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CAPITAL : Lettre ouverte solennelle des fidèles aux quatre évêques de la FSSPX

http://www.virgo-maria.org/articles/2006/VM-2006-10-10-A-00-Appel_aux_quatre_eveques_de_la_FSSPX.pdf


Qui et Pourquoi, depuis la mort de Mgr Lefebvre en 1991, a détourné la finalité surnaturelle de l’OPERATION-SURVIE des sacres de 1988, pour assigner à la FSSPX ce FAUX objectif prioritaire de la «ré-conciliation» avec la Rome conciliaire
(en fait la «ré-conciliarisation» de la FSSPX) ?

Qui a, depuis 2000, PROMU, et Pourquoi, le FAUX préalable de l’autorisation de la messe de Saint Pie V ?

Pourquoi n’a-t-on pas posé la VRAIE question du rétablissement du VRAI Sacerdoce de VRAIS prêtres, ordonnés par des Evêques VALIDEMENT sacrés selon le rite VALIDE des Saints O rdres ?

Qui a INVENTE, et POURQUOI, le faux préalable de la levée des «excommunications» ?

Pourquoi n’a-t-on pas posé la VRAIE question de l’abrogation de Pontificalis Romani INVALIDE de 1968 et du rétablissement du vrai rite de la consécration épiscopale VALIDE d’avant 1968?

A quoi servirait-il, en effet, de faire dire le VRAI rite de la messe par de FAUX prêtres ?

Serait-ce donc qu’après avoir obligé de VRAIS prêtres à dire une FAUSSE messe, l’on veuille désormais faire dire la messe du VRAI rite par de FAUX prêtres ?

Serait-ce que l’on veuille «concilier» les VRAIS prêtres qui disent encore la VRAIE messe avec un clergé aussi INVALIDE que le FAUX CLERGE ANGLICAN ?


Gaude, Maria Virgo, cunctas hæreses sola interemisti.

(Tractus Missæ Salve Sancta Parens)

samedi 7 juin 2008

Ce message peut être téléchargé au format PDF sur notre site http://www.virgo-maria.org/.

Dr Regazzoni : L’unité du genre humain d’après Vatican II

Conférence du professeur Carlo Regazzoni, à partir d’études de l’abbé Simoulin,

donnée au Symposium de théologie de la FSSPX à Paris en octobre 2004.

Mgr Tissier a manifesté le plus grand intérêt à l’égard de cette conférence.

Dans cette étude, l’auteur démontre la cohérence des divers actes posés par le téméraire Roncalli.


L’unité du genre humain d’après Vatican II

Une laïcisation de la Cité de Dieu

 

Introduction:

Tout fidèle peut être amené à se poser la question par quel concours de circonstances l’église, qui a toujours su admirablement résister aux vicissitudes du temps, a-t-elle réussi à tomber dans un désarroi comme celui qu’elle connaît depuis bientôt un demi-siècle. Cela devait-il  nécessairement arriver ?

Les nouveautés qui ont été assimilées au patrimoine de l’église sont-elles à l’origine de sa dégradation ?

Ces questions impliquent les réflexions suivantes:

1.      Si on présume que ce qui est arrivé aurait pu être évité, il doit s’agir d’un fait contingent.

2.      Un fait contingent présuppose une volonté.

3.      Si on avait pu l’éviter, la volonté qui en est responsable a mal jugé la situation.

Ces trois implications expriment la façon dont les réformes faites à la suite du dernier concile sont perçues par quelqu’un qui se situe dans la ligne des papes qui ont précédé Jean XXIII.

Elles reflètent également l’automatisme qui régit tout mouvement de conscience. Par automatisme il faut entendre le jaillissement d’effets sans qu’une réflexion s’intercale. Saint Thomas admet ces automatismes au niveau de la conscience morale.[1] Pour lui, celui qui obéit à une nécessité intérieure est disculpé d’office étant donné que pareille nécessité exige de l’indulgence plutôt que du blâme.[2]Il justifie son point de vue en relevant que celui qui obéit à une nécessité n’a pas les moyens de réfléchir sur le bien-fondé de son action[3].

De ce qui précède on peut tirer une première conclusion. C’est l’attachement à l’église préconciliaire, qui fait percevoir à une conscience la situation actuelle de l’église comme désarroi. D’après les modernistes parler de désarroi c’est ne rien avoir compris des vrais problèmes qu’avait connus l’église préconciliaire et qui ont été surmontés grâce au concile[4].

Pour la conscience morale il est sans importance que le contenu qui détermine son action soit un bien apparent ou réel. Une fois que l’homme y a adhéré, sa conscience ne lui permet plus de se rétracter sans mettre en jeu sa crédibilité. C’est la crédibilité en tant qu’élément constitutif des rapports que les hommes entretiennent aussi bien avec eux-mêmes qu’avec leurs semblables, qui les oblige à respecter un engagement pris.

La crédibilité est à l’origine de la confiance que l’homme a en lui-même ainsi que de celle dont il bénéficie auprès de ses semblables. En sacrifiant sa crédibilité il perd par conséquence aussi bien la confiance envers lui-même que celle des autres hommes envers lui. C’est dans ce sens qu’on doit interpréter la déclaration de Suarez[5], qui affirme qu’il est dans la faculté du législateur de légiférer, mais qu’il ne peut plus, après l’avoir fait, ne pas accepter les effets obligatoires qui s’en dégagent.

On retrouve également un automatisme au niveau de l’humanisme que Jean XXIII a professé tout au long de sa vie.[6] Toutes les réformes décidées par le concile et qui sont à l’origine de l’église conciliaire ne sont autre chose que les implications d’une vision de la charité qui a profondément marqué sa personnalité.

Un esprit prométhéïque.

En parcourant avec le recul du temps les cinq années du pontificat de Jean XXIII, un spectateur impartial ne pourra s’empêcher d’y voir une tragédie aux dimensions eschyliennes. Toute tragédie est la typologie d’une action conditionnée par une forme de comportement humain poussée à l’excès. Dans tout excès on retrouve la volonté de bien faire au-delà de toutes limites. Ainsi Jean XXIII ne s’est pas interrogé sur la compatibilité de ses aspirations avec les exigences de la tradition qu’il était sensé préserver. Ce refus a fini par générer en lui l’oubli qui est à la base de sa confiance aveugle dans son propre jugement. Cet aveuglement assorti de sa bonhommie a entraîné une infinité de fidèles bien intentionnés vers l’apostasie. Comme Prométhée, qui représente l’homme décidé à fonder une civilisation, même au risque de violer l’ordre divin, Jean XXIII a voulu fonder une civilisation de l’homme. Pour atteindre son objectif il a passé outre les mesures de protection prescrites par la tradition catholique chaque fois que la réalisation de son objectif était mise en jeu. Comme dans la tragédie où le chœur annonce la catastrophe qui se prépare sans l’empêcher, il y a eu parmi les fidèles des esprits clairvoyants qui pressentaient la catastrophe vers laquelle l’église s’acheminait à la suite de l’orientation que Jean XXIII lui avait imprégnée. Malheureusement leur fonction se limita à celle des choristes de la tragédie. C’est son esprit prométhéïque qui poussa Jean XXIII à se tourner vers l’homme moderne.

Le tournant anthropologique.

A la fin de son étude sur Jean XXIII et l’œcuménisme, l’abbé Simoulin lui fait dire: « Vous n’avez pas plusieurs pères.....c’est moi qui vous ai engendré ».  « Père » que l’abbé emploie au sens métaphorique, désigne une origine. Il y a origine lorsque de nouvelles formes font leur apparition. Elles peuvent être de nature physique ou spirituelle. Lorsqu’on parle du père d’un projet on désigne le lieu où ce projet s’est pour la première fois manifesté. Puisque l’église conciliaire s’est manifestée une première fois dans la conscience de Jean XXIII, on peut, à juste titre le considérer comme son père.  En se servant du terme père, l’abbé Simoulin veut par conséquent nous rendre attentifs qu’on ne peut étudier la crise qui affecte actuellement l’église sans se référer en permanence à celui qui, sans l’avoir voulu explicitement, l’a tout de même déclenchée. On doit en effet reconnaître, qu’en orientant pendant son pontificat l’église vers le monde moderne, il a en raison du caractère arbitraire de sa décision, hautement favorisé le déclenchement de cette crise. En langage juridique, on parle de favoriser, lorsque devant les dangers menaçant des biens qu’on est sensé préserver, on empêche consciemment l’application des mesures de protection destinées à les protéger.

Vu l’aspect complexe du problème il nous semble indiqué de fournir quelques précisions supplémentaires à ce sujet. Il y a déclenchement, lorsqu’un acte, qu’on a posé, génère une suite d’événements dont celui qui précède conditionne celui qui le suit.

D’après l’enseignement catholique, toute déclaration provenant de celui qui occupe le siège de Saint Pierre et qui de ce fait est présumé être l’autorité suprême dans l’église, peut avoir, sous certaines circonstances, force de loi pour les fidèles[7]. Si l’autorité suprême stipule que désormais il n’était plus nécessaire de condamner les erreurs, elle ne pourra empêcher que ses fidèles soient privés de la protection dont ils ont besoin pour maintenir leur foi intacte et soient ainsi exposés aux erreurs qui les menacent. Le Professeur Pasqualucci[8] fait ressortir avec raison « la coïncidence à savoir que tous ces graves dérangements et désordres ont commencé tout de suite après la conclusion du Concile, parallèlement au séisme que le Concile avait tout de suite déclenché dans l’Eglise, et même avant de se clore ». Il est fort probable que si le magistère de l’église était resté dans la ligne des magistères précédents toutes ces volontés désordonnées et anarchiques se seraient heurtées à une force capable de les contenir.

Parler de menaces c’est se situer au niveau de la causalité efficiente. Jean XXIII, ainsi que ceux qui lui ont succédé, se sont efforcés de promouvoir tout au long de leurs pontificats respectifs, les valeurs qui unissent plutôt que celles qui séparent. Pour le faire ils ont été obligés de donner un sens nouveau au terme unité, en laissant de côté sous prétexte qu’il était cause de division l’élément spécifiquement catholique[9]. Ils ont de cette façon appauvrie l’église en la privant d’une large partie de sa mémoire. Or c’est cette mémoire qui avait permis à l’église de se maintenir envers et contre toutes les vicissitudes qu’elle a eu à subir au cours de l’histoire. L’étude faite par la fraternité Saint Pie X démontre de façon magistrale les effets néfastes qu’a eu pour l’église la perte d’une partie de sa mémoire[10].

De telles mutations ne sont pas les fruits du hasard, mais présupposent une conscience capable d’engendrer une volonté refusant toute contrainte extérieure et qu’on retrouve dans la déclaration que Monseigneur Roncalli, le futur Jean XXIII, fit au cours d’un sermon pendant son séjour en Turquie et qui contient la déclaration suivante: « Il y a mille raisons pour souligner les différences générées par la race, la culture, la religion et l‘éducation. Les catholiques ont une préférence pour se démarquer par rapport à leurs frères, qu’ils soient orthodoxes, protestants, juifs, musulmans, croyants ou mécréants  d’autres religions. Au nom de l’évangile et des principes catholiques, je dois, mes bien chers frères, attirer votre attention sur la fausseté d’une pareille logique. Le Christ a pour toujours éloigné les barrières entre les hommes et par sa mort annoncé une fraternité universelle. Il a  mis l’accent sur l’amour du prochain, c’est- à- dire sur l’amour qui relie tous les hommes à Lui, leur Frère aîné et à travers Lui au Père ». [11]

Si l’on applique l’argumentation par le contraire à la déclaration de Monseigneur Roncalli on aboutit irrévocablement à l’affirmation qui se trouve au début de la constitution pastorale « gaudium et spes » qui affirme sans équivoque « l’union intime entre l’église et le reste du genre humain”[12]. Cette déclaration est l’élément constitutif du développement d’où est sortie une « cité de Dieu laïcisée ».  Entre les deux événements Monseigneur Roncalli avait réussi à gravir tous les échelons de la hiérarchie pour accéder au trône de Saint Pierre, ce qui lui permit de prendre les dispositions nécessaires pour donner à l’église une orientation nouvelle, conforme aux principes qu’il avait énoncés dans son fameux sermon. Néanmoins on est obligé de reconnaître qu’aussi bien son sermon que l’affirmation du début de la constitution pastorale violent de façon flagrante les consignes énoncées par le Pape Pie XI dans son encyclique Mortalium animos où il avait interdit toute communauté entre ceux qui reconnaissent

1.      dans la tradition une des sources de la révélation et ceux qui lui refusent cette attribution,

2.      dans la hiérarchie une institution de droit divin et ceux qui la considèrent comme une œuvre purement humaine,

3.      dans l’Eucharistie, en vertu de la transformation du pain et du vin, qu’on appelle transsubstantiation, le Christ est réellement présent et ceux qui „affirment que le corps du Christ ne s’y trouve présent que par la foi ou par un signe ou la  vertu du sacrement“[13].

Ontologiquement parlant violer une loi signifie la rendre inefficace en ne la prenant pas, alors qu’il le faudrait, en considération. Jean XXIII est allé cependant plus loin en substituant à l’enseignement de ses prédécesseurs sa propre doctrine qu’il a fait passer comme authentiquement catholique. On est donc obligé d’admettre qu’il a commis une fraude sémantique.

D’après le philosophe catholique allemand Dietrich von Hildebrand,[14] il y a substitution lorsque d’une loi morale on ne retient qu’une partie pour l’amalgamer avec des éléments amoraux. L’élément amoral que Jean XXIII substitua à la doctrine catholique est le mythe de l’âge d’or perdu où la religion était pratiquée sans contrainte et où la communauté des hommes formait un corps unique régi par la sympathie mutuelle. C’est ce  mythe qui est l’élément constitutif de sa vision de l’unité entre les hommes. Il le transforma en norme d’église en stipulant que désormais il fallait se consacrer à sa restauration.

Les pères du concile ont fini par adhérer à la vision de Jean XXIII qui était d’engager l’église dans le cours de l’histoire pour devenir son ferment en l’orientant vers un monde plus humain. C’est dans ce changement que consiste sa laïcisation. Les textes du concile parlent à ce sujet un langage bien clair. Nous lisons par exemple au début du décret sur l’éducation : « tous les hommes de n’importe quelle race, âge ou condition, possèdent en tant qu’ils jouissent de la dignité de personne, un droit inaliénable à une éducation, qui réponde à leur vocation propre, soit conforme à leur tempérament, à la différence des sexes, à la culture et aux traditions nationales, en même temps qu’ouverte aux échanges fraternels avec les autres peuples pour favoriser l’unité véritable et la paix dans le monde. »[15]On peut également lire dans le décret sur les missions : « en toute vérité, dans l’histoire humaine même au point de vue temporel, l’Evangile fut un fermement de liberté et de progrès, et il se prépare toujours comme un fermement de fraternité, d’unité et de paix ».[16]

Après avoir déclenché un mouvement, Jean XXIII ne pouvait plus, sans heurter la sensibilité des non-catholiques, faire valoir, en cas de conflit, le point de vue catholique. Il en fit preuve, lorsque dans le conflit qui éclata entre traditionalistes et progressistes au sujet des sources de la révélation, il obligea le chef de file des traditionalistes, le Cardinal Ottaviani à composer avec le chef de file des progressistes, le Cardinal œcuménique Bea, en dissociant ainsi la vérité de la foi catholique de sa propre crédibilité[17]. C’est pour avoir suivi Jean XXIII dans ses orientations que l’église a fini par se transformer en Cité de Dieu laïcisée, d’où provient le désarroi qu’elle  connaît actuellement.

La Cité de Dieu laïcisée

Par laïcité on désigne un phénomène politique d’une complexité extrême. On doit de ce fait préciser sous quel aspect il va être abordé dans la présente étude. Les discussions que ce terme a suscitées démontrent sa capacité de faire sortir un nombre important de personnes de leur état d’indifférence à l’égard de la chose publique. Elle lui fut inhérente dès son commencement  qui se situe à un tournant dramatique de l’histoire de l’Europe chrétienne. Il s’agit du conflit qui opposa, à la suite d’une déclaration adressée par le Pape Boniface VIII au Roi de France Philippe le Bel où il avait, en raison du caractère sacré de sa mission, affirmé la suprématie de la papauté par rapport au pouvoir temporel.  Cette déclaration implique que :

1.      aucun pouvoir temporel ne peut, sous peine d’excommunication, s’attaquer à la personne du Pape,

2.      tout ce qui se rapporte à l’église relève de la juridiction du Pape et ne peut faire l’objet d’une ingérence de la part du pouvoir temporel,

3.      lorsqu’un souverain temporel dépasse les limites, le Pape peut, en vertu de la plénitude des pouvoirs qu’il détient, le déposséder de son pouvoir. 

Boniface justifia sa position dans sa bulle Unam Sanctam par une interprétation de la parole du Seigneur tiré de Saint Jean 18,11 « mets ton glaive au fourreau ». Cette parole fait allusion aux deux pouvoirs dans l’église : « le spirituel et le temporel »[18] . dont « l’un doit être manié pour l’Eglise, l’autre par l’Eglise ; l’un par la main du prêtre, l’autre par celle des rois et des chevaliers, mais sur l’ordre du prêtre en tant qu’il le permet. »[19]

Cette conception rend possible d’endiguer les aspirations outre mesure qu’ont parfois ceux qui détiennent le pouvoir. Elle soumettent de ce fait le pouvoir temporel au droit en l’obligeant d’agir en conformité avec la justice et protège ainsi la personne individuelle des abus dont même un pouvoir publique pourrait se rendre coupable.

Philippe le Bel non seulement récusa les thèses de Boniface VIII, mais par surcroît se permit avec l’aide de son conseiller Nogaret de mettre en scène une cabale contre l’autorité suprême en s’affirmant non plus comme autorité soumise mais parallèle au Pape. Cette volonté du souverain temporel de ne plus se soumettre à l’autorité sacrée du souverain pontife est l’élément constitutif de l’esprit laïque.

En tant que sujet historique, le Pape est également un souverain temporel et, comme l’ont  reconnu les évêques allemands dans leur lettre qu’ils adressèrent à Pie IX[20] et que ce dernier avalisa, ne peut par conséquent pas disposer librement de son infaillibilité, mais doit se tenir aux contenus des Saintes Ecritures, à la tradition ainsi qu’aux décisions de ses prédécesseurs.

Lorsqu’il est question d’une « laïcisation de la Cité de Dieu » on se situe sur le plan typologique, ce qui permet d’établir une comparaison des phénomènes qui se sont produits à divers époques de l’histoire. On retrouve une similitude entre les transformations qui se produites à l’intérieur de la société européenne à la suite de l’attitude de Philippe le Bel et celles qui se sont produites à l’intérieur de l’église par la volonté de Jean XXIII. Il y a transformation lorsqu’une mutation affecte une réalité déterminée dans le plus profond de son être au point de la faire devenir une autre. Au niveau biologique, c’est le cas lorsqu’il y a passage de la vie à la mort. Quelque chose de semblable peut se produire au niveau d’une société lorsqu’elle est privée de sa mémoire collective et se transforme ainsi en une société déracinée.

Toute perte est ou bien le résultat d’une négligence ou bien le résultat d’une dépossession d’un bien à la suite d’une substitution, ce qui signifie qu’aux éléments qui autrefois conditionnaient le comportement d’une société se sont substitués d’autres éléments et les ont ainsi rendus inefficaces. A l’origine de la laïcisation de la société on trouve également une substitution dans les sens que les souverains ont voulu un ordre politique affranchi de toute contrainte de caractère religieux.[21] On assistera alors au triomphe de la politique sur la religion dans le domaine temporel. A son temps le Pape Pie IX avait qualifié cette attitude de téméraire et y voyait un chemin de perdition[22]. Et Pie IX poursuit: « il ne manquera jamais d’hommes qui oseront résister à la Vérité et mettre leur confiance dans le verbiage de la sagesse humaine »[23]. Mais là où la société est privée de la religion « la vraie notion de la justice et du droit humain s’obscurcit et se perd, et la force matérielle prend la place de la justice et du vrai droit »[24]. Dans ce discours  Pie IX vise l’homme moderne qui refuse toute limite que pourrait lui imposer un ordre préalablement établi tel que l’ordre religieux. C’est le genre de refus qui, à l’avis du Pape, nous amène vers un monde régi par l’arbitraire où il n‘y a ni justice, ni droit, car aussi bien la justice que le droit exigent la réciprocité. Cette réciprocité est aussi bien présente dans la justice que dans le droit puisqu’ils garantissent à celui qui s’y soumet une conscience en paix avec elle-même. Celui dont la volonté est arbitraire refuse à se soumettre à la règle de la réciprocité, il s’érige en mesure de toute chose et veut imposer sa propre conception du bien à tout son entourage. C’est ce que Jean XXIII a voulu faire au moment où il a été élu pour succéder à Pie XII en se tournant vers l’homme moderne. De ce mouvement Jean Paul II fera l’éloge en déclarant : « C’est un style œcuménique, une ouverture sans remords au dialogue, qui doit être, selon Paul VI, un « dialogue du salut ». Un tel dialogue ne doit pas se limiter aux autres confessions chrétiennes, mais s’ouvrir également aux religions non chrétiennes, au monde de la culture et de la civilisation ainsi qu’au monde des incroyants »[25]

Un dialogue n’était possible qu’en s’appuyant sur un dénominateur commun qui ne pouvait provenir de la tradition catholique. Ce dénominateur commun s’appellera la dignité de la personne humaine et c’est en son nom que l’église conciliaire revendiquera la liberté religieuse pour tout le monde. Elle ne pourra cependant le faire sans devenir œcuménique en la revendiquant également pour les autres. C’est ce qui ressort d’une déclaration de Jean XXIII faite à la veille de sa mort où il stipule : „Plus que dans les siècles passés, il nous faut aujourd’hui servir la cause de l’homme et défendre les droits de la personne et non seulement de l’église catholique. La situation actuelle ainsi que le défi des derniers cinquante ans et une compréhension de la foi plus approfondie nous ont fait prendre conscience des nouvelles réalités. Ce n’est pas l’évangile qui a changé, mais nous qui commençons à mieux le comprendre“. [26] On peut conclure à partir de ce qui précède qu’humanisme, liberté religieuse et œcuménisme sont les trois piliers de l’église sortie du concile : elle est humaniste puisqu’elle veut être le ferment d’une société en route vers son humanité, et en tant qu’humaniste elle revendiquera aussi bien pour elle-même que pour les autres la liberté religieuse. On est donc obligé de reconnaître qu’en devenant œcuméniste, le magistère de l’église conciliaire a voulu être cohérent avec lui-même puisqu’il s’est voulu avant tout humaniste. Il s’oppose néanmoins à l’enseignement de l’église de toujours.

Désormais Dieu est perçu  comme le ferment de l’homme en route vers son humanité collective. C’est cette conscience que reflète l’église conciliaire et du moment que Dieu n’est plus la fin dernière mais uniquement le ressort, on doit nécessairement qualifier ce tournant comme la « laïcisation de la cité de Dieu »

Devant des déviations d’une telle ampleur, la question que nous nous sommes posée au début de notre enquête prend une tournure d’autant plus dramatique, que celui qui les a commises a dû, au moment d’accéder au trône de Saint Pierre, prêter le Serment antimoderniste et par ce serment s’engager à ne pas quitter la ligne tracée par ses prédecesseurs. Une réponse s’avère d’autant plus difficile qu’un esprit moderne, ne pourra « discerner dans de telles actions impures quelque offense à un dieu éthique, quelque lésion de la justice que nous devons aux autres hommes, quelque diminution de notre dignité personnelle »[27]. En effet, sans avoir modifié de façon substantielle la liturgie, ni aboli le serment antimoderniste, ni contesté la validité d’aucun dogme, Jean XXIII fit tout le long de son pontificat preuve d’une grande témérité.

Une attitude téméraire.

Melchior Cano[28] emploie ce terme pour désigner les actions faites sans mûre réflexion qui, dans la mesure où on y retrouve du mépris pour les règles de l’église, traduisent une audace turpide. Ces règles sont à ses yeux des accessoires et non des vérités de foi, ce qui veut dire qu’elles n’ajoutent rien au contenu de la foi. De ce fait, lorsqu’on y touche, on affaiblit la foi sans la supprimer.[29] Elles sont par contre des mesures de protection qui permettent aux fidèles de maintenir leur foi intègre. Cette fonction se retrouve dans toutes les grandes encycliques des Papes préconciliaires telles que Pascendi, Mortalium animos, Humani generis pour parler des plus récentes. Dans ce sens elles ne sont pas autre chose que des applications adéquates du message de la révélation à des situations historiques concrètes. L’exclusion qu’on y trouve ne doit pas être considérée comme une attitude de mépris à l’égard des autres, car elle met uniquement en évidence que tout ne peut pas être concilié comme le voudraient les utopistes qui croient à un retour de l’âge d’or.

Pour Jean XXIII  toutefois de telles mesures expriment un manque de confiance dans la justesse de la propre conviction et sont par surcroît un obstacle à la solidarité entre les hommes. Ne voulant plus une église marquée par l’enseignement de ses prédécesseurs tout en prétendant que son enseignement était authentiquement catholique, Jean XXIII a été contraint de justifier sa vision en ayant recours à deux auteurs, qui sous ses prédécesseurs avaient fait l’objet d’une mise en garde. Ce sont le père bénédictin belge Dom Lambert Beauduin, un des premiers promoteurs de l’œcuménisme, ainsi que le père jésuite Henri de Lubac.

Des auteurs réhabilités

Dom Lambert Beauduin.

Dans un article publié dans la revue IRENIKON[30] intitulé Notre travail pour l’union, le père bénédictin juxtapose conversion et conciliation en tant que méthodes pour mettre fin à la séparation des églises.

L’importance exagérée accordée à l’effet psychologique fait de cet exposé un traité de rhétorique sans grande valeur doctrinale. Vis-à-vis de la conversion, Dom Lambert Beauduin, tout en reconnaissant sa parfaite légitimité, émet certaines réserves. Elle pourrait être préjudiciable à la réconciliation chrétienne. C’est dans ce sens qu’il donne à ceux qui s’occupent des conversions individuelles l’avertissement suivant: « que de délicatesse et de charité il faudra pour ne pas provoquer des animosités et des représailles qui creuseraient le fossé plutôt que de le combler »[31]. Presque quatre décennies plus tard, avec une rhétorique semblable, l’évêque de Bruges, Monseigneur Emile-Joseph de Smedt,  demandera au nom de l’œcuménisme (et il obtiendra gain de cause auprès de Jean XXIII), aux pères du concile de ne pas accepter le projet sur les deux sources de la révélation élaboré par la commission théologique présidée par le Cardinal Ottaviani[32]

Si le père bénédictin reconnaît que la réconciliation est une utopie, l’attitude qui en découle ne doit pas - pour autant qu’elle soit semblable à celle des juifs qui vivent dans l’attente permanente de la venue du Messie promis - l’être nécessairement. C’est une attitude qui a amené les juifs « à espérer et à préparer cette venue, non à la voir et à la réaliser ». Il en est de même pour ceux qui souhaitent l’union des églises. C’est à eux qu’il s’adresse en leur disant: « nous devons nous résigner à cette grande épreuve, et nous reconnaître indigne de la grâce de la réconciliation ».[33]. Le père conclut par une déclaration dans laquelle on peut reconnaître l‘ecclésiologie de Vatican II à l’état embryonnaire:  « nous sommes dans le désert et nous n’entrerons pas si tôt dans la terre promise; ou plutôt, quand l’église du Christ recevra le grand bienfait de la réconciliation nous lui appartiendrons »[34]. Dans le même ordre d’idées, Jean Paul II[35] déclarera un demi-siècle plus tard: « Il existe donc des bases pour dialoguer, pour élargir l’espace de l’unité, et les échanges doivent aller de pair avec le souci de dépasser les divisions, dont la cause principale est la conviction d’être le seul à détenir la vérité ».

Après avoir tracé les grandes lignes, Dom Beauduin en dégage quelques conseils pratiques. Nous les retrouverons quelques décennies plus tard dans le discours que Jean XXIII prononcera à l’ouverture du Concile. Ils peuvent se résumer ainsi:

1.      créer avant tout une atmosphère favorable à la compréhension et à l’estime mutuelle,

2.      entreprendre dans tous les domaines de la pensée et de la vie religieuse un travail d’adaptation en dégageant l’essentiel du christianisme des formes ethniques et historiques légitimes qu’il a revêtu au cours des âges,

3.      sauvegarder toute l’expansion originelle du christianisme et le rendre assimilable à toutes les cultures et toutes les civilisations.

La capacité d’assimiler deviendra la Tradition vivante de l’église conciliaire. Ainsi que le notera l’abbé Dominique Bourmaud,[36] « c’est l’interprétation variable qui s’enrichit progressivement, car le texte renvoie à l’auteur, mais aussi et surtout au lecteur. De plus, ce texte va poursuivre sa carrière au gré des lecteurs ». Du moment qu’une telle vision ne tient plus compte des règles d’interprétation établies par le magistère préconciliaire, elle abandonne la perception des vérités de foi à la discrétion de chaque génération de fidèles. Ainsi les textes de son enseignement sont abandonnés à une dynamique conditionnée par la façon dont ils seront perçus par les divers groupes sociaux et de cette façon l’église deviendra l’institution du dialogue permanent qui ne sera autre chose que le verbiage de la sagesse humaine dénoncé par le Pape Pie IX.

Le père Henri de Lubac SJ.

Le père Henri de Lubac SJ – théologien dont l’enseignement lui avait valu le retrait de l’autorisation d’enseigner par Pie XII – avait une première fois formulé sa pensée dans son opuscule catholicisme et l’avait développée ensuite dans son Drame de l’humanisme athée. Le[37]point de départ de sa pensée[38] était le reproche adressé par l’homme moderne à « une religion qui se désintéresse apparemment et de l’avenir terrestre et de la solidarité humaine » et qui de ce fait ne serait pas en mesure d’offrir « un idéal capable de rallier encore les hommes d‘aujourd’hui » A ce reproche le père de Lubac avait essayé de répondre en se demandant s’il n’y avait pas eu de fautes graves de la part de chrétiens[39]. Sa réponse est affirmative et les fautes qu’il énumère sont: une « piété intéressée, religion mesquine, négligence du devoir d‘état dans la multiplication des pratiques, envahissement de la vie intérieure par le moi haïssable, oubli que la prière est essentiellement prière de et pour tous ».[40]  A ces critiques le père de Lubac veut, d’après ses propres paroles, répondre en s’occupant « avant tout de la société des croyants – celle de la terre et du monde à venir, celle qui se voit et surtout celle qui ne se voit pas », en y ajoutant qu’il compte demeurer à l’intérieur du dogme.[41]  

C’est à partir de cette critique que le père de Lubac développera son humanisme religieux qui deviendra l’idée maîtresse de l’église de Vatican II.[42] Il voit dans la transformation et l’approfondissement opéré par « l’Eglise des premiers siècles, par la voix de ses docteurs et de ses apologistes, du <<gnôthi seauton>> socratique » le grand effet civilisateur du christianisme.  Cette sommation ne doit pas, à ses yeux, être perçue comme une invitation à prendre conscience de soi-même en tant que sujet individuel car il s’agit de la vocation propre à la communauté humaine dans son intégralité. C’est grâce à cette prise de conscience qu’elle pourra s‘affranchir « de l’esclavage ontologique que faisait peser sur lui le destin »[43], privilège réservé jusqu‘ alors à une petite élite. A partir de cette constatation il tire la conclusion suivante: « c’était l’humanité toute entière qui, dans sa nuit, se trouvait illuminée soudain et qui prenait conscience de sa liberté royale »[44]. Dans une vision pareille la personne humaine n’est plus la substance rationnelle individuelle, mais le point d’intersection d’une pluralité de relations humaines.  

Ces deux penseurs n’auraient pas trouvé en la personne de Jean XXIII un promoteur aussi efficace, si ce dernier n’y avait trouvé l‘instrument idéal pour ériger – une fois élu à la magistrature suprême de l’église - en norme d’église sa préférence pour les valeurs qui unissent plutôt que pour celle qui séparent les hommes. D’un point de vue ontologique on peut, avec Saint Thomas d’Aquin, parler d’une congruité entre une matière disponible à recevoir une forme et la forme qui réussit à la déterminer.[45] C’est cette congruité qui conditionne le cours de l’histoire car sans affinité entre les idées et le sujet humain qui reconnaît en elles de nouvelles possibilités il n y aurait pas de changement. C’est l’affinité qui les lui fait assumer et actualiser. Le combat efficace contre le modernisme n’a été possible que parce qu’il y avait à la tête de l’église cet homme clairvoyant qu’était Saint Pie X. Ayant  réalisé qu’il fallait préserver les fidèles devant les erreurs de son temps, il n’a pas hésité d’appliquer les mesures qui s’imposaient.  Une telle congruité n’exclut nullement la grâce, qui  présuppose une nature sur laquelle elle peut agir[46].

De son vivant, Jean XXIII a connu une popularité qu’aucun de ses prédécesseurs n’avait connue. Il l’a doit à sa capacité de s’identifier à Monsieur tout le monde. C’est en raison de sa popularité qu’on a fini par le nommer le Pape bon ce qui ne signifie pas qu’il fut un bon Pape. Bien au contraire lorsqu’on suit son itinéraire, on remarque que le comportement qu’il a affiché au cours de son Pontificat ne répond pas aux critères traditionnels de bonté. C’est la raison qui a poussé le théologien italien Don Luigi Villa d’adresser au président de la conférence épiscopale italienne une lettre pour mettre en évidence l’aspect scandaleux de la béatification de Jean XXIII en déclarant: „Grande fut par conséquent ma déception lorsqu’en date du 20 décembre 1999 Jean Paul II par un décret qualifia la promotion de l’œcuménisme, le changement d’attitude vis-à-vis du peuple hébreu et la création d’un secrétariat pour l’unité des chrétiens  de vertus héroïques. Ce sont des vertus d’un tout nouveau genre car jusqu’à maintenant la propriété en question n’était attribuée qu‘à la foi, l’espérance et la charité. Ce renversement de l’ordre des valeurs devait nécessairement générer en moi de la consternation, des doutes et de la suspicion“[47]. Après une énumération exhaustive de tous les manquements commis par Jean XXIII, l’auteur termine ainsi sa lettre:  „Ainsi excellence, j’entends manifester au Saint Siège ma volonté et ma requête de ne pas reconnaître à Jean XXIII les honneurs d’une béatification pour aucune raison légitime“[48].

A son tour l’abbé Simoulin relèvera dans un article paru dans La Tradizione cattolica[49] que les „soi-disant vertus héroïques attribuées à Jean XXII sont tout à fait inconnues à la théologie mystique ou ascétique“ pour conclure „qu’on propose au fidèle une nouvelle forme de sainteté générée par le dialogue, l’ouverture à tout ce qu’il a de bien dans l’homme d’aujourd’hui qui doit rendre possible une nouvelle façon de percevoir le message de l’évangile, qui serait adaptée à l’époque actuelle et conditionnée par la foi dans tous les hommes de bonne volonté indépendamment de leur origine.“

Jean XXIII ne voulait plus s’adresser à l’homme pécheur, mais à Monsieur tout le monde. Monsieur tout le monde à qui Jean XXIII voulait destiner son message n‘est ni quelqu’un décervelé ni quelqu’un d’inhumain. Son but dans la vie est la réussite. Il veut y parvenir en pratiquant à fond la vertu du bon sens, qui lui dit que le succès dans ce monde ne s’obtient pas en vivant replié sur soi-même, mais qu’en s’engageant avec crédibilité on finit par obtenir sa reconnaissance.

Il y a un Monsieur tout le monde en chaque personne. Pour venir à bout des affaires de tous les jours il faut avoir le sens de l’observation et être capable de discerner l’utile de l’inutile en examinant les valeurs qui se présentent à nous sous l’angle de leur opérationnalité. Ce genre d‘attitude devient problématique lorsqu’elle est érigée volontairement en règle de vie, car par un  choix pareil on transforme un moyen en fin. Cette transformation a comme conséquence le refus de se replier sur soi-même pour s’interroger sur les questions se rapportant à des situations limites de l’existence humaine telles que l’échec, la souffrance, la déception, la mort et bien entendu le sens ultime de la vie humaine.

Les actes méritoires attribuées à Jean XXIII par le magistère de l’église conciliaire reposent sur sa vision d’une église en route vers la reconquête de l’âge d’or perdu qui sera atteint lorsque Monsieur tout le monde se sera rendu compte qu’il n’y a point d’humanisme sans la foi en une transcendance. C’est le rapport entre la vision et sa réalisation qu’il convient d’étudier maintenant.

De la vision à la réalisation.

L’oubli se situe à l’antipode de la mémoire. Il en est, pour parler avec Paul Ricoeur, son inquiétante menace qui met sa fiabilité en question[50]. Oublier signifie en premier lieu ne pas tenir présent. On a oublié d’aller à un rendez-vous signifie d’une part qu’on n‘a pas tenu présent qu’on aurait dû se trouver à un moment précis à un lieu déterminé, mais également qu’on n‘y a pas attaché trop d’importance. Cette absence de présence peut ou bien être le fruit d’une inattention ou bien celui d’une volonté d’effacer tout ce qui est gênant. Paul VI par exemple ne voulait plus qu’on célèbre dans l’ancien rite afin que l’église d’une fois ne soit plus présente dans la conscience des fidèles et la raison qui l’amena à prendre cette décision était qu’il la considérait un élément gênant pour ses ambitions. Dans ce cas, l’oubli devient une nécessité pour un sujet qui veut s’affirmer en refusant son passé. C’est la volonté d’engendrer l’oubli dans sa conscience qui  poussa Jean XXIII à une entreprise devant laquelle ses prédécesseurs avaient toujours reculé, la convocation d‘un concile.

Une plate-forme du modernisme: le concile.

A la mort de Pie XII le père bénédictin belge Dom Lambert Beauduin,  œcuméniste acharné et condamné sous Pie XI, avec qui Jean XXIII avait été en contact pendant son séjour en Orient et qu’il estimait beaucoup déclara: ce diplomate loquace et mondain a saisi le zèle apostolique de son entourage. Il est disposé à accorder une chance aux novateurs en convoquant une institution qu’on croyait condamnée à mort, un concile général[51] .Vu les relations étroites entre le Cardinal Roncalli et le père bénédictin belge, on peut présumer que la convocation d’un concile était une chose décidée au moment de l’élection de Jean XXIII.

Pour bien comprendre les raisons qui ont poussé Jean XXIII à convoquer le concile alors que tous ses prédécesseurs ont préféré y renoncer, il faut se situer au niveau de la finalité. Il y a finalité là où il y a anticipation d’une réalité future. Mais pour que cette réalité anticipée, qu’on peut aussi nommer une possibilité, se transforme en réalité actuelle, il faut que la personne qui le souhaite puisse disposer des moyens nécessaires pour y parvenir et en même temps être en mesure d’écarter les éléments gênants. Une telle prise de conscience restera cependant aussi longtemps lettre morte que des actes capables de garantir l’aboutissement du projet ne viendront s’y ajouter. L’objectif que Jean XXIII voulait atteindre était de transformer l’église en une source d’énergie vitale qui pourrait être la conscience morale de tous les hommes de bonne volonté. Dans l’aile traditionnelle de la hiérarchie avec la Curie romaine à sa tête, Jean XXIII voyait l’obstacle majeur à la réalisation de ses plans. Il fallait donc parvenir à les priver de leur pouvoir. C’est l’objectif que Jean XXIII confia au concile. Réunissant en sa personne un visionnaire doublé d’un stratège il se montra – dans la poursuite de son but - capable de se servir de diverses stratégies, dont la ruse.

Selon Saint Thomas d’Aquin, être rusé c’est être bien conseillé dans la poursuite d’un but mauvais[52]. Jean XXIII  nomma sa ruse prudence et la qualifia ainsi: „Prudent est celui qui est capable de taire la vérité qu’il serait inopportun de dévoiler, en évitant ainsi de vicier la partie de vérité qu’il énonce; prudent est celui qui mène à bonne fin ce qu’il a commencé, en fournissant à sa volonté et à ses actions les moyens les plus efficaces[53] “.Conscient qu’il ne pouvait faire accepter en une seule fois une transformation pareille aux fidèles et qu’il fallait avant tout éviter d’éveiller la méfiance chez les traditionalistes, il se soucia avant tout de mettre en place une stratégie qui était en mesure d’augmenter les chances de réussite. Pour le reste il procéda avec beaucoup de précaution et évita ainsi de mettre ses intentions trop en évidence pour ne les révéler que dans son discours d’ouverture.

La force du Cardinal Roncalli résidait dans sa capacité de se servir de toutes les règles de l’art, même au détriment de l‘honnêteté. C’est ainsi qu’il fit passer  sa bonhomie pour de la naïveté alors qu’elle n’était qu’un masque dont il s’était coiffé. Cette ruse aura comme effet horizontal une apparente incohérence, qui en vérité était une nécessité conditionnée par l’opportunité de la situation, car, comme tous les modernistes, ce qu’il craignait le plus, c’était d‘être démasqué comme tel. Ce n‘est pas en vain que cardinal Ratzinger déploie tous ses efforts en vue de montrer qu’entre Vatican II et la  tradition catholique, il n y a eu aucune discontinuité.

La manière d’agir de Jean XXIII  peut être qualifiée d‘opérationaliste. En faisant prévaloir le point de vue de l’efficacité, on donne la préférence à la rhétorique plutôt qu’au discours réfléchi et non engagé qui est l‘attitude propre à l’honnête homme. Ce n’est pas à une connaissance approfondie des points controversés qu’on veut parvenir, mais à un résultat bien précis. L‘idée maîtresse sera donc celle des moyens à engager en vue d’obtenir le résultat souhaité. Pour un catholique à tendance progressiste comme Jean XXIII, le souci principal était de trouver les points dans la doctrine catholique qu’on pouvait soumettre à la critique sans être en même temps obligé de s’attaquer au dogme.

Homme de terrain, Jean XXIII se rendait parfaitement compte que ce n’était pas avec de belles formules qu’il arriverait au but, mais qu’il lui fallait quitter les chemins battus pour en choisir d’autres. C’est ici qu’entra en scène l’ancien confesseur de Pie XII, le père jésuite Augustin Bea, nommé par la suite cardinal. Aux dires de ce dernier, c’est lui qui proposa à Jean XXIII la création d’une instance qui lui serait directement soumise et qui s’occuperait de trouver des voies pouvant mener à une entente entre chrétiens. Toutefois d’après Yves Chiron[54] « cette idée avait germé depuis longtemps dans l’esprit de Jean XXIII ». Elle lui aurait été proposée par « le liturgiste et œcuméniste Lambert Baudouin »[55]. Néanmoins le Cardinal Bea sera l’homme clé de cette initiative et on peut présumer que c’est en raison de son passé qu’il fut placé à ce poste. Effectivement, en tant qu‘ancien confesseur de Pie XII, il n’était pas la personne à éveiller des suspicions. Ainsi naquît une institution qui fut pour l’église un véritable cheval de Troie, le Secrétariat pour l’Unité des Chrétiens. 

Un cheval de Troie dans la Cité de Dieu: Le Secrétariat pour l’Unité des Chrétiens.

Dans son étude sur l’œcuménisme au concile, le cardinal Bea explique ainsi la naissance de l’institution en question[56]: « Quel effet pourrait avoir un événement comme le concile sur nos frères séparés, s’ils n’en prenaient acte qu’à travers des communiqués de presse fades et souvent déformés? Ne le suivraient-ils pas de loin sans y prendre part de façon vécue? Le fait que le pape, au cours de ses audiences revenait souvent sur l’objectif œcuménique me fit présumer qu’il était à la recherche d’une formule permettant de le concrétiser. Cette attitude devait trouver sa confirmation dans les circonstances qui influencèrent sa décision de créer ce secrétariat. L‘importance que Jean XXIII attachait à l’attitude que les communautés séparées adopteraient par rapport au concile ressort de ces quelque lignes. Son souci principal était  de les convaincre de se sentir concernées par ce futur événement ».

Le cardinal poursuit ensuite son discours: après une étude approfondie et une élaboration détaillée, le projet pour la création d‘ une commission pour l’unité des chrétiens fut soumis à Jean XXIII. Il est à préciser qu’à cette époque le titre de commission était reconnu uniquement aux organes qui s’occupaient du dépôt de la foi et de sa diffusion. Parler d’une commission pour l’unité, c’était donc ou bien considérer que cette unité était pratiquement retrouvée ou bien être de l’avis que les relations avec les autres communautés méritaient autant de recherches que les disciplines traditionnelles.

Ne voulant pas commettre d’imprudence, Jean XXIII accepta le projet, mais nomma l’organe secrétariat  et non commission et ceci dans le but de lui assurer une plus grande liberté de mouvement dans ce domaine nouveau et inhabituel.[57] La particularité de cet organisme fut son travail clandestin[58]. C‘est le cardinal lui-même qui nous en rend témoignage en déclarant au sujet d’une rencontre avec le secrétaire général du conseil œcuménique des églises à Milan : «  la situation et l‘extrême discrétion qui était alors indispensables  sont marquées par le fait que cette rencontre resta secrète pendant six ans et ne fut rendue publique qu’en 1966, non à la suite d‘ une indiscrétion, mais d’un commun accord ».[59] Il y eut d’autres  rencontres clandestines  dans les locaux du secrétariat à Rome.

A partir des témoignages du cardinal Bea, on peut conclure que Jean XXIII, dès le début, avait attribué au secrétariat une autre tâche que celle prévue par la motion  motu proprio Superno Die nutu. Ce secrétariat fut en fait son bras prolongé.[60]  Nous  verrons par la suite qu’il s’en servit pour s’imposer à la Curie Romaine qui voulait préserver le dépôt de la foi dans son intégralité[61]. Au début du concile, le secrétariat fut élevé au rang d’une commission,[62] mais contrairement aux autres commissions, ses membres ne furent jamais élus, mais désignés par Jean XXIII lui-même. Vu l’importance que Jean XXIII attribua à l’œcuménisme, les disciplines traditionnelles ne seront désormais plus que la spécialité catholique dans un contexte œcuménique.

En plus de la création du secrétariat pour l’unité des chrétiens, la nomination de quelque cardinaux qui formèrent par la suite l’alliance rhénane sont des faits concluants à partir desquelles ont peut reconnaître une volonté de donner à l’église une nouvelle identité.

L’alliance du Rhin.

Ne pouvant plus s’appuyer sur les institutions liées à la continuité, Jean XXIII fut obligé de se créer ses fidèles à lui en nommant cardinaux des prélats à qui il pouvait remettre le flambeau avec la certitude qu’ils le suivraient jusqu’au bout. Parmi les cardinaux qu‘il destina à cette fonction, il convient de noter les noms suivants: le Cardinal König de Vienne, promoteur et protecteur du père Karl Rahner et de Küng[63], le Cardinal Suenens de Malines (Belgique) qui déclara que Vatican II était le 1789 de l´église, le Cardinal Döpfner de Berlin et plus tard de Munich et bien entendu le Cardinal Montini de Milan. Les Cardinaux Frings (Cologne) et Liénart (Lille), deux cardinaux qui avait déjà occupé des postes sous les deux papes précédents, se joignirent à eux.  Tous ces cardinaux se profilèrent par un grand talent d‘organisation et une extrême discrétion, ce qui leur permit de contourner la méfiance de la Curie Romaine. Peu de temps avant l’ouverture du concile, ils formèrent une association connue sous le nom d´alliance rhénane dont les agissements au concile ont fait l’objet d’une étude du père Wiltgen intitulée „le Rhin se jette dans le Tibre“.

La plupart des membres de cette alliance provenaient du mouvement liturgique[64] ou avaient été en rapport avec lui. Leurs traits caractéristiques étaient:

1.      qu’ils avaient une conception opérationnelle de la foi,

2.      qu’ils ne voyaient que l’aspect opportun d´une règle qui leur était proposée,

3.      qu‘ils avaient subi l’influence du protestantisme,

4.      qu‘ils éprouvaient de l’animosité envers la pensée scholastique.

Leur but était de développer une stratégie qui leur permettrait d’assumer le contrôle du concile. La remarque que Saint Pie X fit au sujet de certains membres de l’église s’applique également aux évêques qui participèrent à cette alliance ainsi qu’à leurs experts.  « Pire que nos ennemis » disait ce grand pape, « car ce n’est pas hors, mais à l’intérieur de l´église qu‘ íls façonnent leurs plans, c’est au cœur de l´église que se situe le danger et le dommage est d´autant plus certain, qu’ils la connaissent bien[65] ».

Parmi les experts, un dominicain d´origine flamande, le père Edward Schillebeeckx se profila.[66]  Jean XXIIII avait ordonné que les schémas élaborés par la commission centrale soient envoyés aux pères conciliaires. Peu de temps après, les évêques hollandais se réunirent, invités par l‘évêque local à s´Hertogenbosch pour prendre connaissance des quatre premiers schémas intitulés, « les sources de la révélation, la préservation de la foi dans sa pureté, l‘éthique chrétienne, la chasteté dans le mariage et la famille, la virginité ». Les quatre schémas furent rejetés par eux et uniquement celui  sur la liturgie qui avait été élaboré par les progressistes trouva leur faveur.

Dans son appréciation, le père Schillebeeckx reprocha aux quatre schémas de refléter uniquement la pensée d’un courant dans l’église. Ce courant était bien entendu  identique à la doctrine catholique professée par les papes jusqu’à Jean XXIII. Sa proposition était qu’il valait mieux traiter le schéma sur la liturgie en priorité. Quant aux quatre autres schémas, le père se demandait s’il ne valait pas mieux les réécrire[67].  La proposition du père dominicain rencontra la faveur des cardinaux Alfrink, Frings et Liénart. Après que les présidents des diverses commissions eurent été reçus par Jean XXIII en audience privée, la décision tomba que le schéma sur la liturgie serait traité en priorité.

On doit reprocher aux traditionalistes d’avoir méconnu l’importance de la question liturgique. Cette réserve eut comme effet qu’ils abandonnèrent sans combat le terrain aux innovateurs. Entretemps les progressistes avaient pris dans ce domaine une telle avance qu’ils réussirent à prendre au dépourvu les traditionalistes. Ainsi la réforme liturgique fut votée pratiquement à l’unanimité. Ce n’est qu’après la réforme radicale de Paul VI qu’on commença à se resserrer pour préserver la messe de tous les temps.

La création du Secrétariat pour l’Unité des Chrétiens, la nomination de nouveaux cardinaux et la constitution de l’alliance rhénane termina la phase préparatoire du concile et le spectacle pouvait commencer.

Le crépuscule de l’autorité dans l‘église. 

Un pouvoir dissocié de sa mémoire.

Au début du discours par lequel Jean XXIII inaugura le concile Vatican II, on lit les paroles gaudet mater ecclesia. Ce discours peut être comparé à un fleuve vers lesquels différentes rivières ont convergé. Ainsi ce discours est l’aboutissement de plusieurs efforts qui ont entraîné l’église vers de nouvelles destinations. Il marque en même temps un tournant dans son histoire. Après ce discours rien n’a plus été comme avant, car en raison du pouvoir dont Jean XXIII était investi, ce discours est la promulgation[68] d’une volonté qui dégage des effets obligatoires[69] 

Mais ce discours fut avant tout un témoignage bouleversant de l’aliénation que Jean XXIII opéra pendant son pontificat entre le pouvoir pontifical et la tradition dont ce pouvoir était issu. Si Jean XXIII avait préparé son discours en puisant dans la longue tradition de l’église, il aurait parlé un langage familier aux fidèles attachés à la tradition. Mais Jean XXIII préféra  s’appuyer sur les pensées d’un Voltaire ou d’un Rousseau que le père du Lubac avait essayé d‘adapter au message chrétien. Ce choix généra chez lui des effets obligatoires qui n’étaient plus conformes à la tradition catholique et ne se seraient jamais produits s‘il  avait pris en considération l’enseignement de ses prédécesseurs en la matière. Ces effets sont par conséquent l’expression d’une conscience aliénée à son origine. Cette aliénation se manifesta dès son discours d’ouverture dans la banalité du langage dont il se servit.

Le choix d’un discours à la portée de Monsieur tout le monde.

En raison de sa capacité de produire des effets gênants, le banal peut être instrumentalisé en faveur du pouvoir. Il devient alors comparable à des œuvres musicales sans grande valeur artistique, mais dont certains virtuoses aiment se servir pour mettre en évidence leur talent. Jean XXIII maîtrisait ce type de virtuosité sur le plan rhétorique. Il s’en servit pour dénigrer ceux qui ne partageaient pas son optimisme chaque fois qu’il était à court d’arguments valables.                   

En se servant d’un langage banal, Jean XXIII a été logique avec lui-même. N’étant, pour des raisons de vaine gloire, pas prêt à sacrifier son besoin de s’identifier avec Monsieur tout le monde en faveur de la défense du patrimoine de l‘église, il en tira les conclusions qui s’imposaient.

Par son discours Jean XXIII voulait avant tout s’adresser aux personnes dont il cherchait l’admiration et qui pouvaient accorder à l’église postconciliaire la place qu’il voulait lui faire occuper dans le monde. Il fallait les rendre attentives qu‘en vue de réaliser une paix universelle et durable, la conciliation entre église et culture moderne étaient non seulement possible, mais carrément nécessaire. Il voulait leur prouver sa détermination  en se désolidarisant:

1. d‘une église isolée du monde, qui

2. s’arroge le droit de faire des prescriptions à tout le monde et dans ce but parle

3. son propre langage et non celui de tout le monde et de ce fait ne mérite                     

4. pas d’avantage de considération qu’un musée dont lui, Jean XXIII ne voulait pas être le gardien.

Jean XXIII commence son discours par une profession de foi dans l’issue du concile. Elle est marquée par son optimisme et en même temps par une prise de position en faveur des innovateurs. Il est significatif que Jean XXIII ne parle pas d’un retour à Dieu, mais d’un toujours plus grand nombre « d’individus, familles et les peuples, qui  tourneront leur esprit vers des choses célestes »[70]. « Ces choses célestes » sont pour Jean XXIII la sympathie et la considération mutuelle qu’il oppose au matérialisme utilitaire.  

Dans le but d’éviter d’émettre un jugement précipité, nous commencerons par analyser cette déclaration. Ontologiquement parlant il s’agit d’une anticipation d‘un futur dont Jean XXIII est persuadé qu’il sera conforme à sa propre vision. En même temps il propose des stratégies dont il est persuadé qu’elles sont en mesure de garantir la réussite de l‘exploit. Ce sont pour lui: « le respect de la personne humaine » ainsi qu’une « juste liberté culturelle et religieuse »[71]d’une part « des accords loyaux, généreux et justes » d’autre part.

Nous sommes à moins de six ans du déclenchement de la révolte de la jeune génération contre la tutelle du passé. L’aspiration des peuples à une participation responsable au progrès matériel, loin de donner les fruits qu’on espérait a abouti à une détérioration des conditions de vie des populations, en particulier de celles d’Afrique. Cette détérioration n’est pas uniquement due à l’exploitation démesurée de leurs richesses naturelles par des groupes économiques étrangers. Elle est aussi la conséquence d’une application irresponsable des principes en vigueur dans les sociétés industrielles, mais totalement étrangers à des communautés à caractère archaïque.

Une fois de plus Jean XXIII a fait preuve dans ses déclarations d’un excès d’optimisme. Du moment qu’il s’attend à des réalisations qui ne sont en aucune relation avec les possibilités réelles, ses attentes traduisent une attitude présomptueuse.[72] En effet, puisqu‘il s’agissait d’un but difficile à atteindre, elle reposaient [73]sur une surestimation des effets que les réformes voulues par lui allaient produire[74]

Tradition contre autorité.

On peut modifier les orientations en vigueur de deux façons: soit en introduisant des éléments complémentaires tout en maintenant le fond, soit en abrogeant celles en vigueur en les remplaçant par de nouvelles orientations. Vu sous cet angle, le pouvoir souverain reste l’élément immuable qui confère au sujet historique sa suprême dignité.  L’orientation tout en étant indispensable n’est pas immuable même si elle fait part du patrimoine de l‘église. Elle peut le devenir lorsque, par une déclaration solennelle, le Pape l‘élève au rang de dogme. Cette brève description nous montre que sur le plan du pouvoir au sens strict, sa modalité – conservatrice ou réformatrice – n’est pas un élément essentiel.

On reconnaît dans le discours de Jean XXIII la volonté de s’affirmer et de ne tolérer aucune contestation. En d’autres mots c‘est l’expression d’une volonté souveraine. Pour bien comprendre les dessous de l’attaque violente de Jean XXIII contre les pères du concile attachés à la tradition, il faut se rappeler les discussions préliminaires sur les divers schémas à soumettre aux pères du concile. Ces discussions avaient donné lieu à des affrontements violents entre les membres traditionalistes et ceux qui voulaient le changement. Jean XXIII, dont on connaît les sympathies, ne voulait pas renoncer à son rôle d’arbitre et agissait par conséquent toujours par personnes interposées. La plupart d‘entre elles faisaient partie du Secrétariat pour l’unité des chrétiens et étaient entièrement acquises à sa façon de voir[75]. Le Cardinal Ottaviani,[76] qui présidait la commission centrale, avait ainsi formulé sa position sur les rapports entre l’église et l’état:  « Il faut exposer la doctrine propre de l’église...... et non ce qui plairait aux a-catholiques. La constitution proposée par le secrétariat pour l’unité se ressent fortement des contacts pris avec les a-catholiques. C’est pourquoi on ne doit discuter que du texte de la commission théologique ». A son tour le Cardinal Bea[77] avait déploré le manque de collaboration entre la commission centrale et le secrétariat pour l’unité. Il fut soutenu par le Cardinal Suenens qui ajouta: « Pour que ce dialogue soit fructueux il faut qu’il soit fait entre égaux , dans la charité et la liberté, et non pas comme des suspects devant les juges. Nous éviterions ainsi le hiatus entre les diverses conceptions théologiques ».

Les traditionalistes qui contrôlaient la commission théologique étaient disposés à dialoguer sur le plan de l’application mais non sur les questions de doctrine. Ils s’appuyaient sur un discours que Pie XII avait prononcé à l’occasion du congrès des historiens, au cours duquel il avait fait une distinction très nette entre les relations souhaitables et les relations réalisables en déclarant: « L’église ne dissimule pas qu’elle considère en principe cette collaboration normale, et qu’elle regarde comme un idéal d’unité du peuple dans la vraie religion et l’unanimité d’action entre elle et l’Etat. Mais elle sait aussi que depuis un certain temps les événements évoluent dans l’autre sens, c’est à dire vers la multiplicité des confessions religieuses et des conceptions de la vie dans la même communauté nationale – où les catholiques constituent une minorité plus ou moins forte. Il peut être intéressant et même surprenant pour l’historien de rencontrer aux Etats-Unis d’Amérique un exemple parmi d’autres, de la manière dont l’Eglise a réussi à s’épanouir dans les situations les plus disparates[78] ». Le Secrétariat pour l’unité présidé par le Cardinal Bea, était de l’avis que cette déclaration ne reflétait qu’une sensibilité à l’intérieur de l‘église et sous prétexte d‘en exprimer une autre, il exigeait d’être mis sur un pied d’égalité avec la commission théologique. Cette prétention était contraire à la doctrine traditionnelle.

Il est utile de relever que les pères conciliaires qui réclamaient le changement provenaient de pays où les lignes de démarcation entre catholiques et non catholiques étaient moins prononcées que dans des pays catholiques. Dans ces pays, les catholiques avaient trouvé un modus vivendi qui leur avait permis de sortir de leur isolement. Ils avaient ainsi gagné en influence dans le domaine culturel et politique. Pour eux, les états qui se disaient catholiques, tels l’Italie, l’Espagne, ou le Portugal étaient un fardeau lourd à porter. Effectivement ils se sentaient exposés aux critiques de leurs concitoyens qui ne partageaient pas leurs convictions intimes. Ces derniers mettaient de ce fait en doute leur loyauté à l’égard des constitutions des états laïques. Il est fort probable qu’une grande partie des membres de la commission théologique, ignorant les options prises par Jean XXIII en faveur des rénovateurs, exprimèrent ouvertement leur point de vue et se mirent ainsi en désaccord avec les orientations que Jean XXIII voulait faire assumer à l’église. Sans le savoir, ils avaient donc contesté son autorité .

Compte tenu de ce qui précède, on doit conclure que Jean XXIII, pour s’affirmer, était en raison des options qu’il avait prises, obligé d’agir violemment contre les cardinaux attachés à la tradition. La seule façon de s’affirmer était de faire comprendre qu’il était et restait le maître du jeu. Il les mettait devant l’alternative de le suivre ou de le désavouer en essayant de changer le cours des événements. Pour ce faire il fallait donc que les cardinaux en désaccord avec Jean XXIII s’organisent pour faire élire par le prochain conclave un pape de leur choix.

Arrogance et présomption.

L’attitude présomptueuse de Jean XXIII est à l’origine de son agressivité et manque de charité à l’égard des catholiques attachés à la tradition. Jean XXIII est passé à l’histoire comme le pape bon mais fut-il aussi un bon pape? C’est par cette question que le Cardinal Oddi commence son étude où il oppose le mythe de Jean XXIII à sa personnalité réelle. Certes il avait une façon d’aborder les gens qui le rendait sympathique à tout le monde, mais ce n’était que l‘aspect d’une personnalité extrêmement complexe. Historien de formation, il avait gardé un sens très aigu du défi que représentent certains tournants de l’histoire pour la conscience de l’homme qui par sa situation est appelé à y jouer un rôle déterminant. Sa brève étude sur le Cardinal Baroni l’illustre très bien[79]. A côté de ces traits très attachants, il y a un aspect de sa personnalité qui ne cadre pas avec l’image du saint homme qu’il aurait bien voulu être. Par exemple ses paroles dénigrantes à l’égard des pères conciliaires qui voyaient dans ses démarches en faveur de l‘œcuménisme une menace pour l’intégrité de la foi.

Pour lui ce sont des gens « animés d’un grand zèle religieux mais incapables d’apprécier les choses à leur juste valeur et d’émettre des jugements sensés ». Il leur reproche ensuite de ne voir dans les temps modernes que des malheurs et de la prévarication et de parler constamment avec regret du passé comme si c‘était l’âge d’or perdu.

Jean XXIII était parti d’une intuition juste en affirmant qu’on assistait à un tournant de l’histoire et qu’il fallait répondre à ce défi. Au lieu de soumettre son intuition à un examen critique approfondi pour trouver les moyens qui permettraient de donner une réponse appropriée au défi que l’histoire avait lancé, il préféra s’abandonner à une rhétorique du banal en reprochant aux traditionalistes de n‘avoir tiré aucune leçon de l’histoire qui est pourtant la mère de la sagesse. Ils prétendent néanmoins qu’aux autres conciles – en ce qui concerne l’enseignement chrétien, les mœurs et la liberté chrétienne – tout avait été pour le mieux. Il conclut le passage en déclarant: « Il nous semble à avoir à nous désolidariser de ces prophètes de malheur qui ne font qu’annoncer des malheurs comme si le monde allait vers sa ruine[80]. »

Ce passage est d’une gravité extrême et mérite une attention particulière car il a généré des effets néfastes. La première constatation qui s’impose est sa gratuité. Il pouvait être omis sans que cela gêne la cause que Jean XXIII voulait défendre. Le deuxième aspect frappant est que ce n’est plus un bon pasteur soucieux du bien-être de ses brebis qui parle mais un innovateur animé d‘une profonde arrogance. Pour atteindre son but, il n’hésite pas à violer les préceptes de la justice qui exigent le respect de l‘honneur d‘autrui[81]. En effet les personnes visées par ce passage du discours n’étaient pas des simples curés du fin fond de l’Italie, mais des hommes d’église respectables et d’un haut niveau intellectuel parmi lesquels il y avait le Cardinal Ottaviani, canoniste de grande renommée, l’ancien Maître général des Dominicains, le Cardinal Browne, le Cardinal Siri en qui Pie XII avait vu son successeur ainsi que le Cardinal Ruffini de Palerme. Leur vue pessimiste de l’histoire s’appuyait sur des arguments solides qu’ils avaient puisés dans la tradition de l’église alors que Jean XXIII n’avait en dehors d’une rhétorique aucun argument valable à leur opposer.   

Pour compenser la pauvreté du contenu, Jean XXIII se sert du ridicule. D’après le philosophe allemand Nicolai Hartmann[82] une personne est ridicule lorsque, bien qu‘inférieure au monde qui l’entoure, elle se prend pour supérieure à lui. En raison de leur culture les personnes visées ne méritaient certainement pas un dénigrement comme celui que Jean XXIII leur adressa[83]. En tous les cas, ce passage fait ressortir d’une façon non équivoque que la bonhommie de Jean XXIII n’était en réalité qu’une apparence.

Malgré que, sur le plan formel, on ne puisse rien reprocher à Jean XXIII, le passage du discours que nous venons de commenter est, en raison des effets néfastes qu’il engendra, un véritable scandale. Depuis lors l’église est affectée d’une maladie chronique, ce qui signifie que son état est pathologique.

Une église à l’état pathologique.

En ridiculisant les membres de la hiérarchie attachés à la tradition, Jean XXIII priva en même temps l’église de son système d’immunisation, ce qui favorisa la pénétration d’idées modernistes dans l’église. Les pères Rahner, de Lubac, Küng, Congar, Chenu, Edward Schillebeeckx bénéficiaient de l‘appui des membres modernistes de la hiérarchie. Toutes ces personnes pouvaient désormais s’attaquer au patrimoine de l’église sans avoir à craindre de se voir infliger une sanction. Ce manque de respect pour le côté sacré du patrimoine a précipité l’église conciliaire dans une maladie chronique. Pie IX avait d’ailleurs déjà fait allusion à ce danger dans son encyclique Singulari quaedam du 9 décembre 1854[84]

Par son acte arbitraire, Jean XXIII a également causé aux fidèles attachés à la tradition un énorme dommage. En leur soustrayant leur point de référence qui était une hiérarchie capable de préserver le patrimoine de l’église, il les a plongés dans le plus profond désarroi. Ainsi que l‘a justement remarqué le Professeur May,[85]ce dommage ne fut pas la suite d‘une irruption naturelle, mais l‘œuvre d’un homme qui était incapable de maîtriser sa nature profonde pour la rendre bénéfique à l’église. Toute la suite du discours ne sera  qu’une mise en évidence de sa propre vision qui devait lui valoir l’admiration de Monsieur tout le monde.

En raison de la situation que Jean XXIII avait créée, on doit pouvoir mesurer les difficultés auxquelles tout fidèle s’expose lorsqu‘il veut envers et contre tout témoigner de son attachement à la foi de son baptême. Malgré que le discours soit d’une extrême pauvreté intellectuelle, il a exercé une influence sur le monde entier comme peu d’autres discours. Ce succès, il le doit à l’influence démagogique des moyens de communications qui contribuèrent largement à la confection et propagation du mythe du bon pape Jean. Jean XXIII exploita à fond cette opportunité pour annoncer au monde entier sa vision utopique de la société future.

A la recherche des hommes de bonne volonté.

Jean XXIII ne voulait plus être uniquement à la tête des catholiques, mais de tous les hommes de bonne volonté pour leur proposer la conciliation entre le message révélé et le monde moderne comme moyen incontournable pour réaliser une paix universelle et durable.

Il est tout à fait significatif que Jean XXIII ne parle plus du patrimoine de l’église, mais d’une doctrine qui serait devenue le patrimoine commun de l’humanité et que le concile allait annoncer[86]. Conscient que sur le plan de la doctrine une conciliation entre l’église et le monde moderne était exclue, Jean XXIII s’est tourné vers le domaine où il la croyait possible. C’était celui de la culture. Le monde culturel se situe entre le monde spirituel et le monde matériel dans le sens qu’il emprunte des éléments de part et d‘autre. Prenons l’exemple d’une œuvre comme la Passion selon Saint Mathieu de Bach. Elle appartient au monde matériel puisqu’elle consiste en un ordre de sons, mais en même temps elle appartient au monde spirituel en raison des significations qu’elle porte.

Il y a donc réciprocité entre le fond et la forme. C’est dans ce sens que Pie XII parlant de l’oeuvre de Fra Angelico[87] déclarait « qu’il avait su inculquer à ses contemporains les vérités de foi en les persuadant, à l’aide de la forme, de leur beauté ». La question qui se pose dans ce contexte est de savoir  si une culture, dans la mesure où elle exprime des contenus de foi possède la même immuabilité qu’eux..

Pie XII[88] s‘était prononcé sur cette question dans son allocution à l’occasion du congrès international des sciences historiques à Rome en 1955. Il reconnaît que l’église, « en raison de l’élément spirituel qui la caractérise, sa vie religieuse et morale » a exercé une influence puissante sur la culture « à tel point que si celle-ci venait à s’affaiblir, son rayonnement culturel lui aussi, par exemple celui qu’elle déploie au profit de l’ordre et de la paix sociale, devrait en pâtir[89]. Cependant pour lui l’église, en raison sa mission et de sa tâche pour tous les temps à venir et tous les hommes », n’est liée à aucune culture déterminée. Par conséquent, l’église, tout en jouant le rôle d’un principe actif dans le domaine de la culture, ne peut subir une quelconque contrainte de la part de la culture dans son activité. De son côté une culture, pour être assimilable au message de la révélation, ne doit pas s’opposer à la nature. En d’autres mots elle doit répondre à une exigence. Le cas échéant l’église « introduit en outre la vérité et la grâce de Jésus-Christ et leur confère ainsi une ressemblance profonde; c’est même par là qu’elle contribue avec plus d’efficacité à procurer la paix dans le monde »[90]. En résumé: dans son appréciation de la culture, Pie XII applique les règles de prudence en reconnaissant en dehors du domaine du message révélé un domaine qui lui est assimilable et un autre qui ne le lui est pas. 

Entre l’approche intellectuelle de Pie XII du phénomène de la culture et celle de Jean XXIII, il faut intercaler la pensée de Jean-Jacques Rousseau. Dans son Discours sur les sciences et les arts, Rousseau s‘était livré à une critique violente du raffinement culturel basé sur la contenance extérieure qui n’était pas toujours conforme aux  dispositions du coeur[91]  Le raffinement n’est aux yeux de Rousseau autre chose qu’une parure[92] qui empêche l’homme de déployer ses forces naturelles pour communiquer avec ses semblables[93]. Cette aversion contre le raffinement en tant qu’activité culturelle de l’esprit humain imprégna également l’attitude de Jean XXIII à l’égard de l’approche intellectuelle dont ses prédécesseurs avaient fait preuve à l’égard du monde moderne. Il considérait leur attitude négative comme le fruit d’un esprit trop raffiné qui avait perdu la capacité de reconnaître les signes à travers lesquels la Providence se manifeste dans l’histoire. Ce négativisme freine par conséquence l‘apport de l’église à l‘établissement d‘une paix universelle.

Pour bien mettre en évidence le tournant que cette ambition engendra, nous allons nous référer à un article de l‘éminent canoniste allemand Joseph Isensee[94]. Dans cet article, l’auteur fait allusion à un sermon de Jean Paul II où ce dernier avait rendu hommage à la révolution française en reconnaissant dans ses idéaux de liberté, fraternité et égalité des valeurs chrétiennes. Et Jean Paul II ajouta qu’il était conscient que ces valeurs avaient été proclamées par des personnes qui ne s’appuyaient pas sur une alliance entre la sagesse éternelle et les hommes. Toutefois leur intention ayant été de servir la cause de l’humanité, elles ont fini par faire part du patrimoine de l‘église.

L’exemple de Jean Paul II nous fournit ici une image plastique de l’ambition qui depuis Jean XXIII a animé tous ceux qui ont occupé le siège de Saint Pierre: être ceux qui, ayant fait assumer à l’église les valeurs du monde moderne, ont été capables de lui assurer sa place dans ce monde. Vu sous cet angle, la déclaration de Jean XXIII que son devoir « ne doit pas uniquement consister dans la  préservation de ce trésor précieux, comme si nous avions à nous occuper uniquement d’antiquités, mais de poursuivre avec joie et sans crainte l’œuvre que notre époque exige et poursuivre ainsi le chemin que l’église parcourt depuis vingt siècles » devient parfaitement intelligible. Elle manifeste en effet sa volonté d‘engager l’église à côté des autres hommes de bonne volonté en faveur d‘une culture de la paix, en lui fournissant des orientations appropriées.

C’est le père de Lubac qui inspira Jean XXIII et en particulier sa conception sociale de la dignité humaine qui fait d’elle un postulat. En vertu de ce postulat chaque homme qui en a pris conscience peut revendiquer sa place dans la communauté humaine où il sera lié à son semblable par un lien de solidarité et où il n’y aura plus de rangs sociaux. Jean XXIII ne voulait pas de discussions de fond sur cette question, car il savait pertinemment qu’elles auraient fini par mettre en doute le bien fondé de ses options. Afin d’éviter qu‘on vienne gêner ses ambitions par  des discussions théoriques, il décréta que le concile ne s’occuperait pas de définir des vérités de foi.[95].

Il justifia sa décision par un sophisme. Le texte original italien (en note) est ambigu et je vais tenter de le commenter en traduisant les principaux passages. Tout d’abord Jean XXIII parle des espoirs que « l’esprit catholique et apostolique du monde entier a placés dans l‘adhésion tranquille et sereine à l’enseignement intégral et précis de l’Eglise resplendissant dans les actes des Conciles de Trente et de Vatican I ». Il ne parle donc pas de l’enseignement comme tel, mais d’un événement qu’on voudrait qu’il se produise grâce à la reconnaissance de la doctrine catholique telle que fixée dans les actes de deux conciles. Or les espoirs ne sont pas nécessairement conformes à la réalité. En adhérant « à l’enseignement intégral et précis de l’Eglise resplendissant dans les actes des Conciles de Trente et de Vatican I » on se place dans une logique bien déterminée qui ne se laisse pas instrumentaliser en faveur de ses propres ambitions. On serait tenté de croire que c’est bien la pensée de Jean XXIII lorsqu’il déclare que cette adhésion doit permettre de faire « un saut en avant vers une pénétration doctrinale et une formation des consciences »[96]. Il affirme toutefois dans la phrase suivante le contraire en prétendant que cette « pénétration doctrinale et ... formation des consciences... doit se faire en parfaite correspondance et fidélité avec la doctrine authentique, qui cependant doit être étudiée et exposée à travers les formes de recherche et de formulation des temps modernes ». Cet équivoque peut cependant être levé si on tient compte que le terme doctrine authentique a une autre signification pour Jean XXIII que pour les conciles de Trente et Vatican I. Dans ce cas l’allusion à ces deux conciles ne remplit qu’une fonction statique. Ce sont pour lui des vérités de foi qu’il faut admettre mais qui ne doivent en aucun cas gêner la réalisation de ses projets. Par contre Jean XXIII entend par « doctrine authentique ...... étudiée et exposée à travers les formes de recherche et de formulation des temps modernes » les valeurs qui doivent permettre à l’église de s’affirmer dans le monde moderne. Si par conséquent il fait une distinction entre « l’ancienne doctrine du dépôt de la foi et..... ses formes d’expression dont un magistère où l’aspect pastoral est prévalent doit en tenir compte » il le fait uniquement pour justifier de ne pas s’être tenu, dans son appréciation du monde moderne, à l’enseignement de ses prédécesseurs.

Pour Jean XXIII l’église est une réalité historique exprimant la façon dont le message de la révélation a été perçu par les hommes d’une époque déterminée. C’est cette réalité historique qu’il veut transformer en générant une nouvelle façon de percevoir le message. En stratège exceptionnel, Jean XXIII était conscient d’être à l’avant-garde avec sa pensée. Il fallait donc amener les fidèles à modifier leur conscience pour devenir attentifs aux signes du temps afin qu’ils prennent acte de leur propre responsabilité par rapport à la contribution qu’ils avaient à donner au développement des relations humaines. C’était pour Jean XXIII la nouvelle façon de témoigner sa piété dont il fallait savoir distinguer la substance de la forme d‘expression historique. L‘adapter aux exigences du monde d’aujourd’hui signifiait pour lui se rendre compte des effets qu’elle pouvait produire en raison de son dynamisme intrinsèque.[97].

Jean XXIII parla ensuite de l’attitude par rapport à l’erreur en constatant que par le passé l’église avait souvent condamné les fausses opinions avec une extrême sévérité. A cette pratique il veut opposer sa conception de la miséricorde qui est une autre instrumentalisation d’une notion du répertoire dogmatique classique et plutôt une profession de foi dans la bonté naturelle de l’homme qui est à l’opposé de la conception traditionnelle de la miséricorde.

Celui qui est miséricordieux, au sens traditionnel, se sent affecté par la misère d’autrui[98]. La misère signifie d’après Saint Thomas d’Aquin[99] subir des contraintes indésirables. C’est dans ce sens que vont les paroles de Saint Anselme de Canterbury[100] décrivant la situation de l’homme après sa chute. « Qu’a-t-il perdu » demande le Saint et il répond: « il a perdu le bonheur pour lequel il avait été créé et trouvé le malheur pour lequel il n’avait pas été crée ».

Il y a donc toujours à l’origine d’un acte de miséricorde une situation de défaillance à laquelle il convient de remédier en portant secours. Elle n’exclut cependant pas la condamnation d’opinions fausses et perverses dans la mesure où d‘après les paroles de Pie IX[101] « leur but principal est d’empêcher et d’écarter cette force salutaire dont l’église catholique, en vertu de l’institution et du commandement de son divin Fondateur, doit faire usage jusqu’à la fin des siècles ».I Dans ce contexte il est intéressant de noter que Juan Roa Dávila[102], juriste espagnol de la contre-réforme, justifie l’extension de la puissance du Souverain Pontife aux affaires temporelles en ayant recours à une situation où les fidèles seraient empêchés de pratiquer leur foi.

En fidèle disciple de Rousseau, Jean XXIII ne pouvait consentir à cette conception, car pour lui, l’homme, dans la mesure où il s’acceptait lui-même, ne pouvait agir à son détriment. Il fallait donc faire preuve de miséricorde en exposant de façon transparente le fond de la vraie doctrine au lieu de procéder par des condamnations. Sa déclaration que certaines doctrines fallacieuses incontestables  ont donné des résultats tellement catastrophiques que les hommes commencent à les repousser d’eux-mêmes tombe dans la logique de sa confiance dans la bonté naturelle de l’homme. L’insistance sur le mot miséricorde est pour Jean XXIII un moyen de contourner la condamnation du communisme athée[103]. La raison de cette abstention était l‘engagement qu’il avait pris à l’égard de Moscou pour obtenir la participation au concile d’observateurs orthodoxes.

En témoignant sa confiance dans la bonté naturelle de l’homme, Jean XXIII est arrivé à la conclusion que l’homme n’a plus besoin de faire un effort sur lui-même pour se convertir à la vérité et au bien, car il les possède déjà en lui et il  doit uniquement en prendre conscience. C’était perdre de vue la réalité historique et de ce fait abandonner le réalisme qui a toujours fait partie de l’identité catholique. Cette perte de réalisme se retrouve dans l’image de l’église future qui coïncide avec l’unité du genre humain que Jean XXIII présenta dans la dernière partie du discours.

La vision utopique d’une future communauté humaine.

Pour Jean XXIII c’est la conscience qui est importante, car c’est en elle que l’idée maîtresse du message de la révélation doit aboutir à son pleine épanouissement en se transformant en conscience universelle du genre humain unifié.

En raison de son optimisme opiniâtre, Jean XXIII s’efforce d‘instrumentaliser la réalité historique en faveur de son utopie. L’expérience historique, dit-il, a enseigné aux hommes que l’utilisation de la violence, la course à l‘armement et la domination politique ne sont pas les bons moyens pour résoudre les problèmes dont l’humanité est affligée.[104] C’est envers elle que l’église doit, à son avis, se comporter en mère aimant tous ses fils, pleine de miséricorde et de bonté même à l’égard des fils séparés d’elle[105]. Son enseignement lui permet d‘être l’essor capable de les orienter vers la construction d’une communauté humaine animée par la charité qui fera régner la concorde, la juste paix et l’union fraternelle.[106] Jean XXIII développe ici une pensée apparentée à celle qui est à l’origine de la charte des Nations-Unies. Elle a fait dire à l’éminent canoniste allemand Hans Barion[107] que l’église considérée d’après la parole du prophète ,Signum levatum in nationes (Jes.11,12) proclamée par Vatican I avait été réduite à Signum Conformatum Nationibus Unitis de Vatican II.

Jean XXIII admet que l‘unité en question ne pourra atteindre sa perfection sans l’acceptation de la vérité dans son intégralité. Néanmoins et malgré que cette unité n‘ait  pas encore atteint  sa perfection, l’église entend la promouvoir afin que s’accomplisse le mystère de l’unité que le Seigneur à la veille de sa Passion a invoquée. Cette déclaration n’a qu’une fonction statistique car ce qui importe à Jean XXIII est de constater que la prière commence à générer des effets bénéfiques même auprès des croyants qui se trouvent en dehors de l’église. « C’est », dit-il, « comme si elle dégageait un triple rayon de lumière bénéfique capable de générer trois diverses formes d’unité, celle des catholiques entre eux qui doit toujours rester solide, l’unité dans la prière et dans les désirs ardents avec les communautés externes à l’église mais  souhaitant s’unir à elle, et finalement l’unité dans le témoignage de respect et d’estime des religions non chrétiennes »[108]. Si on déchiffre bien les paroles de Jean XXIII, on y découvre que son aspiration porte sur une société où l’unité se fonde sur l‘absence d’antagonismes. Cette unité peut se réaliser sans qu’il y ait celle des sacrements, de la doctrine et du magistère. C’est elle que le concile se propose à promouvoir en tant qu’unité du genre humain[109]. C’est alors que la cité humaine sera, à l’avis de Jean XXIII, le reflet de la cité céleste.

Pour terminer nous devons nous poser la question si ce discours, malgré sa non-conformité avec la tradition catholique est néanmoins un discours catholique. Si on assume la position de Jean XXIII, qui a été reprise par ses successeurs, que la substance d’une doctrine n’est pas identique à ses modes d’expression, on peut affirmer que, puisqu’il ne nie aucune vérité de foi, il n’est pas contraire à la doctrine catholique. On est alors obligé d’admettre que les modes d’expressions ne sont rien d’autres que des réponses aux exigences d’une situation historique. Bannir pour toujours les conflits armés était à l’époque de Jean XXIII une aspiration à laquelle une grande partie de la société humaine aspirait et de ce fait une exigence historique.

On peut toutefois refuser la façon de voir de Jean XXIII en s’appuyant sur Pie IX, qui dans une lettre à l’archevêque de Munich avait insisté sur l’aspect continuel de l’enseignement de l’église en déclarant[110]: « Cette fausse opinion que l’on s’est faite porte atteinte à l’autorité même de l’Eglise, puisque c’est l’Eglise elle-même qui, pendant tant de siècles successifs, non seulement a permis que l’on cultivât la science théologique d’après la méthode de ces Docteurs et selon les principes consacrés par l’accord unanime de toutes les écoles catholiques, mais a en outre donné bien souvent les plus grands éloges à leur science théologique et l’a fortement recommandée comme offrant le meilleur moyen de défendre la foi, et les armes les plus terribles contre ses ennemis ». Et Pie IX[111] poursuivit son discours en précisant: « il ne suffit pas aux savants catholiques d’accepter et de respecter les dogmes de l’Eglise dont nous venons de parler, mais ils doivent en outre se soumettre soit aux décisions doctrinales qui émanent des congrégations pontificales, soit aux points de doctrine qui, d’un consentement commun et constant, sont tenus dans l’Eglise comme des vérités et des conclusions théologiques tellement certaines, que les opinions opposées, bien qu’elles ne puissent être qualifiées d’hérétiques, méritent cependant quelque autre censure théologique ». Le Pape entend par cela les vérités de foi qui sans avoir été assorties de l’anathème font cependant partie du patrimoine de l’église puisqu’elles découlent des vrais principes. Quant aux opinions opposées bien qu’elles nient pas explicitement des vérités élevées au rang de dogmes leur valeur se reconnaît néanmoins aux effets qu’elles produisent. C’est la raison pour laquelle le pape demande aux fidèles, « de suivre religieusement les règles constamment observées dans l’église ». Pie IX dit ici ce que ses successeurs jusqu’à Jean XXIII ne cesseront de répéter: pour exprimer le message que Dieu a voulu révéler aux hommes, il y a des formes d’expression qui s’y prêtent et d’autres qui ne s’y prêtent pas. L’adéquation est le rapport entre signification et signifié. Elle s’obtient par le choix des moyens.

L’étude approfondie des tragédies d’Eschyle peut nous amener à la connaissance de la finitude humaine. Parler de finitude c’est aborder le problème de la condition humaine à laquelle chaque homme en tant que sujet historique est soumis. Cette connaissance peut être un  premier pas vers la révélation dans le sens que c’est en premier lieu à l’homme en tant que sujet historique qu‘elle s’adresse. Elle peut donc nous rendre plus réceptifs pour répondre à l’appel de Dieu sans jamais nous procurer la grâce qui est un don de Lui. Par contre un évolutionnisme optimiste comme celui professé par le père Teilhard de Chardin ne pourra jamais nous rendre réceptifs pour le mystère du sacrifice de notre Seigneur sur la croix. On peut donc conclure que le mode d’expression tout en admettant une certaine liberté, ne peut, d’après l’enseignement traditionnel de l’église, en aucun cas être abandonné à la discrétion de Monsieur tout le monde même lorsqu’il se trouve à la tête d‘un magistère de prévalence pastoral.

Lu à la lumière de l’enseignement de Pie IX, le discours de Jean XXIII représente une nouveauté dans l’église qui ne se laisse pas intégrer dans l’enseignement traditionnel. Sa conséquence logique fut une rupture dans la façon de penser et d’agir du magistère. Cette rupture a affecté l’identité catholique au point de la rendre méconnaissable. Pour décrire cette métamorphose nous laisserons la parole à Carl J.Burckhardt[112] qui fut l’ambassadeur de Suisse à Paris pendant la même période qu‘Angelo Giuseppe Roncalli y était le nonce apostolique et qui, l’ayant bien connu, a confectionné de lui le portrait suivant: „Il possède l’habileté de l’homme du monde et aurait pu diriger une société multinationale; c’est un Bergamasque plein de bonnes intentions et d’une fourberie toute paysanne. Sa piété est solide, mais plutôt limitée; tandis qu’il semble que son bon sens – de premier abord précis, mais vu de plus près pas très rigoureux – l’amène à méconnaître la valeur de certaines contraintes anachroniques spécifiquement catholiques. La croyance aux miracles et la piété à l’égard du sacré ne sont pas son affaire. Il est un rationaliste qui croit en Dieu, aspirant pieusement à servir la cause de la justice sociale, prêt à tendre la main à tous ceux qui servent des causes  semblables de quel camp qu’ils soient, même opposé. Il a assimilé sans en être conscient, bien des idées du 18ième siècle, dans une atmosphère qui prolonge celle du Risorgimento. Il est bon, ouvert, plein d’humour, très éloigné du Moyen-âge chrétien; en passant par les „philosophes“ français, il est arrivé aux mêmes conclusions que les Réformateurs, sans leur passion métaphysique. Il va introduire beaucoup de changements, et après lui, l’église ne sera plus la même. Peut-être qu’en fin de vie, il apprendra à craindre. Mais il reste aimable et admirable“.

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[1] necessitas recte dicitur, quod est inculpabilis et irreprehensibilis. In Metaphys. V/VI, 831

[2] necessitas magis meretur veniam quam increpationem ibd.

[3] Quia non  inculpamur nisi de his quae voluntarie facimus, de quibus etiam rationabiliter increpamur. Necessitas autem violentiae est contraria voluntati et excogiationi, ut dictum est; et ideo rationabilius dicitur, quod violentia non sunt culpabilia. ibd. 

[4] Voir à ce sujet : Alberto Melloni : Crisi et ritardi, la preparazione di ciò che è stato Vaticano II, dans atti del convegno su : Il concilio tra storia e profezia, Vercelli, 15 Maggio 1999, 13 svv.

[5] Ita ut licet sit in potestate legislatoris velle ferre aut non ferre, non tamen sit in eius potestate velle legem ferre et in consicentia non obliget. Suarez SJ De Legibus III/XXII, 2

[6] Voir à ce sujet: Michel Simoulin: Jean XXIII et l’œcuménisme, IIIe Congrès Théologique d’Albano Laziale, 1998

[7] Voluntas enim superioris, quocumque modo innotescat, est quodam tacitum praeceptum.

S.Theol.II-II.104.2.c

[8] Vatican II et la pensée moderne, dans: La religion de Vatican II, Etudes théologiques, Premier Symposium de Paris 2002, 23

[9] Voir la lettre à tous les cardinaux, dans DICI No:85, 1 svv.

[10] ibd.

[11]  <<possiamo tutti trovare le migliori ragioni per sottolineare le differenze di razza, cultura, religione o educazione. I cattolici, in particolare, amano distinguersi dagli <<altri“: fratelli ortodossi, protestanti, ebrei, mussulmani, credenti o non credenti di altre religioni>> ...<<Cari fratelli e figliuoli! .. io debbo dirvi che, alla luce del Vangelo e del principio cattolico, questa è una logica falsa. Gesù è venuto ad abattere queste barriere; Egli è morto per proclamare la fraternità universale; il punto centrale del suo insegnamento è la carità, cioè l’amore che lega tutti gli uomini a Lui come primo die fratelli, e che lega lui con noi al padre.  Cité par Luigi Villa: Anche Giovanni XXIII beato? 67

[12] De intima coniunctione Ecclesiae cum tota familia gentium. Denzinger 4301

[13] Et quo pacto, rogamus, unum idemque fidelium Foedus participent homines qui contrarias in sententias abeunt. Ut, exempli causa, sacram Traditionem genuinum esse divinae Revelationis fontem, qui affirmant et negant? Ut qui ecclesiasticam hierarchiam, ex episcopis,presbyteris atque ministris constantem, censent divinitus constitutam, et qui asserunt pro rerum temporumque condicione pedemptim inductam? Qui in Sanctissima Eucharistia per mirabilem illam panis et vini conversionem, quae transsubstanitatio appellatur, reapse Christum adorant, et qui ibi corpus Christi tantummodo per fidem vel per signum ac virtutem Sacramenti adesse affirmant. Mortalium Animos, AAS, Vol.XX,  No: 1, étant donné que l’édition No: 37. du Denzinger de l‘année 1991, ne reprend pas ce passage, nous nous sommes servis d’une édition publiée à Bruxelles en 1987 par Jacques Tescelin

[14] Idolkult und Gotteskult 13, Oeuvres complètes, Regensburg/Stuttgart 1974

[15] Gravissimum educationis momentum 1, texte français cite dans: J. Deretz –A. Nocent O.S.B.Synopse des textes conciliaires, sous la rubrique: droit à l’éducation, 365

[16] Ad gentes 8, texte français cite dans: J. Deretz –A. Nocent O.S.B.Synopse des textes conciliaires, sous la rubrique: fraternité

[17] voir à ce sujet chapitre VIII intitulé : Le rejet du schéma <<de fontibus>> dans Philippe Levillain : La mécanique politique de Vatikan II, 231 svv.

[18] sur ce conflit voir: Agostino Paravicini Bagliani: BonifaceVIII un pape hérétique 328 svv.

[19] Ibd. 330

[20] Denzinger 3116

[21] Voir à ce sujet: Abbé Bruno Schaeffer: La „profanation“ de l’état d’après les théoriciens du droit naturel au 16ième siècle, dans: christianisme et laicité, 64 svv.

[22] Dum vero id temere affirmant, haud cogitant et considerant, quod libertatem perditionis praedicant. Quanta cura 6

[23] nunquam deesse poterunt, qui veritati audeant resultare, et de humanae sapientiae loquicitate confidere. ibd.

[24] Et quoniam ubi a civili societate fuit amota religio, ac repudiata divinae revelationis doctrina et auctoritas, vel ipsa germana justitiae humanique juris notio tenebris obscuratur et amittitur ibd.

[25] Entrez dans l’espérance 242 svv.

[26] cité par Adrian Loretan (Professeur de droit canon au séminaire de Lucerne (Suisse) dans une étude intitulée: Ne plus faire partie de l’église, est-ce une affaire privée? (Ist der Kirchenaustritt Privatsache 133-134,) dans: Jenseits der Kirchen, Analyse und Auseinandersetzung mit einem neuen Phänomen in unserer Gesellschaft, NZN Buchverlag). L’article s’appuye sur des adnotations journalières du secrétaire privé de Jean XXIII, Mgr. Loris Capovilla se rapportant aux dernières neuf semaines du pontificat de Jean XXIII du début avril 1963 au 3 juin (lundi de Pentecôte), date de sa mort. Elles ont été publiées sous le titre: Giovanni XXIII, Quindici letture, Roma 1970, à cette déclaration se réfère également à l’article paru dans « si si no no », XXIV, no: 10, du 31.05.98 intitulé: La tremenda colpa di Giovanni XXIII.

[27] Paul Ricoeur: Finitude et culpabilité, Tome II, La symbolique du Mal 32

[28] Temeritas porro non uno et simplici modo intelligitur. Temere enim ea quandoque fieri dicimus, quae non consilio, sed fortuito geruntur  Locis theologicis 12.c.10

[29] Quaedam enim sunt catholicae veritates, quae ita ad finem pertinent, ut his sublatis, fides quoque tollatur. Quas nos usu frequenti, non solum catholicas, sed fidei veritates appellavimus. Aliae veritates sunt etiam ipsa catholicae et universals, nempe quas universa Ecclesia tenet, quibus licet eversis fides quatitur, sed non evertitur.

[30] VII/No:4  (1930), 385 sv.

[31] ibd. 387

[32] pour la version intégrale de cette intervention voir: Irenikon, Tome XXXVI, No:1 1er trimestre 1963, 129-132

[33] ibd.

[34] ibd.

[35] Entrez dans l’espérance 221

[36] Cent ans de modernisme, Généalogie du concile Vatican II, 306 svv.

[37] Catholicisme 8

[38] Toutefois, si un tel malentendu a pu se produire, et s’enraciner; si un tel reproche est courant, n’y a-t-il pas de notre faute? ibd. 10

[39] ibd.

[40] ibd. 10-11, vgl. voir également l’explication du cardinal J. Ratzinger dans Theologische Prinzipienlehre 50.

[41]  Le drame de l’humanisme athée, 16

[42] ibd. 19

[43] Ibd.

[45] Dispositio non facit aliquid ad formam effective, sed materialiter tantum, inquantum perdispositionem materia efficitur congrua ad rerceptionem formae. S.Thomae: De Ver. 28.8. 5.

[46] R.Garrigou-Lagrange O.P.: La synthèse thomiste, 670

[47] Non nascondo, perciò, il mio disappunto quando, il 20 dicembre 1999, Giovanni Paolo II emise il Decreto in cui riconosceva ufficialmente le „virtù eroiche“ (?) die Giovanni XXIII, come queste che lui elencava: promosse l’ecumenismo; inizio un nuovo atteggiamento verso il mondo ebraico; creo il Segretariato per l’unità die cristiani, ecc. Come si si vede, sono „virtù“ di un genere nuovo, perché prima, nel passato si parlava, invece, di Fede, di Speranza, di Carità, ecc. Ora, questo nuovo elenco di „virtu“, non poteva non suscitare in me delle perplessità, die dubbi, diesospetti....Anche Giovanni XXIII „beato“?, lettera aperata all’Episcopato, 5 ff. Brescia 2000

[48] Per questo, Eccellenza, io intendo manifestare alla Santa Sed la mia volontà e la mia richiesta affinché Papa Giovanni XXIII non abbia a ricevere gli onori di una „beatificazione“ per nessuna ragione legittima. Ibd. 75

[49]  (2/2001)

[50] La mémoire, l’histoire, l’oubli 537

[51] voir.: G.Alberigo: Die Ankündigung des Konzils, in Geschichte des zweiten vatikanischen Konzils, Bd I, 3 ff  (ed.: G.Alberigo), Don Luigi Villa: Anche Giovanni XXIII „beato“? (28 sv.)

[52] Peccatores possunt quidem esse bene consiliativi ad aliquem finem malum, vel ad aliquod particulare bonum. S.Theol.II-47.13.ad 3

[53] Journal de l’âme (version allemande), 333 traduit par nous-mêmes

[54] Jean XXIII, regard critique sur une beatification, dans Certitudes : No :3

[55] ibd.

[56] Der Ökumenismus im Konzil - Öffentliche Etappen eines überraschenden Weges, Freiburg i. Brsg. 1969.  43, traduction française faite par nous-mêmes.

[57] ebd.

[58] Voir: La „Dei Verbum“ frutto del „Concilio parallelo“ di papa Giovanni: l’azione insidiosa del Segretariato di Bea, in: si si no no, Anno XXVII, no: 15/4ff.

[59] ibd. 49

[60] voir. A. Ricciardi: Die turbulente Eröffnung der Arbeiten, in: G.Alberigo (Hg): Geschichte des Zweiten Vatikanischen Konzils, Bd:II 52 ff.

[61] Voir J.A. Komonchak: Der Kampf um das Konzil (1960-1962), in Giuseppe Alberigo:Geschichte des Zweiten Vatikanischen Konzils, Bd.I, 297 ff.

[62] Voir: Franz Schmidberger: Das Konzil und die Protestanten 6 ff, 

[63]Concernant l’influence du père Rahner au concile voir: Heinz-Lothar Barth: Keine Einheit ohne Wahrheit, 72sv.

[64] voir. Franz Schmiedberger: Das Konzil und die Protestanten 5

[65] Enimvero non is a veritate discedat, qui eos Ecclesiae adversarios quovis alio pernicisiores habeat. Nam non hi extra Ecclesiam, sed intra, ut diximus de illius pernicie consilia agitant sua: quamobrem in ipsis fere Ecclesiae venis atque in visceribus periculum residet, eo securiore damno, qui illi intimius Ecclesiam norunt. Pascendi dominici gregis, traduction française faite par nous-mêmes.

[66] The Rhine flows into the Tiber, a history of Vatikan II, 22 ff. traduction française faite par nous-mêmes

[67] If you are of the opinion that the following commentary requires more time for study and reflection, it might be well to request of the Council Presidency that schemas V, VI and VII should be treated first, and only afterwards the first four. In a second remark, he went even further: „One might well raise the question whether it would not be better to rewrite the first four schemas completely. Ibd. 23

[68] Lex debet esse manifesta, id est, publice proposita ut ab omnibus legi possit vel audiri, et hoc modo erit conditio magis essentialis F.Suarez: De legibus I;XI, 1

[69] quia ut lex plene constituta sit, oportet ut habeat efficaciam obligandi ibd. 3

[70] Étant donné que le texte semble avoir été rédigé d’abord en italien et ensuite traduit en latin nous donnons ci-après les deux textes: Italien: illuminata dalla luce di questo Concilio, la Chiesa, com’è Nostra ferma fiducia, si ingrandirà di spirituali ricchezze e, attingendovi forza di nuove energie, guarderà intrepida al futuro. Infatti, con opportuni aggiornamenti e con il saggio ordinamento di mutua collaborazione, la Chiesa farà si che gli uomini, le famiglie, i popoli volgano realmente l’animo alle cose celesti. Cité dans: Alden Hatch, Un uomo chiamato Giovanni (433) Latin:  Huius ergo Concilii lumine illustrata, Ecclesia spiritualibus divitiis, ut confidimus, augebitur atque, novarum robur ex illo hauriens, intrepida futura prospiciet tempora. Nam opportunis inductis emendationibus ac mutua auxiliatrice opera sapienter instituta, Ecclesia efficiet, ut homines, familiae, nationes reapse ad ea, quae supra sunt, mentes convertant. AAS Vol LIV (788)

[71] ibd. 808-809

[72] Praesumptio videtur importare quaqndam immoderantiam spei S.Theol.II-II.21.1

[73] Spei obiectum est bonum arddum possibile. Ibd.

[74] Possibile autem est homini aliquid dupliciter: uno modo, per propriam virtutem; alio modo, non nisi per virtutem divinam  ibd.

[75] Voir: Pierre Marie O.P.: L’église et l’état, Le sel de la terre N° 39, (74 svv.)

[76] ibd. (77)

[77] (107 svv.)

[78] A.A.S.Vol. XXXXVII (679)

[79] Il s’agit d’une conférence que le jeune Angelo Roncalli avait tenue le 4 décembre 1907 au Séminaire de Bergamo. Elle fut rééditée une nouvelle fois en 1961 par Edizione di Storia e Letteratura, tandis que en 1963 parut sous la responsabilité du Professeur Kaegi, titulaire de la chaire d’histoire de l’Université de Bâle une traduction allemande qui fut éditée par la maison Johannes à Einsiedeln/Suisse.

[80] Nell’esercizio quotidiano del Nostro ministero pastorale Ci feriscono talora l’orecchio suggestioni di persone, pur ardentidi zelo, ma non fornite di senso sovrabondante di discrezione e di misura. Nei tempi moderni essi vedono che prevaricazione e rovina;; vanno dicendo che la nostra età, in confronto con quelle passate, è andata peggiorando; e si comportano come se nulla abbiano imparato dalla storia; che pure e maestra di vita, e come se al tempo die Concilii Ecumenici precedenti tutto procedesse in pienezza di trionfo dell’idea e della vita christiana, e della giusta libertà religiosa.

A Noi sembra di dovere dissentire da codesti profeti di sventura, che anunziano sempre eventi infausti, quasi che incombesse la fine del mondo. Le texte latin se trouve dans: A.A.S. A.A.S. LIV – Series III. Vol. IV (788 sv.)

[81] obiectum iniustitiae est aliquid inaequale: pro scilicet attribuitur plus vel minus quam competat. S.Theol.II-II.59.2

[82] Aesthetik 424ff

[83] contumelia importat dehonorationem alicuius. Cum enim honor aliquam excellentiam consequatur, uno modo aliquis alium dehonorat cum privat eum excellentia propter quam habet honorem.  

S.Theol. II-II.72.1.

[84]Ita quidem rejecta Ecclesiae auctoritate diffiicillimis quiibusque, reconditisque quaestionibus latissimus patuit campus, ratioque humana infirmis suis confisiribus licentius excurrens turpissimos in errores lapsa est, quos hic referre nec vacat nec iubet, quippe vobis probe cognitos atque exploratos, quique in Religionis et civilis rei detrimentum illudque maximum, redundarunt. Ibd. 338 Elles forment la base de l’article 13 du Syllabus où est condamné la déclaration que la méthode scholastique ne répondait plus au progrès des sciences: Methodus et principia, quibus antiqui Doctores scholastici excoluerunt, temporum nostrorum necessitatibus scientiarumque progressui minime congruunt. Denzinger 2913

[85] Die Krise der nachkonziliaren Kirche und wir, 6, Wien 1979

[86] Il XXI Concilio Ecumenico – che si avvarrà dell’efficace e importante somma di esperienze giuridiche, apostoliche e amministrative – vuole trasmettere pura e integra la dottrina, senza attenuazioni o travisamenti, che lungo venti secoli, nonostante difficoltà e contrasti, è divenuta patrimonio commune degli uomini. Op. cit. 436

[87] AAS XXXXVII (289).

[88] Ibd. 672

[89] ibd. 680

[90] ibd.

[91] (4).

[92]  La richesse de la parure peut annoncer un homme opulent, et son élégance un homme de goût: l’homme sain et robuste se reconnoît à d’autres marques; c’est sous l’habit rustique d’un laboureur, et non sous la dorure d’un courtisan, qu’on trouvera la force et la vigueur du corps. La parure n’est pas moins étrangère à la vertu, qui est la force et la vigueur de l’âme. L’homme de bien est un athlète qui se plaît à combattre nu; il méprise tous ces vils ornements qui gêneroient l’usage de ses forces, et dont la plupart n’ont été inventés que pour cacher quelque difformité ibd. 4 svv.

[93] La nature humaine, au fond, n’étoit pas meilleure; mais les hommes trouvoient leur sécurité dans la facilité de se pénétrer réciproquement; et cet avantage, dont nous ne sentons plus le prix, leur épargnoit bien des vices ibd. (5) svv.

[94] Die katholische Kritik an den Menschenrechten. Der liberale Freiheitsentwurf in der Sicht der Päpste des 19. Jahrhunderts, (138 svv.) Publication de l’Institut des Sciences humaines sous le titre de: Menschenrechte und Menschenwürde sous la résponsabilité de Ernst-Wolfgang Böckenförde et Robert Spaemann,

[95] Il <<punctum saliens>> di questo Concilio non è, quindi, la discussione di questo o quel tema della dottrina fondamentale della Chiesa, in ripetizione diffusa dell’insegnamento die Padri o die Teologi antichi e moderne il quale si suppone smpre ben presente e familiare allo spirito. Alden Hatch: op.cit. 436

[96] Dalla rinnovata, serena e tranquilla adesione a tutto l’insegnamento della Chiesa nella sua interezza e precisione, quale ancora splende negli atti Conciliari da Trento al Vaticano I, lo spirito cristiano cattolico ed apostolico del mondo intero, attende un balzo innanzi verso una penetrazione dottrinale e una formazione delle coscienze, in corrispondenza piú perfetta di fedeltà alla autentica dottrina, anche questo però studiata ed esposta attraverso le forme della indagine e della formulazione letteraria del pensiero moderne. Hatch: op.cit. 437

[97] le Concile n’énonce pas premièrement un enseignement doctrinal et magistral mais entend d’abord exprimer l’attitude pratique dans le monde contemporain Jean-Marc Rulleau: Modernisme et Catholicité, 13

[98] Quid est autem misericordia nisi alienae miseriae quaedam in nostro corde compassio, quae utique si possumus subvenire compellimur.  S.Augustini: De Civitate Die, IX/V

[99] Et ideo e contrario ad miseriam pertinet ut homo homo patiatur quae non vult.

S.Theol.II-II.30.1.

[100] O misera sors hominis, cum perdidit ad quod factus est. O durus et dirus casus ille! Heu, quid perdidit et quid invenit, quid abscessit et quid remansit. Perdidit beatitudinem ad quam factus est, et invenit miseriam propter quam factum non est.  Proslogion I/1 

[101] Quae falsae ac perversae opiniones eo magis detestandae sunt, quod eo potissimum spectant, ut amovetur et impediatur illa vis, quam catholica ecclesia, quam catholica Ecclesia ex divini sui Auctoris institutione et mandato. Libere excercere debet usque ad consummationem saeculi. Quanta cura 8 décembre 1864

[102] Ex quibus infertur datam quoque esse potestates Pontificibus a Christo ad haec annexa, etiam temporalia, quia illa spiritualis fidelium gubernatio fieri non potest, nisi hoc concesso. Nam nisi auferas impedimenta maxiam adversus fidem et Dei cultum, non potest plebs fidelis ad bonum adduci. Et ideo si infideles inoboedientes et schsimatici, fideles subditos vel vicinos opprimant vel pertrubent, non potuerunt fideles quiete cum sanctitate servire Domino, et debiliores periclitabantur in fide et in virtute. De regnorum iustitia, I, III,1

[103] voir. Gianni Baget Bozzo: Il futuro del catholicesimo (100 sv).

[104]  Ciò che piú conta, l’esperienza ha loro appreso che la violenza inflitta altrui,la potenza delle armi, il predominio politico non giovano affatto per una felice soluzione die gravi problemi che li travagliano. Op. cit. 438 svv.

[105][105] La Chiesa Cattolica, inalzando per mezzo di questo Concilio Ecumenico, la fiacola della verità religiosa, vuol mostrarsi madre amorevole di tutti, benigna, paziente, piena di misericordia e di bontà, anche verso i figli da lei separati. Ibd. 438

[106] La Chiesa, cioè, agli uomini di oggi non offre ricchezze caduche, non promette una felicità solo terrena; ma partecipa ad essi i beni della grazia divina, che elevando gli uomini alla dignità di figli di Dio, sono validissima tutela ed aiuto per una vita più umana; apre la fonte della sua vivificante dottrina, che permette agli uomini illuminati dalla luce di Cristo di ben comprendere quel che essi veramente sono, la loro eccelsa dignità, il loro fine; ed inoltre, per mezzo die suoi figli, essa estende dappertutto l’ampiezza della carità cristiana, di cui null’altro maggiromente giova a strappare i semi di discordia, e nulla è piú efficace per favorire,l la concordia, la giusta pace e l’unione fraterna. Op. cit 439

[107] Hans Barion: Weltgeschichtliche Machtform? in: Epirrhosis 13-59, Festgabe für Carl Schmitt, Berlin 1968

[108] E grandemente poi si allieta, quando vede che tale invocazione estende la sua efficacia con frutti salutari anche fra coloro, che son fuori del suo grembo. Anzi, a ben considerare questa stessa unità, impetrata da Cristo per la sua Chiesa, sembra quasi rifulgere di un triplice raggio di superna luce beneficà: l’unità die cattolici fra di loro, che deve conservarsi esemplarmente saldissima; l’unità di preghiere e di ardenti desideri, con cui i cristiani separati da qujesta Sede Apostolica aspirano ad essere uniti con noi; infine l’unità nella stima e nel rispetto verso la Chiesa Cattolica, da parte di coloro che seguono religioni ancora non cristiane. Ibd. 439

[109] Questo si propone il Concilio Ecumenico Vaticano II, il quale, mentre aduna insieme le migliori energie della Chiesa e si sforza di far accogliere dagli uomini piú favorevolmente l’annunzio della salvezza, quasi prepara e consolida la via verso quell’unità del genere umano, che si richiede quale necessario fondamento, perchè la Città terrestre si componga a somiglianza di quella celeste. Ibd.

[110] Tuas libenter, du 21 décembre 1863 (499). Qui est à la base de la proposition 13 du Syllabus

[111] ibd. 503

[112] Carl. J. Burckhardt-Max Rychner: Briefe 1926-1965, S. Fischer, traduction française faite par nous-mêmes.