 1er juillet 1855.

 Antonio Rosmini appartient à une famille de la noblesse aisée ; il entre au séminaire, et après des études à Pavie et Padoue, est ordonné prêtre le 21 avril 1821. En 1828, il fonde un nouvel ordre religieux, l'Institut de la Charité (aussi appelé ordre des Rosminiens). Les membres peuvent être prêtres ou laïcs, et se consacrent à la prédication, à l'enseignement de la jeunesse, et aux œuvres de charité, qu'elles soient matérielles, morales ou intellectuelles. Ils s'implantent en Italie, en Angleterre, en Irlande, en France et en Amérique.

Deux de ses ouvrages, Les Cinq blessures de la Sainte Église et La Constitution de la justice sociale, suscitent à l'époque une opposition, notamment de la part des Jésuites ; elles sont placées à l'Index en 1849. Rosmini fait acte de soumission à Rome et se retire à Stresa, sur les bords du Lac Majeur, où il meurt six ans plus tard. Avant sa mort, il apprend que la censure pesant sur ses écrits a été levée par la Congrégation de l'Index. Vingt ans plus tard, le mot utilisé par la Congrégation pour lever la censure (dimittantur) est sujet à polémique : certains affirment que cela revient à approuver l'ouvrage, d'autres soutiennent que la formule est purement négative, et n'implique pas qu'il n'y ait aucune erreur dans les ouvrages de Rosmini. La controverse est tranchée en 1887 par le pape Léon XIII : il condamne quarante thèses rosminiennes et interdit qu'on les enseigne.

L'héroïcité de ses vertus a été reconnue par l'Église catholique le 26 juin 2006. Après la signature d'un décret de béatification par le pape Benoît XVI le 3 juin de l'années suivante, il a été béatifié le 18 novembre 2007, à Novare par le card.Saraiva Martins. »[3]Wikipedia

Evidemment ce n’est pas la véritable Eglise catholique qui a béatifié un prêtre dont les écrits ont été condamnés par les Papes Pie IX et Léon XIII.

Auteur prolixe, Rosmini a produit 120 ouvrages dont seulement quelques titres sont disponibles en français, et un peu plus en anglais.

Œuvres complètes de Rosmini

2.2.             Pourquoi a-t-il été condamné ?

Ses écrits ont fait l’objet de deux condamnations.

Tout d’abord, une mise à l’index de deux de ses ouvrages le 30 mai 1849 sous Pie IX :

Condamnation de Rosmini recensée dans les actes du Magistère

Dès sa parution, l’ouvrage de Rosmini (‘les cinq plaies de l’Eglise’) fut attaqué par un oratorien, le Père Theiner, le 19 mars 1849. La traduction en français de son ouvrage (‘Lettres historico-critiques au sujet du livre des Cinq plaies de l’Eglise du P. Antonio Rosmini-Serbati’), réalisée en 1851 par l’abbé P. de Geslin est téléchargeable [4].

Cette réfutation de Rosmini par le Père Theiner entraîna l’intervention de la congrégation de l’index.

Le Père Theiner y montre le mépris ou l’ignorance historique complète de Rosmini pour l’histoire de l’élection des évêques dans l’Eglise :

« quant aux matières qu’il traite dans son livre, elles sont exposées et développées avec plus d’imagination que de vraie érudition et de science ». Le Père Theiner ne fait pas mystère de sa consternation : « quand à la contexture et à l’économie générale de tout l’ouvrage, je crois pouvoir sans crainte l’appeler malheureuse ».[5]

Décret du 6 juin 1849 de mise à l’index des deux ouvrages de Rosmini par le Pape Pie IX

En voici la traduction publiée en 1849 à Paris :

 « La Sacrée Congrégation des Eminentissimes et Révérendissimes Cardinaux de la sainte Eglise Romaine, préposés à l'Index des mauvais livres par N. S. P. le pape Pie IX et par le Saint-Siège Apostolique, et délégués pour les proscrire, les corriger et en permettre la lecture dans toute la Chrétienté, s'étant réunie à Naples par ordre spécial de Sa Sainteté, a condamné et condamne, a proscrit comme elle proscrit, ou a ordonné et ordonne, quant aux écrits déjà condamnés et proscrits antérieurement, de porter au Catalogue des livres défendus les ouvrages suivants :

·        Des cinq plaies de la Sainte Eglise, traité dédié au Clergé catholique, avec un appendice de deux lettres sur l'élection des Evêques par le Clergé et le Peuple,

La Constitution selon la justice sociale, avec un appendice sur l’unité de l’Italie,

par Antoine Rosmini Serbati. — Décret du 30 mai 1849. L'auteur s'est soumis d'une manière louable.

·        Le Jésuite moderne, par Vincent Gioberti. Même décret.

·        Discours funèbre pour les morts de Vienne, prononcé le 27 novembre 1848 dans l’insigne église de S. André-della-Valle, par le P. Joachim Ventura. » Avec une introduction et une protestation de l’auteur. Même décret.

En conséquence, il n'est permis à personne de quelque rang ou condition qu'on soit, de publier désormais, n'importe en quel idiome, les susdits ouvrages condamnés et proscrits, de les lire ou de les garder ; mais au contraire on est tenu de les remettre aux Ordinaires ou aux inquisiteurs de l'hérésie, sous les peines portées à l'index des livres défendus.

Ces décisions ayant été soumises à N. S. P. le pape Pie IX sur son ordre particulier, Sa Sainteté a approuvé le Décret et la fait publier. En foi de quoi, etc.

Donné à Gaëte, le 6 juin 1849.

J. A. Gard. Brigisole , » Préfet. »[6]

Cette condamnation de Rosmini fut approuvée par le Supérieur de l’ordre dont Rosmini était le fondateur.

Cette mise à l’index sera suivie trente huit ans plus tard d’une condamnation de 40 de ses propositions extraites de ses œuvres par le Décret du Saint-Office "Post obitum" du 14 décembre 1887, sous le règne du Pape Léon XIII.

(Nous donnons dans l’annexe 1, la liste des quarante propositions de Rosmini condamnées par le Saint-Office. La philosophie développée par Rosmini intègre des éléments de l’idéalisme d’Emmanuel Kant.)

Voici les propos que tient le Père Theiner à l’égard de Rosmini en 1849 dans son livre ‘Lettre historico-critiques …’:

« Mon cher ami,

le récent opuscule de Rosmini m'ayant inspiré la même douleur qu'à tous, je réponds volontiers à votre invitation de vous faire connaître à ce sujet mon opinion ; et puisque vous pensez que les observations que je vous ai soumises dans nos intimes causeries, peuvent contribuer à compléter et à réfuter les idées, équivoques en partie et en partie erronées, que contient en grand nombre ce livre, je me suis décidé à déclarer publiquement ce que j'en pensais. Cette tâche, je l'avoue sincèrement, m'est pénible; vous le comprendrez, vous qui connaissez la grande estime que je professe pour un auteur dont j'admire et vénère les vertus, le vaste savoir, et surtout le noble zèle pour la défense de notre sainte Église. Vous vous souvenez sans doute de l'ardeur que j'ai souvent mise à le défendre, en d'autres occasions, contre ses adversaires, quand ils me semblaient l'attaquer avec trop d'emportement. Cet aveu que je fais ici, clair et loyal, à la face du monde entier, me donne l'espoir que je ne verrai point interpréter mes paroles d'une manière fâcheuse, et que l'on ne suspectera point mes sentiments, si, maintenant , avec une franchise et une loyauté semblables, je signale quelques-uns des défauts et des parties faibles de la dernière œuvre de Rosmini, et si je manifeste mes craintes au sujet de quelques-unes des opinions qu'il professe.

Quant à la contexture et à l'économie générale de tout l'ouvrage, je crois pouvoir sans crainte l'appeler malheureuse ; elle fait dès l'abord une impression désagréable au lecteur. L'auteur s'étant servi, pour représenter l'Eglise, de l'image sublime du corps de Jésus-Christ, on se demande pourquoi, puisqu'il nous exposait en paroles vives et brûlantes cette peinture si touchante et si belle, il n'a pas jugé à propos de nous indiquer les motifs qui l'ont porté à distribuer ces cinq plaies de la manière qu'il l'a fait. Il paraît que cette poétique dissertation, qui s'est jusqu'à présent montrée sous le manteau d'une prose enthousiaste, n'a pas encore pu s'élancer dans ces régions sublimes et profondes où habite la mystique chrétienne, et où pénétraient ces vénérables et grands auteurs du moyen âge, dont il semble que les noms seuls étaient présents à son esprit.

Maintenant, quant aux matières qu'il traite dans son livre, elles sont exposées et développées avec plus d'imagination que de vraie érudition et de science et cela est d'autant plus à déplorer qu'elles sont d'une nature plus grave, et pénètrent plus profondément dans l'esprit de l'Église; ce qui lui manque par-dessus tout, c'est la tranquillité d'esprit, la modération et la pénétration, qualités si essentielles pourtant à qui veut se livrer avec fruit à de semblables investigations, et sans lesquelles celles-ci ne peuvent avoir aucun prix. L absence de ces qualités dans l'ouvrage en question, est pour nous une véritable énigme, et ne nous surprend pas médiocrement de la part d'un auteur connu pour le calme édifiant et salutaire qui règne dans ses autres écrits. C'est ainsi que pourtant il a été saisi, lui aussi, naguère constant et ferme, de cette agitation fébrile de nos jours, et malheureusement encore par elle envahi, saisi, entraîné. Si nous voulions définir son œuvre en peu de mots, nous la pourrions nommer une couronne tressée des plus éblouissantes théories, mais dont l'exécution pratique, possible peut-être, au moins dans la fantastique imagination de l'inventeur, doit être réservée à des temps meilleurs, et certainement pour un lointain avenir. Pour condescendre donc à votre désir, mon ami, je viens vous exposer mon opinion sur la quatrième plaie de l'Église, je veux dire l'élection des évêques par le pouvoir séculier, cette plaie que Rosmini place dans le pied droit, plus tard, j'examinerai de même les autres plaies.

L'élection des Évêques est sans contredit de la plus haute importance pour l'Église, et il est vraiment lamentable qu'elle ait été par notre auteur traitée avec autant de légèreté que d'ignorance. Nous ne pouvons comprendre comment il s'est pu vanter d'avoir soulevé ce large voile d'ignorance qui, depuis longtemps, couvre cette matière des élections episcopales. Pour avoir droit d'être aussi affirmatif, il eût dû nous montrer comment l'Épiscopat, institué par Jésus-Christ, fut, par l'Église, ou plutôt par la communauté des fidèles, développé dans le cours des siècles; comment il prit la forme d'institution métropolitaine; quels étaient ses rapports réciproques avec le système métropolitain ; quelle fut enfin leur double influence sur l'Église et sur le corps clérical, ainsi que sur la masse des fidèles. II était désirable qu'il nous eût, avec fidélité historique, exposé tous les motifs d'ordre religieux et social qui firent acquérir aux souverains cette influence immense sur l'élection des Evêques ; influence quelquefois nécessaire, quelquefois utile, d'autres fois perfide et nuisible; et comment s'établit et se manifesta cette influence pendant le laps des siècles jusqu'à nos temps. Toutes ces hautes et sérieuses questions, dont la solution pourtant pourrait seule conduire à l'intelligence de cette matière, il les a presqu'entièrement négligées , ou du moins, il ne les a élucidées qu'à peine, et avec une telle partialité qu'il semble n'en parler que pour donner un libre cours à son aversion contre les souverains et à son injuste haine, sans avoir égard aux différentes conditions sociales des temps divers qui produisirent cette influence des princes temporels. Afin d'élargir sa voie, il semble qu'il veuille, pour ainsi dire, saisir toutes les occasions aux cheveux, et l'on pourrait être tenté de croire que l'auteur s'apitoie sur le sort des empereurs et des autres princes séculiers, qui abandonnèrent le paganisme pour embrasser la religion chrétienne.

Tous, le clergé d'abord, le peuple et les princes ensuite, tous, dans l'élection des Evêques, ont été coupables. C'est un devoir sacré pour l'historien de peser avec justice à chacun sa part de faute dans la faute universelle ; mais quand Rosmini croit et déclare purs de tout péché le clergé et le peuple, pour en faire, avec une fureur sauvage, tomber la responsabilité entière sur la tête des rois, c'est là une injustice énorme. Pour nous, nous avons une idée trop haute de son caractère pour ne pas admettre qu'il a été induit en erreur par son peu de connaissance de l'histoire, et trompé par son zèle noble et saint, il est vrai, mais indiscret parfois et peu éclairé, qui le pousse à désirer une certaine indépendance, ou, pour mieux dire, une séparation absolue entre l'Eglise et l'État.

Notre auteur parle des élections des Évêques de nos jours, comme si elles se faisaient encore dans les conditions déplorables du neuvième siècle jusqu'au temps de Grégoire VII. S'il en était ainsi, nous trouverions ses paroles raisonnables et justes, et non-seulement dignes d'éloge, mais dignes encore d'être défendues et admirées. Dieu merci ! les temps sont changés, et l'état de la société, comme celui de l'Église, a pris une autre forme et d'autres allures. Sans vouloir tenir compte des prudentes dispositions d'Innocent III et de ses successeurs, qui rendirent l'élection des Évêques à ceux auxquels seuls elle peut appartenir de droit divin, c'est-à-dire, au clergé et aux chapitres des Cathédrales, dispositions qui, en général, sauf les modifications nécessaires par l'exigence des temps, et concédées plus tard par les souverains Pontifes, sont encore aujourd'hui, dans un grand nombre d'Eglises particulières, en usage et en pleine vigueur, et n'ont pas été abolies, même par le saint Concile de Trente. Lui, l'auteur, nous veut de nouveau lancer dans ces tumultueuses et bâtardes élections d'Évêques des premiers siècles de l'Église, et les restituer au clergé et au peuple: c'est pour atteindre ce but qu'il déploie toute la puissance de son éloquence, et une érudition éblouissante et trompeuse ; et c'est de la réalisation de ce désir qu'il attend, pour l'Église, tous les biens imaginables, et sa renaissance même.

Si Rosmini ne se trompe pas, il faut dire que se sont trompés et ont erré tous les Papes qui se sont succède depuis Innocent III jusqu'à nos jours ; car chacun sait que ce fut Innocent III qui, en retirant au peuple l'élection des Évêques, et la transférant aux chapitres cathédraux, reconnut en même temps aux souverains temporels une certaine influence, laquelle, toujours restreinte dans les limites de la justice et du devoir, fut quelquefois amplifiée par ses successeurs, dans d'impérieuses circonstances. De la même manière se seraient trompés et auraient erré les Pères du Concile œcuménique de Trente, si remplis de sainteté et de lumières, et parmi lesquels devaient se trouver, je pense, quelques Évêques, prélats et prêtres non moins érudits et zélés pour le salut de l'Église que Rosmini lui-même, et qui, pourtant, ne jugèrent pas opportun de changer et de bouleverser la pratique introduite par Innocent III dans l'Église, pour l'élection des Évêques.

Si Rosmini avait consulté l'histoire; s'il avait puisé dans les sources originales des temps ; s'il avait eu une parfaite connaissance du droit canonique positif, il n'eût jamais professé la doctrine que l'élection des Évêques doit être faite par le clergé et par le peuple, doctrine qui, si elle était mise en pratique de nos jours, ne tarderait guère à ébranler et à renverser dans ses fondements les plus intimes, tout l'édifice social et hiérarchique de l'Eglise, et à faire à cette même Église la plus profonde et la plus incurable blessure. Si Rosmini avait jeté un seul regard rapide sur l'histoire de quelques-unes des élections des Papes, des premiers temps de l'ère chrétienne jusqu’à ceux d'Alexandre II et de Grégoire VII (élections auxquelles, à cause de l'influence terrible et impie qu'y exerçait le peuple, on ne peut penser sans indignation et sans horreur), il aurait pu comprendre combien erronée et pernicieuse est sa proposition. A quels périls cet usage n'exposa-t-il pas l'Église universelle? Si alors on n'eût pas vu souvent les souverains- chrétiens, et en particulier les empereurs d'Allemagne, interposer leur médiation ; s'ils n'avaient pas attaqué et détruit, avec leurs armes-puissantes les factions impies, et dispersé les indignes aspirants à la tiare, candidats favoris du peuple, l'Église eût été certainement déchirée par les schismes les plus affreux. Dans nos réflexions, nous passerons sous silence ces scènes de scandale, ou nous les toucherons, brièvement, pour ne pas rouvrir d'anciennes plaies, et ne parler que de l'élection des Évêques ; et sur ce point encore, nous nous efforcerons d'être bref, nous bornant à relater seulement quelques rares exemples de l'influence funeste que le peuple y exerça.

Pour donner à nos observations sur la forme de l'élection des Évêques plus de clarté et de précision, nous les diviserons en trois époques différentes : la première, depuis la fondation de l'Église jusques à Charlemagne ; la deuxième , de Charlemagne à Innocent III, et enfin la troisième depuis Innocent III jusqu'au Concile de Trente. Nous traiterons très-succinctement cette troisième période, nous contentant uniquement de montrer comment les élections des Évêques retombèrent aux mains des princes, et comment ensuite elles furent revendiquées pour l'Église par ce saint Concile œcuménique » Père Theiner, 19 mars 1849, Rome

2.3.             La symbolique du blason de Rosmini est similaire à la symbolique Rose+Croix

Le blason de Rosmini présente une symbolique troublante pour un prêtre catholique, tant elle est semblable à la symbolique des loges illuministes Rose+Croix.

Elle repose sur la représentation d’un oiseau qui se déchire les entrailles pour ses oisillons (évoquant l’hymne catholique du « pieux pélican »).

Les illuministes rosicruciens usent d’une symbolique identique qui représente le même pélican.

          

Symbole Rose+Croix[7] – Blason de Rosmini – Symbole Rose+Croix

Cet emblème du pélican se retrouve dans les ornements qui sont associés au 18° d’initiation maçonnique du « rite écossais ancien et accepté », celui de Chevalier de la Rose+Croix :

Bijou du 18° degré de Chevalier de la Rose+Croix[8]

2.4.             Les « Cinq plaies de l’Eglise » : le livre-programme de la crucifixion de l’Eglise par Vatican II : un livre codé pour initié

Le livre ‘Des cinq plaies de l’Eglise’ est sans conteste le plus connu des ouvrages de Rosmini. Il fut qualifié de ‘prophétique’ par Montini-Paul VI et tous ses chapitres ont trouvé une réalisation dans Vatican II et les réformes qui ont suivi.

Cette correspondance exacte et précise entre les chapitres du livre de Rosmini de 1848 et les documents promulgués à l’occasion de Vatican II, a été établie de façon précise et très détaillée par les Rosminiens eux-mêmes du Rosmini Center situé en Grande-Bretagne.

Nous donnons un lien[9] vers ce document capital qui mériterait une traduction en français.

1ère plaie

Voir la Constitution sur la liturgie (SL)

2ème plaie

Voir le Décret sur la formation des prêtres (FP) ; voir aussi le Décret sur le ministère et la vie des prêtres (MVP)

3ème plaie

Voir le Décret sur la charge pastorale des évêques dans l’Eglise (CPE). Voir aussi Lumen Gentium (LG).

4ème plaie

Voir le Décret sur la charge pastorale des évêques dans l’Eglise (CPE).. Voir aussi la Déclaration sur la liberté religieuse (LR)

5ème plaie

Voir la Déclaration sur la liberté religieuse (LR). Voir aussi diverses Encycliques Papales sur les questions sociales.

Table de correspondance établie par les Rosminiens anglais[10]

Avec le recul de 160 ans, et la destruction de l’Eglise opérée par Vatican II, nous comprenons maintenant que ce livre de Rosmini doit être lu comme un livre-programme, un livre à clé pour initié, que les générations de Rose+Croix qui travaillaient à la destruction de l’Eglise savaient traduire dans leur symbolique et dont ils entendaient dans un sens différent du sens littéral, chaque point de destruction de l’Eglise.

Ce livre-programme est le livre de la crucifixion de l’Eglise, en crucifiant à nouveau le Christ.

Chaque ‘plaie’ représente un angle d’attaque contre le Corps mystique de Notre Seigneur Jésus-Christ afin que soit rendue vaine son Incarnation.

Pour bien comprendre ce que représente cette haine de Notre Seigneur Jésus-Christ par les Rose+Croix, il faut relire ce passage de Jules Doisnel :

« I (esus) N (azarenus) R (esurrexit) I (ncassum).

C'est vainement que Jésus le Nazaréen est ressuscité. La foi à l'Église, à son pouvoir, à sa mission, repose tout entière sur ce fait : la résurrection du Seigneur. Lucifer ne nie pas et ne peut pas nier cette glorieuse manifestation de la divinité de Jésus-Christ. Il sait, et ne peut ne pas savoir que tout le christianisme est fondé sur ce miracle de la toute-puissance de Dieu. S'il a affaire aux maçons ignorants, il nie et ricane, avec Renan ou Voltaire, qu'il a inspirés. S'il a affaire aux luciférisants instruits du dogme catholique - et c'était le cas - il se garde bien de nier encore. Au contraire, il affirme. Il dit : Oui, le Nazaréen est vraiment ressuscité. Mais il ajoute : et c'est vainement qu'il est ressuscité ! Ce qui veut dire, car rien n'est plus clair : je détruirai, moi, Satan, le bénéfice de cette résurrection. Je le rendrai inutile, en perdant les âmes chrétiennes. Et sa résurrection sera vaine, parce que cette résurrection ne sauvera pas ceux qui sont destinés à mon empire ; disons le mot : LES DAMNÉS. El le mot sacré qu'il donne aux Roses-Croix qui ont le malheur de participer à son œuvre maudite c'est précisément l’INRI infernal, par lequel il affirme que Jésus est ressuscité, mais que lui, Satan, rendra nulle, la résurrection. Voilà une profondeur de malice et une profondeur de haine qui impriment sur l'interprétation que je viens de donner, un sceau terrible, le cachet luciférien.

Ni Ragon, ni Pike, ni personne, n'auraient pu trouver d'eux-mêmes cette traduction épouvantable du mot profané. Et quand justement, Satan se sert de l'inscription de la Croix qui rachète et qui sauve, pour nier si audacieusement l'effet sauveur de la croix, il donne la mesure de sa formidable hostilité contre le Seigneur. Le grade de Rose-Croix contient donc le satanisme à haute dose. II est le germe des hauts grades, comme le degré d'apprenti était le germe du grade du Maître : avec cette différence, toutefois, que le grade de Rose-Croix constitue le maçon parfait, le maçon ayant contracté, s'il est intelligent, s'il a le sens religieux, un pacte formel avec l'ennemi de Jésus-Christ.

Non content d'avoir ainsi donné un sens doctrinal à ce mot sacré, Lucifer se sert de ce mot comme d'une invocation directement adressée à sa divinité et il l'oppose à la formule par laquelle on se reconnaît chrétien. Le chrétien en effet se signe en disant : Au nom du Père, du Fils, du Saint-Esprit ; et par ces paroles, il confesse sa foi et se proclame chrétien. Le Rose-Croix, à son tour fait le signe du Bon Pasteur, ou le signe de l'équerre, en disant : I\N\R\I\ Et en disant INRI, le Rose-Croix dit : I(n) N(omine) R(egis) I(nferni) Au nom du Roi de l'Enfer ! Il prononce comme le chrétien sa profession de foi, mais il la prononce dans un sens absolument contraire. Il se proclame Luciférien. Il se proclame fidèle de l'Enfer. Il se proclame réprouvé. Que le mystère innommable que je révèle, éclaire les confesseurs et fasse frémir les malheureux qui ont reçu le stigmate de la bête : l'Equerre. » Lucifer démasqué - Jean Kostka - chapitre XXI - chevalier rose-croix[11]

Les Rose+Croix veulent donc rendre vaine la Résurrection de Notre Seigneur Jésus-Christ, en crucifiant Son Eglise et en détruisant le Sacerdoce sacrificiel sacramentellement valide dont elle est dépositaire de par l’Incarnation de Notre Seigneur Jésus-Christ et de par l’institution du Sacrement de l’Ordre qu’Il a effectué parmi ses apôtres, EN SORTE DE TARIR LES CANAUX ORDINAIRES DE LA GRÂCE.

De la même façon que le ‘dieu mortel’, le livre à clé de l’abbé Celier est un guide initiatique de l’apostasie pour initié, de même (mais avec bien plus de talent), le livre de Rosmini est un livre-programme où sont déjà tracées les réformes clés qui viendront lors de Vatican II détruire l’Eglise.

C’est pourquoi le Rose+Croix Roncalli-Jean XXIII déclarait tant aimer la lecture des ouvrages de Rosmini, en précisant souvent que le livre de ce dernier ‘Des cinq plaies de l’Eglise’ était devenu « son livre de chevet ».

La thèse de l’élection des évêques par le peuple et la sainteté du peuple qui ferait le bon clergé est absurde. Dans les années 1820, Blanc de Saint-Bonnet a résumé la doctrine de la Tradition catholique sur l'origine de la sainteté dans le peuple par la formule restée très célèbre :

"Le clergé saint fait le peuple pieux, le clergé pieux fait le peuple honnête, le clergé honnête fait le peuple impie...."

Il n'a pas précisé ce que faisait le clergé impie...comme aujourd'hui !

Ce sont les vrais évêques catholiques qui vivent la plénitude de leur Sacerdoce qui ont fait les peuples chrétiens, et non l’inverse.



2.5.             Antonio Rosmini-Serbati : un jeune ambitieux choisi par des ennemis de l’Eglise

Rosmini apparaît sur scène vers 1821

Les lettres de la Haute-Vente (publiées pour la première fois en 1859, alors que les premières de ces lettres de la Alta-Vendita des carbonari italiens sont datées de la première moitié des années 1820), que Mgr Lefebvre fit republier en 1976, couvrent la période de 1820 à 1846 (‘L’Eglise romaine face à la Révolution’ de Crétineau-Joly).

Ces lettres montrent déjà la secte des infiltrés maçonniques en action au sein de l’Eglise[12], et occupée à gravir avec une ruse consommée les échelons de la hiérarchie.

Le ‘tireur de ficelles’ de cette infiltration des illuminés carbonari signe ses lettres du nom de code Piccolo Tigre.

Rosmini apparaît alors comme un jeune prélat intellectuel mais ambitieux qui se sera laissé flatté puis entraîner, selon les méthodes éprouvées et subtiles préconisées dans ces lettres.

Quelles ont donc été les influences qui devaient conduire Rosmini à écrire ce livre-programme ?

C’est à la fin du règne de Léon XII que le jeune prêtre d’origine vénitienne Antonio Rosmini-Serbati, né le 25 mars 1797 à Rovereto, ordonné prêtre catholique sous le règne de Pie VII à 24 ans le 21 avril 1821 à Chioggia après avoir terminé ses études à Pavie et Padoue, se rend à Milan pour une rencontre décisive. Agé de 30 ans, il y fait la connaissance au mois de juin 1827, d’un jeune prêtre du même âge, Giovanni Lowenbruck venu de Lorraine.

Cette rencontre a lieu dans la demeure de son grand ami le riche et influent Comte Giacomo Mellerio[13] (de la célèbre famille des orfèvres- bijoutiers Mellerio (ou Meller) protégée de Marie de Medicis – dont la maison fondée plus tard à Paris en 1613 – originaires de Craveggia dans le Val Vigezzo à côté de Domodossola) qu’il connaissait depuis son arrivée en février 1826 à Milan, soit 14 mois auparavant. C’est le Comte Mellerio qui lui présente ce jeune prêtre Lowenbruck du même âge que lui.

L’abbé Lowenbruck, qui ne le connaît pas, lui demande pourtant et avec insistance de l’aider à fonder une société religieuse. Quelle curieuse demande pour un premier contact !

L’affaire ne traîne pas, puisqu’ils la réalisent le carême suivant en février 1828, au Sacro Monte Calvario tout proche de Domodossola (région d’origine de la famille du Comte), Rosmini y rédigeant les constitutions de leur nouvelle société religieuse : l’Institut de Charité, ouvert initialement aux clercs et aux laïcs.

Quand il rencontre l’abbé Lowenbruck en juin 1827, Rosmini apparaît comme un jeune abbé intellectuel et ambitieux. Et en moins de huit mois, il va réaliser un projet de fondation d’un Institut. Huit mois seulement. Cela paraît bien étrange. Qui a inspiré et insufflé en Rosmini une telle ambition ?

Les fondateurs de cet institut (Lowenbruck, Rosmini, Gentili, Molinari) lui assignent pour emblème un pélican se déchirant les entrailles pour nourrir ses oisillons (en référence à l’hymne catholique du Pieux Pélican), mais emblème qui se trouve être également précisément celui de l’initiation du 18ème degré maçonnique du Rite Ecossais Ancien et Accepté, degré du Chevalier illuminé de la Rose+Croix.

C’est quatre ans seulement après la fondation de cet Institut, en 1832, que Rosmini écrira son livre-programme (‘Les cinq plaies de l’Eglise’) dont il fera circuler le manuscrit en diffusion restreinte dans son proche entourage.

Il ne le publiera à tirage limité ce manuscrit que seize ans pus tard en 1848, quand, soutenu par le chef de la Maison de Savoie, le Roi de Sardaigne-Piémont Carlo Alberto son autre protecteur, il aspirera à occuper des responsabilités importantes auprès du nouveau Pape Pie IX sur l’« ouverture d’esprit » duquel ils tablaient, lui et ses amis et protecteurs « libéraux ».

Mais leur heure de ténèbres n’était pas alors encore advenue, et la Providence fit cruellement échouer leur projet comme le rappelle la brève chronologie de 33 ans placée en introduction.

Peu de temps après la fondation de l’Institut de la Charité, le 16 juin 1835, commencera la mission en Angleterre des membres de l’Institut (Gentili) et ces prêtres seront en contact avec les milieux Anglicans et le mouvement d’Oxford et les tractariens du Pasteur Pusey.

Un jeune converti de l’Anglicanisme, l’aristocrate anglais Guillaume Lockhart, ami du futur Cardinal Manning (futur membre de la Round Table) et du futur Cardinal Newman (tous deux encore anglicans à cette époque), entre à l’Institut de la Charité[14].

Lucienne Portier (professeur honoraire à la Sorbonne) détaille le grand intérêt de Rosmini pour les rites orientaux, stimulé en cela par l’abbé Pagani, supérieur de la mission anglaise de l’Institut de la charité.

« La réflexion sur les missions se poursuivra longtemps. À Mgr Luquet, évêque de Hesebon, il s'agit des rites orientaux dont Rosmini affirme : « l'attachement des peuples à leur rite est si grand, j'oserais dire si aveugle que je crois impossible de faire entrer dans l'église les nations schismatiques et hérétiques de l’Orient si l'on prétendait en même temps les faire changeait de rites, les conduisant au rite latin ou autre. » Aussi la sagesse de l'Eglise a-t-elle recommandé aux missionnaires, en particulier par les décrets de Benoît 14, de respecter les « antiques et vénérables liturgies des peuples orientaux, de maintenir ou restituer à ses rites toute la dignité qu'ils peuvent avoir perdue aux yeux de l'Occident. » Une idée très heureuse est, en effet, « d'introduire les divers rites auprès des membres des Congrégations Catholiques destinées à devenir Missionnaires au Pasteur de ces brebis éloignées du troupeau ». L'institut de la charité, dont la devise était Omnibus omnia, serait prête à instituer plusieurs collèges dont chacun serait destiné aux peuples qui professent tel rite. Ce serait tout à fait conforme à son institution et à son esprit qu'il y eut, « disons, un collège de Missionnaires pour les Russes, un pour les Grecs, un pour les Arméniens et ainsi de suite ». Giovanni Battista Pagani, qui est supérieur de la mission anglaise depuis désormais dix ans, a suggéré le projet de missions en pays lointains. Tout en lui demandant de développer largement sa pensée, Rosmini expose ce qui lui semble bons en une longue lettre. Il revient sur la nécessité d'un collège spécial pour chaque pays en vue, car il faut se limiter et non s'éparpiller. » [15]

Nous sommes dans les années 1835-1850, et déjà apparaît dans ce milieu anglais qui influence Rosmini, un très étrange intérêt pour les rites orientaux.

C’est précisément sur ce terrain des rites orientaux qu’ont fleuri les tentatives anglicanes pour la reconnaissance de la prétendue validité de leurs ordinations (1875 avec le Cardinal Manning de la Round Table et 1895 par Lord Halifax et l’abbé Portal), jusqu’à ce que le Pape Léon XIII, après un combat acharné de plusieurs décennies, ne les déclare infailliblement « absolument nulles et entièrement vaines » par sa magnifique bulle Apostolicae Curae de 1896, véritable victoire de Lépante du Sacerdoce Sacrificiel Catholique.

C’est encore ce même terrain des rites orientaux qui servira au trio infernal Lécuyer-DomBotte-Bugnini\ pour forger leur contre-façon de forme sacramentelle essentielle de consécration épiscopale que précisément ils prétendront fallacieusement et avec astuces être « équivalentes » aux formes sacramentelles épiscopales orientales (cf. www.rore-sanctifica.org), nouvelle forme sacramentelle essentielle épiscopale en réalité « absolument nulle et totalement vaine » qui sera imposée à la sainte Eglise Romaine pour la consécration des évêques de rite latin le 18 juin 1968 par la « Constitution apostolique » factuellement doublement mensongère de Montini-Paul VI Pontificalis Romani (cf. www.rore-sanctifica.org), détruisant ainsi depuis maintenant quarante ans le Sacerdoce sacrificiel catholique dans l’Eglise de rite latin.

En lisant ces propos de Rosmini sur ses projets de missions spécialisées et multi-rituelles vers les multiples rites orientaux, nous croyons entendre du Dom Beauduin, ou plus près de nous, du Père Michaël Sim et sa très suspecte fondation des Rédemptoristes Transalpins.

Rosmini peut sans doute être considéré comme un manipulé dans les premières années, et sa soif d’ambition a permis à des ennemis puissants, patients et rusés de l’Eglise de se servir de lui afin de parvenir à créer une structure souple, un Institut Religieux qui permettrait par la suite à des réseaux, en connexion avec les Anglicans, de s’établir, se développer et fonctionner.

Il est fort possible que le très libéral abbé Antonio Rosmini n’ait pas été initié aux finalités ultimes des puissants personnages qui ont assuré sa carrière. Mais son intelligence ne pouvait manquer de le lui faire pressentir rapidement.

Sa mort par empoisonnement tendrait à l’indiquer.

Et nous voyons qu’à peine créé, l’Institut de la Charité devient le canal de thématiques d’origine Anglicane qui vont modeler dans les décennies suivantes l’histoire secrète de la haute subversion dans l’Eglise.

2.6.             La mort de Rosmini persuadé d’avoir été empoisonné

 

Lucienne Portier fait état de la conviction de Rosmini d’avoir été empoisonné :

« Un séjour à Rovereto, il était revenu malade, persuadé qu'il avait été empoisonné au cours d'un repas d'adieu, et après une première tentative de trois mois auparavant. » [16]

« Dans son diary, Rosmini a consigné un épisode insolite :

« 1852, 25 février, jour des Cendres. Dans le jardin de Stresa entra une personne bien vêtue d'un habit noir avec manteau bleu. À Antonio Carli qui se trouvait là, il demanda s'il était le domestique de l'abbé Rosmini. Sur réponse affirmative et lui dit qu'il avait un service à lui demander, une chose sans importance, mais s'il voulait la faire on lui donnerait une somme d'argent importante. Prenant dans sa poche un petit flacon, il pria Carli de verser le liquide qu'il contenait dans le café ou le chocolat que prenait le matin l'abbé Rosmini. Carli abasourdi par cette proposition refusa, et l'étranger ajouta aussitôt qu'il ne devait pas se préoccuper et, sortant tranquillement du jardin, il alla tout droit au rivage du lac, juste en face où se tenait prête une barque avec trois ou quatre bateliers, il y monta et disparut. » [17]

 

2.7.             Les connexions de Rosmini et des Rosminiens avec l’Angleterre

Nous n’approfondirons pas ce sujet ici, mais nous évoquerons simplement quelques faits.

Une annexe du document du Rosmini Center britannique, rédigée en anglais, donne une vue générale sur les connexions entre Rosmini et l’Institut qu’il a fondé, et les milieux catholiques anglais, dont certains éléments venaient de l’anglicanisme.

Il est évident que l’aire d’influence actuelle des Rosminiens s’identifie essentiellement avec le monde anglo-saxon, à l’exception de l’Italie et de deux lieux d’implantation en Amérique du Sud.

L’implantation des Rosminiens dans le monde

3.   La réhabilitation et la ‘béatification’ de Rosmini après Vatican II et sous la houlette de Ratzinger

 

3.1.             Comment et quand les modernistes conciliaires l’ont-ils réhabilité et « béatifié » ?

La béatification de Rosmini a eu lieu le 18 novembre 2007, et elle fut précédée d’une réhabilitation par Ratzinger sous le règne de Wojtyla-Jean-Paul II le 30 juin 2001.

La proposition n°34, extraite des œuvres de Rosmini et condamnée le 14 décembre 1887 par le Saint-Office, s’énonce ainsi :

« 34 - Pour préserver la bienheureuse Vierge Marie du péché originel, il suffisait que demeure non corrompue une minuscule semence d'homme, négligée peut-être par le démon, et que de cette semence non corrompue, transmise de génération en génération, sortît en son temps la Vierge Marie. »

Rosmini imagine donc que l’Immaculée Conception de la Très Sainte Vierge Marie proviendrait de son ascendance charnelle qui aurait transmis, une ‘semence d’homme non corrompue’ - c'est-à-dire, dans l’esprit de Rosmini, totalement indemne de tout péché originel - mais inopérante dans la chaîne de ses parents qui se la transmettait de générations en générations, et que ce serait seulement lors de la génération charnelle de la Très Sainte Vierge Marie par ces parents, cette ‘semence d’homme non corrompue’ serait tout à coup devenue pleinement opérante et aurait pu ainsi totalement protéger la TSVM de tout péché originel, donnant lieu à son Immaculée Conception.

Une telle conception est purement grotesque.

En outre, elle est absolument opposée à la Révélation et à la Tradition catholiques qui enseignent en particulier que la génération charnelle du genre humain par Adam et Eve, par laquelle le Péché originel est propagé à l’Humanité de générations en générations, a commencé après la malédiction divine et leur expulsion du Paradis terrestre. Elles enseignent également que le privilège de son Immaculée Conception fut accordé à la Très Sainte Vierge Marie par sa « participation » intemporelle à l’Incarnation du Verbe Eternel.

Et que nous dit Ratzinger en 2002 ?

« On peut actuellement considérer comme désormais dépassés les motifs de préoccupations et de difficultés doctrinales et prudentielles qui ont déterminé la promulgation du Décret Post Obitum qui condamnait les « Quarante propositions » extraites des œuvres d’Antonio Rosmini. Et ceci au motif que le sens des propositions, ainsi comprises et condamnées par le même Décret, n’appartient pas en réalité à l’authentique position de Rosmini, mais à de possibles conclusions de la lecture de ses œuvres. Reste toutefois renvoyé au débat théorique la question de la plausibilité du système rosminien lui-même, de sa consistance spéculative et des théories, ou des hypothèses philosophiques et théologiques exprimées par lui.

Dans le même temps, la validité objective du Décret Post Obitum demeure, en ce qui regarde la prescription des propositions condamnées, pour qui les lit en dehors du contexte de la pensée rosminienne, dans une optique idéaliste, ontologique, et dans un sens contraire à la foi et à la doctrine catholique. »

Pour citer Mgr Fellay en 2005 :

« On nous dit ainsi que la condamnation de Rosmini, si on la regarde avec les yeux du thomisme en vigueur au moment où il a été condamné par l’Eglise, alors cette condamnation vaut tout à fait. Mais aujourd’hui c’est autrement, si on regarde les thèses de Rosmini, avec les yeux de Rosmini, sa doctrine est admissible. C’est une approche de la vérité totalement subjective ! (…)C’est la fin de la vérité.  Notez-le bien, c’est la fin de la vérité objective ; et c’est très, très grave. Cela vous montre qui est le Cardinal Ratzinger, au moins au niveau de sa formation théologique. » (voir infra).

Cette déclaration de l’abbé apostat Ratzinger est tellement grotesque que nous aimerions savoir par quel raisonnement farfelu, cette génération successive de type « semence d’homme non corrompue » serait envisageable et nous permettrait de « considérer comme désormais dépassés les motifs de préoccupations et de difficultés doctrinales et prudentielles qui ont déterminé la promulgation du Décret Post Obitum » ?

L’abbé Ratzinger voudrait nous faire croire à la possibilité d’un contexte à la proposition n°34 qui rendrait possible cette transmission presque magique d’une sorte d’’anti-virus anti-péché originel’ totalement inactif pour celui qui le transmet mais radicalement et totalement efficace pour le cas de la génération de la TSVM ?

D’où viennent ces idées tout aussi farfelues qu’étranges à toute la théologie catholique ?

En réalité cette idée d’une transmission mystérieuse d’une toute aussi mystérieuse « semence d’homme non corrompue » s’apparente plutôt aux croyances gnostiques.

Etant donné la symbolique Rose+Croix du pélican qui orne le blason de Rosmini, les recherches devraient plutôt s’orienter vers l’examen des liens entre les milieux gnostico-rosicruciens et l’abbé Rosmini.

Nous pourrions aussi commenter la proposition n° 33 :

« 33 - Lorsque les démons ont pris possession du fruit, ils pensèrent qu'ils entreraient en l'homme s'ils en mangeaient; la nourriture étant changée en corps animé de l'homme, ils pouvaient entrer librement dans l'animalité, c'est- à-dire dans la vie subjective de cet être, et par là en disposer comme ils se l'étaient proposé »

Ainsi Rosmini réduit la faute originelle à une sorte de possession diabolique qui s’opérerait par la matière, alors que la doctrine du péché originel explique que cet acte de croquer la pomme est une désobéissance pleine et entière envers Dieu, et que cette désobéissance s’appliquant à l’arbre de la connaissance du bien et du mal, rejoint le péché de Lucifer qui se révolte par orgueil et en refusant de se soumettre.

Le serpent tente Eve ainsi : « vous serez comme des dieux, connaissant le bien et le mal ».

Mr le Docteur d’Allioli commente ainsi :

« Eve écoute d'abord la voix du séducteur ; elle prend ensuite plaisir à considérer l'objet qu'il lui présente ; elle le désire enfin, elle y porte la main, elle succombe : tableau fidèle de ce qui arrive dans toute espèce de tentation : résistez promptement à la voix séductrice de la concupiscence ; le plaisir que vous prendriez à l'écouter serez déjà une faute. Le péché d'Adam et d'Eve fut un échec très grave ce fut non seulement une faute de sensualité de désobéissance, un orgueil de révolte contre celui dont il tenait tout, la vie, les biens, le bonheur : ils voulurent secouer le joug de la dépendance du Créateur, et devenir eux-mêmes semblables à des dieux : Vous serez comme des dieux. Le désir de se rendre semblable à Dieu, l'adoration de lui-même, qui porte à nier la gloire du Dieu vivant et Seigneur des créatures, fut aussi la faute et le principe de la chute de Satan (Isai. 14, 14) ; il voulut entraîner l'homme dans le même abîme. C'est là encore le caractère de toute révolte contre la foi. Voy. 2. Thess. 2, 4. »[18]

3.2.             Rosmini est présenté par les autorités et les auteurs conciliaires comme le précurseur de Vatican II et de la liberté religieuse en particulier

Le ‘cardinal’ José Saraiva Martins, préfet de la Congrégation pour les causes des Saints, souligne en septembre 2007, dans son interview par ‘Trente Jours’, que Rosmini fut précurseur de la constitution de Vatican II sur la liturgie et de celle sur la liberté religieuse :

« Une autre des plaies signalées par Rosmini est celle qui concerne la liturgie...

      SARAIVA MARTINS: Rosmini comprenait le drame d’une liturgie qui n’était plus comprise par le peuple et souvent même, par les célébrants eux-mêmes. Là aussi, ses intuitions ont anticipé le mouvement de renouvellement liturgique et des exigences exprimées dans la constitution Sacrosanctum Concilium du Concile Vatican II. »

« Quels sont les autres aspects de Vatican II que Rosmini a anticipés ?


      SARAIVA MARTINS: L’un des aspects précurseurs du Concile que Rosmini a certainement saisi a certainement été celui de la liberté religieuse. Sur cette question, Rosmini a vraiment été un anticipateur incompris. La déclaration Dignitatis humanæ lui doit beaucoup »[19]

Rosmini apparaît donc comme un Père très lointain mais aussi très certain de cette destruction de l’Eglise qu’a constitué Vatican II.

Et Giuseppe de Rita va dans le même sens en septembre 2007 :

« Le premier est celui de la liberté religieuse. Après le Concile Vatican II, cela semble une évidence. Mais pensons à l’époque de Rosmini, lorsqu’existaient encore l’État pontifical et le Souverain Pontife et que personne ne se scandalisait parce qu’il était écrit dans le Statut albertin que le catholicisme était “religion d’État”. Le seul qui réagit durement fut Rosmini, qui écrivit: «La religion catholique n’a pas besoin de protections dynastiques, mais de liberté. Elle a besoin que soit protégée sa liberté, et rien d’autre». L’Église, étant une société naturelle et spontanée, ne se condense pas dans le pouvoir, mais elle filtre et pénètre partout comme l’air et l’eau; et elle a seulement besoin de ne pas être entravée. La foi entre dans les cœurs sans passer par les pouvoirs au sommet. Rares sont ceux qui, au cours des décennies marquées par le concile Vatican I, ont eu le courage d’émettre des affirmations de ce genre. »[20]

3.3.             Luciani-Jean-Paul I a rejeté la pensée de Rosmini, mais « aurait finalement changé d’avis » (témoignage postérieur à la mort de Jean-Paul I dont David Yallop écrit qu’elle ne fut pas naturelle)

 

Le mensuel ‘Trente jours’ nous apprend l’hostilité d’Albino Luciani à Rosmini :

« On trouvera reproduite sur ces pages la reconstitution, publiée à partir de la Positio super virtutibus de l’abbé de Rovereto (vol. I, p. 426-427), du singulier rapport entre le prochainement bienheureux Antonio Rosmini et le serviteur de Dieu Albino Luciani, le pape Jean Paul Ier.

      En 1947, don Albino Luciani, alors âgé de trente-cinq ans, obtient son doctorat à la Grégorienne avec une thèse intitulée L’origine dell’anima umana secondo Antonio Rosmini. Dans son ouvrage, le futur Souverain Pontife arrive à la conclusion – largement partagée par le monde théologique et ecclésiastique de l’époque – que la doctrine de l’abbé de Rovereto «n’est pas conforme à l’enseignement de l’Église». Dans la même thèse, don Luciani écrit que le décret Post obitum est «pratiquement irréformable». La thèse de don Albino est publiée à Belluno en 1950 et en 1958, année où Luciani est nommé évêque de Vittorio Veneto, la Gregoriana Editrice de Padoue en imprime une seconde édition. Pendant ce temps, en 1956, le père rosminien Clemente Riva, alors âgé de trente-quatre ans, entre en polémique avec la thèse de Luciani dans son ouvrage Il problema dell’origine dell’anima intellettiva secondo Antonio Rosmini. En 1975, Riva est nommé auxiliaire de Rome et, trois ans plus tard, il se retrouve avec Luciani, avec lequel il avait polémiqué une vingtaine d’années plus tôt, comme évêque de son diocèse. La rencontre entre Jean Paul Ier et l’évêque Riva, racontée par ce dernier, est peut-être parmi les épisodes les plus curieux de la Positio. » Gianni Cardinale[21]

Luciani-Jean-Paul I allait être mourir subitement après 33 jours de règne, le jeudi 28 Septembre 1978.

Et un témoignage vient aujourd’hui affirmer que, sur Rosmini, Luciani « aurait changé d’avis »…

C’est plus facile après la disparition de l’intéressé qui ne risque plus de démentir.

Les circonstances de cette mort subite d’Albino Luciani ont été étudiées par le grand journaliste anglais David Yallop (‘Au nom de Dieu – a-t-on tué le pape Jean-Paul Ier’, Christian Bourgois éditeur, 1984) qui conclut qu’elle ne fut pas naturelle mais criminelle.[22]

3.4.             Le réseau maçonnique de la Curie qui a effectué la réhabilitation et la « béatification » de Rosmini

Dans le mensuel ‘Trente jours’, Claudio Massimiliano Papa, le postulateur de la cause de béatification révèle les tentatives successives incessantes pour parvenir à faire réhabiliter Rosmini (cf. annexe 3 ci-après).

Après le décret Post Obitum du 14 décembre 1887 qui condamnait les 40 propositions de Rosmini, les Rosminiens attendirent 1928 et l’avènement, sous le règne de Pie XI, du Cardinal Gasparri alors Secrétaire d’Etat, ancien « poulain » du Cardinal Rampolla, haut initié R+C de l’OTO (cf. le dossier Rampolla sur www.virgo-maria.org), pour tenter à nouveau de ranimer la cause…Mais les temps n’étaient pas encore mûrs.

C’est plus tard, sous le règne du R+C Angelo Roncalli-Jean XXIII, en 1962, que les contacts au plus haut niveau de la Curie furent renoués pour relancer la cause…

C’est en effet tout spécialement à partir des contacts privilégiés avec des membres des plus influents des commissions successives créées par Pie XII, Jean XXIII et Paul VI pour préparer la « Réforme » de la Liturgie latine, membres privilégiés qui reçurent chacun un exemplaire du livre programme de Rosmini « Des cinq plaies de l’Eglise », que la question de la réhabilitation fut relancée dès la fin des années 50.

Ces commissions, rappelons-le, furent les suivantes, constituées entr’autres des personnages suivants[23] :

Parmi ces personnalités religieuses catholiques, ayant appartenu et collaboré avec les quatre commissions successives charger de « refondre » complètement la liturgie catholique romaine de rite latin, avant, pendant et après le « Concile » Vatican II, on relève un certain nombre de noms qui appartiennent notoirement à la Franc-Maçonnerie, en particulier qui figurent sur la liste publiée par le journaliste Mino Pecorelli dans l’édition du mardi 12 septembre 1978, du journal l’Osservatore Politico, dans son article intitulé la Grande loge Vaticane.

25 semaines plus tard, le mardi 20 mars, Mino Pecorelli fut abattu en représailles dans sa voiture en pleine rue au centre de Rome en plein jour.

Rappelons que cette liste est republiée en mars 2001 par le Dr. Carlo Alberto Agnoli dans son livre « La Maçonnerie à la conquête de l’Eglise », publié par Le Courrier de Rome et diffusé par la FSSPX.

Ces noms sont les suivants :

·         BEA Agostino\, Jésuite, mort le Vendredi 15 novembre 1968, connu pour avoir été proche de l’ordre maçonnique des B’naï-B’rith, Cardinal, Secrétaire d'Etat sous Jean XXIII et Paul VI, très proche de ces "Papes", ancien Confesseur de Pie XII.

·         BUGNINI Annibale\, Lazariste, nom de code Matricule 1365/75 – BUAN, inscrit sur le registre du G\O\ d’Italie depuis le mardi 23 avril 1963, Archevêque Pro-Nonce en Iran (Exil), c'est lui qui a conçu et rédigé le Novus Ordo Missae N.O.M. de 1969

·         PELLEGRINO Michele\, Carme, nom de code Matricule 352/36 – PALMI, inscrit sur le registre du G\O\ d’Italie depuis le lundi 2 mai 1960, Cardinal, Archevêque de Turin, Italie, Conservateur Pontifical du Saint Suaire. C'est lui qui avait conclu en 1988 que cette pièce archéologique sacrée était un faux à la suite des fausses datations anglo-saxonnes au carbone 14

·         NOÊ Virgilio\, nom de code Matricule 43652/21 - VINO, inscrit sur le registre du G\O\ d’Italie depuis le lundi 3 avril 1961, Cardinal Préfet de la Sacrée Congrégation pour le Culte Divin. C'est lui qui, avec Bugnini, qui a associé cinq pasteurs protestants et un Rabbin juif pour élaborer le Novus Ordo Missae N.O.M. de 1969

Toutes ces personnes sont sensibilisées à la cause de la « réhabilitation » Rosmini qui convient excellemment à leur programme d’action.

En particulier, le Cardinal Arcadio Larraona, qui a fait partie depuis 1948 de toutes les quatre Commissions de réforme de la Liturgie Latine, qui réussit pourtant – tout en restant l’ami du père Ferdinando Antonelli o.f.m. l’alter ego du lazariste - à faire exiler un temps en 1962 le lazariste Annibale Bugnini\, malgré le soutien que ce dernier reçut toujours de la part du Cardinal Giacomo Lercaro, resta constamment, nous apprend Trente Jours, un fidèle soutien de la cause de Rosmini  (cf. Annexe 3 infra) :

«       Au temps de Jean XXIII, à partir de 1962, le père général de l’époque, Giovanni Gaddo, commence à recueillir une série d’informations pour vérifier l’opportunité d’une nouvelle tentative. Les contacts avec le cardinal Larraona, préfet de la Sacrée Congrégation des Rites, avec Mgr Antonelli, promoteur de la Foi, et avec le cardinal Ottaviani, secrétaire du Saint Office, ont tous une issue positive. Le cardinal Larraona, dans les mains duquel la cause est déposée (car selon la volonté explicite de son fondateur, l’Institut n’a pas de cardinal protecteur) se montre particulièrement bienveillant.

      Le Pape lui-même, dans sa prudence et dans sa sollicitude, s’intéresse à la cause de Rosmini dans le but avoué de vouloir s’en occuper aussitôt que le Concile sera terminé et il veut que la cause de Rosmini soit une cause historique et non doctrinale. Le nouveau climat est encourageant et la requête d’obtention du nihil obstat de la part de la Sacrée Congrégation des Rites part le 17 septembre 1962, mais le sursaut d’espoir d’atteindre l’objectif est anéanti par la mort du pape, au mois de juin 1963.

      Entre temps, les Pères conciliaires discutent des problèmes liés à la liturgie, et le procurateur général juge bon d’envoyer en hommage au cardinal Larraona le livre Les cinq plaies, qui traite de ces questions. Il accompagne son cadeau des réflexions sur les raisons historiques et politiques pour lesquelles ce livre avait été mis à l’Index, en formulant le vœu que «cette interdiction puisse être levée au moment opportun».

      En mars 1965, les contacts pour ouvrir la cause de Rosmini reprennent. Dans une rencontre avec le cardinal Ottaviani, Secrétaire de la Congrégation du Saint Office, le père général s’entend dire: «Commençons même tout de suite. Préparez toutes les objections et ajoutez-y déjà des réponses, de manière que lorsque le procès nous parviendra, tous soit préparé pour une bonne solution. Il faut chercher des gens très compétents».

      La Supplique part à la mi-décembre, et elle est communiquée à travers Mgr Angelo Dell’Acqua pour obtenir l’accord du Pape à l’ouverture du procès. Vers le mois de novembre 1966, le père Bolla, rosminien, procurateur de l’Institut de la Charité, rappelle au cardinal Larraona qu’aucune réponse n’est encore parvenue, tandis que le père général, au cours d’une rencontre avec Mgr Dell’Acqua, porteur de la pétition, l’interroge sur ce retard et obtient pour toute réponse que «ce sont des choses auxquelles il faut bien réfléchir», avec le conseil de demander une audience au Saint Père. Mais quelque temps après, il lui fait comprendre qu’il vaut mieux y renoncer. Les nouvelles espérances, alimentées par ces voix favorables, s’éteignent comme les précédentes, et les raisons de ce silence demeurent vagues.

      Il existe dans les archives généralices rosminiennes des documents remontant aux premiers mois de 1971 et qui prouvent l’intention de remettre en mouvement la cause de béatification de Rosmini. En date du 19 mai, on trouve en effet un Rapport sur le problème des “quarante propositions”, présenté à Mgr Giuseppe Del Ton avec un Promemoria en pièce jointe et envoyé au cardinal Franjo Seper, préfet de la Sacrée Congrégation pour la Doctrine de la Foi, dans lequel on demande le Nihil obstat. Toujours le 20 mai, il existe une Pétition au pape de la part du père général. La réponse du cardinal Seper à Mgr Del Ton est datée du 9 juin, et elle l’informe que «ce Dicastère ne donne pas un Nihil obstat de ce genre au stade préventif; c’est la raison pour laquelle cette Sacrée Congrégation se réserve de traiter avec la plus grande impartialité la question de l’éventuelle béatification en question dès que parviendra une requête officielle de la part de la Congrégation pour les causes des saints».

      Les contacts informels pour une nouvelle tentative reprennent à la fin de l’été 1971. Monseigneur Del Ton et le cardinal Nasalli Rocca di Corneliano réaffirment au père rosminien Clemente Riva que les milieux du Vatican, y compris le Pape, y sont favorables. Ce même père reçoit des indications précises sur la marche à suivre de la part de Monseigneur Frutaz, sous-secrétaire à la Congrégation pour les Causes des Saints. Il faut: la Supplique au Pape de la part du père général au nom de l’Institut, d’amis et de spécialistes de Rosmini, qui mettent en relief la personnalité et l’utilité actuelle de la vie sainte et de la pensée rosminiennes, le Profil de sa vie et de ses vertus, l’allusion explicite aux “quarante propositions”, le Nihil obstat et un Ponent (un cardinal ou le supérieur général lui-même) qui présente au Pape la pétition avec tout le matériel.

      Le 24 mai 1972, une Supplique est présentée au Saint Père à travers Monseigneur Pasquale Macchi. »

Ainsi, parmi les premiers intervenants majeurs dès 1972 pour tenter personnellement et es-qualité de « réhabiliter » Rosmini, nous découvrons le « cardinal » Pasquale Macchi, Secrétaire personnel de Jean-Baptiste Montini-Paul VI, un homosexuel notoire, qui était recensé dans la liste Picorelli des franc-maçons du Vatican[24].

Il portait le nom de code Matricule 5463/2 – MAPA.

Il s’est inscrit le mercredi 23 avril 1958 au Grand-Orient d’Italie, sous le pontificat du Pape Pie XII.

Ces informations sont données par Agnoli (‘La maçonnerie à la conquête de l’Eglise’ publiée par le Courrier de Rome et diffusé par la FSSPX, à partir de la fameuse « liste Pecorelli » dont la publication par ce dernier lui valu son assassinat public quelques semaines plus tard14), Pasquale Macchi fut « Cardinal », Secrétaire privé et Prélat d'Honneur de Paul VI, jusqu'à son excommunication pour hérésie, et fut réintroduit par le Secrétaire d'Etat, le Cardinal Jean Villot, lui même inscrit sur cette liste du G\O\ depuis le samedi 6 août 1966 sous le nom de cade matricule 041/3 - JEANNI (Zurigo).

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Le Cardinal Pasquale Macchi, franc-maçon homosexuel

Cependant, ces démarches successives n’aboutiront toujours pas.

Il faudra attendre que l’abbé apostat Joseph Ratzinger soit mis en place et nommé en 1982, par l’évêque apostat Karol Wojtyla, « cardinal » Préfet de la Sacrée Congrégation pour la Doctrine de la Foi, pour que la « réhabilition » de Rosmini commence réellement.

Du reste, cette dernière phase active et triomphale du processus de « réhabilitation » de Rosmini va, nous apprend encore le journal Trente Jours, impliquer à nouveau deux personnages importants qui, en 1994, en assurent la coordination technique au sein des Congrégations romaines, dont Mgr Giovanni-Battista Ré et le Cardinal Alberto Bovone qui, lui, figure sur la liste Pecorelli, établie 18 années plus tôt :

«       Dans l’Instruction communiquée par le père Eszer, il est indiqué que devront se trouver comme document, parmi les chapitres de la bibliographie documentaire, les “quarante propositions” condamnées par le Saint Office en 1887, avec une introduction qui prouve que les doctrines condamnées ne sont pas celles du serviteur de dieu. Ce chapitre sera présenté séparément à la Congrégation pour la Doctrine de la foi, conformément à ce qui a été établi par l’excellentissime archevêque Alberto Bovone, secrétaire de la Congrégation pour la Doctrine de la foi, dans la lettre du 19 janvier 1994 envoyée à son Excellence Révérendissime Monseigneur Giovanni Batrtista Re, substitut à la Secrétairerie d’État. » (Trente Jours)

·         BOVONE Alberto, Carme, nom de code Matricule 254/3 – ALBO, inscrit sur le registre du G\O\ d’Italie depuis le dimanche 30 avril 1967, Cardinal, Sous-Secrétaire du Saint Office

Il ne faut pas non plus manquer de souligner que les principales Congrégations de la Curie étaient, tout au long des dernières décennies, « coordonnées » sur des affaires sensible par un personnage considérable de cette liste Picorelli qui ne pouvait rien ignorer ni de la cause de Rosmini, ni de son importance :

·         SUENENS Leo, nom de code Matricule 21/64 – LESU, inscrit sur le registre du G\O\ d’Italie depuis le jeudi 15 juin 1967, Cardinal, Membre de trois Congrégations : La Sacrée Congrégation pour la Propagation de la Foi, la Sacrée Congrégation pour les Sacrements et le Culte Divin, la Sacrée Congrégation pour le Clergé.(Séminaires), Protecteur de l'Eglise Saint Pierre aux Liens.

Si toutes les tentatives ont échoué avant 1994, y compris sous Paul VI, cela signifie que le réseau Rose+Croix infiltré au sein de la Curie estimait ne pas être encore, avant cette date, suffisamment bien implanté au sein du Vatican pour parvenir à faire aboutir sans aucun danger cette « béatification » de Rosmini, et qu’il lui était préférable de temporiser.

Cela a aussi pour conséquence de confirmer très clairement que l’abbé apostat Joseph Ratzinger est bien l’un des hommes clé de ce réseau d’illuministes Rose+Croix au sein de la Curie Romaine puisque c’est lui a qui a été l’artisan de la réhabilitation, puis de la « béatification » de Rosmini.

Cérémonie de béatification du 18 novembre 2007

La vidéo complète de la cérémonie est consultable depuis le site VM[25].

 

4.   La réaction et les silences de la Tradition catholique face à cette ‘béatification’ de Rosmini

 

4.1.             L’abbé Tam dénonce la réhabilitation de Rosmini dans son bulletin n°3 où il examine les textes de l’Osservatore Romano de l’année 2001

Les commentaires entre crochets [ ] sont de l’abbé Tam.

Les citations sont reprises de l’Osservatore Romano en 2001, année de la réhabilitation de Rosmini par les modernistes.

Ch. IV – La Révolution anti-philosophique[26]

Le Pape et le cardinal Ratzinger ouvrent la porte à la philosophie moderne et réhabilitent Antonio Rosmini

La Congrégation pour la Doctrine de la Foi, Card. Ratzinger, O.R. 1.7.2001 :

«…on peut considérer comme dépassées les préoccupations de prudence et les difficultés doctrinales qui ont déterminé la promulgation du Décret Post obitum de condamnation des “Quarante Propositions” extraites de l’oeuvre d’Antonio Rosmini… La Lettre Encyclique de Jean-Paul II Fides et ratio… introduit Rosmini parmi les penseurs les plus récents, dans lesquels se réalise une rencontre féconde entre le savoir philosophique et la parole de Dieu… Il faut encore affirmer que l’entreprise spéculative intellectuelle d’Antonio Rosmini, caractérisée par beaucoup d’audace et de courage… s’est déroulée dans un esprit ascétique et spirituel.»

[C’est une thèse de la pseudo-restauration du Card. Ratzinger : la Révolution dans l’Église est mieux faite si elle est faite à genoux… et si possible en latin ! De même qu’au XVIIème siècle la Révolution mondiale eut besoin d’enraciner son libéralisme dans la philosophie subjectiviste de Descartes, de même pour la Révolution dans l’Église, l’heure a sonné d’y introduire la même philosophie moderne et d’y assoir ainsi la liberté religieuse, la collégialité et l’oecuménisme. Ce sont les trois bombes à retardement introduites par Vatican II dans l’Église, et dénoncée, avec autorité, par S. E. Mgr Marcel Lefebvre].

Giuseppe Lorizio, Le rosminisme, O.R. 5.7.2001 :

[Le même O R. reconnaît que Rosmini est fils du kantisme et du jansénisme, qu’il fut pris comme emblème par les maçons italiens, qu’il fut l’inspirateur de Fogazzaro et qu’il soutint la thèse du changement de nature, c’est-à-dire la théorie panthéiste et évolutionniste par laquelle la matière devient esprit “de telle sorte que le principe sensitif change de nature et devient intellectif.”]

«Un autre manuel de philosophie… exposait une série d’observations sur la théorie de Rosmini quant à l’origine des idées, faisant remarquer que son système n’était pas autre chose qu’une exemplification du criticisme kantien… pour le contenu… le début des années (mille neuf cent) quarante, semble vouloir proposer à nouveau la polémique qui… avait vu se déployer contre les Jésuites les disciples plus ou moins conscients de Jansenius et de Baïus… Dans la période qui a succédé à la condamnation et celle de l’unité de l’Italie, des franges maçonniques milanaises avaient pris Rosmini comme emblème anti-catholique et proposaient l’érection d’un monument en son honneur… Il était pris comme emblème pour une radicale réforme ecclésiale, inspirant, entre autres, Fogazzaro et son “ecclésiologie… La théorie du changement de nature consiste dans le fait que “le principe sensitif change de nature et devient intellectif.”»

Antonio Livi, O.R. 12.7.2001

[Le Card. Ratzinger, après avoir nié la valeur universelle de la philosophie grecque, ouvre la porte aux autres systèmes philosophiques : «L'Église fait sienne l'universalité des langages de l'homme, de ses images et de ses concepts… La doctrine de l'Église doit être comprise et interprétée seulement dans la Foi…» (Le Card.  Ratzinger, Com. Theo. Inter., Civ. Catt., 21.4.1990).

L’Osservatore Romano reconnaît que Rosmini est fils de Descartes] :

«Le Magistère de l’Église a confirmé avec autorité… la doctrine des penseurs chrétiens qui, tout en étant dans l’unité de la foi catholique, ont pratiqué des chemins très différents pour élaborer une proposition propre de philosophie chrétienne. L’Encyclique Fides et ratio… fait mention… des philosophes… justement Antonio Rosmini… (avec) beaucoup d’autres, ont opté pour une nouvelle tradition inaugurée par le catholique René Descartes… Henri de Lubac a fait partie de cette école… La Note (du Card. Ratzinger), reconnaît la substantielle compatibilité du système théosophique d’Antonio Rosmini avec la doctrine catholique… surtout pour la méthode qui a inspiré le système… Avec le système d’Hegel, la théosophie rosminienne a un autre point de contact plus important. …la théosophie rosminienen est une véritable philosophie chrétienne… Le dialogue avec la pensée moderne, qui prend naissance avec le virage de la méthodologie cartésienne, amène Rosmini à adopter, en plusieurs cas, le langage et les procédures philosophiques typiques au rationalisme… Sans trop se préoccuper de démontrer le point de départ… qui puisse justifier l’adoption

de tels concepts… Prenons le concept rosminien du “divin” dans la nature…l’être “idéal” conçu comme “quelque chose de divin en soi, c’est-à-dire tel qu’il appartient à la nature divine”.»

Antonio Staglianò. Spiritualité de Rosmini, O.R.19.7.01

[Dans cet article, l’Oss. Rom. Enseigne que : 1. –Un auteur avec une mauvaise doctrine, s’il est dévot, sa dévotion est une «garantie d’orthodoxie.»

2. – Dans le cas de Rosmini la «garantie d’orthodoxie» est, de plus, confirmée par une révélation privée que Dieu lui a accordée. Dans la Révolution dans l’Église, beaucoup de subversifs qui ont voulu enseigner quelque chose de contraire à la Révélation publique, interprétée exclusivement par le Magistère romain traditionnel, ont éprouvé le besoin d’appuyer leur doctrine sur une révélation privée. Un autre exemple important est celui du cardinal Nicolas de Cues avec sa vision du “Congrès des religions” (Voir Pseudo-restauration, Doc. Rév. Égl. N° 4, p. 27), réalisé par le Pape au Congrès d’Assise de 1986].

«Ainsi la récente Note (du Card. Ratzinger)… accrédite avec autorité l’orthodoxie de Rosmini et conduit à la solution de la longue et complexe “question rosminienne”, déplaçant l’accent du véritable problème d’hier et d’aujourd’hui, qui est celui de l’inculturation de la foi. [C’est-à-dire, la foi inculturée” dans la philosophie moderne].

L’ascèse et la spiritualité de Rosmini accréditent l’interprétation orthodoxe de son entreprise spéculative : elles sont comme la garantie ultime de l’impossibilité de lire sa pensée dans une optique idéaliste et ontologique. ..

(Rosmini dit) : Je suis persuadé que ma doctrine vient de Dieu et que lui seul me la communique, j’ajouterais même, sans faire grand usage des moyens humains, mais par le moyen de la lumière de la grâce…”

Cette conscience qui semble conférer à la pensée de Rosmini une onction particulière, justifie… l’oeuvre des réformes de la philosophie et du renouveau de la théologie… Sa philosophie développait en lui la certitude d’avoir découvert un système de pensée unique, capable d’être le seul instrument scientifique utilisable pour un développement théologique cohérent de la doctrine de la foi.»

Léon XIII, Décret du Saint Office Post Obitum qui condamne les erreurs d’Antonio Rosmini Serbati, synthétisées en 40 propositions :

Enoncés de quelques unes parmi ces 40 erreurs condamnées le 14 décembre 1887

n° 1. Dans l’ordre des choses créées se manifeste immédiatement à l’intelligence humaine quelque chose qui est divin en soi, tel qu’il appartient à la nature divine.

n° 2. Lorsque nous parlons du divin de la nature, ce mot “divin” nous ne le prenons pas pour signifier un effet non divin d’une cause divine; et ce n’est pas notre intention de parler de quelque chose qui serait divin par participation.

n° 3. Dans la nature de l’univers, c’est-à-dire dans les intelligences qui s’y trouvent, il y a donc quelque chose à quoi convient la dénomination de divin, non au sens figuré, mais au sens propre – c’est une réalité qui n’est pas distincte du reste de la réalité divine…

n° 19. Le Verbe est cette matière invisible dont, comme le dit Sg. 11, 18, toutes les choses de l’univers ont été créées.

n° 20. Il ne répugne pas que l’âme se multiplie par génération, de sorte à être conçue comme progressant de l’imparfait, c’est-à-dire du degré sensitif, au parfait, au degré intellectif.

n° 21. Quand l’être devient objet d’intuition pour le principe sensitif, par ce seul contact, par cette seule union, ce principe qui d’abord sentait seulement et qui maintenant comprend, s’élève à un état plus noble, change de nature et devient intelligent, subsistant et immortel.

n° 22. Il n’est pas impossible de concevoir que par la puissance divine il puisse se faire que l’âme intellective sois séparée du corps animé, et que celui-ci continue d’être animal; en effet demeurerait en lui, comme la base de pur animal, le principe animal qui auparavant était en lui comme appendice.

n° 23. A l’état naturel, l’âme du défunt existe comme si elle n’existait pas; étant donné qu’elle ne peut pas exercer des réflexions sur elle-même, ni avoir conscience d’elle-même, on peut dire que sa condition est semblable à l’état de ténèbres perpétuelles et du sommeil éternel.

n° 25. Une fois le mystère de la Trinité révélé, son existence peut être démontrée par des arguments purement spéculatifs, certes négatifs et indirects, mais tels cependant que par eux cette vérité est ramenée aux disciplines philosophiques et  qu’elle devient une proposition scientifique comme les autres : car si elle était niée, la doctrine théosophique de la pure raison, non seulement demeurerait incomplète, mais serait annihilée par des assombrissements surgissant de toute part.

n° 27. Dans l’humanité du Christ, la volonté humaine était tellement ravie par l’Esprit Saint et unir à l’être objectif, c’est-à-dire au Verbe, qu’elle lui a cédé entièrement le gouvernement de l’homme, et que le Verbe l’a assumé de façon personnelle en s’unissant ainsi la nature humaine. Par là, la volonté humaine a cessé d’être personnelle en l’homme, et tandis qu’elle est personne dans les autres hommes, elle demeure nature dans le Christ.

N° 30. La transsubstantiation achevée, on peut penser qu’au corps glorieux du Christ, quelques parties incorporées à lui, non séparées de (lui) et pareillement glorieuses lui sont conjointes.

N° 31. Dans le sacrement de l’eucharistie, en vertu des paroles, le corps et le sang du Christ sont uniquement présents dans la mesure qui correspond à la quantité (a quel tanto) de la substance du pain et du vin transsubstantiée : le reste du corps du Christ est présent par concomitance

n° 34. Pour préserver la Bienheureuse Vierge Marie du péché originel, il suffisait que demeurât incorrompue une minuscule semence d’homme, négligée peut-être par le démon, et de cette semence non corrompue, transmise de génération en génération, sortit en son temps la Vierge Marie..

N° 35. Plus on est attentif à l’ordre de la justification en l’homme, plus paraît juste le langage de l’Écriture selon lequel Dieu couvre ou n’impute pas certains péchés. Selon le psalmiste (PS 32, 1), il y a une différence entre les iniquités qui sont remises et les péchés qui sont couverts : celles-là sont des fautes actuelles et libres; ceux-ci en revanche sont des péchés non libres de ceux qui appartiennent au peuple de Dieu et qui pour cela n’en reçoivent aucun dommage.

…(..)…

[Conclusion] : (Censure confirmée par le Souverain Pontife) : le saint Office a jugé que les propositions… sont à proscrire et à reprouver au sens de l’auteur, et par ce décret général il les reprouve, les condamne, les proscrit…»

Saint Pie X, Pascendi :

«Il s’ensuit que les formules dogmatiques sont soumises à ces mêmes vicissitudes, partant sujettes à mutation. Ainsi est ouverte la voie à la variation substantielle des dogmes. Amoncellement infini de sophismes, où toute religion trouve son arrêt de mort.

Évoluer et changer, non seulement le dogme le peut, il le doit : c’est ce que les modernistes affirment hautement et qui d’ailleurs découle manifestement de leurs principes. Les formules religieuses, en effet, pour être véritablement religieuses non de simples spéculations théologiques, doivent être vivantes, et de la vie même du sentiment religieux : ceci est une doctrine capitale dans leur système, et déduite du principe de l’immanence vitale…»

Pie XII, Humani Generis :

«Il est clair également que l’Église ne peut se lier à n’importe quel système philosophique, dont le règne dure peu de temps; mais les expressions qui, durant des siècles, furent établies du consentement commun des docteurs catholiques pour arriver à quelque intelligence du dogme, ne reposent assurément pas sur un fondement fragile...

Aussi est-il de la plus grande imprudence de négliger ou de rejeter ou de priver de leur valeur tant de concepts  importants que les hommes d’un génie et d’une sainteté non communs, sous la vigilance du magistère et non sans l’illumination et la conduite du Saint-Esprit, ont conçus, exprimés et précisés dans le travail plusieurs fois séculaire pour formuler toujours exactement les vérités de la foi, Léon XIII, Æterni Patris : «La philosophie grecque, par son

concours, n’ajoute rien à la puissance de la vérité; mais comme elle brise les arguments opposés à cette vérité par les sophistes, et qu’elle dissipe les embûches qui lui sont tendues, elle a été appelée la haie et la palissade dont la vigne est munie…»

4.2.             Quelle fut le comportement de la FSSPX face à cette réhabilitation et à cette béatification ?

En 2001, la FSSPX condamnait la réhabilitation de Rosmini et dénonçait le ‘cardinal’ Ratzinger qu’elle qualifiait de moderniste, comme l’a fait Mgr Tissier de Mallerais à Paris le 11 novembre 2007.

En 2007, le 18 novembre 2007, au moment de la ‘béatification’ de Rosmini, Mgr Fellay et les médias de la FSSPX observent un silence assourdissant sur cette ‘béatification’ invalide.

Que s’est-il passé entre temps ???

Voici en quels termes, Nouvelles de Chrétienté’ (revue de la FSSPX), dénonçait en juin 2002, la réhabilitation de Rosmini intervenue en juillet 2001 :

« Canoniser un prêtre condamné ?

En juillet 2001, la Congrégation pour la doctrine de la foi a publié un verdict scandaleux concernant l’abbé Antonius de Rosmini Serbati (1797-1855), ce prêtre italien dont 40 propositions ont été condamnées à titre posthume par le Saint-Office en 1887. En dépit de cela, le pape Paul VI a mis en route un travail en vue de la béatification de Rosmini et établi une commission pour étudier ce problème, puisqu’on ne peut pas canoniser quelqu’un qui a été condamné par l’Eglise. Cette commission a rendu son verdict : « Non, vous ne pouvez pas le béatifier ». Le pape Jean-Paul II a appelé une nouvelle commission pour étudier le même problème ; celle-ci a rendu un verdict identique. Qu’a fait le pape ? Il est passé outre. Le problème reste que Rosmini a été condamné, et à juste titre.

Le cardinal Ratzinger est venu à la rescousse : « Qu’il ait été condamné, en son temps, c’était normal. Mais maintenant, ce n’est plus comme cela. Au moment où il a été condamné, le Vatican se servait de lunettes thomistes pour rendre ses jugements. Si on se sert de lunettes thomistes, il est condamné. Par contre, si on se sert des lunettes de Rosmini, la condamnation n’a plus de valeur, elle peut être contestée. »

Qu’est-ce que le cardinal Ratzinger est en train de dire ? Il est en train de mettre la vérité sur une pente glissante. Et une fois de plus, les modernistes ont très bien compris ce qui s’est passé. Ils disent que, pour la première fois, le Vatican a fait usage de la « méthode historico-critique » concernant une condamnation de l’Eglise. Cette « méthode  historico-critique» est une tactique bien connue des modernistes qui proclament que la vérité évolue, que les vérités dogmatiques d’hier diffèrent de celles d’aujourd’hui et que ce qui était considéré comme faux hier, pourrait bien être considéré comme vrai aujourd’hui. Ce cas de Rosmini va provoquer une confusion énorme. » Nouvelles de Chrétienté, n°75 – Juin 2002 (publication de la FSSPX)[27]

Nous nous étonnons que, la réhabilitation de Rosmini datant de juillet 2001, la réaction de la FSSPX ne soit intervenue que près d’un an plus tard, en juin 2002 ?

Cela signifie-t-il que la FSSPX étant en pleine négociation avec Rome ne voulait pas réagir ?

Mais quel fut l’évènement qui décida de cette réaction ?

Serait-ce la publication en janvier 2002 par la revue Sodalitium des prêtres de Verrua, d’un article qui dénonçait alors le scandale ? Cet article de Sodalitium figure dans les annexes de notre présent document.

Mais alors que signifie cette défense de la vérité par Nouvelles de Chrétienté ?

Il devient de plus en plus clair que ces médias de la FSSPX sont aux mains du petit réseau d’infiltrés qui les tient sous sa coupe.

Et le 13 juin 2005 à Bruxelles, Mgr Fellay joint sa voix à celle de ceux qui dénoncent cette « réhabilitation » de Rosmini par Ratzinger :

« Un autre exemple de cette idée selon laquelle la vérité évolue. Il se trouve dans l’explication que la Congrégation pour la doctrine de la foi a donné au moment où on essayait de justifier Rosmini. Vous savez que le pape Jean Paul II voulait béatifier Rosmini, ou au moins ouvrir le chemin de la béatification de Rosmini. Déjà Paul VI avait établi une commission pour étudier son procès de béatification. Le problème de Rosmini c’est qu’il était condamné par l’Eglise. Ainsi, vous avez une première commission sous Paul VI qui dit : Non ce n’est pas possible, il a été condamné ! Mais Jean Paul II qui voudrait bien voir ce procès de béatification commencer, crée une nouvelle commission… mais qui dit comme la première. Alors, on va empêcher qu’elle donne un jugement définitif ; cela va rester dans les tiroirs. Et on va essayer de s’en sortir autrement. On va faire faire un décret par la Congrégation pour la doctrine de la foi qui tentera d’expliquer quelque chose d’un peu difficile à accepter. On nous dit ainsi que la condamnation de Rosmini, si on la regarde avec les yeux du thomisme en vigueur au moment où il a été condamné par l’Eglise, alors cette condamnation vaut tout à fait. Mais aujourd’hui c’est autrement, si on regarde les thèses de Rosmini, avec les yeux de Rosmini, sa doctrine est admissible. C’est une approche de la vérité totalement subjective ! Rosmini a parlé, son œuvre a été comprise. L’Eglise l’a comprise et a dit que ce qui était compréhensible était condamnable. Mais, un peu plus tard, on nous dit que ce n’est pas comme cela qu’il fallait le comprendre, il fallait rentrer dans la tête de Rosmini pour comprendre sa vision des choses. C’est la fin de la vérité.  Notez-le bien, c’est la fin de la vérité objective ; et c’est très, très grave. Cela vous montre qui est le Cardinal Ratzinger, au moins au niveau de sa formation théologique. Je dis qu’elle est hégélienne à cause d’un autre aspect. A côté de l’élément évolutionniste, vous avez la fameuse trilogie thèse-antithèse-synthèse. C’est très frappant lorsqu’on considère, cette fois-ci, non plus les vérités spéculatives, - ces vérités sur lesquelles on réfléchit mais qui n’ont pas une application directement pratique -, mais bien lorsqu’on considère une mise en pratique selon le cardinal Ratzinger. Cette perspective dynamique thèse-antithèse-synthèse veut expliquer les évènements de l’histoire par une rencontre conflictuelle qui se termine par un nouvel état, supposé meilleur que les précédents, mais qui est le fruit de cette rencontre, de ce conflit entre la thèse et l’antithèse. En voici une application tout à fait concrète par le préfet de la Congrégation de la foi. » Mgr Fellay, 13 juin 2005 – Nouvelles de Chrétienté n°94 – juillet-août 2005[28]

Après de tels propos se scandalisant de la réhabilitation de Rosmini en 2001, pourquoi Mgr Fellay est-il resté silencieux lors de la « béatification » en 2007 ?

Il est vrai qu’entretemps, Mgr. Fellay a rencontré le ‘béatificateur’, l’abbé apostat Joseph Ratzinger, le 29 août 2005 à Castel Gandolpho.

Mgr Fellay aurait-t-il désormais chaussé les lunettes de Ratzinger ?

Aura-t-il cédé aux tentations de promotion patriarcale tridentine que lui fait miroiter l’épouvantable Castrillon Hoyos ?

En un mot, pourquoi Mgr Fellay a-t-il changé de position face à Rosmini ?

« C’est la fin de la vérité » disait-il, sa phrase s’applique-t-elle désormais à lui ?

5.   Un Rosminien à la FSSPSX : l’abbé Robert Belwood

 

5.1.             Qui est l’« abbé » Belwood ?

Un bien curieux cas dans la Tradition.

L’abbé Belwood appartient à l’Institut de la Charité, congrégation des Rosminiens, devenus désormais conciliaires.

Après avoir officié en Normandie au prieuré de Gavrus de la FSSPX avec l’abbé Aulagnier, il a été nommé à partir de septembre 2007, comme aumônier de l’école de Kernabat (en Bretagne), tenue par les religieuses dominicaines qui appartiennent à l’une des communautés amies de la FSSPX.

Et ainsi tout en occupant des responsabilités dans des activités dépendant du périmètre de la FSSPX, l’abbé Belwood a donc pour supérieur un religieux de l’église conciliaire !

Un intrus de l’église conciliaire au sein du périmètre de la FSSPX, et de plus, ce marginal de son Ordre rosminien conciliaire serait considéré par le Général (conciliaire) de sa congrégation conciliaire comme « le meilleur de ses religieux » !

Mais quelle doctrine enseigne donc l’abbé Belwood aux enfants des familles de la FSSPX qui placent leur progéniture avec confiance à Kernabat ?

« L'abbé Roux est rosminien, et à ce titre, appartient à une congrégation dont le supérieur est INTELLIGENT: c'est ce dernier en effet qui lui a accordé la liberté dont il jouit, et qui a manifesté la même confiance à Monsieur l'abbé Belwood qui a longtemps apporté une aide précieuse au prieuré de Caen et aux dominicaines de Saint-Manvieu (je ne sais ce qu'il en est actuellement, mais je supppose qu'il doit continuer cette collaboration). On m'a même rapporté ce mot de lui (à un prêtre de la Fraternité ou aux dominicaines, je ne sais) quand il a accordé cette liberté, que l'abbé Belwood était le meilleur de ses religieux...
Les prêtres de cette congrégation jouissent donc de la plus grande liberté d'agir pour le bien des âmes, tout en restant pleinement dans l'obéissance (le Père de Chivré avait eu lui aussi la grâce de ne pas être contraint de se couper de ses supérieurs, quoiqu'il n'ait certes pas joui de leur part de la même bienveillance). »
Luciole[29]

5.2.             L’« abbé » Belwood a été ordonné dans le nouveau rite qui n’est pas valide, il n’est donc pas prêtre (en outre l’on ne sait rien de l’évêque qui l’a « ordonné »)

Mais il y a bien plus grave encore. VM a évoqué cette affaire très grave sur son site depuis l’été 2007[30].

Rappelons tout de suite que du vivant de Mgr Lefebvre, la FSSPX avait pour ligne de conduite de réordonner sous condition, tout prêtre qui la rejoignait pour collaborer avec elle et qui avait été ordonné dans le rite conciliaire de 1969.

L’« abbé » Belwood a été ordonné dans les années 1970 (et par quel(s) évêque(s) ?) dans le nouveau rite sacramentellement invalide de promulgué en 1969 et n’est pas valide. Monsieur Robert Belwood, au regard de la théologie sacramentelle catholique traditionnelle, n’est qu’un simple laïc, car il ne possède pas les pouvoirs sacerdotaux catholiques. Il n’a pas été réordonné sous conditions.

Cela signifie que les sacrements que l’« abbé » Belwood distribue aux religieuses de Kernabat, comme aux enfants qu’elles éduquent sont invalides, ils ne transmettent pas la grâce sacramentelle.

Ces faux sacrements ne sont pas plus opérants que dans l’église conciliaire, à laquelle est d’ailleurs rattaché Monsieur Robert Belwood par son appartenance à la congrégation des Rosminiens.

Selon une source bien informée, l’abbé Belwood disait lui-même à une époque que Mgr Lefebvre avait voulu le réordonner sous condition, mais l’abbé Belwood s’y était opposé. Maintenant l’abbé Belwood prétend qu’il n’a jamais été question de réordination.

L’attachement de l’« abbé » Belwood à l’église conciliaire est réel, puisque lors de la fausse « béatification » de Rosmini par Ratzinger le 18 novembre 2007, il s’est rendu à Rome afin de participer à cette mascarade. Cette date coïncidait avec la fête de l’école.

L’« abbé » Belwood a préféré se rendre à Rome plutôt que de participer aux festivités de son école à Kernabat où il venait d’être nouvellement nommé.

A son retour de Rome, il a distribué aux classes de terminale, un document concernant Rosmini en leur disant qu’il s’agissait d’un grand homme, d’un grand catholique.

Revenu à Kernabat, il s’est livré à de la propagande, il a distribué aux classes de terminale, un document concernant Rosmini en leur disant qu’il s’agissait d’un grand homme.

Nous avons mis en ligne cette plaquette conciliaire ici[31].

Il s’agit d’un panégyrique en anglais à la gloire de Rosmini, le clerc dont les Papes Pie IX et Léon XIII ont condamné les écrits. Ce document vise à préparer le bicentenaire de sa naissance.

Ce document moderniste est publié par The International Center for Rosminian Studies.

Centre international pour les études rosminiennes au bord du lac Majeur en Italie[32]

Cette situation tout à fait anormale de l’« abbé » Belwood au sein de la Tradition catholique doit être largement connue et n’est pas supportable.

Nous allons y revenir.

A suivre…

Continuons le bon combat

La Rédaction de Virgo-Maria

© 2008 virgo-maria.org


1.           Annexe 1 - Liste des 40 propositions de Rosmini condamnées par le Pape Léon XIII

Décret du Saint-Office "Post obitum", 14 décembre 1887.

Erreurs d'Antonio ROSMINI-SERBATI[33]

3201
1 - Dans l'ordre des choses crées se manifeste immédiatement à l'intelligence humaine quelque chose qui est divin en soi, tel qu'il appartient à la nature divine.


3202
2 - Lorsque nous parlons du divin dans la nature, ce mot 'divin' nous ne le prenons pas pour signifier un effet non divin d'une cause divine ; et ce n'est pas notre intention de parler de quelque chose qui serait divin par participation.


3203
3 - Dans la nature de l'univers, c'est-à-dire dans les intelligences qui s'y trouvent, il y a donc quelque chose à quoi convient la dénomination de divin, non au sens figuré, mais au sens propre. - C'est une réalité qui n'est pas distincte du reste de la réalité divine.


3204
4 - L'être indéterminé, qui sans aucun doute est connu de toutes les intelligences, est ce divin qui est manifesté à l'homme dans la nature.


3205
5 - L'être, objet de l'intuition humaine, est nécessairement quelque chose de l'être nécessaire et éternel, de la cause créante, déterminante et finale de tous les êtres contingents et cela est Dieu.


3206
6 - Dans l'être qui fait abstraction de s créatures et de Dieu, c'est-à-dire l'être indéterminé, et en Dieu l'être non indéterminé mais absolu, l'essence est la même.


3207
7 - L'être indéterminé de l'intuition, l'être initial, est quelque chose du Verbe , que l'intelligence du Père distingue du Verbe non pas réellement, mais selon la raison.


3208
8 - Les êtres finis, dont le monde est composé, résultent de deux éléments, c'est-à-dire du terme réel fini et de l'être initial qui confère à ce terme la forme de l'être.


3209
9 - L'être objet de l'intuition, est l'acte initial de tous les êtres. - L'être initial est commencement aussi bien de ce qui est connaissable que de ce qui est subsistant : il est de même le commencement de Dieu, tel qu'il est conçu par nous, et des créatures.


3210
10 - L'être virtuel et sans limite est la première et la plus simple de toutes les entités, de telle sorte que toute autre entité est composée, et que l'être virtuel est toujours et nécessairement l'un de ses composants. - (L'être initial) est la part essentielle de toutes les entités sans exception, quelle que soit la manière dont elles sont divisées par la pensée.


3211
11 - La quiddité (ce qu'est une chose) de l'être fini n'est pas constituée par ce qu'il comprend de positif, mais par ses limites. La quiddité de l'être infini est constituée par l'entité, et elle est positive ; la quiddité de l'être fini cependant est constituée par les limites de l'entité, et elle est négative.


3212
12 - La réalité finie n'est pas, mais Dieu la fait être en ajoutant la limitation à la réalité infinie. - L'être initial devient l'essence de tout être réel. - L'être qui actue les natures finies, leur étant conjoint, est pris de Dieu


3213
13 - La différence entre l'être absolu et l'être relatif n'est pas celle qui existe entre une substance et une autre, mais une différence bien plus grande ; l'un en effet est absolument être, l'autre absolument non-être. Mais cet autre est relativement. Or quand est posé un être relatif, l'être qui est absolument n'est pas multiplié ; c'est pourquoi l'être absolu et l'être relatif ne sont pas une substance unique, mais un être unique ; et en ce sens il n'y a pas diversité d'être, mais unité d'être.


3214
14 - Par l'abstraction divine est produit l'être initial, premier élément des êtres finis ; mais par l'imagination divine est produit le réel fini, ou toutes les réalités dont est fait le monde.


3215
15 - La troisième opération de l'être absolu créant le monde est la synthèse divine, c'est-à-dire l'union des deux éléments que sont l'être initial, commencement commun de tous les êtres finis, et le réel fini, ou mieux : les diverses réalités finies, les termes différents du même être initial. C'est par cette union que sont créés les êtres finis.


3216
16 - L'être initial, mis en rapport par l'intelligence au moyen de la synthèse divine, non comme intelligible mais comme pure essence, avec les termes finis réels, fait que les êtres finis existent subjectivement et réellement.


3217
17 - Tout ce que fait Dieu en créant, c'est de poser l'acte tout entier de l'existence des créatures ; cet acte n'est donc pas proprement fait, mais posé.


3218
18 - L'amour dont Dieu s'aime également dans les créatures, et qui est la raison pour laquelle il se détermine à créer, constitue une nécessité morale qui, dans l'être le plus parfait, produit toujours son effet : c'est seulement dans la plupart des êtres imparfaits que cette sorte de nécessité laisse entière la liberté bilatérale.


3219
19 - Le Verbe est cette matière invisible dont, comme le dit Sg 11, 18
, toutes les choses de l'univers ont été créées.


3220
20 - Il ne répugne pas que l'âme se multiplie par génération, de sorte à être conçue comme progressant de l'imparfait, c'est-à-dire du degré sensitif, au parfait, c'est-à-dire au degré intellectif.


3221
21 - Quand l'être devient objet d'intuition pour le principe sensitif, par ce seul contact, par cette seule union, ce principe qui d'abord sentait seulement et qui maintenant comprend, est élevé à un état plus noble, change de nature, et devient intelligent, subsistant et immortel.


3222
22 - Il n'est pas impossible de concevoir que par la puissance divine il puisse se faire que l'âme intellective soit séparée du corps animé, et que celui-ci continue d'être animal ; en effet demeurerait en lui, comme la base du pur animal, le principe animal qui auparavant était en lui comme un appendice.


3223
23 - Dans l'état naturel, l'âme du défunt existe comme si elle n'existait pas; étant donné qu'elle ne peut pas exercer de réflexion sur elle-même, ni avoir conscience d'elle-même, on peut dire que sa condition est semblable à l'état des ténèbres perpétuelles et du sommeil éternel.


3224
24 - La forme substantielle du corps est plutôt l'effet de l'âme et le terme intérieur de son opération : c'est pourquoi la forme substantielle du corps n'est pas l'âme elle-même. - L'union de l'âme et du corps consiste proprement dans la perception immédiate par laquelle le sujet qui a l'intuition d'une idée, affirme le sensible après y avoir eu l'intuition de l'essence.


3225
25 - Une fois le mystère de la Trinité révélé, son existence peut être démontrée par des arguments purement spéculatifs, certes négatifs et indirects, mais tels cependant que par eux cette vérité est ramenée aux disciplines philosophiques et qu'elle devient une proposition scientifique comme les autres: car si elle était niée, la doctrine théosophique de la pure raison non seulement demeurerait incomplète, mais serait annihilée par des obscurités qui surgiraient de toute part.


3226
26 - Les trois formes suprêmes de l'être, à savoir la subjectivité, l'objectivité et la sainteté, ou la réalité, l'idéalité et la moralité, si on les transfère à l'être absolu, ne peuvent pas être conçues autrement que comme des personnes subsistantes et vivantes, - Le Verbe, en tant qu'objet aimé et non en tant que Verbe, c'est-à-dire objet subsistant en soi connu par soi, est la personne de l'Esprit Saint.


3227
27 - Dans l'humanité du Christ, la volonté humaine fut tellement ravie par l'Esprit Saint à adhérer à l'être objectif, c'est-à-dire au Verbe, qu'elle lui a cédé entièrement le gouvernement de l'homme, et que le Verbe a assumé celui-ci de façon personnelle en s'unissant ainsi la nature humaine. Par là, la volonté humaine a cessé d'être personnelle en l'homme, et tandis qu'elle est personne dans les autres hommes, elle demeure nature dans le Christ.


3228
28 - Selon la doctrine chrétienne le Verbe, caractère et face de Dieu, est imprimé dans l'âme de ceux qui reçoivent avec foi le baptême du Christ. - Le Verbe, c'est-à-dire le caractère imprimé dans l'âme, est selon la doctrine chrétienne l'être réel (infini) manifeste par lui-même, et que nous reconnaissons ensuite être la deuxième personne de la très sainte Trinité.


3229
29 - Nous ne pensons pas que ce soit une conjecture étrangère à la doctrine catholique, qui seule est vérité, que de dire dans le sacrement eucharistique la substance du pain et du vin devient la vraie chair et le vrai sang du Christ lorsque le Christ en fait le terme de son principe sentant et le vivifie par sa vie, presque de la manière dont le pain et le vin sont transsubstantiés en notre chair et notre sang puisqu'ils deviennent le terme de notre principe sentant.


3230
30 - La transsubstantiation achevée, on peut penser qu'au corps glorieux du Christ quelque partie incorporée à lui, non séparée (de lui) et pareillement glorieuse, lui est conjointe.


3231
31 - Dans le sacrement de l'eucharistie, en vertu (les paroles, le corps et le sang du Christ est présent seulement dans la mesure qui répond à la quantité (a quel tanto) de la substance du pain et du vin qui est transsubstantiée : le reste du corps du Christ y est présent par concomitance


3232
32 - Parce que celui qui "ne mange pas la chair du Fils de l'homme et ne boit pas son sang n'a pas la vie en lui" Jn 6, 54
et que cependant ceux qui meurent avec le baptême d'eau, de sang ou de désir obtiennent de façon certaine la vie éternelle, il faut dire qu'à ceux qui dans cette vie n'ont pas mangé le corps du Christ, cet aliment céleste est administré dans la vie future, à l'instant même de la mort. - C'est pourquoi, lorsqu'il est descendu aux enfers, le Christ a pu aussi se communiquer lui-même sous les espèces du pain et du vin aux saints de l'Ancien Testament pour les rendre aptes à la vision de Dieu.


3233

33 - Lorsque les démons ont pris possession du fruit, ils pensèrent qu'ils entreraient en l'homme s'ils en mangeaient; la nourriture étant changée en corps animé de l'homme, ils pouvaient entrer librement dans l'animalité, c'est- à-dire dans la vie subjective de cet être, et par là en disposer comme ils se l'étaient proposé.


3234
34 - Pour préserver la bienheureuse Vierge Marie du péché originel, il suffisait que demeure non corrompue une minuscule semence d'homme, négligée peut-être par le démon, et que de cette semence non corrompue, transmise de génération en génération, sortît en son temps la Vierge Marie.


3235
35 - Plus on est attentif à l'ordre de la justification en l'homme, plus apparaît juste le langage de l'Ecriture selon lequel Dieu couvre ou n'impute pas certains péchés. - Selon le Psalmiste Ps 32,1
il y a une différence entre les iniquités qui sont remises et les péchés qui sont couverts celles-là sont des fautes actuelles et libres ; ceux-ci en revanche sont les péchés non libres de ceux qui appartiennent au peuple de Dieu et qui pour cela n'en reçoivent aucun dommage.


3236
36 - L'ordre surnaturel est constitué par la manifestation de l'être dans la plénitude de sa forme réelle ; l'effet de sa communication, ou manifestation, est le sentiment (sentimento) déiforme qui, commençant en cette vie, constitue la lumière de la foi et de la grâce, et qui, achevé dans l'autre vie, constitue la lumière de la gloire.


3237
37 - La première lumière qui rend l'âme intelligente est l'être idéal ; la deuxième première lumière est également l'être, non pas seulement idéal, mais subsistant et vivant : celui-là cache sa personnalité et montre seulement son objectivité ; mais celui qui voit la deuxième (qui est le Verbe), bien que comme dans un miroir et en énigme, voit Dieu.


3238
38 - Dieu est l'objet de la vision béatifique en tant qu'il est l'auteur des œuvres ad extra.


3239
39 - Les traces de la sagesse et de la bonté qui brillent dans les créatures sont nécessaires à ceux qui contemplent (au ciel); réunies en effet dans l'exemplaire éternel, elles sont cette part de lui qui peut être vue par eux (che è loro accessibile), et elles fournissent le sujet des louanges que les bienheureux chantent à Dieu pour l'éternité.


3240
40 - Puisque Dieu ne peut pas, même par la lumière de la gloire, se communiquer totalement aux êtres finis, il n'a pu révéler et communiquer son essence à ceux qui contemplent (au ciel) que selon le mode qui convient à des intelligences finies c'est-à-dire que Dieu se manifeste à eux en tant qu'il est en relation avec eux comme leur créateur, leur providence leur rédempteur, leur sanctificateur.


3241
(Censure confirmée par le souverain pontife : le Saint-Office) a jugé que les propositions... sont à proscrire et à réprouver au sens de l'auteur, et par ce décret général il les réprouve, les condamne, les proscrit...

2.           Annexe 2 - Article de Sodalitium n°52 de janvier 2002 dénonçant la réhabilitation de Rosmini, ce prêtre condamné par l’Eglise sous le pontificat de Léon XIII.

—1—

Le cas Rosmini: l’“in proprio Auctoris sensu

contre “une distinction astucieuse” du cardinal Ratzinger

(extrait de Sodalitium n°52 de janvier 2002)

Mgr Benigni raconte dans sa Storia sociale della Chiesa [Histoire sociale de l’Eglise] à propos des ariens: “Le groupe dans lequel se distinguait l’exilé Eusèbe de Nicomédie (d’où la dénomination de groupe des eusébiens) rétractait sa souscription non à la doctrine de Nicée, mais à la condamnation d’Arius: c’est-à-dire qu’il prétendait que ce n’était pas la doctrine arienne qu’avait condamnée le Concile. Cette astucieuse distinction fit école: et parmi tant d’autres, on trouve l’exemple notoire des distinctions jansénistes dans les condamnations papales de la doctrine de l’évêque d’Ypres” (1).

Les notes historiques du “Denzinger” expliquent l’épisode auquel Mgr Benigni fait allusion: “après qu’eurent été condamnées les cinq propositions de Jansénius, ses partisans, sous la conduite d’Antoine Arnauld, distinguèrent entre la ‘quæstio facti’ et la ‘quoestio iuris’: la condamnation ne concernerait qu’une hérésie fictive, mais non la conception véritable de Jansénius” (2). Le Pape Alexandre VII dut alors, par la Constitution Ad sanctam beati Petri sedem (16 octobre 1656), réfuter l’“astucieuse distinction”: “Puisque … au grand scandale des fidèles du Christ certains fils d’iniquité ne craignent pas d’affirmer que les cinq propositions (…) ou bien ne se trouvent pas dans le livre précité de ce même Cornelius Jansen, mais qu’elles ont été assemblées de façon fictive et arbitraire, ou bien n’ont pas été condamnées selon le sens visé par celui-ci, Nous (…) déclarons et définissons que ces cinq propositions ont été tirées du livre du précité Cornelius Jansen, évêque d’Ypres, qui porte le titre ‘Augustinus’, et qu’elles ont été condamnées selon le sens visé par ce même Cornelius Jansen(“in sensu ab eodem Cornelio Jansenio intento”, DS 2010-2012). Cette Constitution

d’Alexandre VII démontre comment l’Eglise a autorité pour définir non seulement que la doctrine de tel auteur est erronée, mais aussi qu’elle a effectivement été soutenue par cet auteur dans le sens que l’Eglise lui a attribué; au contraire, l’exemple des ariens d’abord et des jansénistes ensuite démontre à son tour que nier qu’une doctrine condamnée par l’Eglise ait été réellement soutenue par son auteur est une échappatoire typique des hérétiques.

Une vieille échappatoire revient à l’actualité

Nihil novi sub sole… [Rien de nouveau sous le soleil] La vieille échappatoire utilisée dans le passé par les ariens et les jansénistes (entre autres), est devenue plus que jamais actuelle avec Vatican II et le “magistère” qui a suivi. D’un côté, en effet, Vatican II a soutenu - en divers points – une doctrine et une praxis contraires à la doctrine et à la praxis de l’Eglise. De l’autre, à moins de renoncer à toute légitimité il n’est pas possible aux partisans de Vatican II d’admettre explicitement l’existence de cette contradiction et la réalité de cette rupture. Pour les partisans de la nouvelle doctrine et de la nouvelle praxis conciliaire le problème principal consiste donc à mettre en avant une nouvelle doctrine sans renier explicitement le passé.

Pour ce qui regarde la praxis, plus liée au contingent, la tactique choisie est celle du “mea culpa”, c’est-à-dire des demandes de pardon incessantes, grâce auxquelles on peut dénoncer tout le passé de l’Eglise. L’échappatoire employée consiste à demander pardon non pour les “fautes de l’Eglise”, mais pour les fautes des “fils de l’Eglise” (comme si, en de nombreux cas, ces “fils de l’Eglise” n’avaient pas agi en qualité d’autorité suprême de l’Eglise).

En ce qui concerne la doctrine officielle, les choses sont plus difficiles (même si elles sont moins évidentes). On a pensé à relativiser les documents du passé, en en diminuant l’autorité (non infaillibles, mais plutôt seulement prudentiels) et en les historicisant (valides seulement pour une époque donnée et un contexte déterminé) etc.

C’est cette tactique qui a été utilisée, comme nous allons le voir, dans le cas que nous prenons ici en

considération.

—2—

Il existe une autre tactique : celle d’affirmer que le magistère passé de l’Eglise - toujours valide bien sûr! - n’a plus de nos jours aucune portée: les anathèmes solennels du Concile de Trente sur la justification, par exemple, frapperaient des protestants imaginaires, ou tout au plus des protestants défunts car les protestants d’aujourd’hui ne soutiendraient plus la doctrine condamnée. Il s’agit là d’une subtile variation de l’échappatoire ariano-janséniste dont nous parlions ci-dessus. Dans le cas que j’examine ici, l’échappatoire est par contre reprise telle quelle et c’est ce que nous allons voir…

Réhabiliter Rosmini, et ultra…

Dans ce contexte, il apparaît prévisible et nécessaire de réhabiliter Rosmini, condamné post mortem, en 1887, par le Décret du Saint-Office Post obitum. Ce prêtre de la ville de Rovereto est d’abord un représentant éminent de la pensée catholique libérale que Vatican II a adoptée (le cardinal Ratzinger lui-même l’a admis). De plus, il fut “victime” - conjointement - du Saint-Office et de la philosophie et de la théologie thomistes, victimes à leur tour de Vatican II. Un “mea culpa” sur le cas Rosmini était à prévoir, et même davantage. Il existe en effet une nouvelle méthode pour enterrer le passé de l’Eglise sans le laisser voir; elle consiste à béatifier et à canoniser des personnages autrefois mis à l’écart; déjà pour jeter de l’ombre sur la sainteté de saint Pie X, Jean XXIII voulut la béatification du cardinal Ferrari et il la voulut de toutes ses forces. La canonisation de Rosmini, déjà

prévue, éclipsera encore davantage l’Eglise “pré-conciliaire”, et donnera aux libéraux un nouveau patron.

Une “Note” de la Congrégation pour la Doctrine de la Foi “réhabilite” Rosmini et ouvre la voie

vers sa “béatification”

Le 1er juillet 2001 le cardinal Ratzinger, préfet de la Congrégation pour la Doctrine de la Foi, et Mgr Bertone, le secrétaire, ont souscrit une Note “sur la valeur des Décrets doctrinaux concernant la pensée et les oeuvres d’Antonio Rosmini Serbati”. (L’Osservatore Romano, 1er-2 juillet 2001; La Doc. Cath., 5-19 août 2001, n° 2253, p. 725-726).

La Note, comme le rappelle la Postulation de Rosmini, “répond au texte présenté par le Postulateur Général en décembre 1999 dans le but d’éclaircir la ‘question rosminienne’ (avec référence particulière au Décret ‘Post obitum’) comme il était demandé dans le décret du 22 février 1994 quand le Préfet de la Congrégation pour les causes des saints de l’époque accordait le ‘nihil obstat’ de la part du Saint-Siège à l’ouverture de la Cause de Béatification du Serviteur de Dieu Antonio Rosmini. Le décret en question arrêtait que ‘…la Congrégation pour la Doctrine de la Foi devait être de nouveau interpellée à propos du jugement doctrinal définitif sur ce sujet’” (3).

De toute façon la réponse positive de la Congrégation pour la Doctrine de la Foi ne pouvait manquer après que Jean-Paul II, la même année 1999, eût publié l’encyclique Fides et ratio, dans laquelle Rosmini se trouve“inclus parmi les penseurs les plus récents chez lesquels se réalise une rencontre féconde entre savoir philosophique et Parole de Dieu” (8). Jean-Paul II doit donc être considéré comme responsable de cette réhabilitation de Rosmini, tant pour l’avoir sollicitée par l’encyclique Fides et ratio, que pour avoir personnellement approuvé la Note de la Congrégation pour la Doctrine de la Foi (4).

La réhabilitation était donc nécessaire; mais comment la réaliser?

L’“astucieuse distinction” exhumée pour réhabiliter Rosmini et enterrer - sans le dire – le magistère de l’Eglise

Cela établi, je demande au lecteur de se rappeler ce qui est dit au début de cet article sur la tactique des hérétiques pour enlever toute valeur à un décret de condamnation de l’Eglise: cette tactique consiste à affirmer que ce décret condamne une hérésie fictive, imaginaire, jamais soutenue en réalité par l’auteur auquel est attribuée cette doctrine. Et c’est ce qu’a fait la Congrégation pour la Doctrine de la Foi…

—3—

Voici en effet l’argument essentiel de la Note, exprimé aux numéros 6 et 7 du document: “Par ailleurs, on doit reconnaître qu’une étude scientifique globale, sérieuse et rigoureuse de la pensée d’Antonio Rosmini, qui s’est exprimée dans le domaine catholique de la part de théologiens et de philosophes appartenant à des écoles de pensée différentes, a montré que ces interprétations contraires à la foi et à la doctrine catholique ne correspondent pas en réalité à la position authentique de Rosmini. La Congrégation pour la Doctrine de la Foi, après un examen approfondi des deux décrets doctrinaux promulgués au XIXème siècle, et compte tenu des résultats fournis par l’historiographie et la recherche scientifique et théorique de ces dernières décennies, est parvenue à la conclusion suivante:

On peut actuellement considérer que sont désormais dépassés les motifs de préoccupation et les difficultés doctrinales et prudentielles qui ont déterminé la promulgation du Décret ‘Post obitum’ de condamnation des “quarante propositions” tirées des oeuvres d’Antonio Rosmini. Et cela du fait que le sens des propositions, tel qu’il fut compris et condamné par ce Décret, n’appartient pas en réalité à la position authentique de Rosmini, mais à des conclusions possibles de la lecture de ses oeuvres”.

Telle est la substance de la Note sur Rosmini: les 40 propositions ont été condamnées parce que comprises “dans une optique idéaliste, ontologique et dans un sens contraire à la foi et à la doctrine catholique” (n. 7). Mais, en réalité, telle n’était pas la pensée de l’auteur, Antonio Rosmini Serbati.

Le décret de condamnation de Rosmini affirme le contraire de ce que soutient la Note de réhabilitation, laquelle contredit donc le magistère de l’Eglise

Mais le Saint-Office - sollicité et approuvé par Léon XIII - a-t-il vraiment condamné 40 thèses extraites des oeuvres de Rosmini sans engager son autorité même sur le fait que lesdites thèses reflètent la pensée de Rosmini ?

Rappelons au lecteur que, d’après la Constitution Ad Sanctam d’Alexandre VII citée ci-dessus, il est certain que l’Eglise peut non seulement condamner des propositions, mais aussi définir que ces propositions sont réellement contenues dans cette oeuvre et même que les propositions en question sont condamnées dans le sens entendu par l’auteur. L’autorité de l’Eglise, engagée dans un décret de ce genre s’étend aussi au fait suivant: que les thèses condamnées ont été condamnées justement et précisément dans le sens entendu et voulu par l’auteur, et non dans le sens attribué par des tierces personnes ou par l’Eglise.

Or, voici quelles sont les paroles du fameux décret Post obitum qualifié de “dépassé” par la Note de la Congrégation pour la Doctrine de la Foi:

“La Sainteté de Notre Seigneur Léon XIII Pape par divine providence, auquel il tient à coeur par dessus

toute chose que le dépôt de la doctrine catholique soit conservé pur et exempt d’erreur, a chargé le Sacré conseil des Très Eminents Cardinaux, Inquisiteurs généraux dans toute la république chrétienne d’examiner les propositions dénoncées. La Suprême Congrégation ayant donc, comme c’est l’usage, entrepris un examen des plus diligents et procédé à la confrontation de ces propositions avec les autres doctrines de l’auteur, surtout celles qui ressortent clairement des livres posthumes; la Suprême Congrégation jugea que doivent être réprouvées, condamnées, selon le sens visé par l’Auteur, les propositions suivantes que ce décret général [Post obitum] réprouve, condamne et proscrit effectivement: sans pour cela qu’il soit licite à qui que ce soit d’en déduire que les autres doctrines du même Auteur, qui ne sont pas condamnées par ce décret, soient en aucune manière approuvées. Après quoi, une relation scrupuleuse de tout ceci ayant été présentée à la Sainteté de N.S.

Léon XIII, Sa S.S. approuva, confirma le décret des Eminents Pères et enjoignit qu’il soit observé par tous” (5).

Cette citation montre à l’évidence que les 40 propositions de Rosmini furent condamnées non seulement en elles-mêmes (ou dans le sens qui lui fut donné “en dehors du contexte de la pensée rosminienne dans une optique idéaliste, ontologique et dans un sens contraire à la foi et à la doctrine catholique”, comme l’affirme la Note, au n. 7) mais “in proprio Auctoris sensu, dans le sens même de l’Auteur”. C’est la même formule que celle utilisée en 1656 pour réaffirmer que les thèses de

—4—

Jansénius avaient été condamnées “selon le sens visé par ce même ..., in sensu ab eodem… intento”

(6).

La contradiction entre un texte indiscuté du magistère ecclésiastique approuvé par le Pape Léon XIII, et la Note du cardinal Ratzinger approuvée par Jean-Paul II est absolument évidente et indéniable.

Vaine tentative pour nier la contradiction en invoquant le précédent de 1854, lorsque les oeuvres

rosminiennes furent “retirées de la procédure”

a) l’influence des facteurs culturels

La Note de la Congrégation pour la Doctrine de la Foi rappelle (à sa façon, comme nous le verrons) les précédents concernant la “question rosminienne”. “Le Magistère de l’Eglise (…) s’est intéressé à plusieurs reprises, au cours du XIXème siècle, aux résultats du travail intellectuel de l’abbé Antonio Rosmini Serbati (1797-1855). Il a mis à l’Index deux de ses oeuvres en 1849, puis a déclaré indemne de tout soupçon [le texte original dit: ‘dimettendo poi dal esame’ ce qui peut se traduire plus correctement par ‘retirant de la procédure’, ndr], par Décret doctrinal de la Sacrée Congrégation de l’Index en 1854, l’opera omnia, et a condamné plus tard, en 1887 quarante propositions tirées d’oeuvres pour la plupart posthumes et de quelques oeuvres éditées de son vivant, par Décret doctrinal de la Sacrée Congrégation du Saint-Office, intitulé ‘Post obitum’ (Denz 3201-3241). Une lecture approximative et superficielle de ces diverses interventions pourrait faire penser à une contradiction intrinsèque et objective de la part du Magistère dans l’interprétation du contenu de la pensée rosminienne et son évaluation devant le peuple de Dieu” (nn. 1 et 2). En effet, selon la version présentée par la Note, “le Décret de 1854, par lequel les oeuvres de Rosmini furent lavées de tout soupçon [le texte original dit

vennero dimesse’ même remarque que plus haut], atteste la reconnaissance de l’orthodoxie de sa pensée et de ses intentions déclarées…”. Effectivement, si un Décret de 1854 avait attesté l’orthodoxie de la pensée de Rosmini, alors qu’un Décret de 1887 en avait condamné 40 propositions, (comme nous le veut faire croire la Note) il serait difficile de nier l’existence d’une certaine contradiction “intrinsèque et objective”, et ce, justement dans le Magistère le plus “traditionnel”! La Note, qui nie cette contradiction pour pouvoir soutenir qu’elle-même ne contredit pas le décret de condamnation de 1887 (“c’est dans cette même ligne que se situe la présente Note sur la valeur doctrinale de ces décrets” n. 2), la Note, disions-nous, se complaît presque à signaler une présumée incertitude de l’Eglise qui en 1854 atteste l’orthodoxie de la pensée de Rosmini, et en 1887 en atteste l’hétérodoxie. Comment expliquer cette apparente contradiction? La Note l’explique ‘à la moderniste’:

“une lecture attentive, non seulement des textes mais aussi du contexte et de la situation de leur promulgation” (n. 2) permettra à Ratzinger d’expliquer la “contradiction” inventée par lui: la condamnation de 1887 est due aux changements des “facteurs d’ordre historico-culturels” (n. 4), c’est-à-dire à la renaissance du thomisme voulue par Léon XIII. Ainsi, une condamnation d’ordre doctrinal est réduite à une simple question entre diverses écoles théologiques; l’actuelle fin du néothomisme explique comment des thèses perçues à l’époque comme erronées, ne le sont plus de nos jours. La Note historicise et donc relativise le Magistère par une opération que l’on pourrait appliquer à n’importe quel texte du Magistère – même au plus solennel – , qui du fait des changements de “facteurs d’ordre historico-culturels” deviendrait ainsi désormais “dépassé” (7).

b) omissions et falsifications à propos du Décret de 1854

Si la “contradiction” entre les deux décrets (celui de 1854 sous Pie IX et celui de 1887 sous Léon XIII) n’est pas résolue par l’explication fumeuse du contexte culturel, comment la résoudre? Devrions nous admettre – avec les partisans les plus acharnés de Rosmini au siècle dernier? – que la contradiction existe et que Léon XIII… n’était pas Pape!? (8). Pas du tout. En réalité, c’est la Note du cardinal Ratzinger qui – avec ses omissions et ses

falsifications – ose au lecteur un problème inexistant.

—5—

Voici quelle est la falsification: affirmer que le Décret de 1854 avait reconnu l’orthodoxie de la pensée de Rosmini. Quant à l’omission, elle consiste à ne pas parler le moins du monde de ces documents du Magistère qui nient explicitement cette fausse interprétation.

Un peu d’histoire éclairera les idées du lecteur. Après la mise à l’Index de deux oeuvres de Rosmini en 1849, beaucoup de catholiques dénoncèrent à la Congrégation de l’Index son opera omnia éditée jusqu’alors. “Après que des censeurs eurent examiné ses oeuvres durant trois ans, les cardinaux décidèrent lors de la session du 3 juillet 1854, présidée par Pie IX: ‘dimittantur’ à retirer de la procédure” (9). Mais quelle interprétation donner à cette formule? “Les amis de Rosmini et le théologien de la cour pontificale interprétèrent la décision des cardinaux dans le sens d’une approbation tacite. La Civiltà Cattolica et L’Osservatore Romano nièrent qu’il y ait eu approbation:

l’oeuvre de Rosmini est simplement non prohibée” (note 9). La Sacrée Congrégation de l’Index, la même qui avait “retiré de la procédure” (absout) l’oeuvre de Rosmini en 1854, dût alors – contrainte par les fausses interprétations des Rosminiens – intervenir une première fois le 21 juin 1880 (et de ce décret la Note du cardinal Ratzinger ne fait pas mention): “La Sacrée Congrégation de l’Index … déclara que la formule ‘à retirer’ [dimittantur] signifie seulement qu’un ouvrage qui est retiré n’est pas prohibé” (10). Elle donnait donc raison aux adversaires de Rosmini, et tort à ses disciples. Mais ces derniers insistèrent. “Le désaccord – écrivait La Civiltà Cattolica – ne cessa pas, parce que les disciples de Rosmini comprirent ce ‘non prohiberi’ [ne sont pas interdites] en ce sens, que vu leur qualité et leur orthodoxie notoires, elles ne pouvaient être interdites et donc que les philosophes et les théologiens ne pouvait rien trouver à censurer en elles ni philosophiquement ni théologiquement”

(11). N’est-ce pas là la thèse du cardinal Ratzinger: le décret de 1854 a garanti l’orthodoxie des œuvres rosminiennes? Mais leur prétention (et aujourd’hui celle du cardinal Ratzinger et de sa Note) fut encore démentie par la Congrégation de l’Index à laquelle furent posées les questions suivantes: “1. Des ouvrages qui ont été dénoncés auprès de la Sacrée Congrégation de l’Index et qui ont été retirés par elle de la procédure, ou qui n’ont pas été prohibés, doivent-ils être considérés comme exempts de toute erreur contre la foi et les moeurs?

2. Si la réponse est oui, les ouvrages qui ont été retirés par la Sacrée Congrégation de l’Index ou qui n’ont pas été prohibés, peuvent-ils être attaqués aussi bien philosophiquement que théologiquement sans encourir le reproche [sic] de témérité?”

Le 5 décembre 1881 la Congrégation de l’Index répondait négativement à la première question (les livres retirés de la procédure ne sont donc pas nécessairement exempts de toute erreur contre la foi et les moeurs) et affirmativement à la seconde (on pouvait donc critiquer les oeuvres en question sans témérité, c’est-à-dire sans être en opposition avec le décret de 1854). Le Pape Léon XIII approuva cette réponse le 28 décembre (12). Il n’y a pas trace non plus de cette seconde décision de la Congrégation de l’Index dans la Note de la Congrégation pour la Doctrine de la Foi qui affirme pourtant avoir pratiqué un “examen approfondi”. Le motif en est évident: faire référence à ces deux décrets signifiait détruire totalement la fausse interprétation qu’on voulait donner du décret de 1854: celui-ci n’“atteste [pas] la reconnaissance de l’orthodoxie de sa [de Rosmini] pensée et de ses intentions” (n. 2), comme veut le faire croire la Note, mais il concède seulement une absolution “pour insuffisance de preuves” à Rosmini (13).

Il s’ensuit qu’entre les deux Décrets, celui de 1854 et celui de 1887, n’existe pas même une apparence de contradiction intrinsèque et objective, comme voudrait le faire croire la Note: “sous Pie IX – écrivait à l’époque la Civiltà Cattolica il fut défini que même dans les oeuvres de Rosmini retirées de la procédure il pouvait se trouver des propositions condamnables, parce que contraires à la foi et aux moeurs, et que sous Léon XIII il fut défini qu’il s’en trouve effectivement. Si je dis qu’il pourrait bien pleuvoir et qu’ensuite il pleut effectivement, où peut bien être la contradiction? L’existence d’une chose ne s’oppose pas à sa possibilité, elle l’inclut” (l.c., p. 274).

Pour la Note, la faute de la condamnation de 1887 résiderait dans le néothomisme. Mais

l’aversion pour la Scolastique est un signe distinctif du modernisme

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Selon la Note, nous l’avons vu, le Décret de 1887 se trompa en effet lorsqu’il attribua à Rosmini des erreurs qu’il ne professait pas: “le sens des propositions, ainsi entendu et condamné par ce même Décret, n’appartient pas en réalité à la position authentique de Rosmini” (n. 7). Mais, à quoi serait due cette erreur présumée? Pour la Note, le “premier facteur” d’“ordre historico-culturel” qui “pose les prémisses d’un jugement négatif vis-à-vis d’une position philosophique et spéculative telle que la position rosminienne” fut le “projet de renouvellement des études ecclésiastiques promu par l’encyclique Æterni Patris (1879) de Léon XIII, dans la ligne de la fidélité à la pensée de saint Thomas d’Aquin”. Le second facteur fut la difficulté de comprendre la pensée de Rosmini, défunt désormais, par qui le lisait “dans la perspective néothomiste” (n. 4). Sans aucun doute la condamnation de Rosmini a mûri dans le climat de la restauration de la théologie scolastique et thomiste promus par Léon XIII… Mais posons-nous la question: quelle valeur les rédacteurs de la Note, et Jean-Paul II qui l’a approuvée, accordent-ils aux très nombreux documents du Magistère en faveur de la scolastique et de la doctrine de saint Thomas? (14). Nous supposons que, comme le Décret Post obitum, ils sont eux aussi à considérer comme “dépassés”, vu que la Note ne semble pas leur reconnaître de valeur doctrinale et disciplinaire pour le temps présent (autrement les principes thomistes qui amenèrent à la condamnation de Rosmini en 1887 auraient amené une nouvelle fois à sa condamnation en 2001). La chose est particulièrement grave parce que ce n’est pas “surtout (...) contre le risque de l’éclectisme” comme l’affirme la Note (n. 4), que l’Eglise a recommandé la scholastique et le thomisme, mais aussi et spécialement contre les erreurs modernes, proclamant que le fait de s’en détacher porte un grave et dangereux préjudice à la Foi (note 14). C’est principalement au modernisme que la philosophie scolastique et la doctrine thomiste sont un obstacle, comme le rappelait saint Pie X dans l’Encyclique Pascendi: “trois choses, ils le sentent bien, leur barrent la route: la philosophie scolastique, l’autorité des Pères et la tradition, le magistère de l’Eglise. A ces trois choses ils font une guerre acharnée. (...)

c’est un fait qu’avec l’amour des nouveautés va toujours de pair la haine de la méthode scolastique; et il n’est pas d’indice plus sûr que le goût des doctrines modernistes commence à poindre dans un esprit, que d’y voir naître le dégoût de cette méthode”. La Note d’un seul et même coup déclare “dépassés” les trois obstacles au modernisme: scolastique, tradition et magistère.

Autres inexactitudes de la Note

Jusqu’ici nous avons exposé les erreurs les plus graves de la Note sur Rosmini. Mais il y aurait encore beaucoup de choses à dire: voyons-en deux.

a) Le Décret de 1887 n’aurait été que l’expression d’une préoccupation!

L’embarras de la Note transparaît également dans la tentative de minimiser la condamnation (reconnue cependant comme telle) de 1887. Elle est présentée comme “une prise de distance” (n. 4), un “jugement négatif” (n. 4), exprimant “les préoccupations réelles du Magistère” (n. 5) et “les motifs de préoccupation et les difficultés doctrinales et prudentielles” (n. 7). La Note affirme en particulier que la cohérence profonde du jugement du Magistère en ses diverses interventions en la matière est vérifiée par le fait que ce même Décret doctrinal Post obitum ne porte pas de jugement qui concernerait une négation formelle de vérités de foi de la part de l’auteur, mais porte plutôt sur le fait que le système philosophico-théologique de Rosmini était considéré comme insuffisant et inadéquat pour garder et exposer certaines vérités de la doctrine catholique, pourtant reconnues et confessées par l’auteur lui-même” (n. 5). Pourtant si on lit le Décret Post obitum, on n’y trouve rien de tout cela. S’il n’y est pas dit explicitement (mais ça n’est pas exclu) que les propositions condamnées sont hérétiques, il y est dit cependant qu’elles ne sont pas conformes à la vérité catholique, et qu’en

tant que telles elles sont condamnées, proscrites et réprouvées: pas trace d’insuffisance, d’inadéquation ou de simple difficulté doctrinale et encore moins prudentielles. De même qu’elle augmente exagérément la valeur de l’“absolution” des oeuvres faite en 1854, la faisant passer pour un certificat d’orthodoxie, la Note diminue de la même manière la portée de la condamnation de 1887, la déguisant en simple préoccupation prudentielle pour une doctrine insuffisante. Voilà qui ne dénote certes pas une grande honnêteté intellectuelle…

—7—

b) Les interprétations hétérodoxes de la pensée rosminienne seraient à attribuer à des noncatholiques

Toujours pour amoindrir la gravité des erreurs de Rosmini et la gravité de sa condamnation, la Note attribue les “interprétations erronées et déviantes de la pensée rosminienne” en opposition avec la foi catholique “dans une perspective idéaliste, ontologiste et subjectiviste” aux “penseurs noncatholiques” et aux “secteurs intellectuels de la culture philosophique laïciste, marquée par l’idéalisme transcendantal ou par l’idéalisme logique ou ontologique” (n. 5). Mais était-il catholique ou non catholique, l’auteur du livre Le Rosminianisme, synthèse du Panthéisme et de l’Ontologisme, écrit et publié en 1881 – avec l’approbation du Maître du sacré Palais (théologien du Pape)? Est-il possible que tous, catholiques et non catholiques se soient trompés quand ils considéraient comme hétérodoxe la pensée de Rosmini?

Les ambiguïtés de Rosmini, ou comment dorer la pilule

La Note admet, il est vrai, que la pensée de Rosmini contient ambiguïtés et équivoques. Mais si on croit qu’il en est ainsi, comment peut-on envisager la canonisation d’un penseur qui demeure ambigu et équivoque dans la Foi? Il est donc à craindre que ces concessions (la pensée de Rosmini contient des ambiguïtés) aient été faites pour “dorer la pilule”, pour être bien vite oubliées et devenir ensuite “dépassées” tandis que resteront en mémoire la réhabilitation et la prochaine béatification de Rosmini.

Conclusion: un document d’importance apparemment “mineure”, en réalité grave et symbolique

Certains penseront que la question dont nous venons de nous occuper est d’importance mineure, que nous avons donc perdu notre temps. Rosmini n’était pas un impie, mais un prêtre pieux; bien d’autres erreurs et autrement plus graves que la réhabilitation de Rosmini nous sont continuellement infligées. C’est vrai, il y a des faits et des documents en soi plus graves et scandaleux; mais – quoique document d’importance apparemment mineure – il n’en reste pas moins que la Note représente une réalité grave et symptomatique de l’anéantissement progressif et sournois du magistère de l’Eglise.

Après le Décret Post obitum, quelle doit être la prochaine victime de l’“aggiornamento”?

Notes

1) Mgr Umberto Benigni, Storia sociale della Chiesa, vol. II, tome I, p. 216, Vallardi, Milan 1912.

2) Heinrich Denzinger, Symboles et définitions de la Foi catholique…, édité par Peter Hünermann pour l’éd. originale et par Joseph Hoffman pour l’éd. fr., Ed. du Cerf, Paris 1996, p. 513.

3) “Les difficultés doctrinales concernant les écrits de notre Père Fondateur peuvent être considérées comme surmontées”, lettre de la Postulation de la Cause de Béatification de Rosmini datée du 1er juillet 2001, souscrite par le Préposé général de l’Institut de la Charité, par la Supérieure générale des Soeurs de la Providence, par le Postulateur Général et le Vice-Postulateur de la Cause.

4) “Le Souverain Pontife Jean-Paul II, au cours de l’audience du 8 juin 2001, accordée au soussigné cardinal Préfet de la Congrégation pour la Doctrine de la Foi, a approuvé cette Note sur la valeur des décrets doctrinaux concernant la pensée et les oeuvres du prêtre Antonio Rosmini Serbati, décidée en session ordinaire, et en a ordonné la publication”.

5) Notre traduction française du décret Post obitum publié par La Civiltà Cattolica, année XXXIX, vol. X, série XIII, 1888, pp. 63-64.

6) Les Pères de La Civiltà Cattolica ne manquèrent pas de souligner eux aussi ce point du Décret de condamnation de Rosmini: “Le même conseil [des Cardinaux] affirme qu’il eut connaissance du sens dans lequel Rosmini employa les propositions en question, et jugea que c’est dans le sens même employé par l’auteur qu’elles devaient être réprouvées, condamnées et proscrites; et c’est dans ce sens qu’elle les réprouve, les condamne et les proscrit, propositiones quæ sequuntur, in proprio auctoris sensu reprobandas, damnandas, ac proscribendas esse iudicaverit, prout hoc generali decreto reprobat, damnat, proscribit” (La Civiltà Cattolica, année 39, vol. X, série 13, 1888, pp. 269-270: Soluzione della questione rosminiana [Solution de la question rosminienne]).

7) Nous ne voulons certes pas nier l’existence d’une certaine influence du contexte historique sur les textes doctrinaux en général, et, dans ce cas particulier de la condamnation de Rosmini, l’influence de la promotion du thomisme par Léon XIII, de même que nous ne voulons pas nier l’utilité de connaître le contexte historique d’un document pour sa meilleure compréhension. Mais nous nions carrément que l’examen du contexte historique et culturel d’un document du Magistère (ou de l’Ecriture Sainte) puisse autoriser à le considérer comme “dépassé” dans un autre contexte, comme si les formules doctrinales et/ou dogmatiques n’avaient pas une valeur en soi, et n’étaient qu’un produit socio-culturel d’une époque donnée. La position insinuée par la Note détruit en effet radicalement le concept même et la pérennité du Magistère ecclésiastique (et même de la Révélation divine).

—8—

8) Le fait est authentique, et je l’ai trouvé en consultant les vieux numéros de La Civiltà Cattolica, “Soluzione della questione rosminiana”, l.c., p. 273.

9) Denzinger, op. cit. pp. 703-704.

10) ASS 13 [1880/81] 92. Denzinger, op. cit., p. 704.

11) La Civiltà Cattolica, “Solution de la question rosminienne”, l.c., p. 261.

12) Denzinger, nn. 3154-3155; ASS 14 [1981/82] 288.

13) “Il est clair que si sa culpabilité avait été démontrée avec certitude, il devait être condamné; si sa culpabilité n’avait pas été démontrée, il devait être absout, c’est-à-dire relâché; (…) La certitude précitée est nécessaire à la condamnation, parce que c’est une règle de droit que nemo præsumitur reus nisi legitime probetur; ce qui vaut pour n’importe quel tribunal”. Lire à ce propos toute la p. 260 de La Civiltà Cattolica, l.c.

14) Par exemple Léon XIII, Enc. Æterni Patris, DS 3139-3140 et la lettre au ministre général OFM du 27 nov. 1878; S. Pie X, Enc. Pascendi, m.p. Sacrorum antistitum, m.p. Doctoris angelici, et les 24 Thèses, DS 3601-3624; Code de droit canon, cann. 580§1 et 1366§2; Pie XI, c.ap. Deus scientiarum Dominus et Enc. Studiorum ducem, DS 3665-3667; Pie XII, Enc.

3.           Annexe 3 - Article de « Trente Jours », mensuel italien moderniste (organe inféodé à l’église conciliaire), retraçant l’histoire de la ‘béatification’ de Rosmini, condamné par le Pape Léon XIII

ANTONIO ROSMINI BIENHEUREUX[34]

Histoire d’une cause tourmentée

Le postulateur de la cause de béatification retrace les étapes qui ont mené Rosmini aux autels

par Claudio Massimiliano Papa
de l’Institut de la Charité

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Vue de l’abbaye bénédictine de la Sacra di San Michele, en Val di Susa, qui fut confiée aux rosminiens en1836

      La réputation d’homme de Dieu, qui accompagnait Antonio Rosmini depuis ses années de jeunesse, est encore renforcée par certaines grâces obtenues par son intercession. Le père Francesco Paoli, son premier biographe, voit dans ces grâces et dans la dévotion croissante envers lui l’occasion d’introduire la cause de béatification immédiatement après sa mort; il consulte différentes personnes mais trouve tout de suite des gens qui freinent son initiative. En revanche, les cardinaux Hohenlohe et Bartolini, ainsi que les évêques piémontais de Casale et de Turin se prononcent en faveur de la cause de béatification.

      Lorenzo Gastaldi en particulier, évêque de Turin, ne se contente pas d’approuver l’initiative, mais offre ses conseils et son soutien. Dans une lettre au père général Luigi Lanzoni, il le presse en écrivant: «Vous devriez présenter sans délai votre demande à la curie de Novare pour que le procès soit ouvert...».


      Et ce même prélat soutient les pères rosminiens en adressant à l’évêque de Novare une lettre dans laquelle il se dit certain qu’il acceptera «la requête plus que légitime de ces excellents Pères, à la prière desquels j’ajoute la mienne»; puis, s’étant dit disposé à donner à la cause toute l’aide possible, il conclut qu’il «s’agit en effet de coopérer à la gloire de l’un des personnages qui ont le plus éclairé l’Église et le clergé en ce siècle».

      Le 22 avril 1882, le père Paolo demande à l’évêque de Trente la permission de recueillir dans son diocèse des témoignages extrajudiciaires à propos des vertus du serviteur de Dieu, dans l’intention d’ouvrir un procès informatif. La recherche fut commencée, mais le procès ne fut pas commencé: il ne parut pas prudent au père Lanzoni d’ouvrir «la grande cause de béatification» à ce moment-là, lorsque les œuvres de Rosmini étaient soumises à l’examen du Saint Office.

     C’est justement sur la base de cette nouvelle que le père Lanzoni, dès le début de 1882, avait adressé au pape Léon XIII la requête suivante: «... que par grâce, me soient communiquées (si par hasard les nouvelles privées étaient vraies), par le moyen que Votre Sainteté trouverait le plus adéquat, les propositions qui auraient éventuellement été incriminées dans les dites œuvres, afin d’éclaircir les obscurités, c’est-à-dire de réfuter les objections qui sembleraient éventuellement offenser la sainte doctrine de l’Église et du Siège apostolique». Au cours des deux années suivantes, Paoli poursuit son inlassable travail, en écrivant la deuxième partie du livre Della vita di Antonio Rosmini-Serbati, sous le titre Delle sue virtù.

      Dans cette œuvre, il ne se borne pas à démontrer les vertus héroïques pratiquées par Antonio Rosmini, mais y ajoute environ trois cents témoignages sur les vertus et sur la sainteté de ce dernier, présentés par des personnes du monde ecclésiastique et laïque qui l’avaient connu. Bien que le matériel prouvant sa sainteté de vie fût devenu considérable, les supérieurs de l’Institut religieux pensèrent qu’il valait mieux surseoir à la requête d’ouverture du procès de béatification, notamment après le décret Post obitum de 1887 qui indiquait des erreurs doctrinales possibles dans quarante propositions extraites des œuvres de Rosmini. L’éventuelle requête d’ouverture du procès de béatification est donc momentanément mise de côté et on n’en parle plus pendant quarante ans.

      C’est en 1928 que le père général Balsari jugera opportun d’essayer d’ouvrir la cause de béatification d’Antonio Rosmini. À part les guérisons miraculeuses qui s’étaient manifestées justement cette année-là, qui sont la raison principale, c’était aussi l’année du centenaire de la fondation de l’Institut de la Charité et en s’engageant en faveur de Rosmini, on insufflait de l’oxygène à l’Institut, freiné et humilié par le fait qu’il avait été fondé par un homme qui n’avait pas encore été compris. Et puis il fallait aussi éviter de perdre les rares témoignages de visu encore existants et d’assurer les témoignages de auditu.

      La démarche de Balsari est encouragée non seulement par les mots du Pape, mais aussi par l’avis du cardinal Gamba, archevêque de Turin, et de Mgr Mariani, secrétaire de la Sacrée Congrégation des Rites. La requête faite aux évêques de Novare et de Trente reçoit un avis favorable. Le 13 janvier, elle reçoit sans difficulté de la Sacrée Congrégation des Rites le mandat de procuration pour le père Giuseppe Sannicolò et pour les deux vice-postulateurs, avec le nihil obstat émis par la Chancellerie de la même Congrégation et signé par le substitut, Mgr Di Fava. Sur la base des canons 2038 et 2939, alors en vigueur, les évêques pouvaient, iure proprio, instituer le procès informatif sur la renommée de sainteté et le procès de non-culte. Tandis que l’évêque de Trente en tient compte, institue le Tribunal et célèbre la première session, celui de Novare écrit le 6 janvier 1928 au secrétaire d’État, le cardinal Gasparri, une lettre pour demander des informations. Comme cela ne relevait pas de sa compétence, Mgr Gasparri passe la lettre au procurateur général de la foi, Mgr Salotti. Après avoir fait ses considérations sur le cas Rosmini, celui-ci répond à l’évêque de Novare en lui déconseillant l’introduction de la cause de béatification pour «ne pas raviver d’anciennes polémiques, attiser des discussions rien moins qu’opportunes et utiles, et réveiller parmi les clercs et les laïques ces divisions que la charité et la prudence conseillent d’éviter».

      Le 5 février suivant, le père Balsari, fort de ces témoignages, écrit au pape une longue lettre, en partie pour l’informer et en partie pour le supplier, pour lui demander que le procès de béatification soit ouvert dans le diocèse de Novare et qu’il soit poursuivi dans celui de Trente, ou il est déjà commencé. Mais aucune suite n’est donnée et tout s’arrête.

      Plusieurs autres tentatives ont été faites par la suite pour introduire la cause. À l’exception de Lanzoni, qui est l’homme de l’obéissance humble et silencieuse au Post obitum, aucun père général de l’Institut de la Charité n’a renoncé à faire des tentatives pour introduire la cause de la béatification de leur fondateur.

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Une photo d’époque du Colle Rosmini avec le sanctuaire où est enseveli l’abbé de Rovereto et où se trouve le Collège qui lui est dédié

      Après le père Balsari, la pétition présentée par le père général Giuseppe Bozzetti sous le pontificat de Pie XII aura le même résultat que celle de 1928. Là aussi, tout était prêt pour l’ouverture du procès informatif dans le diocèse de Novare, et le postulateur était déjà nommé en la personne du père John Hichey. Mais le 4 juillet 1947, le père provincial reçoit une lettre de Novare: elle est signée par Mgr Giovanni Cavigioli, lequel «avec une âme profondément consternée» communique la réponse négative de la Sacrée Congrégation des Rites. C’est le cardinal Salotti lui-même, en tant que préfet de la Congrégation, qui l’a rédigée et qui réaffirme le “non” sur la base des mêmes motivations que celles qui avaient été données en 1928.

      Au temps de Jean XXIII, à partir de 1962, le père général de l’époque, Giovanni Gaddo, commence à recueillir une série d’informations pour vérifier l’opportunité d’une nouvelle tentative. Les contacts avec le cardinal Larraona, préfet de la Sacrée Congrégation des Rites, avec Mgr Antonelli, promoteur de la Foi, et avec le cardinal Ottaviani, secrétaire du Saint Office, ont tous une issue positive. Le cardinal Larraona, dans les mains duquel la cause est déposée (car selon la volonté explicite de son fondateur, l’Institut n’a pas de cardinal protecteur) se montre particulièrement bienveillant.

      Le Pape lui-même, dans sa prudence et dans sa sollicitude, s’intéresse à la cause de Rosmini dans le but avoué de vouloir s’en occuper aussitôt que le Concile sera terminé et il veut que la cause de Rosmini soit une cause historique et non doctrinale. Le nouveau climat est encourageant et la requête d’obtention du nihil obstat de la part de la Sacrée Congrégation des Rites part le 17 septembre 1962, mais le sursaut d’espoir d’atteindre l’objectif est anéanti par la mort du pape, au mois de juin 1963.

      Entre temps, les Pères conciliaires discutent des problèmes liés à la liturgie, et le procurateur général juge bon d’envoyer en hommage au cardinal Larraona le livre Les cinq plaies, qui traite de ces questions. Il accompagne son cadeau des réflexions sur les raisons historiques et politiques pour lesquelles ce livre avait été mis à l’Index, en formulant le vœu que «cette interdiction puisse être levée au moment opportun».

      En mars 1965, les contacts pour ouvrir la cause de Rosmini reprennent. Dans une rencontre avec le cardinal Ottaviani, Secrétaire de la Congrégation du Saint Office, le père général s’entend dire: «Commençons même tout de suite. Préparez toutes les objections et ajoutez-y déjà des réponses, de manière que lorsque le procès nous parviendra, tous soit préparé pour une bonne solution. Il faut chercher des gens très compétents».

      La Supplique part à la mi-décembre, et elle est communiquée à travers Mgr Angelo Dell’Acqua pour obtenir l’accord du Pape à l’ouverture du procès. Vers le mois de novembre 1966, le père Bolla, rosminien, procurateur de l’Institut de la Charité, rappelle au cardinal Larraona qu’aucune réponse n’est encore parvenue, tandis que le père général, au cours d’une rencontre avec Mgr Dell’Acqua, porteur de la pétition, l’interroge sur ce retard et obtient pour toute réponse que «ce sont des choses auxquelles il faut bien réfléchir», avec le conseil de demander une audience au Saint Père. Mais quelque temps après, il lui fait comprendre qu’il vaut mieux y renoncer. Les nouvelles espérances, alimentées par ces voix favorables, s’éteignent comme les précédentes, et les raisons de ce silence demeurent vagues.

      Il existe dans les archives généralices rosminiennes des documents remontant aux premiers mois de 1971 et qui prouvent l’intention de remettre en mouvement la cause de béatification de Rosmini. En date du 19 mai, on trouve en effet un Rapport sur le problème des “quarante propositions”, présenté à Mgr Giuseppe Del Ton avec un Promemoria en pièce jointe et envoyé au cardinal Franjo Seper, préfet de la Sacrée Congrégation pour la Doctrine de la Foi, dans lequel on demande le Nihil obstat. Toujours le 20 mai, il existe une Pétition au pape de la part du père général. La réponse du cardinal Seper à Mgr Del Ton est datée du 9 juin, et elle l’informe que «ce Dicastère ne donne pas un Nihil obstat de ce genre au stade préventif; c’est la raison pour laquelle cette Sacrée Congrégation se réserve de traiter avec la plus grande impartialité la question de l’éventuelle béatification en question dès que parviendra une requête officielle de la part de la Congrégation pour les causes des saints».

      Les contacts informels pour une nouvelle tentative reprennent à la fin de l’été 1971. Monseigneur Del Ton et le cardinal Nasalli Rocca di Corneliano réaffirment au père rosminien Clemente Riva que les milieux du Vatican, y compris le Pape, y sont favorables. Ce même père reçoit des indications précises sur la marche à suivre de la part de Monseigneur Frutaz, sous-secrétaire à la Congrégation pour les Causes des Saints. Il faut: la Supplique au Pape de la part du père général au nom de l’Institut, d’amis et de spécialistes de Rosmini, qui mettent en relief la personnalité et l’utilité actuelle de la vie sainte et de la pensée rosminiennes, le Profil de sa vie et de ses vertus, l’allusion explicite aux “quarante propositions”, le Nihil obstat et un Ponent (un cardinal ou le supérieur général lui-même) qui présente au Pape la pétition avec tout le matériel.

      Le 24 mai 1972, une Supplique est présentée au Saint Père à travers Monseigneur Pasquale Macchi. Les signataires en sont le père Francesco Berra, procurateur de l’Institut, et le père Clemente Riva, vicaire du père général. À la fin du mois de mai, Mgr Macchi fait savoir que la Supplique et la documentation qui l’accompagne ont bien été acheminées. Le 18 novembre 1972, la Congrégation pour la Doctrine de la foi s’adresse au père Cornelio Fabro, stigmatin et au père rosminien Clemente Riva (le 7 décembre 1973) pour avoir leur avis sur la question rosminienne.

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L’évêque de Novare Renato Corti (le deuxième à partir de la gauche) et le père Claudio Massimiliano Papa (le deuxième à partir de la droite), postulateur de la cause de béatification, pendant la conférence de presse de présentation de la cérémonie de béatification de Rosmini

      Étant donnée la complexité de la question, une commission est constituée en avril 1974 auprès de la Congrégation pour la Doctrine de la foi afin d’étudier la question rosminienne et de présenter les conclusions aux membres du dicastère. Fabro et Riva font partie tous les deux de cette commission. Le travail se poursuit jusqu’à la moitié de 1976 et il est présenté à la séance plénière du dicastère; un grand nombre de membres semblent favorables à l’abolition du Post obitum, d’autre contraires. Le père rosminien Clemente Riva quittera la commission en tant qu’élu évêque auxiliaire de Rome quelques mois avant la conclusion des travaux.

      La Congrégation pour la Doctrine de la foi, une fois examinée l’affaire, n’en tire pas un avis négatif mais, comme le rapporte à Mgr Riva Mgr Hamer, secrétaire de la Congrégation, elle décide le non expedit nunc en raison de la disparité de jugement des consulteurs. Elle invite, en outre, les spécialistes à approfondir leur connaissance de Rosmini, afin de trouver une interprétation telle qu’elle permette de lever la censure.

      Il y a dans cette réponse un problème sérieux: un auteur peut-il être et rester condamné lorsque la “suprême autorité” même doute que ce même auteur puisse avoir raison, et qu’il puisse y avoir une interprétation favorable à lui? Ces doutes tenailleront les spécialistes et les admirateurs de Rosmini.  

      Sur la base de nouvelles recherches, le 5 juin 1990, le père général Giovanni Zantedeschi envoie à la Sacrée Congrégation pour la Doctrine de la foi la documentation relative à «de nouveaux éléments d’évaluation aptes à préciser la position exacte d’Antonio Rosmini par rapport aux “quarante propositions” condamnées dans le décret Post obitum».  

      Le mois d’août suivant est nommé le père Remo Bessero Belti en tant qu’expert de l’Institut, en vue de l’institution d’une commission d’études qui aura pour tâche de réexaminer la question rosminienne.
      La procédure suivie par la Sacrée Congrégation est la suivante: dans un premier temps, on fait connaître à l’expert rosminien les difficultés et les réserves soulevées à propos de la pensée de Rosmini à l’occasion de l’examen précédent, accompli en 1976; suit sa réponse écrite à ces difficultés et à ces interrogations; enfin a lieu la convocation de la Commission d’études, dont le père Bessero Belti est membre, avec pour tâche de discuter et d’exprimer un avis en la matière.

      Le résultat de l’examen est positif et il permet de rédiger la Declaratio du 19 février 1994 avec le non obstare au fait qu’ «on puisse ouvrir la cause de béatification du serviteur de Dieu Antonio Rosmini, prêtre fondateur de l’Institut de la Charité et des Sœurs de la Providence». On peut lire, à la fin du document, que la «Congrégation de la foi devra être de nouveau interpellée en ce qui concerne le jugement doctrinal définitif à ce propos».

      Le 18 février suivant, le supérieur général en donne la communication à Monseigneur Renato Corti, évêque de Novare, dans le diocèse duquel commencera le procès informatif. L’évêque procède à la nomination des trois théologiens et de la Commission historique pour le diocèse de Novare, où Rosmini a vécu et où il est mort, et il suggère que soit constituée une commission identique pour le diocèse de Trente, où Rosmini est né et où il a été élevé. Le 10 mars 1994, le décret de non obstare est notifié à tous les évêques de la Conférence épiscopale piémontaise.

      Le premier juillet 1997 se constitue le Tribunal diocésain pour le procès informatif sur la renommée de saint du serviteur de Dieu Antonio Rosmini et moi, religieux rosminien, je suis nommé nouveau postulateur général de l’Institut de la Charité et des Sœurs de la Providence. La sœur Carla Cattoretti, religieuse des Sœurs de la Providence, est nommée vice-postulateur. Elle quittera cette charge en 2001, lorsqu’elle sera élue supérieure générale. Le 20 février 1998, se conclut le procès diocésain et le Transunto est communiqué à la Congrégation pour les Causes des Saints. En mars 1999, le père Ambrogio Eszer op, me convoque immédiatement et me donne des indications précises sur la manière de conduire l’étude pour composer la Positio.

      Dans l’Instruction communiquée par le père Eszer, il est indiqué que devront se trouver comme document, parmi les chapitres de la bibliographie documentaire, les “quarante propositions” condamnées par le Saint Office en 1887, avec une introduction qui prouve que les doctrines condamnées ne sont pas celles du serviteur de dieu. Ce chapitre sera présenté séparément à la Congrégation pour la Doctrine de la foi, conformément à ce qui a été établi par l’excellentissime archevêque Alberto Bovone, secrétaire de la Congrégation pour la Doctrine de la foi, dans la lettre du 19 janvier 1994 envoyée à son Excellence Révérendissime Monseigneur Giovanni Batrtista Re, substitut à la Secrétairerie d’État.

      C’est dans ce but que le 2 décembre 1999, je remets au relateur le chapitre de la Positio qui examine les circonstances historiques et les conclusions théologiques qui ont mené au Post obitum. Cette étude, entièrement préparée par moi, tend à démontrer que «le sens des “propositions” condamnées n’appartient pas en fait à la position authentique de l’auteur».

Le premier juillet 2001, L’Osservatore Romano publie la Note de la Congrégation pour la Doctrine de la foi sur la «valeur des décrets doctrinaux concernant la pensée et les œuvres du révérend père Antonio Rosmini Serbati». La Note porte la signature de celui qui était alors le préfet de la Congrégation, le cardinal Joseph Ratzinger

      Le premier juillet 2001, jour du cent quarante-sixième anniversaire de la mort du serviteur de Dieu Antonio Rosmini, L’Osservatore Romano publie la Note de la Congrégation pour la Doctrine de la foi sur la «valeur des décrets doctrinaux concernant la pensée et les œuvres du révérend père Antonio Rosmini Serbati». Dans la Note, après une enquête historique et une étude attentive du contexte, il est déclaré: «On peut désormais considérer aujourd’hui dépassés les motifs de préoccupation et de difficultés doctrinales et prudentielles qui ont déterminé la promulgation du décret Post obitum de condamnation des “quarante propositions” tirées des œuvres d’Antonio Rosmini. Et ceci est motivé par le fait que le sens des propositions, tel qu’il est entendu et condamné par ce même décret, n’appartient pas en réalité à la position authentique de Rosmini, mais à des conclusions possibles de la lecture de ses œuvres». Le document porte la signature de celui qui était alors le préfet de la Congrégation, le cardinal Joseph Ratzinger. Plus tard, le Saint Père Benoît XVI autorise la Congrégation pour les Causes des Saints, dirigée par le préfet, le cardinal José Saraiva Martins, à promulguer le 26 juin 2006 le décret d’exercice héroïque des vertus témoignées par Antonio Rosmini, et un an après, le premier juin 2007, le décret sur le miracle advenu par l’intercession du vénérable Antonio Rosmini.

      Aujourd’hui enfin, après tout le travail accompli, d’abord par le diocèse de Novara, dont je remercie l’évêque Monseigneur Renato Corti et sa curie diocésaine, et ensuite par la congrégation pour les Causes des Saints, à laquelle j’exprime toujours ma gratitude, en commençant par son préfet déjà cité ainsi que par l’actuel secrétaire Monseigneur Michele Di Ruberto, et à tous ceux qui ont travaillé pour mener à terme cette cause difficile, en offrant au Saint Père Benoît XVI la documentation nécessaire pour promulguer le décret de béatification, dont il sera donné lecture le 18 novembre prochain dans le diocèse de Novare, conformément aux nouvelles procédures pour les rites de béatification.

Claudio Massimiliano Papa (moderniste de l’église conciliaire)

4.           Annexe 4[35] - Note de Ratzinger réhabilitant Rosmini (30 juin 2001)

NOTE DE LA CONGRÉGATION POUR LA DOCTRINE DE LA FOI

SUR LA VALEUR DES DÉCRETS DOCTRINAUX CONCERNANT LA PENSÉE ET LES OEUVRES

DU RÉV. PRÊTRE ANTONIO ROSMINI SERBATI,

30.06.2001

1. Le magistère de l’Église, qui a le devoir de promouvoir et de garder la doctrine de la foi, et de la préserver des menaces récurrentes issues de quelques courants de pensée et de pratiques déterminées, s’est intéressé à plusieurs reprises durant le XIXe  siècle aux résultats du travail intellectuel du Rév. Prêtre Antonio Rosmini Serbati (1797-1855), en mettant à l’Index deux de ses œuvres en 1849, puis en démettant de cet examen l’opera omnia en 1854, par un Décret doctrinal de la Sainte Congrégation de l’Index, et ensuite, en condamnant en 1887 quarante propositions, extraites d’œuvres posthumes pour la plupart, et d’autres œuvres inédites pendant la vie, par le Décret doctrinal, nommé Post Obitum, de la Sainte Congrégation du Saint Office (Denz 3201-3241).

2.Une lecture approximative et superficielle de ces diverses interventions pourrait faire penser à une contradiction intrinsèque et objective de la part du Magistère dans l’interprétation des contenus de la pensée rosminienne, et dans leur évaluation à la face du peuple de Dieu. Cependant, une lecture attentive, non seulement des textes, mais aussi du contexte et de la situation dans lesquels ils furent promulgués, aide à saisir, et davantage encore dans un nécessaire développement, une appréciation à la fois vigilante et cohérente, au regard, comme toujours, et en tout état de cause, de la protection de la foi catholique et déterminée  à ne pas consentir à ses interprétations déviantes ou réductrices. C’est dans cette ligne que s’inscrit la présente Note sur la valeur des susdits décrets.

3. Le Décret de 1854, par lequel furent démises les oeuvres de Rosmini, atteste de la reconnaissance de l’orthodoxie de sa pensée et de ses intentions déclarées, lorsque, à propos de la mise à l’Index de deux de ses oeuvres en 1849, il écrivait au Bienheureux Pie IX : “Je veux m'appuyer en tout sur l’autorité de l’Église, et je veux que tout le monde sache que c’est à cette autorité seule que j’adhère”¹. Le Décret lui-même toutefois n’a pas eu l’intention de signifier l’adoption de la part du Magistère du système de pensée rosminien comme instrument philosophico-théologique de médiation de la doctrine chrétienne, ni entendu exprimer quelque opinion sur la plausibilité spéculative et théorique des positions de l’auteur.

4. Les événements survenus après la mort du Rovérétain avaient requis de prendre distance avec son système de pensée, et particulièrement avec certains énoncés de celui-ci. Il est nécessaire d’éclairer les principaux facteurs d’ordre historico-culturel qui influencèrent une telle distance, qui culmina avec la condamnation des “Quarante propositions” du décret Post Obitum de 1887.

Un premier facteur se réfère au projet de renouvellement des études ecclésiastiques promu dans l’Encyclique Aeterni Patris (1879) de Léon XIII, dans la ligne de la fidélité à la pensée de st Thomas d’Aquin. La nécessité reconnue par le Magistère pontifical de fournir un instrument philosophique et théorique, fixé dans le thomisme, apte à garantir l’unité des études ecclésiastiques par dessus tout dans la formation des prêtres dans les séminaires et dans les Facultés théologiques, contre le risque de l’éclectisme, posait les prémisses d’un jugement négatif s’agissant d’une position philosophique et spéculative, telle que la position rosminienne, qui différait par le langage et par l’appareil conceptuel de l’élaboration philosophique et théologique de st Thomas d’Aquin.

Un second facteur à garder présent à l’esprit est que les propositions sont extraites en grande partie des oeuvres posthumes de l’auteur, dont la publication se trouvait privée d’un appareil critique apte à expliquer le sens précis des expressions et des concepts qu’elles avaient adoptés. Ainsi fut favorisée une interprétation dans un sens hétérodoxe de la pensée rosminienne, ce qui était aussi dû à la difficulté objective à en interpréter les catégories, principalement si elles étaient lues dans la perspective néothomiste.

5. En dehors de tels facteurs déterminés par la contingence historico-culturelle et ecclésiale de l’époque, l’on doit de toute façon reconnaître que le système rosminien comporte des concepts et des expressions parfois ambiguës et équivoques qui exigent une interprétation vigilante et qui peuvent être éclairées seulement à la lumière du contexte plus général de l’œuvre de l’auteur. L’ambiguïté, l’équivoque, et la difficile compréhension de certaines expressions et catégories, présentes dans les propositions condamnées, expliquent entre autre les interprétations dans un sens idéaliste, ontologiste et subjectiviste, qui furent ceux des penseurs non catholiques, contre lesquels le Décret Post Obitum mettait objectivement en garde. Le respect de la vérité historique exige d’autre part que soit souligné et confirmé le rôle important du Décret de condamnation des « Quarante propositions », en ce que non seulement il exprimait les réelles préoccupations du Magistère contre les erreurs et les interprétations déviantes de la pensée rosminienne, en opposition avec la foi catholique, mais aussi en ce qu’il prévenait contre le fait attesté de la réception du rosminianisme dans le domaine intellectuel de la culture philosophique laïque, marqué par l’idéalisme transcendantal ou par l’idéalisme logique et ontologique. La cohérence profonde du choix du Magistère dans ses diverses interventions en la matière se vérifie dans le fait que le même Décret doctrinal Post Obitum ne se référait pas au jugement sur la négation formelle de vérité de foi de la part de l’auteur, mais plutôt au fait que le système philosophico-théologique de Rosmini était considéré comme insuffisant et inadéquat à conserver et à explorer certaines vérités de la doctrine catholique, que pourtant l’auteur lui-même avait reconnues et confessées.

6. D’autre part, on doit reconnaître qu’une lecture scientifique ample, sérieuse et rigoureuse de la pensée d’Antonio Rosmini, particulièrement dans le champ catholique de théologiens et philosophes appartenant à diverses écoles de pensée, a montré que de telles interprétations contraires à la foi et à la doctrine catholique ne correspondaient pas en réalité à l’authentique position du Rovérétain.

7. La Doctrine pour la Doctrine de la Foi, après un examen approfondi des deux décrets doctrinaux, promulgués au XIXe, et d’après des résultats tirés de l’historiographie et de la recherche scientifique et théorique des dernières décennies, est parvenue à la conclusion suivante :

On peut actuellement considérer comme désormais dépassés les motifs de préoccupations et de difficultés doctrinales et prudentielles qui ont déterminé la promulgation du Décret Post Obitum qui condamnait les « Quarante propositions » extraites des œuvres d’Antonio Rosmini. Et ceci au motif que le sens des propositions, ainsi comprises et condamnées par le même Décret, n’appartient pas en réalité à l’authentique position de Rosmini, mais à de possibles conclusions de la lecture de ses œuvres. Reste toutefois renvoyé au débat théorique la question de la plausibilité du système rosminien lui-même, de sa consistance spéculative et des théories, ou des hypothèses philosophiques et théologiques exprimées par lui.

Dans le même temps, la validité objective du Décret Post Obitum demeure, en ce qui regarde la prescription des propositions condamnées, pour qui les lit en dehors du contexte de la pensée rosminienne, dans une optique idéaliste, ontologique, et dans un sens contraire à la foi et à la doctrine catholique.

8. Du reste, la Lettre Encyclique de Jean-Paul II Fides et ratio elle-même, alors qu’elle situe Rosmini parmi des penseurs les plus récents dans lesquels se réalise l’union féconde du savoir philosophique et de la Parole de Dieu, indique en même temps que, par cette expression, on n’entend pas « avaliser tous les aspects de leur pensée, mais seulement proposer des exemples significatifs d’une voie de recherche qui a considérablement tiré avantage de la confrontation avec les données de la foi»².

9. L’on doit aussi affirmer que l’entreprise spéculative et intellectuelle d’Antonio Rosmini, caractérisée par une grande audace et un grand courage, même si elle témoigne d’une certaine hardiesse risquée, spécialement dans quelques formulations, en tentant d’offrir de nouvelles opportunités à la doctrine catholique en rapport avec les défis de la pensée moderne, s’est développée dans un horizon ascétique et spirituel, reconnu également par ses adversaires les plus acharnés, et a trouvé son expression dans les œuvres qui ont accompagné la fondation de l’Institut de la Charité, et celle des Sœurs de la Divine Providence.

Le Souverain Pontife Jean-Paul II, au cours de l’audience du 8 juillet 2001, concédée au souscrit Préfet de la Congrégation pour la Doctrine de la Foi a approuvé cette Note, décidée en Session Ordinaire, sur la valeur des décrets doctrinaux concernant la pensée et les œuvres du Rév. Antonio Rosmini Serbati, et en a ordonné la publication.

Rome, Siège de la Congrégation pour la Doctrine de la Foi,

1er Juillet 2001-08-18.

+ JOSEPH Card. RATZINGER
Préfet

+ TARCISIO BERTONE, S.D.B.
Archevêque émérite de Vercelli
Secrétaire

________________________________

¹ ANTONIO ROSMINI, "Lettera al Papa Pio IX", in Epistolario completo, casale Monferrato, tip. Pane 1892, vol. X, 541; (lett. 6341).

² GIOVANNI PAOLO II, Lett. Enc. Fides et ratio, n.74, in AAS, XCL, 1999 – I, 62.

(01124-01.01). Texte original : Italien, trad. française : Centre français d’études rosminiennes, M.-C. B.

http://www.philosophiedudroit.org/watson,%20mission%20anglaise.htm

5.           Annexe 5[36] - La mission rosminienne en Angleterre

Terence WATSON, i.c.

Rosmini House

Durham (England).

1- Rosmini et l'Angleterre

Antonio Rosmini nourrissait une affection particulière pour l'Angleterre. Il a bientôt reconnu certaines qualités de cette nation, par exemple, sa stabilité politique et l'équilibre de sa constitution ¹. De plus il a accepté l'esprit religieux du peuple. Il écrit : "Les catholiques anglais tiennent une place spéciale dans mon cœur. Je ne sais pas ce que je ferais si j'étais capable de les aider dans la moindre chose. Quant à moi, je pense à ne négliger en aucune manière tout ce que la Divine Providence m'inviterait à faire à leur avantage ; je voudrais leur donner même mon sang pour la gloire de notre Seigneur, quoique mon sang n'ait aucune valeur". Dans son grand ouvrage, la Philosophie du Droit, il écrit que l'Angleterre est "une nation où l'on ne peut nier que le sentiment de la moralité et de la justice est grand et populaire". On voit qu'Antonio Rosmini était déjà préparé, au moins mentalement, pour une œuvre apostolique en Grande-Bretagne.

2- La situation catholique en Angleterre.

En Grande Bretagne, depuis le règne du roi Henri VIII jusqu'au XIXème. siècle, l'Église Catholique n'avait aucun droit légal d'exister. Cependant, au début du siècle, les catholiques pouvaient pratiquer leur religion sans trop de harcèlement pourvu qu'ils n'exercent pas d'actes publics. On ne leur permettait pas de construire des églises. Mais les choses changèrent lorsque le gouvernement passa l'Acte d'Émancipation en 1829. Alors, au sein d'une section de l'Église Anglicane une sorte de renouvellement se développa, que l'on appela l'Oxford Movement. Beaucoup d'Anglicans se convertirent en effet à la Foi catholique, et le résultat général en fut un enthousiasme vif et zélé pour la conversion de toute l'Angleterre. On parlait d'un nouveau printemps pour la Foi catholique, "the Second Spring", le deuxième printemps. C'est ainsi que se convertirent à cette époque certains Anglicans : John Henry Newman, Lord Shrewsbury, F.W. Faber, Nicholas Wiseman (qui deviendra le premier cardinal de Westminster), Henry Manning (lui aussi devenu cardinal de Westminster), Augustus Welby Pugin (qui comme architecte, dessina des dizaines d'églises nouvelles pour les Catholiques, après l'Émancipation), et aussi un certain William Lockhart, ami et disciple de Newman et par la suite, disciple de Rosmini, religieusement et philosophiquement.

On peut vraiment dire que le terrain religieux en Angleterre était prêt à recevoir une nouvelle évangélisation et que l'Église Catholique devait jouer un rôle dans la vie publique de la nation. La Providence mettait en train une contribution italienne à ce Second Spring.

3- Bishop Baines.

Un Catholique anglais qui a accueilli l'Émancipation de l'Église avec beaucoup d'énergie chrétienne fut Augustine Baines. Homme de caractère bizarre, il était moine bénédictin, jadis le sous-prieur d'un monastère  au nord de l'Angleterre. Il quitta ce monastère pour aller travailler à la mission bénédictine de Bath, ville historique recherchée par la haute société anglaise. Parmi ses projets, il désirait fonder un collège, un séminaire et, avec optimisme, une université catholique, parce que, même après l'Émancipation, aucun catholique ne pouvait fréquenter des deux universités d'Oxford et de Cambrigde. Or Baines, pour réaliser son ambition, avait besoin d'assistants. Il retourna alors à son monastère avec sept moines (et aussi avec des vaches!) pour aller occuper un grand château splendide, appelé Prior Park, situé tout près de Bath. Plus tard, il devint évêque et fut nommé Vicaire apostolique de cette région. Mais après toutes ces pérégrinations, et ses rapports difficiles avec des gens divers, sa santé ne put plus résister et il lui fallut se reposer : il se rendit alors à Rome, sans perdre néanmoins de son enthousiasme, et durant son séjour, s'est attaché à recruter des professeurs pour son collège.

3-Ambrose Philips Delisle.

Parmi les convertis au catholicisme, se trouvait un jeune homme appelé Ambrose Delisle. D'une famille anglicane, Delisle s'est converti quant il n'avait que seize ans. Tout de suite, il s'est totalement voué à sa nouvelle Foi et désirait travailler à la conversion de toute l'Angleterre. C'est ainsi que trois ans plus tard, alors qu'il avait dix-neuf ans, plein de zèle apostolique, il convertit lui-même un prêtre anglican appelé Spencer, ancêtre de l'actuelle Princesse de Galles. Delisle s'est marié avec une jeune fille d'une ancienne famille anglaise catholique, et pour ce mariage, reçu de son père le manoir et le domaine qui porte le nom français de "Grâce à Dieu". Ainsi, il devint propriétaire d'une importante terre dans le comté de Leicestershire, au centre de l'Angleterre. Enfin, suivant l'habitude de beaucoup de convertis, il voulut visiter la capitale du monde catholique et arriva à Rome en 1830.

4-Antonio Rosmini.

Dans le déroulement de cette histoire, un troisième personnage joua un rôle décisif : Antonio Rosmini. En 1828, il était allé à Rome pour obtenir l'approbation papale de l'œuvre qu'il avait entreprise à Monte Calvario, dans la vallée de l'Ossola, non loin de la frontière suisse-italienne : un nouvel ordre religieux appelé Institut de la Charité. Mais ses affaires se sont prolongées, et à l'occasion de ce séjour forcé, il publia le livre qui présente le fondement de tout son système philosophique : l'Origine des Idées. De plus, en 1830, il fit la connaissance d'un jeune romain, étudiant en vue du sacerdoce, Luigi Gentili.

6-Luigi Gentili.

Luigi Gentili, un vrai romain, était diplômé à la fois en droit civil et en droit canonique, et nourrissait la grande ambition de devenir membre du "set" social et aristocratique de Rome. Plein de confiance et d'énergie, il chercha et obtint un titre de noblesse et apprit à jouer du piano, parce qu'il avait une voix forte et mélodieuse, et savait bien chanter. Ainsi, il put s'introduire dans les classes élevées de la société romaine. Il fréquentait les salons des familles aristocratiques et riches, et, pour aider son dessein, entreprit de parler couramment l'anglais. Un jour, il fit la connaissance d'une jeune anglaise dont il tomba amoureux. Il lui proposa le mariage, ce qu'elle accepta. Mais malheureusement, le gardien de la jeune fille était l'évêque Baines de Bath, qui ne considérait pas Gentili comme un mari convenable à sa pupille! Sans perdre davantage de temps, Baines enleva la pauvre jeune fille en toute hâte pour l'éloigner de Rome. Pour Gentili, le monde s'était effondré. Il devint un désenchanté de la vie de la société, et se mit à cultiver non plus les choses du monde, mais celle de Dieu, et commença à travailler à son sacerdoce. Au cours de cette période, la rencontre avec Rosmini lui fit autant d'impression qu'il désira se faire membre du nouvel ordre religieux fondé par Rosmini.

7-Les origines de la mission.

Il faut donc que nous tournions notre attention vers Rome, parce que c'est là que les origines de la mission rosminienne anglaise trouvent leurs racines.

Bien que Monseigneur Baines ne voulut pas Gentili comme époux de sa pupille, il s'aperçut de ses remarquables qualités. Évidemment, Gentili, comme prêtre, serait un bon professeur. Il l'invita donc à venir à Prior Park. Gentili, toujours prêt à faire quelque chose pour le bien de l'Angleterre répondit positivement.

Ambrose Delisle, lui aussi pendant sa visite à Rome, cherchait un prêtre "zélé et bien instruit" qui évangéliserait les tenanciers de ses terres en Leicestershire, dont la pauvreté était extrême. Il s'adressa au Collège irlandais où il fit la connaissance de Gentili, et les deux hommes discutèrent la possibilité d'une mission anglaise. Encore une fois, Gentili s'était montré très enthousiaste pour l'entreprise. Mais il ne pouvait plus prendre aucune décision parce qu'il s'était déjà soumis à l'obéissance envers Rosmini.

En 1831, Rosmini retourna à Monte Calvario. Gentili lui écrivit pour l'informer des demandes des deux Anglais. Rosmini montra le même enthousiasme que Gentili, mais il voulait d'abord que celui-ci accomplisse son noviciat à Monte Calvario et se prépare à la mission. Entre-temps, Delisle était parti de Rome pour commencer son voyage de retour en Angleterre. Il resta quelques jours à Milan, et là, fit la connaissance personnelle d'Antonio Rosmini. Les deux hommes ont lié une amitié intime. Bien entendu, Delisle a parlé avec  effusion de ses projets d'évangélisation et Rosmini a encore une fois exprimé son propre enthousiasme, prêt à coopérer aux projet du jeune homme.

Monseigneur Baines, de son côté, s'était adressé directement et personnellement à Rosmini afin d'obtenir des professeurs pour son collège de Prior Park. Alors, il fallait que Rosmini décidât entre Baines et Delisle, mais la solution du problème se trouvait déjà écrite dans les Constitutions de L'institut de la Charité : il faut accorder la préférence aux requêtes des évêques. En tout cas, Baines avait persuadé Delisle de retirer sa requête. L'on a alors accepté que les missionnaires rosminiens aillent enseigner au collège de Prior Park.

8-Les missionnaires.

Dans le noviciat de Monte Calvario, se trouvait un jeune français, de Carpentras en Savoie, nommé Émile Belisy, et il semble que Rosmini l'avait déjà considéré adapté à la mission anglaise. Plus tard, un autre Français, Antoine Rey, savoyard lui aussi, entra dans l'Institut, et Rosmini le destina à être le troisième membre de la mission. Le nombre des premiers missionnaires s'arrêtera donc à trois : un prêtre italien parlant couramment l'anglais et deux français qui, à ce moment là, ne le parlait pas du tout.

La période de préparation pour cette mission dura quatre années. Pendant ce temps, à part la vie religieuse, les deux français devaient apprendre l'anglais, et Rosmini qui avait été  choisi pour devenir curé de la paroisse de sa ville natale, Rovereto, pris Gentili avec lui pour mieux lui faire approfondir son système philosophique.

Tous trois, les missionnaires devraient se trouver ensemble à Prior Park, prêts à commencer l'année scholastique 1835.

A ce point de l'histoire, il faut faire mention du rapport entre Rosmini et le Pape Grégoire XVI. Rosmini, lors de sa première visite à Rome en 1823, avait fait la connaissance de l'Abbé Mauro Capellari et tous deux étaient devenus de bons amis. Rosmini avait demandé conseil et direction en ce qui concerne la fondation du nouvel ordre, et Capellari l'avait bien soutenu et encouragé. De surcroît, Capellari appréciait le génie philosophique du jeune prêtre. Cet échange et ce soutien sont restés solides et cordiaux quand l'abbé devint cardinal, et fut enfin élu à la papauté, prenant le nom de Grégoire XVI. Rosmini voulait que son Institut reste toujours fidèle et attaché au Saint-Siège. Donc, au moment où la mission anglaise semblait devenir une réalité, il chercha d'abord l'approbation du Pape qui lui envoya un Bref (décembre 1834) dans lequel il indique qu'il laisse"à sa prudence d'accepter ou non la mission proposé par Mgr.. Baines". Une fois décidé, Rosmini envoya Gentili et ses deux confrères à Rome pour recevoir la bénédiction personnelle du Pape. Le Pape accueillit les pèlerins bien cordialement le 15 mai : il les informa qu'il n'y avait que seize prêtres en tout à Londres malgré une population catholique aussi importante que celle de Rome. Il les a ainsi encouragé : "Que le Seigneur vous ouvre un champ large. Tenez aux principes sains et enseignez la doctrine saine. Que Dieu vous bénisse, vous aide et vous fasse prospérer". Une semaine plus tard, les voyageurs quittèrent la Ville Éternelle pour prendre le bateau à Gênes, mais juste avant le départ, le Pape est monté à bord pour les bénir encore une fois. Il voyagèrent par Paris où Gentili, à la demande de Rosmini, fit une visite de politesse au philosophe Victor Cousin.

Ils arrivèrent à Londres le 16 juin 1835. Leur première impression fut sombre et mélancolique. Gentili écrit à Rosmini : "Il nous semblait entrer dans la ville de Pluton : maisons noires, bateaux noirs, matelots sales, tout couverts de saleté. Les eaux de la Tamise étaient d'une couleur jaune sale et exhalaient une puanteur très agressive. A terre, tout n'était que bruit et confusion : chevaux, charrette, hommes de toute condition, qui couraient et se croisaient - en bref, le diable est là, intronisé, exerçant sa domination tyrannique sur les misérables mortels".

9-Prior Park.

Ainsi, en automne1835, les trois missionnaires commencèrent à enseigner au collège de Prior Park : Gentili enseignait la philosophie et l'italien, Rey la théologie et Belisy, le français. Mais dès le début, les choses n'allèrent pas bien. A part les difficultés à s'adapter aux coutumes et au mode de vie des anglais, pour ne rien dire de l'état délabré de la religion catholique (d'après l'avis de Gentili), on devait combattre les singularités et la domination de Mgr. Baines, …comme aussi le mauvais temps anglais! Baines commençait à exercer une certaine autorité sur la petite communauté religieuse, qui menaçait son indépendance d'action. Au surplus, il manquait aux trois religieux cette union d'esprit tellement désirée et recommandée par Rosmini. L'une des plaintes était que Gentili ne permettait aux autres de se raser que deux fois par semaine! Rosmini les encourageait sans cesse et les conseillait selon l'esprit de leur vocation. Cependant, malgré ces difficultés et malgré les plaintes contre les "coutumes romaines" introduites par Gentili à la pratique de la religion, l'entreprise prospérait et l'évêque en était si content qu'il nomma Gentili Président du Collège.

Néanmoins, le comportement de l'évêque avait éloigné quelques uns des professeurs et pour les remplacer, il sollicita l'aide de l'Institut de la Charité. Alors, Rosmini lui envoya encore généreusement cinq membres du jeune ordre : l'un de ces hommes s'appelait Giovanni Batista Pagani, prêtre et jadis directeur spirituel au séminaire de Novare. Malheureusement, Antoine Rey ne parvint pas à surmonter ses difficultés personnelles et par la suite, quitta l'ordre, tout en continuant à enseigner au Collège. Mais les troubles et les difficultés touchant Mgr. Baines augmentaient. De plus, il intervenait dans la discipline. Mais la plus grande difficulté pour le pauvre évêque était que l'un des moines qui l'avaient accompagné au monastère était entré dans l'ordre de Rosmini. Baines craignait que tout le personnel ne devint rosminien et il se résolut à envoyer Gentili ailleurs! Pagani devint alors supérieur de la communauté à Prior Park.

10-Loughborough, Grâce Dieu et Ratcliffe

Mais la Providence ne dormait pas. Car c'est à ce moment-là qu' Ambrose Delisle réitéra sa demande à Rosmini d'accueillir Gentili afin que celui-ci accomplisse des missions aux environs de Grâce Dieu en Leicestershire. Gentili arriva à Grâce Dieu en juin 1840. Maintenant, il était en mesure de commencer un travail qui apporterait beaucoup de bien à l'Église catholique en Angleterre. Et en peu d'années en effet, il convertit à la Foi des centaines de gens en Leicestershire. Il passait toute la journée à visiter les villages autour de Grâce Dieu, prêchant courageusement la parole de Dieu à un peuple protestant ou presque sans aucune religion. Bien entendu, ses efforts suscitèrent une vive opposition : dans les rues, on lui lançait des immondices, de la boue, on brûlait son effigie… Mais lui, sans aucune interruption, poursuivait son apostolat d'évangélisation. La même année, Delisle remit à Rosmini la première paroisse rosminienne en Angleterre, dans la petite ville de Loughborough, non loin du manoir de Grâce Dieu, et pour la première fois (1841) l'ordre possédait une maison stable dans le pays.

Rosmini voulait toujours que l'Institut fondât un noviciat en Angleterre. Tout d'abord, un noviciat fut établi dans la maison paroissiale de Loughborough, mais elle était trop petite. Don Luigi, ou bien "Doctor Gentili" (comme les Anglais l'appelaient) cherchait un lieu plus convenable ou l'on pourrait construire un noviciat.. Enfin, il réussit à acheter (secrètement, bien entendu, par crainte des protestants voisins) une pièce de terrain située à 10 kilomètres de Loughborough, tout près du village de Ratcliffe, et là fut édifié le noviciat. De plus, Gentili voulait ouvrir un collège pour garçons, et il pensait faire aménager un bâtiment assez grand pour les deux fonctions. Rosmini l'en approuva. Ainsi, le noviciat commença en 1844, et quatre années plus tard, s'installèrent les premiers élèves de Ratcliffe Collège. On peut vraiment dire que la mission rosminienne anglaise était désormais bien enracinée en Angleterre.

Cependant, à Prior Park, les rapports entres les rosminiens et l'évêque continuaient à se détériorer. Après quelques heurts avec Baines (trois Anglais étaient entrés dans l'Institut) Pagani et deux autres Rosminiens quittèrent le collège pour se fixer à Loughborough. Les Rosminiens restés à Prior Park ne pouvaient non plus retrouver la paix et l'harmonie : Baines avait commencé à en utiliser quelques uns hors du collège. Enfin en 1842, l'Institut quitta alors Prior Park, le premier chantier des travaux rosminiens en Grande Bretagne

11-Les missions en paroisse.

Les travaux apostoliques et zélés de Luigi Gentili avaient produit de grands fruits aux environs de Grâce Dieu. Comme je l'ai dit plus haut, des centaines de protestants convertissaient à l'Église Catholique. Par conséquent, sa réputation et son influence avait commencé à se répandre partout dans le royaume. Son mode de vie ascétique et sa mise en application totale de l'Évangile avaient fait une grande impression. Les demandes de son ministère se multipliaient. Le résultat en est que lui et un autre rosminien anglais ont alors entamé en 1843 un nouveau ministère, celui de prêcher des missions dans les paroisses. Jusque là, cette forme de ministère n'était pas connu en Angleterre. On demandait aussi à Don Luigi de prêcher les exercices spirituels au clergé. Il passait beaucoup de temps à s'attacher aux questions confessionnelles ; il introduisaient de nouvelles dévotions, surtout le culte de la Mère de Dieu au mois de Mai ; il se donnait totalement toute la journée, mangeait et dormait peu. Les fidèles venaient en grand nombre aux missions écouter cet orateur italien. En 1848, on réclama son ministère en Irlande, mais au cours d'une mission dans le quartier pauvre de Dublin, il contracta le typhus et mourut le 26 septembre. Don Luigi Gentili fut la première offrande de la mission anglaise.

12-Les sœurs de la Providence (rosminiennes).

Il faut faire mention, même dans un très court récit comme celui-ci, de l'autre branche de la famille rosminienne, les sœurs de la Providence, sœurs rosminiennes. Après que l'Institut se fut établi à Loughborough, en 1843, Rosmini y envoya trois sœurs italiennes pour fonder une école. Cette entreprise a bien réussi et des jeunes filles anglaises sont rentrées par la suite dans la congrégation qui a continué à grandir et à promouvoir des œuvres charitables.

13-Conclusion

Antonio Rosmini, suivant les indications de la Providence, et se confiant complètement à Dieu, a lancé la mission en Angleterre à l'époque du Second Spring, et l'a dirigé personnellement, prudemment et courageusement au moyen d'une correspondance intensive sans jamais poser le pied sur le sol anglais. Cette grande entreprise qu'il a mis en chemin au moyen des missionnaires italiens et français et des sœurs, s'est aujourd'hui totalement identifiée avec l'Église catholique anglaise (et galloise!). Le collège de Ratcliffe existe encore, un collège de co-éducation dont les élèves viennent de Hong Kong, de Singapour, du Niger, d'Espagne et même de France. Le manoir d'Ambrose Delisle est devenu l'école préparatoire de Ratcliffe. La paroisse de Loughborough demeure toujours sous le ministère des fils spirituels de Rosmini. Et il me plaît bien de penser que, en 1985, lors de la célébration du cent cinquantième anniversaire de la mission rosminienne, dans la cathédrale de Canterbury (lieu très historique pour la religion chrétienne en Angleterre), se trouvaient présents en esprit Antonio Rosmini, Luigi Gentili, Giovanni Batista Pagani et bien d'autres hommes et femmes rosminiens qui ont si bien travaillé dans le vignoble du Seigneur.

Letters, vol 3, p. 589

La biographie de Rosmini a tété traduite en français à la fin du XIXè. siècle aux Éditions Perrin.

Giorni Antichi, vol. 3, p.14.

6.           Annexe 6[37] - Un philosophe italien du XIX° siècle – Ouvrages de Rosmini traduits en français

Document du site de la Bibliothèque de philosophie comparée

et du Centre français d'études rosminiennes:

http://www.philosophiedudroit.org/

ANTONIO ROSMINI

Un philosophe italien du XIXème siècle

Né en 1797 d’une famille aristocratique à Rovereto, province italienne du Trentin alors sous occupation autrichienne, Antonio Rosmini suit des études de philosophie et de théologie à l’université de Padoue. Ordonné prêtre en 1821, il s’établit dans le Piémont en 1829, à Domodossola, où il fonde un ordre religieux, l’Institut de la Charité.

Mais l’Italie est secouée par le grand mouvement de restauration nationale, nourri d’influence diverses et d’événements parfois contradictoires, le Risorgimento. Rosmini sera souvent appelé à y participer, malgré lui. Plein de modestie, il paiera beaucoup de lui-même ses tentatives diplomatiques auprès du Saint-Siège, afin de négocier, pour le Royaume du Piémont une confédération des états italiens. Lors des violents affrontements romains de 1848, il accompagne Pie IX dans sa fuite à Gaète, mais là, il se heurte à l’hostilité de l’entourage du pape et revient en Piémont, à Stresa, poursuivre jusqu’à la fin de sa vie (1855) son œuvre apostolique et philosophie.

Car Rosmini est avant tout un philosophe à l’œuvre étonnamment abondante : toute sa vie a été consacrée à une réflexion intense et sa production est extrêmement riche, y compris dans les domaines plus spécifiques, tels la philosophie morale, juridique et politique, la logique et les mathématiques, l’économie, la médecine, les arts et la littérature (son amitié pour Manzoni le plonge dans les bouleversements linguistiques et poétiques de l’Italie naissante). Autant de parcours au service de l’intelligence métaphysique conduite dans ses applications les plus concrètes à une époque troublée où la philosophie n’a cessé d’être mise à mal et où il est soucieux de la restituer en même temps dans une perspective chrétienne. D’une pensée fine et rigoureuse, Rosmini s’élève au-dessus des conflits post-révolutionnaires engendrés par l’hégémonie du rationalisme positiviste, pour redéfinir la valeur ontologique de la conception classique du savoir. Loin de tout éclectisme, Rosmini récuse avec force les théories empiristes et s’attache à intégrer les philosophies de son temps, comme l’idéalisme allemand de Kant à Hegel, mais en les dépassant, dans une conception dynamique des formes dialectiques de l’être.

Reprenant Platon et s. Augustin, attaché à la méthode universaliste de s. Thomas d’Aquin, il réussit  donc à synthétiser dans la philosophia perennis des éléments de philosophie nouvelle continuant ainsi un mouvement philosophique interrompu après la crise nominaliste médiévale et préfigurant largement la phénoménologie, les philosophies de la vie et de l’existence.

Enfin, Rosmini fondateur d’ordre, est à inscrire également dans la lignée des grands spirituels. Son œuvre ici est tout aussi considérable, des Constitutions de son ordre aux exercices spirituels. De plus, Rosmini se montre  infatigable dans sa correspondance, ne laissant aucune lettre sans réponse, 8 319 rassemblées en 13 volumes! Ajoutons des diaires où Rosmini raconte des souvenirs marquants d’une existence tournée vers ce qu’il nomme charité intellectuelle.

L’œuvre de Rosmini compte environ 120 volumes, dont beaucoup sont encore à éditer, et dont fort peu ont été traduits en français. Et pourtant, ne fut-il pas élu à l’unanimité, en 1843, à l’Académie des sciences morales et politiques, sur les instances de Victor Cousin, et traduit à la librairie académique Perrin ?

Il est difficile de résumer cette production intense. On se réfèrera ici aux ouvrages en langue française :

Ouvrages sur Rosmini :

-     François Évain, s.j., Être et personne chez Antonio Rosmini (thèse avec avant-propos d’Henri Gouhier),                       Paris/Rome, Beauchesne/ Univ. Grégorienne, 1981,

-          Lucienne Portier, Antonio Rosmini, 1797-1855, Un grand spirituel à la lumière de sa correspondance, Paris, Cerf, 1991,

-          Maria-Adelaide Raschini : Rosmini et l’idée de progrès, Bibliothèque de Philosophie Comparée, Bordeaux, Bière, 1995 

-          Marie-Catherine Bergey, La robe de pourpre. Vie d’Antonio Rosmini, Bordeaux, Bière, 2000.

Contributions diverses, voir la bibliographie donnée par J.-M. T. dans sa trad. de l’Introduction à la philosophie de Rosmini, p. 27 s.

Traduction des œuvres de Rosmini :

-          Anthropologie morale, extraits,  trad. F. Évain, Paris, précédé d’une « Introduction à l’ontologie personnaliste d’A. Rosmini » par F. Évain, préface de J. Chaix-Ruy, Beauchesne, 1973,

-          Introduction à la philosophie, préface et trad. de J.-M. Trigeaud, Bordeaux, Bière, 1992,

-          Philosophie de la politique, trad. J. Plaisance-Léglise, introd. J.-M. Trigeaud, Bordeaux, Bière, 1999,

Traductions  plus anciennes :

-          Psychologie en trois volumes, trad. E. Segond, Paris, Perrin, 1888

-          Anthologie philosophique, textes regroupés sous la direction de Mgr. R. Jolivet, Lyon, Vitte, 1954,

-          Théorie de l’assentiment, M.-L. Roure, Lyon, Vitte, 1956,

-          Maximes de perfection chrétienne et explication du « Magnificat », trad. G. Roth, préface du Card. Tisserand, Nancy, Guyot, 1970

Autres traductions, voir la bibliographie donnée par J.-M. T. dans sa trad. de l’Introduction à la philosophie de Rosmini, p. 26.

Pour les ouvrages en langue originale et en anglais, ainsi que les différents sites, cf. nos liens.

7.           Annexe 7[38] - Interview du ‘cardinal’ lors de la béatification de Rosmini (texte en anglais) par le journal moderniste conciliaire ‘Trente Jours’ – N°9 – Année XXV – Septembre 2007

Un grand chrétien

Interview du cardinal José Saraiva Martins, préfet de la Congrégation pour les causes des Saints: «L’homme qui est béatifié est une personnalité sacerdotale limpide, qui s’est offerte tout entière à Jésus et à son Église, qui a souffert pour cela, une personnalité qui a été un guide et un réconfort pour de nombreux chrétiens venus après lui»

 

Interview du cardinal José Saraiva Martins par Gianni Cardinale

L’église Saint Marc à Rovereto où Rosmini a été baptisé le 25 mars 1797; de 1834 à 1835, Rosmini a été le curé de cette même église où il avait tenu, en septembre 1823, le Panégyrique à la sainte et glorieuse mémoire de Pie VII

  «Je suis vraiment content qu’Antonio Rosmini soit enfin élevé à la gloire des autels. Je suis content pour l’Église et, si je peux me le permettre, pour moi personnellement. Dès l’époque où j’étais professeur à l’Université Pontificale Urbanienne, j’ai toujours cité avec plaisir les écrits éclairants de ce grand penseur, lucide et prophétique». Le cardinal José Saraiva Martins prépare déjà avec grand soin l’homélie qu’il prononcera en novembre prochain à Novare, lorsqu’il présidera la célébration au cours de laquelle le grand fils de Rovereto prendra place dans la liste des bienheureux. Il ne cache pas qu’il est particulièrement satisfait qu’on arrive enfin à cet important rendez-vous ecclésial, ne serait-ce que parce qu’il n’arrive pas tous les jours, en effet, qu’un ecclésiastique dont certaines propositions ont été formellement condamnées par le Saint Office soit l’objet d’une réhabilitation aussi complète.

      Éminence, pourquoi apparaissez-vous aussi heureux de pouvoir présider la béatification de Rosmini?

      JOSÉ SARAIVA MARTINS: Parce qu’il s’agit d’une personnalité sacerdotale limpide, qui s’est offerte tout entière à Jésus et à son Église, qui a souffert pour cela, une personnalité qui a été un guide et un réconfort pour de nombreux chrétiens qui sont venus après lui. Des chrétiens qui appartiennent au milieu intellectuel, parce que Rosmini était un grand penseur, mais aussi de simples fidèles, qui ont été touchés par le témoignage des religieux et des religieuses des congrégations fondées par l’abbé de Rovereto. Rosmini est vraiment un chrétien qui a vécu de la manière la plus élevée les vertus humaines et chrétiennes.

      Et pourtant, pour Rosmini, il n’a pas été facile d’obtenir que ces vertus soient reconnues...

      SARAIVA MARTINS: En effet, la cause de béatification – j’imagine que c’est à cela que vous faites allusion – a été particulièrement complexe, pour de nombreuses raisons.

      Pour des raisons doctrinales avant tout.

      SARAIVA MARTINS: En effet, les écrits de Rosmini ont été l’objet de critiques de la part d’autres ecclésiastiques, des critiques qui ont culminé avec le décret Post obitum, émis par le Saint Office d’alors, dans lequel étaient condamnées quarante propositions tirées de ses œuvres. Mais il s’agissait d’une condamnation posthume, qui survenait après sa mort – comme le dit bien le terme post obitum –. Rosmini n’avait donc pas pu se défendre; et puis il s’agissait de propositions extrapolées de leur contexte et donc interprétées de manière arbitraire.

      Les jésuites figuraient parmi les “ennemis” historiques de Rosmini...

      SARAIVA MARTINS: Il s’agit de certaines figures de la Compagnie de Jésus de l’époque. Mais les jésuites ont déjà changé d’avis depuis longtemps. Le prévôt général actuel, Kolvenbach, a écrit un article dans la revue Filosofia oggi (f. IV/1997) dans lequel il préfigure Rosmini comme un prophète du troisième millénaire. Dans cet article, Kolvenbach écrit: «Pendant sa vie, certains jésuites, et à vrai dire, “pas des meilleurs”, ont publié des libelles contre lui... il est opportun de rappeler que ces jésuites, qui avaient enfreint la règle de l’obéissance, furent désapprouvés par le prévôt général, le révérend père Jan Roothaan». Et puis il y a plusieurs années, La Civiltà Cattolica a même ouvert ses colonnes à un article “réparateur” du regretté évêque rosminien Clemente Riva, chose tout à fait rare, vu que cette revue bimensuelle publie exclusivement des articles signés par des pères jésuites.

      Le père Cornelio Fabro, critique non repenti de Rosmini, a écrit que l’évolution du jugement des jésuites serait due à un «complexe de culpabilité excessif».

      SARAIVA MARTINS: C’est vrai que le regretté père Fabro a maintenu son jugement négatif sur Rosmini, un jugement respectable, mais désormais plus que minoritaire.

      Le fait est qu’en tout cas, à la fin, le décret Post obitum a été levé.

      SARAIVA MARTINS: En effet, la Congrégation pour la Doctrine de la foi, dirigée par le cardinal Ratzinger, a reconsidéré la question rosminienne et a fini par établir qu’en dépit du décret Post obitum, rien n’empêchait la béatification du religieux.

      La cause de Rosmini a aussi pâti d’un aspect politique, dû à son activisme en faveur d’une unité politique de l’Italie et à son aversion, d’ailleurs partagée, envers la domination autrichienne...

      SARAIVA MARTINS: Les idées et les opinions politiques ne sont pas en soi déterminantes pour la béatification. Le fait est que l’Église a déjà élevé à la gloire des autels le pape Pie IX qui, après avoir partagé au début, justement dans le domaine politique, les idées de Rosmini, s’en éloigna par la suite. Ce qu’on peut dire, c’est que par la suite, l’histoire a pris un tournant que Rosmini lui-même avait en quelque sorte imaginé.

Dans la Positio présentée par le père Papa, il est fait allusion à certains témoignages qui feraient penser à plusieurs tentatives d’empoisonnement de Rosmini, mais on manque de preuves certaines à ce propos. Il n’est pas surprenant néanmoins que l’abbé ait pu être l’objet de tentatives d’élimination physique

La relation de Rosmini avec Pie IX est un aspect important de sa vie. Dans un premier temps, il semble que le pape ait voulu le créer cardinal, mais ensuite, l’entente a dû être rompue...

      SARAIVA MARTINS: Il existe en effet des témoignages selon lesquels Pie IX tenait Rosmini en grande estime, voulant le créer cardinal et même le nommer son secrétaire d’État. Mais les turbulences politiques et la création de la République romaine de 1849 ensevelirent cette hypothèse. Comme le soulignent certains historiens, les inimitiés et les antipathies de certains cardinaux plus proches de l’Autriche, à commencer par l’influent Giacomo Antonelli, ne favorisèrent pas Rosmini.

      Plus généralement, quelle a été l’attitude des différents pontifes à l’égard de la personnalité de Rosmini?

      SARAIVA MARTINS: En général, de grande estime. La Positio a cité de nombreux documents et témoignages à cet égard; je me permets notamment de citer les paroles prononcées à l’époque par Paul VI dans différents discours et le fait que Jean Paul II l’ait cité positivement dans l’encyclique Fides et ratio. Et puis le rapport ave Jean Paul Ier a été singulier.

      C’est-à-dire?

      SARAIVA MARTINS: Le serviteur de Dieu Albino Luciani, lorsqu’il était jeune prêtre, écrivit une thèse très critique sur Rosmini et ce fut un jeune rosminien, Clemente Riva, devenu par la suite auxiliaire de Rome, qui lui répondit. En 1978, lorsque Luciani devint pape, il voulut rencontrer le cardinal vicaire et ses auxiliaires. Lorsque ce fut le tour de Riva, Jean Paul Ier dit à Poletti: «Lui, je le connais...». Mais il le fit avec un grand sourire. De sorte que Mgr Riva – c’est lui-même qui le raconte – qui avait lui-même une certaine crainte de cette rencontre, se sentit très soulagé. Il faut d’ailleurs ajouter qu’il existe des témoignages dignes de foi selon lesquels Jean Paul Ier a exprimé le vœu de réhabiliter personnellement Rosmini.

      L’œuvre la plus célèbre de Rosmini est certainement Delle cinque piaghe della santa Chiesa [Des cinq plaies de la sainte Église ndr]. Mise à l’Index, elle a été pleinement réhabilitée avant même que l’Index des livres interdits ne soit aboli...

      SARAIVA MARTINS: Il s’agit à certains égards d’un livre prophétique, anticipateur, peut-être trop pour son époque. Or le destin des prophètes, dans la Bible mais aussi, hélas, dans l’histoire de l’Église, est souvent d’être mal interprétés et persécutés.

      L’une des cinq plaies signalées par Rosmini est celles des nominations épiscopales...

      SARAIVA MARTINS: La question des nominations épiscopales est toujours un point extrêmement délicat dans la vie de l’Église. Je m’en rends compte en particulier parce que je fais partie depuis des années de la Congrégation pour les évêques. Rosmini voulait éradiquer l’influence désormais délétère que les pouvoirs mondains exerçaient dans le choix des pasteurs et il avait proposé pour cela le retour à l’ancienne pratique selon laquelle les évêques étaient choisis par le clergé et par le peuple.

      Peut-on vraiment revenir à cette pratique?

      SARAIVA MARTINS: N’étant pas de droit divin, les normes selon lesquelles on choisit les évêques sont toujours perfectibles. Mais l’engagement direct, presque électif, des fidèles laïques dans le choix d’un évêque serait impensable aujourd’hui. Il suffit de penser, entre autre, au rôle que pourraient jouer à cet égard les moyens de communication sociale. La télévision n’existait pas à l’époque de Rosmini...

      Une autre des plaies signalées par Rosmini est celle qui concerne la liturgie...

      SARAIVA MARTINS: Rosmini comprenait le drame d’une liturgie qui n’était plus comprise par le peuple et souvent même, par les célébrants eux-mêmes. Là aussi, ses intuitions ont anticipé le mouvement de renouvellement liturgique et des exigences exprimées dans la constitution Sacrosanctum Concilium du Concile Vatican II.

Vue panoramique de la localité du Mont Calvaire de Domodossola

Permettez-moi une question qui semblera peut-être impromptue. Quelle attitude pourrait avoir aujourd’hui Rosmini envers le motu proprio Summorum pontificum?

      SARAIVA MARTINS: On ne fait pas l’histoire avec des “si”. Mais je ne crois pas que si Rosmini vivait aujourd’hui, il s’opposerait au motu proprio en question, ne serait-ce que parce qu’il avait un sens élevé de la liberté et qu’il aurait beaucoup apprécié le geste du pape qui accorde aux fidèles qui le demandent la liberté de pouvoir assister à ce qui a été de toute façons pendant des siècles la liturgie officielle de l’Église. En outre, il faut tenir compte du fait que Rosmini souhaitait que le clergé et le peuple puissent comprendre et aimer la liturgie, et qu’il affirmait ainsi la nécessité d’approfondir l’étude de la liturgie et non pas simplement – comme certains le croient – à la traduire dans la langue courante.

      Quels sont les autres aspects de Vatican II que Rosmini a anticipés?

      SARAIVA MARTINS: L’un des aspects précurseurs du Concile que Rosmini a certainement saisi a certainement été celui de la liberté religieuse. Sur cette question, Rosmini a vraiment été un anticipateur incompris. La déclaration Dignitatis humanæ lui doit beaucoup.

      Lorsque Rosmini mourut, il avait soixante ans. Est-il vrai qu’on a parlé d’empoisonnement?

      SARAIVA MARTINS: En effet, dans la Positio présentée par le père Papa, il est fait allusion à certains témoignages qui feraient penser à plusieurs tentatives d’empoisonnement de Rosmini, mais on manque de preuves certaines à ce propos. Il n’est pas surprenant néanmoins que l’abbé ait pu être l’objet de tentatives d’élimination physique: il s’agissait d’une personnalité dérangeante, surtout pour certains centres de pouvoir politique.

      Le postulateur de la cause de Rosmini a révélé que le coût de la cause elle-même et de la cérémonie de béatification est plutôt élevé. Pardonnez ma formulation un peu irrévérencieuse: cela coûte très cher de devenir saint?

      SARAIVA MARTINS: Il n’y a pas de barème pour devenir bienheureux ou saint. Certes, tout procès coûte inévitablement de l’argent: pour le papier, pour l’impression, pour les justes honoraires des experts laïques et ecclésiastiques et pour les postulateurs et leurs collaborateurs. Je dois néanmoins ajouter que pour les causes disons “nécessiteuses”, il existe un fonds où l’on peut puiser.

8.           Annexe 8[39] - Rosmini, prophète de la liberté religieuse de Vatican II - par le journal moderniste conciliaire Trente Jours’ – N°9 – Année XXV – Septembre 2007

Le prophète de la liberté catholique

Il a dialogué avec les grands de son époque; il a combattu la bataille de ce catholicisme libéral qui allait finir par gagner la guerre dans la démocratie occidentale typique de la deuxième partie du vingtième siècle; il a écrit des milliers de pages de philosophie. Mais rien de tout cela ne l’aurait sauvé de l’oubli général si les rosminiens n’avaient pas été là

par Giuseppe De Rita

Le frontispice de l’essai Delle cinque piaghe della santa Chiesa, l’œuvre publiée pour la première fois par Rosmini en 1846 et qui sera mise à l’Index en 1849, au mois de juin

      C’est un maitre qui, sans ses disciples, n’aurait pas échappé l’ostracisme culturel et ecclésial. C’est là que réside le mystérieux mécanisme qui a mené, au bout d’un siècle et demi, à la décision de l’Église de béatifier Antonio Rosmini.

      Celui-ci a dialogué tout au long de sa vie avec les grands de son époque, de Charles-Albert de Savoie à Pie IX et à Manzoni; il a mené avec vigueur la bataille de ce catholicisme libéral qui allait finir par gagner la guerre dans la démocratie occidentale typique de la deuxième partie du vingtième siècle; et il a surtout écrit des milliers de pages de philosophie, de culture religieuse, de réflexion sociale. Mais aucun de ces trois aspects (l’amitié des grands, le fait d’avoir prophétisé “la liberté catholique” et celui d’avoir écrit des milliers de pages) n’aurait jamais sauvé Rosmini de l’oubli et de l’ostracisme. Ses ennemis étaient trop nombreux, surtout dans les rangs de l’Église; sa pensée était et est trop difficile à saisir; trop nombreux étaient, parmi les professeurs et les clercs, ceux qui ont préféré le juger trop intelligent pour les pauvres esprits des fidèles. Et puis le saint Office l’avait mis en pénitence, et cela fournissait un alibi à tout le monde.
      S’il a échappé à l’oubli généralisé et collectif, il le doit essentiellement aux rosminiens, à ses disciples de l’Institut de la Charité qu’il a créé, tenacement fidèles à leur appartenance à l’Église, contre tous les ostracismes. Ce sont les rosminiens qui, avec leurs écoles, ont formés des dizaines de milliers de jeunes selon une philosophie de type personnaliste et libérale, implicitement opposée à la pédagogie étatique totalisante ou à la pédagogie jésuitique militante (à laquelle je dois d’ailleurs ma manière de raisonner). Ce sont les rosminiens qui, avec constance, mais sans ostentation puiblique, ont continué pendant des décennies à poser le problème de la qualité structurelle de l’Église, en faisant redécouvrir Le cinque piaghe [Les cinq plaies de la sainte Église, œuvre d’Antonio Rosmini, ndr] et surtout en proposant la primauté spirituelle de la liberté de l’Église par rapport au pouvoir temporel. Ce sont les rosminiens qui ont choisi de dialoguer avec cette partie de l’élite culturelle italienne qui, pendant des décennies, a cultivé l’esprit démocratique, le sens de la coexistence collective, l’enthousiasme quotidien de la charité spirituelle au cours de décennies; je peux témoigner de quel prestige “élitaire” était entouré le père Bozzetti dans les années de l’après-guerre, et nombreux sont ceux qui peuvent témoigner de la forte influence exercée par Clemente Riva sur une grande partie de la classe dirigeante italienne d’aujourd’hui.

      Ce sont donc les rosminiens, tenacement convaincus d’être dans leur bon droit même dans les périodes de plus grande frustration, qui ont sauvé Rosmini d’un oubli potentiel (et même voulu et provoqué par de nombreuses personnes). Honneur donc aux rosminiens. Mais honneur aussi à leur fondateur, s’il est vrai que les leaders se reconnaissent à leurs disciples: au fond, c’est la profondeur de sa pensée (inépuisable pour ceux qui l’ont fréquentée) qui a donné une telle force à la volonté des rosminiens d’en rendre témoignage. Comme le disait Buber «C’est la racine qui porte».

      Il est difficile de faire un choix d’importance relative parmi les composantes de cette “racine”, mais pour l’“affilié dilettante” que je suis, il semble que Rosmini et les rosminiens ont eu raison sur quatre grands thèmes: tout d’abord en y insistant et ensuite en les faisant entrer dans la conscience collective, sans pour autant se mettre en avant ou battre les tambours médiatiques.

      Le premier est celui de la liberté religieuse. Après le Concile Vatican II, cela semble une évidence. Mais pensons à l’époque de Rosmini, lorsqu’existaient encore l’État pontifical et le Souverain Pontife et que personne ne se scandalisait parce qu’il était écrit dans le Statut albertin que le catholicisme était “religion d’État”. Le seul qui réagit durement fut Rosmini, qui écrivit: «La religion catholique n’a pas besoin de protections dynastiques, mais de liberté. Elle a besoin que soit protégée sa liberté, et rien d’autre». L’Église, étant une société naturelle et spontanée, ne se condense pas dans le pouvoir, mais elle filtre et pénètre partout comme l’air et l’eau; et elle a seulement besoin de ne pas être entravée. La foi entre dans les cœurs sans passer par les pouvoirs au sommet. Rares sont ceux qui, au cours des décennies marquées par le concile Vatican I, ont eu le courage d’émettre des affirmations de ce genre.

      Le deuxième grand thème rosminien a été la liberté de la papauté par rapport à son pouvoir temporel. J’ai rappelé dans un autre contexte une lettre de Rosmini au cardinal Castracane en 1848, dans laquelle il écrivait: «Si l’unité fédérative de l’Italie avait lieu, le souverain Pontife resterait un prince totalement pacifique et il enverrait des nonces pour les affaires spirituelles; et il les enverrait, en plus, non pas aux princes mais aux Églises du monde». Il avait vu juste et les faits lui ont donné raison, car ils correspondent aujourd’hui à son option. Or celle-ci, je le répète, remonte à 1848, c’est-à-dire plus de vingt ans avant l’unification nationale de 1870.


      Les deux thèmes cités jusqu’ici (liberté religieuse et détachement du pouvoir temporel) se rattachent de manière souterraine à un autre grand thème rosminien: le refus de la domination du pouvoir politique, le grand choix qui a fait de Rosmini le paladin italien du catholicisme libéral, et – à moins que d’aucuns ne soient dérangés par ce terme – du catholicisme démocratique. J’ai toujours beaucoup apprécié son refus de la «seigneurie qui ne crée pas société mais domination et servitude», parce que j’associe aussi cette phrase à une autre qui souligne que «la construction de la société est un ensemble d’actes et une pluralité de personnes», dans laquelle on perçoit le début de la thématique du pluralisme culturel et politique et de ce “développement de peuple” qui a caractérisé la démocratie italienne des dernières décennies.

Le premier thème est celui de la liberté religieuse. Après le Concile Vatican II, cela semble une évidence. Mais pensons à l’époque de Rosmini, lorsqu’existaient encore l’État pontifical et le Souverain Pontife et que personne ne se scandalisait parce qu’il était écrit dans le Statut albertin que le catholicisme était “religion d’État”

      J’associe donc spontanément et naturellement cette foi dans le développement opéré par une pluralité de personnes à une autre considération, selon laquelle une société composée de si nombreux sujets ne peut grandir et ne peut explorer sereinement toutes ses possibilités que si elle respecte et fait respecter tous les droits, et le libre usage de tous les droits. Le libéralisme de Rosmini, qui lui a procuré tant de problèmes, à lui et à sa congrégation, n’est rien d’autre: la société doit être construite de manière telle que chacun puisse avoir le libre usage de ses propres droits. Tel est le bien commun qui transparaît de sa complexe réflexion sociopolitique: la centralité du sujet, tant qu’elle reste fermée sur elle-même, est privée de vitalité, elle ne devient vitale que lorsqu’elle entre en relation avec les autres et «conspire avec les autres à la création d’une société qui ait pour fin commune le libre usage des droits».

      On peut imaginer, à ce stade, combien j’aimerais poursuivre dans les voies ouvertes par ces thématiques: la valeur de la subjectivité individuelle comme grand moteur social, quand elle ne se fait pas tenter par le subjectivisme éthique; la valeur de la relation comme parcours de vies qui ne s’enferment pas dans l’autocensure, qu’il s’agisse de narcissisme et/ou de dépression; la valeur du rapport avec les autres, avec “l’autre de toi” comme vraie route qui permet d’arriver à l’Autre absolu. Mais ces parcours seraient trop longs, ils obligeraient à entrer dans des questions et des disputes qui animent le débat philosophique et sociologique de notre époque. Je m’oblige donc à les éviter parce que je veux rester fidèle à l’intention dans laquelle j’ai commencé à écrire: celle de démontrer que Rosmini était certainement un grand homme, mais qu’il a eu la chance que ses rosminiens aient défendu ses idées (la liberté religieuse, la fin du pouvoir temporel, l’option pour le pluralisme démocratique, la foi en un développement à plusieurs sujets) pendant des décennies en les développant, en les accompagnant au cours du temps et en en faisant non plus des questions d’une minorité réprouvée, mais d’une aile combattive de l’Église dans son évolution historique des cent soixante dernières années. Ils ont été humblement fidèles à l’Église et à leur fondateur et prophète; ils méritent tous, même ceux qui ne sont plus, de considérer le fait d’être arrivés à cette béatification comme leur victoire personnelle.

9.           Annexe 9[40] - Antonio Rosmini : un prêtre philosophe sur les autels - par la revue moderniste conciliaire ‘Liberté politique’ – Novembre 2007

Antonio Rosmini : un prêtre philosophe sur les autels

Bertrand de Belval* 

Le 18 novembre, le philosophe italien Antonio Rosmini (1797-1855) sera béatifié à Novare (Italie). Autant dire un inconnu pour le public français. Qui connaît en effet cet intellectuel brillant, dont l’oeuvre est celle d’un précurseur, et la vie, marquée du sceau de la recherche de la vérité et de la liberté politique, fut tout entière l’expression de la charité.

Rosmini n’est pas un personnage anodin. Marie-Catherine Bergey-Trigeaud, sa biographe française, le présente comme « le plus important philosophe italien, et l’un des principaux maîtres de l’histoire de la philosophie catholique ». Chaix-Ruy avait vu en lui « l’un des plus grands esprits de tous les temps ». Dans son encyclique Fides et Ratio (n. 74), Jean Paul II en parle comme un maître. Benoît XVI le cite souvent. Et Jean XXIII avait fait d’un de ses livres, Maximes de perfection chrétienne, son livre de chevet pendant le Concile Vatican II. Pour les Italiens éclairés [1], Rosmini est incontournable… 

La béatification de Rosmini, c’est d’abord celle d’un prêtre philosophe au service de l’Église, observateur exigeant, dont il avait en son temps dénoncé les défaillances (du clergé notamment) (cf. son ouvrage les Cinq Plaies de l’Église). C’était pour mieux l’aimer, pour mieux proclamer sa Sainteté, inviter ses serviteurs à être plus prêts d’elle. Mais, comme nous le verrons, Rosmini était avant tout un esprit universel, toujours en éveil. Il fut un vrai philosophe, cherchant à embrasser le tout. Libéral, son engagement le conduisit à servir la cause de l’unité italienne et du roi Charles-Albert (l'Italie était alors sous domination autrichienne).

Si sa démarche le rapprochait de Dieu, elle passait nécessairement par l’homme ou la personne. C’est ce qui en fait, entre autres, son extraordinaire actualité : tel l’avocat de Dieu, il a plaidé pour la personne humaine et sa liberté, signe et chemin du Créateur. En philosophe, il a interprété les propos du Christ : aimez-vous les uns les autres comme je vous ai aimés. Pour lui, chaque « brebis » est unique. Rosmini était, en substance, un contemplatif actif : d’une foi fervente, et d’une action débordante, pour toujours mieux pénétrer le Visage du Christ dans le cœur de chaque personne.


Un philosophe injustement méconnu

Son occultation apparaît donc d’autant plus injuste. Ce ne fut d’ailleurs pas toujours le cas. Les esprits supérieurs, chez nous, avaient repéré sa puissance. Dans son cours de Philosophie du droit, Boistel, à la fin du XIXe siècle à Paris, parlait de Rosmini en ces termes : « Je connaissais déjà cet éminent philosophe et sans partager toutes ses doctrines, j’admirais la puissance de conception, la vigueur du raisonnement et la richesse d’argumentation qui caractérisent ses œuvres, notamment son traité fondamental, le Nouvel Essai sur l’Origine des idées[2] ». Citons également, en Lyonnais, Mgr Régis Jolivet qui a souvent mentionné Rosmini dans ses écrits et lui a même consacré une remarquable introduction dans son Anthologie philosophique[3]. Mais force est de constater que ces penseurs eux-mêmes sont tombés dans l’oubli, et n’ont pas suffit à installer la pensée rosminienne dans le paysage intellectuel français.

C’est pourquoi il faut espérer que la béatification de Rosmini sortira le philosophe d’une confidentialité totalement injustifiée. À cet égard, il faut souligner le travail salutaire et très important du professeur Jean-Marc Trigeaud (Bordeaux) et de son épouse Marie-Catherine Bergey qui, depuis de nombreuses années, dans l’aridité du désert français, s’investissent pour réhabiliter Rosmini, par des publications, des traductions et un centre français d’études rosminiennes[4].

On doit en 2000 à Mme Bergey la première biographie de Rosmini, La Robe pourpre, vie d’Antonio Rosmini (Ed. Bière) [5]. La lecture de cette riche biographie parfaitement maîtrisée est un préalable pour découvrir une pensée qui n’est pas une construction intellectuelle détachée de sa vie concrète. Ce qui fait la force de Rosmini, c’est fondamentalement la participation de sa vie à son œuvre, l’incarnation de sa pensée. Rosmini a fait corps avec son œuvre. On ne peut pas comprendre sa pensée sans connaître sa vie.

Une vie tourmentée

Très brièvement, on rappellera que Rosmini fut mêlé aux évènements parfois très violents qui conduisirent à l’unité italienne. Il était proche des papes, qu’il conseilla. Fondateur d’une congrégation religieuse (l’institut de la charité), il était en relation avec Lammenais, Cousin, en France. Admirateur de Tocqueville, il fut même membre de l’Académie des sciences morales et politiques (c’est dire que sa notoriété ne fut pas totale à l’époque en France). L’abbé n’eut pas une vie de tout repos, c’est le moins qu’on puisse dire, car jamais il ne renonça à prendre des risques pour ce qu’il estimait être juste.

Il s’est tué à la tâche (environ 80.000 pages écrites), subissant les intrigues d’autres clercs, qui ont cherché à mettre en cause ses œuvres, dont certaines furent provisoirement mises à l’index (il était jugé trop libéral), mais dont l’essentiel fut sauvé par le pape lui-même quelques temps avant sa mort. Ce qui ne l’a pas empêché d’être à nouveau contesté quelques décennies après sa mort. Chemin faisant cependant, les critiques faites à Rosmini ont fondu comme neige au soleil sans pouvoir résister à la critique. Comme saint Thomas d’Aquin, Rosmini avait, en quelque sorte, eu le tort d’avoir raison avant les autres !

Homme pleinement ancré dans ce réel, acteur de son temps, aux connaissances encyclopédiques, Rosmini était un moderne tourné vers l’avenir, cet éternel présent pour reprendre l’expression augustinienne. Les œuvres qu’il nous a léguées apparaissent prophétiques. Pour s’en convaincre, et comme première approche, nous conseillons la lecture des magistrales introductions rédigées par le Professeur Trigeaud de deux maîtres ouvrages de Rosmini, Introduction à la philosophie[6], et Philosophie de la politique[7] (en attendant la parution prochaine de sa Théodicée).

L’expérience de l’être et la communion des personnes

La force de la philosophie rosminienne tient dans son reflet de l’expérience de l’être. Alors que son époque était, pour l’exprimer à gros traits, écartelée entre l’idéalisme et la scolastique qui avait « pétrifié » (Pr. Trigeaud) le thomiste, Rosmini a cherché à dépasser ces obstacles en dévoilant le substrat fondamental de toute philosophie : la personne humaine. Ce qui peut apparaître commun fut véritablement original. L’Idée et la Méthode occultaient la fin de la philosophie : la recherche de l’être, de la vérité, de son ontologie bien comprise. Rosmini a contribué à redonner de la vie au Logos, qui avait dérivé vers une logique idéalo-matérialiste. Ce faisant, il montrait que la philosophie est indissociable d’une théologie – du moins chrétienne. Qu’est-ce que le Verbe incarné, si ce n’est la participation de l’être à l’Être, comme le dira notamment le père Joseph de Finance[8] ? À sa manière, Rosmini a anticipé les existentialistes du XXe siècle, notamment Gabriel Marcel, en plaidant pour une redécouverte de la personne qui dans son humilité vit, et demeure un mystère.

À l’heure du rabâchage des droits de « l’homme », où la personne humaine est brandie comme un étendard, le message rosminien est singulièrement stimulant. Il permet de séparer le bon grain de l’ivraie, de ne pas se tromper sur la vérité de la personne. Pour Rosmini, la personne est le tout avant les parties, chaque personne à une fin propre [9]. En d’autres termes, la personne ne doit pas être assimilée à l’humanité qui est un genre. La personne intègre le singulier du “je” et l’universel du “nous” – qui n’est pas le “on”. Elle est unique, tout en participant à cette humanité.

C’est pourquoi, il est préférable de parler de communion des personnes, plutôt que d’alter ego, de pluralité de personnes — notions qui gomment la singularité de chacun. Les personnes semblent davantage de l’ordre de la reconnaissance – dignité et respect – que de l’ordre de l’égalité – tous pareils [10]. Cette altérité bien comprise était également prophétique au regard de ce que l’histoire a produit : le choc entre le socialisme et le libéralisme. Rosmini s’est sorti de cette dialectique qui conduit souvent à l’erreur, en rappelant que la nature de la personne n’oppose pas l’un et le pluriel. Elle associe la liberté et la société, en ce que la personne, chaque personne, est singulière et que la personne renvoie à l’altérité, à des personnes, Pierre Paul et Jacques, etc., qui se reconnaissent ainsi. Cela suppose de ne pas nier la société invisible sous la société visible, de ne pas réduire la personne au social, tel Marx, ni concevoir la liberté comme une autonomie.

Au service de la vérité qui se cherche

Rosmini a donc combattu les sophismes de son temps qui sont aussi les nôtres. Il les a combattus par le témoignage de sa vie, par l’effort intellectuel en poussant la réflexion jusqu’au bout dirions-nous aujourd’hui. En d’autres termes, il avait le souci de la vérité, de la vérité qui se cherche et non qui se fabrique. Il fallait à la fois cet effort qui demande beaucoup d’énergie, mais aussi du courage pour combattre les erreurs. Comme l’écrit le Pr. Trigeaud, « les fausses pensées sont des pensées injustes [11]. »

En ces temps où la démocratie tend à se dissoudre dans la loi du plus fort, Rosmini apparaît comme un gardien de la raison qui protège la vérité objective inscrite dans la nature de la personne de la loi de la majorité.

La béatification de Rosmini apparaît donc doublement bienvenue. Elle devrait permettre de sortir de l’oubli une pensée riche et performante, et contribuer surtout à rapprocher la foi et la raison, par le modèle d’une vie que l’Église donne en exemple pour s’engager au service de la vérité, ce qui n’est pas une mission dépourvue d’intérêt aujourd’hui — qu’il suffise de se rappeler du discours de Ratisbonne. L’engagement auquel l’Église appelle les chrétiens à travers le bienheureux Rosmini est une démarche de l’intelligence. Il n’y a pas de dialogue sans une recherche, sans une authentique dialectique, sans un débat digne de ce nom. Et quand on sait combien les errements théologiques sont l’effet de lacunes philosophiques, et combien l’Église (notamment en France), manque cruellement de philosophes, pour avoir négligé cette discipline au profit de l’exégèse et de la théologie elle-même, on mesure combien la béatification d’un philosophe est signe des temps. Rosmini sera assurément un compagnon de ce travail pour défricher la vérité, débusquer les fausses vérités, ouvrir le chemin du réel et de la vie.

Bref, soyons plus philosophes pour être plus chrétiens. Sur son lit de mort, Rosmini expira en laissant trois consignes à ses amis : « Adorare, tacere, gaudere — adorer, se taire, se réjouir. » Ce furent ces trois derniers mots.

Ce manque de philosophie…

« Ce manque de philosophie, de cette philosophie qui considère l’homme tout entier avec les exigences de son cœur et les vœux de sa nature, est l’une de des principales et des plus profondes raisons des maux des sociétés civiles actuelles.

La chose est arrivée à un point tel que parler des besoins réels de tout l’homme et de sa pleine satisfaction est considéré par beaucoup comme un vieil argument trivial ; l’écrivain actuel a honte d’en parler : il craint de ne paraître assez progressiste à ses lecteurs. Dommage qu’il ne s’aperçoive pas que le premier pas vraiment progressiste que l’on fera après lui montrera son ignorance ! »

Antonio Rosmini,

Philosophie de la politique

Pour en savoir plus :


[1] Citons un auteur de philosophie du droit italien qui le mentionne quoique ne partageant pas toujours son avis : G. Del Vecchio, Philosophie du droit, Dalloz, reprint, 2003.

[2] A. Boistel, Cours de philosophie du droit, Paris, 1899, préface XI.

[3] Par ex. R. Jolivet, Traité de philosophie, tome IV, Morale, Emmanuel Vitte, 1966 , Antonio Rosmini, Anthologie philosophique, s. dir. De R. Jolivet, Emmanuel Vitte, 1954.

[4] Cf. www.philosophiedudroit.org, lien vers le Centre français d’études rosminiennes.

[5] Editions Bière, BP 27, 33023 Bordeaux cedex. Tel/fax :               05.56.72.91.88       . M.-C. Bergey, La Robe Pourpre, Vie d’Antonio Rosmini, Ed. Bière, coll. Biblio. Phil. Comp., Class. – 2, 2000.

[6] A. Rosmini, Introduction à la philosophie, Ed. Bière, coll. Biblio. Phil. Comp., Classiques – 1, 1992.

[7] A. Rosmini, Philosophie de la politique, Ed. Bière, coll. Biblio. Phil. Comp., Philosophie politique –2, 2000.

[8] J. de Finance, sj, Connaissance de l’Etre, traité d’ontologie, DDB, 1966.

[9] J.-M. Trigeaud, in introduction, Philosophie de la politique, op. cit., p. 23.

[10] Cf. l’ouvrage collectif réunissant notamment Maritain, Journet, De Corte, De Greef, Vignaux, Reuter, et G. Marcel, Les hommes sont-ils égaux ?, Editions carmélitaines, 1939. Voir notamment la contribution de G. Marcel, Considérations sur l’égalité, p. 161 sq, spéc. p. 168. L’auteur indique que « le mot qui exprime le plus fidèlement cette interdépendance active [ndlr : des personnes] et même créatrice n’est pas le mot égalité, mais bien le mot fraternité » [nous soulignons]. Citons un autre passage aux accents rosminiens de G. Marcel, p. 170 : « Les sujets entre lesquels on prétend instaurer une égalité métaphysique ou originelle ne sont donc plus sujets que nominalement, puisqu’ils sont ipso facto dépouillés de l’indice métaphysique qui est un indice de créativité, faute duquel ils se réduisent à des données, à de l’inertie, à de la mort. Si l’égalitarisme se révèle mortifiant dans ses conséquences, c’est qu’il repose sur un acte de dévitalisation initiale du sujet. »

[11] Philosophie de la politique, op. cit., p.20.

10.       Annexe 10[41] - Wikipedia – Biographie de Mellerio

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Les Mellerio dits Meller forment une célèbre dynastie de la haute joaillerie parisienne et française.

Dès le début du XVI° siècle, trois orfèvres-joailliers, les Mellerio, originaires de Craveggia, quittèrent leur vallée du nord de l'Italie, le Val Vigezzo (située près de Domodossola), pour venir s'installer en France, afin d'y exercer leur métier. Ils firent le voyage à pied, comme beaucoup de personnes à cette époque là, traversant les Alpes avec leur boîte à échantillons — la marmotte — sur leur dos.

Les Mellerio obtinrent des privilèges de la part de la régente Marie de Médicis qui leur accorda l'autorisation d'exercer librement leur activité dans tout le royaume, les mettant à l'abri des malveillances des Corporations.

Ce statut privilégié se confirmera par la suite, et leurs descendants deviendront les fournisseurs attitrés des grands de la cour. La joaillerie, à proprement parler — l'art de monter les pierres précieuses pour en faire des bijoux — naîtra ainsi réellement sous le règne de Louis XIII. Le Cardinal Mazarin en développera le goût, en acquérant les plus beaux diamants de son temps, en les faisant monter en bijoux, et en les léguant à la Couronne de France. Sous le roi Louis XIV, Mme de Montespan avait dit-on, une parure de bijoux assortie à la couleur de chacune de ses robes. Leurs descendants travailleront aussi avec la reine Marie-Antoinette, Napoléon Ier, l'impératrice Joséphine, et les sœurs de l'empereur, Pauline Borghèse et Caroline Murat.

Ils s'installent au 9 Rue de la Paix(Paris), lors du creusement de la rue, sous le Ier Empire, donnant son image de marque à ce quartier parisien, prolongé par la place Vendôme.

Ils ont toujours gardé le lien avec Craveggia où ils retournent chaque année.

Aujourd'hui la quinzième génération des Mellerio continue son activité dans la Haute Joaillerie française et étrangère

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[1] http://fr.wikipedia.org/wiki/Mellerio

[2] http://fr.wikipedia.org/wiki/Mellerio

[3] http://fr.wikipedia.org/wiki/Antonio_Rosmini

[4] http://books.google.fr/books?hl=fr&id=na0OAAAAYAAJ&dq=cinq+plaies+de+l'%C3%A9glise+rosmini&printsec=frontcover&source=web&ots=wS4pTfGlNb&sig=7q2yhoeMHIIWVK4mIjbx8gDxd80#PPR15,M1

[5] Lire la page 187 du PDF de l’ouvrage en téléchargement

[6] http://books.google.fr/books?id=h4UOAAAAYAAJ&pg=PA280&lpg=PA280&dq=cinq+plaies+de+l'%C3%A9glise+rosmini&source=web&ots=Gm6dGanafU&sig=C8wM_eu2XQflKqPzAs8-8OZRYD4&hl=fr#PPA280,M1

Annales de Philosophie chrétienne, Tome XX, 1849 - pages 280-281, Paris

[7] http://altreligion.about.com/od/symbolsandimages/ig/Rosicrucian-Images/

http://altreligion.about.com/od/symbolsandimages/ig/Rosicrucian-Images/index.01.htm

[8] http://en.wikipedia.org/wiki/Rosicrucian

[9] http://www.virgo-maria.org/Documents/Antonio-Rosmini/Rosmini_Center-5_Wounds_and_Vatican_II.pdf

[10] http://www.rosminicentre.co.uk/studyfivewounds1.html

[11] http://www.virgo-maria.org/articles/2006/VM-2006-12-18-A-00-Bon_Pasteur_Symbolique_Rose_Croix_1.pdf

[12] http://www.dici.org/thomatique_read.php?id=000140

[13] http://fr.wikipedia.org/wiki/Mellerio

[14]Antonio Rosmini (1797-1855) – Un grand spirituel à la lumière de sa correspondance’ – Lucienne Portier, Editions du Cerf, 1991 – page 140

[15]Antonio Rosmini (1797-1855) – Un grand spirituel à la lumière de sa correspondance’ – Lucienne Portier, Editions du Cerf, 1991 – pages 141-142

[16]Antonio Rosmini (1797-1855) – Un grand spirituel à la lumière de sa correspondance’ – Lucienne Portier, Editions du Cerf, 1991 – page 287

[17]Antonio Rosmini (1797-1855) – Un grand spirituel à la lumière de sa correspondance’ – Lucienne Portier, Editions du Cerf, 1991 – page 257

[18] Bible du Dr d’Allioli, Tome I, page 97, 3° édition, 1860

[19] Voir l’interview complète dans les annexes de ce document.

[20] http://www.30giorni.it/fr/articolo.asp?id=15818

[21] http://www.30giorni.it/fr/articolo.asp?id=15821

[22] http://www.affaires-criminelles.com/livre_170.php

[23] http://www.virgo-maria.org/articles/2007/ListeAGNOLI_Pecorelli_version_1_3reduit.xls

http://www.virgo-maria.org/articles/2007/VM-2007-08-11-C-00-Liste-Pecorelli.pdf

[24] http://www.virgo-maria.org/articles/2007/VM-2007-08-11-C-00-Liste-Pecorelli.pdf

http://www.virgo-maria.org/articles/2007/ListeAGNOLI_Pecorelli_version_1_3reduit.xls

[25] http://www.virgo-maria.org/Fichier_Video/rosmini_messa/rosmini-massa-conciliare.html

[26] http://www.marcel-lefebvre-tam.com/pdf/francese/livre_12.pdf

[27] http://www.dici.org

[28] http://www.dici.org/dl/nouvelles/Nouvelles_94.pdf

[29] http://www.leforumcatholique.org/message.php?num=126668

[30] http://www.virgo-maria.org/D-Faux-pretre/index_faux_pretres.htm

[31] http://www.virgo-maria.org/Documents/Antonio-Rosmini/Plaquette_Rosmini.pdf

[32] http://www.rosmini.it/Objects/Pagina.asp?ID=62&T=Centro%20Intern.%20Studi%20Rosminiani

[33] http://www.catho.org/9.php?d=bxb#eur

[34] http://www.30giorni.it/fr/articolo.asp?id=15819

http://www.30giorni.it/fr/articolo_stampa.asp?id=15819

[35] http://www.philosophiedudroit.org/note%20congregation%20trad%20francaise.htm

[36] http://www.philosophiedudroit.org/watson,%20mission%20anglaise.htm

[37] http://www.philosophiedudroit.org/antonio%20rosmini.htm

[38] http://www.30giorni.it/fr/articolo.asp?id=15816

[39] http://www.30giorni.it/fr/articolo.asp?id=15818

[40] http://www.libertepolitique.com/public/decryptage/article-2043-Antonio-Rosmini-:-un-pretre-philosophe-sur-les-autels.html

[41] http://fr.wikipedia.org/wiki/Mellerio