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CAPITAL : Lettre ouverte solennelle des fidèles aux quatre évêques de la FSSPX

http://www.virgo-maria.org/articles/2006/VM-2006-10-10-A-00-Appel_aux_quatre_eveques_de_la_FSSPX.pdf


Qui et Pourquoi, depuis la mort de Mgr Lefebvre en 1991, a détourné la finalité surnaturelle de l’OPERATION-SURVIE des sacres de 1988, pour assigner à la FSSPX ce FAUX objectif prioritaire de la «ré-conciliation» avec la Rome conciliaire
(en fait la «ré-conciliarisation» de la FSSPX) ?

Qui a, depuis 2000, PROMU, et Pourquoi, le FAUX préalable de l’autorisation de la messe de Saint Pie V ?

Pourquoi n’a-t-on pas posé la VRAIE question du rétablissement du VRAI Sacerdoce de VRAIS prêtres, ordonnés par des Evêques VALIDEMENT sacrés selon le rite VALIDE des Saints Ordres ?

Qui a INVENTE, et POURQUOI, le faux préalable de la levée des «excommunications» ?

Pourquoi n’a-t-on pas posé la VRAIE question de l’abrogation de Pontificalis Romani INVALIDE de 1968 et du rétablissement du vrai rite de la consécration épiscopale VALIDE d’avant 1968?

A quoi servirait-il, en effet, de faire dire le VRAI rite de la messe par de FAUX prêtres ?

Serait-ce donc qu’après avoir obligé de VRAIS prêtres à dire une FAUSSE messe, l’on veuille désormais faire dire la messe du
VRAI rite par de FAUX prêtres ?

Serait-ce que l’on veuille «concilier» les VRAIS prêtres qui disent encore la VRAIE messe avec un clergé aussi INVALIDE que le
FAUX CLERGE ANGLICAN ?


Gaude, Maria Virgo, cunctas hæreses sola interemisti.

(Tractus Missæ Salve Sancta Parens)

vendredi 8 août 2008

Ce message peut être téléchargé au format PDF sur notre site http://www.virgo-maria.org/.

Débat au sein du Rabbinat

sur la position par rapport à l’église conciliaire

[1]

Une lettre ouverte en mars 2008 du Rabbin Brand à l’adresse du Rabbin Bernheim, récemment élu à la tête du consistoire à Paris, et auteur d’un ouvrage[2] dialogué (« Le rabbin et le cardinal ») avec le pseudo « cardinal » « Primat des Gaules », Monsieur Barbarin.
Il est significatif que le Rabbin Brand parle de « nouvelle Eglise » au sujet de l’église conciliaire.

בס''ד

Lettre ouverte au Rabbin Gilles Bernheim[3],

Brand Yéhiel Paris, Mars 2008

J’ai lu avec beaucoup d’attention l’ouvrage que vous avez écrit avec le cardinal Philippe Barbarin, Le rabbin et le cardinal[4]. Vos positions sur plusieurs sujets m’ont interpellé et posent problème, c’est pourquoi je souhaite développer un certain nombre de remarques sur ce livre. Cette démarche critique rejoignant finalement la vôtre[5], d’autant que vous déclarez vous-même appartenir à l’école des pharisiens[6].

Les réflexions qui vous amènent aujourd’hui à favoriser un rapprochement avec le monde chrétien, ainsi que votre revendication d’une participation de l’Eglise et de la Synagogue à un combat commun afin d’agir pour le respect et l’efficacité des lois de civilisation, sont-elles conformes à l’interprétation de nos Sages ?

Même si votre inquiétude au sujet d’une déjudaïsation de bien des juifs ne peut que rencontrer mon approbation, ce rapprochement intime est-il utile et prudent ?

Je vous propose d’examiner des questions essentielles, sur lesquelles on ne peut laisser planer une quelconque ambiguïté :

1) Le bien fondé d’une ré-judaïsation par un enseignement chrétien.

2) La réintégration de Jésus comme compagnon du judaïsme, abstraction faite de la christologie.

3) La définition juive de l’idée hérétique.

4) Le Messie et le messianisme.

5) La Résurrection, l’Eucharistie, le christianisme comme religion révélée.

6) La position actuelle de l’Eglise sur les lectures bibliques, et l’utilité du dialogue.

7) Les chrétiens font-ils partie du peuple élu ?

8) Les ‘Houkims et l’intention pour les mitsvoth.

1) Le bien fondÉ d’une rÉ-judaÏsation par un enseignement chrÉtien.

Vous vous souciez de l’incroyance qui menace de déjudaïser bien des juifs (p. 107), inquiétude que je partage. J’adhère à votre propos qui souligne qu’un juif doit toujours trouver de nouvelles ressources intellectuelles et spirituelles, par la confrontation avec un autre qui le questionne[7], afin de rompre ses habitudes[8] et d’approfondir ses propres convictions. Mais selon vous, il semble indispensable que cet autre provienne de l’extérieur de notre tradition, en l’occurrence un frère catholique[9]. Pour ma part, je ne pense pas que ce détour soit nécessaire, le questionnement d’un frère juif pouvant probablement suffire[10], alors qu’un enjeu spécifique se greffera avec le frère catholique, du fait de sa volonté, consciente ou non, de m’inculquer sa lecture de la religion. Vous ne semblez pas craindre cette dérive et souhaitez même ardemment que les juifs entendent un enseignement chrétien[11].

Nos Maîtres en revanche, lorsqu’ils se penchent sur le christianisme, affirment au contraire qu’il s’agit d’en réfuter ses enseignements[12]. En effet, plusieurs centaines de discussions entre des chrétiens et nos rabbins, rapportées dans le Talmud et le Midrash de façon concise, contiennent des objections pertinentes[13].

Bien plus encore, les Sages ont érigé une barrière à ce propos, en affirmant qu’il ne faut pas étudier le christianisme pour approfondir sa connaissance en Thora, «de peur de se faire mordre par le serpent»[14]. Rabbi Eliezer regrette d’ailleurs amèrement d’avoir éprouvé du plaisir à un ‘‘hidouch qu’un adepte de Jésus rapportait au nom de son Maître[15].

Vous dites avoir ouvert les Evangiles pour la première fois à l’âge de vingt ans, pendant les 18 mois de vos études à Jérusalem dans une école talmudique, et vous décrivez vos sentiments, vos réticences et vos peurs[16]. Votre père n’a jamais prononcé le mot Jésus (p. 29), à l’instar des autres juifs croyants qui s’éloignaient du christianisme, et la raison essentielle de ce tabou était, selon vous, la crainte de la conversion et de la persécution[17]. Or, ce risque serait aujourd’hui dépassé[18].

Avant vous, d’autres ont raisonné de la sorte, et le résultat n’a guère été concluant. En réalité, ni eux, ni vous n’avaient considéré le risque du rapprochement avec les chrétiens sous l’angle de la crainte des conversions sans qu’il n’existe précisément aucune persécution. L’histoire a confirmé amplement que les conversions sans la contrainte ont hélas eu cours, à l’instar des ouailles de M. Mendelssohn et de milliers d’autres. Ainsi depuis deux siècles déjà, en Europe ou aux Etats-Unis, nombreuses ont été les conversions, ou à tout le moins l’abandon des mitsvoth, sans pour autant avoir été consécutives à des persécutions. Ceci fut souvent le cas dans le passé chez des gens incultes, et même chez une figure de proue de l’antiquité[19].

En fait, il apparaît que le Talmud n’évoque pas l’interdiction de franchir la barrière et de frayer avec les chrétiens par crainte de persécutions, mais bien à cause de la portée séductrice que cette nouvelle foi pourrait exercer sur les juifs[20].

Le problème est que par un élan, authentique ou fardé, de reconsidérer les devoirs du cœur[21] et l’amour de l’autre comme noyau central du judaïsme, et en mettant l’accent exclusif sur le D-ieu d’amour[22], le christianisme permet aux juifs d’alléger la pratique du judaïsme, et les incline à se défaire du joug des mitsvoth, tout en estimant être en phase avec la tradition de leurs pères.

Le rapprochement avec les chrétiens ouvre ainsi la voie aux mariages mixtes, par identification à des valeurs fondamentales, ou à l’abandon des mitsvoth pour d’autres raisons, professionnelles par exemple. Pour d’autres encore, des mal-aimés ou des arrivistes, leur conversion leur fera espérer de l’honneur, puisque le monde chrétien accorde souvent de hautes distinctions aux transfuges.

Les repères sont aussi brouillés, en rendant indistinct le clivage majeur et définitif, qui contraint les juifs à accomplir ce qu’ils sont. Certains, cherchant simplement à faire partie de la société environnante, sans souffrir d’un quelconque stigmate, se positionneraient facilement dans une forme de légitimité.

2) La rÉintÉgration de JÉsus comme compagnon du judaÏsme, abstraction faite de la christologie.

Pour vous, l’éloignement des juifs du christianisme et de Jésus fut principalement le fait de la christologie, qui avait fait de Jésus un personnage céleste. Aujourd’hui, après Auschwitz, l’Eglise l’ayant ré-humanisé, les juifs pourraient ainsi le réintégrer comme compagnon du judaïsme[23]. Ainsi donc, tout ce que l’âme humaine possède de force spirituelle était en Jésus, porté à un degré d’intensité inconnu chez tout autre. Jésus aurait interprété la Thora selon les règles rabbiniques de façon à ce qu’aucune autorité rabbinique ne puisse le taxer d’hérétique (p. 106). Selon vous, la faute en incombe à l’Eglise (et non à Jésus), qui a voulu dessaisir les juifs de la Thora[24].

Plusieurs possibilités s’offrent à nous pour nous forger une image de Jésus, celui-ci ayant vécu il y a plus de deux mille ans. Soit nous nous référons au témoignage du Talmud, soit à celui des Evangiles. Soit nous abandonnons ces deux approches et inventons une vision personnelle :

- En ce qui concerne le Talmud, il désavoue clairement vos affirmations. Pour lui, Jésus a perverti les juifs avec des hérésies[25]. Il rapporte encore que les Rabbins de la plus prestigieuse académie talmudique de Babylonie souhaitaient à leur Maître qu’il ne se trouve pas parmi ses fils ou ses élèves quelqu’un comme ce Jésus, qui brûlait son mets en public. Cela veut bien dire qu’il enseignait des hérésies[26]. Le Talmud[27] témoigne que les Rabbins le connaissent bien : dans sa jeunesse, son Maître l’excommunie avec 400 sons de corne de bélier[28] ; et plus tard, ils le condamnent, comme la Thora le stipule, à la lapidation et la pendaison. Or les seuls cas où elle prescrit la pendaison sont l’idolâtrie et le blasphème[29].

A supposer que nous ne trouvons rien dans les Evangiles qui corrobore les affirmations du Talmud, je crois savoir que vous vous en remettrez aisément aux avis des Docteurs du Talmud, en raison de leur recherche de vérité, de l’exactitude de leur témoignage, de la valeur de chaque mot et de chaque virgule. Parallèlement, vous reconnaissez la faible valeur des témoignages des Evangiles[30].

Il est possible qu’en écrivant ce livre, vous n’aviez pas à l’esprit ces textes talmudiques. Il est aussi possible que vous préféreriez ignorer ces témoignages du Talmud, afin de ne pas verser de l’huile sur le feu, et de ne pas enflammer les antisémites qui accusent les Rabbins de l’avoir condamné et exécuté ; ainsi les juifs au moyen-âge furent réduits à une attitude de retenue. Dois-je alors déduire que vous pensez ne pas pouvoir dialoguer avec franchise, en considérant vos interlocuteurs incapables de réviser leurs préjugés dignes d’un autre âge ? Et pourtant, vous défendez l’avis qu’une nouvelle ère entre juifs et chrétiens est arrivée.

- Examinons maintenant la façon dont, d’après les Evangiles, les juifs contemporains de Jésus considèrent le personnage. Ce que l’on lit manifestement, c’est que les Sages, ainsi que la majorité du peuple juif, considèrent ses paroles comme blasphématoires[31]. Beaucoup le considèrent comme un fou, un possédé[32]. Sa propre famille ne croit pas en lui[33]. Seule la populace, qui ne connaît pas la Loi, a foi en lui[34]. Ses plus grands disciples sont des illettrés[35]. Les chefs des Cohanim, ainsi que les pharisiens, le considèrent comme un imposteur[36].

Pour sa part, Jésus s’identifie sans aucun doute à un prophète juif, et même au plus grand d’entre eux. Mais vous admettez pourtant que la «méthode» de Jésus est contradictoire avec la tradition juive. Lorsqu’on vous demande : Qu’est-ce qui dans la prédication de Jésus pouvait choquer des juifs pratiquants, respectueux de la tradition, comme l’étaient les Pharisiens ? (P. 121), vous répondez : «Pour les Pharisiens, cette autorité était essentiellement saisie à travers la loi et ses préceptes, même si l’expérience religieuse, spirituelle, voire mystique est consubstantielle à la pratique des rites. Pour Jésus au contraire, l’autorité de D.ieu était ressentie dans une expérience immédiate»[37].

Selon la tradition pharisienne, cette expérience immédiate ne peut pas, sans le truchement de la Loi, c’est-à-dire des Docteurs eux-mêmes, émaner de D-ieu. Et il est évident qu’un prophète ne peut être en contradiction avec les enseignements des Sages. Ainsi, à la lumière de la lecture juive de la Bible, vous savez bien que ses prophéties sont des leurres. Vous devez alors adhérer à la conviction des pharisiens, qui ne pouvaient l’accepter comme prophète[38]. Et comme je l’ai déjà indiqué au début de cette lettre, vous vous reconnaissez comme faisant partie des pharisiens.

Il semble alors qu’il vous faille en tirer les conséquences et partager l’avis de ces juifs de l’époque, pour qui il est tout simplement un faux prophète, ou qui le considèrent comme un insensé. Il aurait peut-être donc fallu répondre à votre interlocuteur : Celui qui se déclare prophète et ne l’est pas, commet un sacrilège impardonnable et mérite effectivement la mort, conformément à la sentence de la Torah elle-même (Deut. 13,6).

Pourtant, vous ne semblez pas d’accord avec l’accusation portée contre lui de blasphème, et la justification de sa condamnation à mort par les juifs, pourtant vus par les Evangiles et par le Talmud. Pourquoi donc n’en épousez-vous pas la logique? Par simple diplomatie ? Pourquoi jugez-vous que le Talmud, ainsi que les juifs représentés par les Evangiles, aient été inconséquents, et injustes ?

Le point crucial est que si vous n’adhérez pas à l’idée de la dimension céleste de Jésus, il vous faut nécessairement, du fait de son discours même, admettre que les expressions rapportées en son nom par les Evangiles[39] témoignent qu’il souffrait d’un délire de reconnaissance. Quand vous attribuez à Jésus des forces spirituelles extraordinaires, vous jugez alors que son cas n’est pas vraiment pathologique. S’il est une force spirituelle, il n’est pas malade, puisque la maladie est un trouble et une faiblesse. Mais la manière dont vous envisagez son cas : Tout ce que l’âme humaine possède de force spirituelle était, en Jésus, portée à un degré d’intensité inconnu chez tout autre, ne fait plus du tout cas de la justification juive, qui voit légitimement en lui un pur état de trouble mental[40].

Pour bâtir l’image que vous lui attribuez, vous niez de fait les témoignages du Talmud, autant que les représentations des Evangiles. Mais pouvez-vous vous abstraire, sans y prendre garde, ou sans prévenir, de la position des pharisiens eux-mêmes ? L’opération ne vous paraît-elle pas extrêmement pernicieuse, et sous couvert d’ouverture et de dialogue, déroge à l’enseignement légué par nos Sages ?

3) La dÉfinition juive de l’idÉe hÉrÉtique.

Comme nous l’avons noté plus haut, vous pensez que selon les règles rabbiniques, aucune autorité juive ne peut déclarer les paroles et les actes de Jésus, ainsi qu’ils sont rapportés dans les Evangiles, comme hérétiques. Qu’entendons-nous par hérésie ?

Selon la tradition des Rabbins pharisiens que vous déclarez suivre, Moshé Rabbénou a écrit le Pentateuque dans son entier, dicté par D-ieu, qui lui explique aussi la signification du texte : c’est la Michna[41]. Sans elle, aucune mitsva ne pourrait être appliquée convenablement. Par exemple : D-ieu dicte à Moshé d’écrire les mots : mettez des phylactères entre vos yeux, et Il lui explique que les phylactères sont des boîtes carrées, fabriquées avec de la peau d’animaux cachers. Dans ces boîtiers se trouvent des parchemins, sur lesquels figurent certains passages du ‘Houmach, et ces boîtes seront attachées par des lanières noires, placées au-dessus du front. Moshé transmet la mitsva au peuple et elle est appliquée par tout le peuple. Le même schéma s’applique à toutes les mitsvoth[42]. Ces traditions forment la plus grande partie du corpus juif. L’immense majorité des détails de la loi orale transmise ont un appui dans le texte, une quelconque allusion : c’est le drach, l’herméneutique. D-ieu transmet aussi les règles du drach à Moshé[43], et celui-ci écrit en outre que les lois de la Torah, écrite ou orale, ainsi que les règles herméneutiques, ne peuvent être abolies, même par un prophète[44].

Bien que les troubles politiques, un siècle avant et après la destruction du deuxième Temple, provoquent des controverses sur certains détails de la loi, et qu’il est difficile de réunir tous les rabbins pour trancher les débats, il est capital de reconnaître que les sujets controversés ne concernent que des détails autour des limites de la loi. Pour sa plus grande partie, aucun doute véritable n’a jamais vu le jour[45].

Après l’exil des dix tribus, le roi assyrien installe à Shomron des peuplades non juives venant de Kout[46] et leur désigne un Cohen qui les initie au judaïsme de façon superficielle[47]. Le Tribunal d’Ezra décrète la séparation entre les juifs et ces peuplades[48]. Certains juifs, probablement ceux qui fréquentaient ces Samaritains, élaborent alors des thèses pour mettre en doute la tradition elle-même : la Thora ne serait pas écrite par Moshé Rabbénou dans son intégralité, ce n’est pas D-ieu qui la lui aurait dictée, la loi orale ne serait que l’œuvre des rabbins, qui auraient également inventé les règles herméneutiques. Tout devient donc sujet à discussion, à modification, à adaptation. Les Rabbins pharisiens et la grande majorité du peuple savent que ces nouvelles thèses sont fondamentalement fausses et les taxent d’hérétiques[49].

Après ce petit préambule, considérons ce que vous écrivez, à savoir qu’aucune autorité n’a pu établir les prêches de Jésus comme hérésie : «Pour Jésus comme pour tout juif croyant, la Bible hébraïque est l’unique Ecriture sainte. Et nous l’interprétons, lui comme nous, selon les règles rabbiniques - étant entendu que chaque phrase de la Bible, comme le dit le Talmud, est susceptible de soixante-dix interprétations, et qu’il n’y a aucune autorité juive pour donner valeur de dogme à une seule exégèse, et taxer d’hérésie les soixante-neuf autres» (p. 106).

Je voudrais attirer votre attention sur le fait que les soixante-dix interprétations ne concernent pas la pratique de la loi ; celle-ci est soumise à des règles strictes, ainsi que nous l’avons démontré. Les refuser est bien une hérésie. Comme nous l’avons rapporté, les rabbins du Talmud pensent que Jésus en refuse certaines. Les Evangiles semblent même le confirmer. De fait, nous voyons que Jésus justifie une transgression du Shabbat, alors qu’il n’y a pas de danger de mort[50]. Bien que l’ignorance de la différence entre le cas d’un danger ou non ne serait pas à proprement parler une hérésie, mais plutôt la marque d’un ‘am ha’aretz, un inculte, en revanche sous le couvert de la «prophétie», le refus de cette distinction devient, quant à lui, une parfaite hérésie[51].

Or, cette deuxième hypothèse est confirmée[52], du fait que Jésus justifie son pouvoir de modifier la loi du sabbat sous le prétexte qu’il est le fils de l’homme,- expression récurrente dans sa bouche pour exprimer qu’il est le prophète et même le messie.

Les Rabbins le connaissent et savent dans quel esprit et dans quel contexte ces paroles, et encore beaucoup d’autres cités dans les Evangiles, sont prononcées. Ils le rejettent, sachant sans aucun doute qu’il deviendra une référence de tous les mouvements déviationnistes.

Vous indiquez (p. 112) que malgré ses expressions rien de ce qui pénètre dans l’homme ne peut le rendre impur, ou encore, le Shabbat est fait pour l’homme et non l’homme pour le Shabbat, Jésus n’abolit pas pour autant sa pratique religieuse. Cela nous amène à une remarque : on peut pratiquer le judaïsme, tout en étant l’instigateur, ou le catalyseur, des mouvements qui cherchent par la suite à le détruire. Nous apprécierons alors la faculté d’anticipation des Rabbins contemporains de Jésus.

Penchons-nous encore sur vos citations à propos des sadducéens, des pharisiens et de Jésus : «Jésus accompagne et soutient son peuple, le voyant abandonné, souffrant et n’ayant plus accès à la culture ni aux biens matériels. Récusant certains Pharisiens et les Saducéens qui ne se soucient guère des classe populaires, Jésus se fait le défenseur, au nom de la loi, des pauvres, des opprimés, et des laissés-pour-compte» (p. 190).

Le fait que les Saducéens ne se soucient point des classes populaires, est un fait établi par Flavius Josèphe et par le Talmud. En ce que concerne les Rabbins pharisiens, les Tanaïm, que leur mémoire soit bénie, on peut lire : «L’homme ne dira pas : aime (aide, rapproche, cherche le bien être) les rabbins et déteste (prive de l’aide, ne cherche pas le bien être) les élèves, aime les élèves et déteste les ignares et illettrés, mais : aime tous et déteste seulement les traîtres et les hérétiques, qui te détourne de ta religion»[53].

Flavius Josèphe témoigne quant à lui que les Rabbins appliquaient ce conseil. Ils soutiennent le peuple, et celui-ci les aime, s’attache à eux et les admire pour leur étude et leur comportement admirable et humain[54]. Le Talmud foisonne de témoignages dans ce sens. En fait, les Rabbins faisaient l’impossible afin que le peuple ait accès à la culture et au bien-être matériel[55], malgré des conditions difficiles à cause des crimes des despotes - juifs, demi-juifs ou non juifs - aidés par la clique des saducéens.

Pour ce qui est de votre vision chaleureuse sur Jésus, vous êtes contraint de vous appuyer sur les témoignages des Evangiles[56]. Le Talmud[57] pour sa part semble seulement stipuler que Jésus ne veut pas que les nations malmènent les juifs, mais qu’il recherche, d’après sa façon de penser, leur bien.

Finalement, votre analyse et votre description de Jésus laissent entendre que vous pensez qu’il s’agit là d’un personnage historique, et pas seulement de l’image idéalisée qu’en proposent les Evangiles. Mais le problème est double, d’un coté vous ne faites pas cas du témoignage de nos Maîtres et semblez les rendre inexistants, et d’autre part vous accordez un plus grand crédit à la représentation chrétienne. Enfin, nous avons montré que même dans cette hypothèse, le judaïsme rabbinique considère bien le personnage comme un hérétique.

4) Le messie et le messianisme.

Sur ce sujet, il est regrettable que certaines de vos réponses n’aient pas été sans équivoque. A la question fondamentale du pourquoi les juifs n’ont pas reconnu Jésus comme leur Messie, vous répondez : «Parce que dans le judaïsme, il n’y a jamais eu de rupture entre D-ieu et le genre humain, rupture qui aurait nécessité une médiation, un tiers entre l’homme et D-ieu… (p. 130)».

Il conviendrait de répondre de manière franche[58], comme les juifs de tout temps, à l’instar du Rambam[59], du Ramban[60] et de tous les autres Richonim, ainsi que l’a formulé courageusement le rabbin Choucroun[61]. A savoir que le messie régnera à Jérusalem, avec le Temple reconstruit, que les juifs accompliront toute la Thora, telle que Moshé Rabbénou l’a léguée, et telle que les Rabbins pharisiens l’ont transmise. Puisque Jésus n’a en rien accompli ces prophéties, il n’est évidemment point le messie.

On vous demande encore[62] ce que représente le messianisme dans votre religion et quel regard vous portez sur la notion de miséricorde. Après une petite glose sur la miséricorde, vous en venez au messianisme : «Pour certains kabbalistes, la miséricorde se confond parfois avec la grâce et n’est pas sans lien avec le messianisme. Un messianisme alors non plus conçu comme l’attente d’une apothéose qui se produirait au terme d’un temps linéaire et continu, mais comme la possibilité sorte de grâce donnée à chaque instant du temps- de l’avènement du nouveau. En ce sens l’instant acquiert une qualité messianique. Pour les juifs, chaque seconde devient alors la porte étroite par laquelle peut entrer le messie».

Cette réponse s’apparente à un faux-fuyant et ne répond pas au fond de la question.

A la question du comment concilier l’amour de la vie et l’attente du Messie, vous répondez : «Tout dépend de l’idée que l’on se fait de l’attente du Messie. Un Maître du ‘hassidisme, rabbi Meïr de Przemyshlan, ne parlait pas des signes annonciateurs de la venue du Messie en termes de catastrophe ou d’apothéose. Il y voyait plutôt un temps qui n’a aucune royauté à rétablir, aucun trône à restaurer, aucun titre de propriété à faire valoir, un temps qui ne cache pas d’épée dans le pli de sa tunique ! Sa fonction n’est pas d’opposer une force à la force, mais plutôt de substituer au triomphe des plus forts le doute et la précarité, de tordre le cou à l’éloquence et à la bonne conscience des vainqueurs. Ce temps qui, selon lui, annonce la venue du Messie exprime à sa manière le doute quant aux vérités toutes faites et le doute sur soi-même… C’est dans la vie pleinement vécue, dans l’histoire qui continue à se faire que se prépare la venue du Messie… (p. 143)».

Ce texte décrit le «comment vivre l’attente du messie», mais il est indéniable que ce maître croit en la définition traditionnelle du messie à l’instar de tous les Maîtres qui l’ont précédé.

En ce qui concerne la question de savoir si le messie oppose la force à la force, il semble vrai que le messie n’utilise pas ses mains[63], et il est établi qu’il règne avec son esprit et sa bouche[64] ; il pourra utiliser la force[65] si la situation l’exige, contre des nations qui viendraient sur la terre d’Israël pour y chasser les juifs[66].

Votre opinion sur les actes et la foi à l’époque du messie ne manqueront pas d’étonner.

Présentons ainsi deux conceptions :

A) A l’époque du messie, les juifs et les non juifs n’appliqueront pas les mêmes actions : les juifs tout ce que la Thora leur a prescrit[67], à travers l’intelligence prophétique[68], et les non juifs les 7 mitsvoth et leurs dérivés[69]. C’est sans doute l’opinion des Rabbins pharisiens.

B) Le monde entier appliquera une seule religion, une espèce de syncrétisme.

Et voilà ce que vous écrivez : «S’il nous était permis de parler en toute révérence de l’intention divine qui apparaît dans l’éducation religieuse de l’humanité, ne pourrions-nous dire que les deux religions étaient peut-être nécessaires pour l’accomplissement de cette intention ? En nous tenant toujours dans les limites de ce plan, nous pourrions dire que judaïsme et christianisme ont leur place dans l’œuvre d’élévation et de spiritualisation de l’humanité : le christianisme, comme agent immédiat de cette œuvre, le judaïsme, pour sauvegarder des éléments religieux qui devaient trouver leur application «quand la multitude des Gentils serait entrée», en d’autres termes, quand le monde serait prêt pour les accueillir (P. 246)».

Quels sont ces éléments religieux du judaïsme qui trouveront leur application dans le futur, et par qui la trouveront-ils?

S’il s’agit des mitsvoth propres au judaïsme, alors elles ne seront appliquées que par les juifs, et cela sans attendre l’époque où le monde sera prêt pour les accueillir.

S’il s’agit encore des mitsvoth universelles que le christianisme n’a pas intégrées et qui ne sont sauvegardées qu’au sein de la loi juive, pourquoi alors réduisez-vous le judaïsme au simple statut de sauvegarde de ces éléments ?

En ce qui concerne la nécessité du christianisme dans le dessein divin, les juifs considèrent que l’un de ses aspects a été donné par D-ieu, qu’Il avait prescrit à toutes les nations, à travers Adam, Noé et Moshé. Les autres domaines, que Jésus et Paul ont ajoutés, ne viennent pas de D-ieu, et ce n’est sûrement pas parce qu’une catégorie d’individus n’a pas accepté les uns sans les autres qu’il nous serait permis d’affirmer le christianisme comme nécessaire.

Et cela est aussi vrai pour la foi, je vous cite : «Sa responsabilité[70] pour l’humanité tient en l’exemplarité de la manière dont il témoigne de D.ieu et de Sa Torah, sans que cela nécessite la conversion de l’humanité à sa foi (p. 274)».

N’estimez-vous pas que les non juifs doivent se convertir à la foi des juifs[71], comme l’a établi halakhiquement notre Maître de Fostat[72], ou bien adhérez-vous aux idées du marrane d’Amsterdam?

5) La RÉsurrection, l’Eucharistie et le christianisme comme religion rÉvÉlÉe.

Vous écrivez (p. 153) : «L’idée de résurrection prend tout son sens à l’époque de Jésus. Car depuis le temps des Maccabéens, la grande question métaphysique pour beaucoup de juifs était de savoir pourquoi tant de juifs fidèles à la Thora étaient assassinés et martyrisés… C’est en réponse à cette question lancinante que la croyance en la résurrection de ceux qui sont morts martyrs, dans la sanctification du Nom divin, a émergé dans le judaïsme, et a pris une force particulière… Mais le nœud de la controverse réside dans le fait d’avoir présenté la Résurrection comme l’acte décisif, eschatologique de D-ieu comme l’événement inaugural de l’établissement de l’ordre nouveau du royaume de D-ieu. Dans une telle perspective, sommes-nous encore dans le temps de l’histoire »?

Il est évident que l’idée de la résurrection n’est pas liée aux martyrs. Dieu l’enseigne à Moshé[73], les textes du Houmach et des prophètes en contiennent des allusions ; s’opposer à son origine prophétique en le considérant uniquement pour des raisons philosophiques, est une hérésie[74].

Déjà deux siècles avant les Maccabéens, le jour où les femmes étrangères sont séparées du peuple et qu’Ezra lit la Thora en public à Jérusalem, lui et son Tribunal insèrent dans l’amida[75] la croyance en la résurrection[76] et fustigent l’hérésie des Samaritains qui la contestent.

Au sujet de l’Eucharistie, vous écrivez : «Les racines juives de l’Eucharistie sont claires et profondes. Là-dessus nous sommes d’accord. Mais là où le christianisme s’éloigne du judaïsme, c’est dans le récit paulien de l’Eucharistie. D’après ce texte, c’est parce que les disciples boivent à la même coupe et qu’ils mangent du même pain qu’ils forment un corps unique. Apparaît alors l’idée de la communion dans le Seigneur, notion chrétienne, et non pas avec le Seigneur, notion juive. L’alternative est alors : exister en D-ieu ou face à D-ieu (p. 96)».

Si je comprends bien, les juifs n’auraient pas accepté l’Eucharistie parce qu’elle contient des ingrédients d’idolâtrie ; sans cela, les juifs n’auraient rien eu de concret à opposer. C’est de la sorte que vous expliquez le refus des juifs de reconnaître Jésus comme le messie : «Jésus n’a pas été reconnu par les juifs (comme le messie) …tout simplement parce que, dans le judaïsme, il n’y a jamais eu de rupture entre D-ieu et le genre humain. Rupture qui aurait nécessité une médiation, un tiers entre l’homme et D-ieu (p. 130)».

Il est de nouveau regrettable que vous abordiez un sujet sous un seul angle, sans envisager qu’il puisse en exister d’autres, qui sont pourtant fondamentaux. En effet, l’Eucharistie se base sur le fait que Jésus aurait sacrifié sa vie pour une bonne cause, qu’il ait ressuscité et qu’il jouerait un rôle prépondérant auprès de D.ieu. Or les juifs n’accordent aucune foi à toutes ces idées.

Selon vous, la controverse sur sa résurrection est ailleurs : «Mais le nœud de la controverse réside dans le fait d’avoir présenté la Résurrection[77] comme l’acte décisif, eschatologique de D-ieu, comme l’événement inaugural de l’établis-sement de l’ordre nouveau du royaume de D-ieu (P. 153)».

Il est de fait stupéfiant que vous ne trouviez pas d’autres raisons de controverse.

Vous citez le christianisme parmi les religions révélées : «La vérité religieuse, dans les religions révélées en tout cas, a ceci de particulier qu’elle ne peut, par définition, jamais apparaître comme une nouveauté (P. 18)».

a) Qu’entendez-vous par révélée ?

b) A qui furent-elles révélées ?

c) Quelle partie du christianisme serait-elle révélée selon vous ?

Si par révélée vous entendez une religion transmise à un prophète, alors qui est ce prophète ? Jésus ? Ce n’est pas votre pensée, car vous déniez à Jésus ce statut de prophète. De plus, d’après vous, Jésus ne prêchait point la christologie, mais le judaïsme (p. 106), et ses paroles ne furent déformés que par son Eglise (p. 111)[78].

Estimez-vous que la christologie soit la religion révélée? A quel prophète le fut-elle ? A Paul, ou encore aux Pères de l’Eglise ? Vous n’y songez pas, car vous considérez la christologie comme l’abolition de la Torah (p. 170), puisque vous écrivez : «de leur point de vue[79], la théorie de Paul était fausse et injuste (p. 170)»[80].

En écrivant religion révélée, pensez-vous au fait que Paul prêche aux nations d’accomplir, plus ou moins, les 7 lois de Noé, et puisque ces lois ont étés données aux prophètes Adam, Noé et Moshé, elles seraient alors une religion révélée ? Je ne pense pas que cela ait pu être votre intention, car pardonnez-moi cette expression un peu brutale, vous abuseriez à nouveau de la crédulité des lecteurs. Vous ne pensez évidemment pas non plus au «‘hidouch» de Paul, que même les sept mitsvoth des non juifs ne seraient que facultatives.

Pensez-vous que la religion révélée est l’appel de Jésus qui provoque, d’après les Evangiles, l’état mystique, la glossolalie et d’autres formes de transe, chez Paul et chez d’autres ? Mais ce message contenait forcément une des deux alternatives : soit l’ordre d’accomplir le judaïsme, soit les lois universelles. Où se trouve alors cette religion révélée, qui d’après vous, serait le christianisme ? Pourriez-vous m’expliquer en quoi consiste cette nouvelle grâce du christianisme, qui serait le christianisme sans la christologie ? Ou vous ne faites que reprendre, sans l’adopter, l’idée chrétienne d’une religion révélée ? Ce qui, une fois de plus, paraît tendancieux et complaisant.

Mais à la lecture de votre livre, il apparaît souvent que vous adoptez l’idée que le judaïsme reconnaît le christianisme comme tel : «Les juifs n’ont jamais nié la valeur de la religion chrétienne, en revanche, ils ont subi la théologie de la substitution qui faisait de la Torah la préfiguration de la nouvelle alliance» (p. 194).

Votre déclaration laisse perplexe. Soyons clairs, le christianisme contient trois messages :

a) que les non juifs se rapprochent de D-ieu et qu’ils appliquent les 7 mitsvoth universelles.

b) des attaques contre les juifs et contre le judaïsme, au nom du verus Israël.

c) des idées propres au christianisme.

Les juifs n’ont en effet jamais nié la valeur de ce que l’on a mentionné en a). Mais ils n’acceptent ni b) ni c).

Ce sont les courants judéo-chrétiens qui fourmillent de l’antiquité jusqu’à nos jours, ainsi que les juifs réformés de notre époque, qui s’en adaptent.

Pourquoi alors écrivez-vous : les juifs n’ont jamais nié la valeur de la religion chrétienne, là où il aurait fallu dire : les mouvements judéo-chrétiens n’ont jamais nié ? En effet, depuis plus de deux mille ans, sont appelés juifs ceux qui pérennisent la tradition des pharisiens.

6) La position actuelle de l’Église, et le dialogue avec les chrÉtiens.

Vous écrivez que votre espoir de pouvoir profiter d’un dialogue entre juifs et chrétiens vient du fait que depuis Auschwitz, l’Eglise catholique a évolué positivement dans son attitude vis-à-vis des juifs et du judaïsme (p. 100 ; 214). Il est question dans votre livre (p. 190) du document de la Commission Pontificale Biblique Le Peuple juif et ses saintes Ecritures dans la Bible chrétiennes, préfacé par le cardinal Ratzinger.

Ce document constitue en effet un grand progrès, si on le compare avec le comportement deux fois millénaire de l’Eglise vis à vis du judaïsme. Dans la préface de ce document, le cardinal Ratzinger soulève la question, stupéfiante pour les chrétiens, mais aussi attendue par les juifs depuis longtemps, de savoir si le temps est maintenant venu d’auto-dissoudre le christianisme.

Quel est donc l’utilité d’un dialogue dans les termes et la perspective que vous fixez ?

L’Eglise traditionnelle a rejeté la lecture juive de l’Ancien Testament et l’a remplacée par la sienne. Mais à cause de l’exégèse historico-critique contre cette dernière, et après le choc de la Shoa[81], l’Eglise a révisé sa position : «La victoire de l’exégèse historico-critique sembla sonner l’échec de l’interprétation chrétienne de l’Ancien Testament inaugurée par le Nouveau Testament lui-même. Il ne s’agit pas ici, nous l’avons vu, d’un problème historique de détail ; ce sont les fondements même du christianisme qui se trouvent mis en discussion» ; «Ont-il le droit de continuer à proposer une interprétation chrétienne de cette Bible ou ne doivent-ils pas plutôt renoncer avec respect et humilité à une prétention qui, à la lumière de ce qui est arrivé, doit apparaître comme une usurpation ?».

Remarquons d’abord, que cette avancée n’a été possible que grâce à l’attitude ferme des rabbins du Talmud et de tous nos ancêtres, y compris votre père Monsieur le rabbin, ainsi que grâce aux millions des juifs qui ont préféré mourir plutôt que de reconnaître en Jésus[82] un saint ou un prophète. Il ne fait aucun doute que s’ils avaient reconnu en Jésus un personnage doté des qualités que vous décrivez, même en tant qu’être humain et non céleste, les chrétiens n’auraient jamais réussi à remettre en question leur lecture, comme ils le font aujourd’hui.

A première vue, le cardinal et la Commission se contredisent. Ils admettent que la lecture juive est possible[83] ; ils admettent aussi que la lecture juive rend impossible celle des chrétiens[84], mais refusent la possibilité d’annuler la lecture chrétienne[85] !

Ce tour de passe-passe n’est rendu possible qu’en raison du refus de reconnaître la vraie lecture juive de la Bible, mais de promouvoir une lecture considérée comme hérétique chez les rabbins du Talmud.

Comme nous l’avons expliqué plus haut, les deux principes pour la lecture juive de la Bible sont le fait que le ‘Houmach fut écrit dans son intégralité par Moshé Rabbénou sous la dictée divine et que D-ieu lui a transmis son herméneutique[86]. Or, la Commission ne reconnaît manifestement pas ces deux principes[87].

Cette opération consiste à organiser, dans une grande suffisance et une parfaite incompétence, le contenu de la tradition sur le mode historico-critique. Elle aboutit à considérer le Tanakh comme une œuvre tardive, et prétendre que les juifs n’étaient jadis pas attachés à la Thora écrite et orale. C’est précisément la manière dont tous les mouvements révisionnistes, depuis les samaritains[88], les sadducéens, le monde musulman, les caraïtes, les spinoziens, les deutéronomistes et autres savants de la critique biblique, ou rabbins réformés ou libéraux, savent, relativiser ce contenu pour y aménager et introduire des arrangements intéressés. C’est le cas aussi d’une pléiade d’écrivains et historiens[89] juifs[90] des 150 dernières années[91]. C’est sur cette base que certains chrétiens reconnaissent un intérêt du dialogue avec les juifs[92], et vous acceptez leur demande[93].

Mais la Commission espère encore que les juifs profiteront de la recherche exégétique chrétienne[94]. Il semble que pour elle, l’aversion que les juifs ont à l’égard du christianisme serait dû au fait qu’ils ne connaissent pas l’exégèse chrétienne. En vérité, les juifs connaissent autant le christianisme que son interprétation biblique. Mais c’est la qualité de leur foi juive, ainsi que leur bons sens qui a démontré la mystification du christianisme et la manipulation par son exégèse.

Pourquoi donc appelez-vous le dialogue de toutes vos forces ? Espérez-vous que les chrétiens abandonnent leur foi ? Non, pour vous, cela est impossible[95]. Vous estimez d’ailleurs, de façon curieuse, pouvoir extrapoler ce message des paroles du Grand Rabbin Kaplan[96].

Pourquoi ainsi souhaitez-vous qu’un rabbin conduise les juifs à entendre un enseignement chrétien ?

7) Les chrÉtiens font-ils partie du peuple Élu ?

Traditionnellement, l’Eglise revendique pour elle seule le titre de peuple élu. Comme le cardinal expose la position de la nouvelle Eglise, elle en abandonne son exclusivité, et se contente d’un partage avec les juifs[97].

Le connaissant de longue date, vous n’avez été surpris d’entendre cette conception du cardinal. Il est non seulement regrettable que vous n’ayez pas réagi, mais de plus, que vous ayez renforcé cette idée, en y ajoutant un commentaire[98].

Je ne voudrais pas, dans le cadre de cette lettre, démontrer l’absurdité de cette thèse du point de vue purement théologique. Mais, du point de vue pratique, les conséquences dramatiques pour les juifs sont prévisibles. Ainsi, pourquoi un juif refuserait-il de s’allier avec une nonjuive, si elle fait partie du peuple élu, et si elle est une soeur catholique ?[99]

Vous avez écrit, qu’à l’âge de vingt ans, vous étiez habité par des montagnes de défense, des montagnes de constructions, de peurs, de réticences… (p. 35) ; aujourd’hui, comme les persécutions ont pratiquement disparu et que de plus, l’Eglise après Auschwitz a révisé sa position jusqu’à reconnaître les juifs comme leurs frères aînés dans la foi, il n’y aurait plus de raison d’avoir peur.

Mais nous devons reconnaître, qu’avec cette déclaration audacieuse du cardinal, les persécutions risquent tout simplement de se transformer en séductions. Cela confirme l’avis de tous nos rabbins[100], qui voient en l’Eglise et en le frère catholique un danger, au moins égal à celui du passé.

Bien que nous n’ayons pas commenté dans cette lettre les prises de position du cardinal, ainsi que des sujets qui sortiraient du cadre théologique, je ferais une exception. Le cardinal dit : «Tout reproche fait à un juif n’est pas nécessairement de l’antisémitisme. Ainsi, par exemple, dans l’Evangile, quand Jésus s’en prend aux Pharisiens, il le fait par amour du peuple juif. Ou bien quand il (Jésus) dit : ‘Heureux les doux, ils obtiendront la Terre promise’, il regrette que son peuple se soit emparé de cette Terre avec une telle violence»[101] (p. 190).

Cette déclaration amalgame trois époques, l’actuelle, celle des pharisiens et l’époque de Josué, et les juifs sont désignés comme un peuple violent, alors que Jésus représente la douceur.

Si la nouvelle Eglise se contente de partager avec les juifs le titre de peuple élu, il apparaît de cette déclaration une certaine prétention à détenir la totalité de la Terre promise.

8) Les ‘Houkim et l’intention de l’homme pour les mitsvot.

Vous évoquez (p. 80) le sujet sur le sens à donner aux ‘Houkim[102]. Vous vous prêtez ainsi à l’exercice consistant à commenter l’interdiction de ne pas mélanger la viande et le lait avec au détour une explication[103] fort intéressante, au nom du Talmud. Vous expliquez encore que manger cachère peut n’avoir aucun effet immédiat sur l’ordre du monde, mais vous avez confiance qu’il participe à la construction du monde[104].

Je partage votre avis que l’effet de certaines mitsvoth se dévoilera plus tard[105]. Néanmoins, je  m’interroge sur ce que vous écrivez en infra, à savoir que manger «cachère ne rendrait pas meilleur, ne donnerait aucune vertu, et encore moins de supériorité par rapport au prochain»[106].

Cela correspond-il aux textes bibliques ? Ainsi, avez-vous en mémoire dans quels milieux ces paroles ont le plus d’écho, et quelles ont été leurs conséquences évidentes ? Pour justifier votre affirmation, vous devez forcer les expressions de la Thora[107], qui insiste sur le fait que manger cachère rend l’homme meilleur et développe en lui de nobles vertus.

Je ne doute pas un instant que d’autres citations de la même veine, du Talmud, de Nahmanide et de Kabbale vous viennent à l’esprit. L’histoire en fait confirme[108] leurs dires, et combien notre peuple s’est conduit de façon infiniment plus humaine que bien d’autres.

Lorsque vous soutenez que : «Assurément, cela ne me rend pas meilleur de ne pas mélanger la viande et le lait», vous voulez peut-être relever le fait qu’il existe certaines personnes, qui bien qu’attentives au respect des lois alimentaires, pourraient développer vulgarité et injustice, accusation rencontrée de façon récurrente dans les Evangiles. Mais comme vous le faites si bien remarquer[109], cela ne justifie pas pour autant de décider de façon péremptoire que cette mitsva ne rendrait pas meilleur, car enfin, il ne faut pas faire porter la faute de certains sur tous les autres.

Je voudrais attirer votre attention sur ce glissement et je m’interroge pourquoi vous insistez à atténuer la portée réelle de cette mitsva ; enfin, vous lui enlevez sa signification première énoncée dans la Thora.

Il se peut que vous l’énonciez pour ne pas froisser vos interlocuteurs non juifs qui ne mangent pas cachère ; mais les termes utilisés tels que Assurément semblent indiquer au contraire que vous souscrivez à cette idée.

Le danger de ce glissement est symptomatique lorsqu’on éprouve le besoin d’expliquer le sens des ‘Houkim aux non juifs. En effet, à l’époque du deuxième Temple, lorsque les juifs en Egypte furent au contact de la société gréco-égyptienne, leur adhésion à une Thora incluant des ‘Houkim ne manquait pas d’attirer l’étonnement, voire l’ironie. Chez ceux qui se sont alors sentis contraints de rendre les ‘Houkim ‘digestes’, un glissement progressif vers l’abandon des mitsvoth a vu le jour.

Paul fut également victime de cet égarement ; élève d’un Maître pharisien[110], il dévie d’abord en affabulant des considérations pseudo-rationnelles sur le rôle pédagogique[111] des mitsvoth, ensuite que manger cachère ne rendrait pas l’homme meilleur[112], pour finalement rendre caduque toute la Thora. Le phénomène s’est reproduit chez ceux qui ont déformé la pensée de Maïmonide qui, tout en formulant des idées rationalistes dans son Guide, insiste sur le fait que l’homme n’arrive pas à sonder la profondeur des mitsvoth[113]. Ce grand Maître, laisse-t-il entendre que le respect des lois alimentaires et autres ‘Houkim ne rendrait pas l’homme meilleur ?

Il convient de souligner que les prophètes louent la saine fierté que le juif fidèle ressent en accomplissant la Thora, à l’instar du roi Yéhoshafat : «et son coeur s’éleva avec fierté dans les chemins de D-ieu», et à l’instar de ce que l’on chante au Temple : «Heureux celui qui ne faute pas, et heureux celui qui revient de ses fautes»[114]. Grâce à la sincère ferveur que le juif éprouve en priant : «Tu nous a choisi parmi les nations, aimés, désirés, élevés de toutes les cultures et sanctifiés à travers Tes commandements», qu’il peut espérer, sans assurance toutefois[115], une progéniture juive.

Dans sa divagation, le marrane d’Amsterdam ne peut concevoir et accréditer ce sentiment aux juifs ; il renie le tout et finit par devenir l’instigateur et le catalyseur d’un mouvement hérétique.

Analysons votre attitude à l’égard de l’intention vis à vis de l’accomplissement de la mitsva : «Cependant, l’obéissance accordée à la halakha n’est jamais une obéissance aveugle à la seule lettre de la loi, sans égard à l’intention qui préside à l’accomplissement de l’acte et au libre arbitre du sujet. J’insiste sur ce point : accomplir simplement l’acte, sans l’intention de servir D-ieu par ce moyen, est une chose sans valeur et même coupable. ‘La transgression d’un précepte avec l’intention de servir D-ieu est supérieur à l’accomplissement de ce précepte sans cette intention’, tel fut la déclaration hardie d’un rabbin du Talmud (Nazir 23b[116]). Quoi qu’on puisse penser de la valeur de cette maxime, elle ne laisse pas grande place à l’indifférence morale ou à la routine (p. 244)

Distinguons trois catégories d’intentions pour accomplir une mitsva :

A) l’homme ne considère pas l’acte comme mitsva, car il ne croit pas en D-ieu, ou en la valeur de la Thora.

B) Il croit à sa valeur, mais accomplit l’acte sans réflexion.

C) Tout en voulant l’accomplir, il le fait avec routine, sans en approfondir son sens, sans concentration et sans amour pour D-ieu.

Dans le cas A), l’acte n’est pas validé.

Le cas B) est en discussion chez les rabbins.

Le cas C) est sans doute une mitsva, mais de faible valeur et incomplète.

L’intention et la pureté des cœurs sur lequel le Baal Chém Tov mettait l’accent est un devoir ajouté sur l’action des mitsvoth, et n’est jamais une réduction. En ce que concerne le christianisme, il est le mouvement par excellence qui, sous le prétexte de chercher les bonnes intentions, justifie l’abolition du judaïsme. Et comme le dit la maxime : la route de l’enfer est pavée des bonnes intentions.

Quand vous dites : l’obéissance accordée à la halakha n’est jamais une obéissance aveugle à la seule lettre de la loi, sans égard à l’intention qui préside à l’accomplissement de l’acte, cela correspondrait au cas C).

Or, la suite de votre démonstration : accomplir simplement l’acte, sans l’intention de servir D-ieu par ce moyen, est une chose sans valeur et même coupable, ne pourrait s’appliquer que sur A) ou éventuellement B). Encore que le mot coupable ne peut s’appliquer à l’acte même, mais seulement sur l’absence de l’acte qui est demandé par D-ieu.

Conclusion

A la lumière de ce que nous venons d’écrire, quant à votre souhait de favoriser une collaboration active entre juifs et chrétiens, d’un enrichissement spirituel réciproque, d’une construction commune de la civilisation[117], les juifs ont le devoir d’être le phare des nations[118].

Bien que le judaïsme peut et doit, dans la mesure de son possible, faire entendre sa voix sur maints problèmes de notre société, ce n’est pas dans une collaboration avec les fidèles des autres religions qu’il réussira, car il doit garder son originalité et sa pureté.

Toute collaboration exige des concessions, conscientes ou pas, qui se retrouvent dans votre ouvrage, au point de laisser croire qu’elles sont à votre convenance. Certes, au niveau politique et dans bien d’autres domaines, ces concessions pourraient se révéler bénéfiques ; en revanche pour la Thora, aucun syncrétisme n’est envisageable, car telle est la position du judaïsme, l’a été de tout temps et il s’agit d’un point de la plus grande importance.

Pour résoudre la menace d’une déjudaïsation des juifs, nous ne devons nullement suggérer l’étude des interprétations erronées et surannées de l’Eglise ; elles ne feront que parasiter le message et compliquer notre tache.

Il convient d’aller sans détour au but et approfondir les textes juifs avec les éclairages des Rabbins pharisiens et de nos rabbins.

Veuillez agréer, Monsieur le rabbin, mes sincères salutations.

Yéhiel Brand

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[1] http://www.gillesbernheim.fr/publications/laicite/le-rabbin-et-cardinal

[2] http://www.amazon.fr/rabbin-cardinal-dialogue-jud%C3%A9o-chr%C3%A9tien-daujourdhui/dp/2234060575

[3] http://www.juif.org/communaute-juive/51923,lettre-ouverte-au-rabbin-gilles-bernheim.php

[4] Edition Stock, Janvier 2008.

[5] «Car en écrivant un texte, on permet à l’interlocuteur de le questionner, de le réfuter ou de l’infirmer. Cela permet à l’auteur de corriger ses thèses, ou de les défendre à la lumière d’une quête et d’une exploration partagée. C’est prendre, tout simplement, le risque de la critique (Page 116)».

[6] «Le premier acte de foi, disait-il, est celui de la lecture du Talmud et de ses commentaires (p. 62)» ; «C’est par l’étude, sans cesse recommencée de la tradition orale, du Talmud, du Midrach et de la Kabbale que je découvre, peu à peu, ce vers quoi ouvre la pratique de la mitsva (P. 84)» ; «nous l’interprétons (la Thora)… selon les règles rabbiniques (P. 106)» ; «...pour nous juifs Pharisiens (p. 170)».

[7] «J’ai besoin de l’autre puisqu’il se pose d’autres interrogations que les miennes. J’ai besoin de l’autre pour qu’il m’ouvre à un nouveau mode de questionnement de ma tradition, et me permette d’y chercher des ressources que je ne connaissais pas (p. 16)». En effet, le Talmud stipule que la Thora s’acquiert par une triple stimulation d’un autre, celle du Maître, celle du compagnon d’étude et celle des élèves, Avot 6, 5 ; les interrogations de ces derniers seraient même les plus utiles.

[8] En effet, les prophètes mettent en garde contre l’application des mitsvoth de manière routinière : mitsvath anachim meloumada (Isaïe 29, 13, d’après l’interprétation juive, et non pas d’après l’exégèse erronée des Evangiles, que les mitsvoth furent inventés par les hommes…). Des livres comme le ‘Hovot Halevavot ou le Messilat Yésharim citent et commentent d’innombrables adages du Talmud dans ce sens ; les Maîtres du ‘hassidisme et du mouvement du Moussar, ou encore Rav Hirsch, Rabbi Zadok Hacohen de Lublin (que vous appréciez spécialement), ou Rav Kook, pour ne citer que quelques personnalités parmi de très nombreuses, les suivent.

[9] «D’une rencontre avec un frère catholique, j’espère toujours approfondir mes convictions grâce aux questions qu’il me pose. On ne peut trouver dans sa propre tradition de nouvelles richesses, et donc de nouvelles ressources d’espérance, que si l’on est confronté à un questionnement qui rompt nos habitudes (P. 16)».

[10] J’apprécie particulièrement le fait que vous dirigiez certains de vos élèves vers des Batei Midrachim parisiens, où ils reçoivent un enseignement talmudique approfondi.

[11] «Il faudra encore du temps pour qu’un rabbin puisse conduire un groupe écouter un enseignement chrétien (p.24)».

[12] Rabbi Eliezer dit : « Etudie la Thora assidûment et sache quoi répondre aux hérétiques», Avot, 2, 14.

[13] Dans la majorité des cas, quand le Talmud indique : «tel hérétique interrogea Rabbi untel, il est écrit dans votre Thora que… alors que…», il s’agit en fait d’un adepte d’une secte judéo-chrétienne, comme le suggère le contenu de leurs remarques.

[14] Avoda Zara 27 b ; Avoda Zara 17 a, Sanhédrin 100 b; Guittin, 45, b.

[15] Avoda Zara 17 a. L’enseignement de Jésus, sans doute en rapport avec sa situation personnelle, contenait le message que la conséquence d’un acte de débauche pourra servir, au moins pour la partie la plus triviale, au service au Temple.

[16] «Les cloches des églises qui avaient toujours fait partie de mon environnement sonore me manquaient» ; «les enseignants de la yéchiva n’en parlaient pas non plus (du christianisme)» ; «J’ai des montagnes de défense en moi, des montagnes de construction, de peurs, de réticences… Pour moi, à cette époque, le Nouveau Testament est une arme à défaire le judaïsme, et à prouver que la Thora est caduque» (P. 34-37).

[17] «Pendant des générations, elle a existé à côté de la culture juive comme une menace, à cause notamment de la crainte de la conversion et de la persécution (P. 24)».

[18] Pour ma part je doute de la disparition d’un certain antijudaïsme chrétien deux fois millénaire. Cela se joue à plusieurs niveaux. Au niveau de la doctrine officielle du christianisme d’abord, qui ne peut céder sur ses principes fondateurs. Puis en particulier aussi de la part des nations traditionnellement chrétiennes, qui tentent inlassablement de peser sur la société israélienne afin d’affaiblir son caractère juif.

[19] "אחר, בשעה שהיה עומד מבית המדרש, הרבה ספרי מינים היו נופלים מכיסו", חגיגה ט"ו ב'

[20] Avoda Zara, 27, b, Rambam, Téfila, 2, 1.

[21] "ולא תתורו אחרי לבבכם: זו מינות." ברכות, יב' ב', ועיין פרש"י שם.

[22] לית דין ולית דיין, זו מינות

[23] «Son apparition (de Jésus) dans le monde a eu un effet bouleversant. On ne peut l’expliquer que par une personnalité d’une force et d’une puissance prodigieuses. Cet homme avait une profonde et écrasante conscience de D.ieu. Tout ce que l’âme humaine possède de force spirituelle était, en Jésus, porté à un degré d’intensité inconnu chez tout autre. Voilà ce qu’on peut dire, sans entrer dans des distinctions ou des définitions théologiques que je désire éviter, les trouvant inutiles pour la présente argumentation (p. 107)» ;

«Cependant, aussitôt que la jeune Eglise fit graduellement de Jésus un personnage céleste, le judaïsme se mit, par réaction, à le démoniser, car un Sauveur-Dieu qui meurt en croix ne pouvait, comme Paul l’a dit à bon droit, qu’être un scandale pour les juifs… Ce n’est qu’après Auschwitz qu’on en vint, chez les chrétiens, à ce que j’appellerais une ré-humanisation de Jésus, et cela en passant désormais par une accentuation du vere homo, après un temps où si peu de gens s’étaient montrés véritablement humains. Pour les juifs, Jésus devient ainsi un modèle d’humanité. Pour les juifs, tous se passe comme s’il était ramené au judaïsme, sa patrie. Jésus est réintégré comme compagnon en humanité, comme compagnon du judaïsme… En d’autres termes, nous pouvons marcher ensemble, juifs et chrétiens, tout au long de trente-trois ans ; durant toute la tranche de temps qui est celle de la vie terrestre de Jésus… ce qui, à proprement parler, nous sépare, ce sont les dernières quarante-huit heures… Ceux sur lesquels repose toute la christologie (p. 100)».

[24] «Les juifs ont exprimé leur fidélité en disant non à Jésus lorsque son Eglise tentait de les dessaisir de la Thora», p. 252. Les Evangiles, (et d’après vous Paul), voulurent en effet dessaisir les juifs de la Thora, voir Talmud Shabbat 116, Sanhédrin 100 b et Rif et Roch sur place.

[25] Sanhédrin 107, édition non censurée. Si un Maître du 13ème siècle déclarait à Paris devant une foule excitée et haineuse que ces mentions se rapportaient à un autre Jésus, c’est d’évidence parce qu’il essayait d’apaiser les esprits, sans réussite d’ailleurs. Néanmoins il ne fait aucun doute qu’il s’agit du Jésus des chrétiens, car les Rabbins ne se souhaiteraient la protection divine que devant le danger d’un personnage très connu du public juif.

[26] Bérakhot 17, b éd. non censurée, voir aussi Ritvah ; Rambam Missive au Yémen ; Yad, fin Rois.

[27] Idem

[28] Cela signifie qu’une multitude de rabbins proclamait de façon massive sa condamnation. Votre affirmation, Page 121 : «Il semblerait que ni les Pharisiens, ni Jésus n’aient cherché une rupture ou même ne s’y soient attendus. Naturellement, les Pharisiens ne le pouvaient pas, parce qu’ils ne savaient rien de lui, avant que sa renommée ne se répande…», ne correspond pas à ce texte talmudique.

[29] Sanhédrin 45 b.

[30] «Tout le monde sait qu’une personne (en l’occurrence Paul) étant passée d’une forme de foi religieuse à une autre n’est pas un témoin digne de foi – si je peux m’exprimer ainsi -, en ce qui concerne la religion qu’elle a récusée (p. 127)», et l’illustre historien de la chrétienté nous dévoile : «Mais nous mentionnerons généralement dans cette histoire uniquement les événements qui peuvent être utiles d'abord à nous-mêmes, ensuite à la postérité». (Eusèbe, Histoire ecclésiastique, VIII, 2, 3). C’est d’ailleurs une différence fondamentale entre notre tradition et toutes autres.

[31] «Alors le grand-prêtre reprit en disant : Je t’adjure, par le Dieu vivant, de nous déclarer si tu es le Messie, le Fils de Dieu. Jésus lui répondit : Tu l’as dit toi-même. De plus, je vous le déclare : A partir de maintenant, vous verrez le - Fils de l’homme siéger à la droite du Tout-Puissant - et venir en gloire sur les nuées du ciel. A ces mots, le grand-prêtre déchira ses vêtements en signe de consternation et s’écria : Il vient de prononcer des paroles blasphématoires ! Qu’avons-nous encore besoin de témoins ? Vous venez vous-mêmes d’entendre le blasphème”, (Mat. 26, 63-65).

[32] «Beaucoup disaient : Il a un démon en lui, c’est un fou. Pourquoi l’écoutez-vous ?», Jean 10, 20. Et dans Jean 8, 48-59 : «Ils répliquèrent : Nous avions bien raison de le dire : tu n’es qu’un Samaritain, tu as un démon en toi. Vraiment, je vous l’assure : celui qui observe mon enseignement ne verra jamais la mort. Sur quoi les chefs des Juifs reprirent : Cette fois, nous sommes sûrs que tu as un démon en toi. Abraham est mort, les prophètes aussi, et toi tu viens nous dire : Celui qui observe mon enseignement ne mourra jamais. Serais-tu plus grand que notre père Abraham, qui est mort - ou que les prophètes, qui sont tous morts ? Pour qui te prends-tu donc ? Jésus répondit : …Abraham votre père a exulté de joie, rien qu’à la pensée de voir mon jour. Il l’a vu et en a été transporté de joie. Quoi, lui dirent-ils alors, tu n’as même pas cinquante ans et tu prétends avoir vu Abraham ! Vraiment, je vous l’assure, leur répondit Jésus, avant qu’Abraham soit venu à l’existence, moi, je suis. A ces mots, ils se mirent à ramasser des pierres pour les lui jeter, mais Jésus disparut dans la foule et sortit de l’enceinte du Temple».

[33] «Car ses frères mêmes ne croyaient pas en lui» (Jean, 7, 5). Jésus déçu, déclare : «C’est seulement dans sa patrie et dans sa propre famille que l’on refuse d’honorer un prophète» (Mat. 14).

[34] «Y a-t-il quelqu’un des chefs ou des Pharisiens qui ait cru en lui, mais cette populace, qui ne connaît point la Loi, est exécrable» (Jean 7, 48).

[35] «Voyant la hardiesse de Pierre et de Jean, et sachant que c’étaient des illettrés, des gens du peuple, ils furent dans l’étonnement» (Actes, 4, 13 et autres).

[36] Le lendemain, le jour qui suivait la préparation du sabbat, les chefs des prêtres et des Pharisiens se rendirent ensemble chez Pilate pour lui dire : Excellence, nous nous souvenons que cet imposteur a dit, pendant qu’il était encore en vie : Après trois jours, je ressusciterai. Fais donc surveiller étroitement la tombe jusqu’à ce troisième jour : il faut à tout prix éviter que ses disciples ne viennent dérober le corps pour dire ensuite au peuple qu’il est ressuscité d’entre les morts. Cette dernière supercherie serait encore pire que la première». (Mat. 27, 62-64).

[37] Vous comprenez ainsi (Marc 1, 22) : ‘Il enseignait comme ayant autorité et non comme les scribes…’, il disait ces choses comme venant de lui, sans faire appel à l’autorité traditionnelle. Votre analyse est peut être exacte.

Mais il convient aussi de souligner d’autres éléments. En effet, les Pharisiens ont acquis la Thora avec les 48 qualités qu’exige son étude (Avot, ch. 6). Il est évident que beaucoup, sinon toutes, font défaut à Jésus. Je voudrais relever ici une des qualités exigées, l’humilité vis-à-vis des autres et à plus forte raison vis-à-vis des Sages, qui lui fait sans doute défaut. Des expressions comme celles-ci: «Car personne n’est monté au ciel, sauf celui qui en est descendu : le Fils de l’homme» ; «Tous ceux qui sont venus avant moi étaient des voleurs et des brigands», (Jean, 10, 8), nous renseigne sur sa volonté d’être pris en considération. Ses manières effrontées attribuent à Jésus une certaine forme d’autorité, avec laquelle les scribes ne rivalisent pas.

[38] «Il nous est difficile, à nous juifs, de voir en Jésus un prophète, puisqu’il dénonce les Pharisiens. Or…» (p. 129) ; «La dénonciation essentielle des Pharisiens par Jésus empêche les juifs de l’envisager comme prophète (p. 129)».

[39] Voici quelques unes des citations parmi de très nombreuses : «Jésus leur dit : Vraiment, je vous l’assure : quand naîtra le monde nouveau et que le Fils de l’homme aura pris place sur son trône glorieux, vous qui m’avez suivi, vous siégerez, vous aussi, sur douze trônes pour gouverner les douze tribus d’Israël» (Mat. 19, 28) ; «Car personne n’est monté au ciel, sauf celui qui en est descendu : le Fils de l’homme», (Jean 4, 13) ; «Ne vous faites pas non plus appeler chefs car un seul est votre Chef : le Christ» ; «Quand le Fils de l’homme viendra dans sa gloire, avec tous ses anges, il prendra place sur son trône glorieux. Tous les peuples de la terre seront rassemblés devant lui».

[40] Cette définition lui correspond mieux que celles citées par la Commission Pontificale Biblique : Des recherches récentes ont tenté de le situer en divers contextes de son temps : rabbis charismatiques de Galilée, prêcheurs cyniques itinérants ou même zélotes révolutionnaires. Il ne se laisse enfermer dans aucune de ces catégories ; III, A, 2, 67.

[41] Bérakhot, 5 a, voir aussi : Hanoch Albeck : Introduction to the Mishna.

[42] Pour une vraie lecture du Tanakh, voir Doroth Richonim, Tome I.

[43] Si un détail de la loi orale s’oublie, on pourra en principe le retrouver grâce au drach ; si une divergence apparaissait au sujet du type de drach à appliquer, la Thora nous enjoint de nous en remettre à l’avis de la majorité des Sages.

[44] Yad, Yéssodé HaThora, 8-10 ; Missive au Yémen. Je ne voudrais pas développer ici certaines autres prérogatives des Sages, qui ne sont pas essentielles pour notre propos.

[45] Voir Doroth Richonim, livre II, qui le prouve de façon indiscutable.

[46] D’où leur noms : Kouti’im ou Shomronim.

[47] Rois II, 17, 27-28.

[48] Voir livre d’Ezra.

[49] Sanhédrin, 99 a, ainsi dans d’innombrables autres textes. Voir Rambam, Introduction Michnah. Le sujet fut admirablement expliqué, prouvé et commenté par Halévy, Doroth Harichonim, Jérusalem, 1939.

[50] Marc 2, 32-38. Vous citez ce cas (P. 115) en remarquant que Jésus prend de la liberté avec la loi. Ceux qui croient avoir trouvé une aubaine dans un passage de Flavius Josèphe qui montrerait que la Thora aurait subi un changement et que la permission de transgresser la loi fut «inventée» par les Maccabéens, sont désavoués, comme vous le savez.

[51] Vous semblez d’ailleurs remarquer ce point : «Or, dans la tradition juive, j’insiste sur ce point, la Thora, la loi ne s’interprètent pas selon l’opinion d’une minorité ou sans le recours à des règles herméneutiques transmises de génération en génération depuis le Sinaï. Mais avec Jésus, une opinion individuelle est élevée au rang d’école faisant autorité». Page 122.

[52] «Ou bien n’avez-vous pas lu dans la loi que, le jour du sabbat, les prêtres profanent le sabbat dans le Temple, sans être coupable pour cela. Or, je vous dis, qu’il y a ici plus que le Temple. Si vous saviez ce que signifie cette parole : Je veux la miséricorde et non le sacrifice, vous n’auriez pas condamné des innocents, car le fils de l’homme est Maître du sabbat», Mat, 12, 8.

[53] Rabbi Josué, dans Avot de Rabbi Nathan, chap. 16, 5.

[54] Même si Flavius Josèphe, sous influence saducéenne, omet certains faits ; il n’est pas ici le lieu de le prouver (voir Doroth Harichonim). Rappelons-nous encore comment le peuple s’épanouit sous le règne de Salomé Alexandra, qui règne sur les conseils de son frère, le Rabbin pharisien Shimon ben Shéta’h. Cela est rapporté par Flavius Josèphe et le Talmud.

[55] Leur appellation Pharisiens ne vient pas du fait qu’ils se séparent du peuple comme le font les esséniens, mais parce que toutes en œuvrant au milieu de leur peuple, ils vivent une vie exemplaire d’ascète. Il est regrettable que ce point de vue vous échappe ; pour vous, le judaïsme exclut l’ascétisme sous toutes ces formes : «Le judaïsme est une doctrine de vie, une religion du juste milieu, répugnant à l’ascétisme sous toutes ses formes et emprunt d’un solide optimisme (p. 112)». En fait, bien que le judaïsme exclut le célibat, et permette de s’épanouir sans vivre en ascète, il ne l’exclut pas sous toutes ses formes. Le Talmud (Avoda Zara 20) affirme que les prophètes ont vécu en ascètes. Cela est d’ailleurs le lot de beaucoup de rabbins de tous temps. La communauté a eu dernièrement le privilège d’une visite à Paris d’un ascète de Bné-Brak, presque centenaire, que D-ieu allonge sa vie, qui se conduit de la sorte depuis sa jeunesse. C’est d’ailleurs en examinant les rabbins de sa génération, que le juif se forge, par un raisonnement a fortiori, l’image des Sages Pharisiens.

[56] Qui concerne plutôt les juifs qui croyaient en lui. D’après l’hypothèse plutôt novatrice et extrême qu’émet l’auteur du livre Une lecture juive du Coran, les Evangiles ont escamoté une partie de la biographie de Jésus. Ce dernier et le faux prophète, raconté dans Flavius Josèphe, ne font qu’un. (Les guerres des juifs, livre 2, fin 23, que vous citez p. 36). L’Eglise, détentrice exclusive des livres de Flavius Josèphe pendant des siècles, a ravi ce lien.

[57] Guittin, 57 a.

[58] Ce n’est qu’en cas de danger que le Talmud permet une réponse elliptique, Nédarim, 27-28 ; 62 b ; Avoda Zara, 16 b. C’est le propre des responsables du christianisme de confondre à dessein ces deux modes d’expression.

[59] Fin Mélakhim ; Missive Au Yémen.

[60] Disputation de Barcelone.

[61] Le judaïsme à raison, association Sefer, Paris, 1991.

[62] Page 138.

[63] Daniel, 2, 45.

[64] Isaïe, 11, 1-4.

[65] A l’instar de l’avis de Rabbi Akiva au sujet de Bar Kokhbah, Sanhédrin 97.

[66] Scénario possible, voir Yéhezkel 47 et Zékharia 13-14 et autres.

[67] Yad, Mélakhim, chap. 11.

[68] "ועתה שמע יעקב עבדי וישראל בחרתי בו...כי אצק מים על צמא ונוזלים על יבשה אצק רוחי על זרעך וברכתי על צאצאיך"

(ישעיה מד, א- ג); "וידעתם כי בקרב ישראל אני...והיה אחרי כן אשפוך את רוחי על כל בשר ונבאו בניכם ובנתיכם" (יואל ג, א).

[69] Sanhédrin 59 ; éventuellement plus, s’ils veulent, Avoda Zara, 64 b ; sans pourtant pouvoir se convertir au judaïsme, Avoda Zara 3 b.

[70] Du peuple juif.

[71] Je dis bien à la foi et pas au comportement des juifs, car il est évident que les non juifs ne sont pas soumis, ni dans le présent, ni dans le futur, à l’application des mitsvoth des juifs.

[72] Yad, Mélakhim, fin chap. 8.

[73] Même si Maïmonide (fin de sa lettre sur la Résurrection) suggère l’idée, que Moshé ne la transmet pas aux couches populaires.

[74] Sanhédrin 90 a et voir Rachi.

[75] Les 18 Bénédictions qui étaient récitées au Temple plusieurs fois par jour.

[76] Voir Néhémie 9, 5 ; Bérakhot, 54 a et Rachi, ainsi Ta’anith 16.

[77] De Jésus.

[78] Où penseriez-vous alors que Moshé Rabbénou n’a reçu que 69 interprétations, et Jésus la 70ème ?

[79] Des Pharisiens.

[80] Et en ce qui concerne les Pères de l’église, ils vont dans la même direction que Paul.

[81] En raison du lourd tribut de six millions de juifs, et pour enfin faire trébucher ce tronc d’erreurs, nous prions D-ieu de nous épargner des coups de sa branche, cette religion qui est née sept siècles après le christianisme…

[82] Ainsi que le «prophète» de la religion citée en note supra.

[83] «Le document mentionne deux éléments : il déclare que la lecture juive de la Bible est une lecture possible, qui se trouve en continuité avec les Saintes Ecritures juives de l’époque du second Temple, une lecture analogue à la lecture chrétienne, laquelle s’est développée parallèlement». La vérité est que la lecture juive est aussi en conformité avec les Saintes Ecritures juives de l’époque du premier Temple.

[84] «Certains en sont venus à se demander si les chrétiens ne doivent pas se reprocher d’avoir accaparé la Bible juive en en faisant une lecture où aucun Juif ne se retrouve. Les chrétiens doivent-ils donc lire désormais cette Bible comme les Juifs, pour respecter réellement son origine juive ? A cette dernière question, des raisons herméneutiques obligent à donner une réponse négative. Car lire la Bible comme le judaïsme la lit implique nécessairement l’acceptation de tous les présupposés de celui-ci, c’est-à-dire l’acceptation intégrale de ce qui fait le judaïsme, notamment l’autorité des écrits et traditions rabbiniques, qui excluent la foi en Jésus comme Messie et Fils de D-ieu». Le peuple Juif et ses Saintes Ecritures dans la Bible Chrétienne, II, 7, 22.

[85] «La Commission a pu conclure que l’herméneutique chrétienne de l’Ancien Testament, qui assurément est profondément différente de celle du judaïsme, correspond cependant à une potentialité de sens effectivement présente dans le texte».

[86] Sanhédrin 99-100 et d’innombrables autres passages.

[87] Voici des extraits en ce qui concerne le Houmach : «On a déduit que les préceptes traditionnels furent rassemblés en collections, qui furent progressivement inclus dans les livres du Pentateuque». I, C.

Et voici ce qui concerne l’herméneutique : «La plus ancienne attestation rabbinique de méthode d’exégèse, fondée d’ailleurs sur des textes d’Ancien Testament, est une série de sept ‘règles’ attribuées traditionnellement à Rabbi Hillel (mort en 10 ap. J.-C.). Que cette attribution soit fondée ou non, ces sept middots représentent certainement une codification de manières contemporaines d’argumenter à partir de l’Ecriture, en particulier pour en déduire des règles de conduite». I, D, 12.

[88] La Commission argumente que le peuple juif fut divisé à l’époque de la construction du deuxième Temple au sujet de la loi orale, du fait que les samaritains ne la reconnaissent pas : «Leurs diverses attitudes envers le Temple divisèrent souvent les juifs jusqu’en 70 après J.-C. comme on peut le voir dans la dissidence samaritaine et dans les manuscrits de Qumran. Des divisions basées sur des interprétations différentes de la loi existèrent après 70 comme avant. La communauté samaritaine constitue un groupe dissident renié par les autres. Elle se basait sur une forme particulière du Pentateuque et avait rejeté le sanctuaire et le sacerdoce de Jérusalem» (III 66, A). Cette preuve n’est qu’une mauvaise plaisanterie. Une tradition nationale n’est pas remise en question parce que de nouveaux arrivés l’ignorent. A plus forte raison celle qui fut transmise par les juifs et de la façon dont elle fut transmise.

[89] Le drame qui met en péril notre peuple est le fait qu’une partie de l’école juive, dans la Golah et encore plus en Israël, interprète le Tanakh et l’histoire juive sous leur influence. Les enseignants collaborent, sans s’en apercevoir, avec ceux qui cherchent la fin du peuple juif.

[90] Quoique pour les juifs, on pourra trouver une circonstance atténuante : ils ne veulent pas examiner la question correctement, pour fuir une condition juive ressentie comme difficile. L’Eglise n’a pas cette circonstance atténuante.

[91] Ces thèses furent merveilleusement réfutées par Isaac Eisik Halévy (Rabinovitch), Doroth Richonim ; pour l’époque du Tanakh, voir Tom. I, Tékouphath Hamikrah, et pour l’ancienneté de la Michna, la Thora orale, dans les prochains Tomes. Voir aussi : Am Olam de Rottenberg, N. Y., huit volumes, New York ; Am Ségoula trois volumes, d’Avigdor Miller.

[92] «Sur le plan concret de l’exégèse, les chrétiens peuvent, néanmoins, apprendre beaucoup de l’exégèse juive pratiquée depuis plus de deux mille ans et, de fait, ils ont appris beaucoup au cours de l’histoire», Le peuple Juif et ses Saintes Ecritures dans la Bible Chrétienne.

[93] «Avec les chrétiens, nous devons discuter, débattre, disputer sur l’interprétation de la Bible, tout en apprenant à vivre ensemble » (p. 201). Comme nous l’avons cité, nos rabbins indiquent que le polémiste juif sera plongé dans l’étude biblique, et que son but sera de réfuter leurs hérésie : «Etudie la Thora assidûment et sache quoi répondre aux hérétiques», Avoth, 2, 14.

[94] «De leur coté, ils (les chrétiens) peuvent espérer que les juifs pourront tirer profit, eux aussi, des recherches exégétiques chrétiennes». Le peuple Juif et ses Saintes Ecritures dans la Bible Chrétienne.

[95] «En conséquence, plutôt que d’attendre de la part de l’Eglise une réforme dogmatique radicale, dans le sens d’une impossible suppression d’un conflit historique, spirituel et métaphysique…» (p. 253).

[96] «Lors de la première rencontre officielle entre les représentants du judaïsme mondial et les représentants de l’Eglise catholique … le grand rabbin Jacob Kaplan s’exprima ainsi : …si ce qui se passe en ce moment, si la discussion qui va s’ouvrir n’est pas leshem shamaïm, elle se défera d’elle-même et n’aura pas d’avenir ; si, en revanche, elle est leshem shamaïm, elle durera» (p. 188). Vous commentez : «Ainsi formulait-il cette idée que, entre juifs et chrétiens, ce qui doit exister, ce n’est pas la controverse du moyen âge où chacun se doit d’emporter la conviction et l’adhésion de l’autre en vue de lui faire renier sa foi» (p. 188).

[97] «Benoît XVI, par exemple, a dit plusieurs fois que, pour nous chrétiens, le peuple de D-ieu, c’est l’Eglise et le peuple juif» (p. 189) ; «Un de mes grands désirs, dans la prière, est de savoir comment D-ieu nous regarde ensemble, juifs et chrétiens, comment il voit son peuple élu et son Eglise, dans un même amour. Le texte qui m’éclaire le plus à ce propos, et que j’espère ne pas interpréter abusivement, est la seconde partie du chapitre 37 d’Ezéchiel. Le prophète veut montrer que, malgré la division déplorable de son peuple en deux royaumes, le royaume de Juda et le royaume d’Israël, après la mort de Salomon, D-ieu garde le peuple dans sa main… Ce passage m’enchante. Je ne sais pas ce que vous en pensez, Gilles Bernheim. Mais pour moi, que les juifs et les chrétiens soient un seul morceau de bois dans la main de D-ieu, c’est plus qu’une espérance, c’est une évidence ! Nous formons ensemble son peuple élu ; son peuple béni» (p. 251).

[98] «…A votre lecture des versets d’Ezéchiel, j’ajoute un enseignement du Midrach…» (p. 252).

[99] Cela est exprimé ainsi chez nos rabbins : גוי שעוסק בתורה חייב מיתה, שנאמר : "תורה צוה לנו משה מורשה"... מאן דאמר מאורסה, דינו כנערה המאורסה דבסקילה.

[100] ראה בית הלוי פרשת ויצא

[101] Bien que le cardinal affirme croire en les textes de l’Ancien Testament, et se défend énergiquement de marcionisme, en vérité il nie que c’est D-ieu qui demande à Josué de conquérir cette Terre par la guerre.

[102] «Cela étant, certaines lois n’ouvrent pas à une modification immédiate de l’ordre du monde, et de ce fait semblent ne pas avoir de raison d’être. Ces lois que l’on appelle en hébreu des ‘Houkim – pluriel du mot hok, qui veut dire décret divin – sont des lois dont l’immédiate signification échappe à la raison humaine» (p. 85).

[103] «…J’obéis donc à un principe biblique qui veut que l’on ne mélange pas la dynamique de vie et la mort». Je vous fais confiance au sujet de la source au Talmud.

[104] «Manger cachère peut n’avoir aucun effet immédiat sur l’ordre du monde. Pourtant, il y a en moi la conviction qu’un sens autre, inconnaissable et imprévisible, est toujours possible. C’est un acte de foi. J’ai la conviction – parce que – que l’acte que j’accomplis, même s’il ne m’apporte rien sur l’instant, n’est pas inutile et qu’il participe à la construction du monde» (p. 86).

[105] Voir Yad, fin Témourah.

[106] «Assurément, cela ne me rend pas meilleur de ne pas mélanger la viande et le lait, cela ne me donne aucune vertu, et encore moins de supériorité par rapport à mon prochain. Cela me permet de réactiver l’idée qu’il ne faut pas manger la connaissance. La mitsva ici, est un moyen, pas une fin en soi (P. 80)».

[107] «Ne salissez pas vos âmes avec toutes les reptiles qui rampent, et ne vous rendez pas impurs avec eux, car ils vous rendraient impurs», Lev. 11, 43 ; «et distinguez entre l’animal pur et impur, entre l’oiseau impur et pur, et ne salissez pas vos âmes avec les animaux et oiseaux et tous ceux qui grouillent sur la terre pour vous éloigner de l’impureté. Et soyez saints, car Je suis saint, et Je vous ai distingués des peuples afin que vous soyez pour Moi», Lev. 20, 25-26.

[108] Je fais abstraction de quelques ratés dans notre histoire et des témoignages complaisants de Flavius Josèphe à l’égard de Titus.

[109] «Mais ce n’est pas parce que certains Pharisiens ont pu ne pas remplir leur mission que cela disqualifie leur tradition. Pardonnez-moi cette comparaison, car ce n’est pas parce que mon boulanger fait du mauvais pain que je ferme toutes les boulangeries de France». Page 161.

[110] D’après sa propre biographie, ainsi vous le supposez, p. 127.

[111] Gal. 3, 23-24

[112] Rm. 14, 14. Ainsi déclare Jésus souvent : «Mais manger sans s’être lavé les mains ne rend pas l’homme impur», (Mat. 15, 20).

[113] Intr. Michna, Hélék, huitième base de croyance ; Missive au Yémen et beaucoup d’autres.

[114] Chronique II, 17, 6 ; Souka 53 a.

[115] Moses Mendelssohn, avec sa croyance et avec sa fierté d’appliquer les mitsvoth (voir sa lettre à Lavater), n’a pu empêcher ses descendants et ses élèves de s’assimiler.

[116] D’après la conclusion talmudique, le texte est : «Un péché avec une bonne intention à la même valeur qu’une bonne action sans intention». Vous n’êtes sûrement pas sans savoir que de nombreuses personnes ont usé et abuser de cette maxime ; elle était entre autre un leitmotiv dans la bouche de Chabatai Zvi et de ses disciples, qui, à la fin, se sont convertis. Nos Sages nous avertissent de ne pas utiliser cet adage sans inspiration divine (voir entre autre Ramhal, Kin’ath Hachém chap. 2). Ceux qui après la mort du Baal Chém Tov ont essayé de déformer l’enseignement de ce dernier, en proclamant qu’il contenait le message : Grâce à la bonne intention, ainsi à l’amour vers D-ieu et les hommes, il sera permis de négliger la pratique méticuleuse des mitsvoth, furent excommuniés par le Rebbe Ber et ses pairs, en l’année 1770 (voir Zikhron Yaacov, de Yaacov Lipchitz).

[117] «…mieux vaudrait revendiquer la participation des Eglises et de la Synagogue à un combat commun afin d’agir pour le respect et l’efficacité des lois de civilisation. Il faudrait favoriser une collaboration active, présente et adulte entre chrétiens et juifs sur les grands problèmes de société» (p. 253).

[118] Ils l’ont été, même s’ils n’ont pas toujours pleinement rempli leur mission.