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CAPITAL : Lettre ouverte solennelle des fidèles aux quatre évêques de la FSSPX

http://www.virgo-maria.org/articles/2006/VM-2006-10-10-A-00-Appel_aux_quatre_eveques_de_la_FSSPX.pdf

Qui et Pourquoi, depuis la mort de Mgr Lefebvre en 1991, a détourné la finalité surnaturelle de l’OPERATION-SURVIE des sacres de 1988, pour assigner à la FSSPX ce FAUX objectif prioritaire de la «ré-conciliation» avec la Rome conciliaire
(en fait la «ré-conciliarisation» de la FSSPX) ?

Qui a, depuis 2000, PROMU, et Pourquoi, le FAUX préalable de l’autorisation de la messe de Saint Pie V ?

Pourquoi n’a-t-on pas posé la VRAIE question du rétablissement du VRAI Sacerdoce de VRAIS prêtres, ordonnés par des Evêques VALIDEMENT sacrés selon le rite VALIDE des Saints Ordres ?

Qui a INVENTE, et POURQUOI, le faux préalable de la levée des «excommunications» ?

Pourquoi n’a-t-on pas posé la VRAIE question de l’abrogation de Pontificalis Romani INVALIDE de 1968 et du rétablissement du vrai rite de la consécration épiscopale VALIDE d’avant 1968?

A quoi servirait-il, en effet, de faire dire le VRAI rite de la messe par de FAUX prêtres ?

Serait-ce donc qu’après avoir obligé de VRAIS prêtres à dire une FAUSSE messe, l’on veuille désormais faire dire la messe du
VRAI rite par de FAUX prêtres ?

Serait-ce que l’on veuille «concilier» les VRAIS prêtres qui disent encore la VRAIE messe avec un clergé aussi INVALIDE que le
FAUX CLERGE ANGLICAN ?


Gaude, Maria Virgo, cunctas hæreses sola interemisti.

(Tractus Missæ Salve Sancta Parens)

dimanche 28 mars 2010

Ce message peut être téléchargé au format PDF sur notre site http://www.virgo-maria.org/.

La mort de l’abbé de Nantes,
l’auteur du Liber Accusationis in Paulum Sextum,
Texte d’accusation historique contre Montini-Paul VI

Georges de Nantes

L’abbé de Nantes s’est éteint[1] le 15 février 2010, à l’âge de 85 ans dans sa communauté de la Contre-Réforme Catholique[2]à Saint-Parres-lès-Vaudes dans l’Aube.


Liber accusationis I[3] Contre les hérésies de Montini-Paul VI – Télécharger en PDF [4]

Liber accusationis II[5] – Contre les hérésies de Wojtyla-Jean-Paul II – Télécharger en PDF [6]

Liber accusationis III[7] -  Contre les hérésies du CEC (prétendu Catéchisme de l’Église Catholique supervisé et publié par Ratzinger) – Télécharger en PDF [8]

Cette figure ecclésiastique aura marqué le combat de la Tradition catholique contre la révolution conciliaire et la destruction de l’Église opérée par la maçonnerie depuis plus de 45 ans.

Une biographie très détaillée de l’abbé de Nantes est consultable sur le site[9] de la Contre-Réforme Catholique (CRC) qu’il a fondée dans l’Aube.

Avis de décés de Georges de Nantes

Son évolution erratique au fil des années n’aura malheureusement pas été à la hauteur des espoirs qu’il avait pu susciter.

Nous ne rentrerons pas ici dans cet examen.

Nous souhaitons simplement rappeler tout particulièrement le début de son combat, par la publication le 10 avril 1973 du Liber Accusationnis in Paulum Sextum, dans lequel il fit le procès de Vatican II, du MASDU (Mouvement d’Animation Spirituelle de la Démocratie Universelle), et des hérésies de Montini-Paul VI.

C’est lui en effet qui aura été le premier ecclésiastique en France à comprendre dès les années 60 la nature de ce prétentendu « Concile œcuménique » Vatican II (1961-1965), en l’accusant d’instituer ce qu’il a justement appelé « le MASDU » ou « Mouvement d’Animation Spirituelle de la Démocratie Universelle », ce qui constitue l’objectif propre de la Franc-Maçonnerie, un objectif hypocritement mais radicalement anti-catholique.

« Au début de l'année 1965, l'abbé de Nantes exposa dans une série de Lettres à mes Amis intitulées “ l'Église et le Masdu ”, la pensée personnelle de Paul VI, dont tout le dessein se trouve expliqué, analysé, dénoncé : c'est une utopie politico-religieuse, une nouvelle théorie de la religion comme“ MOUVEMENT D'ANIMATION SPIRITUELLE DE LA DÉMOCRATIE UNIVERSELLE ”, en abrégé : MASDU...

Ce nom même, l'abbé de Nantes le trouva dans un discours du Saint-Père du 30 janvier 1965 : « L'Église... ne peut se désintéresser de l'animation idéologique, morale et spirituelle de la vie publique et, en ce domaine, elle invite à travailler avec confiance ; oui, avec confiance dans les institutions qui forment la norme et l'histoire de notre société, et qui sont aujourd'hui les institutions démocratiques ». Autrement dit, l'Église se fait la servante humble et discrète de la nouvelle société humaine, elle aspire généreusement à rivaliser d'ardeur sociale avec tous les autres générateurs d'héroïsme humain.

C'est le Messianisme révolutionnaire de Lamennais, c'est la Démocratie chrétienne de Sangnier, tout cela repris et mis en système par Jacques Maritain, ami personnel de Paul VI dans son HUMANISME INTÉGRAL.

On peut décomposer ce système en trois parties et un important corollaire :

1° – L'HUMANITÉ, au lieu de l'ÉGLISE et de sa Chrétienté, est la société de salut universelle.

2° – La Charte des DROITS DE L'HOMME en est l'ÉVANGILE nouveau, avec sa trilogie de Liberté, Égalité, Fraternité.

3° – La Construction de la DÉMOCRATIE MONDIALE est la forme terrestre du ROYAUME DE DIEU. Elle se fera par l'avènement de la Justice et de la Paix, dans la Vérité et dans l'Amour...

Corollaire : La RELIGION, toutes confessions réunies, sera l'inspiratrice et l'ANIMATRICE SPIRITUELLE de l'Humanité ainsi régénérée. »[10]

Place Saint-Pierre, le 10 avril 1973, Conférence de presse de l'abbé Georges de Nantes Place Saint-Pierre, le 10 avril 1973, Conférence de presse de l'abbé Georges de Nantes

Place Saint-Pierre, le 10 avril 1973, à midi, au pied de l'Obélisque,
conférence de presse improvisée pour expliquer l'événement aux journalistes.

Il fut l’invité de par Jacques Chancel dans l’émission Radioscopie[11] le 16 janvier 1973. L’émission est consultable en ligne.

Après la publication du Liber I, l’abbé de Nantes tentera d’entraîner Mgr Lefebvre dans son combat doctrinal. Mais Mgr Lefebvre malheureusement s’y refusera.

C’est en effet l’époque où Mgr Lefebvre était entré en négociations avec Rome pour fonder en particulier un Séminaire en Suisse à Écône, ainsi qu’en 1970 une organisation sacerdotale, la Fraternité Sacerdotale Saint Pie X (la même tentation à la quelle a cédé aujourd’hui Mgr Fellay), essayant d’en obtenir des protections pour son œuvre (alors que Mgr Fellay tente d’y obtenir une prébende personnelle).

Le fondateur de la FSSPX désavouera par la suite l’abbé de Nantes, sans doute conditionné par son entourage déjà bien infiltré, puisque dès 1972 la taupe n°1, l’ex(?)-Anglican Britannique Richard Williamson d’une part, et la taupe n°2, le kantien Allemand Franz Schmidberger, le disciple et ami de Joseph Ratzinger, d’autre part, avaient dès cette année-là rejoint Mgr Lefebvre dont les oppositions au Concile Vatican II au sein du Cœtum, n’étaient bien sûr pas passées inaperçues.

Cet épisode mériterait des développements.

Ce fut à cette époque que l’abbé de Nantes publia un retentissant éditorial : « Frappe à la tête », exhortant Mgr Lefebvre à mettre directement et publiquement en cause la légitimité l’évêque apostat Montini-Paul VI, le chef de l’église Conciliaire, le chef du MASDU maçonnique :

« À partir de cette époque, Mgr Lefebvre justifia certes son refus des réformes liturgiques par des raisons doctrinales, mais sans cesser pour autant de se prétendre soumis au Pape ; ses lettres privées témoignent pourtant qu’il ne se faisait aucune illusion sur Paul VI.

À plusieurs reprises, l’abbé de Nantes lui tendit la perche pour qu’il sorte de cette incohérence aux funestes conséquences, et adopte la position de la CRC. En février 1975, notre Père publia un retentissant éditorial : « Frappe à la tête ». Après y avoir évoqué les derniers actes scandaleux de Paul VI, il en venait à cette conclusion : « Il était à prévoir que capituleraient à la première injonction de l’Autorité supérieure, tous ceux qui juraient de résister à l’emprise du MASDU, de rester fidèles à l’Église de leur baptême, à la Messe de leur ordination, au Credo de Nicée… mais  en parfaite communion avec le Souverain Pontife , dans  une soumission totale à ses volontés .(…) Alors demeure l’ultime remède, l’héroïque, le seul que craigne Celui qui a sciemment et opiniâtrement inverti le sens de sa mission divine et apostolique. Il faut qu’un évêque, lui aussi successeur des Apôtres, membre de l’Église enseignante, collègue de l’Évêque de Rome et comme lui ordonné au bien commun de l’Église, rompe sa communion avec lui tant qu’il n’aura pas fait la preuve de sa fidélité aux charges de son suprême pontificat. »

En première page de cet éditorial, un admirable texte de saint Augustin contre le schisme, cité en encart, manifestait on ne peut plus clairement les intentions de l’abbé de Nantes : proposer au fondateur d’Écône le seul moyen de défendre la foi et d’éviter le schisme.

Voir un extrait de l'entrevue de Mgr Lefebvre avec trois cardinaux romains

Malheureusement, Mgr Lefebvre n’en fit rien, au contraire. Le 3 mars suivant, il était convoqué à Rome devant une commission de trois cardinaux en proie à une obsession : empêcher que Mgr Lefebvre s’associe au combat doctrinal de l’abbé de Nantes. Aussi voulurent-ils à tout prix qu’il écrive au Pape pour lui exprimer sa pleine communion. La retranscription de cette comparution est accablante pour Mgr Lefebvre : il ne sait que répondre à ses interlocuteurs qui le somment d’accepter toute la réforme liturgique et tout le Concile, au nom de l’obéissance au Pape dont il se targue.

Ce ne fut pas suffisant pour ouvrir les yeux de Mgr Lefebvre sur la faiblesse de sa position ! Au contraire, il s’obstina à faire preuve de soumission à Paul VI et pour cela, quelques jours plus tard, il désavouait publiquement l’abbé de Nantes en feignant de croire qu’il l’appelait au schisme vis-à-vis de Rome ! » CRC[12]

Cette faiblesse de Mgr Lefebvre, englué par la négociation avec Rome, fut sanctionnée par la suite des évènements.

La Rome de Montini en effet décida en 1975 de la suppression canonique de la FSSPX. Et Mgr Lefebvre commencera par la suite à prendre publiquement ses distances : ce fut en 1976 l’épisode médiatique de « la messe de Lille ».

Mais ce détachement de la Rome moderniste, sera suivi pour lui d’une nouvelle tentation encore plus terrible au moment de l’avènement de l’évêque apostat Wojtyla-Jean-Paul II, ce nouveau « Pape » polonais, anti-communiste, totalement inconnu de Mgr Lefebvre qui prit alors pour un signe du ciel son élection-« surprise » d’octobre 1978, à la suite de la disparition soudaine (très probablement par empoisonnement par un café au cyanure selon le livre-enquête « Au nom de Dieu »[13] du réputé David Yallop) après 33 jours de règne d’Albino Luciani sous le nom de Jean-Paul Ier.

Dès 1982, Mgr Lefebvre reprit en effet ses négociations avec ce nouvel occupant polonais du Saint-Siège, l’évêque apostat Karol Wojtyla Jean-Paul II, que Mgr Lefebvre croyait lui avoir été envoyé par le Ciel, ainsi qu’avec son tout nouveau Préfet de la Congrégation de la Foi, l’abbé apostat Joseph Ratzinger.

Et c’est dans le cadre de ce rapprochement illusoire, et pour mieux complaire à cet infernal tandem que Mgr Lefebvre entreprit alors, sous les instigations de Williamson et Schmidberger les taupes n°1 et 2 infiltrées auprès de lui, sa « chasse aux sedevacantistes » au sein de la Fraternité, allant même en 1983 pour ce motif absurde jusqu’à détruire totalement son œuvre, alors très florissante, aux États-Unis[14].    

L’illusion de croire que le Ciel avait exaucé ses prières les plus ardentes en la personne de l’évêque apostat Karol Wojtyla, et accessoirement dans celle de l’abbé apostat Joseph Ratzinger, le professeur et ami de Schmidberger, dans laquelle Mgr Lefebvre s’était enfermé ne se dissipera que lentement, et les FAITS se chargèrent de lui ouvrir peu à peu douloureusement et même cruellement les yeux.

En particulier en 1986, après la visite scandaleuse de l’évêque apostat Karol Wojtyla-Jean-Paul II à la grande Synagogue de Rome, la cérémonie pan-religieuse sacrilège organisée par ce dernier dans la cathédrale Saint François à Assise achèvera de le décider à rompre avec cette Rome apostate, et à consacrer de nouveaux évêques pour perpétuer le véritable sacerdoce sacrificiel catholique sacramentellement valide.

C’est ainsi que survint la rupture des quatre sacres épiscopaux à Écône le 30 juin 1988.

Il restait alors à Mgr Lefebvre moins de trois ans à vivre !

Dans les dernières années, Mgr Lefebvre commencera même à instaurer et mettre en place une institution de suppléance pour les sacrements de mariage auxquels la Fraternité avait présidé, qu’il confia à l’autorité de Mgr Tissier de Mallerais.

Et c’est alors qu’il disparaîtra inopinément, sans testament le 25 mars 1991, les visiteurs ayant été systématiquement éloignés et n’ayant pu l’approcher au cours de son hospitalisation à l’hôpital de Martigny, alors que l’abbé Schmidberger gouvernait la FSSPX (à son entrée à l’hôpital Mgr Lefebvre l’avait sévèrement mis en cause, accusant l’abbé allemand de « détruire son œuvre »). L’abbé Epiney raconte à ses visiteurs l’appel de détresse que lui lança Mgr Lefebvre depuis sa chambre d’hôpital, pour l’en faire sortir. Un épais voile de silence est entretenu, sur les derniers jours du fondateur, par les témoins encore vivants de cette époque.

Cette même tentation d’« accords avec Rome » reprendra une troisième fois en 2000, sous la direction de Mgr Fellay.

Cette fois-ci les choses iront bien plus loin, Mgr Fellay se révélant un évêque sans scrupules, sans grande Foi de résistant, bien plus sensible aux ors du Vatican et au confort qu’à la défense de la Foi en Notre Seigneur Jésus-Christ.

Cette qualité d’homme que nécessitait la poursuite du combat de Mgr Lefebvre n’existait semble-t-il déjà plus.

Très ignorant en théologie et en histoire, autoritaire, trompeur et vaniteux, Mgr Fellay favorisera et accompagnera la destruction interne de la FSSPX, en tuant son élan apostolique, en enclenchant une chute vertigineuse des vocations externes, et en assurant la promotion systématique d’une brochette d’abbés intrigants, gagnés à la cause de l’ennemi et à ses promesses de carrières ecclésiastiques confortables au sein de l’église Conciliaire.

La Grande3 points Loge3 points de France3 points, organisatrice du ralliement de la FSSPX à la Rome de l’abbé apostat Joseph Ratzinger-Benoît XVI, trouvera ainsi en Mgr Fellay un allié de choix, lequel protégera mordicus – en dépit du scandale public – l’abbé Celier le signataire du manuel du ralliement à l’abbé apostat Joseph Ratzinger-Benoît XVI : « Benoît XVI et les traditionnalistes », édité et préfacé par un membre[15] F3 pointsM3 points enthousiaste de la G3 pointsL3 pointsF3 points.

L’accession dans la Tradition catholique d’une classe de clercs aussi médiocres aux postes de responsabilités dans les années 1990-2000 tranche singulièrement avec la qualité, la noblesse et l’envergure des premiers résistants à la révolution conciliaire qui, tels l’abbé de Nantes, Mgr Lefebvre, le Père Guérard des Lauriers, Mgr Ducaud-Bourget, l’abbé Coache, etc. surent s’opposer avec panache et efficacité à la Rome apostate.

La nouvelle génération saura-t-elle relever le défi et faire oublier l’insondable abîme de bassesse d’un Mgr Fellay et de sa camarilla de clercs infiltrés ?

Au plus fort de son combat, l’abbé de Nantes sut quant à lui mobiliser des milliers de personnes.

Nous le voyons ici à la salle de la Mutualité à Paris.

Georges de Nantes, Grande salle de la Mutualité, à Paris. Réunion inaugurale annuelle.

Grande salle de la Mutualité, à Paris. Réunion inaugurale annuelle.

Préparer Vatican III, « projet de contre-révolution globale, doctrinale, pastorale, liturgique, sociale et politique. »

Continuant sa mise en procès des hérésies de Vatican II et de la Rome moderniste, il publiera le Liber II[16] :

LIBER ACCUSATIONIS SECUNDUS

À notre Saint Père le pape Jean-Paul II, 
par la grâce de Dieu et la loi de l'Église, juge souverain de tous les fidèles du Christ, 
plainte pour HÉRÉSIE, SCHISME, SCANDALE, 
à l'encontre de notre frère dans la foi Karol Wojtyla 
 de l'abbé Georges de Nantes

·         L'ACCUSATION
1. De la transcendance et royauté de l'homme : votre blasphème
2. De la Divinité et Royauté de Jésus-Christ : votre apostasie
3. Suspicion légitime et soustraction d'obédience envers un pontife perfide

·         NOVATEUR, VOUS TRAHISSEZ LE CHRIST
1. La rupture en Pologne : de Sapieha à Wojtyla
2. La rupture à Rome : de Pie XII à Jean-Paul II
3. Une rupture philosophique : de la religion catholique à l'humanisme wojtylien
Vous êtes un moderniste, faisant de Rome le siège de l'Antéchrist

·         CORRUPTEUR, VOUS METTEZ LE CHRIST À MORT
1. Vous étouffez la religion
2. Vous détruisez l'Église
3. Vous perdrez le monde !
Qui vous persuadera de votre irréalisme catastrophique ?

·         LE JUGEMENT

·         ENVOI

Georges de Nantes, À Rome le 13 mai 1983.

À Rome le 13 mai 1983.

Ce dossier sera suivi en 1993 d’un Liber III qui dénoncera le faux catéchisme supervisé et publié par le pseudo cardinal, l’abbé apostat Joseph Ratzinger sous l’autorité de l’évêque apostat karol Wojtyla-Benoît XVI.

Mgr Caotorta et l'abbé de Nantes au St-Office, le 13 mai 1993.

Mgr Caotorta et l'abbé de Nantes au St-Office, le 13 mai 1993.

LIVRE D'ACCUSATION POUR HÉRÉSIE
à l'encontre de l'Auteur du prétendu 
CATÉCHISME DE L'ÉGLISE CATHOLIQUE

À notre Saint Père le pape Jean-Paul II, livre d'accusation pour HÉRÉSIE 
à l'encontre de l'Auteur du prétendu 
catéchisme de l'église catholique 
catéchisme d'orgueil, catéchèse de fourbes
par l'abbé Georges de Nantes

 Adresse au Pape

À Sa Sainteté le Pape Jean-Paul II, Livre d'Accusation pour hérésie à l'encontre de l'auteur du prétendu « Catéchisme de l'Église Catholique ».

Première hérésie

Une extension abusive de l'infaillibilité et de l'indéfectibilité de l'Église en son chef, en ses pasteurs et en son peuple.

Deuxième hérésie

Erreur sur la prédestination universelle et absolue de tous les hommes, à la grâce, à la rémission des péchés, à la vie éternelle.

Troisième hérésie

L'erreur d'un Fils de Dieu uni à chaque homme, pour toujours, à travers ses mystères, les sauvant tous infailliblement.

Quatrième hérésie

Erreur sur l'innocence des juifs et la culpabilité des chrétiens dans la passion et la mort de Jésus crucifié.

Cinquième hérésie

Erreur d'un au-delà perdu hors de l'espace et du temps, d'un Christ désincarné et d'un royaume évanescent.

Sixième hérésie

Erreur sur le Saint-Esprit, Animateur du monde nouveau.

Septième hérésie

L'erreur d'un peuple de Dieu, convoqué, conduit par l'Esprit, Dieu seul sait où ! Dieu sait comment !

Huitième hérésie

Erreur du sacerdoce commun, antithèse du sacerdoce hiérarchique. La théodémocratie contre le Christ souverain prêtre et roi.

Neuvième hérésie

L'apostasie d'un culte de l'homme antichrist dans la répudiation du Cœur et de la Croix de Jésus.

Dixième hérésie

Erreur de la démocratie dite chrétienne, laïque, personnaliste et socialisée.

Onzième hérésie

La laïcité de l'état, la liberté de l'homme au mépris de la loi divine, signe de l'apostasie finale et du châtiment de Dieu.

Douzième hérésie

Votre gnose, Très Saint Père.

Salle comble à la salle de la Mutualité à Paris, dans les années 1970, pour écouter l’abbé de Nantes

Salle comble à la salle de la Mutualité à Paris, dans les années 1970, pour écouter l’abbé de Nantes

En 2010, Mgr Fellay et sa camarilla d’infiltré ont enterré le combat catholique, pour négocier avec la fausse Rome. Ils ne mobilisent plus personne, à l’exception de quelques idolâtres[17] de Ratzinger-Benoît XVI qui vivent dans l’auto-suggestion psychologique du « bon pape Benoît XVI qui va restaurer la Tradition », alors que les apostasies dans les synagogues et les temples luthériens se multiplient.

Continuons le bon combat

La Rédaction de Virgo-Maria

© 2010 virgo-maria.org

 
Document[18]
 

LIBER ACCUSATIONIS IN PAULUM SEXTUM

À notre Saint Père le pape Paul VI,
par la grâce de Dieu et la loi de l’Église, juge souverain de tous les fidèles du Christ,
plainte pour HÉRÉSIE, SCHISME, SCANDALE,
au sujet de notre frère dans la foi, le pape Paul VI
 par l’abbé Georges de Nantes

Table des matières

ADRESSE AU PAPE. 10

VOTRE DÉCISION HISTORIQUE DES ANNÉES 1964-1965. 12

LE GRAND COMBAT DES SOUVERAINS PONTIFES. 13

L’IRRUPTION DES IDÉES MODERNES DANS L’ÉGLISE. 14

1963 : L’ÉGLISE EN SUSPENS. 15

1964 : VOUS CHOISISSEZ LA RÉFORME. 16

LE SCHISME EST CONSOMMÉ. 16

L’ACCUSATION CAPITALE. 17

1. HÉTÉROPRAXIE : LA LIBERTÉ RELIGIEUSE. 17

EFFACEMENT DU MAGISTÈRE ECCLÉSIASTIQUE. 18

FIN DES INTERDITS ET DES EXCOMMUNICATIONS. 19

LE DIALOGUE : « L’ÉGLISE SE FAIT CONVERSATION ». 19

LA RELIGION DIVINE S’EFFACE DEVANT LA LIBERTÉ DE L’HOMME. 20

2. HÉTÉRODOXIE : LE CULTE DE L’HOMME. 21

AMOUR DE L’HOMME. 21

CONFIANCE ET FOI EN L’HOMME. 22

CULTE DE L’HOMME QUI SE FAIT DIEU.. 22

EFFACEMENT DU DIEU FAIT HOMME DEVANT L’HOMME QUI SE FAIT DIEU.. 23

HÉRÉSIE. 25

1. VOTRE HÉRÉSIE PERSONNELLE. 25

1° – AU LIEU DE L’ÉGLISE, L’HUMANITÉ. 26

2° – AU LIEU DE L’ÉVANGILE, LA CHARTE DES DROITS DE L’HOMME. 28

3° – AU LIEU DU ROYAUME DE DIEU, UNE DÉMOCRATIE UNIVERSELLE. 31

DE LA PAIX À LA JUSTICE. 32

COROLLAIRE LA RELIGION, ANIMATION SPIRITUELLE DE LA CITÉ IDÉALE. 34

LA RELIGION, FORCE D’UTOPIE ET DE CONTESTATION.. 37

2. VOTRE UNIVERSELLE COMPLICITÉ D’HÉRÉSIE. 38

TEILHARD DE CHARDIN.. 39

LE CATÉCHISME HOLLANDAIS. 40

LA NOUVELLE CATÉCHÈSE. 42

CONTRE LE CARDINAL OTTAVIANI 43

CONTRE LE CARDINAL WRIGHT. 44

TOUT UN FOISONNEMENT D’HÉRÉSIES. 45

IL FAUT EN FINIR AVEC L’HÉRÉSIE. 47

SCHISME. 48

LE SCHISME, TRIPLE INVERSION DE L’AMOUR. 48

1. SCHISME AFFECTIF : ENVERS LES PERSONNES. 50

2. SCHISME EFFECTIF : CONTRE L’ÉGLISE. 53

L’AUTODÉMOLITION DE L’ÉGLISE. 56

LE SIGNE DU SCHISME. 58

3. LE SCHISME ABSOLU : LE MÉPRIS DE DIEU.. 59

CE GRAND DESSEIN QUI BRISE L’ŒUVRE DE DIEU.. 59

1. VOUS NE DISCERNEZ PAS L’ÉGLISE DE DIEU.. 60

2. VOUS NE DISCERNEZ PAS LE SACERDOCE CHRÉTIEN.. 62

3. VOUS NE DISCERNEZ PAS LE CORPS DU CHRIST. 63

SCANDALE. 65

1. L’INSTITUTION ECCLÉSIASTIQUE RUINÉE. 66

2. LA RELIGION S’ÉTEINT. 68

LE MARIAGE DES PRÊTRES. 69

3. LA CHRÉTIENTÉ TRAHIE. 71

VOTRE NEUTRALISME DE FAÇADE. 72

UN ANTICOLONIALISME VIRULENT. 74

VOTRE PRO-COMMUNISME INCONDITIONNEL. 76

4. LE RÈGNE DE SATAN.. 79

FATIMA PROFANÉE. 83

VOUS AVEZ REFUSÉ CETTE GRÂCE. 84

REVIENS ET CONFIRME TES FRÈRES ! 86

TRÈS SAINT PÈRE, AYEZ PITIÉ DE VOTRE ÂME ! 88

TRÈS SAINT PÈRE, AYEZ SOUCI DE L’ÉGLISE ! 89

TRÈS SAINT PÈRE, SONGEZ À L’HONNEUR DE NOTRE DIEU.. 91

ANNEXE I : LA LETTRE SUR LE SILLON DE SAINT PIE X. 94

ANNEXE II : LE DISCOURS D'OUVERTURE DU CONCILE. 94

MARCHAND DE BONHEUR. 104

L’INVASION D’UN ESPRIT NOUVEAU.. 106

RÉFORME DANS L’EXERCICE DU MAGISTÈRE. 106

« SOUS LE SOLEIL DE SATAN ». 106

ANNEXE III : L'ENCYCLIQUE PACEM IN TERRIS. 94

ANNEXE IV : LE MANIFESTE DU PROGRESSISME ANTICHRIST : LE SCHÉMA CLANDESTIN DU PÈRE KARL RAHNER. 105

ANNEXE V : L'ENCYCLIQUE ECCLESIAM SUAM (6 août 1964) 107

PAUL VI, ACQUIS AU RÉFORMISME CONGARIEN.. 113

DES RESTRICTIONS RASSURANTES QUI N'EMPÊCHERONT PAS  LA NOUVEAUTÉ SUBVERSIVE DE L'EMPORTER. 113

L'ÉGLISE AU SERVICE D'UN MONDE PROFANE. 115

ENTRER EN DIALOGUE AVEC LES DIVERSES CROYANCES ET INCROYANCES. 116

LES FILS DE LA MAISON LIVRÉS À L'ARBITRAIRE. 117

NEUTRALISME POLITIQUE. 117

ANNEXE VI : L'ENCYCLIQUE POPULORUM PROGRESSIO.. 113

I. UNE ANALYSE MARXISTE-LÉNINISTE DE LA SITUATION MONDIALE. 118

1. UN SERMON DE CHARITÉ QUI PREND LES ALLURES D’UN ULTIMATUM.. 113

2. L’A PRIORI FONDAMENTAL D’UNE GUERRE SOCIALE MONDIALE. 113

3. DEUX SILENCES QUI SONT UNE TRAHISON.. 115

II. « UNE VISION GLOBALE DE L’HOMME ET DE L’HUMANITÉ ». 121

1. « POUR UN DÉVELOPPEMENT INTÉGRAL DE L’HOMME ». 116

2. « POUR UN DÉVELOPPEMENT SOLIDAIRE DE L’HUMANITÉ ». 117

 
ADRESSE AU PAPE
 

Très Saint Père,

Qui suis-je pour m’élever contre Votre Sainteté et lui demander Justice à l’encontre d’Elle-même ? Je ne suis rien et vous êtes tout. Le peu que j’étais il y a dix ans, curé de campagne, je ne le suis même plus. C’en est au point que, suspens par décision de l’Évêque de Troyes le 25 août 1966, je n’ai même plus le droit de célébrer la Messe ni de prêcher dans ce diocèse où je réside. Et Vous, vous êtes l’homme le plus élevé de la terre. Vous êtes au sommet des honneurs et des grandeurs de ce monde, constitué dans la plus haute charge ecclésiastique qui se puisse concevoir et assisté plus qu’aucun autre homme des lumières et des forces du Saint-Esprit.

Comment oserai-je m’élever contre Vous ?

Trouverai-je quelque assurance dans ces grandeurs de sainteté qui, sans considération des grandeurs d’établissement, relèvent les petits, comblent les pauvres et abaissent les grands, dépouillent les superbes, renversent les puissants de leur trône ? Non. Simple prêtre, au dernier rang de la hiérarchie, je ne suis qu’un pécheur parmi les autres. De très grands saints à travers les âges se sont élevés contre des papes prévaricateurs, mais je ne puis me prévaloir d’aucun mérite, d’aucune lumière mystique, d’aucune mission pour vous faire remontrance. Au contraire, me voyant si misérable, je tremble en songeant à ce qu’écrit de Vous le Cardinal Journet : « un saint vivant vers lequel nous devons lever les yeux avec amour », tandis qu’il me considère comme irrémédiablement perdu, à moins qu’au dernier jour mes yeux ne s’ouvrent, par grâce... [19]

D’ailleurs, ces temps-ci maintes “ révélations ” très courues donnent comme venant immédiatement du Seigneur ou de sa Sainte Mère que vous êtes leur fils de prédilection, le plus aimé des Papes, le plus méritant, qui supportez un véritable martyre du fait de votre entourage diabolique, du fait aussi de tous les agents de désordre et les meneurs hérétiques qui ravagent l’Église malgré vous. Si tout cela pouvait être vrai, quel réconfort ce serait pour nous de penser que nous souffrons avec Votre Sainteté, contrairement aux apparences, non de son fait et contre elle !

Où trouve-je donc l’audace et le droit de me plaindre de Vous à Vous-même, à la face de toute l’Église ? Très Saint Père, dans la foi, dans l’espérance et dans la charité que l’Esprit-Saint répand communément dans les âmes fidèles, à moins qu’elles n’y mettent obstacle par l’hérésie, le schisme ou l’apostasie. Je suis prêtre depuis vingt-cinq ans, adonné à l’étude de la théologie. Mais je ne me recommande que de la foi de notre baptême, commune, ordinaire, élémentaire, et de mon appartenance entière à l’Église Catholique Romaine. Car, Vous ne l’ignorez pas, dans mon opposition totale et publique à la Réforme de l’Église et jusque dans mon refus d’en rien accepter, réitéré à l’issue de mon Procès au Saint-Office, à l’encontre de votre désir et de votre volonté formelle, je n’ai été frappé d’aucune peine canonique. J’ai été déclaré “ disqualifié ” par mes propres outrances [20] , ce qui n’atteint en aucune façon mon appartenance canonique à l’Église. Je suis toujours le fils du Père Commun, le sujet de Votre Sainteté. Et le fils a le droit de se plaindre de son père à son père, jusqu’à lui faire remontrance de ses mauvaises pensées et de ses détestables agissements.

Membre minuscule de l’Ecclesia credens, je n’ai absolument pas autorité pour juger quiconque ni pour dirimer aucun débat, ni pour fournir l’interprétation authentique du moindre article de la foi. Mais j’ai le droit et le devoir de garder en mémoire l’enseignement que j’ai reçu comme doctrine constante et universelle, irréformable et infaillible, de l’Ecclesia docens, du Magistère catholique. À cette foi du simple fidèle tous sont soumis, et Vous-même comme nous, Très Saint Père, obligatoirement, à peine de mort spirituelle et de déposition ou de déchéance.

Or depuis dix ans je ne peux empêcher ma pensée, qui donne son “ hommage raisonnable ” [21]à Dieu par la foi, de constater une contradiction véhémente et formelle entre ce qui nous a été enseigné jadis et ce qui est enseigné maintenant. Dans mon âme, en attente de la Vérité divine comme une cire vierge, ne possédant pour certitudes que les seuls principes premiers de la raison qui constituent sa nature même et l’illumination première de Dieu Soleil des esprits, le Credo catholique a été inscrit et y est demeuré fixé sans que rien ne soit jamais venu de haut en brouiller les caractères. L’Église a toujours parlé le même langage. Depuis dix ans, mais non point avec la même autorité, ni la même unanimité, ni la constance ni l’universalité de jadis, elle me tient par Vous, par le Concile, par les Évêques, un tout autre langage au nom de la nouveauté et du changement, notes habituelles et infamantes de l’hérésie, du schisme et de l’apostasie. Depuis lors s’élève en moi incoerciblement une protestation intime qui, pour être franche, s’est faite publique et que j’ai soumise à l’examen de l’Autorité. De proche en proche, elle accède aujourd’hui à votre Tribunal, au Juge des juges, au Souverain Pontife, comme au responsable suprême de la Réforme abhorrée, mais aussi comme à l’ultime interprète et garant de la Vérité divine adorée. En moi, le plus indigne des fidèles du Christ, la contradiction de la religion catholique et de cette religion prétendue réformée est purement ressentie et exprimée. En Vous, qui êtes le plus éminent des fidèles du Christ, elle doit être portée à son point le plus haut de clarté infaillible et d’active prophétie. À notre demande, dites où est la Vérité de Dieu et où sont l’hérésie, le schisme et le scandale, dites-le solennellement et nous croirons votre Parole.

Je dis nous, parce que je ne me sépare pas du peuple fidèle qui souffre de la même contradiction. Je me présente aux portes du Siège Romain non pas seul mais accompagné de dix religieux et de cinquante laïcs, eux-mêmes explicitement mandatés pour représenter cette “ Légion Romaine ” de trois mille chrétiens dont les pensées et les affections sont à l’unisson des nôtres et dont la liste nominative vous est remise ce 10 avril 1973 en même temps que le présent libelle. Tous vous aiment, Très Saint Père, ils espèrent en Vous comme en l’ultime recours [22] contre cette invasion de Satan dans l’Église. Mais, en tremblant, tous vous accusent avec nous et comme nous d’en avoir été, d’en être encore le responsable, le complice, le coopérateur. Tous vous supplient avec prières et avec larmes de Vous justifier ou de vous rétracter, ou de remettre à un autre, un homme neuf, la charge du Souverain Pontificat. Mais tous n’en peuvent plus de ce doute horrible et enfin de cette accusation certaine que leur esprit et leur cœur portent contre Vous. Ce désordre effroyable à la Tête, se répandant dans les membres de l’Église, leur est devenu invivable.

Ces milliers de catholiques ne forment pas une secte, ne sont nullement un parti séparé de l’ensemble de la communauté catholique. Par toutes sortes de liens, ils touchent à des centaines de milliers d’autres qui forment le tissu sans limites de l’Église Catholique. Et par une succession de nuances dans l’accord fondamental ils se trouvent dans leur plainte en union avec des membres de la Hiérarchie de plus en plus haut placés, et jusqu’aux abords immédiats du trône de Votre Sainteté.

C’est pourquoi, moi qui ne suis rien, j’ai en conscience le devoir et l’audace de vous demander, Très Saint Père, Vérité et Justice contre Vous-même pour cause d’hérésie, de schisme et de scandale publics, avérés et obstinés, au nom de l’Église fidèle, au nom de tout le peuple catholique que Vous abusez, prétextant d’une Réforme nécessaire de l’Église et invoquant votre Autorité par un inqualifiable abus. Vous êtes accusé, et je tiens que vous l’êtes par l’Église elle-même dans son indéfectible infaillibilité dont je me fais l’écho misérable mais véridique. Cette accusation ne peut être écartée de Vous, Très Saint Père, que par Vous-même vous faisant la Voix autorisée et infaillible de cette même foi de l’Église, terminant le conflit à votre avantage, si vous le pouvez. Mais nous le tenons pour impossible. Une telle justification ferait entrer toute cette Réforme dans le Corps des Vérités divines qui expriment le dépôt de la Foi révélée. Non, cela ne peut être...

Jamais dans le passé ne s’est élevé pareil conflit. L’Église ne peut vivre dans pareille contradiction. Notre accusation Vous impose, Très Saint Père, d’instruire toute l’affaire et d’en juger. La Paix de l’Église et sa fidélité à Jésus-Christ sont à ce prix. Je voudrais, nous voudrions tous autant que nous sommes, avoir personnellement tort pour que Votre Auguste Personne ait raison. Mais l’honneur de Dieu, le bien commun de l’Église et le salut des âmes parlent plus fort que nos sentiments humains : Vous avez tort. Nous prions pour votre conversion spirituelle et votre changement afin que l’Église soit délivrée du joug de Satan qui la tient enchaînée et soit rendue au Christ pour en produire derechef les fruits de vie et de sainteté.

 
VOTRE DÉCISION HISTORIQUE DES ANNÉES 1964-1965
 

Nous sommes dans une situation sans précédent. L’Église est dans un état d’« autodémolition » accélérée, l’expression est de Vous [23] et d’« apostasie immanente » [24] dans la totalité de son être et dans toute l’universalité de ses membres. Depuis dix ans. Ces mauvais fruits sont portés par l’arbre planté au centre même de la Chrétienté : la Réforme. « Vous les connaîtrez à leurs fruits », disait le Seigneur. Le régisseur du domaine qui l’avait planté est mort. Que Dieu lui pardonne ! Vous [25] lui avez succédé. Vous avez conservé cet arbre et vous persistez à le protéger, à lui donner accroissement et force au point qu’il recouvre tout de son ombre. C’est votre volonté, c’est votre œuvre. Si l’Église se détruit par cette Réforme, elle meurt donc par Vous.

C’est un point d’histoire capital que l’introduction de cette Réforme, dans ses antécédents et ses conséquences, où Vous avez joué un rôle décisif.

LE GRAND COMBAT DES SOUVERAINS PONTIFES

Lorsque, en 1963, Votre Sainteté est montée dans la Chaire de Saint Pierre, l’Église était comme en suspens, dans l’équilibre instable de deux religions qui s’affrontaient comme jamais, l’une de toute la force prescription millénaire, l’autre de tout le dynamisme ascendant d’une religion proscrite en voie de réhabilitation.

Je ne rappellerai pas à Votre Sainteté tous les titres du Catholicisme traditionnel à la souveraineté exclusive dans l’Église. Qui ne les sait ? Mais je mentionnerai la défense continuelle de cette religion par tous vos Prédécesseurs, très précisément contre cet autre Évangile, cette religion prétendue réformée qui commençait en 1963 de la supplanter. Il faudrait remonter au moins et principalement à Luther. Mais tout cet esprit de réforme prit une extraordinaire vigueur au XVIIIe siècle, et nous distinguons comme un signe avant-coureur de tous nos désordres le Synode de Pistoie, de sinistre mémoire, que Pie VI animé d’un véritable esprit de prophétie condamna par la Bulle Auctorem Fidei du 28 août 1794 [26] .

Après la tourmente révolutionnaire, voici la société moderne, toute dépendante d’Emmanuel Kant et de Jean-Jacques Rousseau, dressée contre les certitudes de la foi et la dispensation nécessaire de la grâce, toute vouée au subjectivisme et au naturalisme. Quand dans l’Église cette révolte de l’homme contre Dieu aura trouvé en Lamennais son prophète, les Papes commenceront ce grand combat qui, sans interruption depuis l’Encyclique Mirari Vos de Grégoire XVI, du 15 août 1832 [27] , jusqu’aux jours de Vatican II, a maintenu cette nouveauté en dehors du parvis de l’Église. Cent trente ans...

Ils ont lutté, ils ont tenu. Le Syllabus du 8 décembre 1864 [28] dressait une liste déjà importante des erreurs modernes ; Pie IX, un instant mais très accidentellement séduit par les idées nouvelles, s’honorait de lutter sans relâche et sans faiblesse contre elles toutes, en particulier contre celle qui risquait de leur ouvrir une brèche, une voie de pénétration dans l’Église : le Libéralisme catholique [29] .

Le Premier Concile du Vatican  marqua l’apogée de ce Pontificat et fut tout ensemble le triomphe de la Foi Divine et de l’Autorité infaillible de l’Église en son Chef. Cette double exaltation s’avéra providentielle dans la suite des temps car elle préparait le remède aux maux qui allaient venir. D’ailleurs, ce Concile lui-même se portait garant de la valeur doctrinale des enseignements pontificaux du siècle écoulé contre les erreurs du temps [30] .

Léon XIII ne rompit absolument pas avec cette tradition, même s’il chercha parfois le bien de l’Église en certains compromis tout pratiques comme fut le Ralliement à la République imposé aux catholiques de France en 1892, ou encore l’adoption du mot Démocratie dans un sens édulcoré en 1903. Il poursuivit le combat de ses Prédécesseurs contre le libéralisme, ce “ délire ”, cette “ liberté de perdition ”, cette “ licence ” qui érige l’homme en rival de Dieu, dans ses Encycliques Immortale Dei et Libertas Præstantissimum [31] .

Pie X, au matin de notre XXe siècle, en éclaira saintement tous les combats et s’y engagea avec le don céleste de la force. Son analyse implacable et sa condamnation du Modernisme doctrinal par l’Encyclique Pascendi en 1907 [32] , et sa réprobation de l’utopie politico-religieuse de Marc Sangnier, par sa Lettre sur le Sillon ([33]) du 25 août 1910 [annexe i], demeurent les deux grands phares brillant dans les ténèbres de ce siècle.

Pie XI ne renonça à aucun des points de cette merveilleuse doctrine catholique affrontée aux grandes hérésies modernes, bien que certaines de ses inclinations et directives aient pu donner à croire qu’il leur accordait quelque valeur. Mérite de vivre en nos cœurs son admirable Encyclique sur le Christ-Roi, Quas Primas, du 11 décembre 1925, dont la doctrine est à l’opposé de la sécularisation actuelle [34] . Et je veux mentionner une autre Encyclique, Mortalium Animos, du 6 janvier 1928, qui semble d’avance la condamnation de tout ce qui s’est introduit dans l’Église sous le couvert de l’œcuménisme.

À cette masse de documents de l’Autorité apostolique allait s’ajouter pour le plus grand profit de l’Église, pour son prestige et son expansion universelle, le trésor des enseignements pontificaux du Pape Pie XII. Tous, absolument tous, sont dressés contre la subversion qui se répand alors dans l’Église à la faveur des victoires politiques des ennemis de Dieu et de tout l’ordre humain. C’était encore, (déjà) le combat de la Contre-Réforme, telles Mystici Corporis, du 29 juin 1943, contre l’ecclésiologie réformiste, Divino Afflante Spiritu, du 30 septembre, contre le modernisme biblique, Mediator Dei, du 20 novembre 1947, et l’admirable Haurietis Aquas, du 16 mai 1956, sur le Sacré-Cœur [35] . Enfin, éminemment, Humani Generis, le 15 août 1950, contre le réformisme dogmatique, contre un nouveau Modernisme.

J’ajouterai pour honorer la mémoire du Pape Jean XXIII, dont la fidélité à la Tradition ne se démentit pas, sa très ferme et remarquable Constitution Apostolique Veterum Sapientia de 1962, qui marque un coup d’arrêt à l’audace des réformateurs avec toute la sérénité et la vigueur de qui défend le patrimoine.

La conclusion de ces cent trente ans d’histoire de la Papauté est claire. Rien n’a surgi nouveau en 1963, par génération spontanée ou par soudaine illumination céleste. Tout cela existait depuis longtemps et pressait l’Église de toutes parts. Ce qui paraît alors n’a pour nouveauté que d’être toléré, puis de jour en jour accepté par l’Église qui toujours l’avait rejeté avec force et, dans l’esprit de ses Pontifes comme selon les prescriptions du Premier Concile du Vatican, avait déterminé de le condamner définitivement.

L’IRRUPTION DES IDÉES MODERNES DANS L’ÉGLISE

L’irruption de la nouveauté a une date et un nom. C’est le Discours du 11 octobre 1962 ([36]) [annexe ii], discours d’ouverture du Concile, prononcé par Jean XXIII mais préparé et rédigé par Vous-même encore archevêque de Milan [37] , qui ouvrit les portes de Saint-Pierre à la Nouveauté. Jour néfaste s’il en fut !

Le Message au Monde, voté par acclamation dès le 20 octobre par un Concile encore inattentif, fut un premier acte, une première victoire de l’esprit nouveau, et l’on a dit qu’avec nos français le Cardinal Montini en fut l’un des plus autorisés et des plus puissants promoteurs. Vous deviez en faire plus tard un éloge dithyrambique : « Geste insolite mais admirable. On dirait que le charisme prophétique de l’Église a subitement explosé » [38] .

L’Encyclique Pacem in Terris ([39])[annexe iii] parut alors et ce fut un concert mondial de louanges à Jean XXIII pour l’esprit moderne de cette doctrine tout inspirée de la Déclaration des Droits de l’Homme, de liberté, de paix universelle, en accord saisissant avec les fondements maçonniques de la société moderne. Le Pape s’est-il repenti, comme on l’a dit, d’avoir signé sans trop lire, ce texte émané de Mgr Pavan, dont vous avez fait le recteur du Latran [40] ? Je ne sais. Mais il faut reconnaître l’importance de cet Événement mondialement orchestré dans l’invasion des “ idées modernes ” au Concile.

Il faudrait encore signaler le texte occulte du P. Karl Rahner ([41]) [annexe iv], proposé aux Pères du Concile comme un résumé de la Nouvelle Théologie que la Réforme devrait adopter [42] , pour faire le compte exact des divers empiétements du Modernisme et du Progressisme dans l’Église à la veille de votre élévation au Souverain Pontificat.

1963 : L’ÉGLISE EN SUSPENS

À la mort de Jean XXIII, en juin 1963, l’alternative se présentait en termes parfaitement clairs : ou suspendre ce Concile trop aventuré dans des voies de réforme condamnées expressément et toujours par le Saint-Siège et mettre fin, d’autorité, à ce début de subversion dont les effets apparaissaient déjà préoccupants, ou promettre de poursuivre l’œuvre dite de Jean XXIII aux acclamations de tout ce que l’Église et le monde contenaient de partisans des nouveautés comme de gens intéressés à la ruine de l’Église. Tout dépendrait de l’élu du Conclave.

Vous avez été élu sur la promesse de continuer le Concile. « Il a tracé devant nous quelques chemins qu’il sera sage non seulement de se rappeler, mais de suivre », aviez-vous dit de Jean XXIII au Dôme de Milan, le 7 juin [43] . Il semble qu’une partie importante de vos électeurs crurent que Vous entendiez continuer le Concile mais en redressant son mouvement. Les autres devaient savoir que Vous auriez à cœur de mener, par le Concile ou sans lui, voire contre lui, cette Réforme jusqu’à son terme... Déjà, là, votre responsabilité apparaît sans égale dans l’aventure qui suivit.

Il a semblé pendant quatorze mois que le Pape refusait de prendre parti entre les deux tendances et qu’il maintenait entre elles l’équilibre. Époque extraordinairement profitable au Réformisme qui, menacé de disparaître, en acquit une sorte de légitimité publique qu’il n’avait jamais eue auparavant. Vos Discours d’ouverture et de clôture de la IIe Session étaient eux-mêmes imprégnés d’esprit nouveau, mais tous se laissèrent encore désorienter, et moi comme les autres [44] , par le balancement subtil de votre pensée qui associe avec audace les extrêmes, voire les contradictoires. Ce que vous dîtes de la Curie Romaine est, à cet égard, typique : « Cet instrument actif et fidèle... C’est à tort qu’on le tiendrait pour vieil, inepte, soucieux de ses seuls intérêts et corrompu... Ce disant, nous n’excluons pas cependant que la Curie romaine ait besoin d’être perfectionnée »[45] . En paraissant la défendre, vous énoncez les pires griefs articulés contre elle et, ce faisant, vous leur donnez du poids. Ce sera l’occasion et le moyen de sa démolition... [46]

C’est ainsi que se fit la “ Révolution d’Octobre ”, lors des votes du 30 octobre 1963, et chacun eut l’impression d’avoir le Pape pour lui [47] . Comme je retournai à Rome au printemps de 1964, tous me dirent le caractère énigmatique de votre gouvernement de l’Église ; je vous entendis prêcher de belle manière sur la Vierge Marie que vous vouliez honorer du titre de Mère de l’Église et je revins plein de dévotion pour Vous. J’en écrivis alors une Lettre à mes Amis [48] .

1964 : VOUS CHOISISSEZ LA RÉFORME

Ce fut votre Encyclique ECCLESIAM SUAM ([49]) [annexe v], du 6 août 1964, qui m’éclaira ; elle était certes déjà en filigrane dans votre discours du 29 septembre 1963, mais je ne l’avais pas compris. Là, dans cette Charte de votre Pontificat, toutefois avec ce balancement entre les extrêmes qui devait entretenir longtemps la confusion, vous déclariez vos intentions :

— Expérience vitale... mais foi, — Renouvellement... mais Tradition et perfectionnement spirituel, — Dialogue... mais prédication. C’était, avec des restrictions apaisantes, l’adoption de cette Religion Nouvelle que tous vos Prédécesseurs avaient rejetée de toutes leurs forces comme une séduction du démon. J’en fus effrayé, et je pense avoir été le seul à le dire, à l’écrire en des termes que je ne modifierais en rien aujourd’hui, dans mes Lettres à mes Amis nos 180 et 181 [50] .

Dès lors, et malgré les apparences, nonobstant les coups de frein imposés par Vous à la précipitation conciliaire [51] , ce choix de la Réforme, du Mouvement, du Dialogue œcuménique, de l’Ouverture au Monde, vous l’avez de jour en jour consolidé, fixé, aggravé. Vous avez un moment même paru trahir le camp des novateurs, à la fin de la IIIe Session ([52]) et, comme ils ne comprenaient pas du tout cette habile manœuvre, ils vous en gardèrent longtemps rancune et défiance. Mais c’était pour mener plus sûrement la Réforme à son terme, comme on le vit par la suite, sans provoquer de tumulte ni de scission dans l’apparente unanimité conciliaire. Vous n’avez plus caché alors votre volonté de réforme à nulle autre pareille [53] . Vous avez fait aboutir les schémas les plus dangereux et vous les avez promulgués solennellement malgré toute opposition [54] . Vous êtes allé à l’ONU prononcer un discours aberrant [55] et enfin, le 7 décembre 1965, promulguant la Déclaration sur la Liberté religieuse et la Constitution Pastorale sur l’Église dans le Monde de ce temps, vous avez prononcé un Discours à la Gloire de l’Homme qui se fait Dieu, tel qu’il n’en a jamais existé et n’en existera jamais plus dans les annales de l’Église [56] .

Personne dans l’immense assemblée conciliaire n’a bronché. Ni protesté. Dès ce moment l’Ancienne Religion était virtuellement abandonnée au profit de ce Culte de l’Homme que Vous aviez solennellement proclamé. L’irréparable était consommé. Une Église qui avait accepté ces deux discours accepterait tout, l’opposition était écrasée [57] , la subversion était maîtresse de tout. La Réforme allait tout renverser, tout changer. Un seul homme avait fait cela : VOUS.

LE SCHISME EST CONSOMMÉ

Notre opposition date du mois d’août 1964. Elle n’a pas cessé de grandir depuis et Vous en connaissez les étapes. C’est elle qui m’a conduit à ce Procès au Saint-Office que j’ai subi, sur ma demande instante et réitérée, et qui ne fut jamais mon Procès mais celui du Concile et le Vôtre. Il fallait que je me rétracte ou que je sois condamné pour que soient sauves votre orthodoxie et votre orthopraxie, votre doctrine et votre pastorale. Or ce Procès n’a abouti ni à l’une ni à l’autre de ces solutions ; je ne me suis pas rétracté et je n’ai pas été condamné [58] . Depuis cinq ans, je continue à vous accuser d’hérésie, de schisme et de scandale. Les preuves se multiplient et de plus en plus de catholiques rejoignent nos conclusions : une religion s’est substituée à une autre, mais c’est une révolution par en haut, c’est un changement de tête sous une même mitre. Le Saint-Père a changé de religion, sans trop le dire, le disant assez clairement cependant pour que toute l’Église suive la voie nouvelle, séduite par la nouveauté, ou réduite par une aveugle obéissance.

Il est temps d’en venir à l’étape finale, à l’épreuve de force divine. Je Vous intente un procès en hérésie, schisme et scandale devant votre propre Juridiction et je vous défie de déclarer solennellement au Nom du Christ que cette Nouvelle Religion vient de Lui, quand tous les autres Papes avant Vous l’ont proclamée fille de Lucifer.

 
L’ACCUSATION CAPITALE
 

Il est certain que durant les dix ans de votre Pontificat nous trouvons des multitudes de discours édifiants et de décisions tout à fait conformes à la gloire de Dieu et au bien des âmes. Si nous n’en faisons pas mention, cependant nous ne les ignorons pas. Ces paroles et ces actes sollicitent notre esprit critique d’interpréter en bonne part, dans le sens le plus catholique, ce qui de prime abord nous paraîtrait suspect.

Et pourtant, à l’issue d’une étude attentive, la certitude s’impose que la nouveauté l’emporte sur la tradition et que vos actions comme vos paroles témoignent de manière irrécusable d’un esprit irréductible au véritable esprit chrétien de l’Église. Cela paraît tout d’abord comme une sorte de ligne de conduite plus pratique que doctrinale, plus empirique que théorique, et c’est ce que j’ose appeler votre “ hétéropraxie ”[59]. Mais, quand bien même cette pratique ne se formulerait pas dans votre esprit en termes de doctrine, elle provoque dans la pensée de l’Église une mutation doctrinale et elle s’exprime dans vos propos eux-mêmes comme une nouveauté et une altération de la foi, de l’intelligence de la foi. Nous serons conduits à la caractériser finalement comme une véritable “ hétéropraxie ”.

Tant il est vrai qu’un Pontife ne peut agir autrement qu’il ne pense sans que bientôt il n’en vienne à penser comme il agit.

1. HÉTÉROPRAXIE : LA LIBERTÉ RELIGIEUSE

Tandis que le Concile en débattait fort vivement, Vous parliez déjà de la Liberté religieuse comme d’une doctrine certaine, commune, ne faisant pas difficulté. On aurait pu concevoir que le Pape définisse cette doctrine nouvelle et la promulgue en engageant son autorité infaillible... Encore eût-il fallu que Vous puissiez, ou que Vous osiez, la déclarer contenue dans le Dépôt de la Révélation et toujours tenue par la Tradition de l’Église Romaine. Ce qui était évidemment impossible, inconcevable. Alors Vous en traitiez par allusions, en passant, devant des auditoires nettement incompétents et indifférents, ou complices. La Liberté religieuse, c’est Vous qui l’avez imposée ainsi, illégitimement, dans l’Église.

Vous en parliez « comme d’autres droits fondamentaux de l’homme », dès votre Discours d’ouverture de la IIe Session ([60]) du Concile [61] et le 8 décembre 1965, le dernier jour du Concile, vous la rangiez au nombre des « droits légitimes et sacrés dus à tout homme honnête »[62] . Événement décisif, Vous l’avez proclamée avant toute décision du Concile le 4 octobre 1965 à l’ONU, dans le sens où l’entend cette Assemblée des Nations-Unies toute de fondation et d’inspiration maçonniques : « Ce que Vous proclamez ici, ce sont les droits et les devoirs fondamentaux de l’homme, sa dignité, sa liberté, et avant tout sa liberté religieuse. Nous sentons que vous êtes les interprètes de ce qu’il y a de plus haut dans la sagesse humaine. Nous dirions presque : son caractère sacré. Car c’est, avant tout, de la vie de l’homme qu’il s’agit et la vie de l’homme est sacrée : personne ne peut oser y attenter »[63] .

Telle est bien la “ sagesse ” de cette assemblée... que Vos Prédécesseurs appelaient un “ délire ” : l’homme est libre, sa Liberté est sacrée. Il n’y a rien sur terre qui l’emporte ni sur lui ni sur elle, aucun Dieu ne peut être imposé à l’homme comme un Maître universel, aucun homme n’a sur son semblable une autorité supérieure pour l’enseigner, le gouverner, le juger et même le punir au nom de Dieu. C’est là ce que vous reconnaissez comme le premier des “ Droits de l’Homme ”, en votre Nom et — sans l’avoir prévenu, comme muni de son blanc-seing — au nom du Concile [64] .

Ce nouveau Libéralisme, vous l’avez exposé, quoique avec bien des obscurités, dans votre Radio-message de Noël 1964 et dans l’Allocution du 26 juin 1965 [65] . Le Peuple fidèle n’en a retenu qu’une idée : « le résumé de cette doctrine capitale, disiez-Vous, tient en ces deux propositions essentielles en matière de foi que personne ne soit empêché, que personne ne soit contraint. Nemo impediatur, nemo cogatur ». La force est bannie de ce domaine où vous dites que l’amour seul commande. Les Pouvoirs publics qui prétendent y intervenir « s’arrogent le droit de pénétrer dans un domaine qui n’est pas de leur compétence »[66] . Vous limitez seulement cette liberté individuelle aux exigences de l’ordre public ; vous soumettez ainsi la religion au contrôle de police des États ! Toute cette doctrine que vous avez professée et que vous avez imposée d’avance au Concile, divisé gravement sur ce sujet, cette doctrine est précisément celle que Vos Prédécesseurs ont toujours condamnée. C’est par fidélité à leur Magistère que nous l’avons refusée au moment même et depuis [67] .

EFFACEMENT DU MAGISTÈRE ECCLÉSIASTIQUE

Pour mettre en pratique ce libéralisme nouveau, Vous avez désiré renoncer à l’exercice de votre Magistère Suprême. Vous déclarez l’homme libre en matière religieuse, vous pensez donc meilleur qu’on s’abstienne de lui imposer d’autorité la vérité de Dieu ! Dès le 29 septembre 1963, vous détourniez le Concile de promulguer des “ définitions dogmatiques ”, des “ formules solennelles ”. Et Vous donniez la clé de cette renonciation : « Nous ne voulons pas faire de notre foi un motif de polémique avec nos frères séparés »[68] !

De même, votre Encyclique Ecclesiam Suam ([69]) [annexe v] prétend ne rien enseigner, ne rien imposer d’autorité : « La présente Encyclique ne veut pas revêtir un caractère solennel et proprement doctrinal, ni proposer des enseignements déterminés, d’ordre moral ou social ». Alors, quoi ? « Elle veut simplement être un message fraternel et familier »[70] . Ce libéralisme pratique vous poussera à noter même les plus graves, les plus solennels, de vos enseignements dogmatiques et moraux de quelque formule restrictive qui en atténue ou en annule le caractère obligatoire et normatif. Pourquoi un Credo s’il ne doit pas être infaillible ? [71]  Pourquoi une Encyclique Humanæ Vitæ sans obligation ni sanction ? [72]  Et quand aujourd’hui nos théologiens s’affirment partisans de l’avortement libre, vous prononcez un discours très ferme, certes ! mais devant un auditoire de juristes, là où s’imposeraient la condamnation des infanticides et l’excommunication des théologiens qui se font leurs garants religieux [73] . Vous ne voulez plus que l’homme parle à l’homme avec l’autorité de Dieu pour ne pas empiéter sur sa liberté sacrée de pensée et d’action !

C’est dans cette ligne libérale que vous avez abrogé le Serment Antimoderniste, prescrit par Saint Pie X et maintenu depuis 1910 jusqu’à nos jours, et la Profession de foi du Concile de Trente, prescrite par Pie IV et toujours en vigueur. Votre nouvelle formule n’est plus gênante pour personne et personne n’y attache le moindre sérieux. Elle a joué son rôle de prétexte à l’effacement des autres [74] . Sous Paul VI, on est libre de penser ce qu’on veut, à tous les échelons de la Hiérarchie.

En revanche, prétendant à l’illumination du Saint-Esprit, Vous n’avez pas craint d’accorder à vos dires et à ceux du Concile une valeur d’infaillibilité extra-canonique, d’inspiration prétendue divine, absolument illégitime [75] , mais d’un tout autre ordre qu’autoritaire : ce devait être comme une séduction et une communication d’amour dénuées de toute autre force d’obligation, reçues sans résistance ! Vous le direz beaucoup plus tard : la conciliation entre l’obéissance et la liberté individuelle se trouve pour vous, non plus dans l’Autorité divine et la Vérité infaillible de la Doctrine, mais dans l’amour [76] . Tout cela relève du plus pur immanentisme.

FIN DES INTERDITS ET DES EXCOMMUNICATIONS

Ayant annoncé la Liberté religieuse comme un droit de l’homme, inaliénable et sacré, vous ne pouvez plus exercer à l’intérieur même de l’Église votre pouvoir législatif, judiciaire et coercitif. Vous n’en avez surtout pas envie. Vous voulez être aimé plus qu’obéi et séduire plus que commander.

Vous ne trouvez rien à réprimer : « Maintenant il ne s’agit plus d’extirper de l’Église telle ou telle hérésie déterminée ou certains désordres généralisés... grâce à Dieu il n’en règne point au sein de l’Église » [77] . Mais du moins en existe-t-il dans la société profane ? Sans doute et « l’Église pourrait... se proposer de relever les maux qui peuvent s’y rencontrer, prononcer contre eux des anathèmes et susciter contre eux des croisades... Il nous semble au contraire que le rapport de l’Église avec le monde, sans se fermer à d’autres formes légitimes, peut mieux s’exprimer sous la forme d’un dialogue » [78] .

Le 17 février 1969, vous avouerez que nombre d’erreurs graves et de désordres consternants sont répandus dans l’Église. Même alors vous préférerez laisser aller les choses : « Il serait facile, et peut-être de notre devoir de rectifier... mais... » Vous laisserez « le bon peuple de Dieu le faire lui-même », et pourquoi ? « Veuillez remarquer, chers amis, direz-Vous, combien le style de notre gouvernement ecclésiastique se veut pastoral... paternel, fraternel, humble dans son esprit et dans ses formes. De ce point de vue, avec l’aide de Dieu, Nous voudrions être aimé » [79] .

Le 9 juillet suivant, vous annoncez une nouvelle libéralisation de la discipline ecclésiastique : « Nous allons avoir une période de plus grande liberté dans la vie de l’Église et, par conséquent, pour chacun de ses fils. Cette liberté signifiera moins d’obligations légales et moins d’inhibitions intérieures. La discipline formelle sera réduite, tout arbitraire sera aboli... seront également abolis toute intolérance et tout absolutisme » [80] . Ainsi, en pleine crise de la foi et des mœurs, vous instituez l’anarchie d’une “ société permissive ” où chacun suit librement l’idéal et l’élan de sa conscience !

Très tôt, Vous étiez pour cette raison décidé à réformer la Curie et d’abord le Saint-Office [81] . Dès le 15 juin 1966, l’Index est supprimé. Le Saint-Office change bientôt de nom et de vocation : il ne condamnera plus mais s’adonnera à la recherche constructive ! Le temps des interdits et des excommunications est terminé. C’est ainsi que j’aurai toutes les peines du monde à obtenir d’être “ jugé ” à Rome, parce que cela ne se fait plus, m’explique le Cardinal Lefebvre [82] .

LE DIALOGUE : « L’ÉGLISE SE FAIT CONVERSATION »

La nouvelle forme, que Vous en arriverez à dire “ la seule légitime ”, des rapports religieux d’homme à homme dans l’Église et de l’Église avec le monde des Autres, c’est le dialogue. Vous en faites dans Ecclesiam Suam la grande nouveauté de votre Pontificat et à vrai dire l’apostolat de l’Église dans une nouvelle étape de son histoire. Pourquoi ? Parce que le dialogue exclut toute apparence d’autorité, de supériorité, d’obligation, ou, comme Vous préférez dire péjorativement, de fanatisme, d’intolérance, d’arbitraire et de tyrannie. C’est un échange d’opinions tout humain, libre, égal et fraternel : « Cet art de communication spirituelle... n’est pas de commandement et ne procède pas de façon impérieuse » [83] .

Vous prétendez que ce fut la manière de Notre-Seigneur : « Le dialogue du salut ne contraignit personne à l’accueillir ; il fut une formidable demande d’amour, qui, si elle constitue une redoutable responsabilité pour ceux à qui elle était adressée (cf. Marc 10, 21) les laissa libres d’y correspondre ou de la refuser... De même, si notre mission est annonce de vérités indiscutables et d’un salut nécessaire, elle ne se présentera pas armée de coercition extérieure mais par les seules voies légitimes de l’éducation humaine, de la persuasion intérieure, de la conversation ordinaire, elle offrira son don de salut, toujours dans le respect de la liberté personnelle des hommes civilisés » [84] .

Je proteste qu’il y a là une défiguration de l’Évangile, en particulier un contresens absolu sur Marc (10, 21). Je constate que cette interprétation est une condamnation de la doctrine et de la pratique de l’Église à travers les siècles. Enfin je prétends qu’il y a contradiction à proposer des “ vérités indiscutables ” et un “ salut nécessaire ” sous le mode de la conversation ordinaire. « Cette forme de rapport... exclut la condamnation a priori... la polémique offensante et tournée en habitude... les vains apriorismes... et les expressions invariables » [85] . Tous ces qualificatifs odieux vont à donner pratiquement tort à celui qui parle en témoin de Jésus-Christ, en apôtre et en saint de Dieu, tout brûlant de zèle pour le salut des âmes.

Évidemment, c’est une grande nouveauté dans l’Église : « Nous ne demandons rien, sinon la liberté de professer et de proposer à qui veut bien, en toute liberté, l’accueillir, cette religion, ce lien nouveau instauré entre les hommes et Dieu par Jésus-Christ Notre-Seigneur », disiez-vous à Bethléem [86] . Votre libéralisme semble remonter de Vous à Dieu Lui-même ! Ce n’est plus LA religion révélée, nécessaire ; ce devient une religion possible, pour qui veut, parmi d’autres.

LA RELIGION DIVINE S’EFFACE DEVANT LA LIBERTÉ DE L’HOMME

« L’Église se fait conversation ». Comment le pourrait-elle sans oublier, passagèrement, son autorité divine ? sans voiler quelque peu, par stratégie... ou stratagème, l’absolu de la Révélation et de la Rédemption chrétiennes ? « D’abord s’approcher et communiquer, dites-vous, avant de convertir et pour convertir » [87] . Mais il y a fort à craindre que votre méthode nouvelle, le libre dialogue, au lieu de préparer les voies à la prédication, à la controverse, à l’obligation faite à tous de croire sous peine de damnation, se substitue à celles-ci et qu’on en reste là, dans cet échange tout humain de libres opinions. La discussion des points de vue et des goûts individuels prend le pas sur l’œuvre divine de la grâce et de la vérité ! Et d’autant plus que, dans le désir véhément de flatter les autres et de leur plaire, vous reconnaissez à tous une part de vérité, les laissant conclure en échange à la vraisemblance d’une part d’erreur de notre côté ! Si, comme il apparaît dans votre “ praxis ”, les opinions religieuses des hommes sont toujours libres, respectables, toutes quelque peu valables, et qu’elles doivent faire l’objet, non de condamnations a priori mais d’échanges bienveillants, c’est que la sincérité humaine passe avant la vérité divine... au moins pratiquement.

Mais cette pratique Vous conduit irrésistiblement à la théorie correspondante. Avant votre Encyclique la foi était un absolu, l’incrédulité était catastrophique. Elles décidaient objectivement du salut éternel des âmes et du bien commun temporel de l’humanité. Celui qui croit à l’enfer éternel et plus encore à la Béatitude céleste, celui qui croit en Jésus Crucifié sans lequel nous ne pouvons rien faire, celui-là ne cause pas, ne bavarde pas, ne joue pas avec les divins mystères. Il enseigne la doctrine sacrée avec autorité, il controverse avec l’hérésie et il préfère user de la force des lois pour aider les hommes à connaître la vérité et à garder la foi, à se convertir et à vivre dans la vertu, plutôt que de les laisser aller à la damnation et de laisser glisser le monde à la ruine, par “ libéralisme ”.

Au contraire, votre culte de la liberté humaine, votre recherche de ce qui flatte les hommes dans leurs erreurs et leur révolte même, vous conduit à exagérer l’importance des dispositions subjectives des hommes et à ne plus invoquer les droits de Dieu. La religion chrétienne devenant une opinion parmi d’autres — au moins pratiquement ! — cesse de régir en fait l’univers des hommes. Son objectivité s’estompe. Enfer, Ciel ? Grâce de Dieu ou malédiction ? piété, impiété ? Tout cela perd de sa consistance. Vous avez beau répondre par avance à la critique : « L’irénisme et le syncrétisme sont au fond des formes de scepticisme envers la force et le contenu de la Parole de Dieu que nous devons prêcher » [88] , votre dialogue engendre irénisme, syncrétisme et finalement scepticisme, parce qu’il relativise méthodiquement, systématiquement, l’Absolue Vérité de Dieu.

Ce qui grandit alors, c’est l’orgueil de l’homme, appelé par Vous dans le dialogue à se faire juge des choses divines. L’univers chrétien a basculé, du jour où le dialogue a été proclamé par Vous la seule méthode légitime de l’apostolat nouveau : au lieu que Dieu juge l’homme, c’est l’homme qui est appelé à juger Dieu. Votre hétéropraxie engendrait l’hétérodoxie du culte de l’homme.

2. HÉTÉRODOXIE : LE CULTE DE L’HOMME

Cette sympathie pour l’homme, cette volonté de le rencontrer, de le comprendre, de le respecter, de l’admirer, de l’aimer, d’abord “ apostolique ” et “ pastorale ”, est devenue, dans vos discours de la IVe Session ([89]) du Concile, un véritable culte de l’homme même. Si Dieu paraît encore dans vos visions nouvelles, c’est en marge, comme un témoin inerte, impotent, ou comme le couronnement gratuit de l’édifice humain.

AMOUR DE L’HOMME

Le 14 septembre 1965, Vous proclamez en termes vraiment étranges l’amour de l’Église pour l’homme : « Que faisait l’Église en ce moment-là ? demandera l’historien ; et la réponse sera : l’Église aimait... Le Concile offre à l’Église, à nous spécialement, la vision panoramique du monde : l’Église pourra-t-elle, pourrons-nous nous-mêmes faire autre chose que de regarder ce monde et de l’aimer ? (cf. Marc 10, 21). Ce regard sur le monde sera l’un des actes principaux de la session qui commence : encore une fois et surtout, amour ; amour pour les hommes d’aujourd’hui, quels qu’ils soient, où qu’ils soient, amour pour tous... Le Concile est un acte solennel d’amour pour l’humanité. Daigne le Christ nous venir en aide, pour qu’il en soit vraiment ainsi »[90] .

Qu’a donc cet amour de si nouveau ? C’est qu’il adore son objet. C’est un amour affranchi de la Vérité, de la Loi, de la Grâce de Dieu, parce qu’il accepte l’homme et le monde comme un absolu, un terme premier et suffisant d’admiration, d’attachement, de service, de dévouement. Et puisque, de nouveau, Vous citez Marc (10, 21), il me faut bien dénoncer l’imposture perpétuelle d’une telle référence. Jésus aime le jeune homme riche parce que cet être exceptionnel peut se dire fidèle à la Loi de Dieu, depuis toujours. Est-ce le cas du Monde moderne ? Et parce que Jésus l’aime, il lui propose la perfection supérieure des conseils évangéliques. Ce faisant, il le peina, il le contraria et le perdit, à cause de son attachement aux biens de ce monde. Rien donc de l’adulation dont Vous faites la caractéristique nouvelle de l’Église conciliaire.

C’est cet amour idolâtrique qui allait proclamer la Liberté religieuse comme un droit fondamental et absolu de l’homme. Je dis absolu, parce que les lisières que la police pourra lui imposer me paraissent d’un ordre trop inférieur pour être mentionnées. Et cet amour promulguera la trop fameuse Constitution Pastorale de l’Église dans le Monde de ce temps, « qui sera le couronnement de l’œuvre du Concile », disiez-Vous, tout inspirée de la religion de l’Homme “ centre et sommet du monde ” [91].

CONFIANCE ET FOI EN L’HOMME

Cet amour inconditionné parce qu’il n’est plus ni dépendant de l’Amour de Dieu ni réglé par lui, mène à l’idéalisation, à l’idolâtrie de son objet. Vous n’échappez pas à la règle et votre passion aveugle, sans mesure, Vous entraîne à prêcher la confiance en l’homme, la foi en l’homme la plus extravagante. Ainsi, le 2 décembre 1970, à Sidney, Vous déclarerez aux journalistes sans doute éberlués :

« Nous avons confiance en l’homme, nous croyons en ce fond de bonté qui est en chaque cœur, nous connaissons les motifs de justice, de vérité, de renouveau, de progrès, de fraternité qui sont à l’origine de tant de belles initiatives et jusque tant de contestations et, malheureusement, parfois de violences. À vous, non pas de le flatter, mais de lui faire prendre conscience de ce qu’il vaut, de ce qu’il peut. Soyez des semeurs d’idéal authentique — non pour la poursuite d’intérêts égoïstes qui, en définitive, ne font que l’abaisser et parfois le dégradent — mais d’un idéal qui le fasse grandir à sa vraie stature de créature faite à la ressemblance de Dieu, qui le pousse à se dépasser sans cesse pour bâtir ensemble la cité fraternelle à laquelle tous aspirent et tous ont droit... L’Église catholique, surtout depuis l’impulsion nouvelle de son “ aggiornamento ” conciliaire, va à la rencontre de ce même homme que vous ambitionnez de servir » [92] .

N’est-il pas écrit : « MALHEUR À L’HOMME QUI MET SA CONFIANCE EN L’HOMME, QUI FAIT D’UNE CHAIR SON APPUI ET DONT LE CŒUR S’ÉCARTE DU SEIGNEUR » [93] ? Et encore : « SANS MOI VOUS NE POUVEZ RIEN FAIRE » [94] ? Mais vous encouragez l’homme à se grandir et à se dépasser lui-même... jusqu’à Dieu ? Iriez-vous jusqu’à le croire capable de se faire l’égal de Dieu ?

CULTE DE L’HOMME QUI SE FAIT DIEU

Oui, oui, Très Saint Père, c’est Vous qui avez prononcé devant toute l’Assemblée Conciliaire, dans la journée historique du 7 décembre 1965, ce Discours dont il est certain qu’il n’y en a jamais eu de tel dans les annales de l’Église et qu’il n’y en aura jamais, ce Discours qui culmine dans la proclamation, à la face du monde et à la Face de Dieu, du CULTE DE L’HOMME [95] :

« L’Église du Concile, il est vrai... s’est beaucoup occupée de l’homme, de l’homme tel qu’en réalité il se présente à notre époque, l’homme vivant, l’homme tout entier occupé de soi, l’homme qui se fait non seulement le centre de tout ce qui l’intéresse, mais qui ose se prétendre le principe et la raison dernière de toute réalité...

« L’humanisme laïque et profane enfin est apparu dans sa terrible stature et a en un sens défié le Concile. La religion du Dieu qui s’est fait homme s’est rencontrée avec la religion (car c’en est une) de l’homme qui se fait Dieu.

« Qu’est-il arrivé ? un choc, une lutte, un anathème ? Cela pouvait arriver ; mais cela n’a pas eu lieu. La vieille histoire du Samaritain a été le modèle de la spiritualité du Concile. Une sympathie sans bornes l’a envahi tout entier. La découverte des besoins humains — et ils sont d’autant lus grands que le fils de la terre (sic) se fait plus grand — a absorbé l’attention de ce Synode.

« Reconnaissez-lui au moins ce mérite, vous, humanistes modernes, qui renoncez à la transcendance des choses suprêmes, et sachez reconnaître notre nouvel humanisme : nous aussi, nous plus que quiconque, nous avons le culte de l’homme ».

On mesure ici le glissement forcé de votre hétéropraxie à l’hétérodoxie pleine et entière, je ne dis même plus de l’hérésie, mais de l’apostasie. Dans votre bonté, apostolique ! à l’encontre des conseils de prudence et des enseignements infaillibles de tous vos Prédécesseurs, vous voulez être le Samaritain évangélique, affectueusement penché sur tout homme, son frère... Et voilà que ce sentiment d’amour immodéré vous conduit à vous réconcilier avec le Goliath du Monde Moderne, à Vous agenouiller devant l’Ennemi de Dieu qui vous défie et vous hait. Au lieu de prendre courage et de lutter, comme David, contre l’Adversaire, vous vous déclarez plein d’amour pour lui, vous l’adulez et vous allez bientôt vous ranger à son service exclusif ! Votre charité se fait culte et service de l’Ennemi de Dieu et, pour le flatter, vous allez jusqu’à rivaliser avec lui dans son erreur, dans son blasphème même.

Vous pactisez avec l’homme qui se fait Dieu ! Vous prétendez les dépasser tous, ces humanistes athées de notre temps, fous d’orgueil, en fait de culte de l’homme. Tenez, relisez cet HYMNE À LA GLOIRE DE L’HOMME que vous entonniez à l’occasion d’un voyage de la terre à la lune, plagiat blasphématoire de l’HYMNE AU CHRIST ROI DES SIÈCLES [96] :

« Honneur à l’Homme ;

« Honneur à la pensée ; honneur à la science ;

« Honneur à la technique ; honneur au travail ;

« Honneur à la hardiesse humaine ;

« Honneur à la synthèse de l’activité scientifique et du sens de l’organisation de l’homme qui, à la différence des autres animaux, sait donner à son esprit et à son habileté manuelle des instruments de conquêtes ;

« HONNEUR A L’HOMME ROI DE LA TERRE ET AUJOURD’HUI PRINCE DU CIEL.

« Honneur à l’être vivant que nous sommes, dans lequel se reflète l’image de Dieu et qui, en dominant les choses, obéit à l’ordre biblique : croissez et dominez ».

Dans une autre occasion, en 1969, vous disiez pareillement :

« L’homme est à la fois géant et divin, mais dans son principe et dans son destin. Honneur donc à l’homme, honneur à sa dignité, à son esprit, à sa vie » [97] .

EFFACEMENT DU DIEU FAIT HOMME
DEVANT L’HOMME QUI SE FAIT DIEU

Sans doute est-il question de Dieu et même, en passant, du Christ Fils de Dieu fait homme, dans ce Discours formidable du 7 décembre 1965. Mais il n’est pas question de la Croix du Christ, du don de l’Esprit-Saint, de la grâce baptismale, de tout le mystère de foi qui est le trésor de Vérité, de Vie, de Vertu de l’Unique Église Catholique.

L’homme est le terme... « le premier terme dans la montée vers le terme suprême et transcendant, vers le principe et la cause de tout amour » [98] . Le visage de l’homme vous révèle le visage du Christ, dites-vous en citant, bien à tort certes, Matthieu (25, 40)... et donc, en celui-ci, le visage du Père céleste. Ainsi vous voyez Dieu en l’homme. Et vous exultez : « Notre humanisme devient christianisme, et notre christianisme se fait théocentrique, si bien que nous pouvons également affirmer pour connaître Dieu il faut connaître l’homme » [99] .

Mais, Très Saint Père, sauf votre respect, c’est de l’idolâtrie ! Et je vous demande n’avez-vous pas succombé à la troisième tentation, celle du Pacte avec Satan, celle à laquelle Jésus répondit par cette parole qui condamne tous vos propos : « Retire-toi, Satan ! Car il est écrit : C’est le Seigneur ton Dieu que tu adoreras, c’est à Lui seul que tu rendras un culte » [100] ? La traduction n’est pas suspecte, elle est de la Bible de Jérusalem. Jésus refuse, même dans le but avantageux de se voir soumis tous les royaumes de la terre, de rendre à quiconque un culte qui n’appartient qu’à Dieu seul. Et Vous, pour gagner le monde, pour le disposer sans doute à la conversion nécessaire, Vous osez proclamer, au nom de l’Église et en présence du plus grand Concile de tous les temps, votre sympathie pour l’homme qui se fait Dieu et votre culte de l’Homme ?

Comparez ce Discours à celui que tenait saint Pie X dans sa première Encyclique, elle aussi véritable Charte de son Pontificat :

« Qui pèse ces choses a le droit de craindre qu’une telle perversion des esprits ne soit le commencement des maux annoncés pour la fin des temps et comme leur prise de contact avec la terre, et que véritablement le Fils de Perdition dont parle l’Apôtre n’ait déjà fait son avènement parmi nous. Si grande est l’audace et si grande la rage avec lesquelles on se rue partout à l’attaque de la religion, on bat en brèche les dogmes de la foi, on tend d’un effort obstiné à anéantir tout rapport de l’homme avec la divinité ! En revanche, et c’est là, au dire du même Apôtre, le caractère propre de l’Antéchrist, l’homme, avec une témérité sans nom, a usurpé la place du Créateur, en s’élevant au-dessus de tout ce qui porte le nom de Dieu. C’est à tel point que, impuissant à éteindre complètement en soi la notion de Dieu, il secoue cependant le joug de sa majesté et se dédie à lui-même le monde visible en guise de temple, où il prétend recevoir les adorations de ses semblables...

« Et c’est pourquoi le but vers lequel doivent converger tous nos efforts, c’est de ramener le genre humain à l’emprise du Christ. Toutefois, pour que le résultat réponde à nos espérances, il faut par tous les moyens et au prix de tous les efforts, déraciner entièrement cette monstrueuse et détestable iniquité propre au temps où nous vivons et par laquelle l’homme se substitue à Dieu » [101] .

C’est une tout autre doctrine, de tous autres sentiments, une tout autre inspiration, bref un autre ESPRIT, n’est-ce pas ? Saint Pie X, que vous n’aimez pas, que vous omettez de citer même quand ce serait pour Vous une obligation, une nécessité [102] , Saint Pie X prêche le Christ selon la plénitude de la foi et de la loi catholiques. Il refuse la tentation de Satan et engage courageusement le combat contre lui... Et Vous, Très Saint Père ? Votre libéralisme s’est fait de pastoral doctrinal, de pratique théorique, était-ce délibéré ? était-ce prémédité ? Il y avait déjà de votre part témérité immense à enfreindre toutes les condamnations de vos Prédécesseurs pour adopter un comportement libéral, fût-ce sous les meilleures intentions apostoliques. Mais pris dans l’engrenage, entraîné de la deuxième tentation, qui consiste à tenter Dieu par l’extravagance, à la troisième qui abandonne Dieu pour suivre Satan, Vous êtes tombé dans le culte de l’Homme qui se substitue à Dieu, culte luciférien auquel se reconnaît l’Antéchrist.

Vous avez proclamé ce nouveau Credo le 7 décembre 1965 en présence de tous les Évêques du monde, inattentifs, complices, envoûtés, je ne sais. Mais la Sainte Église ne peut, ne pourra jamais souscrire à de tels propos. De ce jour, il est certain que vous deviez être retranché de l’Église du Christ pour aller à l’Église qui est la vôtre, la Contre-Église, la Synagogue de Satan où l’homme se fait dieu. Vous êtes encore, par l’inertie, par la lâcheté des hommes, sur le Siège de Pierre, dans les fonctions de Juge Suprême de l’Église. Notre Accusation Capitale porte sur votre libéralisme et votre culte de l’Homme qu’elle déclare blasphématoires, hérétiques, schismatiques et, pour tout dire, apostats. La Décision vous appartient. Vous êtes toujours le Vicaire de Jésus-Christ sur la terre. Jugez Vous-même et, si j’ai menti, retranchez-moi. Vous savez que je ne mens pas. Si j’ai dit la Vérité, retranchez-Vous de cette Communauté Sainte que Vous avez trahie !

 
HÉRÉSIE
 

Comment le débordement d’hérésie que nous observons depuis dix ans dans l’Église a-t-il été possible ? Certainement par l’appel du 11 octobre 1962 ([103]) [annexe ii], sans cesse repris par Vous-même, à rechercher un langage nouveau, des formules insolites qui rendent la foi catholique accessible et crédible à l’homme moderne [104] . Sous le couvert d’un si large “ aggiornamento ” doctrinal, toutes les hérésies purent paraître au grand jour et sans risques, puisque la plus entière liberté, une véritable immunité était promise aux “ chrétiens en recherche ”, une pleine autonomie était imprudemment reconnue aux savants et aux théologiens [105] . Or, comme si vous vouliez provoquer le drame, c’est au moment où tout était livré au changement, à la libre invention, à la spontanéité créatrice, que Vous abrogiez les instruments et les institutions de contrôle de la doctrine. L’autorité s’effaçait, la Règle était abolie. Ce fut la licence.

Vous ne teniez guère à la foi orthodoxe pour en faire si bon marché ! Et de fait, votre comportement serait inexplicable si Vous n’aviez vous-même, dans votre propre pensée, sur tout un ensemble de points, une phobie de l’orthodoxie, une détestation du Magistère ordinaire et de l’enseignement de vos Prédécesseurs. C’est parce que vous êtes personnellement et directement hérétique que vous avez voulu affranchir l’Église du joug de la foi catholique. C’est parce que vous êtes vous-même condamnable que vous ne pouvez ni ne voulez condamner personne.

Mais bien plus, vous êtes enclin à épargner, à protéger et même à soutenir, fût-ce contre les loyaux services de votre Curie romaine, tous les fauteurs d’hérésie de ce temps, même si vous ne partagez pas leurs erreurs, parce que toutes les hérésies se renforcent mutuellement et que leur opposition commune à la foi l’emporte sur leurs divergences particulières. Ainsi vous sentez-vous indirectement solidaire de tous les hérésiarques et, vous trouvant soutenu par eux, vous faites-vous leur complice et leur souverain Protecteur.

1. VOTRE HÉRÉSIE PERSONNELLE

Cette hérésie qui vous est personnelle, je l’ai exposée et expliquée dès le 22 février 1965 et durant les mois suivants [106] , et ensuite à bien des reprises[107] . C’est une nouvelle théorie de la religion comme “ MOUVEMENT D’ANIMATION SPIRITUELLE DE LA DÉMOCRATIE UNIVERSELLE ”, en abrégé : MASDU... C’est une utopie politico-religieuse. Elle vous vient, dit-on [108] , de votre ascendance familiale mais aussi des penseurs que vous avez admirés et fréquentés assidûment pendant un demi-siècle. Vous auriez pu, accédant au Souverain Pontificat, les renier. Vous avez voulu, au contraire, autant qu’il vous serait possible, les imposer à toute l’Église, sous le couvert de votre Magistère authentique, indûment présenté comme Ordinaire. C’était chose relativement facile, parce que le monde actuel est imprégné de pareilles chimères contre lesquelles l’Église seule, les Souverains Pontifes presque seuls luttaient encore. C’est le Messianisme révolutionnaire de Lamennais, c’est la Démocratie chrétienne de Sangnier, tout cela repris et mis en système par Jacques Maritain votre ami : L’HUMANISME INTÉGRAL [109] .

On peut décomposer ce système en trois parties et un important corollaire :

1° – L’HUMANITÉ, au lieu de l’Église et de sa Chrétienté, est la société de salut universelle.

2° – La Charte des DROITS DE L’HOMME en est l’ÉVANGILE nouveau, avec sa trilogie de Liberté, Égalité, Fraternité.

3° – La Construction de la DÉMOCRATIE MONDIALE est la forme terrestre du ROYAUME DE DIEU. Elle se fera par l’avènement de la Justice et de la Paix, dans la Vérité et dans l’Amour...

Corollaire : la RELIGION, toutes confessions réunies, sera l’inspiratrice et l’ANIMATRICE SPIRITUELLE de l’Humanité ainsi régénérée.

1° – AU LIEU DE L’ÉGLISE, L’HUMANITÉ

Votre vision du monde, Très Saint Père, abolit la différence et l’opposition irréconciliable qu’affirmaient avec autorité vos Prédécesseurs, tel Léon XIII dans Humanum Genus : « Le Genre humain est partagé en deux camps ennemis, lesquels ne cessent de combattre l’un pour la vérité et la vertu, l’autre pour tout ce qui leur est contraire. L’un est la véritable Église de Jésus-Christ... l’autre est le royaume de Satan »[110] . Dès votre Ecclesiam Suam ([111]) [annexe v], vous refusez le ghetto catholique, comme dit le Père Congar, et tout autant la domination de l’Église sur la société temporelle devenue ainsi “ Chrétienté ”. Vous ne voulez connaître qu’un Monde profane, défini comme un corps social universel, légitimement autonome, extérieur à l’Église, pleinement humain, ni chrétien ni satanique. Au cours de cette Encyclique, vous omettez intentionnellement, dans la citation que vous faites de Saint Paul aux Corinthiens, ces deux passages : « Quelle entente entre le Christ et Bélial ? ... Quel accord entre le temple de Dieu et les idoles ? » [112] . Vous ignorez délibérément les forces adverses avec lesquelles Vous ne pourriez décemment prêcher la réconciliation. Vous supposez le problème résolu, Satan définitivement réconcilié, exclu ou inexistant !

LES HOMMES SONT TOUS FRÈRES.

Toutes divisions, guerres, rivalités, ne sont pour Vous que malentendus, malheurs qui durent “ encore ” entre “ hommes de bonne volonté ”, mais sont en voie de résorption. Le monde s’unifie, les hommes sont en train de découvrir leur communauté d’origine, d’aspirations et de destin. Le mal et le bien sont également mêlés en tous, mais tous désirent également la régénération globale de l’humanité :

« L’homme doit rencontrer l’homme, les nations doivent se rencontrer, comme des frères, comme des sœurs, comme les enfants de Dieu. Dans cette compréhension et cette amitié mutuelles, dans cette communion sacrée (sic), nous devons également œuvrer ensemble pour l’avenir commun de l’humanité... Une telle union ne peut être édifiée sur la terreur universelle ou la peur de la destruction mutuelle, elle doit être édifiée sur l’amour commun qui s’étend au monde entier et s’enracine en Dieu qui est amour », disiez-vous à Bombay le 2 décembre 1964 [113] .

C’est le premier article de votre nouveau Credo humaniste : Les hommes sont tous frères parce qu’ils ont Dieu pour Père : « L’homme se dévoue pour l’homme, parce qu’il le reconnaît pour son frère, comme le fils d’un même Père » [114] , et encore : « Voici donc quel est Notre message pour l’année 1971. Il fait écho, voix nouvelle née de la conscience civilisée (?), à la Déclaration des Droits de l’homme : « Tous les hommes naissent libres et égaux en dignité et en droits ; ils sont doués de raison et de conscience et doivent se comporter les uns envers les autres comme des frères ». À ce sommet est arrivée la doctrine de la civilisation. Ne retournons pas en arrière. Ne perdons pas les trésors de cette conquête axiomatique. Donnons plutôt une application, logique et courageuse, à cette formule, ligne d’arrivée du progrès humain : “ Tout homme est mon frère ”. La paix, en essence et en devenir, c’est cela. Et cela vaut pour tous » [115] .

C’est la transposition en termes humanistes des merveilles de la grâce, de l’adoption filiale et de la Communion des Saints. Vous dépouillez de tous ses biens l’Église du Christ pour en orner l’humanité “ civilisée ” d’aujourd’hui.

LES HOMMES, AU FOND, SONT BONS.

Bien plus, tous les hommes sont bons, tous désirent la paix, la justice, le progrès. “ Expert en humanité ” [116] , vous vous en portez garant : désormais, tout est possible aux hommes parce qu’ils sont bons.

« Oui, la paix est possible, parce que les hommes, au fond, sont bons, sont orientés vers la raison, vers l’ordre et le bien commun ; elle est possible parce qu’elle est dans le cœur des hommes nouveaux, des jeunes, des personnes qui comprennent la marche de la civilisation... » [117] . « À l’heure actuelle, la fraternité s’impose : l’amitié est le fondement de toute société humaine moderne... il faut que la démocratie, à laquelle les groupes humains font tant appel de nos jours, s’ouvre à une conception universelle, de manière à renverser les barrières qui s’opposent à une fraternité humaine effective » [118] . C’est l’un des grands axes de votre pensée : l’homme est bon, les peuples désirent la paix, la forme démocratique des sociétés modernes leur permet d’imposer aux grands et aux puissants cette volonté pacifique dont ils ne veulent pas. Et cela Vous amène parfois à... divaguer :

« Vous, le peuple, vous avez le droit d’être entendu... Mais vous avez le droit légitime et sacré de réclamer que les chefs conduisent les choses de telle façon que vous n’ayez pas à souffrir... Eh ! bien, nous sommes en démocratie... Cela veut dire que le peuple commande, que le pouvoir provient du nombre, de la population telle qu’elle est. Si nous sommes conscients d’un tel progrès social qui se répand dans tout le monde, nous devons donner à la démocratie cette voix prédominante : le peuple ne veut pas la guerre. Les masses doivent imposer l’idée qu’il ne doit plus y avoir de guerre dans le monde » [119] .

Ainsi, toutes les vertus surnaturelles que la société chrétienne puise dans les mérites du Christ, la grâce des sacrements et l’obéissance aux Commandements de Dieu, Vous les attribuez comme naturellement aux hommes, globalement aux masses, d’où résulte cette DÉMOCRATIE UNIVERSELLE dont Vous attendez un bond en avant de l’humanité. Comme si le démon n’y régnait pas ! Ni le péché originel ! ni tant de désordres et de crimes ! Comme si la bonté était dans la nature et dans le cœur de tous les hommes d’aujourd’hui !

L’ONU, VOTRE UNIQUE ESPÉRANCE.

Alors Vous proclamez, en lieu et place de la Sainte Église de Dieu, l’ONU comme le grand, le suprême espoir de l’humanité. Vous y voyez la réplique temporelle de ce qu’est l’Église au plan spirituel ! Vous admirez comme un autre mystère et un autre miracle, ce que vos Prédécesseurs dénonçaient comme une caricature antagoniste et irréconciliable, souverainement malfaisante, de l’Unité fondée sur le Christ et conservée par l’Esprit-Saint. Et vous mettez votre confiance, votre espérance, votre dévouement en cette Tour de Babel maçonnique, plus que dans l’Église. C’était le 4 octobre 1965 à Manhattan :

« Les peuples se tournent vers les Nations-Unies comme vers l’ultime espoir de la concorde et de la paix. Nous osons apporter ici, avec le Nôtre, leur tribut d’honneur et d’espérance » [120] .

« Vous existez et vous travaillez pour unir les nations, pour associer les États. Adoptons la formule : pour mettre ensemble les uns avec les autres. Vous êtes une association. Vous êtes un pont entre les peuples... Nous serions tentés de dire que votre caractéristique reflète en quelque sorte dans l’ordre temporel ce que notre Église catholique veut être dans l’ordre spirituel : unique et universelle. On ne peut rien concevoir de plus élevé, sur le plan naturel, dans la construction idéologique de l’humanité...

« Ici, s’instaure un système de solidarité, qui fait que de hautes finalités, dans l’ordre de la civilisation, reçoivent l’appui unanime des peuples, pour le bien de tous et de chacun.

« C’est ce qu’il y a de plus beau dans l’Organisation des Nations-Unies, c’est son visage humain le plus authentique. C’est l’idéal dont rêve l’humanité dans son pèlerinage à travers le temps ; c’est le plus grand espoir du monde. Nous osons dire : c’est le reflet du dessein de Dieu — dessein transcendant et plein d’amour — pour le progrès de la société humaine sur la terre, reflet où Nous voyons le Message évangélique, de céleste, se faire terrestre » [121] .

Ainsi, dans votre rêve, l’ONU, cette Tour de Babel jacassante, inefficace pour le bien, efficace pour le mal, se substitue à l’Église, la dépasse, la déborde de toutes parts. C’est elle qui réalise sur terre le dessein de Dieu, qui accomplit les prophéties. Elle, la dernière chance de l’humanité ! Quel mépris de l’Église !... et du Christ en dehors duquel se construit toute cette organisation mondiale, ONU, UNESCO, FAO, agressivement antichrists ! Votre “ culte de l’homme ” vous égare. Vous dépouillez Dieu de toutes ses œuvres, courtisan de ses ennemis, pour en parer abusivement les ridicules, les dangereuses, les corrosives créations de Satan !

« Nous n’avons pas à démontrer, écrivait Saint Pie X, dans sa Lettre sur le Sillon ([122]) [annexe i], que l’avènement de la démocratie universelle n’importe pas à l’action de l’Église dans le monde... La réforme de la civilisation est une œuvre religieuse, au premier chef, car pas de vraie civilisation sans civilisation morale et pas de vraie civilisation morale sans la vraie religion : c’est une vérité démontrée, c’est un fait d’histoire » [123] . 

C’est une hérésie de prétendre que l’humanité est bonne, généreuse, fraternelle, pacifique, en dehors du Christ. C’est une impiété de dire que l’ONU est la réplique politique de l’Église, le reflet terrestre de l’Évangile céleste, l’expression réelle et universelle du dessein de Dieu. C’est un mensonge qui déshonore le Christ et c’est d’ailleurs une absurdité. S’il y a une réalisation temporelle de l’Évangile, c’est la civilisation chrétienne des peuples catholiques, toute fondée sur Jésus-Christ, prolongement social de l’Église, œuvre de grâce et de foi. Ce ne sera jamais la maçonnique ONU.

2° – AU LIEU DE L’ÉVANGILE, LA CHARTE DES DROITS DE L’HOMME

L’Église et la Chrétienté, depuis deux mille ans, vivent de la grâce de Dieu et des vertus théologales, dont les vertus morales ne sont que les effets dérivés. Selon notre Évangile, point de charité fraternelle sans amour de Dieu et point d’amour de Dieu sans la grâce du Christ que donne seule l’Église. Sur quoi sera fondée cette humanité régénérée que vous appelez à un si glorieux avenir ? Là, vous suivez Maritain dans ce que son “ Humanisme intégral ” a de plus pervers. Cette Démocratie Universelle, cette Cité mondiale désacralisée sera fondée sur la “ Conscience ” et régie par la Loi de la civilisation moderne, la “ Charte des Droits de l’Homme ”. Avec Maritain, mettant ainsi votre foi en accord avec votre “ nouvel humanisme ”, vous pensez que les Droits de l’Homme sont tout simplement la transposition en langage moderne et profane... du Message évangélique ! Vous confondez la conscience morale avec la force morale que donne seule la grâce divine, et la solidarité humaine avec la charité chrétienne... Voilà donc le Christ et l’Église encore dépouillés au profit de l’incroyance. Et c’est le Pape qui parle ainsi ?

LA CONSCIENCE, SOURCE DE VIE ET DE PERFECTION MORALE.

« Cet édifice que vous construisez, Messieurs, ne repose pas sur des bases purement matérielles et terrestres, car ce serait alors un édifice construit sur le sable ; il repose avant tout sur nos consciences... Jamais comme aujourd’hui, dans une époque marquée par un tel progrès humain, n’a été aussi nécessaire l’appel à la conscience morale de l’homme » [124] .

Cette « conscience civique du monde » [125] , vous en faites une lumière et une force capables de guider et de soulever l’humanité perpétuellement au-dessus de ses passions, de ses intérêts, de ses désordres...

Dans l’une de vos Allocutions du mercredi, celle du 2 août 1972 [126] , vous exposez cette théorie de la conscience considérée comme une force morale souveraine sur laquelle se greffe le “ sentiment religieux ”, en des termes stupéfiants :

« C’est en exprimant sa conscience morale que l’homme s’affranchit des tentations qui l’assaillent, parce que son organisme complexe est déréglé par une tare héréditaire : le péché originel. Il retrouve alors, du moins, la notion et le désir de sa perfection. C’est cette conscience morale qui lui fait surmonter les tentations avilissantes pour sa dignité, écarter les craintes qui le rendent lâche et sot, entretenir les sentiments qui font de lui un homme honnête et fort.

« C’est de cette conscience que tirent leur énergie les grandes figures du drame humain : les innocents, les héros, les saints. Pensez à Antigone. Pensez à tant de figures admirables qui émergent de l’histoire et de la chronique quotidienne parce que leur conscience morale est inébranlable, spécialement lorsque le sentiment religieux lui donne la vigueur que lui seul peut donner. Pensons à Thomas More, à Saint Augustin, aux deux saintes Thérèse, d’une façon générale aux saints qui nous ont donné le récit de leur vie, comme Édith Stein, et, dans la littérature, à un célèbre passage des Aldechi, de Manzoni » (je ne savais pas qu’Édith Stein fût canonisée ! Quant à Manzoni, vraiment qu’a-t-il à faire ici parmi les saints ?).

Et la suite du texte corrobore l’impression de naturalisme qui se dégage de ce long passage, avec la pénible certitude d’un subjectivisme selon lequel la religion n’ajoute à la force de la conscience que le secours accessoire du “ sentiment ”, de la puissance du cœur. Où est la grâce du Christ Rédempteur sans laquelle nous ne pouvons rien ? Où sont les sacrements ? et la prière, où est-elle ?

LE NOUVEL ÉVANGILE DES DROITS DE L’HOMME.

Qu’exprime donc cette conscience avec une telle énergie ? Les Droits de l’Homme ! « La conscience de l’humanité s’affirme toujours plus forte. Les hommes retrouvent cette part inaliénable d’eux-mêmes qui les réunit tous : l’humain dans l’homme » [127] .

« La Charte des Droits de l’Homme demander pour tous, sans acception de race, d’âge, de sexe, de religion, le respect de la dignité humaine et les conditions nécessaires à son exercice, n’est-ce pas traduire haut et clair l’aspiration unanime des cœurs et le témoignage universel des consciences ? » [128] 

Tout un DÉCALOGUE HUMANISTE jaillit de la conscience universelle. Décalogue strictement humain, social, “ personnaliste ” si l’on veut, dont le seul Dieu est l’homme. C’est, de fait, la morale qui convient à ce Culte de l’Homme auquel Vous vous êtes rangé. Tant de grands mots enivrent : vérité, justice, dignité, solidarité, égalité, fraternité, etc. etc. Vous comptez sur tout cela qui foisonne dans la conscience de tous pour changer les rapports humains, pour vaincre laïquement la chair, le monde et le démon ?

Ainsi, dans votre Bref aux Nations-Unies du 4 octobre 1965 : « Pour assurer le bien public qui intéresse tout le genre humain, il ne peut y avoir d’autre organisation que la vôtre qui est fondée sur le respect du droit, de la juste liberté, de la dignité de la personne, le rejet de la funeste folie de la guerre et de la fureur néfaste de la tyrannie » [129] .

Excusez-moi, Très Saint Père, je ne vois là que du vent, un entassement de mots d’où ne sortira jamais le plus petit acte de vertu, le plus mince renoncement, un sacrifice, un éclair de pardon, le pardon de quelque injure, rien !

Relisez-vous donc : « L’homme n’est vraiment homme que dans la mesure où, maître de ses actions et juge de leur valeur, il est lui-même auteur de son progrès, en conformité avec la nature que lui a donnée son Créateur et dont il assume librement les possibilités et les exigences ». Et maintenant, veuillez lire Saint Pie X : « D’après lui, l’homme ne sera vraiment homme, digne de ce nom, que du jour où il aura acquis une conscience éclairée, forte, indépendante, autonome, pouvant se passer de maître, ne s’obéissant qu’à elle-même et capable d’assumer et de porter sans forfaire les plus graves responsabilités ». On dirait qu’il parle de Vous ! Or, voyez ce qu’il pense de cette doctrine qui est la vôtre : « Voilà de ces grands mots avec lesquels on exalte le sentiment de l’orgueil humain » [130] !

MORALE PAÏENNE.

Mais vous êtes engagé à fond dans ce naturalisme. Vous y croyez ! Tenez, à Bombay, le 2 décembre 1964, vous constatez une attente de l’humanité : « L’humanité subit de profonds changements et cherche les principes directeurs et les forces nouvelles qui la conduiront dans le monde de l’avenir ». Que lui offrez-vous alors ? Le Christ ? La loi de l’Évangile ? La grâce des sacrements ? Nullement. Mais ceci, qui est dérisoire : « Nous devons nous rapprocher les uns des autres, non pas uniquement par la presse et la radio, les bateaux et les avions à réaction, mais nous devons nous rapprocher avec nos cœurs, dans la compréhension mutuelle, l’estime et l’amour » [131] . Toujours l’humain ! La religion n’a aucune part à cet élan. C’est le culte de l’homme qui doit engendrer l’amour de l’homme dont vous attendez tout bien. Vous êtes franc-maçon... de religion chrétienne. Mais c’est le franc-maçon qui parle et jamais le chrétien.

On l’avait pressenti, une fois, le 1er septembre 1963. Cela vous avait échappé. Vous aviez dit : « Nous sommes dans la période consécutive à la Révolution Française avec toutes les catastrophes et toutes les idées désordonnées et chaotiques, et en même temps frémissantes et encore confiantes... On remarquait quelque chose de nouveau : c’étaient des idées vivantes (!), des coïncidences parmi les grands principes de la Révolution qui n’avait rien fait d’autre que de s’approprier quelques concepts chrétiens, fraternité, liberté, égalité, progrès, désir d’élever les classes humbles. Donc, tout cela était chrétien, mais avait revêtu alors un signe anti-chrétien, laïque, antireligieux, tendant à dénaturer cette partie du patrimoine évangélique visant à développer la vie humaine dans un sens élevé et noble » [132] . Ce jour-là, un frémissement de stupeur, de frayeur, avait parcouru l’Église. Vous en avez su quelque chose et vous vous êtes tu. Mais c’est là le fond de votre pensée. Les principes de 89 sont votre véritable Évangile.

3° – AU LIEU DU ROYAUME DE DIEU, UNE DÉMOCRATIE UNIVERSELLE

Faudrait-il vous expliquer que les chrétiens pratiquent les vertus morales sous l’influx de la grâce et dans la lumière des vertus théologales, parce qu’ils veulent « mourir avec le Christ pour ressusciter avec Lui » [133] ? Et qu’il n’y a d’avancement pour l’ordre temporel, comme l’ont enseigné tous vos Prédécesseurs, que dans la mesure où les chrétiens « cherchent d’abord le Royaume de Dieu et sa Justice », c’est-à-dire la vie de la grâce et sa sainteté qui doivent les introduire à la Béatitude de Gloire du ciel ?

Car, là encore, Vous dépouillez le Royaume du Christ de tous ses attributs lumineux : la paix, le repos, la douceur, la joie, la Gloire, le Bonheur total pour tous les élus. Et vous en revêtez votre chimère du Monde Nouveau, comme d’un paradis terrestre reconstruit par la seule invention et la seule force des hommes !

ET VOUS CHANGEREZ LA FACE DE LA TERRE.

« Quelque chose de grand et de nouveau s’accomplit et se prépare qui peut changer la face de la terre » [134] . Je ne voudrais pas être sarcastique, mais il y a en Vous un messianisme trop personnel, qui Vous porte à croire que, partout où Vous passez, le miracle d’un Salut suprême et définitif se met en marche au seul appel de votre fervent humanisme. Ainsi, parlant à l’ONU, Vous avez cru que votre Discours ouvrirait l’ère nouvelle de la paix universelle. Vous démarquez le Christ et Vous annoncez une Bonne Nouvelle, pour tout de suite, ici-bas, et comme une œuvre purement humaine à laquelle préside seulement, de haut, impotent mais favorable, un Dieu Inconnu.

Écoutez-vous prophétiser : « Citoyens du Monde, Vous qui vous éveillez à l’aube de cette nouvelle année 1970, pensez un instant : où mène le chemin de l’humanité ? Un regard d’ensemble est aujourd’hui possible, un regard prophétique. L’humanité est en marche, elle tend vers une maîtrise plus grande du monde... Et à quoi sert-elle, cette conquête ? À vivre mieux, à vivre plus intensément. L’humanité, limitée par le temps, cherche sa plénitude de vie, et elle l’obtient... Elle tend vers l’unité, vers la justice, vers un équilibre et une perfection que nous nommons la Paix...

« La Paix est la fin logique du monde présent ; c’est le destin du progrès ; c’est l’ordre final vers lequel tendent les grands efforts de la civilisation... Nous annonçons la Paix comme le fruit principal de la vie consciente de l’homme, qui veut voir la perspective de son itinéraire prochain et futur. Une fois de plus, Nous annonçons la Paix, parce qu’elle est en même temps, sous divers aspects, principe et fin du développement normal et progressif de la société. » [135] 

Vous êtes le type du faux prophète. Vous mentez aux hommes et vous trahissez votre Dieu. Votre crédulité est sans bornes si toutefois Vous croyez un mot de ce que Vous dites. Mais votre incrédulité est alors effroyable. Car la Parole de Dieu dément toutes et chacune de vos assertions. Il n’y a pas de paix, nul repos, pour les constructeurs impies de la Tour de Babel. C’est le Christ qui nous donne la Paix, et non pas même comme le monde la donne.

Là encore, prenez des leçons de Saint Pie X, dans sa Lettre sur le Sillon ([136]) [annexe i] : « Non, Vénérables Frères, — il faut le rappeler énergiquement dans ces temps d’anarchie sociale et intellectuelle, où chacun se pose en docteur et législateur — on ne bâtira pas la cité autrement que Dieu ne l’a bâtie ; on n’édifiera pas la société, si l’Église n’en jette les bases et ne dirige les travaux ; non, la civilisation n’est plus à inventer ni la cité nouvelle à bâtir dans les nuées. Elle a été, elle est ; c’est la civilisation chrétienne, c’est la cité catholique. Il ne s’agit que de l’instaurer et de la restaurer sans cesse sur ses fondements naturels et divins contre les attaques toujours renaissantes de l’utopie malsaine, de la révolte et de l’impiété : omnia instaurare in Christo » [137] .

DE LA PAIX À LA JUSTICE

D’abord, Vous avez annoncé la PAIX comme un fruit mûr de la civilisation et de l’ONU. Votre prospective restait courte. Elle n’allait pas plus loin que l’annonce d’un apaisement de tous les conflits locaux qui vous paraissaient les séquelles de la dernière Guerre Mondiale. Votre idéal était la négociation substituée à la force des armes, l’établissement de la paix et alors, dans la collaboration de tous les peuples, la prospérité inouïe d’un monde heureux. C’était un idéal petit-bourgeois, conservateur !

Mais déjà une autre idée commençait à interférer avec celle de la paix : l’idée de JUSTICE. « Nous tous, disiez-Vous aux Pères Conciliaires le soir du 4 octobre 1965, persuadés que la paix doit avoir pour fondement la justice, nous nous ferons les avocats de la justice. Parce que le monde a grand besoin de justice et c’est de justice que le Christ veut que nous soyons affamés et assoiffés » [138] . En fait, le Christ bénit ceux qui ont faim et soif d’une tout autre justice, la justice de l’homme envers son Dieu, la sainteté, dont la justice sociale n’est qu’une suite. Là encore, Vous défigurez l’Évangile pour en faire le message de votre messianisme nouveau, révolutionnaire.

Promouvoir la Justice

Car votre pensée, courant sur cette piste de la justice à promouvoir, de conservatrice se fait bientôt subversive. Au lieu d’avoir pour but la paix et pour idéal la prospérité formidable qui s’ensuivrait, maintenant vous reculez la perspective de la paix et en subordonnez l’avènement à l’instauration première de la justice. C’est toute la dialectique de votre Encyclique POPULORUM PROGRESSIO ([139]) [annexe vi]du 26 mars 1967 [140] . Votre analyse (marxiste !) de la situation internationale aboutit à une prospective menaçante : ou bien les peuples nantis partageront leurs biens avec les peuples déshérités, ou bien ceux-ci leur feront la guerre. C’est à choisir : ou la “ Justice ” qui est, selon Vous, l’Égalité, ou la guerre !

On peut dire que dès lors vous ne cesserez d’exciter les convoitises de tous les peuples du Tiers-Monde en leur proposant “ le développement ” comme le but essentiel et premier de tous leurs efforts, et, comme moyen d’y atteindre, la pression sur les peuples riches pour qu’ils partagent leurs biens..., qu’ils leur rendent ce qu’ils leur ont volé. « Le développement est le nouveau nom de la paix » [141] , ce slogan dans lequel vous résumez tout l’argument de votre doctrine sociale, est le point majeur de tout programme crypto-communiste actuel. Il résume une étape essentielle de la révolution mondiale. Il sous-entend que la condition des peuples pauvres est sous-humaine, intolérable, et qu’elle aura pour dénouement la guerre, si une solution rapide — mais chimérique — n’est pas trouvée et réalisée par les peuples riches...

RÉVOLUTION NON-VIOLENTE

Vous avez, à Bogota surtout, à Manille, en Australie, dressé les pauvres contre les riches, les peuples misérables contre les peuples d’Occident, selon la dialectique de la lutte des classes étendue à la planète. Là-dessus, décevant les uns, tranquillisant les autres, Vous avez recommandé la solution évangélique (de votre évangile) : l’Amour, et vous avez répudié la violence. Ainsi, le 21 août, au moment de partir pour Bogota :

« Qu’en d’autres temps, en d’autres circonstances toutes différentes, l’Église, les Papes eux-mêmes aient recouru à la force des armes et du pouvoir temporel, même pour des causes bonnes et dans d’excellentes intentions, Nous ne voulons pas aujourd’hui en juger ; pour Nous, le temps est révolu où l’on usait de l’épée et de la force, fût-ce pour promouvoir la justice et le progrès. Nous avons confiance que tous les bons catholiques et que toute la saine opinion moderne partagent nos sentiments. Nous sommes au contraire convaincu — et Nous le dirons là-bas — que le temps de l’amour chrétien entre les hommes est venu. C’est cet amour qui doit changer le visage de la terre ; c’est lui qui doit porter dans le monde la justice, le progrès, la fraternité et la paix » [142] .

Mais comme pareil règne de l’amour est de toutes les utopies la plus irréalisable dans un monde sans Dieu, votre prédication est une justification a priori de la violence. Il suffira que la preuve soit faite que rien n’est obtenu par “ l’amour ”, par la non-violence, pour que la haine et la révolution prennent le relais avec votre bénédiction !

Vous avez fait le principal, en présentant l’état des masses humaines et de maints peuples comme inhumain et violent, insupportable. Tous auront vite fait de se considérer dans ce cas ou vous autorisez « l’insurrection révolutionnaire » : « le cas de tyrannie évidente et prolongée qui porterait gravement atteinte aux droits fondamentaux de la personne et nuirait au bien commun du pays... » [143] . D’avance votre analyse marxiste des faits leur ouvre la voie de la violence, quand celle de “ l’amour ” aura manifestement échoué.

L’IDÉAL S’ÉLOIGNE, LA GUERRE SE RAPPROCHE

La paix joue maintenant dans votre pensée la même fonction que la Béatitude dans une âme chrétienne et que la société sans classes dans la pensée marxiste. C’est loin et pratiquement inaccessible. Ce qui est sûr, et proche, c’est le combat. Pour le chrétien, celui du renoncement à soi-même, de la charité, et enfin de la sainte mort qui le transportera au Ciel où est le Christ. Pour le marxiste, c’est la révolution. Pour Vous, Très Saint Père, c’est “ le combat pour l’homme ”, qui ressemble à l’héroïsme de la vertu chrétienne dans vos Discours mais qui rejoint merveilleusement le terrorisme révolutionnaire dans les faits.

Votre programme ? « Réduire les inégalités, combattre les discriminations, libérer l’homme de ses servitudes, le rendre capable d’être lui-même l’agent responsable de son mieux-être matériel, de son progrès moral et de son épanouissement spirituel » [144] . C’est idéalement un programme de philanthropie mondiale à réaliser par “ l’amour ”. C’est ce que vous appelez souvent, d’un mot qui devrait être réservé au mystère de notre Rédemption, “ le Salut ”. Mais c’est concrètement un programme de socialisme intégral à réaliser par la force. Vous êtes devenu le plus efficace propagandiste-agitateur de la révolution communiste dans le monde.

Saint Pie X dirait de Vous, comme il disait du Sillon : « Il convoie le socialisme, l’œil fixé sur une chimère » [145] . Et tel serait le “ dessein de Dieu ” ? C’en est en réalité la contradiction. C’est l’effort le plus cohérent qui ait jamais été entrepris pour détourner les hommes du Ciel et pour les rendre esclaves du Maître de la Terre, celui qu’annonce l’Apocalypse [146] . Votre Encyclique Populorum Progressio ([147]) [annexe vi], mises à part les invitations idylliques à l’amour, pourrait être le Mein Kampf de l’Antéchrist. Et d’autant plus que, dans cette construction d’un monde pleinement humain, une place est faite aux religions, un rôle est reconnu aux Églises, toutes mortellement confondues.

COROLLAIRE
LA RELIGION, ANIMATION SPIRITUELLE DE LA CITÉ IDÉALE

La religion, oui, la religion, Très Saint Père, quelle place a-t-elle dans cette construction ? L’humanisme partout le proclame : l’Homme se suffit à lui-même. La Tour de Babel n’a rien d’une Cathédrale ; elle est un prodige d’énergie, de solidarité, de fraternité humaines, tout humaines.

Un appel explicite à Dieu, à la transcendance, un recours à une Révélation céleste, à une Rédemption surnaturelle, la reconnaissance d’un culte, d’un dogme, d’une Église particulière, tout cela est exclu ou tout au plus toléré comme activité culturelle. Et c’est précisément à cause de cette exclusion de Dieu, du Christ, de l’Église, que vos Prédécesseurs avaient jeté l’anathème sur cette folle entreprise de l’orgueil humain.

Vous, audace nouvelle de la part d’un Pape, Vous l’acceptez, Vous vous en faites même le propagandiste : « Il n’y a plus d’isolement permis : l’heure est venue de la grande solidarité des hommes entre eux pour l’établissement d’une communauté mondiale unie et fraternelle » [148] . Et vous êtes d’accord pour que cette communauté n’ait rien de religieux et n’accepte aucune discrimination religieuse : « L’œuvre de paix n’est pas limitée à une croyance religieuse ; c’est l’œuvre et le devoir de tout être humain indépendamment de ses convictions religieuses. Les hommes sont frères, Dieu est leur Père, et leur Père veut qu’ils vivent en paix les uns avec les autres, comme le feraient des frères » [149] . Ah, bien ! C’est Dieu qui ne veut pas être source de disputes entre les hommes ! C’est Dieu qui veut la tolérance, l’indifférence, le libéralisme le plus total de la société par rapport à toute religion ! C’est Dieu qui veut le mépris de Dieu !

« Il s’agit de construire un monde où tout homme, sans exception de race, de religion (je souligne), de nationalité puisse vivre une vie pleinement humaine... » [150]  . « Toute discrimination est injustifiée, inadmissible, qu’elle soit ethnique, culturelle, religieuse (je souligne), politique... » et plus loin : « à cause de la race, l’origine, la couleur, la culture, le sexe, ou la religion (je souligne encore) » [151] . C’est le Pape qui, pour bien affranchir ses auditeurs, mêle ainsi la religion à la couleur, au sexe, à la culture, à n’importe quoi. La religion n’introduit pas plus de différence que tout ça. La religion n’a-t-elle donc là rien à dire, rien à faire ?

L’ANIMATION SPIRITUELLE

Étant entendu que cette société mondiale ne reconnaît aucune religion, elle n’est la servante d’aucun dieu. Mais Vous espérez cependant que la religion pourra se faire accepter comme la servante de ce Monde qui prétend l’ignorer, car elle se sent apte à lui apporter un secours non-négligeable.

« L’Église ne peut se désintéresser de l’animation idéologique, morale et spirituelle de la vie publique... Travaillez avec confiance, oui, avec confiance dans les Institutions qui forment la norme et l’histoire de notre société, et qui sont aujourd’hui les institutions démocratiques » [152] . Dans ces mots, toute votre pensée se découvre, à celui du moins qui connaît l’idée de Sangnier : la Démocratie sera chrétienne ou ne sera pas ! Et celle de Maritain : l’Humanisme Intégral ne peut trouver ses assises idéologiques que dans une transposition profane de l’Évangile.

Ainsi la religion, qui était jadis la Reine, dont toutes les autres réalités humaines étaient les servantes, maintenant ne se voit plus reconnu ni de nécessité ni de statut particulier dans la Démocratie Nouvelle. Eh ! bien, elle s’en fera la servante et elle trouvera là une belle œuvre à accomplir, pour l’homme, pour l’humanité, dans l’anonymat du monde profane. « Nous nous sentons responsables. Nous sommes débiteurs envers tous. L’Église en ce monde n’est pas une fin pour elle-même ; elle est au service de tous les peuples, elle doit rendre le Christ présent à tous, individus et nations » [153] . De quelle “ présence du Christ ” ? Présence de serviteur. « Servir l’homme ! Il s’agit, bien entendu, de tout homme, quels que soient sa condition, sa misère et ses besoins. L’Église s’est pour ainsi dire proclamée la servante de l’humanité » [154] .

Dans ce service de l’Humanité par l’Église, discret, anonyme, tout sécularisé, Vous n’avez tout d’abord envisagé qu’un rôle assez conservateur : « Tandis que d’autres courants de pensée ou d’action, proposent pour bâtir la cité des hommes en des principes bien différents, comme la puissance, la richesse, la science, la lutte, l’intérêt, etc., l’Église, elle, proclame l’amour » [155] .

Un texte capital, celui de votre Homélie pour la Fête-Dieu à l’E.U.R. de Rome, le 17 juin 1965, explique parfaitement quel service les chrétiens peuvent apporter en toute discrétion à la société profane, laïque et laïciste. Permettez-moi de Vous le rappeler malgré sa longueur :

« Vous savez comment ce problème fondamental du caractère social de la vie humaine, de nos jours, prime tous les autres, grâce aux idéologies, aux politiques, aux cultures, aux organisations, avec lesquelles les hommes de notre temps travaillent et besognent, dont ils rêvent et dont ils souffrent, en vue de créer la cité terrestre, la société nouvelle et idéale. Et tous, nous savons comment, par cet effort aux multiples aspects, les hommes engagés dans la construction démesurée parviennent à réaliser des progrès notables ; dignes d’être admirés et soutenus, oui. Mais nous savons aussi comment ils trouvent en eux-mêmes, à chaque pas, des obstacles et des contrariétés qui deviennent des divisions, des luttes, des guerres, précisément parce que leur manque un principe unique et transcendant qui unifie cet ensemble d’hommes, parce que leur manque une énergie morale suffisante pour donner à cet ensemble sa cohésion tout à la fois libre et consciente, solide aussi et heureuse, la cohésion qui convient à de vrais hommes. La cité terrestre manque d’un supplément de foi et d’amour qu’elle ne peut trouver ni en elle-même ni par elle-même, et que la cité religieuse qui existe en son sein, que l’Église peut lui conférer dans une mesure non négligeable ; et cela, sans offenser en quoi que ce soit l’autonomie et — disons le mot — la juste laïcité de la Cité terrestre ; simplement par une osmose silencieuse d’exemple et de vertu spirituelle...

« Citoyens de ce quartier moderne, vous avez ici même un exemple typique de vie nouvelle et idéale. Ne la laissez pas manquer de l’animation intérieure qui peut la rendre vraiment unanime, bonne et heureuse, de l’animation qui lui viendra de la source qu’est la foi catholique vécue dans la célébration communautaire de la liturgie eucharistique » [156] .

Sur le champ, j’ai trouvé là une claire profession de votre adultère spirituel, de votre trahison de la charge qui vous est confiée par le Christ, mais j’ai été apparemment le seul. Ce Discours est si habile ! Prenons-le à rebours, il pourrait être excellent : l’Eucharistie unifie, fortifie, sanctifie l’Église ; l’Église rayonne sur la cité la charité, la paix, la loi de Jésus-Christ et elle repousse toujours plus loin les ténèbres et la puissance de Satan... Telle est bien la Chrétienté. Mais ce n’est pas cela ! Au contraire, il s’agit d’abord de la cité des Hommes, du Royaume de Satan et des prodiges que l’orgueil de l’homme y réalise. C’est cette Cité nouvelle, idéale... et laïque, que vous voulez fortifier par l’osmose d’une sève chrétienne au lieu de la maudire comme une construction qui défie le Seigneur. Et le joint de cette ferveur eucharistique avec ce culte humaniste, le joint où réside toute l’impiété, se trouve à l’endroit précis où vous évoquez ce « supplément de foi et d’amour » dont la Tour de Babel a besoin. C’est simple : la foi en Jésus-Christ et l’amour de Dieu des fidèles que Vous embarquez dans l’aventure, se changeront — par osmose — en Foi en L’homme et en Amour du Monde ! ! !

L’Église se sert des biens divins qui lui sont donnés par son Seigneur et pour son Seigneur. Vous voulez maintenant qu’elle s’en serve dans l’adultère, pour faire réussir le projet de l’Homme qui se fait Dieu ! « La religion du Dieu qui s’est fait homme » est engagée par Vous au service de « la religion (car c’en est une) de l’homme qui se fait dieu ». Mais c’est une œuvre d’Antéchrist !

DÉVALUATION DE LA RELIGION

Il faudra évidemment une sérieuse “ remise à jour ”, une véritable “ reconversion ” pour rendre la religion catholique apte à ce nouveau “ service ”. Mais Vous n’avez pas désespéré d’y réussir et, apparemment, Vous n’avez pas eu tort puisque tous vous ont laissé faire et vous ont emboîté le pas. « Nous devons assurer à la vie de l’Église une nouvelle façon de sentir, de vouloir et de se comporter » [157] , disiez-Vous à Bethléem, dès le 6 janvier 1964. Personne ne pouvait deviner où irait cette si totale mutation que Vous parliez alors d’imposer à tous au nom du Christ.

Vous le direz plus audacieusement le 12 août 1970 : « La religion doit être rénovée. Tous ceux qui aujourd’hui s’occupent encore (sic) de religion en sont persuadés, qu’ils soient ou non insérés dans une religion telle qu’elle s’exprime concrètement dans une foi, une observance, une communauté. Le tout est de voir ce que l’on entend par renouveau » [158] . Une telle parole laisse supposer que Vous avez perdu la foi catholique, chrétienne, religieuse tout simplement. « La religion » y paraît un phénomène humain doué d’une certaine puissance d’émotion, de sentiment, d’énergie morale à utiliser au mieux pour la réussite de la société humaine. Vous êtes sans doute de « ceux qui aujourd’hui s’occupent encore de religion », mais qui ne savent plus exactement pourquoi ni dans quel sens.

Et voilà que toutes les religions sont appelées à fraterniser dans l’œuvre temporelle qui leur est une nouvelle et commune raison d’être. Les querelles dogmatiques sont désuètes, « les guerres de religion sont finies pour toujours » [159] , le fanatisme est mort, le prosélytisme éteint. Il ne s’agit plus de s’arracher les âmes et de les passionner pour “ les choses suprêmes ” [160] , mais de les mettre au service de l’humanité. Voici les dieux réconciliés de force par leurs prêtres, attelés ensemble à l’œuvre de la réussite du monde moderne. C’est l’Œcuménisme !

Cette confusion de toutes les religions comme de multiples et convergentes expressions des mêmes “ valeurs spirituelles et morales ” offertes aux “ hommes de bonne volonté ” pour les aider au “ salut ” intégral “ de tout homme et de tous les hommes ” sur la terre, Vous l’avez affichée, enseignée, prônée pendant tout votre voyage en Orient. J’en ai rassemblé le florilège dans La Contre-Réforme Catholique n° 41. Vous faites même du Bouddhisme une religion ! N’était-ce pas le but principal de votre périple : susciter « des fruits d’entente plus étroite entre les communautés de toutes origines et de toutes confessions religieuses de cette partie du monde, un encouragement à une action solidaire pour le progrès, pour la justice et pour la paix » [161] ?

« Sans aucune distinction de caste, DE FOI, de couleur ou de langue », disiez-Vous à Ceylan [162] . Et, parce que l’Amour pour vous bannit toute différence, c’est alors que vous avez poussé au plus loin cet appel à toutes les forces spirituelles, sans aucune exception, sans excepter même celles de la Chine communiste pour laquelle aussi Vous n’éprouviez que de l’Amour [163] .

Je ne vous rappellerai sur cette coexistence et cette coopération des religions qu’un seul de vos discours, celui du 9 août 1970, et je ne vous demanderai à son sujet qu’une chose, comme Juge de la Foi : celui qui parle ainsi est-il encore catholique, n’a-t-il pas renié le Christ et abandonné l’Église ? Voici ce texte ; Vous y parlez du conflit du Moyen-Orient et de vos espoirs de paix :

« Nous avons aussi un espoir qui peut sembler utopique parce qu’il n’est soutenu par aucun élément concret mais qui pourrait même être un point de discorde et que, au contraire, Nous estimons fondé sur un argument réel et réalisable.

« Le conflit engage trois expressions ethnico-religieuses qui reconnaissent toutes un unique et vrai Dieu : le peuple hébraïque, le peuple islamique et, au milieu d’eux, répandu dans le monde entier, le peuple chrétien. Il s’agit de trois expressions qui professent un identique monothéisme par ses trois voix les plus authentiques, les plus anciennes, les plus historiques, et même les plus tenaces et les plus convaincues. Ne serait-il pas possible que le nom du même Dieu, au lieu d’irréductibles oppositions, engendre un sentiment de respect mutuel, d’ententes possibles, de coexistence pacifique ? La référence au même Dieu, au même Père, SANS PRÉJUGER DES DISCUSSIONS THÉOLOGIQUES, ne pourrait-elle un jour servir à la découverte si évidente, mais si difficile et si indispensable, que nous sommes fils du même Père et que nous sommes donc tous frères ? » [164] .

Or voici la réponse : « Étranges, effrayantes et attristantes à la fois, sont l’audace et la légèreté d’esprit d’hommes qui se disent catholiques, qui rêvent de refondre la société dans de pareilles conditions et d’établir sur terre, par-dessus l’Église catholique, “ le règne de la justice et de l’amour ”, avec des ouvriers venus de toutes parts, de toutes religions ou sans religion, avec ou sans croyances, pourvu qu’ils oublient ce qui les divise : leurs convictions religieuses et philosophiques, et qu’ils mettent en commun ce qui les unit : un généreux idéalisme et des forces morales prises “ où ils peuvent ”. On est effrayé... Le résultat de cette promiscuité en travail, le bénéficiaire de cette action sociale cosmopolite ne peut être qu’une démocratie qui ne sera ni catholique, ni protestante, ni juive : une religion plus universelle que l’Église catholique, réunissant tous les hommes devenus enfin frères et camarades dans “ le règne de Dieu ” — “ On ne travaille pas pour l’Église, on travaille pour l’humanité ” — ....C’est l’apostasie organisée » [165] .

La réponse est de Saint Pie X. Qui l’emporte dans nos âmes, de sa Parole ou de la Votre ? Qui est apostat, de nous autres qui le suivons ou de Vous ?

LA RELIGION, FORCE D’UTOPIE ET DE CONTESTATION

Enfin, pour aller jusqu’au bout de l’absurde, évoluant avec les passions des masses, Vous attribuez maintenant aux chrétiens dans le Monde un tout autre rôle qu’il y a dix ans. Alors, ne sentant pas le bouillonnement révolutionnaire et prenant Satan pour le constructeur pacifique d’une Démocratie bourgeoise, Vous assuriez que l’Église contribuerait à l’édification de ce Phalanstère à direction onusienne... Maintenant, vous mettez en valeur le caractère anarchiste, contestataire, révolutionnaire des “ communautés chrétiennes de base ”, comme on dit, parce que Satan manifeste son intention de tout détruire ? Pourquoi le suivre pas à pas ?

C’est votre appel aux Gardes Rouges de la Révolution culturelle et c’est votre Lettre au Cardinal Roy : « L’Église invite tous les chrétiens à une double tâche d’animation et d’innovation afin de faire évoluer les structures pour les adapter aux besoins actuels » [166] . Et de toutes les attitudes politiques que vous envisagez, c’est l’UTOPIE qui vous paraît la plus conforme au dynamisme créateur de l’Esprit :

« Si elle ne refuse aucune ouverture, l’utopie peut aussi rencontrer l’appel chrétien. L’Esprit du Seigneur, qui anime l’homme rénové dans le Christ, bouscule sans cesse les horizons où son intelligence aime trouver sa sécurité, et les limites où son action s’enfermerait ; une force l’habite qui l’appelle à dépasser tout système et toute idéologie, etc. ». [167]  C’est clair ! “ L’Esprit ” qui engageait le citoyen démocrate-chrétien de l’E.U.R. de Rome à participer à la démocratie du bien-être, du confort moderne et du progrès, il y a sept ans, agite aujourd’hui ses fils et les pousse à la destruction de cette abominable “ société de consommation occidentale ”... Alors, Vous suivez le mouvement.

C’est la déchéance de la femme adultère, de se donner finalement à n’importe qui.

LA MORT DE TOUTE RELIGION

Cet exclusif et chimérique intérêt que Vous portez à la Construction du Monde, ce primat de la politique la plus indéfinie, la plus irresponsable, la plus déracinée qui soit, opère depuis dix ans dans l’Église entière, que vous ne laissez pas respirer, que vous intoxiquez et entraînez de force à votre suite, une affreuse, une effroyable destruction. Les dogmes deviennent tous, dans leurs arêtes vives, des obstacles à la compréhension universelle, des gênes pour la fraternité. Les sacrements, d’abord considérés comme des prises de force, des sources d’énergie spirituelle pour l’engagement temporel, ont bientôt cessé d’avoir aucune utilité puisque les autres hommes nous valent sur le chantier du monde sans y recourir vraiment. Les Commandements de Dieu sont infléchis autant que faire se peut dans le sens souhaité par les architectes du Monde à construire et puis, finalement, rejetés comme des freins insupportables.

Enfin, toute l’Institution de l’Église s’effondre. À part des autres, distincte par ses manières de vivre, de penser, d’éduquer, elle est battue en brèche par vos consignes d’intégration des chrétiens dans le monde, dans la communauté séculière, comme d’un levain en pleine pâte, non à côté. Et puis, un jour, on trouve orgueilleux et pharisien de se prétendre un levain. Ce jour-là, le chrétien renie sa singularité et, sans le savoir, il achève l’apostasie dont Vous lui avez tracé le chemin. L’Humanisme intégral a définitivement étouffé son ennemie, la Religion, pour se muer en Humanisme athée.

J’ai comparé, dans La Contre-Réforme Catholique du mois d’août 1971, n° 47, un ensemble de vos discours à la Lettre sur le Sillon ([168]) [annexe i]. D’un côté, la Religion catholique, de l’autre votre Utopie politique. N’importe quel lecteur pourra consentir à ma brève conclusion : « Pie X a été canonisé d’abord pour la pureté de sa doctrine et sa force d’âme à défendre la Foi catholique. Il reste le Grand Docteur de la Foi au XXe siècle... DONC... Paul VI sera un jour déclaré Anathème principalement en raison de son utopie du MASDU déjà condamnée. Il est le Grand Corrupteur de l’Église au XXe siècle ».

Qu’en dit votre Magistère infaillible ?

2. VOTRE UNIVERSELLE COMPLICITÉ D’HÉRÉSIE

Le bon peuple fidèle ne comprend pas comment Vous pouvez, Très Saint Père, rappeler la foi catholique si souvent et avec autant d’apparente fermeté, puis laisser courir toutes les hérésies possibles et imaginables sans jamais sévir contre leurs inventeurs et propagateurs. Il se souvient de vos Encycliques Mysterium Fidei de 1965 [169] et Sacerdotalis Cœlibatus de 1967 [170] , de votre Profession de foi de 1968 [171]  et, la même année, de la courageuse Encyclique Humanæ Vitæ [172] . Il a souscrit de toute sa foi, dans son immense majorité, à ces actes doctrinaux de votre Magistère Ordinaire, écho fidèle de la Tradition catholique. Il a cruellement ressenti l’indifférence, voire l’hostilité organisée et jusqu’à la critique systématique de ces Actes de votre Magistère, de la part de beaucoup de prêtres, d’Évêques et d’Épiscopats entiers parmi les plus vantés. Cette insoumission ou cette ignorance affectée choquèrent les meilleurs de vos Fils, mais ils s’étonnèrent aussi que Vous laissiez les choses aller. Affirmer la vérité sans proscrire l’erreur est incompréhensible à tout esprit vraiment catholique.

De même, les fidèles s’étonnent de la différence grandissante qu’ils constatent entre la doctrine traditionnelle de vos Allocutions du mercredi, sauf exception, et le torrent des folles doctrines qu’ils entendent partout enseigner librement dans votre Église ! Ils sont stupéfaits que le vacarme soulevé par les mauvais théologiens et prétendus moralistes contre votre Encyclique Humanæ Vitæ vous ait dissuadé depuis cinq ans d’écrire encore des Encycliques, comme si Vous abandonniez le combat et laissiez votre troupeau aux mains des mauvais bergers.

Personne ne comprend votre faiblesse. On l’excuse par la difficulté de votre tâche, par la dureté des temps, ou le péril de schismes... Cette confiance filiale et cette patience soumise seraient bonnes si elles ne créaient la rupture d’une opposition contrastée, forcenée, entre nos prêtres et nos Évêques “ modernistes ” d’une part, et Votre Sainteté d’autre part dont l’enseignement et l’action seraient en tous points traditionnels et saints. C’est une injustice faite à nos Évêques et à nos prêtres, dont la plupart seraient impeccables si Vous-même les mainteniez fermement dans la ligne stricte de l’orthodoxie. L’inexplicable tolérance, manifestée aujourd’hui dans l’Église à tous les échelons pour toute erreur, remonte d’abord et principalement à Vous, et tous se laissent entraîner. Non que Vous soyez seul responsable, mais Vous l’êtes suprêmement et tous les autres pasteurs ne le sont que par dérivation et subordination.

C’est pourquoi nous Vous accusons de complicité majeure avec toutes les hérésies qui surgissent en tous domaines et de toutes parts dans l’Église. Même les hérésies que Vous ne partagez pas, même celles qui vous font horreur, Vous ne les sanctionnez pas, ce faisant Vous les soutenez. Comme cela se voit, se sait, se comprend, les pires hérésiarques profitent de votre inertie pour empoisonner les âmes impunément, et non seulement vous êtes responsable par votre incurie, semblable à celle qui valut au Pape Honorius la sanction terrible de l’Anathème [173] , mais en bien des cas Vous vous avancez davantage et Vous marquez quelque faveur aux docteurs d’erreurs et de nouveautés pernicieuses. Vous faites leur éloge en passant, vous les tirez des griffes de vos propres Services, vous les nommez à quelque charge en vue, comme si vous éprouviez sans cesse le besoin de leur plaire, de vous affirmer leur ami... Comme si Vous faisiez bloc avec eux dans la cause commune de la Réforme conciliaire et de la création d’une Église nouvelle.

De cette incurie, de cette inertie et de cette complicité, j’ai dit plus haut les trois raisons essentielles. D’abord, Vous voulez faire amitié avec tous les hommes, jusqu’aux athées, jusqu’aux communistes, et ce désir de dialogue avec les adversaires du dehors vous contraint évidemment à respecter et honorer leurs amis du dedans. Ainsi, faire la paix avec les protestants en évitant de rappeler les condamnations anciennes, vous empêche de réprimer par de nouvelles condamnations l’actuelle protestantisation de l’Église. Et tout à l’avenant. Vous tolérez donc tout. C’est votre Libéralisme.

Plus profondément, Vous êtes persuadé que l’ouverture au monde nécessite une révision fondamentale du langage de nos dogmes et de l’expression de notre discipline canonique, pour les adapter aux conditions modernes de penser et de vivre. Vous vous sentez de ce fait hésitant et perplexe devant les formules les plus révolutionnaires. Vous vous demandez si, même extravagantes aujourd’hui, elles ne seront pas consacrées demain. Sont-elles des formes futuristes de la foi ou sa corruption ? Vous hésitez. C’est votre part d’Évolutionnisme.

Enfin, cause majeure de votre affection pour toute hérésie, votre utopie politico-religieuse demeure sans lien vivant et affectif avec votre foi proprement dogmatique. Je n’ose croire que la contradiction entre ces deux registres de votre pensée, l’Utopie et la Foi, vous apparaisse clairement. Votre crime serait alors sans mesure. Du moins l’éprouvez-vous continuellement comme un malaise, un sentiment d’écartèlement : la Foi ne vous paraît ni exaltante, ni utile, mais votre Utopie n’arrive pas à s’enraciner dans votre Credo. Vous enseignez la foi traditionnelle le mercredi et vous la trahissez le dimanche ! En revanche, vous sentez très vivement l’accord, la solidarité, l’aide mutuelle que votre utopie politique entretient avec les hérésies dogmatiques et morales de notre temps. Vous ne pouvez évidemment pas les admettre. Du moins les tolérez-vous et manifestez-vous à leurs auteurs une active sympathie. C’est votre part de Modernisme.

TEILHARD DE CHARDIN

Pourquoi n’avez-vous pas condamné Teilhard ([174]) ? Le mal immense causé par le teilhardisme n’est plus à démontrer. Et si l’étoile du jésuite évolutionniste a beaucoup pâli, ce n’est pas que l’opinion soit revenue de ses erreurs mais plutôt qu’elle les a dépassées. Passe encore que Vous ne l’ayez pas condamné ! Mais au moment où tous guettaient de Vous, de Vous plus que de tout autre, quelque signe, quelque indice favorable ou défavorable à l’énorme campagne mondiale menée par les Amis de Teilhard, Vous l’avez subtilement loué, détruisant les dernières digues.

C’était le 24 février 1966 ; Vous visitiez des Laboratoires pharmaceutiques : « Le Saint Père cite alors Teilhard de Chardin qui a donné une explication de l’univers et qui, parmi tant de fantaisies, a su lire dans les choses un principe intelligent qui doit s’appeler Dieu ». L’homme saura engager « ce gigantesque dialogue avec l’univers et faire monter... un hymne à Dieu, créateur et père de tous » [175] .

Le peu que rapportèrent les journaux des propos que Vous avez tenus laissait percer l’affinité de son déisme vague avec votre propre tournure d’esprit. Son Évolutionnisme panthéiste forme un cadre idéal, quoique profondément inacceptable à votre foi, pour votre Utopie d’un progressisme mondial et d’une convergence de toutes les religions et de tous les hommes vers un but idéal !

Vous savez que le point faible de sa vision, sur lequel le Jésuite adorateur de la Matière a toujours été sanctionné par Rome, est la négation du péché originel. Cette cassure n’a aucune place dans le progrès continu dont il fait la loi universelle. Vous, vous croyez au péché originel. Vous en avez rappelé en termes formels toute la doctrine selon le Concile de Trente, au Symposium de Théologie du 11 juillet 1966 [176] , lequel, dit-on, ne vous a guère écouté ni suivi. Mais toute votre théorie de la Paix universelle et du Progrès irrésistible de la civilisation mondiale contredit cette foi et rejoint l’hérésie de Teilhard [177] .

Allons plus loin. Le Centre de notre religion, c’est la Croix du Christ notre Rédempteur. C’est le sacrifice propitiatoire du Calvaire et de la Messe. Ce mystère est totalement étranger au panthéisme cosmique de Teilhard. Mais il l’est presque autant, sauf votre respect, à votre propre vision du monde et de l’histoire ! Relisez votre Discours à l’ONU, votre Discours du 7 décembre 1965 au Concile, Ecclesiam Suam, Populorum Progressio, Octogesima Adveniens... La Croix du Christ n’y figure jamais, ou à titre ornemental, presque comme une figure de rhétorique. Votre vision est celle de l’homme qui monte par le progrès de son propre effort. Vous ne pouvez condamner Teilhard sans fixer son erreur. Et Vous ne pouvez fixer son erreur sans Vous condamner Vous-même ! Et ainsi, d’instinct, Vous deviez protéger votre Discours, parallèle au sien, en ne le condamnant pas et même en le louant, nonobstant ses nombreuses “ fantaisies ”, lesquelles Vous ne précisez pas parce qu’elles sont en partie les vôtres. Le teilhardisme a donc corrompu la foi de l’Église et sa morale depuis dix ans et il ne cède maintenant le micro de toutes nos églises qu’à de pires hérésiarques que lui.

Si je mens, condamnez les erreurs de Teilhard !

LE CATÉCHISME HOLLANDAIS

L’histoire scandaleuse du Catéchisme Hollandais, de ses difficultés avec Rome, de sa diffusion universelle, est trop connue pour qu’il soit besoin ici de Vous la rappeler. Avez-vous su qu’on vient de le traduire en pakistanais et en arabe ? Toute cette affaire s’est déroulée sous Votre Pontificat ; c’en est l’une des plus graves.

Or nous devons constater deux choses, contradictoires : la répression romaine et votre faiblesse.

La première est bien connue. Elle honore Rome, sa Curie, ses Cardinaux, et Vous-même qui avez répondu point par point à toutes les hérésies de ce prétendu Catéchisme dans la précision des articles de votre Credo. Je puis vous dire qu’au Saint-Office où j’étais invité à me rendre à ces moments-là pour l’instruction de mon Procès, la perspective d’une prochaine défense de la vraie foi par le Pape rendait tout le monde heureux ; on m’annonçait d’avance, à mots couverts, que je pouvais signer ma rétractation et faire confiance au Pape qui allait merveilleusement restaurer dans tout son éclat la foi de l’Église. C’était en mai 1968 [178] . Donc, toutes les erreurs pernicieuses de ce Catéchisme ont été discernées, répertoriées, signalées à ses Auteurs et le Pape a solennellement proclamé sa foi catholique, toute contraire...

La deuxième constatation qui s’impose attriste tous les bons catholiques et personne ne sait l’interpréter favorablement. Vous avez abandonné la lutte, vous avez supporté l’affront qui Vous était fait par une poignée de théologiens modernistes, à Vous, à la Curie romaine et ses dignes Cardinaux, à l’Église Apostolique toute entière. Et à Dieu ! Vous avez laissé le livre empoisonné se répandre dans toute l’Église, sans aucune des corrections exigées par Rome. Vous n’avez pas osé prononcer de réprobation ni prendre de sanction contre quiconque.

Pendant ce temps, je l’étudiais minutieusement pour défendre les âmes contre son terrible péril [179] , mais c’est moi qui allais être sanctionné par Vous et non pas eux. J’écrivais en conclusion de mon travail : « Le silence de l’Autorité suprême de l’Église est à lui seul une complicité avec l’Hérésie et il porte un coup mortel à la foi. C’est ainsi que, de tout temps, les Pouvoirs prévaricateurs qui sont restés muets et inertes en face des schismes et des hérésies, ont été par la suite déclarés fauteurs d’hérésie, hérétiques eux-mêmes, tels les Conciles de Rimini Séleucie, et tel le Pape Honorius. L’Église n’a pu restaurer la certitude inviolable de sa foi et la dignité de son Magistère suprême qu’en les déclarant, et pour leur silence seul, anathèmes » [180] .

Non seulement Vous vous taisiez, mais Vous alliez bientôt joindre votre Voix au concert des admirateurs de l’hérésie. L’Italie s’était donné un nouveau catéchisme qui « empruntait beaucoup au fameux catéchisme hollandais et également au catéchisme de l’Isolotto », cette paroisse révolutionnaire de Florence que Vous savez [181] . Eh ! bien, Vous l’avez loué, cet hybride italien du Modernisme et du Progressisme les plus outrés. « C’est un document inspiré par la charité du dialogue pédagogique qui démontre le désir et l’art de parler d’une manière appropriée, influente et simple, à la mentalité de l’homme moderne. Nous ferons bien de lui donner une grande importance et d’en faire le point de départ d’un grand, concordant et infatigable renouvellement pour la catéchèse de la génération présente. Cela exige le caractère fonctionnel (?) du magistère de l’Église : nous lui devons honneur et confiance » [182] .

Je commentais, en style polémique je l’avoue : « L’autorité suprême a cédé, elle abandonne le terrain à l’hérésie moderniste. Beau joueur, le Pape félicite et honore le vainqueur. C’est beau, c’est grand, c’est généreux, ce ralliement de Rome à l’hérésie batave. Mais où sont les Credo d’antan ? [183] . Que Dieu me pardonne ma virulence ! Je pensais avec la plus sainte des colères aux milliers d’âmes innocentes abandonnées à ces “ assassins de la foi ” que stigmatise toujours votre Cardinal Daniélou mais sans les nommer jamais. Je pensais que Vous laissiez par coquetterie votre peuple aux mains des pervers.

Mais le désir de plaire n’explique pas tout. Il me suffit de poursuivre la lecture de cette page de La Contre-Réforme pour tenir le pourquoi de votre acceptation du Catéchisme Hollandais. Lisons ensemble : « Dans ce catéchisme, Dieu n’apparaît décidément pas AUTRE que l’homme et le monde. Il est appelé “ l’Autre ”, mais comme le fond mystérieux de notre être... Jamais il n’est l’Être Transcendant souverainement libre par rapport à sa création. Il paraît nécessairement d’accord avec l’homme. Tout dissentiment, toute contradiction, tout abandon définitif paraît exclu. Le péché n’a de conséquences que subjectives, voire rhétoriques. Dieu est du côté de l’homme, tout occupé de son bonheur et luttant pour le lui procurer. De tels rapports excluent toute idée de roide justice, au profit d’un amour à sens unique et inconditionnel. Dieu pardonne toujours, à tous et tout le temps. Il aime !

« Le mystère de la Rédemption... se trouve par le fait aboli... La religion s’établit sans rupture, en continuité aimable avec la vie naturelle et mondaine. Elle apporte un “ supplément d’âme ”, le comble des aspirations intimes de l’homme » [184] .

J’arrête. Je pourrais tout lire... C’est l’hétérodoxie de votre hétéropraxie. Vous faites comme si Dieu aimait sans condition, eux ils l’affirment. Vous faites comme si le “ sentiment religieux ” était un supplément d’âme émané de la conscience, eux l’affirment. Et tout à l’avenant.

Alors, Vous ne POUVIEZ PAS condamner le Catéchisme Hollandais, pas plus que Teilhard. Parce que Vous prônez la Liberté de pensée dont vous avez bien besoin Vous-même pour vos rêveries. Parce que la construction d’un monde fraternel exclut définitivement toute discussion dogmatique. Mais surtout parce que ce modernisme humaniste forme, mais Vous n’oseriez en convenir, le meilleur soubassement doctrinal de votre humanisme progressiste. Le succès de ce Catéchisme pervers est tel, d’ores et déjà, que vos chimères ne paraissent plus hérétiques à personne...

Si je mens, condamnez le Catéchisme Hollandais !

LA NOUVELLE CATÉCHÈSE

Sur les entrefaites, dans une synchronisation étudiée [185] , furent mis en chantier par les Épiscopats, collectivités grégaires et irresponsables, de France, d’Italie, du Canada, d’Allemagne, des USA, bref, partout ! des Catéchismes pour enfants absolument révolutionnaires. Ces livres devaient d’ailleurs n’être plus que l’accessoire d’une catéchèse vivante dont la nouvelle méthode était du plus pur immanentisme, comme vous en trouverez la démonstration indiscutable dans mon étude sur le “ Fonds Commun obligatoire ” français. Tenez, voici quelques titres de cette étude : « L’illuminisme substitué à la foi... L’appel à l’illusion d’une expérience religieuse vitale... L’aliment frelaté de cet illuminisme : la lecture des signes » [186] . Je vous prie de croire que je ne pensais aucunement à Vous, à vos appels répétés à l’expérience religieuse, à vos invocations des signes des temps, à votre prétention à l’illumination directe de l’Esprit. Mais lisant avec Vous, Très Saint Père, le rapprochement s’impose. C’est AUSSI votre doctrine, du moins votre sentiment spontané.

Cette étude se trouve dans La Contre-Réforme Catholique d’avril 1968. Eh ! oui, au moment même où j’étais convoqué au Saint-Office pour répondre de mes critiques du Pape et du Concile. Vous a-t-on raconté l’épisode ? Dans la première séance de l’instruction du Procès, je déposai devant les Juges ce Fonds Commun Obligatoire et leur signalai que ce texte, véritable plan directeur de tous les nouveaux catéchismes à paraître prochainement, était une défiguration, une perversion systématique de la foi. Ils refusèrent le livre, protestèrent contre la digression et revinrent à mon procès. Mais, hors de séance, l’un des consulteurs voulut me délivrer de toute inquiétude. Il m’assura, avec une solennelle gravité, que « jamais Rome n’avait laissé ni ne laisserait se répandre un catéchisme entaché d’hérésie » [187] .

Les catéchismes parurent. Je consacrai toutes mes forces à leur réfutation, par écrit dans La Contre-Réforme Catholique au XXe Siècle durant les mois suivants, fin 1968, par la parole dans une véritable Croisade de conférences à travers toute la France, avec l’Abbé Coache, le Père Barbara, les Frères de ma Communauté et d’autres collaborateurs occasionnels. Les salles combles prouvaient l’angoisse des familles chrétiennes. CE QUI A BRISÉ NOTRE ÉLAN ? MAIS VOUS-MÊME, TRÈS SAINT PÈRE ! Vous m’avez envoyé le Cardinal Lefebvre, Membre du Saint-Office, l’un de mes juges, et précisément le grand responsable, comme Président de l’Épiscopat gallican, de toute cette pourriture doctrinale, de cette corruption de millions d’innocents, oui, lui, pour me formuler l’ultimatum d’avoir à me rétracter et à me taire. Et comme je contestais l’autorité de Représentant du Saint-Siège à cet indigne prévaricateur, Vous avez fait passer sur moi votre Justice d’Exception. J’ai été déclaré “ disqualifié ” et la Croisade a pris fin [188] .

Je suis donc fondé à déclarer que l’empoisonnement de toutes les générations montantes de petits baptisés catholiques par ces innombrables catéchismes nouveaux, modernistes, progressistes, érotiques et subversifs, est de votre fait. Vous êtes le responsable suprême, le Chef des assassins de nos enfants. Tête par tête, un à un, comptés et recomptés, leur nombre fournira le dénombrement de vos crimes à l’heure du Jugement. Cela se compte par millions.

Au Tribunal de Dieu, Vous ne répondrez pas que vous n’y pouviez rien. Ces arguments n’ont pas cours Là-Haut. Au tribunal de Rome, si vous avancez cette excuse, je la contesterai. Je connais vos Évêques, nos prêtres, nos catéchistes bénévoles. Sans votre active complicité à la poignée d’empoisonneurs archiconnus et déjà dispersés par Pie XII, tous enseigneraient de bon cœur le Catéchisme d’autrefois, dont le contenu est catholique et la méthode d’une meilleure pédagogie que celle des nouveaux livres.

Ne me parlez pas du Directoire de pastorale catéchétique [189] . Le vrai et le faux, le meilleur et le pire s’y mêlent à balance égale. Il n’a gêné que les “ intégristes ”, ceux qui ne tolèrent pas le mélange de l’erreur avec la vérité. Si la nouvelle catéchèse continue, il n’y aura bientôt plus d’Église. Mais ce n’est pas Vous qui l’arrêterez, parce qu’elle épouse étroitement toute votre hérésie personnelle et l’étale par trente six autres hérésies captieuses qui convergent toutes dans ce Culte de l’Homme qui est votre véritable religion.

Si j’ai tort, condamnez ces Catéchismes pourris !

CONTRE LE CARDINAL OTTAVIANI

Vous savez, Très Saint Père, la fidélité du vieux Cardinal à la Personne du Pape quelle qu’elle soit. Et comment le Cardinal Ottaviani, bafoué lors de la Première Session du Concile parce qu’il défendait l’honneur du Saint-Office, reçut de Vous l’ordre de se taire et de Vous laisser vous-même défendre ce qui était attaqué. Il se tut, Il se soumit. Il se voulut le carabinier qui garde le coffre-fort, et libre à Vous d’en changer le trésor fût-ce pour lui substituer des tas de cailloux. Il garde ce que Vous voulez y mettre, contre l’ennemi du dehors. Il n’envisage pas que l’ennemi puisse être son maître [190] .

Poursuivant sa garde, il écrivit le 24 juillet 1966 une Lettre aux Épiscopats pour leur signaler dix erreurs ou dangers fort graves, assez répandus pour éveiller leur inquiétude [191] . Nos Évêques français répondirent évasivement [192] . La réponse des Hollandais, publiée en 1968[193] , était une défense systématique des “ erreurs ” signalées et des hérésiarques qui les répandaient alors. Le rédacteur de cette réponse était d’ailleurs l’un des principaux d’entre eux, le P. Schillebeeckx. Mais, craignant le pire et prenant les devants, le Hollandais avertissait Rome, avec la plus grande insolence, de ne pas recourir à des condamnations. Sinon, gare !

L’Église de Rome, votre Autorité Souveraine, étaient défiées par cette contestation publique qui leur était adressée touchant les points les plus importants de la foi : les Sources de la Révélation, le caractère immuable des Définitions dogmatiques, la Divinité de Jésus-Christ, la Virginité perpétuelle de Marie, le Saint-Sacrifice de la Messe, le Sacrement de Pénitence, le Péché Originel et plusieurs principes importants de morale et de pastorale...

Vous n’avez pas réagi. Le fer était engagé, rompre serait s’avouer vaincu ! Et c’était l’Année de la Foi ! Je suis certain, pour ma part, que Vous ne partagez aucune de ces erreurs que dénonçait le Saint-Office. Pourquoi donc votre conviction, qui acceptait de s’exprimer publiquement, n’allait-elle pas jusqu’à vous faire un devoir de l’imposer à toute l’Église ? Non ! il est dit, promis, juré, que vous ne contraindrez jamais personne. N’êtes-Vous donc pas le Pape ? Si vous en restez là, Vous vous comportez comme un particulier quelconque qui, atteint de scepticisme, exprimerait sa foi comme une opinion personnelle ! Je veux croire votre foi très ferme, très convaincue, mais seulement viciée par votre libéralisme et noyée peu à peu dans le rêve de la foi en l’homme, de l’amour de l’homme, du culte de l’homme. Mais, pratiquement, c’est comme si vous aviez perdu la foi. C’est pire, parce que votre bonne opinion personnelle rassure sur votre mauvaise action de Pape.

Toujours est-il que votre Credo est partout battu en brèche ; n’importe où, n’importe qui répand n’importe quelle hérésie, n’importe quelle négation monstrueuse de nos dogmes ou de notre morale. À qui la faute ? À Vous, Très Saint Père, qui avez brisé la vaillance de votre Curie, par qui « le grand Ottaviani est mort » [194] , en qui toutes les hérésies trouvent protection. À vous qui laissez se répandre dans l’Église, au Nom du Seigneur, ce qu’au Nom du Seigneur vous deviez bannir, fût-ce au prix de votre vie.

Si j’ai tort, jetez l’Anathème sur les Dix Erreurs Hollandaises !

CONTRE LE CARDINAL WRIGHT

Cette autre affaire est toute récente. Elle remonte à un an. Vous la connaissez très bien, directement. Nous la connaissons aussi dans ses coins et recoins ; son épilogue date d’hier [195] . Le Document émané de la Congrégation du Clergé, relatif à certains Actes de l’Assemblée “ évêques-prêtres ” espagnole de septembre 1971, constitue — pardonnez-moi de me citer moi-même [196] — « la plus importante condamnation doctrinale du Modernisme et du Progressisme postconciliaires. Ce document s’inscrit dans la tradition constante du Magistère catholique et en particulier de son dernier acte indiscutable, l’Encyclique Humani Generis de Pie XII, du 15 août 1950 ».

Tenez, continuons la lecture de La Contre-Réforme Catholique au XXe Siècle, de mai 1972, alors que tous les documents venaient d’être publiés :

« Peu nous importe que, frappé à mort, le Cardinal Tarancon, chef de file du Progressisme espagnol, ait été sauvé par l’intervention à découvert du Cardinal Villot, Secrétaire d’État, et consolé chaleureusement par le Pape lui-même. Certes, l’un et l’autre l’ont assuré qu’ils ignoraient tout de ce document et qu’il fallait le considérer comme dénué de toute autorité comme de tout caractère obligatoire. Mais ni l’un ni l’autre n’a osé dire au Cardinal Tarancon, leur ami, qu’il avait raison, lui, et que le Cardinal Wright avait tort.

« C’est donc le Cardinal Wright qui pense et écrit selon la foi. Que le Pape et son Secrétaire d’État pactisent avec l’erreur, cela les regarde. Mais que la vérité illumine de nouveau le ciel de Rome après tant de ténèbres, voilà qui est pour la Chrétienté plein d’espérance. Quand même, Rome a parlé ! »

Quand même, cela veut dire : malgré Vous ! Rome a parlé, veut dire : après Vous, elle parlera de nouveau !

Je ne m’éloigne pas, Très Saint Père, de mon Acte d’accusation, en Vous rappelant les Conclusions de la Contre-Réforme Catholique, après la reproduction du Document en question :

« 1. Le plus grave de cette affaire typique est ceci : les actes de cette Assemblée espagnole “ ne semblent acceptables ni du point de vue doctrinal ni du point de vue pastoral ” (Document romain). Personne ne le nie. C’est trop évident. L’assemblée elle-même fut un brigandage, à force d’irrégularités, ce que signale le Document romain... Le caractère ambigu et cauteleux de ses rapports atteste la prépondérance dans cette Assemblée d’une mafia hypocrite pourrie d’idées subversives. Bref, avec le Cardinal Wright, c’est Rome qui se dresse, fidèle à sa mission divine, contre la double hérésie actuelle du Néo-modernisme doctrinal et du Progressisme révolutionnaire.

« 2. Force nous est de constater que cette mafia a été sauvée in extremis, de manière scandaleuse pour l’univers entier, par Paul VI et son Secrétaire d’État. Et elle a été sauvée par le brevet qu’ils lui ont décerné de fidélité à Vatican II et aux Actes du Pontife actuel : “ Ses diverses initiatives pour le renouveau de l’Église, entreprises en se conformant aux directives du IIe Concile du Vatican et aux documents pontificaux... ” Cette conformité, proclamée par l’Autorité supérieure, de toutes les erreurs modernistes et révolutionnaires avec Vatican II et les Actes du Pape, contradictoirement à toute la Tradition du Magistère romain, instaure la dissension au cœur même de l’Église, et de Rome, et du Pape !

« 3. Les plus attentifs de nos lecteurs auront remarqué le strict accord allant parfois jusqu’à l’identité de pensée et d’expression entre la critique de l’assemblée espagnole par le Cardinal Wright et ... la critique des Actes de Vatican II par notre Contre-Réforme Catholique. Le Document de la Congrégation pour le Clergé mérite d’être retenu comme un acte du magistère ordinaire romain, préparatoire au IIIème Concile du Vatican, Concile de la Restauration Catholique » [197] .

La conclusion doctrinale est certaine. Vous avez pris parti contre la foi catholique, par sympathie et complicité avec le parti de la subversion espagnol. La conclusion humaine est désolante : Vous venez de nommer Secrétaire de la Congrégation du Clergé, Mgr Romero de Lima, espagnol de la mafia progressiste. « Il se situe nettement dans l’équipe de “ rénovation conciliaire ” autour du Cardinal Tarancon. On sait qu’une critique contre ce dernier, partie de la Congrégation du Clergé, avait voulu faire échec, en 1972, à l’élection du Cardinal Tarancon à la présidence de la Conférence épiscopale (affaire du “ Document ”). Aujourd’hui, c’est un évêque espagnol, ami du cardinal, qui va superviser les services de la Congrégation du Clergé », note allégrement La Croix [198] . Chez nous, dit un proverbe, « la vengeance est un plat qui se mange froid ». Votre clan ne le laisse pas refroidir et je plains les bons serviteurs de l’Église qui tombent entre vos mains. Mais la Vérité du Seigneur demeure éternellement, hors de vos prises.

TOUT UN FOISONNEMENT D’HÉRÉSIES

À quoi bon multiplier les citations. Ces faits irrécusables, et combien d’autres portés à la connaissance parfaite de tous les Évêques, Supérieurs d’Ordres, Directeurs de Séminaires, Recteurs d’Universités catholiques, ont convaincu tout ce qui a autorité dans l’Église que, Paul VI régnant, il ne fallait plus condamner personne ni combattre aucune erreur, aucune indiscipline. « Ne contraindre en rien, ne rien empêcher ». Le flot de l’hérésie, de l’impiété, a soudain monté et débordé partout à la fois dans le monde et, choc en retour, maintenant l’Église se plaint que le monde est devenu bien mauvais !

La vérité est autre. Une petite centaine d’agitateurs se moque de trois mille Évêques et de Rome, sous le couvert d’un Pape partisan.

Tenez, CARDONNEL ! Quand, après mai 1968, il lui a été demandé de présenter quelques explications sur ses écrits incendiaires, tous ont commencé à s’écarter de lui, même ses meilleurs amis, opinant qu’il avait été trop loin. Vous l’auriez condamné alors, Vous l’auriez sauvé. Et personne n’aurait protesté. Il l’a raconté lui-même dans son livre “ J’ai épousé la Parole ” [199] . Mais il a fourni au Cardinal Lefebvre — toujours le même — une “ Profession de foi ” où sa folie hérétique se dissimule à peine [200] . Et en voilà assez pour « ... clouer le bec à tous » : « grâce au canal du cardinal Lefebvre, le pape me fait parvenir ses félicitations, son encouragement pour l’avenir » [201] .

Ainsi relancé, voilà Cardonnel plus fou que jamais, et intouchable ! Son dernier bouquin est un long blasphème, une haineuse logorrhée contre Dieu, Notre Père du Ciel, qu’il assimile à Hitler, à Staline, à Satan le Prince de ce monde, pour finalement le traiter, Lui, Dieu d’« immonde salaud » [202] . Voilà le fruit de vos encouragements au vice et à la déraison.

Si je mens, hâtez-vous de condamner ce livre abominable !

Et SCHILLEBEECKX ! Le monde a su, un beau jour d’octobre 1968, que la Congrégation pour la Doctrine de la foi allait examiner ses écrits [203] . C’est son ami Karl Rahner, chargé de sa défense, qui l’avait révélé à la presse, en violant d’ailleurs le secret du Saint-Office. La mafia de Concilium aussitôt de protester contre cette atteinte inouïe aux droits de l’homme, à la liberté de la recherche, à l’autonomie du théologien... [204] . Tout ce bruit ne faisait pas beaucoup de force et n’avait aucun impact sur l’opinion.

Eûtes-vous peur ? Rome recula. Et, comble de honte, la Congrégation démentit même avoir ouvert « aucun procès doctrinal » au théologien néerlandais, ajoutant outrageusement : « et on ne voit pas pour quelle raison il devrait y en avoir un ». Et encore : « Il n’y a pas eu de procès doctrinal de cette sorte depuis 1800 au moins », alors qu’ils étaient — de force, il est vrai ! — en plein dans le mien. Et toute la suite de cette déclaration est si déshonorante, de servilité et de lâcheté, que c’en serait risible, si ce n’était à pleurer ! Il y a pourtant, dans l’œuvre de Schillebeeckx, à côté de parties remarquables, matière à un bon procès doctrinal pour le bien de l’Église et pour l’extirpation de toutes les hérésies ! Ne croyez-Vous pas que ces reculades-là sont démoralisantes pour ceux qui luttent encore ?

Et HANS KUNG ! Il était convoqué au Saint-Office au même moment que moi [205] . J’y allai, lui refusa. Et il continua de plus belle sa critique des institutions divines de l’Église. N’a-t-il pas une photographie qui le représente souriant aux côtés du Pape, lui ! Votre ami a donc poursuivi son œuvre de ressourcement théologique, en persiflant votre Humanæ Vitæ. Son dernier livre, “ Infaillible ? ”, en prend argument pour détruire la doctrine de l’infaillibilité pontificale, pourtant définie solennellement par le Premier Concile du Vatican. Le livre a été traduit en italien et publié à Rome même. Et Vous le tolérez ? Alors, c’est que tout est permis, même d’attenter à Votre fonction, même de Vous insulter en face !

Voilà pourquoi l’Église est pourrie, pourrie par sa Tête. On ne sait plus ce que l’on croit, si même on croit encore ! Ni s’il est juste, s’il est bon de croire encore. Votre abbé SIX, jeune garçon sympathique en voie de corruption accélérée, depuis qu’il est membre de je ne sais quel Secrétariat pour les non-croyants, enseigne aux fidèles qu’il est naturel et honnête de ne pas croire et que les athées ont ainsi beaucoup à nous apprendre. À l’entendre, on a plutôt l’impression qu’il n’est ni naturel ni honnête de croire et qu’il y a dans notre foi une bonne part d’hypocrisie, le reste n’étant que routine. Je cite celui-là parmi cent autres parce qu’il est votre disciple et qu’il vous cite pour appuyer ce langage corrosif ou pour annoncer que la foi chrétienne va encore énormément reculer dans le monde devant l’athéisme. C’est Vous et Vatican II, dit-il, qui avez réhabilité l’incroyance [206] , et il dit vrai !

Et Dom Bernard BESRET, ci-devant abbé de Boquen la Thélème aux trois moines. Selon sa foi, le Christ est Dieu... parce qu’il est parfaitement homme [207] ! Et HOURDIN qui écrit, tout naturellement, pour ses centaines de milliers de lecteurs que Jésus était « fils de la Vierge Marie et de Joseph le charpentier... » [208] . Gilbert CESBRON, nouveau Président du Secours Catholique, refuse, quant à lui, de nommer la Vierge Marie de son titre de “ Mère de Dieu ” parce que ce vocable, proclamé au Concile d’Éphèse en 431 ! est absurde, faisant de Marie « la créatrice du créateur » ! ! ! [209]  Et le P. Xavier LÉON-DUFOUR qui suppose le Corps de Jésus désintégré en deux jours et volatilisé dans son tombeau, puisqu’on ne l’a pas retrouvé ! Car la Résurrection est pour lui tout autre chose que « la réanimation d’un cadavre »... [210]

Etc. ... etc. ... etc. ... Chacun y va de son invention.

Et toujours, Vous et votre Concile êtes solidairement invoqués comme les garants de ces nouveautés, de ces “ recherches ”, de cette corruption de la foi. Le pire, c’est que c’est vrai ! Pour le peuple fidèle, c’est un épouvantable et continuel matraquage spirituel. La négation de toute distinction de l’âme d’avec le corps et de toute survie personnelle est courante aujourd’hui dans la “ catéchèse ”. Plus personne n’enseigne l’Enfer éternel, et les prêtres ne parlent plus du bonheur du Ciel. Comment voulez-vous encore que la sainteté fleurisse dans l’Église ?

Ah ! Vous avez bien entraîné tout votre peuple dans votre chimère politique. La foi en l’Homme a remplacé la foi en Dieu, la Cité terrestre à construire fait entièrement oublier la vie éternelle à gagner et le Royaume de Dieu à étendre [211] . La passion du bien-être et des jouissances charnelles mène à déserter les églises : le CULTUREL remplace, Paul VI régnant, le CULTUEL abandonné. La Messe est changée en repas de partage fraternel d’un même pain.

La grande préoccupation de nos prêtres et de nos religieuses, hier vierges consacrées, c’est l’initiation sexuelle permanente. Comme l’essentiel est dit en peu de mots, on emploiera des heures à l’étude de l’art de jouir, des anomalies et des vices contre nature, des méthodes contraceptives et abortives. L’Église, hier admirée du monde pour sa continence, le remplit aujourd’hui de ses obsessions charnelles. Nos théologiens en sont à la libéralisation de l’avortement... Chaque jour c’est la Passion de l’Église, sous Paul VI Pape.

SOUS PAUL VI  PAPE. Comme chante notre Credo : SUB PONTIO PILATO ...

IL FAUT EN FINIR AVEC L’HÉRÉSIE

Toute la question est de savoir si l’Église de toujours avait raison, justice et charité, dans sa proscription systématique de toute hérésie et de tout schisme. Sa foi était ainsi assurée, confirmée, protégée par cette loi souveraine : toute erreur, toute attaque contre le dogme, la morale, la liturgie des sacrements, les institutions ecclésiastiques devait être poursuivie et réprimée, sans aucune exception. Et la foi devait être garantie, conservée, soutenue par la loi. Oui, la loi de l’Église et la loi de l’État Catholique !

Vous avez changé cet ordre en désordre et, du Pape jusqu’au dernier plumitif de Bonne Presse, chacun émet des opinions nouvelles audacieuses, aventureuses. Plus elles sont osées, risquées, plus elles sont proclamées apostoliques, généreuses, sincères et courageuses. C’est la défense de la foi qui récolte toutes les avanies, tous les soupçons, toutes les contradictions. Si cela continue, l’Église est perdue.

Je pourrais arrêter là ce Livre. Il suffirait amplement à votre condamnation. Car Vous savez, Très Saint Père, les deux conditions de toute vraie Réforme de l’Église “ in capite et in membris ” ? Il faut d’abord que le Souverain Pontife soit Lui-même indemne de tout reproche, de tout soupçon sur sa foi. Et il faut ensuite que le Pape n’hésite pas à frapper l’Hérésie à la tête, dans ses complices les plus élevés, jusqu’aux plus hauts sommets de l’Église.

Ces deux urgences Vous atteignent directement. LA TÊTE DE L’HÉRÉSIE, de toutes les hérésies actuelles, de par votre Autorité Souveraine qui les propage ou les protège, C’EST VOUS. Comment pourriez-Vous être VOUS-MÊME encore LA TÊTE DE L’ÉGLISE, pur de toute faute, indemne de tout soupçon, digne et capable enfin d’écraser toute hérésie dans le monde, avec le secours de Marie ?

 
SCHISME
 

Très Saint Père,

Le Schisme est le péché le plus grave, parce qu’il est un crime contre la charité. On pourrait dire : un crime contre l’Amour, mais le mot est vague, équivoque, dangereux dans sa notion commune de passion aveugle. Au contraire, chacun sait avec précision ce qu’est la Charité, la troisième et la plus enviable des vertus théologales. C’est l’amour de notre Père du Ciel, et de Celui qu’il a envoyé, Jésus-Christ, notre Sauveur, et de l’Esprit-Saint qu’ils répandent dans les cœurs fidèles. Et donc l’amour de l’Église Apostolique qui est l’œuvre historique, continuée jusqu’à nous, de leur Sainte et Adorable Trinité, et l’amour de ses membres qui sont nos frères, enfin l’amour de notre prochain, quel qu’il soit, jusqu’à nos ennemis à qui nous désirons du bien, et surtout ce premier bien, le plus précieux, de la foi qui conduit à la Vie éternelle... 

Cette Charité, amour bien ordonné et conduit par la foi et l’espérance, implique nécessairement la haine de Satan, le Prince des ennemis de Dieu, l’Adversaire, la détestation des schismes et des hérésies qu’il a suscités et qu’il suscite encore pour les lancer contre le Royaume de Dieu, le diviser, l’affaiblir et lui arracher des âmes. Et nécessairement donc la détestation des fauteurs d’hérésies et de schismes, anciens ou actuels, non dans leur âme même mais dans leurs doctrines, leurs déterminations mauvaises, leur action antichrist. Enfin, la détestation absolue de tout ce qui fait injure à Dieu et obstacle à sa grâce : cultes aberrants, idéologies pernicieuses, livres, partis, réunions, subversions de toutes sortes qui nuisent à la paix de l’Église.

L’amour de la Lumière, la haine corrélative des Ténèbres, produisent enfin ce torrent d’amour envers tous les hommes, amour apostolique qui entreprend tout pour les arracher aux Puissances mauvaises et les ramener, les rattacher, les réunir au Corps Mystique du Christ. Ainsi sommes-nous appelés à cette vocation sublime de « FRÈRES UNIVERSELS » selon le mot qu’inventa, dans son ardent amour de Jésus et des plus délaissés des infidèles, le cœur immense du Frère Charles de Jésus.

LE SCHISME, TRIPLE INVERSION DE L’AMOUR

Hélas, Très Saint Père, Vous laissez paraître depuis bientôt dix ans une si complète et surprenante INVERSION DE L’AMOUR, que nous en sommes venus à Vous accuser de schisme. Ce qui est paradoxal dans la Personne du Pape qui devrait être normalement, comme il est inscrit au bandeau de la Coupole de Saint-Pierre, le lien de la Charité : INDE ORITUR UNITAS SACERDOTII. Hélas, de là où devrait venir l’unité vient actuellement la division, de ce centre de la Charité jaillit la confusion, l’amour désordonné de ce qui est mauvais et la froideur sinon la haine pour ce qui est bon !

SCHISME ENVERS LES PERSONNES

Vous paraissez fréquenter, estimer, honorer, aimer de préférence “ Ceux qui sont loin ”, plus que vos proches dans la foi et au lieu d’eux. Et si c’était encore pour les ramener par charité apostolique comme vous le dites parfois ! Mais cette anormale préférence affective, au contraire, les immobilise, les canonise dans l’état où vous les avez trouvés, encouragés qu’ils sont par Vous à n’en pas changer.

En revanche, contradictoirement, Vous laissez paraître tous les signes d’une froide inimitié pour vos fils les plus aimants, les plus dévoués, les plus fidèles. On dirait qu’ils Vous agacent et que Vous n’en attendez rien. C’en est au point qu’on penserait Vous plaire davantage en devenant ennemi de l’Église ou tout au moins rebelle à la Papauté !

SCHISME ENVERS L’ÉGLISE, SA TRADITION, SES RITES

Des personnes, cet amour inverti se porte contre les choses, les institutions, les rites, tout ce qui fait la couleur et le charme de la vie quotidienne de l’Église, de sa tradition. Vous admirez le langage, les rites religieux, les traditions des autres. Plus cela vient de loin, plus c’est étrange, hostile même à notre sensibilité chrétienne, plus vous aimez. Au contraire, Vous poursuivez de votre haine destructrice tout ce qui porte la marque de l’antique tradition catholique, tout ce qui caractérise l’Église Romaine, tout ce qui constitue le rite latin et les autres rites les plus vénérables d’Occident. Et Vous n’aurez de cesse que nos mœurs, notre discipline, notre liturgie n’aient entièrement fait place à des rites et des comportements qui ne se pratiquaient que dans le schisme et l’hérésie. L’Église par Vous est mal dans sa peau et cherche à revêtir l’une ou l’autre de celles qu’elle dédaignait avant Vous.

SCHISME ENVERS DIEU, PÈRE, FILS ET SAINT-ESPRIT

Ce transfert affectif des frères aux ennemis, cette contradiction effective de la charité du Pontife Romain qui le porte à détruire tous les rites et les institutions vénérables de son Église pour leur substituer des comportements étrangers, trouvent leur explication première, ou leur ultime conséquence, dans un détachement de Dieu. Cette inversion de l’amour ne serait pas possible, elle ne saurait être durable, devenir universelle, absolue, tranchante, horriblement tranchante, sans atteindre aux Causes Ultimes, au Bien et au Mal personnifiés, d’où découlent tous les biens et les maux de notre monde d’ici-bas.

Vous manifestez en tout une insouciance pour les intérêts et les droits de Dieu, un mépris de la Volonté de Dieu, une hostilité à toutes ses œuvres les plus certaines, qui me glacent. La Cause même de Dieu parmi les hommes et le salut de l’Église Vous sont absolument indifférents. En revanche, Vous marquez un attachement passionné, un intérêt rebondissant et sans cesse agissant — qui se marque sur votre visage même par une nouvelle jeunesse, comme d’un bain de jouvence — pour le Royaume de Satan, pour ses pompes et ses œuvres.

Très Saint Père, je ne peux écrire de telles accusations qu’en tremblant de douleur et de confusion. Mais j’irai jusqu’au bout de ma tâche. Trop de faits publics, de retentissement mondial, fournissent à tous les membres de l’Église, jusqu’aux âmes trop fragiles pour y résister, une si détestable école de l’amour ! Nul ne peut servir deux maîtres [212] , nul ne peut entretenir en son cœur deux amours, deux cultes contradictoires. Depuis dix ans, Vous aidez de toute la force de votre cœur, de vos paroles et de vos actions à l’édification de l’Autre Cité, celle qu’évoquait Saint Augustin, dressée face à la Cité Sainte : « Deux amours ont bâti deux cités : l’Amour de Dieu jusqu’au mépris de soi, l’amour de soi jusqu’au mépris de Dieu » [213] .

Je réserverai au chapitre du “ Scandale ” la preuve que l’amour des Autres tourné contre ses frères n’est qu’une manifestation de l’amour égoïste et orgueilleux qu’on se porte à soi-même. Ici je dois faire la preuve que cet amour des Autres produit dans l’Église l’une des pires choses, la haine, la division, LE SCHISME.

Je l’établirai sur un nombre restreint d’exemples, tirés d’une masse d’autres, et voici pourquoi. Très Saint Père, je ne Vous espionne pas, je ne suis nullement acharné contre Vous. La pensée d’un “ réquisitoire ” contre mon Père n’est venue que bien tard. Mille choses sont passées, que je n’ai pas voulu ramener au jour. Le peu qui me reste suffit amplement et je souffre trop à le rapporter pour chercher à en allonger la liste.

1. SCHISME AFFECTIF : ENVERS LES PERSONNES

“ Dis-moi qui tu hantes, et je te dirai qui tu es », c’est un proverbe français ; je te dirai aussi qui tu hais ! Quand il s’agit du Pape qui est le Père, non pas de tous les hommes indistinctement mais des fidèles catholiques et ensuite de tous les autres mais virtuellement, mais de désir et d’apostolat seulement, dans l’attente et la recherche de leur conversion, on imagine que les portes de sa demeure et de son cœur sont davantage ouvertes aux fidèles qu’aux infidèles, aux membres de l’Église qu’à ses ennemis.

Et comme il y a toujours, dans l’Église même, du bon grain et de l’ivraie, des oppositions et des luttes entre les traditionalistes et les novateurs, entre les intégristes et les marginaux, on s’attend à voir le Pape accueillant pour tous ses fils sans exception, mais attentif à marquer une juste préférence, à donner sa faveur aux plus orthodoxes et aux plus dévoués, soucieux au contraire de marquer quelque froideur et de signifier son désir d’amendement, de manière publique, aux théologiens aventureux, aux agitateurs, aux scandaleux...

Or depuis que Vous vous êtes déclaré dans votre Encyclique Ecclesiam Suam, depuis que Vous avez pris Vous-même la direction de la Réforme, la tête du mouvement, dans l’ardeur de cette lutte contre une certaine Église traditionnelle, “ inerte, routinière ”, il Vous a été impossible de dissimuler votre animosité contre ce parti intégriste ou traditionaliste qui défendait ce que Vous prétendiez détruire, qui refusait ce que Vous vouliez imposer.

Sans doute ne les avez-vous pas excommuniés, ces traditionalistes pour la plupart apeurés, soumis d’avance à toutes vos directives, capables de prodiges de bonne volonté pour associer en leurs cœurs la fidélité à leurs convictions et l’amour de Votre Personne ! Vous ne pouviez décemment les excommunier, Vous n’en aviez aucun motif canonique (l’Affaire de l’Action française est loin !), et d’ailleurs Vous ne vouliez excommunier personne. Mais vous vous êtes entouré de précautions pour ne plus jamais entrer en contact direct, humain, ouvert, avec eux. C’est pire que l’excommunication. C’est la “ néantisation ”, comme dit Sartre, ou Hegel, “ la suppression dialectique ” de l’adversaire.

Nous cependant, nous Vous connaissons, nous Vous écrivons, nous allons Vous voir. Nous prions pour Vous, nous Vous exprimons notre obéissance et notre désarroi, nous Vous confions que nous ne comprenons plus et que nous ne pouvons pas, en conscience, accepter bien des nouveautés. En toute loyauté, nous demeurons unis à Votre Sainteté, pour tout ce qui est de notre cœur, de notre volonté, de notre conduite.

Mais Vous ne nous répondez pas, Vous ne nous dites rien, ni louange ni blâme, Vous refusez de nous juger, en bien ou en mal. Vous nous repoussez, Vous refusez le dialogue avec toute cette part souffrante de votre troupeau. Vous rompez votre communion avec nous qui sommes parmi les plus attachés de vos fils à Rome et au Saint-Siège. Nous ne sommes pas du tout schismatiques, comme le prétendent ou l’annoncent d’avance vos courtisans et les hommes de votre parti. Nous ne rompons aucun lien. La « rupture de la connexion » qui fait le schisme, sans autre raison que la passion sectaire, le fanatisme des opinions, le goût de la nouveauté, elle est de votre fait. Le schismatique en cela, c’est Vous !

MES PROPRES DÉBOIRES

Je pourrais parler de ce que je connais le mieux, ma propre histoire. Je ne me suis jamais séparé de Vous. Je suis venu à Rome en 1963, dès les premières angoisses ; de nouveau en 1964. Plus tard, le 11 octobre 1967, j’oserai Vous écrire une longue Lettre publique sur l’idée de Réforme. Mais je n’en ai pas reçu le moindre remerciement, le moindre accusé de réception [214] . C’est à Votre Tribunal que j’ai spontanément demandé d’être jugé quand mon Évêque voulut me convaincre de schisme et d’hérésie [215] . « Cæsarem appellasti ? Ad Cæsarem ibis », me déclara en 1966 le Cardinal Lefebvre, sans prendre garde à la portée de cette citation de Festus à Saint Paul [216] ! La Justice de Néron fut meilleure à l’Apôtre que la Vôtre pour moi. Corrigée et approuvée par Vous, la formule de rétractation et de soumission qui m’était imposée était exorbitante, immorale, inhumaine et telle enfin que seul un courtisan sans honneur et sans foi l’aurait signée [217] . Vous m’avez traité comme un esclave. J’ai refusé, mais en proposant aussitôt une autre formule, pleinement catholique, digne et respectueuse de Votre Autorité et de Vos droits sur mon intelligence, sur mon cœur et sur ma vie, étant saufs les Droits sacrés de la Vérité et de la Charité, et sauf le Droit de Dieu [218] . À cette proposition finale, Vous n’avez même pas répondu.

Mais, de votre consentement, j’ai été diffamé par toute la terre comme rebelle [219] . Cette injustice, ce mensonge prouvent que Vous me rejetez. Mais moi, je ne vous rejette pas et en Vous écrivant je vous donne la preuve suprême de mon amour filial.

LES AVANIES SOUFFERTES PAR LES PAUVRES FIDÈLES

Si ce n’était que moi ! Mais tous les fidèles catholiques qui n’acceptent pas de suivre comme des veaux tous les bouleversements, tous les caprices et les inventions de leur clergé, et qui un jour prennent en tremblant leur plume pour écrire avec des mots maladroits le drame de leur conscience... Ah ! Si vous pouviez imaginer avec quel respect, quel amour, quelle confiance ils rédigent leur lettre ! Eh ! bien, s’ils reçoivent une réponse de Rome, c’est toujours celle-ci, que je sais par cœur parce que c’est toujours la même :

« La SECRÉTAIRERIE D’ÉTAT a le regret de faire savoir à M. X. (ou Y. ou Z.) que les termes de sa récente lettre ne peuvent contribuer en aucune façon à l’édification de l’Église dans la foi et la charité, comme il semble le désirer. Elle l’exhorte à suivre les directives des évêques de France qui, en communion avec le Souverain Pontife, ont seuls la responsabilité de la pastorale dans leurs diocèses respectifs » [220] .  Et c’est tout !

Si la lettre ou la pétition a fait quelque bruit, a été publiée, présente quelque danger pour le Parti, la lettre ou la pétition est communiquée à l’Évêque du lieu, pour qu’il puisse contre-attaquer. Et celui-ci d’écraser l’opposition avec une lettre de Rome, de ce genre stéréotypé :

« Cher Monseigneur,

« Vous trouverez ci-joint la copie d’une lettre (ou pétition, ou télégramme) adressée ces jours derniers au Saint-Père... De la manière qui vous paraîtra la plus opportune, vous pourrez informer de vive-voix les auteurs de cette démarche que le Saint-Père a pris personnellement connaissance de leur message, et qu’il les invite à s’en tenir aux directives pastorales données par leur Évêque dans la fidélité aux instructions du Saint-Siège.

« Veuillez agréer, Cher Monseigneur, etc. signé : J. Card. Villot » [221] 

Je ne dirai donc pas que nous n’avons plus accès jusqu’à Vous. Je dirai que Votre Sainteté n’est pas Juge entre les parties, mais qu’Elle a pris parti et qu’elle tient à le faire savoir, pour achever, comme disait ingénument le Cardinal Garrone, « la défaite de l’autre parti » [222] .

LES PÈLERINS DE ROME

Le monde entier a su votre refus d’accorder une audience, de saluer même ces milliers de catholiques traditionalistes qui venaient Vous supplier de leur conserver le droit de célébrer l’antique liturgie de la Messe Romaine [223] . Et peut-être le lendemain, Vous receviez des chefs de la rébellion anti-portugaise, massacreurs de femmes et d’enfants, sous prétexte qu’ils étaient chrétiens et que le Pape ne refusait de recevoir personne de ceux qui venaient à Rome le voir ! Le mensonge était si flagrant qu’on a pris le parti d’en rire. Mais la presse du monde entier interpréta votre refus d’audience aux pèlerins “ intégristes ” comme une marque de Votre Auguste mécontentement et la chaleureuse réception accordée aux chefs de maquis guinéens comme un encouragement au terrorisme anticolonialiste [224] .

Quand d’autres, mieux disposés, dévots du Saint-Siège, accourent de France Vous manifester leur attachement, Vous ne les choyez pas encore, parce qu’ils ne sont pas du Parti du mouvement, mais Vous profitez de leur venue pour les semoncer :

« Ces nombreux pèlerins... Nous savons leur souci de fidélité à la foi catholique, à l’Église, au Siège de Pierre. Aussi est-ce de grand cœur que Nous les invitons à REJOINDRE, parmi leurs frères et sœurs catholiques et en collaboration confiante avec leurs évêques — qui gardent la responsabilité de l’ensemble de la pastorale — l’immense effort conciliaire auquel toute l’Église est invitée »[225] .

Parmi ces pèlerins, j’en connais auxquels cette déclaration a ouvert les yeux et qui ont, séance tenante, déchiré leur carte de “ Silencieux de l’Église ” et décidé d’entrer dans la Contre-Réforme Catholique. Ils croyaient trouver en Vous le Père Commun, le Vicaire du Christ, pour les écouter et faire droit à leurs légitimes plaintes. Ils ne trouvaient qu’un partisan, les renvoyant sans égards à leurs despotes gallicans.

PAUVRES ASSOCIATIONS TRADITIONALISTES RIDICULISÉES !

Je pourrais citer le Mouvement Traditionaliste Catholique des U.S.A. et la Lettre suppliante, touchante, que son fondateur, l’admirable Père Gommar de Pauw, Vous adressa le 15 août 1967 [226] . Je me perdrais dans le récit de tous les ennuis qui fondirent sur lui à dater de ce jour. Vous n’avez pas daigné lui répondre et c’est donc en se sachant soutenus par Vous que les Évêques des USA n’ont plus ménagé leurs sévérités à l’égard de ce Mouvement retardataire qui aurait eu, si Vous l’eussiez voulu, toute leur sympathie et tout leur soutien.

Quand la Fraternité Sacerdotale Espagnole, qui lutte courageusement contre la subversion, a tenu son Congrès de septembre 1972 à Saragosse [227] , pour la défense de la Sainte Messe et du Sacerdoce, on imaginait que Votre Sainteté en serait pleine de joie et qu’Elle lui enverrait ses meilleures Bénédictions apostoliques. Eh ! bien, Vous l’avez — pardonnez-moi — indignement torpillée. Quand déjà des Cardinaux de Curie, des Archevêques et des Évêques avaient annoncé leur participation et jusqu’au sujet de leurs communications, au dernier moment, un ordre sévère émané de Vous les retint tous de s’y rendre. Aucun n’osa passer outre au froncement de Vos sourcils. La presse progressiste du monde entier s’esclaffa du bon tour joué par Vous à ces milliers de pieux et dignes prêtres... qui Vous ont QUAND MÊME acclamé, protestant publiquement de leur respect, de leur obéissance, de leur attachement confiant à Votre Personne. C’est à pleurer. Où est le schisme ? Qui brûle de charité et d’amour ? Où est la haine parmi nous ?

LE SÉMINAIRE SAINT PIE X

Monseigneur Marcel Lefebvre fut une des deux ou trois têtes pensantes et cœurs courageux de la minorité agissante au Concile. À ce titre seul, tenez ! il méritait de Vous le cardinalat, ne serait-ce de votre part que pour donner la preuve de votre Paternité universelle et de votre clémence envers les vaincus. Votre vindicte l’a poursuivi, silencieuse, attentive. Vous avez accepté sa déchéance, Vous avez pourvu à son éloignement de Rome, Vous avez accepté sa mise en quarantaine par l’Épiscopat français.

Son Séminaire ne Vous doit rien, Vous n’avez pas su l’empêcher de naître. Mais nos Évêques ont tous fait serment de n’en jamais accepter les sujets. Cette Institution, lumineusement catholique, a été traitée par eux de « Séminaire sauvage » [228] . Où est la haine ? Où est la sale polémique, la discorde, la volonté de schisme, le crime contre son frère ? Je sais que Vous cherchez le moyen, en accord avec le Cardinal Villot et l’Épiscopat français, de détruire cette pépinière de vocations, ce refuge de la vraie liberté chrétienne, cet asile pour prêtres selon le Cœur de Dieu. Si Vous parvenez à vos fins, votre schisme n’en sera que plus évident pour tous.

À LA DIMENSION DE L’UNIVERS...

Je pourrais allonger indéfiniment la liste de ces manifestations de votre sectarisme. Si je mentionnais les amitiés contre nature et les inimitiés sans raison avouable de votre nouvelle Rome pour les collectivités religieuses, ethniques ou nationales, je n’en finirais pas. L’Inde vous est d’autant plus fraternelle et “ pacifique ” ! qu’elle vient d’arracher Goa au Portugal... [229]  L’Espagne ne vous plaît que par sa révolution en marche. Le Nord-Vietnam a toutes vos sympathies, contre le Sud. Je n’ai pas besoin de poursuivre. Contre les catholiques, pour leurs ennemis. Je parlerai plus loin des persécutés auxquels Vous préférez les persécuteurs...

Mais enfin, pourquoi ? Pourquoi ce désordre du cœur ? Parce qu’il enchaîne sur le désordre de l’esprit. L’hérétique, même si l’Église le tolère en son sein, ne peut supporter de rester en communion d’amour fraternel et en paix avec ceux qui vivent de la foi qu’il n’a plus et qu’il combat. Il est homme de parti, dans la mesure où il n’est plus l’Homme de Dieu mais l’homme d’une Idée. Il ne pourra longtemps se défendre des sentiments que la Sainte Écriture nous montre en Caïn pour Abel son frère, qu’il finit par tuer. Vous en êtes mentalement là, avec ces étranges malédictions que Vous jetez à ceux qui ne Vous suivent pas, pour la plupart âmes innocentes, désorientées, éperdues : « MALHEUR AUX ABSENTS, MALHEUR AUX TIÈDES ! AUX INDIFFÉRENTS, AUX MÉCONTENTS, AUX RETARDATAIRES ! » [230] 

2. SCHISME EFFECTIF : CONTRE L’ÉGLISE

Pour que s’imposent vos idées, il faut que soit abaissé le parti de la fidélité doctrinale. Pour que se réalisent vos projets de Communauté Mondiale religieuse, ou tout au moins spirituelle, qui anime la Cité Nouvelle des hommes, il faut bien que Vous rompiez aussi avec les habitudes et les rites, et avec toute la discipline étroitement catholique. Cette coupure nette avec le passé donne à votre schisme affectif une autre dimension, celle d’un schisme effectif avec toute la tradition catholique.

Cette Réforme de la liturgie, du droit canon, de la pastorale, devrait entraîner deux conséquences. D’abord, le parti intégriste se trouverait mis en opposition avec l’Église, en porte-à-faux. Privé de ses moyens d’expression, chassé de ses aîtres, il serait promptement réduit à une poignée d’irréductibles. Sur ce point, Vous avez réussi. La Réforme liturgique et pastorale a dépaysé, désorienté, dépossédé les traditionalistes, les contraignant à se tenir dans leur coin ou à fuir...

Ce départ devrait être compensé par l’entrée en masse des gens du dehors pour lesquels étaient bâties ces nouvelles églises et créés les nouveaux rites. Mais la prophétie de saint Pie X à un prêtre novateur qui le pressait de tout moderniser dans le Temple de Dieu s’est réalisée. « Quand vous l’aurez fait, mon ami, vous ne ferez pas entrer ceux qui sont dehors, mais vous chasserez ceux qui sont dedans » [231] . Et ce que je vous reproche, peut-être principalement, dans cette destruction de l’Église ancienne et cette étourdissante création de nouveautés, c’est de n’en avoir jamais dit clairement, honnêtement la raison : pour ouvrir l’Église à ceux qui restent étrangers à notre foi...

VOUS AVEZ CALOMNIÉ LE PASSÉ DE L’ÉGLISE.
VOUS AVEZ ENSEIGNÉ LE MÉPRIS DE TOUT LE PATRIMOINE.

Dissimulant ainsi la seule raison d’être par trop révoltante et inacceptable de toute cette réforme, Vous avez dû calomnier les choses d’église, les rits sacrés, les traditions immémoriales, les mœurs les plus assurées et, plus que tout, le caractère absolu de la Loi Ecclésiastique. Ainsi de votre Réforme liturgique. Vous prétendez faire passer le peuple catholique des ténèbres à la Lumière, de l’inertie et de la stupidité à la participation active aux mystères ! Permettez-moi de Vous rappeler un passage de la Lettre que je Vous adressai le 11 octobre 1967 :

« Qui ne se souvient des discours dont Votre Sainteté accompagna le lancement de la Réforme liturgique, “ nouvelle pédagogie spirituelle ” ? Les fidèles y sont invités à devenir “ membres vivants et agissants du Corps Mystique, et non plus membres inconscients, inertes et passifs ”. “ La nouvelle constitution liturgique, disiez-vous, ouvre des horizons religieux et spirituels extraordinaires : profondeur et authenticité doctrinales, logique chrétienne rationnelle, pureté et richesse des éléments cultuel et artistique, conformité au caractère et aux besoins de l’homme moderne ”, et Vous opposiez cette rare merveille aux “ mentalités habituelles ”, selon lesquelles, souvent, “ les cérémonies ne sont rien d’autre que l’accomplissement de rites extérieurs, et la pratique religieuse n’exige rien d’autre qu’une assistance passive et distraite ” (13 janvier 1965).

« À vous entendre, Très Saint Père, c’est la naissance de la Lumière, du sein des ténèbres de l’Église antépaulinienne ! Et cette fois l’autosatisfaction des Novateurs tourne au mépris de leurs Prédécesseurs, ouvertement.

« Encore, Votre allocution du 12 juillet dernier : “ Le Concile a donné à l’Église une grande et difficile consigne, celle de rétablir le pont entre elle et l’homme d’aujourd’hui... Cela suppose en tout cas que pour le moment ce pont n’existe pas, ou bien qu’il est peu praticable, sinon complètement effondré. Si nous y réfléchissons bien, cet état de choses représente un terrible et immense drame historique, social et spirituel. Cela veut dire que, dans l’état actuel des choses, l’Église ne sait plus présenter le Christ au monde d’une façon et dans une mesure suffisantes ”.

— Je n’en crois pas mon propre texte, je vérifie. Mais oui, Vous avez bien parlé ainsi ! Je continue donc la citation de ma propre Lettre à Vous adressée :

« Si nous y réfléchissons bien... Cela suppose... ce terrible et immense drame historique, spirituel et social : l’Église antépaulinienne a failli à sa mission divine, historique, spirituelle et sociale !

« Si le “ Grand Mouvement ” de la Réforme conciliaire était “ nécessaire, opportun, providentiel, novateur et aussi — Nous l’espérons — consolateur ” (Votre discours du 1 mars 1965), c’est que la tradition ecclésiastique qu’il bouleverse de fond en comble, avait perdu “ authenticité, profondeur, logique, pureté, richesse, efficacité, modernité ” (Votre discours du 13 janvier 1965). Plus les novateurs se font grands, plus ils accablent l’Église antique... La génération présente accuse de péché l’Église des siècles, dans ce qu’elle a institué et enseigné, mais plus encore dans la fidélité obstinée qu’elle a déployée pour consacrer et conserver toutes ses traditions, à l’encontre de tous les Réformateurs et rebelles » [232] .

Je m’échauffais ! Disons calmement que Vous n’incriminiez pas les défauts des hommes d’église, leur lenteur, leur paresse, leur routine... et cela est certes de tous les temps, mais peut et doit se réformer sans cesse. Vous incriminiez le tout de la tradition ecclésiastique, liturgique, canonique et pastorale, comme à mettre au rancart sans hésitation, et Vous promettiez une suite étourdissante de merveilleuses inventions.

VOUS INVOQUIEZ L’AUTORITÉ DU CONCILE.
VOUS RÉCLAMIEZ L’OBÉISSANCE A L’ÉGLISE.

Aux passages difficiles, où la Réforme laissait paraître son vrai visage, protestant ou humaniste, quand Vous démolissiez vraiment les choses les plus sacrées, que tous tenaient, à juste titre, pour intangibles — et laissez-moi Vous avouer, Très Saint Père, que moi-même je ne redoutais rien pour la Messe ; je la voyais si stable, si fortement établie et canonisée que je croyais impossible d’y toucher sans que toute l’Église ne s’insurge — à ces passages difficiles donc, celant vos intentions “ œcuméniques ”, Vous avez mensongèrement invoqué le Concile et l’obéissance qui lui était due. Comme si Vous, le Pape, Vous vous sentiez lié par le Concile ! Et alors que, en toute vérité, le Concile n’avait jamais voulu ni même imaginé cela que Vous lui faisiez endosser par ruse. Ainsi de la nouvelle Messe :

« Ce changement a quelque chose de surprenant, d’extraordinaire, la messe étant considérée comme l’expression traditionnelle et intangible de notre culte religieux, de l’authenticité de notre foi. Et alors, on se demande : Comment est-ce possible ? Comment un tel changement est-il possible ?

« Réponse : de par la volonté expresse du récent Concile (et vous citez un texte vague où les Pères n’avaient pas prévu, certes, l’abus que vous en feriez !). Cette réforme imminente répond donc (donc !) à un mandat officiel de l’Église ; elle est un acte d’obéissance... qui requiert de nous tous une prompte adhésion » [233] .

Et huit jours plus tard, pour détruire les résistances opiniâtres : « Nous devrons bien voir les motifs pour lesquels ce grave changement a été introduit : l’obéissance au Concile, laquelle devient maintenant obéissance aux Évêques qui interprètent et exécutent ses prescriptions » [234] . Et Vous poursuivez, dans des termes tels qu’ils méritent la plus grande attention :

« Ce premier motif n’est pas simplement canonique, en ce sens qu’il n’y aurait là qu’un précepte extérieur ; il est lié au charisme de l’action liturgique, c’est-à-dire au pouvoir et à l’efficacité de la prière de l’Église, laquelle trouve son expression la plus autorisée dans l’évêque, et donc dans les prêtres qui le secondent dans son ministère et, comme lui, agissent “ au nom du Christ ” cf. S. Ign., Ad Eph. 4). C’est la volonté du Christ, c’est le souffle de l’Esprit-Saint qui appellent l’Église à cette mutation. Nous devons y voir, pour le Corps Mystique du Christ, lequel est précisément l’Église, un instant prophétique qui la secoue, la réveille, l’oblige à renouveler l’art mystérieux de sa prière » [235] .

NON, NON et NON ! ... Vos auditeurs crédules, à l’écoute de ce langage enchevêtré, auront cru comprendre qu’avec l’Ancienne Messe l’Église dormait, et que c’est le Christ en personne qui vient secouer son peuple, le réveiller, l’obliger à changer grâce à la Nouvelle Messe. Mais le théologien refuse l’inacceptable confusion que Vous faites à dessein pour réussir votre COUP DE FORCE CONTRE LA MESSE. Que nous agissions et parlions “ au nom du Christ ”, nous prêtres, quand nous prononçons les paroles sacrées de la Consécration et que nos paroles soient alors efficaces et infaillibles pour produire le miracle eucharistique, oui ! Mais que cette infaillibilité soit étendue par Vous à toute “ l’action liturgique ” et que Vous passiez frauduleusement au nombre des actions liturgiques la “ mutation ” des rites de la Messe, non ! Le Pape, l’Évêque, le prêtre est “ un autre Christ ” quand il célèbre les Saints Mystères, oui, mais quand il les bouleverse, non ! Il faut rétracter cette imposture, Très Saint Père, ou le mensonge est roi dans l’Église !

Ce schisme, cette rupture épouvantable avec tous nos Livres Liturgiques, toutes nos institutions sacramentelles, a été commis par Vous, par Vous d’abord et souverainement, en calomniant toute l’œuvre des siècles et en imposant, au nom de l’obéissance, des rites nouveaux modifiant la foi et atteignant jusqu’à la validité des sacrements. Ainsi le schisme a été véhiculé par l’imposture.

L’AUTODÉMOLITION DE L’ÉGLISE

Il m’est impossible de tenter le dénombrement des destructions et des reconstructions opérées sous votre Pontificat. Il y a en trop et de toutes espèces. Il ya dix lois relatives à la même décision. Il y a des destructions qui ont été opérées par étapes. Les nouveautés ne sont jamais définitives : elles sont introduites comme des expériences, ou à titre particulier, pour des cas exceptionnels. Mais le mouvement va toujours dans le même sens et rien ne résiste aux démolisseurs. Ils sont toujours en avance sur la législation, mais la législation les rejoint et ils s’élancent à d’autres destructions. Comme l’avouait le Cardinal Gut : « Beaucoup de prêtres ont simplement fait ce qui leur plaisait. Alors, ce qui est arrivé parfois, c’est qu’ils se sont imposés. Ces initiatives prises sans autorisation, on ne pouvait plus, bien souvent, les arrêter, car cela s’était répandu trop loin. Dans sa grande bonté et sa sagesse le Saint-Père a alors cédé, souvent contre son gré » [236]  !

Est-il bon, est-il sage de laisser les fous détruire l’œuvre de Dieu ?

Comment alors savoir ce que Vous avez voulu et ce que Vous avez cédé, ce qui est permis et ce qui est défendu, ce qui vient de Dieu et ce qui vient du diable ? Toujours est-il que le mouvement général est à la destruction de ce que les siècles avaient établi et jalousement observé, et rien de solide, rien d’universel ne vient le remplacer mais le désordre et l’instabilité d’inventions irréfléchies et tout humaines.

La soutane avait commencé d’être abandonnée dès la veille du Concile, à certaines conditions de lieu, de temps, de circonstances à observer strictement. Elle a presque entièrement disparu maintenant. Nos Évêques se promènent en cravate. Les moines et les religieuses suivent le mouvement et les plus “ apostoliques ” sont ceux qui s’habillent à la dernière mode. C’est un détail ? Je tiens ce signe pour capital [237] . C’est la “ sécularisation ”, la “ laïcisation ”, la “ déclergification ” de l’habit qui manifeste ou qui provoque la profanation de l’âme. Maintenant les ornements sacerdotaux sont l’un après l’autre abandonnés pour faire de la messe un repas fraternel. Tout se tient.

Vous avez proscrit le latin et par suite le chant grégorien. Vous l’avez fait à l’encontre d’une Constitution Apostolique formelle de votre Prédécesseur immédiat Jean XXIII, à l’encontre même du Concile, du moins dans sa lettre sinon dans son esprit clandestin, comme on l’a mille et mille fois rappelé [238] . Démolir est plus facile que bâtir, et la facilité reçoit l’adhésion du peuple quand c’est l’Autorité elle-même qui la lui impose.

« Pour quiconque connaît, disiez-Vous, la beauté, la puissance du latin, son aptitude à exprimer les choses sacrées, ce sera certainement un grand sacrifice de le voir remplacé par la langue courante. Nous perdons la langue des siècles chrétiens, nous devenons des intrus et des profanes dans le domaine littéraire de l’expression sacrée... Nous avons, certes, raison d’en éprouver du regret et presque du désarroi. Par quoi remplacerons-nous cette langue angélique ? il s’agit là d’un sacrifice très lourd. Et pourquoi ? Que peut-il y avoir de plus précieux que ces très hautes valeurs de notre Église ? » [239] 

Alors, pourquoi ce « sacrifice » insensé, désastreux, vraiment criminel ?

Votre réponse, selon vos propres dires, « semble banale et prosaïque... humaine », mais Vous la prétendez cependant « bonne, apostolique » : « la compréhension de la prière est plus précieuse que les vétustes vêtements de soie (!) dont elle s’est royalement parée » ! Ce faisant, Vous avez brisé la tradition séculaire en changeant le langage. De mystérieux et sacré, il est devenu ce que Vous vouliez, “ intelligible et profane ”. Invoquant Saint Paul, comme d’habitude à contresens, Vous donniez tort à l’Église de tous les siècles, en prenant le contre-pied et en condamnant sa loi immuable. N’est-ce pas cela, le schisme ? [240] 

Détail encore ? Je crois avec le Magistère catholique unanime, contre Vous seul, que l’abandon de la langue manifeste ou provoque le mépris du culte de Dieu, au profit du bavardage humain, lequel est devenu, hélas ! la teneur essentielle de nos modernes assemblées liturgiques.

Le rituel des sacrements change, pièce par pièce. Les exorcismes sont supprimés du baptême des enfants, pour signifier qu’on refuse de croire à la présence du démon dans l’enfant innocent. Je reste atterré du changement introduit dans le Sacrement de Confirmation, mais je n’ose insister faute de compétence [241] . Les nouvelles directives pour l’Absolution Collective et les permissions accordées, en particulier par l’Épiscopat canadien, me paraissent telles que des éléments essentiels du Sacrement y feront habituellement défaut rendant les confessions invalides. La destruction de ce Sacrement est un élément essentiel de la protestantisation de l’Église. Voilà qui est en bonne voie ! [242] 

Un grand effort est fait “ à la base ” pour la relativisation du Sacrement de mariage. Rome n’a pas (encore) cédé, mais tolère les annulations décrétées motu proprio par les officialités diocésaines. Le Cardinal Staffa aura-t-il le dernier mot ? [243] 

Toute la hiérarchie des Ordres Sacrés vient d’être bouleversée par vos Décrets. L’Ordre des Exorcistes est supprimé, non que le diable et les possédés, et encore “ les infestés ”, n’existent plus, mais on cherche sans doute le dialogue et la réconciliation avec ces vieux ennemis que des malentendus tenaient “ encore ” éloignés de nous ! Il paraît que Vous avez déploré, un jour de cafard, ce que Vous avez fait là. Mais des “ ministères ” vont être créés pour les laïcs et pour les femmes... Ce matin, une décision de Rome les autorise aussi à distribuer la communion. Abolissez toutes les différences, toutes les hiérarchies et toutes les bornes antiques destinées à rappeler à l’homme (et à la femme) qu’il n’y a de prêtre que par le Sacrement ... et Vous n’aurez plus de prêtres ni plus d’Église !

Je passe sur l’Extrême-Onction devenue le remède imploré pour le retour a la chère vie terrestre et à la santé charnelle, par complaisance pour l’homme moderne qui ne veut pas mourir et ne supporte pas qu’on lui parle du Jugement de Dieu ni de la Vie éternelle, même pour s’y préparer sacramentellement.

Enfin, Vous avez porté la main sur la MESSE. Il n’y a pas eu un remaniement mais cent. Quand on cherche à retracer l’histoire de cette réforme de la Sainte-Messe, on distingue aisément trois étapes.

D’abord, c’est la Communion qui a été, autant que faire se pouvait, désacralisée. Debout, puis dans la main, puis distribuée par des laïcs, puis par des filles, quand ce n’est pas, comme lors de votre célébration à Genève, passée vulgairement dans la foule de mains en mains, indifférentes et souillées [244]  ; puis à table, puis en pique-nique. Il faut que la foi en l’Eucharistie soit chevillée au cœur des catholiques pour résister à pareilles profanations !

Ensuite, votre Réforme s’est attaquée au Sacrifice propitiatoire. Là est le schisme essentiel de votre nouvel Ordo. C’est son ARTICLE 7, jamais regretté, jamais rétracté : « La Cène dominicale ou Messe est la synaxe sacrée ou assemblée du peuple de Dieu se réunissant sous la présidence du prêtre pour célébrer le mémorial du Seigneur. C’est pourquoi vaut éminemment pour l’assemblée locale de la Sainte Église la promesse du Christ : Là où deux ou trois seront réunis en mon nom je serai au milieu d’eux (Mtt. 18, 20) ». C’est VOTRE ORDO MISSÆ [245] . Cette définition n’est pas de Vous ; Vous n’êtes pas hérétique à ce point. Mais Vous l’avez acceptée et, contraint de la rectifier, Vous n’avez nullement accusé l’erreur dont toute cette liturgie factice s’inspire.

Des quantités d’articles et de livres ont annoncé ce qui est arrivé : la nouveauté schismatique de cette liturgie a aidé les prêtres à perdre la foi catholique au Saint-Sacrifice de la Messe. J’ai fait quelques sondages et j’ai constaté que très nombreux sont les prêtres qui ne donnent plus à la “ Célébration Eucharistique ” d’autre signification que celle d’un mémorial de la Cène, c’est-à-dire d’un souvenir du repas fraternel que Jésus prit avec ses Apôtres au soir du Jeudi-Saint. D’ailleurs vos propres paroles, au moment critique où il fallait faire passer coûte que coûte votre réforme, poussaient dans ce sens, quoique avec une subtilité qui Vous maintenait astucieusement à la limite de l’orthodoxie. Vous disiez en effet :

« La messe est et demeure le mémorial de la dernière Cène du Christ » [246] . Voilà l’hérésie à l’état pur, voilà ce qui a passé de votre bouche dans le cœur de milliers de prêtres, corrompant leur foi. Mais Vous aviez soin d’enrober cette claire erreur dans l’obscure théorie, fort peu suivie, curieuse, mais qui servait ici à votre défense, du Père de la Taille qui unit la Cène et la Croix en un seul acte liturgique, un seul sacrifice. Ainsi pouviez-Vous habilement rejoindre l’hérésie protestante sans paraître lâcher la doctrine catholique. Vous êtes très subtil. Mais vos prêtres le sont tout autant que Vous, Très Saint Père, et ils ont compris que Vous aviez créé ce Nouvel Ordo pour nous faire rejoindre le protestantisme, ce qu’ils se sont hâtés de faire. Ainsi le Père Bouyer, retournant à son vomissement [247] .

Nous voici rendus à la ruine du Sacerdoce, dernière étape de la « mutation » annoncée : le Sacerdoce commun fait du peuple de Dieu le véritable “ consécrateur ” dont le faisant-fonction de prêtre n’est que le Président, le porte-parole, le délégué, voire le meneur de jeu. Il faut que le Sacerdoce catholique soit solide pour avoir résisté à tant de campagnes, d’attaques, de manœuvres dont Vous vous êtes lamenté, certes, mais sans vouloir vraiment le triomphe de l’orthodoxie, comme cela me fut évident lors du Synode des Évêques de 1971 [248] .

LE SIGNE DU SCHISME

Je l’ai expliqué longuement à propos de l’Évêque de Nancy qui voulut interdire de célébrer selon le rit romain antique dans son diocèse. Introduire une nouvelle liturgie, passe encore ! Mais interdire l’Ancienne, voilà le signe d’une volonté absolue de changement, par détestation de la Tradition. Et puisque le rit nouveau est équivoque, ambigu, tout à la fois catholique et calviniste, interdire le rit univoquement et certainement catholique, c’est rompre avec la tradition catholique pour sauter dans la tradition protestante. C’est trop clair !

Or je viens de lire une déclaration de Mgr Adam, Évêque de Sion, portant interdiction de célébrer encore la Messe dite de St Pie V, à moins d’indult, qu’il fonde sur la volonté expresse et personnelle du Saint-Père [249] . Je crois cette volonté là très précisément orientée comme flèche empoisonnée dans la direction du Séminaire d’Écône, pour le diviser, le démonter, le ruiner. Mais demeure cette volonté qui est Vôtre, de voir disparaître totalement la Messe de St Pie V. Peu me chaut quant à moi, car cette interdiction me paraît nulle et non avenue, pour abus de pouvoir caractérisé.

Mais que signifie-t-elle ? Votre Encyclique Mysterium fidei et Votre Credo suffiraient à écarter de Vous le soupçon d’hérésie sur le dogme du Saint-Sacrifice de la Messe [250] . Pourquoi alors cette passion de changement jusques et y compris l’invasion de l’hérésie dans l’Église ! La seule réponse est dans votre volonté de réunion avec les communautés protestantes. C’est l’idée et le projet œcuméniques qui sont les vrais mobiles de la substitution de la Messe de Paul VI à la Messe dite de Saint Pie V, qui est la Messe des Siècles. Nous en avons eu la révélation — car cette motivation, Vous la teniez secrète — quand nous avons vu sur la couverture de la Documentation Catholique du 3 mai 1970, les six « observateurs non catholiques ayant participé à la dernière réunion du Consilium de liturgie ». Ils rient de toute leur denture, et il y a de quoi être satisfait ! Vous, à coté d’eux, le sourire triste, il semble que Vous ayez vendu votre droit d’aînesse pour un plat de lentilles [251] . Vous avez brisé la Tradition de l’Église et blessé mortellement son Unité Sacerdotale pour l’aligner sur les traditions du schisme et de l’hérésie. Quelle pitié !

3. LE SCHISME ABSOLU : LE MÉPRIS DE DIEU

Ce qui Vous épargne toute opposition sérieuse — la nôtre est minuscule — c’est qu’on ne vous comprend pas, Très Saint Père. Cardinaux, Évêques, prêtres et peuple fidèle, même les plus progressistes, ont une idée du Pape trop profondément imprimée en eux pour être libres de Vous écouter, de Vous étudier et de Vous voir enfin tel que Vous voulez être. Ils ont la conviction ancrée que le Pape, “ Serviteur des serviteurs de Dieu ”, est uniquement préoccupé de garder l’unité de la foi catholique, la validité des sacrements, le bon ordre, la prospérité, l’expansion de l’Église. C’est fini, cela ! Le Pape craignant Dieu, aimant Notre Seigneur Jésus-Christ, suivant les inspirations du Saint-Esprit, c’est fini ! Comment l’accepteraient-ils ? Comment même le comprendraient-ils ? Vous pouvez donc en toute quiétude poursuivre votre Grand Dessein.

CE GRAND DESSEIN QUI BRISE L’ŒUVRE DE DIEU

Vous êtes vraiment le premier Pape qui renonce ainsi à se cantonner dans sa charge particulière de Chef de l’Église pour ambitionner un service plus vaste de toute l’humanité. Vous vous croyez une vocation providentielle, vraiment unique, en cet instant solennel de l’Histoire, celle d’établir la paix sur la terre en réconciliant toutes les croyances et tous les cultes dans une seule religion universelle. Vous rêvez d’être le grand fédérateur des peuples, à la gloire de Jésus-Christ, bien entendu ! Servir l’homme est votre ambition suprême.

Sacrifier l’Église, ses fidèles, sa tradition, ses institutions, pour réaliser ce grand dessein, Vous ne le voulez sans doute pas explicitement. Dans votre rêve, Vous imaginez au contraire que c’est à proportion de sa vitalité qu’elle pourra conserver le “ leadership ” des religions unies... Si donc Vous la brisez, si Vous la menez à sa perte, ce n’est pas votre volonté délibérée. Ce n’en est qu’un effet indirect, regretté.

Mais il y a dans votre dessein, sans que Vous y preniez garde, une telle indifférence à l’Église de Dieu qu’elle implique un parfait mépris de Celui qui en est le Fondateur, le Sanctificateur, le seul Maître et l’Époux. C’est là, comme je vais le démontrer, la profondeur abyssale de votre schisme, schisme absolu, séparation du Dieu de l’Église.

Les hypothèses des théologiens concernant le cas du “ pape schismatique ” sont ici totalement dépassées. Ils ont imaginé que le Pape pourrait négliger les affaires ecclésiastiques pour s’adonner aux affaires temporelles, à la manière d’un Jules II, entreprendre de grands desseins politiques, faire la guerre, au point de ne plus du tout gouverner l’Église. Il y aurait schisme par rupture de l’ “ unité de direction ”. Le Pasteur occupé ailleurs et d’autre chose que de son Troupeau, les brebis seraient dispersées. Ce cas n’est pas le Vôtre. Vous avez souvent déclaré, il est vrai, n’avoir aucun intérêt matériel, ne poursuivre aucune ambition temporelle, et Vous aimez rappeler que Vous n’êtes Chef d’État que d’apparence et de convention.

Mais votre cas est beaucoup plus grave. Ce grand dessein que j’appelle MASDU, la formation d’un nouveau et gigantesque « Mouvement d’Animation Spirituelle de la Démocratie Universelle », Vous crée un centre d’intérêt politique, si abstrait et chimérique que soit ce centre, et une ambition temporelle d’autant plus forte qu’elle n’est plus locale mais planétaire. Or, voilà l’inédit, ce projet englobe l’Église comme l’un de ses éléments. Il implique, non pas que Vous vous désintéressiez de l’Église, ce qui serait en somme un schisme mineur, mais que Vous asservissiez l’Église au Monde dont vous rêvez d’être Prince, Prince de la paix, et donc, pour tout dire en un mot, que Vous « ne discerniez plus le Corps du Seigneur », selon le mot de Saint Paul [252] .

Implacable logique de votre Grand Dessein : Vous ne discernez plus l’Église de ce qui n’est pas l’Église, ni le Sacerdoce de ce qui n’en est que l’illusion, ni la Messe de ce qui en est le simulacre. C’est bien là le schisme majeur, celui qui sépare de Dieu dans le mépris du Père, du Fils et du Saint-Esprit.

Car cette absence de discernement religieux se marque en trois chapitres.

1. VOUS NE DISCERNEZ PAS L’ÉGLISE DE DIEU

S’il y a Église Une, il n’y en a pas deux. Unique et unie, l’Église Catholique exclut par son concept même toute autre “ Église ”. Voilà qui est de foi divine, et qui nous attache à cette unique Église comme au grand et universel “ Dessein de Dieu sur le monde et dans l’histoire ”, comme à la seule société humaine qui soit le visible et mystérieux Corps Mystique du Christ. Le reste n’est que schisme, hérésie, vaines inventions des hommes qui ne procurent pas la grâce de Dieu.

Mais Vous, dans votre grand dessein, qui est plus vaste que celui de Dieu, et tout humain, Vous ne faites pas de différence réelle, essentielle, résolue, entre cette Église et ... les autres. Vous, le premier, avez interpellé des communautés religieuses soit schismatiques, soit hérétiques, sous ce vocable jalousement réservé par vos Prédécesseurs à l’Unique Épouse : « Ô Églises lointaines et si proches de Nous ! Ô Églises, objet de notre désir sincère ! Ô Églises de notre incessante nostalgie ! Ô Églises de nos larmes », etc. ...

C’était dans votre Discours d’ouverture de la IIIe Session, le 14 septembre 1964 [253] . Et pour davantage obtenir l’impression d’équivalence entre la vraie et les fausses, Vous annonciez à maintes reprises, en vue de la réconciliation et de la restauration de l’Unité (perdue !), une mutuelle demande de pardon pour les fautes commises les uns contre les autres [254] . Ainsi ramenée au plan humain, l’attention cesse de considérer l’exclusive vie de grâce et de sainteté de l’Église de Dieu pour lui comparer des groupes sociologiques indifférenciés.

L’incessante propagande œcuménique, bien qu’elle soit extrêmement attentive à ne jamais contrevenir au langage de la foi catholique pour éviter toute critique, aboutit infailliblement à la reconnaissance des autres communions chrétiennes comme de véritables communautés de salut. N’est-ce pas là mépriser la Volonté de Dieu ?

Parmi les cent actes divers qui manifestèrent votre indifférence à la vraie religion, le plus lourd de conséquences fut certainement votre visite au Conseil Œcuménique des Églises, le 10 juin 1969. Ainsi reçu par 264 communautés religieuses qui se prétendent toutes égales, sans s’exclure aucunement les unes les autres, Vous ne pouviez, Très Saint Père, qu’adopter la mentalité, les principes, le langage ambiant, et vous laisser aller à participer au schisme de tous, déclarant « la fraternité chrétienne... entre les Églises membres du Conseil Œcuménique et l’Église catholique » [255] . Comment y aurait-il quelque fraternité que ce soit entre l’Église et les dissidences ? Soulevant Vous-même la question : « L’Église catholique doit-elle devenir membre du Conseil Œcuménique ? », au lieu du NON formel et absolu de l’Épouse qui ne peut supporter d’être confondue avec un ramassis de femmes sans aveu, Vous avez laissé les choses en suspens, comme pour préparer les esprits à cette éventualité : « En toute franchise fraternelle, Nous ne considérons pas que la question de la participation de l’Église catholique au Conseil Œcuménique soit mûre au point que l’on puisse ou doive donner une réponse positive. La question reste encore du domaine de l’hypothèse... Graves implications... cheminement lent et difficile... » [256] 

Voilà bien lancé le ballon d’essai : c’est donc OUI à terme ! En voici la preuve :

« L’esprit d’un sain œcuménisme... qui nous anime les uns et les autres... pose, comme base première de tout contact fructueux entre confessions différentes, que chacun professe loyalement sa propre foi. Il invite à reconnaître, avec non moins de loyauté, les valeurs positives, chrétiennes, évangéliques, qui se trouvent dans les autres confessions. Il est enfin ouvert à toute possibilité de collaboration... par exemple dans le domaine de la charité et dans la recherche de la paix entre les peuples... C’est animé de cet esprit que Nous venons vers vous » [257] .

À la question : Peut-on se sauver dans et par le moyen de l’une ou l’autre de ces 264 églises membres du COE ? il est certain que Vous répondez affirmativement. L’Église catholique répond négativement. Et la preuve que Vous avez bien profondément labouré votre domaine et semé votre schisme par toute la terre, c’est que la plupart de ceux qui liront ces lignes me donneront tort et à Vous raison. Vous avez appris aux catholiques à ne plus discerner le Corps du Christ du corps de Satan. Vous les avez remplis d’indifférence pour l’œuvre de Dieu dans le monde ou l’œuvre du diable !

Et bien au-delà du “ Christianisme ” ! Car c’est toujours le même scénario : Vous accueillez des juifs, des musulmans, des bonzes chez Vous, ou bien Vous vous rendez au milieu d’eux, vous désirez rencontrer des délégations de toutes ces religions au cours de vos voyages apostoliques. Et alors, pour conserver la courtoisie mondaine, pour rester dans l’esprit du Dialogue d’amitié humaine, de sympathie naturelle, Vous dites des paroles qui, prises au pied de la lettre, sont des louanges décernées à l’erreur, des paroles qui font injure à la Vérité, donc à Dieu même !

Ce que nous avons souffert lors de votre voyage en Ouganda est indicible. Vous alliez vénérer des MARTYRS CATHOLIQUES et Vous les avez confondus, sans différence, sans discernement, avec des musulmans et des protestants dont nul n’a le droit de dire qu’ils soient morts par amour de Dieu ni dans l’amour de Dieu ! Pire encore, Vous avez fait d’eux tous des Témoins, des Martyrs de la Liberté de conscience ! Comme les Cathares ? Comme Michel Servet ? Comme les Communards ? Comme Lucifer ?

« Vos martyrs, tous les chrétiens ont donné leur vie pour leur foi, autrement dit pour leur religion et pour la liberté de conscience... » [258] 

« Tant les catholiques que les fidèles d’autres dénominations religieuses (sic) ont versé leur sang sur ce sol, au nom de Dieu, si bien qu’aujourd’hui la communauté nationale de l’Ouganda comprend différentes fois qui ont l’une pour l’autre respect et estime » [259] . Je ne sache pas qu’avant Vous les Papes aient jamais décliné la foi au pluriel ! Voici que les “ fois ” se rendent mutuellement hommage !

Vous avez prêté aux “ martyrs ” musulmans, protestants et catholiques, un “ esprit œcuménique ” qui est pour le moins un violent anachronisme. Et ce fut pour appeler tout le monde de la négritude à regarder vers l’avenir, réconcilié au-delà des querelles dogmatiques... Et même la religion islamique a reçu votre hommage bien senti : « S’adressant aux représentants de la communauté musulmane, Paul VI a salué par leur intermédiaire les musulmans de toute l’Afrique en leur disant... « son grand respect pour la foi qu’ils professent et ses vœux pour que ce qui nous est commun unisse toujours davantage chrétiens et musulmans dans une fraternité authentique » [260] .

Votre voyage à Bombay — où les hindouistes Vous firent cadeau d’une petite idole, et les bouddhistes, pour n’être pas en reste, Vous offriront plus tard un Bouddha, mais je suis bien seul à m’insurger contre tout cela ! —, votre périple en Asie ensuite [261] , nous donnèrent mainte autre occasion de constater votre INDIFFÉRENCE, votre absence voulue de DISCERNEMENT entre les religions humaines. Ou bien Vous affectez de les croire toutes divines, peut-être cependant avec des degrés, ou bien Vous les considérez comme les mille facettes du “ Phénomène humain ”. L’Église de Dieu n’est à part que subjectivement. Comme l’a malencontreusement lâché l’Osservatore Romano, après votre remise de l’étendard de Lépante aux turcs. Voulant apaiser l’émotion que ce geste avait soulevée dans le monde, il assura que Vous offriez le dialogue à tous ceux qui croient en Dieu, mais que Vous demeuriez, je le cite, « persuadé qu’il n’est qu’une vraie religion, c’est-à-dire la religion chrétienne » [262] . Persuasion toute théorique. Vous parlez et agissez au mépris de cette ... persuasion.

2. VOUS NE DISCERNEZ PAS LE SACERDOCE CHRÉTIEN

Si les “ Églises ” et “ les Religions ” n’ont pas entre elles de différence absolue, l’une divine, les autres humaines ou diaboliques, a fortiori leurs sacerdoces ! Pour nous, il n’y a qu’un seul Sacerdoce, celui de notre Unique et Souverain Prêtre, Jésus-Christ, et, participant à son Onction sacerdotale, celui du Sacerdoce Catholique. Il n’y a pas, hors de ce Corps, de véritables prêtres. Les schismatiques eux-mêmes n’en sont qu’une dérivation, qui n’a de validité que par la Succession apostolique dont ils viennent.

Or, dans ce domaine capital, Vous atténuez la différence ; Vous rapprochez les “ pasteurs ” protestants des vrais prêtres catholiques. Vous avez donné un calice au Pasteur Schutz [263] . Pour quoi faire ? pour son simulacre appelé sainte cène ? ou pour la messe qu’il n’a pas le pouvoir de célébrer ? Vous recevez Monsieur Ramsey comme un prêtre, que dis-je, comme archevêque de Cantorbéry et Primat d’Angleterre, successeur du glorieux martyr Thomas Becket, alors qu’il n’est, en fait et en droit, que l’héritier et continuateur des persécuteurs de nos martyrs [264] ! Vous lui avez donné un anneau pastoral et, à ce qu’on dit, Vous l’avez invité à bénir la foule lors de l’étrange assemblée œcuménique de Saint-Paul Hors-les- murs. Tout est fait depuis pour préparer l’abrogation des décisions irréformables de Léon XIII déclarant la nullité des Ordinations anglicanes [265] .

Ainsi le brouillard tombe de haut sur le sacerdoce, et on commence à ne plus savoir qui est prêtre, qui ne l’est pas. Nos bons jeunes gens sont conduits à Taizé où ils assistent au culte protestant. Comment Schutz, Thurian et les autres qui fréquentent le Pape et sont admis auprès de lui en aubes blanches ne seraient-ils pas eux aussi, à leur manière, d’authentiques ministres du Christ ? En même temps que Vous paraissez les habiliter, les réhabiliter, Vous laissez le Sacerdoce Catholique se dévaluer sous les coups des nouveaux théologiens conciliaires et postconciliaires. De moins en moins différenciés des laïcs et de leur prétendu “ sacerdoce commun ”, les prêtres sont considérés comme des “ apôtres de l’Évangile ” et leur Sacerdoce perd son caractère spécifique, incomparable : le Pouvoir de célébrer les Saints Mystères.

Vous-même, à la clôture du Synode de 1971, au moment où une réaction générale de cette Assemblée paraissait devoir sauver le Sacerdoce Catholique, Vous l’avez perdu, comme délibérément, redonnant l’avantage aux Modernistes. Dans votre Discours du 6 novembre, Vous définissiez, selon le résumé de La Croix [266] , « la mission sacerdotale commune aux prêtres et aux évêques. Elle est d’annoncer le Christ aux hommes de notre temps ». Mais le texte exact de votre discours, plus embrouillé, n’en dit pourtant pas davantage. Dans le « ministère sacerdotal », ce que Vous mentionnez uniquement, c’est « la prédication de l’Évangile » [267] . Alors, tous les chrétiens sont prêtres ! et les pasteurs protestants aussi sont prêtres, autant que nous ! Annoncer l’Évangile est à la portée de tout baptisé...

Je ne m’étonne plus que Vous laissiez les théologiens prévoir pour bientôt des “ réordinations mutuelles ” entre prêtres et pasteurs [268] , par imposition des mains réciproque ! Ainsi le prêtre, réellement ordonné je pense ! devra subir cette mascarade de l’imposition sur lui, pour une illusoire infusion de l’Esprit, des mains de pasteurs huguenots ? Réordination sèche, voulue par symétrie et égalitarisme. Et les pasteurs, qui n’ont jamais été ordonnés que je sache ! comment pourrez-Vous donc les ordonner de nouveau, et tout protestants qu’ils soient, leur conférer la prêtrise en laquelle ils ne croient pas ?

Ceux qui rêvent de telles choses et Celui qui les laisse avancer dans ces voies perverses « ne discernent pas le Saint-Esprit » là où il est, et ne distinguent pas selon la foi sa Présence dans le Sacrement de l’Église de l’illusion de sa Présence dans l’hérésie. Y a-t-il plus parfait mépris du Sacerdoce que cette absence voulue de discernement, par flatterie pour les hérétiques ?

3. VOUS NE DISCERNEZ PAS LE CORPS DU CHRIST

Venons-en au plus grave, au plus précisément et indiscutablement sacrilège. Le 21 septembre 1966 à Assise, Miss Barbarina Olson, presbytérienne, a communié lors de sa messe de mariage, sans abjuration ni confession, et ce, par Votre autorisation. Les journaux l’ont publié. Le Saint-Office pour Vous disculper, mais reconnaissant ainsi le crime, m’a dit en confidence que ce n’était pas Vous, mais un Autre. Cela est absolument inutile : le monde a cru et croit encore que c’est Vous, le Pape, qui avez donné l’autorisation. Depuis lors, il se dit dans l’Église que les protestants peuvent communier à la Messe, ... avec autorisation [269]  !

Cela se faisait en Hollande, sans que Vous preniez des sanctions, mais enfin c’était en Hollande ! À Upsal, au COE, les 7-9 juillet 1968, des observateurs catholiques avaient communié au culte protestant, de leur initiative privée ; ils n’en furent guère blâmés [270] . Sur votre lancée, le Cardinal Samoré autorisa les “ Observateurs ” protestants à Medellin, le 6 septembre 1968, à communier lors de la Messe de clôture [271] . C’étaient le Frère Giscard, de Taizé, l’évêque anglican Reed, le pasteur Bahmann, luthérien, et les pasteurs Green et Naylor, du Conseil National des Églises du Christ... Qu’avez-vous fait ? Vous avez déploré, entre autres « événements récents », des « actes d’intercommunion contraires à la juste ligne œcuménique » [272] . Je souligne : contraires à la juste ligne œcuménique, c’est-à-dire à une stratégie, à une tactique, à une opportunité dont les hommes sont juges, dont Vous vous réservez l’arbitraire, QUAND CELA EST CONTRAIRE À LA LOI DIVINE ! Et cette faute ne devait pas être à vos yeux si grave, puisque ce Cardinal Samoré qui en était responsable, Vous l’avez nommé Préfet de la Sacrée Congrégation pour la Discipline des Sacrements, deux mois plus tard [273]  !

J’écrivais : « Le crime donne donc autorité en la matière même où il s’est commis. Autant dire que tous ont décidé de manquer à leurs devoirs, même les plus sacrés, en se recommandant de l’assentiment de tous » [274]  !!!

Ensuite, tout va vite. Le Cardinal Bea, au même moment, autorise “ les communions ouverte ” ... dans certains cas [275]  ! Et quand tout le monde s’est habitué à cette nouveauté casuelle, le Cardinal Willebrands, son successeur, remet aux évêques le soin d’autoriser la communion des protestants à la messe catholique par un décret très officiel qui n’a pu être promulgué sans votre accord [276] . Aussitôt, l’Évêque de Strasbourg généralise cette autorisation — et pourquoi pas, grand Dieu, si c’est une bonne chose ! — et il permet même la réciproque, aux catholiques de communier lors de la cène protestante. Audace dont Vous l’avez, dit-on à Strasbourg, sur la foi de ses confidences, félicité [277] .

Je l’ai dit au Saint-Office, je le redis et le redirai inébranlablement : Personne au monde, ni évêque, ni cardinal, ni ange, ni pape même, n’a ce droit de donner le Sacrement des Vivants à ceux qui sont morts, le Sacrement du Corps physique du Christ à ceux qui ne font pas partie de son visible Corps mystique [278] . Oh ! je sais l’immédiate réponse que me fait votre subjectivisme : Qui vous permet de juger les protestants et de les prétendre des “ morts ” ? À quoi je rappelle à Votre Sainteté que tout individu qui n’est pas membre de la Sainte Église est censé ne pas vivre, et nul n’a le droit de le juger, fût-ce sur sa bonne mine ou sa gentillesse, “ sauvé ”, “ vivant ”, en “ état de grâce ”, tant qu’il demeure “ HORS DE L’Église ”. Ce sont des vérités fondamentales que dix ans de votre Schisme ont comme obnubilées dans la Hiérarchie, tandis qu’elles demeurent intactes dans le peuple fidèle.

Je dis bien : nulle autorité au monde n’a le pouvoir de recevoir en notre “ Communion ” eucharistique ceux qui ne font pas, pas encore, partie de la “ Communion catholique ”. Vous, le premier Pape de l’histoire qui l’avez permis et vulgarisé, ne Vous êtes-Vous pas rendu, ce faisant, coupable de dissidence, de rupture dans “ l’unité de direction ”, c’est-à-dire coupable du crime de schisme ?

Et j’en viens à un dernier point de mon accusation la plus grave, touchant votre indifférence aux choses immédiatement divines. Vous n’êtes pas sans savoir qu’il se célèbre, dans votre Église et à partir de Votre Réforme de la Messe, bien des Eucharisties sacrilèges et incontestablement, par défaut de matière ou de forme, des eucharisties invalides. Telle celle de Montargis qu’honorait de sa présence et que semblait authentifier et garantir Mgr Riobé, Évêque d’Orléans [279] . Mais de plus, dans l’épouvantable gâchis dogmatique, liturgique et moral que provoque partout la réforme liturgique actuelle, il se trouve que les fidèles ne savent plus, en de nombreux cas, s’ils reçoivent les sacrements ou non, s’ils assistent à de vraies messes, à des simulacres invalides, ou pire, à des messes valides et sacrilèges. Ils sont horriblement inquiets.

Les prêtres, les théologiens se divisent en validistes et invalidistes. À tort ou à raison, je milite pour la validité, insistant fortement sur le rôle principal du Christ et de l’Église. D’autres, par tutiorisme, sont invalidistes en soulignant la nécessité d’une intention intérieure de la part du ministre du sacrement. Et alors, dans bien des cas, les uns estiment qu’il y a Sacrifice et adorent le Corps et le Sang du Christ. Les autres estiment qu’il n’y a rien que simulacre, et refusent d’adorer ce qui reste pour eux du pain et du vin... C’est une situation affreuse !

Comment « discerner le Corps du Seigneur » quand la validité est douteuse, quand l’intention du ministre s’enveloppe de ténèbres ? Là, je crois que la faute du prêtre remonte à l’Évêque dont un des premiers devoirs consiste à garantir la validité des Sacrements. Et quand tous les Évêques du monde refusent de répondre à l’angoisse des fidèles, le Pape est responsable du crime total de l’Église.

Comme d’un homme qui présenterait une femme à embrasser à ses enfants, sans vouloir leur dire si elle est leur mère, leur vraie mère, ou une femme adultère ! Quand on ne sait plus, dans l’Église du Christ, si la grâce de Dieu, le Corps et le Sang de Jésus, l’Onction du Saint-Esprit sont là ou seulement leurs signes évacués de toute substance sainte, si le Pape ne se soucie pas de rétablir l’ordre, la certitude, la sécurité des sacrements, alors il faut conclure, Très Saint Père, que le Pape méprise Dieu au point d’encourir certainement la malédiction éternelle.

Votre Grand Dessein Vous sépare affectivement des fidèles de l’Église à proportion de leur attachement à sa vérité, à sa charité, à sa tradition. Il Vous pousse à rompre effectivement avec tous les rites, spécifiquement catholiques. Enfin il Vous conduit à juger de toutes choses religieuses du seul point de vue humain, sans tenir compte de la différence essentielle de ce qui est divin par l’Église et de ce qui, ailleurs, n’est qu’humain ou même diabolique. Ainsi êtes-Vous inattentif et indifférent à l’action propre du Seigneur au milieu de nous.

Un Pape qui refuserait absolument de remplir sa charge d’Évêque de Rome, de Chef de l’Église, de Vicaire de Jésus-Christ, pour s’adonner à une politique mondaine, enseignait Cajetan [280] , devrait être déclaré schismatique et, de ce fait, considéré comme déposé. Que penser alors d’un Pape qui fait bien pire, et qui s’adonne au détriment de l’Église à la formation dans le monde d’une autre communauté de salut, d’une religion universelle, d’un “ Mouvement d’Animation Spirituelle de la Démocratie Universelle ” ? Nul doute qu’il faille le considérer comme schismatique, rebelle à Dieu, et s’employer de toutes ses forces à en libérer l’Église.

Car il se condamne Celui qui ne distingue pas le Corps du Christ d’un pain ordinaire ni le vrai Prêtre du Christ d’un homme du commun ni l’Église, Corps Mystique du Christ, d’une religion humaine quand ce ne serait pas du corps du diable.

 
SCANDALE
 

Très Saint Père,

Il ne peut être question ici d’atteindre en aucune façon la vie privée du Souverain Pontife. De celle-ci Sa conscience et Dieu sont les seuls examinateurs et les seuls juges. Le cas exceptionnel, presque chimérique, où celle-ci pourrait concerner l’Église tout entière serait le cas de chantage. Si, du fait de terribles écarts de sa vie privée, le Pape se trouvait, par crainte, soumis au chantage d’un parti sans aveu qui le tiendrait prisonnier, hors d’état d’exercer sa fonction, ceux qui auraient connaissance d’un tel état de choses, devraient, fût-ce sous péril d’excommunication, obtenir d’un tel pape à tout prix sa démission [281] .

Il s’agit ici de tout autres scandales, d’actes publics du Pontife constituant un entraînement fâcheux ou un piège, ou un obstacle à la religion des fidèles... Votre Pontificat, Très Saint Père, est marqué depuis 1964 par une succession presque ininterrompue de ces décisions et de ces gestes insolites recherchés pour leur grand retentissement sur l’opinion. Nombre d’entre eux demeurent comme des énigmes. Il semblait, au moment même, que Vous aviez expliqué sans restriction ni dissimulation leur signification, et puis, au bout d’un long temps, l’intention paraît autre, et surprenante !

Si ces coups d’éclat étaient rassurants, édifiants, stimulants ! Mais ils sont plutôt inquiétants. Ils déconcertent, et les ennemis de la foi sont souvent les premiers à en révéler l’intention véritable pour s’en réjouir. D’autres nouveautés, moins retentissantes, contribuent parallèlement à augmenter le malaise d’un peuple qui n’arrive pas à comprendre, parmi tant de signes énigmatiques, où on le mène.

Le scandale d’une vie privée pécheresse est bien léger en comparaison du scandale que produisent dans le monde entier des “ actes du Pontife ” qui passent facilement pour des “ Actes Pontificaux ” et qui ne se laissent que malaisément interpréter en bonne part. Il semble alors que le Pape choque exprès, qu’il veut entraîner tous ses sujets dans ses voies extravagantes. Qu’il les provoque à s’en rendre complices en les décourageant de s’y opposer. Comment dénoncer une intention qui se dissimule ? Et si l’on ne dénonce pas, n’est-on point entraîné et très vite complice ?

La raison d’être de tant de scandales que nous allons passer en revue, bien incomplètement d’ailleurs, est facile à deviner. Ces actes insolites sont posés par Vous, en pleine connaissance de cause, pour “ débloquer ” une situation bien établie, pour précipiter un mouvement, pour provoquer une débâcle, comme on fait sur les grands fleuves gelés par une succession étudiée d’explosions de dynamite. Vous de même, ne laissant rien à la fantaisie, Vous mettez en œuvre, méthodiquement et avec une parfaite assurance, votre Grand Dessein par cette succession de surprises qui sont autant d’audaces. Quand on a percé à jour votre secret, on admire l’habileté, la sûreté du jeu. C’est L’HÉRÉSIE EN ACTION, c’est LE SCHISME EN DÉVELOPPEMENT, logique, implacable. Et le but de ce chapelet incroyable de scandales, c’est un nouveau christianisme humaniste, universel. Mais à nos yeux, la ruine de l’Église et de la Civilisation pour une chimère derrière laquelle s’avance l’Empire de Satan.

1. L’INSTITUTION ECCLÉSIASTIQUE RUINÉE

Une série de décisions insolites paraît avoir eu pour but, et en tout cas pour résultat, de prouver que l’Institution n’est pas au-dessus de l’homme et que le Pape est libre de changer ce qu’un vain peuple croyait intangible, depuis les moindres détails jusqu’aux choses les plus importantes. Mais toujours la modification insolite comporte une part de surprise et d’énigme...

Vous avez renoncé à la tiare. Dès novembre 1964 [282] . C’était le premier de vos gestes prophétiques. Mais depuis Ecclesiam Suam ([283]) [annexe v] j’avais percé à jour votre dessein et je compris sans peine la portée réelle de ce geste [284] , comme les Informations Catholiques Internationales qui, étant courroies de transmission du communisme dans l’Église, étaient exactement informées dès ce moment-là des dessous de votre politique.

Pourquoi dissimuliez-Vous votre intention sous cette mise en scène romantique d’un don aux pauvres, invitant les Évêques à faire de même ? Pour deux raisons. Vous ne pouviez pas, si vite, proclamer votre renonciation à la Souveraineté du Pontife Romain sur les princes et les rois, dont la tiare est le signe. Cela aurait excité trop de justes méfiances, soulevé de légitimes protestations. Alors, Vous l’avez dit en énigme. Les francs-maçons ont compris. Les intégristes n’ont pas voulu comprendre, pour garder confiance. C’est très habile de votre part.

Pour ouvrir les yeux à mes amis, je leur ai prédit ce jour-là que Vous ne coifferiez plus jamais aucune tiare. Avouez que je ne suis pas fou. Je vous ai compris !

Ce n’est pas précisément du mensonge ; c’est de la dissimulation. Jésus ne parlait-il pas aux foules en paraboles ? La leçon n’en porte que davantage, de n’avoir pas été immédiatement comprise. Et donc cette masse d’Évêques, invitée par Vous à se dépouiller pour les pauvres de la même manière, se sont orientés comme d’instinct dans la direction que Vous vouliez. Ils se sont arraché leurs insignes épiscopaux, signes de leur gloire spirituelle, abdiquant avec Vous leur autorité, ils ont parfois vendu le trésor du patrimoine ecclésiastique, mais ils n’ont pas touché leur compte en banque. Vous-même, ne veniez-vous pas de remettre à neuf vos appartements et n’alliez-Vous pas construire des jardins suspendus sur les toits de votre palais, à grands frais, à grand risque de fissurer et d’écraser la vieille demeure ?

J’ai insisté sur ce premier geste pour faire entendre toutes les dimensions de pareils scandales. Mais tout dans vos actions est marqué de la même subtilité, terriblement efficace.

Au lieu de la tiare donc, la mitre. Et bientôt, plus de crosse. Là aussi, l’insolite devenu habituel a provoqué l’imitation. Nos Évêques ont compris qu’il n’était plus question de manier la crosse, ni au figuré ni au propre. Au lieu de la crosse, le crucifix. Vos Prédécesseurs le faisaient porter devant eux, pour l’avoir devant les yeux. Vous le portez Vous-même. Cette manière insolite insinue que Vous renoncez à diriger, gouverner, punir vos sujets. Vous choisissez de populariser un nouveau type de pape : celui de l’humble ministre de la Parole, prêcheur d’Évangile. Le Christ de ce crucifix que Vous portez est horrible à voir, écorché vif, désespéré, désespérant, sans aucun signe de sa divinité ni de sa gloire prochaine, ni de son triomphe actuel. J’ai peur de percer cette énigme... Il suffit de rapprocher cette figure douloureuse de certaine parole de Vous, du 7 décembre 1965. Le Christ serait-il le symbole de toute la souffrance humaine, et rien de plus ?

Quelque temps, Vous avez revêtu à la place de la Croix pectorale, ou en concurrence avec elle, un objet que les Juifs connaissent mieux que les chrétiens et surtout si c’est leur cadeau ! Ce bijou reproduisait minutieusement l’éphod du Grand-Prêtre [285] . Un objet similaire a longtemps figuré comme cabochon sur le fermoir de la chape pontificale. Le symbole était honnête et traditionnel : l’Église a tout hérité de l’Ancienne Alliance qui a disparu au jour de sa naissance, et elle s’est approprié ce qu’il lui a plu de ses rites et de ses instruments. Celui-là même, l’un des plus mystérieux, lui était devenu une garniture d’ornement.

Mais là, sur le cœur du Souverain Pontife, avec la croix ou à sa place, non ! Au moment de la réhabilitation du Judaïsme et de l’influence grandissante des Organisations Israélites mondiales au Vatican, n’était-ce pas un signe très visible, et occulte pourtant, d’entente et de coopération ? Je l’ai dit [286] , avec indignation. L’objet a disparu. Tant mieux ! 

Vous avez donné généreusement votre crosse et votre anneau au bouddhiste birman U’Thant pour secourir les pauvres... il y a là de quoi indigner bien des missionnaires et bien des Sœurs de Charité. Et n’avez-Vous pas des pauvres à secourir dans votre diocèse ? Ces objets vendus et revendus viennent d’échouer, paraît-il, à Genève [287] . Mais pourquoi la crosse et l’anneau ? Parce que Vous ne vouliez plus de crosse et que c’était un vieil anneau pastoral. Vous aviez projet de donner à tous les évêques du monde — grosse dépense — un AUTRE ANNEAU d’or qui serait l’ANNEAU DU CONCILE. L’anneau devait changer en même temps que l’ALLIANCE. Il était temps de vendre celui-ci, d’en passer un autre au doigt du Docteur Ramsey [288] , ces anneaux d’antan qui symbolisaient votre alliance avec Rome et, pour vos Évêques, leur alliance avec nous leur Église diocésaine ! Le nouvel anneau serait le signe de leur adhésion à l’Église Nouvelle, l’anneau de leur Pacte Réformiste et de leur solidarité avec Vous. Non, Vous ne faites rien à l’étourdi. Vous êtes plein de calcul.

Vis-à-vis des personnes et de leurs fonctions, Vous avez procédé aussi par une succession remarquable, ininterrompue, de décisions insolites, énigmatiques, dont l’ensemble forme d’ores et déjà la plus grande révolution jamais opérée dans l’Église. Le résultat est atteint : nul ne se sent plus de sécurité ni de stabilité dans sa charge, ni d’indépendance vis-à-vis de Vous, ni d’autorité en dehors de Vous.

Le déplacement de la vie, du pouvoir réel, de l’efficacité, à la suite du Concile, des Dicastères de la vieille Curie aux nouveaux secrétariats postconciliaires a été un chef-d’œuvre de tactique. Personne n’a paru dépossédé, et tous l’ont été au profit des nouvelles équipes, acquises à la Réforme [289] . Une autre décision, portant renouvellement quinquennal de toutes les fonctions de Curie, devait atteindre l’indépendance de vos grands commis ; leur compétence aussi. Mais j’abrège sur ce chapitre. La Curie écrasée sous le joug intolérant, sournois, incompétent de la Secrétairerie d’État attend patiemment que le Pape change... pour retrouver liberté, continuité, compétence et sourire !

Contre la décision finale du Concile, qui avait pesé le pour et le contre, Vous avez décidé la démission des Évêques à 75 ans. Mais la mise à la retraite n’est pas automatique. Elle dépend de votre décision. Et voilà les Évêques vieillissants livrés à votre arbitraire [290] . Cela a été décidé par Vous seul, en secret, et annoncé tout à coup. La nature même de l’Épiscopat en a été substantiellement changée. De pères et pasteurs de leur peuple, les voilà devenus fonctionnaires empressés de plaire au Pouvoir Central.

Maintenant Vous vous attaquez au Collège des Cardinaux et à sa prérogative enviée, celle de l’élection des Papes. Sans nul préavis, ni délibération de personne ni consultation des intéressés, Vous avez arrêté que les Cardinaux seraient déchus de leur qualité de membres du Conclave à 80 ans. Cette méfiance vis-à-vis des vieillards, il n’y a rien qui soit plus contraire à la civilisation humaine et à la sagesse biblique. Mais Vous ignorez l’une et l’autre dans votre passion d’épouser les idées modernes ! Canoniquement, cette exclusion fondée sur un principe arbitraire n’ôte-t-elle pas sa capacité juridique au Collège ainsi amputé ? De savants canonistes l’ont pensé et démontré. L’énigme de vos intentions ne se laissait que difficilement percer. On pensa que Vous arrangiez les choses, que Vous modifiiez le collège électoral pour le succès de votre parti. Mais il y avait là bien plus qu’une mesquine fraude électorale.

Depuis peu de jours votre plan se laisse deviner. Vous retranchez 30 vieux cardinaux, vous fixez leur nombre maximum à 120 au Conclave. Et Vous annoncez comme un vague projet la première étape vers ce que Vous avez résolu déjà de faire. Peut-être introduirez-Vous les Patriarches orientaux au Conclave. Et peut-être les membres du Secrétariat du Synode aussi [291] . Tout cela n’est rien, à peine 10 ou 12 nouveaux venus. Et puis, soudain, Vous éclatez d’allégresse dans votre Discours du 5 mars. En présence des nouveaux Cardinaux Vous laissez deviner aux gens subtils tout votre dessein. L’introduction dans le Conclave de quelques « représentants des nations » vous fait proclamer que l’Église enfin se met « à l’unisson de notre temps » et se lance, sans « timidité » dans la « course vers l’avenir » :

« Ne pensez jamais être en dehors de la vie vécue... Pensez plutôt comment vous, associés ainsi à l’Église de Pierre, vous êtes à l’avant-garde des grands mouvements qui entraînent l’humanité vers ses destins inéluctables et si difficiles à atteindre pour elle : Nous voulons dire, l’unité, la fraternité, la justice, la liberté vécue dans l’ordre, la dignité personnelle, le respect de la vie, la maîtrise de la terre sans en rester prisonnier, la culture sans en rester dérouté... » [292] 

Vous parlez en énigme, Très Saint Père. Mais depuis 1964 beaucoup d’autres Vous ont percé à jour. Ils voient bien ce que Vous préparez pour être à l’unisson de la démocratie universelle moderne. Vous menez à petits pas votre révolution dans l’Église Romaine. Aujourd’hui, Vous démocratisez l’élection de son ... Président. Au Conclave, le nombre invariable est celui des Cardinaux : 120. Le nombre variable est celui des « Représentants des Nations » : 8 ou 10 aujourd’hui, demain 100, 200, 500 ? Bientôt votre but sera atteint, l’élection du Pape sera en tous points semblable à l’élection présidentielle des Grandes Démocraties modernes ! L’Église sera enfin « à l’unisson de notre temps » et « dans un rapport plausible avec le monde », délibérément entrée dans « le mouvement de l’Histoire qui évolue et qui change, qui procède sans cesse à de nouvelles conquêtes visant toujours des fins futures et eschatologiques » [293]  !

La réalité est moins enivrante. À l’unisson de la société moderne, la techno-bureaucratie et la démocratie policière changent le visage et l’âme de notre Église. La Hiérarchie ecclésiastique a perdu son bon ordre canonique, sa stabilité, sa force, au profit de tyrannies anonymes et procédurières où les aventuriers se taillent de belles places. Le despotisme et l’anarchie se provoquent l’un l’autre quand les volontés individuelles l’emportent sur l’ordre légitime et bien établi.

2. LA RELIGION S’ÉTEINT

Il y a toujours quelque chose de mystérieux dans l’affaissement soudain et général de la religion d’un peuple. Mais quand il s’agit de l’éternellement jeune création de l’Esprit-Saint, son affaissement ne peut être que provoqué par quelque grave faute de l’homme... Notre Sainte Religion ne recule jamais ainsi dans le monde entier que par de singuliers manquements dans l’ordre de la prière, dans l’ordre de la foi et dans l’ordre des mœurs.

LA PRIÈRE ? On dit que Vous priez. Ce sujet touche trop à l’âme secrète du Pape en même temps qu’à son exemple public pour que j’insiste sur ce côté douloureux de votre Pontificat. Il est cependant manifeste que toutes les formes de dévotions et de prières publiques ont quasiment disparu sous Votre Pontificat sans que Vous fassiez rien d’efficace pour y remédier. Vous n’avez formulé que de vains regrets... On ne connaît plus que la « célébration eucharistique », qui tend d’ailleurs à être remplacée équivalemment par des « célébrations de la Parole » et des « célébrations œcuméniques » aussi vides et désolantes qu’un « culte » protestant. Il faut aller dans des réunions clandestines d’intégristes pour prier encore le chapelet. Mais, si je ne m’abuse, on ne Vous voit jamais prier ? À Fatima, nous ne Vous avons ni entendu ni vu réciter l’Ave Maria !

LA FOI ? J’en ai dit plus haut quelque chose. Je n’insiste ici que sur un point jamais signalé mais fort important. Dans vos Allocutions pieuses du mercredi, Vous faites, Très Saint Père, une part exagérée au doute, aux objections, aux hypothèses les plus contraires à la divine révélation et quand vient enfin le moment de donner la réponse chrétienne, de prêcher la vraie et sûre doctrine, Vous n’avez plus le temps. C’est un procédé trop psychologique, trop apologétique, où parfois l’on se demande si Vous ne goûtez pas davantage l’objection que la réponse. On ne sait plus. Il arrive alors que nos ennemis se servent de vos propres paroles. Ainsi la pierre se délite, le Roc cède, et la foi dans le monde s’éboule.

LES MŒURS ! À la célébration du Concile et à votre Avènement, il semble qu’ait correspondu un affaissement général de la moralité. Une consigne de laisser-aller a parcouru l’univers. Pourquoi ? Sans doute Vous connaît-on mieux que Vous ne pensez. On sait que Vous excusez tous les dérèglements, par pitié pour l’homme misérable sans doute, et que vos dénonciations du péché ne vont jamais jusqu’à la poursuite canonique et la sanction contre le pécheur ni contre ses complices.

Mais plus généralement, il est admis dans le monde actuel, et depuis plus d’un siècle, que le “ progrès des idées ” va de pair avec le relâchement des mœurs. Ce contre quoi réagissaient tous vos Prédécesseurs en luttant héroïquement contre ce prétendu progrès et contre la corruption conjointe des mœurs. En voulant vivre avec votre temps et ouvrir l’Église au progrès moderne, Vous vous mettiez dans l’impossibilité de réagir efficacement contre l’immoralité. On l’a vu, en images, quand vous avez reçu dans Saint-Pierre pour je ne sais quelle journée du cinéma et de la radio la Claudia Cardinale et Lollobrigida ! Quelle preuve de modernité ! [294] 

Ces idoles des salles obscures, pécheresses mais point repenties, se sont amusées à venir en minijupe et vous les avez accueillies ainsi de bon gré ! La “ dolce vita ” recevait vos hommages. Ce jour-là, l’indécence de la mode gagna sa guerre : plus aucun prêtre ne pourrait proscrire ce que le Prince des Prêtres lui-même avait accepté dans le Sanctuaire majeur de la chrétienté.

Je sais que pour éviter pareils sacrilèges dans la Basilique, Vous avez construit une immense et moderne salle pour vos audiences. Le remède aggrave le mal. L’immoralité y gagne beaucoup d’espace et de liberté en votre Présence et la piété y perd le peu que lui conservait le Lieu Saint.

LE MARIAGE DES PRÊTRES

La ruine de la morale vient dans l’Église, comme à toutes les époques de décadence, du mariage des prêtres. Mais, pour la première fois dans l’histoire, ce fut du consentement, et de la complicité, et de la coopération du Vicaire du Christ !

Là encore, le scandale s’est fait énigmatique. Qui a sondé votre dessein, qui a deviné vos intentions ? Moi-même, ayant compris à la lecture de votre Encyclique Sacerdotalis Cœlibatus du 24 juin 1967, longtemps je n’ai rien voulu en écrire [295] . Car Vous y défendiez le célibat d’une manière qui parut très ferme. Eh ! oui, apparemment. Mais dans les apparences se voilait et dévoilait votre décision insolite. Après en avoir paradoxalement exposé toutes les difficultés, objections et obstacles, Vous décidiez... pour le présent, « de maintenir intacte la discipline touchant le célibat ecclésiastique » [296] . Mais Vous en multipliiez les conditions. À condition que les sujets y soient bien préparés, bien adaptés, bien testés, éprouvés. Ainsi pensiez-Vous qu’un célibat si savamment préparé ne connaîtrait désormais plus d’échec. Mais pour le passé ? Avant ces dispositions technico-psycho-pédagogiques ? Avant Vous ? Là Vous cédiez. Vous étiez prêt à croire tout ce qu’on vous raconterait. Vous libéreriez pratiquement qui Vous le demanderait [297] . Horrible paragraphe 83 où Vous attribuez « la vraie responsabilité », non aux malheureux défroqués mais à l’Église avant Vous, à ses évaluations erronées et à la vie qu’elle faisait à ses prêtres [298] !

D’ailleurs, dès le 2 février (le 2 février !) 1964, Vous aviez créé une Commission ad hoc et l’on faisait savoir partout que le nouveau Pape admettait l’annulation des vœux et autoriserait le mariage à l’église, légitime, sacramentel, à ceux qui en auraient très envie. Un prêtre de Versailles a été prévenu officieusement : sa demande rejetée par Pie XII et Jean XXIII pouvait être réitérée, elle serait satisfaite par le nouveau Pape qui avait les idées plus larges. Il l’a raconté dans les journaux et il en a fait un livre [299] . Puis ce fut un flot de demandes et, le juridisme étant déconsidéré, un torrent d’abandons incontrôlés. C’est devenu le grand et exaltant travail de la Sacrée Congrégation pour la Doctrine de la Foi et le Vôtre-même, d’accorder à ces chers prêtres d’épouser la fille de leurs amours. En 1972, 4000 dispenses officielles — cadence 11 dossiers par jour — et peut-être au total 10 000 départs pour 2800 ordinations cette année-là [300] . Vous avez fait mieux que Luther.

Très Saint Père, c’est votre culte de l’Homme et de l’Amour... jusqu’au mépris de Dieu.

On discutera de savoir si Vous aviez le droit de délier ainsi de leurs vœux ceux qui s’étaient, comme on dit, mariés à Dieu. La plupart des théologiens et canonistes qui Vous en reconnaissent le droit insistent, par esprit de justice et d’égalité, pour que Vous usiez a fortiori de cette autre liberté plus simple d’annuler les mariages malheureux ! On peut discuter de tout, de cela, comme de votre droit de supprimer l’Index et le Saint-Office, de votre droit de changer la Messe et d’interdire l’Ancienne, et de tous les droits que, « le premier dans l’histoire », Vous vous adjugez pour réformer l’Église et changer la religion. Ce qui est certain, c’est que Vous allez en tout aux limites de votre droit, et plutôt au-delà qu’en deçà pour donner à l’homme toujours davantage, et à Dieu toujours moins. Là est le grandissime scandale. Vous avez toujours plus d’égards pour les revendications et passions misérables du cœur de l’homme et de la femme, que pour les désirs et les droits sacrés du Cœur de Dieu. Comment ! Parce qu’un prêtre s’est amouraché d’une femme, Vous lui accordez au Nom du Cœur Sacré de Jésus qui s’était voulu son Époux éternel, le billet de répudiation désiré ?

Car, selon votre processus, c’est Dieu qui les délie de leurs vœux dans le bureau de l’officialité diocésaine pour qu’ils se marient le lendemain devant Dieu à l’église avec sa bénédiction d’époux répudié mais content ! Jadis il arrivait que l’homme rompe le contrat, mais non pas Dieu ni l’Église ! Et ses frères dans le Sacerdoce attendaient son retour et priaient pour lui. Quelle leçon pour les époux de la terre, et pour tout père humilié, et pour l’enfant prodigue, que cette fidélité de Dieu ! Depuis Vous, la leçon est inverse. Vous avez instauré dans le mariage mystique même le divorce par consentement mutuel. L’amour d’une créature ne peut être renoncé ni sacrifié ni dépassé par l’AMOUR DE DIEU ! C’est Dieu, par pitié, qui consent à s’effacer pour leur bonheur...

Vous êtes devenu le grand tentateur de vos prêtres, le puissant complice du démon, de la femme déshonnête et de la chair. Et pour le prêtre tombé, Vous êtes l’ennemi qui, l’ayant sacramentellement uni à sa comparse d’un moment de folie, l’avez lié à elle pour toute la vie, lui interdisant le retour à son premier et éternel amour.

Le mariage des prêtres est devenu le sujet continuel de campagnes de presse, de discussions, de cercles d’étude, par votre licence. Le peuple fidèle en a ressenti l’éclaboussure et l’image du prêtre, si haute, si pure avant Vous, s’est, avec Vous, affreusement dégradée. Les infidèles en sont satisfaits. Le curé de leur village, le prêtre de leur communion solennelle était un reproche vivant à leur inconduite et un avertissement incessant à leur cœur d’avoir à se convertir. Le prêtre maintenant est toujours soupçonné d’être hanté par la chair et de satisfaire ses passions comme les autres mortels, mais en secret. Il n’est plus un reproche ni un exemple pour personne.

Que fallait-il faire ? Très Saint Père, comme vos Prédécesseurs ! Il fallait dire NON. Il fallait faire de la peine ? Il fallait contrarier, réprimander, punir ? Il fallait prêcher le renoncement, imposer la chasteté ? C’étaient les devoirs de Votre Charité. Mais l’amour que Vous avez pour les autres, Très Saint Père, n’est qu’un effet de l’amour d’orgueil et d’égoïsme que Vous vous portez à Vous-même. C’est lui qui vous porte à consentir au mal, parce que Vous voulez être aimé. Là encore, à cette déchéance de l’Église dans son sacerdoce et dans ses vierges consacrées, Vous voyez, l’unique solution est la rupture avec les habitudes, la jurisprudence, la mentalité et jusqu’à l’odeur de ce Pontificat. Il faut qu’il soit abrégé et qu’on brûle ou désinfecte tout ce qu’il a touché. Comment remonter la pente autrement ?

3. LA CHRÉTIENTÉ TRAHIE

Le scandale de la corruption des mœurs relève de l’incontesté et de l’incontestable. Le scandale d’une trahison politique de la Chrétienté par votre Sainteté est aussi incontestable, mais il sera contesté par Vous-même et par tous ceux qui ont choisi comme Vous et avec Vous de “ passer aux barbares ”. Tout ce qui touche à la politique relève en effet aujourd’hui, en Occident, de l’opinion et de la liberté individuelle. C’est fou, mais c’est ainsi. Le scandale n’existe donc ici que pour les “ gens de droite ”, mais les “ gens de gauche ” y applaudissent. Il n’en est pas moins criminel.

En effet, nous sommes Catholiques avant tout, et Vous-même, Très Saint Père, au suprême degré. Notre fidélité à Dieu et à son Christ nous fait lier partie avec le monde chrétien, et tout particulièrement la Latinité, la vieille Europe, ce reste d’une Chrétienté battue par les assauts de l’intérieur et de l’extérieur. Notre amour de l’Église se reporte sur les pays où abondent les églises, où le peuple est catholique, dont les États professent ouvertement notre foi catholique. Et, au-delà de ce cercle malheureusement devenu trop étroit, nous avons une préférence pour les peuples chrétiens, une plus étroite solidarité avec les États où notre sainte religion s’exerce librement et peut être ouvertement prêchée à tous les hommes. C’est le Monde Libre. L’épopée coloniale et missionnaire allait bientôt étendre à toute la planète ce monde chrétien, ce Monde Libre — nous ne pouvons l’oublier — quand l’ennemi est survenu.

Pardonnez-moi ce rappel comme d’évidences, de fidélités sacrées que Vous ne reconnaissez pas...

Cet ennemi, ce n’est ni le peuple russe ni le peuple chinois, admettons-le, c’est le communisme russe et le communisme chinois, LE COMMUNISME ATHÉE, esclavagiste, impérialiste, qui, par le mensonge et l’homicide, conquiert le monde et y instaure la pire tyrannie humaine et la plus systématique persécution anti-chrétienne que l’histoire ait jamais connues.

Le communisme occupe l’Est européen et le Centre asiatique, d’où il domine l’Europe Centrale et gagne l’Extrême-Orient et le Moyen-Orient en vue de tourner l’Europe par le Sud-Asiatique et par l’Afrique. Et puis, déjà, il a pris pied à Cuba et — par l’aide de l’Église, par Votre permission — au Chili. Ailleurs, dans le monde libre, il se répand sous le couvert des fameuses libertés démocratiques « et avant tout la liberté religieuse » [301] ! À la faveur aussi des doctrines fumeuses du neutralisme et de la coexistence pacifique, éminemment favorables aux bonnes affaires financières et commerciales. La gangrène est là, le péril majeur pour l’avenir absolu de l’humanité est cette menace communiste sur le monde libre.

L’autre ennemi, étroitement coalisé avec lui, c’est l’ANTICOLONIALISME DU TIERS-MONDE, cette passion tout à la fois raciste, nationalitaire, autonomiste et révolutionnaire qui, longuement ensemencée, hélas ! par nos propres coreligionnaires laïques et socialistes, a jeté les peuples colonisés dans des guerres de libération gagnées sur notre faiblesse, par notre démission.

Le Monde Libre s’est ainsi rétréci, rapetissé, en face d’un Monde communiste en pleine expansion “ colonialiste ”. Et il s’est cassé, effectivement, mentalement, laissant se former un Tiers-Monde plein de jalousie et de révolte contre lui, son colonisateur de jadis, mais attiré par les manœuvres et la pression idéologique du communisme mondial. Il était si facile de prévoir que toutes les terres perdues par l’Occident chrétien seraient à terme des zones d’expansion pour l’Est et pour l’Orient communistes ! Bloquée sur son glacis d’Europe Centrale, la force subversive et militaire communiste mène sa guerre de mouvement, d’enveloppement, par le truchement des mouvements de libération anticolonialistes à travers tout le Tiers-Monde. La menace directe et prochaine contre l’Europe est celle d’une invasion ; mais celle de la subversion pèse aussi sur l’Amérique du Nord, avec le risque continuel de la guerre totale.

Dans ce péril universel, pour la Cause de l’humanité menacée, que fait le Pape ? Quelle est sa prédication dans cette lutte idéologique ? Quelle est sa diplomatie dans ce « tumulte des peuples contre le Seigneur et contre son Oint » [302] ?

... Le Pape trahit la Chrétienté !

VOTRE NEUTRALISME DE FAÇADE.

Le 29 janvier 1965, Vous avez eu un geste insolite, énigmatique, un de ces actes, pontificaux d’apparence, que je nomme “ scandales ” : Vous avez rendu aux Turcs l’étendard de Lépante. Ce trophée insigne était conservé depuis presque quatre cents ans à Sainte-Marie Majeure en ex-voto à la Vierge tutélaire, Protectrice assurée de la Chrétienté. Ce drapeau avait été enlevé de haute lutte sur une felouque amirale durant la célèbre bataille navale du 7 octobre 1571 qui sauva l’Occident de la menace musulmane. Saint Pie V avait eu au même moment la vision de la victoire et il avait institué la fête de Notre-Dame du Saint Rosaire pour perpétuer le souvenir de ce véritable miracle dû à son intercession. C’était dans le temps où les guerres de religion divisaient et dévastaient l’Europe, l’ouvrant aux barbares.

Vous avez eu ce geste et Vous l’avez accompagné d’un Bref aux autorités turques qui en dévoile en partie le sens : « Les guerres de religions sont terminées pour toujours » [303] . Ce geste et cette parole, voilà bien le type du scandale aux répercussions infinies, irréparables.

Quant au passé, c’est remettre en question la légitimité de cette Croisade prêchée par Saint Pie V, la réalité de cette victoire et son caractère miraculeux, le mérite du Pape, seul artisan de cette lutte, seul vaillant, et la vérité de sa vision ; enfin, c’est bafouer la Vierge du Rosaire et couvrir d’une chape de honte Sa fête du 7 octobre. Rendre l’étendard, c’est faire amende honorable aux musulmans et cracher sur le passé de l’Église. C’est ce que Vous avez délibéré de faire.

Quant au présent — là est l’énigme cachée de votre geste —, c’est l’annonce que la Papauté nouvelle se refuse désormais à prendre parti dans les conflits de ce temps, qu’elle ne reconnaît plus à personne le droit de revendiquer dans sa lutte le nom de chrétien et qu’elle ne voudra voir en aucun peuple ni État, même persécuteur, l’ennemi de Dieu contre lequel tous doivent s’unir en Croisade.

Il n’y a plus de guerres de religion ? Laissons les Turcs, qui n’ont rien compris à votre geste et s’y sont montrés complètement indifférents, irrités même comme d’une insulte. Nous pensons à d’autres ! Vous ne condamnez plus le barbare persécuteur, Vous ne bénissez plus les drapeaux des chrétiens qui les combattent !

Au moment où l’Occident, une nouvelle fois oublieux du péril, attiédi dans sa foi, endormi dans ses vices, aurait besoin du Pape pour être réveillé, excité, persuadé de résister à l’agression, à l’invasion — car enfin la situation de 1971 est semblable à celle de 1571 et la flotte russe en Méditerranée renouvelle en mille fois pire la menace des barbaresques — au moment où un autre Saint Pie V devrait se lever pour ordonner des pèlerinages romains à Sainte-Marie Majeure, condamner les infiltrations communistes dans l’Église, dans le monde libre, mettre en garde le Tiers-Monde contre la séduction marxiste, se faire l’avocat des peuples opprimés, des chrétiens persécutés, des martyrs catholiques, bénir enfin les armées de l’Occident en lutte contre les armées communistes ou prêtes à en soutenir et en repousser l’assaut...

À ce moment tragique de l’histoire du monde, le Pape, Vous, Très Saint Père, rendez à grand fracas aux barbaresques de jadis un vieux carré de tissu qui dormait sous les pieds de la Vierge Romaine, en ex-voto de la Chrétienté sauvée et reconnaissante !

Je rappelle ce geste parce que, ne m’occupant pas de politique ni de diplomatie, je n’ai pas noté la série innombrable de vos actes de neutralisme, de vos éloges sentis des apôtres de la coexistence pacifique dans le monde actuel. Parfois j’y ai fait allusion dans mes Lettres à mes Amis, puis dans la Contre-Réforme Catholique où j’irai bien les rechercher si ce Procès l’exige. Ces paroles et ces gestes n’ont tous été qu’un nuage de fumée pour dissimuler le mouvement trop réel de votre diplomatie et de votre cœur, en direction de Moscou et de Pékin comme en faveur des guérilleros et terroristes de tous les pays du monde...

Vous avez reçu Martin Luther King ! Vous avez fait l’éloge répété de Gandhi et de Nehru ! Sourd et aveugle aux campagnes procommunistes du premier et à son excitation du racisme noir, sourd et aveugle aux violations de la paix et du droit des peuples commises sans scrupules par les deux autres, les faux apôtres de la non-violence, quand ils annexaient les villes françaises des Indes et Goa chrétienne des Portugais ! Quel cœur froid que le Vôtre ! il reste de glace devant les malheurs de ses fils injustement réduits en esclavage. Connais pas, dites-Vous ! Vous ne connaissez rien ni personne, quand votre politique en serait gênée.

En revanche, Vous élevez la voix contre toute “ injustice ”, toute condamnation à mort, toute torture, où que ce soit dans le monde quand elles sont imputables aux Pouvoirs chrétiens et manifestent leur résistance légitime à la rébellion. Je me rappelle votre démarche, parce que c’était l’une des premières, de concert avec “ Monsieur H ”, Président de l’ONU, et “ Monsieur K ”, en faveur de trois “ syndicalistes noirs ” condamnés à mort et dont Vous demandiez la grâce au Président de la République Sud-Africaine [304] ! C’était en septembre 1964, peu après Ecclesiam Suam. Vous vouliez Vous inscrire parmi les “ défenseurs de la justice ” et Vous enrôler dans les “ forces de paix ”. Alors, Vous souteniez la cause des droits civiques pour les noirs des États-Unis. Et Vous vous proposiez en “ ami de l’homme ” pour réconcilier les adversaires au Vietnam, à Chypre, partout où il y avait la guerre... [305]

... Mais décidé à ignorer les « guerres de religion » de l’époque, Vous ne voyez nulle part l’agression communiste, l’idéologie athée en action, la subversion révolutionnaire. Vous êtes “ neutre ”, Vous établissez l’égalité a priori des raisons et des droits entre le Monde Libre et le Monde Communiste, entre l’Agresseur et l’agressé, entre le persécuteur et les opprimés. Vous êtes non-violent, partisan de la négociation. Vous vous autorisez de cette haute conception des rapports humains pour faire un devoir au Monde Libre de renoncer à la lutte et de chercher la paix à tout prix en sacrifiant quelque chose, en faisant sa part à l’ennemi. Grâce à Vous, à votre neutralisme apparent, à votre pacifisme, l’agression, la subversion, la violence sont toujours payantes et le Monde Libre ne connaît jamais plus que des défaites et des retraites devant la Barbarie.

... Sauf là où l’on ne Vous a pas écouté, où l’on s’est battu et on se bat toujours, malgré Vous, contre un monde, mais sûr de son bon droit et fier de sa foi catholique. J’ai nommé le Portugal des Présidents Salazar et Caetano.

Nous ne sous-estimons pas les lèpres du Monde Libre, ses injustices, sa corruption, ses divisions religieuses et sa coupable apostasie grandissante. Mais il n’en reste pas moins UN MONDE CHRÉTIEN où l’Église est libre, entièrement libre de travailler au salut des âmes et à la Réforme de la Société. En face de la barbarie communiste et de l’anarchie famélique du Tiers-Monde, il reste un monde civilisé, prospère, et pacifique. Un monde heureux.

Ce qui est scandaleux, c’est que Vous le flattez dans son incroyance, son indifférence religieuse, son immoralité, son irrespect de la Loi et des Droits de Dieu. Vous ne faites rien pour qu’il se reprenne. Avez-Vous jamais bousculé son orgueil, son égoïsme sensuel, son matérialisme, son laïcisme affligeant, en le rappelant à sa vocation chrétienne, à son nécessaire retour au catholicisme ? Jamais. En revanche, Vous excitez les peuples contre lui, au nom de la justice. Vous lui faites soudain d’impossibles devoirs de partage des biens, d’égalité des richesses. Vous stigmatisez son racisme. Vous protestez contre ses violences, non pas pour son propre avantage spirituel (ou temporel), mais pour sa condamnation sur la scène internationale. Votre justicialisme n’est pas guidé par le zèle de Dieu ni la soif du salut des âmes, mais par la marche de la révolution.

Ce monde libre, Vous ne l’aimez pas. Si Vous l’aimiez, Vous seriez beaucoup plus dur, plus exigeant envers lui, sans souci de l’impopularité. Et Vous lui feriez le bien immense dont il a un urgent besoin. Mais aussi, Vous le mettriez en garde contre la menace des barbares. Vous lui feriez un devoir de défendre sa liberté, sa vie et le sort des peuples sur lesquels il exerce depuis des siècles un bienfaisant protectorat. Ainsi seriez-Vous pour notre siècle, comme S. Grégoire, comme S. Pie V en leur temps, LE DÉFENSEUR DE LA CITÉ, LE SAUVEUR DE LA CIVILISATION.

Mais Vous ne nous aimez pas. Vous aimez mieux le Tiers-Monde et le Monde Communiste ? Si Vous les aimiez, au lieu de pactiser avec leurs oppresseurs, Vous travailleriez à leur libération et d’abord à leur évangélisation. Vous vous aimez Vous-même jouant un rôle sur la scène internationale, allant toujours dans le sens de la victoire pour être idolâtré des foules et comblé d’honneurs par les grands de ce monde pourri, en invoquant la justice, la liberté, l’égalité, la fraternité, le bien-être, le développement, la paix. Ces idées interchangeables couchent toujours finalement dans le lit des vainqueurs. Votre neutralisme, c’est cela.

UN ANTICOLONIALISME VIRULENT.

Plus que le flot des paroles et des décisions que je ne peux ici recenser, je retiens les gestes, insolites, énigmatiques. Les scandales que Vous calculez traumatisent l’opinion : ils sont trop rapidement exécutés pour soulever des oppositions, pour rencontrer des obstacles, mais ils fermentent par l’impression trouble qu’ils ont causée et les implications qu’ils révèlent progressivement.

Ainsi, en janvier 1965, Vous avez créé cardinal, parmi tant de Pasteurs méritants, l’Archevêque d’Alger, Monseigneur DUVAL. Ce fut une grande émotion en France et surtout chez nos malheureux “ rapatriés ”. Mais nos amis qui vous portaient encore un religieux respect et une absolue confiance, se persuadèrent que cette haute distinction lui était faite sur la demande impérative de MM. De Gaulle et Ben Bella. Une telle interprétation, sans compter qu’elle était pour Vous peu honorable, montrait que vos fils butaient sur l’énigme. Comment le Pape pouvait-il nommer cardinal un Évêque qui avait préféré les terroristes musulmans aux placides, trop placides chrétiens de son troupeau et qui, récompensé de ses efforts, venait de perdre un million de fidèles pour n’en plus garder qu’une poignée, oublieux d’autres égorgés, d’autres souillés, des églises profanées, des cimetières bouleversés, bref, devenu Pasteur d’une Chrétienté ruinée, dévastée par ses soins et ceux de ses amis fellaghas. Du complice des assassins, du naufrageur, Vous faisiez un cardinal !

J’expliquai votre pensée profonde, l’intention “ pastorale ” cachée dans cette énigme : « C’est, hélas ! la vérification irrécusable de mes analyses sur l’Église Nouvelle : elle s’est choisi pour modèle ce rêveur triste qui conduit sa chrétienté au tombeau » [306] . Je disais par euphémisme : l’Église. Il fallait lire : Vous !

L’anticolonialisme a toujours existé à Rome. Vous l’y avez retrouvé, après votre exil de dix ans, plus chaud encore que Vous ne l’aviez laissé... Mais Vous lui avez apporté tout le surcroît de votre inlassable diplomatie et de vos innombrables propos. Il suffit d’ouvrir le dossier de vos discours africains.

Ainsi, le 29 juillet 1969, Vous vous rendez en Ouganda « dans un but essentiellement religieux » [307] . Vous y manifestez mille respects et affections — et largesses d’aumônes pour ses pauvres — à ce sinistre coquin d’Obote, sanguinaire et voleur, qui était “ Premier Ministre ” et dont le pays s’est justement débarrassé peu après. Vous lancez alors, de ce centre de l’Afrique, un message de libération et d’égalité raciale qui constitue un appel non équivoque à l’insurrection générale de l’Afrique contre l’homme blanc, en Rhodésie, en République Sud-Africaine, au Mozambique... Il ne pouvait y avoir pire agent de subversion pour des peuples que Vous.

« Paul VI, lui (par opposition aux Évêques d’Afrique), n’a pas eu peur de se compromettre, publiait La Croix. C’est ainsi qu’il rappelle avec force, à l’encontre du Portugal et de la Rhodésie, que l’Église soutient sans réserve la liberté des territoires nationaux. Même si des étapes sont parfois nécessaires. L’Église, pour sa part, a contribué à l’accession à l’indépendance des pays africains en affirmant la dignité des personnes et des peuples et en leur faisant découvrir leur dignité. Elle donne du reste l’exemple en africanisant sa hiérarchie et en se préparant à le faire là où cela n’a pas encore été possible. Aucun État africain n’a rien à craindre de l’Église, bien au contraire » [308] .

Vous ne songiez pas qu’en traitant Obote comme un frère, et le portugais voisin comme un samaritain, votre racisme anti-blanc, votre racisme nègre Vous faisait complice et coopérateur de la barbarie ! Ô disciple candide de Jean-Jacques Rousseau et de Bernardin de Saint-Pierre, prenant parti pour le “ bon sauvage ” contre l’européen, pour le païen et le musulman insoumis contre le chrétien...

« Ce discours courageux (? !) a suscité non seulement les applaudissements redoublés de l’assistance, mais aussi une grande joie parmi les journalistes africains qui se sont précipités sur les téléphones et les téléscripteurs pour le “ répercuter ” dans l’Afrique entière ” selon l’expression finale du discours », conclut La Croix, et je commentai : « sainte joie ! » [309] 

Ces discours africains constituaient une très habile et redoutable manœuvre contre les Blancs. Vous réclamiez l’indépendance des noirs et la fin de toute discrimination raciale, comme des exigences absolues de la Justice et de la Paix. Mais Vous demandiez que cela se fasse par obéissance aux Institutions Internationales et non par violence. C’était réclamer l’arrêt des combats et la soumission inconditionnelle des parties adverses à la décision de l’ONU. Très malin ! En préconisant l’arbitrage du Droit, Vous mettiez au pilori ceux qui le refuseraient et continueraient de combattre. Mais Vous saviez et Vous vouliez faire comprendre aux noirs que la règle démocratique de l’ONU mettrait, à tous les coups, le Droit du côté de leur révolte et de leurs revendications les plus absolues ! Votre médiation “ évangélique ”, au nom de la Justice et du Droit, de la Non-Violence et de la Paix, était une trahison des États existants et légitimes, ne Vous en déplaise, au profit des maquis de libération et de tous les terrorismes de couleur.

Ces discours étaient-ils si braves, si courageux ? Non, vraiment pas ! Votre anticolonialisme rejoint celui de l’ONU, du grand capitalisme international, tout absorbé par son intérêt immédiat et mercantile, celui de l’impérialisme communiste, russe et chinois, celui de l’intelligentsia gauchiste. Hélas, celui des jeunes missionnaires progressistes, persuadés que l’Église aura un grand rôle à jouer après qu’elle aura aidé les peuples “ opprimés ” a se libérer et qu’elle sera délivrée de l’hypothèque “ coloniale ”. Que de monde ! Vous êtes l’ami de tout le monde. Quel courage y a-t-il à se “ compromettre ” avec le Monde ? et contre les chrétiens ?

Le Monde aime, soutient, arme, justifie les terroristes, les égorgeurs de femmes et d’enfants, les sauvages. Eh ! bien, Vous les recevez donc au Vatican. L’événement, insolite, énigmatique, est le type même du parfait scandale qui débloque une situation et avance vos desseins. Le 1er juillet 1970, trois chefs des mouvements terroristes d’Angola, Mozambique, Guinée-Bissau et Cap-Vert, étaient reçus au “ baisemain ” qui suivait l’audience générale.

Aussitôt, l’Osservatore Romano, fidèle à votre tactique éprouvée, démentait l’intention profonde, le calcul : « toute interprétation, de surprise ou d’approbation, n’avait pas de raison d’être » ... Il expliquait benoîtement : « Le Pape, de par sa mission, reçoit tous ceux qui demandent le réconfort de sa bénédiction (sic ! ! !). C’est ce qui s’est produit pour les personnes en question... » Et la Secrétairerie d’État d’élever l’hypocrisie à la hauteur sublime d’un instrument diplomatique : « Il ne s’agissait pas d’une audience au sens propre : dans le cadre des rencontres de caractère général... en sa qualité de Pasteur universel... le Saint-Père ne pouvait opposer un refus absolu... sans référence à la qualification politique que s’attribuaient ces personnes, mais en tant que catholiques ou chrétiens, ainsi qu’ils avaient été qualifiés dans la requête... Le Saint-Père... qui ne connaissait pas concrètement leur activité et bien qu’il ne fût pas de sa compétence de formuler un jugement politique sur la situation concrète de la zone (sic) d’où ils venaient, etc. ... etc. ... » Le mensonge compagnonnait l’assassinat.

Le Portugal ainsi débouté de sa plainte — mais laissez-moi admirer en passant la foi, la loyauté limpide, la hauteur de vue, la condescendance, la sagesse du Professeur Caetano, homme d’État portugais, par contraste —, le poison du scandale pouvait donner son plein effet. Dès le 9 juillet, La Croix : « On doit observer... que le Portugal, tout en se proclamant pays catholique, ne tient nullement compte dans sa politique coloniale des enseignements répétés des Papes sur les droits de l’homme et des peuples. Il est significatif que Paul VI ait remis aux trois leaders africains un exemplaire de l’Encyclique Populorum Progressio ([310]) [annexe vi]. D’autre part, il est clair que les trois hommes ne se sont pas “ infiltrés ” au Vatican et que le Pape a personnellement voulu les rencontrer. Il va de soi que ce geste n’équivaut pas à bénir le terrorisme, pas plus que le fait d’entretenir des relations avec le gouvernement portugais n’implique une approbation de l’action, en Afrique, des forces armées du Portugal... Mais l’audience du 1er juillet garde, vis-à-vis du gouvernement portugais, la signification d’un avertissement : en effet, elle manifeste aux nationalistes qu’ils ne sont pas considérés comme des réprouvés, exclus de la communauté chrétienne, et que l’Église n’apporte pas sa caution à l’ordre colonial établi dans les “ territoires portugais ” (les guillemets sont de La Croix) » [311] .

Votre neutralisme de façade n’a même plus à dissimuler pour personne votre aide à la subversion, au mépris du droit international et j’ajoute, en pesant mes mots, au mépris de la morale évangélique et de la Loi de Dieu. Je ne connais rien de pire que le mensonge ecclésiastique mis au service de l’homicide politique. Je préfère encore l’homme au couteau entre les dents aux plumitifs du Vatican attelés à pareille besogne !

VOTRE PRO-COMMUNISME INCONDITIONNEL.

Un Pape est, doit être, ne peut qu’être ANTICOMMUNISTE INCONDITIONNEL, c’est l’évidence même. Mais pareille attitude serait un obstacle absolu à Votre Grand Dessein d’ouverture au monde et de réconciliation universelle. Donc Vous serez pro-communiste avec d’infinies précautions, nécessairement : CRYPTO-COMMUNISTE. Je ne referai pas l’histoire de ce renversement des alliances, de ce retournement d’Ouest en Est de la diplomatie pontificale, de cette lente, très précautionneuse, subtile réhabilitation du marxisme athée qui aboutit aujourd’hui à autoriser le chrétien d’Occident à adhérer au Parti Communiste et qui installe dans un évêché de Tchécoslovaquie un président de l’ “ Association Pacem in terris ”, donc un agent certain du communisme infiltré dans l’Église [312] .

Au point de départ, Vous aviez un atout : la fameuse distinction, faite par l’auteur de Pacem in terris, entre le mouvement historique et l’idéologie. Celle-ci est fixe, mais celui-là évolue [313] . Vous pourrez donc, supposant que le communisme évolue et qu’il se bonifie, tendre les bras vers lui, recevoir ses émissaires, coopérer avec lui « pour la justice et la paix dans le monde »... Au simple énoncé de ces mots lourds de trahison, se lèvent en Votre mémoire et en la nôtre tous les grains du chapelet de scandales que fabriquent votre Casaroli et son brain-trust depuis dix ans.

Les plus petits scandales sont quelquefois ceux dont la signification est la plus vaste et le secret le plus lourd. Telle, en 1965, cette “ sanatio in radice ” du mariage civil du R. P. Tondi, votre ancien collaborateur à la Secrétairerie d’État, qui passa au communisme, voyons, quand exactement ? avant de vous quitter ou après ? Cette dispense extraordinaire de la forme religieuse, canon 1138, est insolite. Ce service exceptionnel à un ancien collaborateur — de Vous et de Moscou — pose une énigme [314] . J’en ai la solution. Vous aussi...

Un autre gros scandale, si méthodiquement accompli qu’il est passé des faits dans les livres sans fâcheuses conséquences pour son glorieux auteur et pour Vous qui le couvriez de votre ombre : le détournement frauduleux de la Pétition des 300 Évêques réclamant en septembre 1965 la condamnation du communisme par le Concile [315] . On a toujours et partout pensé que Mgr Glorieux ne se serait pas permis pareille faute s’il n’avait été “ couvert ” et “ mis au parfum ” ; que d’ailleurs il ne serait jamais puni... Ainsi le scandale fait toujours son effet : le Pape n’a pas voulu que le Concile condamne le Communisme. Donc, le Communisme n’est plus condamné !

J’ai montré en son temps comment votre manière d’en parler dans votre première Encyclique était si bien enchevêtrée qu’elle ouvrait la porte de l’Église au dialogue, à la réconciliation, à la coopération avec les communistes [316] . Et de plus en plus largement dans la suite de vos Documents sociaux [317] .

Il faudrait une étude attentive et complète de vos allusions aux persécutions, de vos témoignages d’affection aux persécutés, pour conclure sur preuves comme le populaire a conclu d’instinct : que Vous voulez au maximum oublier ces malheureux, ignorer ce problème, pour ne pas être arrêté dans votre politique de rapprochement et de coopération avec les États Communistes. Mais la vérité fulgurante des faits a crevé soudain les ténèbres du Vatican, en octobre 1971. Ce fut l’enlèvement forcé, moralement forcé par Vous, du Cardinal Mindszenty ramené de Hongrie — où il gênait — à Rome où Vous deviez l’empêcher de publier ses Mémoires...

Et ce fut le cri bouleversant du Cardinal Slipyi devant le Synode atterré, bouleversé, honteux ; ce Confesseur de la foi, ce rescapé des bagnes soviétiques « clamant son indignation — excusez-moi de me citer moi-même [318]  — aux traîtres, de Rome et d’ailleurs, qui font la paix avec les persécuteurs sans souci des millions de leurs frères et fils que le Communisme soviétique traque, déporte et martyrise :

« Sur cinquante quatre millions d’Ukrainiens catholiques, dix millions sont morts à la suite de persécutions ! Le régime soviétique a supprimé tous les diocèses ! Il y a une montagne de cadavres et plus personne, même dans l’Église, ne défend leur mémoire. Des millions de fidèles sont encore incarcérés ou déportés.

« Mais la diplomatie vaticane (c’est Vous !) préfère qu’on n’en parle pas, car cela gêne ses tractations. Nous en sommes revenus au temps des Catacombes. Des milliers et des milliers de fidèles de l’Église d’Ukraine sont déportés en Sibérie et jusqu’au cercle polaire mais le Vatican Ignore cette tragédie. Les martyrs seraient-ils devenus des témoins gênants ? Serions-nous un boulet que traîne l’Église ? »

Hélas !

On aurait cru un instant que l’Église du Silence allait troubler le silence de l’Église. Mais non ! Les apparences de parlementarisme de ce Synode ne trompaient pas les Évêques sur l’illusion de leur force en face du Pouvoir Absolu de votre Secrétairerie d’État pro-communiste. Depuis, le Cardinal Slipyi n’en a plus fini avec les tracasseries de Vos Services et la pierre du tombeau est retombée sur ces témoins gênants qui se font égorger pour le Christ... Mais cela Vous condamne, Très Saint Père, devant Dieu et devant les hommes.

Cette ouverture au communisme, ce passage aux barbares, c’est un monde d’événements, de déclarations, d’intrigues, de consignes. Ce sont vos rencontres avec Gromyko, avec Podgorny... Ce sont ces longues séances secrètes accordées au fameux et vraiment trop jeune archevêque de Leningrad, Mgr Nikodim, agent soviétique de première grandeur [319] . Qu’est-ce que Vous avez donc tant à dire à ces gens-là ? Vous pourrez prétendre que Vous leur réclamez l’amélioration du sort affreux de vos fils persécutés. Mais alors pourquoi tant de mystère ?

Et quand nous apprenons aujourd’hui que depuis six ans l’actuel Secrétaire du Parti communiste italien, Berlinguer, était votre agent secret diplomatique auprès du gouvernement communiste de Hanoï [320] , nous comprenons sans peine que le Vatican est devenu une plate-forme de la propagande et de l’activité diplomatique du Communisme mondial dans sa conquête de l’Occident. Relais de diffusion, base logistique, demain Quartier Général ? L’aventure du Chili, passant de Frei, votre ami, à Allende le communiste qui n’est pas votre ennemi, est là pour nous instruire.

Les gestes insolites se font de moins en moins énigmatiques, parce que l’opinion est de plus en plus disposée à les encaisser. Quand Vous décidez de bâtir un hôpital au Nord-Vietnam en guerre, le geste parle d’affreux bombardements américains, de pauvres corps disloqués, de victimes civiles innocentes [321] . Votre neutralisme est singulièrement sélectif mais il va dans le sens de la propagande communiste mondiale. Et les gens réfléchis de conclure : « Le Pape est un fourrier du communisme et de la révolution mondiale » [322] . Je l’avais dit en 1964, Lettres 189 !

Comment justifier ce pro-communisme évident, qui Vous transforme en agent, en propagandiste et en courroie de transmission de toute campagne “ pour la paix ” ? Comment ? Est-ce un “ ralliement ” analogue à celui que tenta Léon XIII, dans l’espoir d’obtenir la fin des persécutions ? Mais ce serait d’une naïveté incroyable ! Et tous vos Prédécesseurs n’ont-ils pas condamné absolument pareil calcul ! Est-ce la prévision d’une victoire et d’une expansion mondiale du communisme, et alors le souci de préparer la survie de l’Église en lui prêtant la main, comme a été l’anticolonialisme “ prophétique ” de Rome ? Mais les déboires de l’Église dans un Tiers-Monde, pourtant décolonisé avec son concours, ne sont rien en comparaison de l’implacable persécution qui tomberait sur elle au lendemain du triomphe communiste, quand bien même Elle y aurait aidé de toutes ses forces ! Alors, pourquoi ? L’énigme ne se laisse pas encore résoudre totalement.

Votre appel à la Chine, votre allégresse à l’annonce de la Révolution Culturelle, de ses saccages et de ses profanations, rappellent le Lamennais de la dernière période. Est-ce chez Vous l’attrait du chaos ? Je n’ose le croire.

Rappelez-Vous votre Épiphanie 1967 : « Nous voudrions faire savoir à la jeunesse chinoise avec quel émoi et quelle affection Nous considérons son exaltation présente vers des idéaux de vie nouvelle, laborieuse, prospère et de concorde... Nous adressons Nos vœux à la Chine si éloignée de Nous géographiquement, mais si proche spirituellement... Nous voudrions aussi parler de paix avec ceux qui président aujourd’hui à la vie de la Chine continentale. Nous savons combien cet idéal humain et chrétien est celui-là même du peuple chinois » [323] .

Je commentai : « Révélation des cœurs ! Cette concorde de Paul VI et de Mao, des novateurs dans l’Église et des Gardes Rouges, les chiens enragés de l’Asie, révèle et précipite la discorde entre civilisés, entre catholiques. Pourquoi le dissimuler ? Comment nier plus longtemps qu’il existe entre ce Pape, ce Concile, cette Église Nouvelle et nous une sorte d’excommunication permanente ? » [324] .

Fait significatif, mon Évêque d’alors, Mgr Le Couëdic, et beaucoup d’autres avec lui, citèrent cette dernière phrase dans de sévères Avertissements et Mises en garde contre notre mouvement de CONTRE-RÉFORME CATHOLIQUE [325] . Mais aucun, aucun ! n’osa citer le contexte où s’inscrivait cette phrase exclamative. Ils ne pouvaient faire connaître à leurs fidèles la raison de cette « sorte d’excommunication permanente » ! Menteurs d’Évêques ! Il aurait apparu trop clairement à leurs ouailles abusées que la honte, le crime, le calcul insensé y sont Vôtres et non pas nôtres. Tous les catholiques, en face de ce choix, Vous excommunieraient plutôt, Vous et vos Gardes Rouges, pour rester fidèles à l’Église des Martyrs.

Mais il faut chercher plus profond les ultimes raisons de votre haine de l’Occident Chrétien, de votre anticolonialisme aveugle, de votre pro-communisme inconditionnel. Il faut descendre de l’insolite à l’énigmatique, et de l’énigmatique à l’occulte.

4. LE RÈGNE DE SATAN

Tout ébranler dans l’Église de Dieu, laisser s’éteindre la religion et s’effondrer la morale sans réagir vivement, fortement, surnaturellement, ne saurait être seulement l’effet d’une distraction, d’une candeur... Trahir la Chrétienté au profit de toutes les subversions, travailler avec le communisme mondial au retrait de l’Occident et bientôt à son invasion par le Bolchevisme, ne saurait être l’œuvre d’un pacifisme sincère quoique utopiste. Il y a plus en Vous.

Là encore, nous n’en sommes pas réduits aux conjectures. Les scandales sont avérés, publics, et leur énigme est claire à ceux qui connaissent les PUISSANCES OCCULTES que Vous avez voulu rencontrer et les PUISSANCES INVISIBLES que Vous n’avez pas voulu entendre. Tout tient en deux noms, Très Saint Père, deux sanctuaires : MANHATTAN et FATIMA. Autrement dit : la Vierge Immaculée Mère de Dieu et la Franc-Maçonnerie, puissances contraires, diurne et nocturne.

J’ai traîné cette gêne tout au long de la rédaction de ce LIBELLE D’ACCUSATION : comment un Pape peut-il croire que le monde est en lui-même une réalité neutre, que l’Église collectivement et chacun de ses fidèles individuellement pourraient participer à cette vie d’une nouvelle communauté humaine résolument sans Dieu, laïque, fondée sur le culte de l’Homme, et ne pas y être combattus dans leur foi ou entraînés dans des voies contraires et finalement contraints à l’apostasie ?

Comment pouvez-Vous penser, parler et agir comme si un monde qui n’est pas à Dieu n’était à personne, comme si les grands et les puissants de ce monde qui refusent de servir Notre-Seigneur Jésus-Christ et d’honorer la Vierge Marie n’étaient pas les esclaves et les serviteurs du Prince de ce Monde, les Prêtres de Satan ?

Mais en voilà assez. Parlons clair. Tous vos Prédécesseurs Vous l’enseignent comme à nous : la Puissance de Satan ne se contente pas d’exercer une influence spirituelle, individuelle, invisible. Elle aussi s’incarne dans des institutions. Elle se rend visible, oppressive, agressive, par des hommes, des sociétés, des organisations dont la marque est d’être occultes. Vos Prédécesseurs ont travaillé de toutes leurs forces à les démasquer et à les frapper de leurs anathèmes, ils ont su en discerner l’influence et l’action prépondérante dans tout ce qui, hommes ou organisations, était marqué de certains caractères : d’opposition à l’Église, de prétendue tolérance, de recherche commune de la vérité, de laïcisme ouvert... Vos Prédécesseurs y sentaient l’odeur du Malin et en éloignaient les catholiques :

« Que chacun évite toute liaison avec ceux qui se déguisent sous le masque de la tolérance universelle, du respect de toutes les religions, de la manie de concilier les maximes de l’Évangile avec celles de la Révolution, le Christ avec Bélial, l’Église avec l’État sans Dieu ». Ainsi parlait celui qu’on s’accorde à reconnaître comme le plus libéral de vos Prédécesseurs, Léon XIII [326] .

Votre candeur, votre naïveté ne peuvent qu’être affectées. D’abord en nous jetant dans la gueule du loup. Et puis, en Vous faisant Vous-même loup. Pour être intégralement fidèles à la consigne impérative de Vos Prédécesseurs, nous devons « éviter toute liaison » non seulement avec la Synagogue de Satan, enfreignant vos conseils, vos exhortations et vos ordres, mais encore avec Vous qui vous « déguisez sous le masque de la tolérance universelle, du respect de toutes les religions »...

Vous éviter, selon l’ordre de l’Apôtre à Tite : « Haereticum hominem post unam et secundam correptionem devita » [327] !

... Parce que Vous vous déguisez sous un masque, et là je suis obligé de décevoir nos amis qui, depuis dix ans bientôt, se contraignent à imaginer que Vous déguisez votre strict catholicisme sous un masque de franc-maçon. Non ! dans la logique de Léon XIII et de tous les Pasteurs véritables de l’Église de tous les temps, celui qui se déguise sous un masque, déguise un visage pire sous un masque rassurant pour tromper le monde. Jamais aucun Pontife catholique ne s’est déguisé sous un masque. Il n’y a pour se déguiser que les loups, sous des peaux de brebis [328] !

Votre « masque » nous est apparu tout au long de ce Libelle, assez inquiétant pour qu’on doive Vous « éviter après une ou deux remontrances ». Votre masque, c’est le libéralisme ; votre masque, c’est le dialogue ; votre masque, c’est le Culte de l’Homme. Mais quels sont donc votre visage et votre Âme ?

FAMILIARITÉS ÉTRANGES

On peut voir sur la couverture de la Documentation Catholique du 17 janvier 1971 le Pape participer à « la célébration œcuménique du 2 décembre à l’hôtel de ville de Sydney » [329] . C’est choquant. Jamais l’un de Vos 262 Prédécesseurs ne se serait livré à pareil sacrilège, commis par lui-même envers sa propre Personne, et surtout pas les pires d’entre eux, car l’Église les aurait aussitôt chassés. Même si les personnes alors rassemblées pouvaient être tout innocentes, le Berger d’un tel troupeau ne peut être que l’Adversaire du Christ, non le Christ lui-même.

Avançons encore. Le 10 juin 1969, c’était, avec le Cardinal Willebrands, votre participation à « la prière commune au Conseil Œcuménique des Églises ». Couverture de la Documentation Catholique encore. Là, c’est plus grave. Vous êtes dans le lieu même où des Puissances occultes travaillent au triomphe de l’hérésie globale, de toutes les dissidences sur “ l’intolérance ” et le “ sectarisme ” de l’Unique Épouse. Et Vous y venez prier ! Comment et Qui pouvez-Vous prier là ? Les journalistes nous informent que Vous vous êtes recueilli dans la “ chapelle œcuménique ” ! [330] 

Or, même les protestants sont d’accord dans leur grande majorité, — je parle des gens avertis —, pour reconnaître dans le Conseil Œcuménique une filiale de la Franc-Maçonnerie Universelle, en étroites relations de dépendance avec les autres institutions visibles qui lui servent d’instruments, l’ONU, l’UNESCO, l’OIT, la FAO, etc. ... Celles-ci instaurent la Démocratie Universelle qui est le programme de la Franc-Maçonnerie et qui constituerait le règne de Satan sur le monde. Celle-là, où Vous allez prier, en est le Mouvement d’Animation Spirituelle ; c’est la religion chrétienne mise au service du plan satanique. Telles sont, clairement repérées, grâce aux courageuses dénonciations de tous vos Prédécesseurs, LES DEUX BÊTES DE L’APOCALYPSE : le Pouvoir temporel usurpé par Satan et la Nouvelle Religion, la Contre-Église, pour son service [331].

Sortant de visiter l’une, Vous avez fait votre cour à l’autre, ce même 10 juin 1969. Vous avez parlé à l’OIT en serviteur de la Bête de l’Apocalypse, chargé sous le masque d’un pape catholique de lui amener tous les peuples. Vous avez attribué à la Bête toutes les perfections miraculeuses que notre foi reconnaît à l’Église seule et Vous avez fait, dans cet antre maçonnique, profession de foi au dessein de Satan. Il me suffit de relire votre Discours à l’OIT [332]  et, conservées dans le numéro de Juillet 1969 de La Contre-Réforme Catholique [333] , les citations de journaux relatant l’atmosphère de cette rencontre pour me convaincre que nous avons un... disons sympathisant et admirateur de la Franc-Maçonnerie, déguisé sous le masque du Pape.

Ce discours forme un relais entre votre Discours inaugural du 4 octobre 1965 à l’ONU et cette série de messages, plus stupéfiants les uns que les autres, qui se succédèrent d’octobre à décembre 1970, à l’ONU, à la FAO, et... aux Hommes pour Noël. J’en ai fait la synthèse dans La Contre-Réforme Catholique, numéro 40, l’effet est saisissant. Vous voulez entraîner de force toute l’Église dans la foi en l’Humanité nouvelle et la ranger tout entière au service des organisations maçonniques internationales. C’est évident. En vue du grand dessein de ces Organisations que j’ai rappelé pour expliquer aux catholiques votre Discours à l’ONU. C’est le fameux SOLVE ET COAGULADissolution de toutes les communautés naturelles, historiques, religieuses, principalement de l’Église et des Nations catholiques où Dieu, le Dieu de Jésus-Christ, est le vrai et unique Maître. — Coagulation de la poussière d’individus ainsi déracinés, décérébrés, déchristianisés, dans de grands ensembles universels dont Satan, nouveau Messie, sera le Prince, lui qui est, pour un temps, « LE PRINCE DE CE MONDE » [334] !

FRATERNITÉ MAÇONNIQUE ET RIT D’INITIATION

Tout est devenu possible. Tous les soupçons sont permis. Puisque, aussi bien, tout est maintenant autorisé. Depuis que l’Évêque de Cuernavaca, Mendez Arceo, a préconisé au Concile la réconciliation avec nos Frères Maçons [335] , et c’était quelques jours après votre Voyage à l’ONU ! Depuis que Mgr Pézeril a été accueilli en Loge pour exposer aux Frères les projets d’avenir de l’Église postconciliaire [336] , on peut se demander si le Pape n’est pas sympathisant ou Frère Maçon initié et même s’il n’a pas voulu le faire savoir, par énigmes.

Car, lors de votre visite à l’ONU, Vous vous êtes recueilli dans le sanctuaire maçonnique de cette maison, dans la “ Meditation Room ” au centre de laquelle est « un autel pour un dieu sans visage » [337] . Peut-être avez-vous lu, lors de mon Procès toute la signification occulte, judéo-maçonnique, de ce lieu, de son mobilier et de sa décoration. C’est la “ chambre de réflexion ” de la Loge, par laquelle doit passer l’apprenti au cours de son initiation. Vous y êtes passé. Vous êtes donc initié ? Et c’est ensuite seulement que Vous avez pu parler, un correct langage de franc-maçon, devant toute l’Assemblée des Nations dont 65% des membres sont Frères [338] .

Depuis qu’à Marseille le F... Jarnes a été inhumé au colombarium « avec les honneurs maçonniques » après funérailles religieuses en l’église Saint-Giniez, le 23 janvier, ce n’est même plus irrespectueux de supposer que Votre Sainteté a voulu donner un gage de fraternité aux Grands Francs-Maçons de Manhattan. Votre ami, Mgr Etchegaray, a merveilleusement expliqué cette fraternité-là, qui rentre de manière frappante dans les perspectives de votre apostolat personnel : « Le nouveau climat des rapports ne signifie pas qu’il n’y ait point de problèmes graves dans cet “ œcuménisme ” (sic), entre la communauté de ceux qui croient en Jésus-Christ, Fils de Dieu et Sauveur du monde, et la famille maçonnique à la recherche d’une religion universelle dont tous les cultes, dit-elle, ne sont que des manifestations transitoires. Foi et raison (sic !!!) ne sont pas antithétiques, mais leur point de rencontre est toujours à chercher » [339] . Ainsi la foi est chrétienne et la raison est maçonnique. Leur rencontre est dans le futur du plus vaste œcuménisme ! Quel Frère vous avez là !

Le plus « grave problème », au fond, c’est de nous habituer à un Pape qui pense, qui parle, qui agit en adepte de la Franc-Maçonnerie ; votre adhésion à l’ONU, a son Culte, à son Credo, a été l’un de ces SCANDALES que Vous avez calculés et réalisés pour débloquer et faire évoluer l’Église vers la pleine révélation et la réalisation de vos desseins universellement “ fraternels ”, c’est-à-dire maçons.

VERS LA RESTAURATION DU JUDAÏSME UNIVERSEL

Celui qui marque quelque sympathie pour la Franc-Maçonnerie, s’il est un personnage important, se trouvera promptement investi par la Puissance Juive Mondiale. Celle-ci étend sa domination sur le monde par celle-là qui lui est une vénérable et séculaire filiale. Déjà Jean XXIII l’avait appris à ses dépens tout au long de cette affaire de la Déclaration sur les Juifs au Concile [340] . Le Cardinal Béa, le Cardinal Léger en ont aussi su quelque chose, eux qui ont été décorés, l’un de la médaille d’or des B’naï-B’rith, « la plus haute distinction de la plus haute des institutions juives mondiales » [341] , l’autre du prix annuel “ Famille de l’Homme ” de cette même “ Ligue Antidiffamatoire des B’naï-B’rith ” dont La Presse de Montréal explique qu’elle est « l’une des plus anciennes et des plus influentes organisations veillant à préserver les droits de l’homme... Elle cherche actuellement à promouvoir la compréhension inter-religieuse... et à travailler conjointement avec les forces démocratiques pour réprimer les propagandes haineuses et antisémites » [342] . Nous connaissons bien ce langage, ... mais c’est là, aussi bien, votre programme !

Il n’est donc pas étonnant qu’ayant traversé la “ Salle de Méditation ” de l’ONU, qui a pour elles la signification d’un sanctuaire judaïque, les “ Organisations Juives de l’ONU ” aient accepté de vous rencontrer... dans l’église de la Sainte-Famille, le 4 octobre 1965. Et leur porte-parole, Philip Klutznick, célébrant la réalisation des prophéties bibliques par la réconciliation de tous sous le signe de l’ONU, exprimait exactement, en même temps que leur foi, la Vôtre, telle que Vous la proclamiez quelques instants plus tôt à la tribune de l’Assemblée.

Depuis cette rencontre, l’amitié est sans nuage entre Vous et les “ Fils de l’Alliance ”. Le Cardinal Suenens leur fait visite partout où il passe et les B’naï-B’rith fréquentent le Vatican. Lors de l’audience publique du 3 juin 1971, Vous leur adressiez même nommément la parole. Là aussi, scandale, scandale et risque calculé, avance audacieuse... Mais personne ne s’est indigné. Il est vrai que Vous parliez anglais :

« Chers amis, disiez-Vous à ces “ Fils de l’Alliance ”, c’est un plaisir pour Nous d’accueillir dans Saint-Pierre (eh, oui !) votre groupe distingué de la Ligue Antidiffamatoire des B’naï-B’rith. Dans cette occasion il Nous plaît de réitérer le vœu du Concile du Vatican “ d’encourager et de recommander la connaissance et l’estime mutuelles qui naîtront surtout d’études bibliques et théologiques menées en commun, ainsi que d’un dialogue fraternel ” (Nostra Ætate, 4).

« Dans notre propre ministère de réconciliation et de paix, Nous sommes spécialement sensible à toutes formes de discrimination, qui empêchent la charité fraternelle envers les hommes et offensent la dignité humaine et Dieu lui-même. Nous avons récemment parlé ouvertement contre toute discrimination fondée sur la race, l’origine, la couleur, la culture, le sexe ou la religion (Oct. Adv., 16).

« Nous prions le Seigneur, le Père de tous, de daigner bénir vos efforts pour créer ce climat entre chrétiens et Juifs, et entre tous les hommes, climat dans lequel son amour règnera pour le bien-être de toute l’humanité » [343] .

Et Vous les avez tous bénis, chrétiens et juifs, pêle-mêle, sans “ discrimination diffamatoire ”. Au fond, cette indiscrimination, n’est-elle pas de nouveau le reniement de Pierre refusant, pour avoir la paix avec les Juifs, de reconnaître son Maître ? Le drame, c’est que « la réconciliation et la paix » auxquelles Vous travaillez avec les B’naï-B’rith, exigent que le Christ soit crucifié une seconde fois et renié éternellement.

Mais, Très Saint Père, Vous pouvez tout faire. Personne ne s’étonne plus de rien dans l’Église. Vous avez même reçu en audience spéciale la Présidente du “ Temple de la Compréhension ”, Mme Hollister, le 17 mai 1967. Elle vous a offert une miniature de ce Temple et Vous l’avez assurée que Vous prieriez pour la réussite de son œuvre. Vous saviez par le Cardinal Vagnozzi, votre Délégué apostolique à New-York, ce qu’est ce Temple de la Compréhension : « Une entreprise des Illuminés dont l’objet est d’instaurer “ la Religion Mondiale ” ou la “ Fraternité humaine ”. L’un de ses adhérents et parrains est le Secrétaire de la Défense, Robert McNamara... Édith K. Roosevelt annonce que la chambre de méditation du Temple de la Compréhension sera connue sous le nom de “ Hall de l’Illumination ”. Là, écrit Miss Roosevelt, on projette que les Illuminés, Maîtres de la Sagesse, nos Chefs du Temple de la Compréhension, instruiront le public dans ce nouveau culte humaniste. Là, le citoyen du monde doit cultiver la compréhension universelle au lieu de se limiter à des vues particularistes, nationalistes ou religieuses » [344] .

Et Vous priez pour cette entreprise de reniement du Christ et de création d’une religion mondiale dont Vous savez qu’elle sera la revanche du Judaïsme ? Mais qui êtes-Vous, Très Saint-Père ? Sur le trône de Saint Pierre, sous le masque du Vicaire de Jésus-Christ, seriez-Vous... ce que nous finissons par craindre que Vous soyez ?

 

 
FATIMA PROFANÉE
 

Dans ces inhumaines angoisses, il m’est arrivé souvent d’espérer un pèlerinage du Pape à Fatima. La rencontre du Vicaire du Christ, de la Vierge Immaculée et de l’Eucharistie me paraissait devoir être le SIGNE CÉLESTE de la grâce divine et d’une miséricorde qui sauverait tout et restaurerait tout dans l’antique splendeur. Déjà le 8 décembre 1964 : « Espérons qu’un prochain pèlerinage du Pape le mènera à Fatima pour nous y révéler le Secret de Marie » [345] .

Il me semblait que tous ces scandales, cette atmosphère de schisme, ces soupçons d’hérésie que nous portions comme une chape de plomb, se dissiperaient si Vous alliez en pèlerinage à Fatima. D’un coup, nous retrouverions toute notre confiance et notre amour filial, lavés comme par un baptême de grâce. Et puis, là-bas, Vous deviez, Vous ne pouviez faire autrement que de PRIER la Sainte Vierge Marie avec l’immense foule catholique, loyale, traditionnelle, et ensuite LAISSER PARLER la Mère de Dieu, Notre Mère tutélaire, RÉVÉLER son Troisième Secret et OBÉIR à ses demandes. Alors le Monde se convertirait en commençant par nous autres, vos prêtres, votre peuple, pauvres pécheurs. Telle était notre espérance...

Vous êtes allé à Fatima. C’est vrai. Le 13 mai 1967, cinquante ans jour pour jour après l’apparition céleste. « Les yeux rivés sur le petit écran, le cœur tordu d’angoisse, le chapelet aux doigts, et murmurant avec la foule de nos frères, là-bas, leur douloureux Ave Maria, nous attendions l’ÉVÉNEMENT DU SIÈCLE...

« Las ! cinq heures plus tard, nul espoir de paix ne subsistait plus, tout était gâché de l’ultime et mystérieuse grâce attendue de cette rencontre du Vicaire du Christ et de sa Sainte Mère ».

Pourquoi cette immense et sûre déception dans ma Lettre à mes Amis de ce 13 mai 1967 [346] ? Parce que, c’était trop visible du début à la fin, Vous étiez venu là non pour voir mais pour Vous faire voir, non pour écouter mais pour parler, non pour tomber à genoux mais pour trôner devant un million d’hommes prosternés, non pour recevoir des ordres célestes mais pour imposer vos projets terrestres, non pour implorer la paix de la Vierge Marie mais pour la demander aux hommes, non pour sanctifier votre cœur et le purifier de la souillure de Manhattan mais pour imposer ici-même, dans le domaine de Marie, le Monde de Manhattan. Vous étiez venu pour profaner Fatima !

Dès l’abord, on vit bien que Vous entendiez rester fidèle à Vous-même. Le Président Salazar n’est pas le Président Obote ; il est de race blanche, civilisé, chrétien — l’un des plus prestigieux chrétiens de ce siècle, l’un des plus grands bienfaiteurs de la civilisation — et le Portugal est le pays au monde le plus fidèle à sa foi catholique, fièrement, courageusement proclamée dans sa Constitution et passée dans son Concordat. Alors, prétextant que Vous veniez en hâte, en pèlerin, Vous n’avez fait cas ni de ce pays ni de son Chef et la presse progressiste a répercuté dans le monde entier le mépris affiché par Vous pour ce valeureux peuple.

Vous aviez prémédité de célébrer là une messe en portugais — alors que de toutes langues et de toutes races le monde entier était à l’écoute — pour bien manifester au traditionnel Portugal que votre parti était celui des Novateurs, celui du changement, mettant vos volontés au-dessus de la gloire de Dieu. Car ce fut une triste messe, bâclée, impossible à suivre et froide, un culte “ balbutiant ”, dira Laurentin. [347] 

Vous aviez organisé une série d’audiences qui devaient remplir tout votre temps, en particulier une rencontre hautement significative, œcuménique, avec les « représentants des communautés non-catholiques ». Il ne s’en trouva que deux, presbytériens, avec lesquels, n’entendant pas le français du discours que Vous aviez préparé, Vous n’eûtes la faculté que d’échanger quelques mots inutiles, tandis que tant de bons catholiques auraient voulu Vous parler, prier avec Vous et n’ont pas été admis.

Restant ainsi préoccupé de vos chimères politiques et œcuméniques, Vous n’avez pas fait pèlerinage, et là commence le scandale effroyable. Dans tant de discours on ne relève que des allusions cursives, tout extérieures et froides, aux Apparitions de 1917. Vous n’avez pas désiré Vous rendre sur les lieux de la Cova da Iria, tout proches, où elles s’étaient produites, donnant — volontairement ? — l’impression de ne pas y croire. En arrivant, objet d’un culte passionné de la foule durant plus d’une heure de trajet et Vous prêtant à ces acclamations sans fin, Vous n’avez même pas salué Notre Dame de Fatima. Rien n’échappe sur l’écran de télévision... Monté sur le podium Vous avez salué, salué la foule. Mais la Vierge, non ! Vous êtes passé devant Elle — but de votre pèlerinage — sans lever les yeux. Je l’ai vu. Vous n’avez pas récité le Rosaire avec la foule et si Vous avez dit un seul Ave, la télévision ne nous l’a pas fait voir, les journaux ne nous l’ont pas raconté.

Enfin le moment arriva de la grande confrontation, de l’ultime espérance que j’attendais, que tous confusément attendaient. Vous alliez rencontrer l’Enfant de Fatima, Lucie, la dernière des saints petits voyants de 1917 ! Pour l’amour de l’humanité, pour l’amour de l’Église et de nous autres, pauvres enfants perdus, pour l’amour de Vous-même, Très Saint Père, le Ciel allait Vous offrir là une grâce : Lucie vous demandait avec larmes quelques instants d’entretien seule à seul. On ne refuse pas d’écouter la bergère de Fatima, la petite messagère du Ciel confirmée en grâce et en sagesse par cinquante ans de cloître.

VOUS AVEZ REFUSÉ CETTE GRÂCE

« À un moment, racontera le P. Almeyda votre interprète, dans une interview donnée à Radio-Vatican, Lucie a manifesté le désir de dire au Pape quelque chose pour lui seul, mais le Pape a répondu : « Voyez, ce n’est pas le moment. Et puis, si vous voulez me communiquer quelque chose, dites-le à votre évêque : c’est lui qui me le communiquera ; soyez bien confiante et bien obéissante à votre évêque ».

« Et le Pape a béni sœur Lucie comme un père bénit une enfant chérie qu’il ne reverra sans doute jamais plus » [348] .

Oui, il y a des grâces qui passent et qui ne reviennent jamais plus...

Six jours avant, le 7 mai, Vous manifestiez un tout autre intérêt pour la Claudia Cardinale et à Lollobrigida dans Saint-Pierre où c’était grande chienlit. Quatre jours plus tard, le 17 mai, Vous écoutiez avec la plus grande attention les deux présidentes israélites de l’organisation occulte du Temple de la Compréhension. Mais Vous avez refusé d’entendre le message personnel que la Vierge avait la bonté de Vous adresser par la bouche de Lucie, son enfant de prédilection. Et ce que je veux que Vous sachiez, c’est la joie infernale de tous les journaux progressistes et de tous les organes anticléricaux de communication sociale à cette nouvelle, ils respiraient ! Le Pape avait tenu, il ne s’était pas fait rouler à terre par la Vision céleste, par la Voix d’En-Haut, comme le premier Paul. Il n’y avait pas eu son chemin de Damas !

Que voulait donc vous dire cette enfant ? Que craigniez-Vous donc tant ? La somme de vos hérésies, schismes et scandales ne nous laisse que l’embarras du choix. Mais une probabilité dépasse toutes les autres. Cette Messagère du Ciel voulait certainement Vous rappeler la volonté de l’Autorité supérieure et suprême, la seule qui soit au-dessus de Vous, qui est Dieu, de Vous voir publier LE TROISIÈME SECRET DE FATIMA AU MONDE. Car la date où il devait l’être, d’ordre du Ciel, était 1960. Votre pèlerinage était en 1967. Nous sommes en 1973. Et le monde court sur des voies de perdition, par Votre faute donc, au châtiment.

« Votre silence ne peut d’avoir d’autre résultat, comme je l’expliquai dans mon étude sur le vrai Message de Fatima aussitôt après votre pèlerinage, que de transformer en réalités accablantes les menaces de nouveaux châtiments qui sont, à n’en pas douter, l’essentiel de ce troisième secret, analogue aux deux premiers... À ne pas connaître les choses terribles dont le Ciel menace le monde, le monde ne se convertira pas et glissera sans frein dans la mare de sanie et de sang. Ce sera la Troisième Guerre Mondiale, le Communisme persécuteur partout répandu, la guerre atomique exerçant ses ravages inouïs, la Grande Apostasie des chrétiens. Faute d’avoir été prévenus et appelés à la conversion, les peuples perdront la foi avec la vie » [349] .

« Ce signe de Jonas, nous l’attendons depuis 1960. Tous les prétextes contradictoires qui sont opposés à la publication du secret, ne font qu’alourdir les responsabilités de ceux qui savent et se taisent. Non, ce message prophétique n’est pas insignifiant, ni tranquillisant, ni réservé. Il était pour tous, en 1960 ! Il l’est encore. Et trop effrayant à cette époque, il l’est resté ! Mais c’est la seule parole qui puisse conjurer le fléau qui vient.

« Certainement, constate Barthas, les menaces et les promesses de la Reine du Ciel sont, pour une grande partie, la cause de cette attention anxieuse, mêlée de crainte et d’espoir que le monde accorde au “ mystère ” de Fatima (p. 83). Eh ! bien, nul n’a le droit de frustrer le monde dans son attente angoissée. C’est un devoir au contraire de le tenir informé des paroles de la Reine des Cieux. Que ce Message soit en effet pour nous tous, en voici la preuve, dans un récit du Chanoine Barthas qui date de 1952 : “ Ce qui reste voilé. — Quand est-ce que le troisième élément du “ secret ” nous sera dévoilé ? Déjà en 1946, à cette question, Lucie et Mgr l’Évêque de Leiria me répondirent uniformément, sans hésitation et sans commentaire : “ En 1960 ”. Et lorsque je poussai l’audace jusqu’à demander pourquoi il fallait attendre jusque là, j’obtins pour toute réponse, de l’un comme de l’autre : “ Parce que la Sainte Vierge le veut ainsi ”. Nous sommes en 1967. Comme les volontés du Ciel ne changent pas, je pense que Sœur Lucie a voulu supplier le Pape, l’autre jour, de faire connaître au monde les avertissements de Notre-Dame et peut-être était-elle chargée de l’y inviter sous la forme d’un ultime appel, d’un ultimatum. La coupe déborde, l’iniquité est à son comble. Il faut absolument que l’Église entière sache dans quel abîme le péché entraîne l’humanité » [350] .

Alors, pourquoi être allé à Fatima ? Depuis votre Pèlerinage, c’est comme si Vous l’aviez tuée. Personne au monde n’en parle plus jamais, ni des volontés de Dieu qui y ont été signifiées, ni de la conversion de la Russie, ni du Secret, ni des pratiques de dévotion recommandées et surtout de “ la récitation du Saint Rosaire pour la paix ” que Lucie vous avait demandé d’ “ intensifier ” de vive voix ce fameux 13 mai [351] .

Comment avez-Vous fait ? La réponse est simple : Vous avez substitué votre Message à celui de la Reine de la Paix. AU DESSEIN DE DIEU qui nous a été révélé à Fatima : « Tu diras au monde entier que le Bon Dieu veut accorder ses grâces par le Cœur Immaculé de Marie, qu’on ne doit pas hésiter à les lui demander, que le Cœur de Jésus veut être vénéré avec Celui de sa Mère. Que les hommes doivent demander la paix à ce Cœur Immaculé parce que Dieu la lui a confiée », Vous avez substitué VOTRE GRAND DESSEIN, celui que Vous révéliez à Manhattan, et qui est de demander la Paix au cœur des hommes à qui Vous la confiez...

Pour ce faire, Vous n’avez pas hésité à Vous prétendre l’heureux bénéficiaire d’une révélation céleste. Apparaissant à la fenêtre de vos appartements du Vatican, le soir de votre retour, Vous avez dit : « À Fatima Nous avons interrogé la Madone sur les voies à suivre qui mènent à la paix, et il Nous a été répondu que la paix était réalisable ». Un journaliste du Messagero résume l’impression générale à Rome : « Il serait trop facile de forcer la signification d’une telle expression singulière, mais on peut croire, supposer qu’au cours du pèlerinage au sanctuaire de Fatima, Paul VI eut un moment pour ainsi dire de communication intérieure avec notre avocate, mère protectrice des hommes, dans leurs efforts pacifiques » [352] .

C’est bien ce que Vous avez voulu faire croire. Que le Ciel Vous avait dit : Va, avance dans ton Grand Dessein, appelle tous les hommes à construire une Paix nouvelle, non plus les seuls catholiques par PRIÈRE et PÉNITENCE, mais par ta nouvelle révélation : POPULORUM PROGRESSIO ([353]) [annexe vi], par PROGRÈS et PAIX... Vous avez voulu faire endosser par le Ciel le message de l’enfer que Vous ne cessez de dire et de redire depuis Manhattan : la paix est possible parce que les hommes sont bons ; la paix est l’œuvre des hommes, de tous les hommes, par leurs efforts convergents sous la direction mondiale des Organisations judéo-maçonniques. C’est le Culte de l’Homme substitué au Culte de Dieu.

Et c’est ainsi que le sommet de ce voyage n’a pas été une prière à Dieu, mais une étrange, une scandaleuse PRIÈRE AUX HOMMES...

« Hommes, rendez-vous dignes du don divin de la Paix. Hommes, soyez des hommes (sic). Hommes soyez bons, soyez sages, soyez ouverts à la considération du bien général du monde. Hommes soyez magnanimes...

« Hommes, recommencez à vous approcher les uns des autres avec la volonté de construire un monde nouveau. Oui, le monde des hommes vrais qui ne pourra jamais être tel sans le soleil de Dieu sur son horizon » [354] .

C’est un discours antichrist. Vous êtes venu à Fatima pour que Celle-là qui écrasait la tète du serpent, soit écrasée par lui en revanche et son Message, dernière chance de salut pour le monde, écrasé sous le message contraire, l’appel fait aux Hommes à construire un monde nouveau sur le fondement de leur orgueil !

Si je mens, prouvez-le. Prouvez que Vous n’êtes pas de Satan mais du Christ, en publiant le Troisième Secret de Fatima, en appelant tous les chrétiens à la Prière et à la Pénitence, en demandant d’intensifier la récitation du Rosaire pour la Paix, en prononçant la Consécration du Monde au Cœur Immaculé de Marie dont dépend la paix, « car Dieu la lui a confiée », pour qu’enfin « triomphe son Cœur Immaculé » !

 
REVIENS ET CONFIRME TES FRÈRES !
 

Très Saint Père,

J’ai achevé ma tâche. Aurais-je prévu tout son développement, logique, implacable, révélant tous les éléments et les connexions d’un système qui se présente comme la plus dangereuse et la plus subtile des machines de guerre qui ait jamais été introduite dans l’Église pour sa ruine, je ne sais si j’aurais eu le courage de l’entreprendre.

Mais sans doute la grâce de Dieu qu’implorent tant de prières à notre intention, les encouragements à poursuivre cette œuvre reçus chaque jour de nouveaux et anciens amis, les engagements dans notre LÉGION ROMAINE, portés de 3.000 à 4.000 pendant ces quinze jours où je rédigeais ce Libelle d’Accusation [355] , m’ont aidé à poursuivre jusque à son terme le labeur entrepris.

J’éprouve le besoin impérieux de protester encore devant Dieu et devant Vous que je ne suis qu’un misérable et inutile serviteur de l’Église, confus et accablé dans ce ministère d’ACCUSATEUR DU PÈRE COMMUN, rôle qu’il me fallait bien remplir puisque tant d’autres plus dignes et plus compétents que moi ne s’en sont pas acquittés.

C’est de mon indignité que résultent les défauts de ce Mémoire, et de mon incapacité ses lacunes et ses faiblesses. Il y avait cent fois plus à dire ; j’ai dû choisir parmi vos paroles et vos gestes, parfois sans assez de discernement. Une œuvre complète aurait demandé des connaissances et des forces que je n’ai pas. Un esprit rompu aux disciplines théologiques aurait mieux indiqué les exactes contradictions de ce qui Vous était reproché, avec la doctrine et les traditions sacrées de l’Église. Je n’ai pas osé rédiger ce LIBELLE D’ACCUSATION, comme tant de personnes dignes et compétentes me le demandaient, sous la forme d’un SYLLABUS des erreurs dogmatiques et morales de cette décennie postconciliaire...

... Cela reste à faire.

D’autre part, je suis ennuyé de mon ton, de mon style, que je ne maîtrise pas. C’est un trait regrettable de ma mauvaise nature de ne pas entièrement contenir mes émotions et mouvements intérieurs, de ne pas en contrôler parfaitement l’expression. Ah ! Pour mon style, pour mes vivacités de langage, pour mes écarts de plume, je suis certes répréhensible et je le sens vivement.

Je pense à cet Oza dont le Livre de Samuel rapporte qu’ « il étendit la main vers l’arche de Dieu et la retint, car l’attelage la faisait verser. Alors la colère de Yahweh s’enflamma contre Oza sur place. Dieu le frappa pour cette faute et il mourut là, à côté de l’arche de Dieu » [356] . Comment ne craindrais-je pas, moi qui ai porté la main sur l’Arche Sainte de l’Église pour l’empêcher de verser et me suis dressé contre son Chef qui la conduisait aux abîmes !

Quelles qu’en soient les imperfections, dussé-je en être douloureusement purifié par Dieu et repris par mes frères, je ne me repens pas de l’œuvre essentielle. Car je voudrais être anathème pour mon Frère dans la foi, le Pape Paul VI ! Je donnerais volontiers et ma vie et mon salut pour son amendement et sa conversion, Lui dont dépend le sort temporel et éternel de milliards d’êtres humains rachetés par le Sang du Christ, mes frères.

Non, je ne regrette rien. Beaucoup de sages selon la chair m’avaient répété ce mot qui justifiait leur inertie, leur obéissance à tous vos ordres, leur soumission inconditionnelle à toutes vos idées : « Je préfère avoir tort avec le Pape qu’avoir raison contre Lui ». J’en étais impressionné et j’ai commencé ce travail dans la douleur et l’angoisse d’avoir « raison contre le Pape ». De fait, qu’y a-t-il de plus tragique pour un catholique, de plus crucifiant pour un prêtre élevé dans l’admiration de Rome et la vénération du Souverain Pontife, que d’en venir — et non dans des matières secondaires — à ne plus être pour Lui mais contre Lui !

Cependant, très vite, c’est l’autre opposition qui a prévalu dans mon esprit : avoir raison ou avoir tort. On ne peut pas se résoudre à « avoir tort », et encore moins s’en réjouir, fût-ce pour rester fidèle au Pape, car avoir tort délibérément, consciemment, c’est abandonner et renier la douce Vérité de Dieu et sortir de sa contemplation pour embrasser l’erreur de Satan ! Au contraire, me séparant de vos nouveautés et les dénonçant comme des altérations de la doctrine divine de l’Église, je me suis senti de plus en plus vivement saisi par la Vérité, je l’ai embrassée avec transports et ma joie de la goûter était si grande que j’en ai oublié la peine que j’avais d’y être contre Vous. « Avoir raison », c’est bel et bon, et heureux, et saint !

Ah ! quel mal produisent dans le clergé ces maximes faciles qui n’ont pas le sérieux qu’on leur donne. Dites sous un mode ironique à l’intention des novateurs et des rebelles, trop enclins à croire qu’ils ont raison contre le Pape et contre l’Église, et contre Dieu ! les voilà employées dans les débats si graves de notre temps pour retenir toute l’Église, rendue indifférente à la raison et à la déraison, dans la soumission d’aveugles volontaires à un Pape rebelle et novateur !

Très Saint Père,

Ainsi soutenu mystérieusement dans la contemplation de la douce et suave Vérité de Dieu, tandis que je dresse la liste écrasante de vos erreurs, déchirures et scandales, ainsi réjoui de la béatitude que donne cette union de foi au Mystère divin, je Vous demande en grâce d’accepter l’expression de ma compassion et l’exhortation que j’ose Vous adresser, prosterné à Vos pieds, d’avoir pitié de votre âme, d’avoir souci de l’Église Sainte et de songer à l’Honneur de Dieu.

TRÈS SAINT PÈRE, AYEZ PITIÉ DE VOTRE ÂME !

Je n’ai pu comme habiter votre esprit jour et nuit pendant tout ce temps, inventorier vos pensées, sonder vos sentiments et vos intentions, recenser vos décisions, sans constater l’immense ravage opéré en Vous par les doctrines nouvelles de l’hérésie. Je Vous ai vu seul, dressé contre tous vos Prédécesseurs, retranché de l’Église nonobstant l’illusoire unanimité des applaudissements mondains qui se font sur votre passage, en rupture avec tous les Saints et les multitudes des fidèles de notre grand passé catholique.

J’ai dû mesurer la profondeur, la largeur, la hauteur de ce GRAND DESSEIN qui s’oppose en Vous diamétralement à la foi de l’Église. Je le comparais spontanément à celui de Votre Prédécesseur, SAINT PIE X : « Le triomphe de Dieu sur les individus et la société entière, n’est pas autre chose que le retour des égarés à Dieu par le Christ et au Christ par son Église : tel est notre programme » [357] . Le Vôtre est, à l’opposé, de conduire l’Église Catholique à un néo-christianisme plus large et indistinct, faire sombrer ce christianisme dans un œcuménisme universel dont la Charte sera la foi en l’Homme, le culte de l’Homme qui se fait Dieu, pour enfin mettre cet Humanisme déiste au service des constructeurs de la Tour de Babel moderne. Comment Rome se ferait-elle la Grande Babylone, la prostituée de l’Apocalypse !

La découverte de cette profonde altération de votre esprit m’a épouvanté. Je me suis demandé quelle puissance maudite avait influence sur Vous et j’ai craint pour votre salut éternel. J’ose l’écrire, Très Saint Père, moi qui suis misérable pécheur parmi les pécheurs, j’éprouve un grand tourment pour Vous à la pensée du Jugement de Dieu, si proche, inexorable, et je Vous supplie : Ayez pitié de votre âme.

Je le fais avec l’espérance d’être entendu. Car en d’autres discours et en d’autres moments que ceux pour lesquels je Vous accuse, Vous avez fait paraître l’angoisse de votre insuffisance et de votre indignité [358] . Et je ne puis oublier l’étrange confidence que Vous fîtes aux pèlerins du mercredi 12 avril 1967 :

« Voici le phénomène étrange qui se produit en Nous en voulant vous réconforter, se communique en Nous, en un certain sens, le sentiment de votre danger, auquel Nous voudrions porter remède. Et, conscient de Notre insuffisance, Nous pensons aux faiblesses de Simon, fils de Jean, appelé à devenir Pierre par la volonté du Christ... le doute... la crainte... la tentation de plier sa foi à la mentalité moderne... l’enthousiasme irréfléchi » [359] . Souvent une certaine détresse se manifeste dans vos paroles qui ne peut qu’exciter notre ardeur à prier pour Votre Sainteté et... l’encourager à briser avec ce qui l’entraîne, pour renouer avec le Christ et... « confirmer ses frères » !

Vous rappeliez, le Mercredi des cendres dernier, les fins dernières de l’homme : « La vie éternelle... ou la damnation éternelle » ; et aussitôt Vous marquiez le caractère terrifiant d’une telle issue. « Il y a de quoi frémir », disiez-Vous [360] . Oui, cette pensée a de quoi faire frémir ceux qui luttent contre Dieu. Cette pensée est assurément terrifiante. Terrifiante pour les hérétiques, terrifiante pour les schismatiques, terrifiante pour les scandaleux. Je ne puis avoir remarqué en Vous ce triple reniement sans Vous dire avec tout l’amour de mon cœur : Très Saint Père, ayez pitié de votre éternité !

TRÈS SAINT PÈRE, AYEZ SOUCI DE L’ÉGLISE !

Cette Église qui Vous a été confiée et dont il Vous sera demandé un compte rigoureux, dépérit sous votre action novatrice, réformatrice, perturbante, exténuante. Vous-même le savez, Vous en avez évoqué les maux en termes saisissants le 7 décembre 1968. C’était le troisième anniversaire de votre proclamation du « Culte de l’Homme ». Comment n’avez-Vous pas reconnu dans tant de ruines le résultat trop sûr et certain de votre erreur ?

« L’Église se trouve en une heure d’inquiétude, d’autocritique, on dirait même d’autodestruction. C’est comme un bouleversement intérieur, aigu et complexe, auquel personne ne se serait attendu après le Concile (Ah ! là, Vous vous trompez et Vous trompez le monde, car nous nous y attendions très certainement, nous le disions et nous l’écrivions, au point que l’autorité ecclésiastique avec Votre consentement nous a fermé la bouche par ses sanctions infamantes). On pensait à une floraison, à une expansion saine des conceptions mûries dans les grandes assises du Concile. Cet aspect existe également mais... on en vient à remarquer surtout l’aspect douloureux. Comme si l’Église se frappait elle-même » [361] .

Et le 29 juin 1972, votre jugement sur tout ce qui se passe dans l’Église est plus noir encore, noir d’encre. Il a saisi d’effroi tous ceux qui ne savaient pas, à qui on cachait la grande pitié de l’Église en état de Concile et de Réforme :

« Par quelque fissure est entrée la fumée de Satan dans le temple de Dieu : le doute, l’incertitude, la problématique, l’inquiétude, l’insatisfaction, l’affrontement se sont fait jour. On ne se fie plus à l’Église, on se fie au premier prophète profane qui vient à nous parler de la tribune d’un journal ou d’un mouvement social et on court après lui pour lui demander s’il possède la formule de la vraie vie, sans penser que nous la possédons déjà. Le doute est entré dans nos consciences, et il est entré par des fenêtres qui devaient être ouvertes à la lumière...

« Dans l’Église même règne cet état d’incertitude. Nous aurions cru que le lendemain du Concile serait un jour de soleil pour l’Église. Mais au lieu de soleil, nous avons eu les nuages, la tempête, les ténèbres, la recherche, l’incertitude. Nous prêchons l’œcuménisme, et nous nous séparons toujours davantage les uns des autres. Nous cherchons à creuser de nouveaux abîmes au lieu de les combler.

« Que s’est-il passé ? Nous vous confions notre pensée : une puissance adverse est intervenue, le diable, cet être mystérieux auquel Saint Pierre fait allusion dans sa Lettre. Combien de fois dans l’Évangile le Christ ne nous parle-t-il pas de cet ennemi des hommes ! Ce quelque chose de surnaturel (correction postérieure : “ préternaturel ”) est venu dans le monde précisément pour gâter et dessécher les fruits du Concile œcuménique et empêcher que l’Église éclate en hymnes de joie pour avoir redécouvert la conscience d’elle-même (? !) » [362] .

Le diable contre le Concile ? N’est-il pas plutôt pour ? N’y est-il pas entré pour y régner ? Toujours est-il que c’est effrayant. Que ferez-Vous donc pour sauver l’Église de Dieu de l’emprise de Satan dont Vous constatez l’œuvre destructrice ?

Certes, Vous manifestez un certain désir d’aider, de confirmer vos frères dans la foi : « C’est pourquoi Nous voudrions être capable, plus que jamais, d’exercer la fonction que Dieu a donnée à Pierre : tu dois confirmer tes frères dans la foi. Nous voudrions vous donner ce charisme de la certitude que Dieu a donné à celui qui le représente sur cette terre, quelle que soit son indignité » [363] . Mais en regard de la puissance de Satan, de l’étendue du mal, du tragique de la situation, combien nous paraît pauvre, insuffisante, insignifiante cette velléité d’action !

Nous osons donc Vous exhorter à Vous soucier de l’Église ! Si votre propre salut Vous est indifférent, ayez du moins quelque égard pour le salut de la multitude et gouvernez courageusement votre peuple !

À certaines de vos réflexions, il a semblé que Vous songiez à Vous retirer. Je n’y ai pas attaché d’importance mais d’autres s’en sont trouvés ébranlés : « C’est le Seigneur qui a créé l’Église, ce n’est pas nous. Il n’est ni facile ni agréable d’avoir certaines responsabilités. Mais Jésus a déclaré : tu seras l’apôtre. Sur toi je fonderai mon Église... Il serait bon d’éloigner de nous cette responsabilité. Mais je ne le veux pas. Et vous qui êtes là, ne pouvez-vous pas montrer au moins votre compréhension et votre affection pour ceux qui, dans l’Église, ont des fonctions hiérarchiques : c’est-à-dire ceux qui ont la charge du ministère ? » [364] .

Certes, nous comprenons la lourdeur de la charge, « le poids des clefs de Saint Pierre », et « la couronne d’épines » que sont pour le Pape tant de désertions et de tristes événements devenus le pain d’amertume de l’Église, le sien et le nôtre. Mais nous revient à l’esprit le mot de saint Pie X ([365]), si encourageant, si noble, si fort : « FAITES VOTRE DEVOIR ET TOUT IRA BIEN ». Très Saint Père, n’avez-Vous pas jeté Vous-même de plein gré, à plaisir, avec passion, la barque de Saint Pierre dans la tempête ? Et Vous vous plaignez maintenant ! Plaignez plutôt l’Église.

Et d’autant plus que, dans cette conjoncture angoissante, voilà que Vous lâchez le gouvernail et que Vous abandonnez à Dieu le soin de sauver l’Église ainsi aventurée par Vous seul.

Déjà le 7 décembre 1968 : « Il y en a tellement qui attendent du Pape des gestes retentissants, des interventions décisives et énergiques. Le Pape n’estime pas devoir suivre d’autre ligne que celle de la confiance en Jésus-Christ, qui aime son Église plus que quiconque. Ce sera lui qui calmera la tempête. Combien de fois Jésus n’a-t-il pas dit : Ayez confiance en Dieu, croyez aussi en moi ! Le Pape sera le premier à suivre ce commandement du Seigneur et à s’abandonner sans inquiétude et sans angoisse inopportune à l’action mystérieuse de l’invisible mais très certaine assistance que Jésus assure à son Église » [366] .

Le raisonnement est faux. Trois ans plus tôt, quand il s’agissait de tout mettre sens dessus dessous, de tout réformer, changer, modifier, c’est Vous qui le faisiez, c’est Vous qui gouverniez et qui imposiez vos idées, créant toutes les conditions de cette horrible tempête où voilà l’Église. Et maintenant Vous prétendez Vous croiser les bras, lâcher le gouvernail que Dieu a mis entre vos mains et que Vous teniez si bien pour nous mener à cette catastrophe ? Et Vous laissez à Jésus le soin de Vous sauver par miracle ! « Aide-toi, le Ciel t’aidera ». Voyez plutôt Saint Paul dans la tempête, comme il mène son monde, promettant à tous la vie sauve, à condition d’y travailler de toute leur énergie ! [367] 

De nouveau, le 21 juin 1972, Vous répétez cette fausse doctrine qui Vous ôterait le souci de gouverner l’Église et toute responsabilité pour les remettre à d’autres, à Satan pour le mal que Vous nous avez fait, et au Christ pour le salut qu’il nous faut :

« Dans certaines de nos Notes personnelles, Nous trouvons ce propos : “ Peut-être le Seigneur m’a-t-il appelé à ce service non pas parce que j’y avais quelque aptitude, non pas pour que je gouverne l’Église et la sauve de ses difficultés présentes, mais pour que je souffre quelque chose pour l’Église et pour qu’il apparaisse clairement que c’est Lui, et non un autre, qui la guide et qui la sauve ”. Nous vous confions ce sentiment, non certes pour faire un acte public — et donc vaniteux — d’humilité, mais pour qu’à vous aussi il soit donné de jouir de la tranquillité que Nous éprouvons Nous-même en pensant que ce n’est pas notre main faible et inexperte qui est à la barre de la barque de Pierre mais bien la main invisible du Seigneur Jésus, sa main forte et aimante » [368] .

Ah ! que ce langage est faux, hypocrite et pernicieux ! En réalité, le Seigneur ne vous avait pas appelé à perdre l’Église par votre Réforme et Vous n’auriez pas à la sauver maintenant si Vous l’aviez seulement gouvernée selon la juste et saine tradition de Vos Prédécesseurs. Mais, maintenant, ne lâchez pas la barre pour abandonner la barque à la fureur des flots ! C’est tenter Dieu que d’appeler le miracle quand il faudrait s’humilier, corriger sa faute et faire chacun l’œuvre du salut qui est de son devoir. C’est Vous et non le Christ qui avez voulu et mené cette Réforme criminelle. C’est à Vous, non au Seigneur, de vouloir et de faire maintenant la Contre-Réforme Catholique.

Si Vous ne voulez ou ne pouvez la faire, Très Saint Père, cédez votre place à un autre mais ne continuez pas davantage à retenir un honneur dont Vous ne remplissez pas la charge et à réclamer de votre peuple, une confiance, une obéissance, une sécurité que Vous ne méritez plus.

TRÈS SAINT PÈRE, SONGEZ À L’HONNEUR DE NOTRE DIEU

NOTRE PÈRE DU CIEL, dont Vous êtes comme l’image et le lieutenant sur la terre en lieu et place de son Fils Bien-aimé, pour enseigner, paître et gouverner en son Nom tout le peuple qu’il s’est choisi, Dieu, qui Vous comble des lumières et des énergies de son Esprit-Saint, Vous instituant Chef du Corps Mystique dont il est l’âme et Vous comblant de grâces comme son instrument excellent de sanctification universelle, Dieu a remis entre vos mains son Honneur et sa fortune...

Vous êtes le chaînon vivant de cette immortelle chaîne et succession des Pontifes Romains sans lesquels il n’y aurait rien et par qui tout bien nous est donné et conservé. En cette position, pensez à la gloire du Père Céleste et ne regimbez plus contre les exigences de son dessein, mille et mille fois plus sage, plus admirable, plus efficace que le Vôtre, dérisoire !

QUE SON NOM SOIT SANCTIFIÉ, glorifié, par votre ministère ! Cessez donc de glorifier, de louer, d’exalter l’homme — l’homme qui se fait Dieu — dans toutes les créations de son orgueil dont Vous voyez bien le néant, de la place élevée où Vous êtes ! Pensez aux milliards d’êtres humains qui attendent, gisant dans les ténèbres et l’ombre de la mort, la révélation du Nom divin. Et réjouissez-Vous à la pensée du dessein de notre Dieu d’introduire tous ces hommes dans la connaissance de sa Sainteté et de sa Gloire ! Ô merveilleuse vision de foi que celle d’une humanité entière clamant, d’un pôle du monde à l’autre, la première demande de notre Pater : Sanctificetur Nomen tuum.

Cessez de nous prêcher le culte de l’homme pour nous exhorter enfin à Sanctifier le Nom de notre Père du Ciel.

QUE SON RÈGNE ARRIVE, servi par votre zèle infatigable. Qu’est-ce que l’ONU, l’UNESCO et toutes ces autres institutions internationales, en comparaison de son Règne, de son Église, « la seule internationale qui tienne, et il n’y en a point d’autre », disait Charles Maurras en 1917 [369] , penseur politique que Vous n’aimez guère, mais qui, disant cela, parlait bien ! Vous vous tuez à bâtir des châteaux de sable quand la même activité mise au service paisible et ordonné de l’Église lui procurerait aujourd’hui, du fait de l’attente et du malheur des hommes, de merveilleux accroissements ! Comment Manhattan peut-il exercer sur le Romain que Vous êtes une telle séduction ! Rome n’est-elle pas la Ville par excellence, source de toute grâce divine et de civilisation humaine universelle ? Comment admirez-Vous les foules idolâtres de Bombay plus que le peuple du catholique Portugal chantant son inoubliable Cantique de Fatima : AVE, AVE, AVE MARIA ? La sainteté n’est-elle pas toute dispensée par Marie, Vierge, Mère et Reine de la Chrétienté ?

Je prie pour que Vous soyez enfin saisi par la vue splendide de l’Église des siècles et que Vous vous exclamiez, à l’encontre même de vos discours préparés et de vos antipathies : « Que tes tentes sont belles, ô Jacob, et tes demeures, Israël ! » [370]  Que la « bienheureuse vision de Paix » d’une humanité rassemblée d’Orient et d’Occident, selon les prophéties d’Isaïe, dans l’Unique Église Vous donne enfin le courage des décisions héroïques d’une très nécessaire Contre-Réforme.

Laissez tomber les rêves d’une politique universelle sans Christ et sans Dieu, pour Vous occuper de votre seule Église, l’Église du Christ, en priant : Adveniat Regnum tuum.

QUE SA VOLONTÉ SOIT FAITE, SUR LA TERRE COMME AU CIEL. Voyez ce qu’ont fait en dix ans les volontés des hommes appelés par Vous à la Liberté ! Voyez ce que devient la terre depuis qu’elle est gouvernée par Liberté, Égalité, Fraternité, Grands Principes de 1789 substitués à la Loi de notre Dieu ! Non, il en coûte trop cher, en sueurs, en larmes, en sang douloureusement versé, de soumettre la terre à la Charte des Droits de l’Homme. Cessez donc d’exalter cette Loi de Satan, revenez à l’humble et fidèle observation et prédication des Commandements de Dieu et de l’Église.

Dieu, qui est « lent à la colère et riche en miséricorde » [371] , aura vite et facile de repousser dans les fins fonds de la Sibérie et de la Mongolie les hordes communistes, « verges de sa colère » [372] , instruments aveugles de ses châtiments. De nouveau, il dispensera aux peuples sa grâce abondante, à Votre prière, pour les détourner des faux humanismes et du culte idolâtrique que le monde moderne se rend à lui-même. Dieu pardonne. Dieu aidera, à condition que Rome revienne au culte de sa Loi, de sa Loi naturelle et de sa Loi révélée, mosaïque et évangélique. Soyez le Législateur et le Juge fidèle qui se complaît dans l’Honneur de Dieu, qui a soin de défendre les Droits de Dieu et de faire appliquer sur la terre sa Souveraine Volonté. À ceux qui cherchent le Royaume de Dieu et sa justice, le reste sera donné par surcroît.

Retournez à Fatima, Très Saint Père ! Dites avec l’immense foule unanime : Fiat voluntas tua sicut in cœlo et in terra, et, réalisant fidèlement toutes les demandes de Marie, Vous obtiendrez le don miraculeux de la Paix.

De toute manière et quoi que nous fassions, Très Saint Père, l’Avenir est à Dieu, Notre Père. L’avenir est au Christ, Fils de Dieu Sauveur, et à nul autre roi, messie ni seigneur de ce monde. Déjà « le Prince de ce monde est jeté dehors » [373] . L’avenir est à l’Église, Unique et Sainte, catholique, apostolique et romaine. Jamais aucun MASDU DE SATAN ne tiendra contre Elle.

Alors pour moi je suis heureux et confiant, dans mon néant, maintenant que j’ai accompli cette œuvre que je devais faire. J’ai dit, naguère, une parole que je ne regrette pas et que je réitère même : que Dieu me punisse si je me trompe et trompe ceux qui me suivent ; qu’Il me frappe de mort violente si je ne sers pas la vérité mais le mensonge [374] . Il y a dans l’histoire certains moments exceptionnels où les ténèbres se font si épaisses que l’appel, autrefois appelé ordalie, au Jugement de Dieu même, dans la défaillance des juges humains, s’impose à celui qui a la foi.

Mais Vous, Très Saint Père, maintenant que Vous avez en mains ce LIBELLE D’ACCUSATION, Vous ne serez plus en règle avec l’Église ni avec le Christ que Vous n’ayez jugé infailliblement de l’erreur et de la vérité en cette division et ce scandale qui ravagent votre Église. J’ai peine à être le porteur de cette sommation, divine et humaine, de faire votre devoir. Mais la charité seule a guidé mon courage. Car Vous n’aurez de repos ni en ce monde ni en l’Autre si Vous ne revenez de dix ans — et peut-être pour Vous-Même de cinquante ans — d’hérésie, de schisme et de scandale maintenant dénoncés publiquement devant Votre Tribunal et contre VOUS.

Si Vous daignez enfin nous manifester quelque union plus profonde et le lien de la charité catholique, Très Saint Père, accordez-nous cette grâce de réciter avec nous, maintenant, trois Pater et trois Ave à Vos intentions, aux intentions du Souverain Pontife telles qu’elles ont toujours été formulées et que je les trouve dans Le Manuel de Prière d’Ars, édition de 1844 : « Prions pour les intentions du Souverain Pontife : pour la propagation de la foi, l’exaltation de la Sainte Église, l’extirpation des hérésies et la paix entre les princes chrétiens ». Ces intentions sont vraiment nôtres, Très Saint Père, et elles doivent être les Vôtres...

Pater, Ave.

Et daigne Votre Sainteté, dans toute la puissance légitime de son Souverain Sacerdoce, implorer sur nous les lumières et les grâces de Dieu, bénir les membres dévoués de la Ligue de Contre-Réforme Catholique et le dernier d’entre eux,

Votre très humble serviteur et fils

Georges de Nantes

En ces jours du vingt-cinquième anniversaire de mon Ordination Sacerdotale et de ma Première Messe, de notre Maison Saint-Joseph, les 27 et 28 mars 1973, à Saint-Parres-lès-Vaudes, France.

 


ANNEXE I : LA LETTRE SUR LE SILLON DE SAINT PIE X

Ce texte magistral de saint Pie X est une critique implacable de l'hérésie progressiste. Le Pape, en condamnant le père de la démocratie chrétienne en France, Marc Sangnier, et son mouvement, le Sillon, condamne définitivement l'utopie d'un monde meilleur fondé sur la démocratie  et rassemblant à égalité les hommes de bonne volonté et de toutes croyances.

Saint Pie X réprouve le principe majeur de la pensée moderne qu'aujourd'hui les papes Paul VI et Jean-Paul II prônent. Or, le saint Pape porte ses condamnations explicitement dans l'immuable, et il a été canonisé d'abord pour la pureté de sa doctrine et sa force d'âme à défendre la Foi catholique. Donc, en adhérant à toutes les vérités défendues par saint Pie X, l'abbé de Nantes est convaincu de la légitimité de son opposition à Paul VI et à Jean-Paul II, puisque leur utopie politico-religieuse est déjà ainsi condamnée.

LETTRE SUR LE « SILLON »

PIE X, PAPE

Vénérables Frères. Salut et Bénédiction apostolique.

1. Notre charge apostolique nous fait un devoir de veiller à la pureté de la foi et à l'intégrité de la discipline catholique, de préserver les fidèles des dangers de l'erreur et du mal, surtout quand l'erreur et le mal leur sont présentés dans un langage entraînant, qui, voilant le vague des idées et l'équivoque des expressions sous l'ardeur du sentiment et la sonorité des mots, peut enflammer les cœurs pour des causes séduisantes mais funestes. Telles ont été naguère les doctrines des prétendus philosophes du XVIIIe siècle, celles de la Révolution et du libéralisme tant de fois condamnées ; telles sont encore aujourd'hui les théories du Sillon, qui, sous leurs apparences brillantes et généreuses, manquent trop souvent de clarté, de logique et de vérité, et, sous ce rapport, ne relèvent pas du génie catholique et français.

2. Nous avons hésité longtemps, vénérables Frères, à dire publiquement et solennellement notre pensée sur le Sillon. Il a fallu que vos préoccupations vinssent s'ajouter aux Nôtres pour Nous décider à le faire. Car Nous aimons la vaillante jeunesse enrôlée sous le drapeau du Sillon, et Nous la croyons digne, à bien des égards, d'éloge et d'admiration. Nous aimons ses chefs, en qui Nous Nous plaisons à reconnaître des âmes élevées, supérieures aux passions vulgaires et animées du plus noble enthousiasme pour le bien. Vous les avez vus, vénérables Frères, pénétrés d'un sentiment très vif de la fraternité humaine, aller au-devant de ceux qui travaillent et qui souffrent pour les relever, soutenus dans leur dévouement par leur amour pour Jésus-Christ et la pratique exemplaire de la religion.

3. C'était au lendemain de la mémorable Encyclique de Notre prédécesseur, d'heureuse mémoire, Léon XIII, sur la condition des ouvriers. L'Église, par la bouche de son Chef suprême, avait déversé sur les humbles et les petits toutes les tendresses de son cœur maternel, et semblait appeler de ses vœux des champions toujours plus nombreux de la restauration, de l'ordre et de la justice dans notre société troublée. Les fondateurs du Sillon ne venaient-ils pas, au moment opportun, mettre à son service des troupes jeunes et croyantes pour la réalisation de ses désirs et de ses espérances ? Et, de fait, le Sillon éleva parmi les classes ouvrières l'étendard de Jésus-Christ, le signe du salut pour les individus et les nations, alimentant son activité sociale aux sources de la grâce, imposant le respect de la religion aux milieux les moins favorables, habituant les ignorants et les impies à entendre parler de Dieu, et souvent, dans des conférences contradictoires, en face d'un auditoire hostile, surgissant, éveillé par une question ou un sarcasme, pour crier hautement sa foi. C'étaient les beaux temps du Sillon ; c'est son beau côté qui explique les encouragements et les approbations que ne lui ont pas ménagés l'épiscopat et le Saint-Siège, tant que cette ferveur religieuse a pu voiler le vrai caractère du mouvement sillonniste.

4. Car, il faut le dire, vénérables Frères, nos espérances ont été, en grande partie, trompées. Un jour vint où le Sillon accusa, pour les yeux des clairvoyants, des tendances inquiétantes. Le Sillon s'égarait. Pouvait-il en être autrement ? Ses fondateurs, jeunes, enthousiastes et pleins de confiance en eux-mêmes, n'étaient pas suffisamment armés de science historique, de saine philosophie et de forte théologie pour affronter sans péril les difficiles problèmes sociaux vers lesquels ils étaient entrainés par leur activité et leur cœur, et pour se prémunir, sur le terrain de la doctrine et de l'obéissance, contre les infiltrations libérales et protestantes.

5. Les conseils ne leur ont pas manqué, les admonestations vinrent après les conseils ; mais nous avons eu la douleur de voir et les avis et les reproches glisser sur leurs âmes fuyantes et demeurer sans résultat. Les choses en sont venues à ce point que Nous trahirions notre devoir si nous gardions plus longtemps le silence. Nous devons la vérité à nos chers enfants du Sillon, qu'une ardeur généreuse a emportés dans une voie aussi fausse que dangereuse. Nous le devons à un grand nombre de séminaristes et de prêtres que le Sillon a soustraits sinon à l'autorité, au moins à la direction et à l'influence de leurs évêques. Nous la devons, enfin, à l'Église, où le Sillon sème la division et dont il compromet les intérêts.

6. En premier lieu, il convient de relever sévèrement la prétention du Sillon d'échapper à la direction de l'autorité ecclésiastique. Les chefs du Sillon, en effet, allèguent qu'ils évoluent sur un terrain qui n'est pas celui de l'Église ; qu'ils ne poursuivent que des intérêts de l'ordre temporel et non de l'ordre spirituel ; que le sillonniste est tout simplement un catholique voué à la cause des classes laborieuses, aux œuvres démocratiques, et puisant dans les pratiques de sa foi l'énergie de son dévouement ; que, ni plus ni moins que les artisans, les laboureurs, les économistes et les politiciens catholiques, il demeure soumis aux règles de la morale communes à tous, sans relever, ni plus ni moins qu'eux, d'une façon spéciale, de l'autorité ecclésiastique.

7. La réponse à ces subterfuges n'est que trop facile. À qui fera-t-on croire, en effet, que les sillonnistes catholiques, que les prêtres et les séminaristes enrôlés dans leurs rangs n'ont en vus, dans leur activité sociale, que les intérêts temporels des classes ouvrières ? Ce serait, pensons-Nous, leur faire injure que de le soutenir. La vérité est que les chefs du Sillon se proclament des idéalistes irréductibles, qu'ils prétendent relever les classes laborieuses en relevant d'abord la conscience humaine, qu'ils ont une doctrine sociale et des principes philosophiques et religieux pour construire la société sur un plan nouveau, qu'ils ont une conception spéciale de la dignité humaine, de la liberté, de la justice et de la fraternité, et que, pour justifier leurs rêves sociaux, ils en appellent à l'Évangile, interprété à leur manière, et, ce qui est plus grave encore, à un Christ défiguré et diminué. De plus, ces idées, ils les enseignent dans leurs cercles d'études, ils les inculquent à leurs camarades, ils les font passer dans leurs œuvres. Ils sont donc vraiment professeurs de morale sociale, civique et religieuse, et, quelques modifications qu'ils puissent introduire dans l'organisation du mouvement sillonniste, Nous avons le droit de dire que le but du Sillon, son caractère, son action ressortissent au domaine moral, qui est le domaine propre de l'Église, et que, en conséquence, les sillonnistes se font illusion lorsqu'ils croient évoluer sur un terrain aux confins duquel expirent les droits du pouvoir doctrinal et directif de l'autorité ecclésiastique.

8. Si leurs doctrines étaient exemptes d'erreur, c'eût déjà été un manquement très grave à la discipline catholique que de se soustraire obstinément à la direction de ceux qui ont reçu du ciel la mission de guider les individus et les sociétés dans le droit chemin de la vérité et du bien. Mais le mal est plus profond, Nous l'avons déjà dit : le Sillon, emporté par un amour mal entendu des faibles, a glissé dans l'erreur.

9. En effet, le Sillon se propose le relèvement et la régénération des classes ouvrières. Or, sur cette matière, les principes de la doctrine catholique sont fixés, et l'histoire de la civilisation chrétienne est là pour en attester la bienfaisante fécondité. Notre prédécesseur, d'heureuse mémoire, les a rappelés dans des pages magistrales, que les catholiques occupés de questions sociales doivent étudier et toujours garder sous les yeux. Il a enseigné notamment que la démocratie chrétienne doit « maintenir la diversité des classes, qui est assurément le propre de la cité bien constituée, et vouloir pour la société humaine la forme et le caractère que Dieu, son auteur, lui a imprimés ». Il a flétri « une certaine démocratie qui va jusqu'à ce degré de perversité que d'attribuer dans la société la souveraineté au peuple et à poursuivre la suppression et le nivellement des classes ». En même temps Léon XIII imposait aux catholiques un programme d'action, le seul programme capable de replacer et de maintenir la société sur ses bases chrétiennes séculaires. Or, qu'ont fait les chefs du Sillon ? Non seulement ils ont adopté un programme et un enseignement différents de ceux de Léon XIII (ce qui serait déjà singulièrement audacieux de la part de laïques se posant ainsi, concurremment avec le Souverain Pontife, en directeurs de l'activité sociale dans l'Église) ; mais ils ont ouvertement rejeté le programme tracé par Léon XIII, et en ont adopté un diamétralement opposé ; de plus, ils repoussent la doctrine rappelée par Léon XIII sur les principes essentiels de la société, placent l'autorité dans le peuple ou la suppriment à peu près et prennent comme idéal à réaliser le nivellement des classes. Ils vont donc, au rebours de la doctrine catholique, vers un idéal condamné.

10. Nous savons bien qu'ils se flattent de relever la dignité humaine et la condition trop méprisée des classes laborieuses, de rendre justes et parfaites les lois du travail et les relations entre le capital et les salariés, enfin de faire régner sur terre une meilleure justice et plus de charité, et, par des mouvements sociaux profonds et féconds, de promouvoir dans l'humanité un progrès inattendu. Et certes, Nous ne blâmons pas ces efforts, qui seraient de tous points excellents si les sillonnistes n'oubliaient pas que le progrès d'un être consiste à fortifier ses facultés naturelles par des énergies nouvelles et à faciliter le jeu de leur activité dans le cadre et conformément aux lois de sa constitution, et que, au contraire, en blessant ses organes essentiels, en brisant le cadre de leur activité, on pousse l'être non pas vers le progrès, mais vers la mort. C'est cependant ce qu'ils veulent faire de la société humaine ; c'est leur rêve de changer ses bases naturelles et traditionnelles et de promettre une cité future édifiée sur d'autres principes, qu'ils osent déclarer plus féconds, plus bienfaisants, que les principes sur lesquels repose la cité chrétienne actuelle.

11. Non, vénérables Frères il faut le rappeler énergiquement dans ces temps d'anarchie sociale et intellectuelle, où chacun se pose en docteur et législateur on ne bâtira pas la cité autrement que Dieu ne l'a bâtie ; on n'édifiera pas la société, si l'Église n'en jette les bases et ne dirige les travaux ; non, la civilisation n'est plus à inventer ni la cité nouvelle à bâtir dans les nuées. Elle a été, elle est ; c'est la civilisation chrétienne, c'est la cité catholique. Il ne s'agit que de l'instaurer et la restaurer sans cesse sur ses fondements naturels et divins contre les attaques toujours renaissantes de l'utopie malsaine, de la révolte et de l'impiété : omnia instaurare in Christo.

12. Et pour qu'on ne Nous accuse pas de juger trop sommairement et avec une rigueur non justifiée les théories sociales du Sillon, Nous voulons en rappeler les points essentiels.

13. Le Sillon a le noble souci de la dignité humaine. Mais, cette dignité, il la comprend à la manière de certains philosophes dont l'Église est loin d'avoir à se louer. Le premier élément de cette dignité est la liberté, entendue en ce sens que, sauf en matière de religion, chaque homme est autonome. De ce principe fondamental il tire les conclusions suivantes : Aujourd'hui, le peuple est en tutelle sous une autorité distincte de lui, il doit s'en affranchir : émancipation politique. Il est sous la dépendance de patrons qui, détenant ses instruments de travail, l'exploitent, l'oppriment et l'abaissent ; il doit secouer leur joug : émancipation économique. Il est dominé enfin par une caste appelée dirigeante, à qui son développement intellectuel assure une prépondérance indue dans la direction des affaires ; il doit se soustraire à sa domination : émancipation intellectuelle. Le nivellement des conditions à ce triple point de vue établira parmi les hommes l'égalité, et cette égalité est la vraie justice humaine. Une organisation politique et sociale fondée sur cette double base, la liberté et l'égalité (auxquelles viendra bientôt s'ajouter la fraternité), voilà ce qu'ils appellent Démocratie.

14. Néanmoins, la liberté et l'égalité n'en constituent que le côté, pour ainsi dire, négatif. Ce qui fait proprement et positivement la Démocratie, c'est la participation la plus grande possible de chacun au gouvernement de la chose publique. Et cela comprend un triple élément, politique, économique et moral.

15. D'abord, en politique, le Sillon n'abolit pas l'autorité ; il l'estime, au contraire, nécessaire ; mais il veut la partager, ou, pour mieux dire, la multiplier de telle façon que chaque citoyen deviendra une sorte de roi. L'autorité, il est vrai, émane de Dieu, mais elle réside primordialement dans le peuple et s'en dégage par voie d'élection ou, mieux encore, de sélection, sans pour cela quitter le peuple et devenir indépendante de lui ; elle sera extérieure, mais en apparence seulement ; en réalité, elle sera intérieure, parce que ce sera une autorité consentie.

16. Proportions gardées, il en sera de même dans l'ordre économique. Soustrait à une classe particulière, le patronat sera si bien multiplié que chaque ouvrier deviendra une sorte de patron. La forme appelée à réaliser cet idéal économique n'est point, affirme-t-on, celle du socialisme, c'est un système de coopératives suffisamment multipliées pour provoquer une concurrence féconde et pour sauvegarder l'indépendance des ouvriers qui ne seront enchaînés à aucune d'entre elles.

17. Voici maintenant l'élément capital, l'élément moral. Comme l'autorité, on l'a vu, est très réduite, il faut une autre force pour la suppléer et pour opposer une réaction permanente à l'égoïsme individuel. Ce nouveau principe, cette force, c'est l'amour de l'intérêt professionnel et de l'intérêt public, c'est-à-dire de la fin même de la profession et de la société. Imaginez une société où, dans l'âme de chacun, avec l'amour inné du bien individuel et du bien familial, régnerait l'amour du bien professionnel et du bien public, où, dans la conscience d'un chacun, ces amours se subordonneraient de telle façon que le bien supérieur primât toujours le bien inférieur ; cette société-là ne pourrait-elle pas à peu près se passer d'autorité et n'offrirait-elle pas l'idéal de la dignité humaine, chaque citoyen ayant une âme de roi, chaque ouvrier une âme de patron ? Arraché à l'étroitesse de ses intérêts privés et élevé jusqu'aux intérêts de sa profession et, plus haut, jusqu'à ceux de la nation entière et, plus haut encore, jusqu'à ceux de l'humanité (car l'horizon du Sillon ne s'arrête pas aux frontières de la patrie, il s'étend à tous les hommes jusqu'aux contins du monde), le cœur humain, élargi par l'amour du bien commun, embrasserait tous les camarades de la même profession, tous les compatriotes, tous les hommes. Et voilà la grandeur et la noblesse humaine idéale réalisée par la célèbre trilogie : Liberté, Égalité, Fraternité.

18. Or, ces trois éléments, politique, économique et moral, sont subordonnés l'un à l'autre, et c'est l'élément moral, nous l'avons dit, qui est le principal. En effet, nulle démocratie politique n'est viable si elle n'a des points d'attache profonds dans la démocratie économique. À leur tour, ni l'une ni l'autre ne sont possibles si elles ne s'enracinent pas dans un état d'esprit où la conscience se trouve investie de responsabilités et d'énergies morales proportionnées. Mais supposez cet état d'esprit, ainsi fait de responsabilité consciente et de forces morales, la démocratie économique s'en dégagera naturellement par traduction en actes de cette conscience et de ces énergies ; et de même, et par la même voie, du régime corporatif sortira la démocratie politique ; et la démocratie politique et économique, celle-ci portant l'autre, se trouveront fixées dans la conscience même du peuple sur des assises inébranlables.

19. Telle est, en résumé, la théorie, on pourrait dire le rêve, du Sillon, et c'est à cela que tend son enseignement et ce qu'il appelle l'éducation démocratique du peuple, c'est-à-dire à porter à son maximum la conscience et la responsabilité civiques de chacun, d'où découlera la démocratie économique et politique, et le règne de la justice, de l'égalité et de la fraternité.

20. Ce rapide exposé, vénérables Frères, vous montre déjà clairement combien Nous avions raison de dire que le Sillon oppose doctrine à doctrine, qu'il bâtit sa cité sur une théorie contraire à la vérité catholique et qu'il fausse les notions essentielles et fondamentales qui règlent les rapports sociaux dans toute société humaine. Cette opposition ressortira davantage encore des considérations suivantes.

21. Le Sillon place primordialement l'autorité publique dans le peuple, de qui elle dérive ensuite aux gouvernants, de telle façon cependant qu'elle continue à résider en lui. Or, Léon XIII a formellement condamné cette doctrine dans son Encyclique Diuturnum illud du Principat politique, où il dit : « Des modernes en grand nombre, marchant sur les traces de ceux qui, au siècle dernier, se donnèrent le nom de philosophes, déclarent que toute puissance vient du peuple ; qu'en conséquence ceux qui exercent le pouvoir dans la société ne l'exercent pas comme une autorité propre, mais comme une autorité à eux déléguée par le peuple et sous la condition qu'elle puisse être révoquée par la volonté du peuple de qui ils la tiennent. Tout au contraire est le sentiment des catholiques, qui font dériver le droit de commander de Dieu, comme de son principe naturel et nécessaire. » Sans doute le Sillon fait descendre de Dieu cette autorité qu'il place d'abord dans le peuple, mais de telle sorte qu'« elle remonte d'en bas pour aller en haut, tandis que, dans l'organisation de l'Église, le pouvoir descend d'en haut pour aller en bas » (Marc Sangnier, Discours de Rouen, 1907). Mais, outre qu'il est anormal que la délégation monte, puisqu'il est de sa nature de descendre, Léon XIII a réfuté par avance cette tentative de conciliation de la doctrine catholique avec l'erreur du philosophisme. Car il poursuit : « Il importe de le remarquer ici : ceux qui président au gouvernement de la chose publique peuvent bien, en certains cas, être élus par la volonté et le jugement de la multitude, sans répugnance ni opposition avec la doctrine catholique. Mais si ce choix désigne le gouvernant, il ne lui confère pas l'autorité de gouverner, il ne délègue pas le pouvoir, il désigne la personne qui en sera investie. »

22. Au reste, si le peuple demeure le détenteur du pouvoir, que devient l'autorité ? Une ombre, un mythe ; il n'y a plus de loi proprement dite, il n'y a plus d'obéissance. Le Sillon l'a reconnu, puisqu'en effet il réclame, au nom de la dignité humaine, la triple émancipation politique, économique et intellectuelle, la cité future à laquelle il travaille n'aura plus de maîtres ni de serviteurs ; les citoyens y seront tous libres, tous camarades, tous rois. Un ordre, un précepte, serait un attentat à la liberté ; la subordination à une supériorité quelconque serait une diminution de l'homme, l'obéissance une déchéance. Est-ce ainsi, Vénérables Frères, que la doctrine traditionnelle de l'Église nous représente les relations sociales dans la cité même la plus parfaite possible ? Est-ce que toute société de créatures dépendantes et inégales par nature n'a pas besoin d'une autorité qui dirige leur activité vers le bien commun et qui impose sa loi ? Et si dans la société il se trouve des êtres pervers (et il y en aura toujours), l'autorité ne devra-t-elle pas être d'autant plus forte que l'égoïsme des méchants sera plus menaçant ? Ensuite, peut-on dire avec une ombre de raison qu'il y a incompatibilité entre l'autorité et la liberté, à moins de se tromper lourdement sur le concept de la liberté ? Peut-on enseigner que l'obéissance est contraire à la dignité humaine et que l'idéal serait de la remplacer par « l'autorité consentie » ? Est-ce que l'apôtre Saint Paul n'avait pas en vue la société humaine à toutes ses étapes possibles, quand il prescrivait aux fidèles d'être soumis à toute autorité ? Est-ce que l'obéissance aux hommes en tant que représentants légitimes de Dieu, c'est-à-dire en fin de compte l'obéissance à Dieu, abaisse l'homme et le ravale au-dessous de lui-même ? Est-ce que l'état religieux fondé sur l'obéissance serait contraire à l'idéal de la nature humaine ? Est-ce que les saints, qui ont été les plus obéissants des hommes, étaient des esclaves et des dégénérés ? Est-ce qu'enfin on peut imaginer un état social où Jésus-Christ revenu sur terre ne donnerait plus l'exemple de l'obéissance et ne dirait plus : Rendez à César ce qui est à César, et à Dieu ce qui est à Dieu ?

23. Le Sillon qui enseigne de pareilles doctrines et les met en pratique dans sa vie intérieure, sème donc parmi votre jeunesse catholique des notions erronées et funestes sur l'autorité, la liberté et l'obéissance. Il n'en est pas autrement de la justice et de l'égalité. Il travaille, dit-il, à réaliser une ère d'égalité, qui serait par là-même une ère de meilleure justice. Ainsi, pour lui, toute inégalité de condition est une injustice ou, au moins, une moindre justice ! Principe souverainement contraire à la nature des choses, générateur de jalousie et d'injustice et subversif de tout ordre social. Ainsi la démocratie seule inaugurera le règne de la parfaite justice ! N'est-ce pas une injure faite aux autres formes de gouvernement, qu'on ravale, de la sorte, au rang de gouvernements de pis aller impuissants ? Au reste, le Sillon se heurte encore sur ce point à l'enseignement de Léon XIII. Il aurait pu lire dans l'Encyclique déjà citée du Principat politique que « la justice sauvegardée, il n'est pas interdit aux peuples de se donner le gouvernement qui répond le mieux à leur caractère ou aux institutions et coutumes qu'ils ont reçues de leurs ancêtres » ; et l'Encyclique fait allusion à la triple forme de gouvernement bien connue. Elle suppose donc que la justice est compatible avec chacune d'elle. Et l'Encyclique sur la condition des ouvriers n'affirme-t-elle pas clairement la possibilité de restaurer la justice dans les organisations actuelles de la société, puisqu'elle en indique les moyens ? Or, sans aucun doute, Léon XIII entendait parler non pas d'une justice quelconque, mais de la justice parfaite. En enseignant donc que la justice est compatible avec les trois formes de gouvernement qu'on sait, il enseignait que, sous ce rapport, la Démocratie ne jouit pas d'un privilège spécial. Les sillonnistes, qui prétendent le contraire, ou bien refusent d'écouter l'Église, ou se forment de la justice et de l'égalité un concept qui n'est pas catholique.

24. Il en est de même de la notion de fraternité, dont ils mettent la base dans l'amour des intérêts communs, ou, par delà toutes les philosophies et toutes les religions, dans la simple notion d'humanité, englobant ainsi dans le même amour et une égale tolérance tous les hommes avec toutes leurs misères, aussi bien intellectuelles et morales que physiques et temporelles. Or, la doctrine catholique nous enseigne que le premier devoir de la charité n'est pas dans la tolérance des convictions erronées, quelque sincères qu'elles soient, ni dans l'indifférence théorique ou pratique pour l'erreur ou le vice où nous voyons plongés nos frères, mais dans le zèle pour leur amélioration intellectuelle et morale non moins que pour leur bien-être matériel. Cette même doctrine catholique nous enseigne aussi que la source de l'amour du prochain se trouve dans l'amour de Dieu, père commun et fin commune de toute la famille humaine, et dans l'amour de Jésus-Christ, dont nous sommes les membres au point que soulager un malheureux, c'est faire du bien à Jésus-Christ lui-même. Tout autre amour est illusion ou sentiment stérile et passager. Certes, l'expérience humaine est là, dans les sociétés païennes ou laïques de tous les temps, pour prouver qu'à certaines heures la considération des intérêts communs ou de la similitude de nature pèse fort peu devant les passions et les convoitises du cœur. Non, Vénérables Frères, il n'y a pas de vraie fraternité en dehors de la charité chrétienne, qui, par amour pour Dieu et son Fils Jésus-Christ notre Sauveur, embrasse tous les hommes pour les soulager tous et pour les amener tous à la même foi et au même bonheur du ciel. En séparant la fraternité de la charité chrétienne ainsi entendue, la démocratie, loin d'être un progrès, constituerait un recul désastreux pour la civilisation. Car si l'on veut arriver, et Nous le désirons de toute Notre âme, à la plus grande somme de bien-être possible pour la société et pour chacun de ses membres par la fraternité, ou, comme on dit encore, par la solidarité universelle, il faut l'union des esprits dans la vérité, l'union des volontés dans la morale, l'union des cœurs dans l'amour de Dieu et de son Fils, Jésus-Christ. Or, cette union n'est réalisable que par la charité catholique, laquelle seule, par conséquent, peut conduire les peuples dans la marche du progrès, vers l'idéal de la civilisation.

25. Enfin, à la base de toutes les falsifications des notions sociales fondamentales, le Sillon place une fausse idée de la dignité humaine. D'après lui, l'homme ne sera vraiment homme, digne de ce nom, que du jour où il aura acquis une conscience éclairée, forte, indépendante, autonome, pouvant se passer de maître, ne s'obéissant qu'à elle-même et capable d'assumer et de porter sans forfaire les plus graves responsabilités. Voilà de ces grands mots avec lesquels on exalte le sentiment de l'orgueil humain ; tel un rêve qui entraîne l'homme, sans lumière, sans guide et sans secours, dans la voie de l'illusion, où, en attendant le grand jour de la pleine conscience, il sera dévoré par l'erreur et les passions. Et ce grand jour, quand viendra-t-il ? À moins de changer la nature humaine (ce qui n'est pas au pouvoir du Sillon), viendra-t-il jamais ? Est-ce que les saints, qui ont porté la dignité humaine à son apogée, avaient cette dignité-là ? Et les humbles de la terre, qui ne peuvent monter si haut et qui se contentent de tracer modestement leur sillon, au rang que la Providence leur a assigné, en remplissant énergiquement leurs devoirs dans l'humilité, l'obéissance et la patience chrétiennes, ne seraient-ils pas dignes du nom d'hommes, eux que le Seigneur tirera un jour de leur condition obscure pour les placer au ciel parmi les princes de son peuple ?

26. Nous arrêterons là nos réflexions sur les erreurs du Sillon. Nous ne prétendons pas épuiser le sujet, car il y aurait encore à attirer votre attention sur d'autres points également faux et dangereux, par exemple, sur la manière de comprendre le pouvoir coercitif de l'Église. Il importe maintenant de voir l'influence de ces erreurs sur la conduite pratique du Sillon et sur son action sociale.

27. Les doctrines du Sillon ne restent pas dans le domaine de l'abstraction philosophique. Elles sont enseignées à la jeunesse catholique, et, bien plus, on s'essaye à les vivre. Le Sillon se regarde comme le noyau de la cité future ; il la reflète donc aussi fidèlement que possible. En effet, il n'y a pas de hiérarchie dans le Sillon. L'élite qui le dirige s'est dégagée de la masse par sélection, c'est-à-dire en s'imposant par son autorité morale et par ses vertus. On y entre librement, comme librement on en sort. Les études s'y font sans maître, tout au plus avec un conseiller. Les cercles d'études sont de véritables coopératives intellectuelles, où chacun est tout ensemble maître et élève. La camaraderie la plus absolue règne entre les membres et met en contact total leurs âmes : de là, l'âme commune du Sillon. On l'a définie « une amitié ». Le prêtre lui-même quand il y entre, abaisse l'éminente dignité de son sacerdoce et, par le plus étrange renversement des rôles, se fait élève, se met au niveau de ses jeunes amis et n'est plus qu'un camarade.

28. Dans ces habitudes démocratiques et les théories sur la cité idéale qui les inspirent, vous reconnaîtrez, Vénérables Frères, la cause secrète des manquements disciplinaires que vous avez dû si souvent reprocher au Sillon. Il n'est pas étonnant que vous ne trouviez pas chez les chefs et chez leurs camarades ainsi formés, fussent-ils séminaristes ou prêtres, le respect, la docilité et l'obéissance qui sont dus à vos personnes et à votre autorité ; que vous sentiez de leur part une sourde opposition, et que vous ayez le regret de les voir se soustraire totalement, ou, quand ils y sont forcés par l'obéissance, se livrer avec dégoût à des œuvres non sillonnistes. Vous êtes le passé, eux sont les pionniers de la civilisation future. Vous représentez la hiérarchie, les inégalités sociales, l'autorité et l'obéissance : institutions vieillies, auxquelles leurs âmes, éprises d'un autre idéal, ne peuvent plus se plier. Nous avons sur cet état d'esprit le témoignage de faits douloureux, capables d'arracher des larmes, et Nous ne pouvons, malgré notre longanimité, Nous défendre d'un juste sentiment d'indignation. Eh quoi ! on inspire à votre jeunesse catholique la défiance envers l'Église, leur mère ; on leur apprend que depuis dix-neuf siècles, elle n'a pas encore réussi dans le monde à constituer la société sur ses vraies bases ; qu'elle n'a pas compris les notions sociales de l'autorité, de la liberté, de l'égalité, de la fraternité et de la dignité humaine ; que les grands évêques et les grands monarques, qui ont créé et si glorieusement gouverné la France, n'ont pas su donner à leur peuple ni la vraie justice, ni le vrai bonheur, parce qu'ils n'avaient pas l'idéal du Sillon !

29. Le souffle de la Révolution a passé par là, et nous pouvons conclure que si les doctrines sociales du Sillon sont erronées, son esprit est dangereux et son éducation funeste.

30. Mais alors, que devons-nous penser de son action dans l'Église, lui dont le catholicisme est si pointilleux que d'un peu plus, à moins d'embrasser sa cause, on serait à ses yeux un ennemi intérieur du catholicisme et l'on ne comprendrait rien à l'Évangile et à Jésus-Christ ? Nous croyons bon d'insister sur cette question parce que c'est précisément son ardeur catholique qui a valu au Sillon, jusque dans ces derniers temps, de précieux encouragements et d'illustres suffrages. Eh bien ! devant les paroles et les faits, Nous sommes obligé de dire que, dans son action comme dans sa doctrine, le Sillon ne donne pas satisfaction à l'Église.

31. D'abord, son catholicisme ne s'accommode que de la forme du gouvernement démocratique, qu'il estime être la plus favorable à l'Église, et se confondre pour ainsi dire avec elle ; il inféode donc sa religion à un parti politique. Nous n'avons pas à démontrer que l'avènement de la démocratie universelle n'importe pas à l'action de l'Église dans le monde ; Nous avons déjà rappelé que l'Église a toujours laissé aux nations le souci de se donner le gouvernement qu'elles estiment le plus avantageux pour leurs intérêts. Ce que Nous voulons affirmer encore une fois après Notre prédécesseur, c'est qu'il y a erreur et danger à inféoder, par principe, le catholicisme à une forme de gouvernement ; erreur et danger qui sont d'autant plus grands lorsqu'on synthétise la religion avec un genre de démocratie dont les doctrines sont erronées. Or, c'est le cas du « Sillon », lequel, par le fait, et pour une forme politique spéciale, en compromettant l'Église, divise les catholiques, arrache la jeunesse et même des prêtres et des séminaristes à l'action simplement catholique, et dépense en pure perte les forces vives d'une partie de la nation.

32. Et voyez, Vénérables Frères, une étonnante contradiction. C'est précisément parce que la religion doit dominer tous les partis, c'est en invoquant ce principe que le Sillon s'abstient de défendre l'Église attaquée. Certes, ce n'est pas l'Église qui est descendue dans l'arène politique ; on l'y a entraînée et pour la mutiler et pour la dépouiller. Le devoir de tout catholique n'est-il donc pas d'user des armes politiques qu'il tient en main pour la défendre, et aussi pour forcer la politique à rester dans son domaine et à ne s'occuper de l'Église que pour lui rendre ce qui lui est dû ? Eh bien ! en face de l'Église ainsi violentée, on a souvent la douleur de voir les sillonnistes se croiser les bras, si ce n'est qu'à la défendre ils trouvent leur compte ; on les voit dicter ou soutenir un programme qui nulle part ni à aucun degré ne révèle le catholique. Ce qui n'empêche pas les hommes, en pleine lutte politique, sous le coup d'une provocation, d'afficher publiquement leur foi. Qu'est-ce à dire, sinon qu'il y a deux hommes dans le sillonniste : l'individu, qui est catholique ; le sillonniste, l'homme d'action, qui est neutre.

33. Il fut un temps où le Sillon, comme tel, était formellement catholique. En fait de force morale, il n'en connaissait qu'une, la force catholique, et il allait proclamant que la démocratie serait catholique ou qu'elle ne serait pas. Un moment vint où il se ravisa. Il laissa à chacun sa religion ou sa philosophie. II cessa lui-même de se qualifier de « catholique » et, à la formule « La démocratie sera catholique », il substitua cette autre « La démocratie ne sera pas anticatholique », pas plus d'ailleurs qu'antijuive ou antibouddhiste. Ce fut l'époque du plus grand Sillon. On appela à la construction de la cité future tous les ouvriers de toutes les religions et de toutes les sectes. On ne leur demanda que d'embrasser le même idéal social, de respecter toutes les croyances et d'apporter un certain appoint de forces morales. Certes, proclamait-on, « les chefs du Sillon mettent leur foi religieuse au-dessus de tout. Mais peuvent-ils ôter aux autres le droit de puiser leur énergie morale là où ils peuvent ? En revanche, ils veulent que les autres respectent leur droit, à eux, de la puiser dans la foi catholique. Ils demandent donc à tous ceux qui veulent transformer la société présente dans le sens de la démocratie de ne pas se repousser mutuellement à cause des convictions philosophiques ou religieuses qui peuvent les séparer, mais de marcher la main dans la main, non pas en renonçant à leurs convictions, mais en essayant de faire sur le terrain des réalités pratiques la preuve de l'excellence de leurs convictions personnelles. Peut-être sur ce terrain de l'émulation entre âmes attachées à différentes convictions religieuses ou philosophiques l'union pourra se réaliser. » (Marc Sangnier, Discours de Rouen, 1907) Et l'on déclara en même temps (comment cela pouvait-il s'accomplir ?) que le petit Sillon catholique serait l'âme du grand Sillon cosmopolite.

34. Récemment, le nom du plus grand Sillon a disparu, et une nouvelle organisation est intervenue, sans modifier, bien au contraire, l'esprit et le fond des choses « pour mettre de l'ordre dans le travail et organiser les diverses formes d'activité. Le Sillon reste toujours une âme, un esprit, qui se mêlera aux groupes et inspirera leur activité ». Et tous les groupements nouveaux, devenus en apparence autonomes : catholiques, protestants, libres-penseurs, sont priés de se mettre à l'œuvre. « Les camarades catholiques travailleront entre eux dans une organisation spéciale à s'instruire et à s'éduquer. Les démocrates protestants et libres-penseurs en feront autant de leur côté. Tous, catholiques, protestants et libres-penseurs, auront à cœur d'armer la jeunesse non pas pour une lutte fratricide, mais pour une généreuse émulation sur le terrain des vertus sociales et civiques. » (Marc Sangnier, Paris, mai 1910)

35. Ces déclarations et cette nouvelle organisation de l'action sillonniste appellent de bien graves réflexions.

36. Voici, fondée par des catholiques, une association interconfessionnelle, pour travailler à la réforme de la civilisation, œuvre religieuse au premier chef, car pas de vraie civilisation sans civilisation morale, et pas de vraie civilisation morale sans la vraie religion : c'est une vérité démontrée, c'est un fait d'histoire. Et les nouveaux sillonnistes ne pourront pas prétexter qu'ils ne travailleront que « sur le terrain des réalités pratiques » où la diversité des croyances n'importe pas. Leur chef sent si bien cette influence des convictions de l'esprit sur le résultat de l'action qu'il les invite, à quelque religion qu'ils appartiennent, à « faire sur le terrain des réalités pratiques la preuve de l'excellence de leurs convictions personnelles ». Et avec raison, car les réalisations pratiques revêtent le caractère des convictions religieuses, comme les membres d'un corps jusqu'à leurs dernières extrémités reçoivent leur forme du principe vital qui l'anime.

37. Ceci dit, que faut-il penser de la promiscuité où se trouveront engagés les jeunes catholiques avec des hétérodoxes et des incroyants de toute sorte dans une œuvre de cette nature ? N'est-elle pas mille fois plus dangereuse pour eux qu'une association neutre ? Que faut-il penser de cet appel à tous les hétérodoxes et à tous les incroyants à prouver l'excellence de leurs convictions sur le terrain social, dans une espèce de concours apologétique, comme si ce concours ne durait pas depuis dix-neuf siècles, dans des conditions moins dangereuses pour la foi des fidèles et tout en l'honneur de l'Église catholique ? Que faut-il penser de ce respect de toutes les erreurs et de l'invitation étrange, faite par un catholique à tous les dissidents, de fortifier leurs convictions par l'étude et d'en faire des sources toujours plus abondantes de forces nouvelles ? Que faut-il penser d'une association où toutes les religions et même la libre-pensée peuvent se manifester hautement à leur aise ? Car les sillonnistes, qui, dans les conférences publiques et ailleurs, proclament fièrement leur foi individuelle, n'entendent certainement pas fermer la bouche aux autres et empêcher le protestant d'affirmer son protestantisme et le sceptique son scepticisme. Que penser, enfin, d'un catholique qui, en entrant dans son cercle d'études, laisse son catholicisme à la porte, pour ne pas effrayer les camarades qui, « rêvant d'une action sociale désintéressée, répugnent de la faire servir au triomphe d'intérêts, de coteries ou même de convictions quelles qu'elles soient » ? Telle est la profession de foi du nouveau Comité démocratique d'action sociale, qui a hérité de la plus grande tâche de l'ancienne organisation, et qui, dit-il, « brisant l'équivoque entretenue autour du plus grand Sillon, tant dans les milieux réactionnaires que dans les milieux anticléricaux », est ouvert à tous les hommes « respectueux des forces morales et religieuses et convaincus qu'aucune émancipation sociale véritable n'est possible sans le ferment d'un généreux idéalisme ».

38. Oui, hélas ! l'équivoque est brisée ; l'action sociale du Sillon n'est plus catholique ; le sillonniste, comme tel, ne travaille pas pour une coterie, et « l'Église, il le dit, ne saurait à aucun titre être bénéficiaire des sympathies que son action pourra susciter ». Étrange insinuation, vraiment ! On craint que l'Église ne profite de l'action sociale du Sillon dans un but égoïste et intéressé, comme si tout ce qui profite à l'Église ne profitait pas l'humanité ! Étrange renversement des idées : c'est l'Église qui serait la bénéficiaire de l'action sociale, comme si les plus grands économistes n'avaient pas reconnu et démontré que c'est l'action sociale, qui, pour être sérieuse et féconde, doit bénéficier de l'Église. Mais, plus étranges encore, effrayantes et attristantes à la fois, sont l'audace et la légèreté d'esprit d'hommes qui se disent catholiques, qui rêvent de refondre la société dans de pareilles conditions et d'établir sur terre, par-dessus l'Église catholique « le règne de la justice et de l'amour », avec des ouvriers venus de toute part, de toutes religions ou sans religion, avec ou sans croyances, pourvu qu'ils oublient ce qui les divise : leurs convictions religieuses et philosophiques, et qu'ils mettent en commun ce qui les unit : un généreux idéalisme et des forces morales prises « où ils peuvent ». Quand on songe à tout ce qu'il a fallu de forces, de science, de vertus surnaturelles pour établir la cité chrétienne, et les souffrances de millions de martyrs, et les lumières des Pères et des Docteurs de l'Église, et le dévouement de tous les héros de la charité, et une puissante hiérarchie née du ciel, et des fleuves de grâce divine, et le tout édifié, relié, compénétré par la Vie de Jésus-Christ, la Sagesse de Dieu, le Verbe fait homme ; quand on songe, disons-Nous, à tout cela, on est effrayé de voir de nouveaux apôtres s'acharner à faire mieux avec la mise en commun d'un vague idéalisme et de vertus civiques. Que vont-ils produire ? Qu'est-ce qui va sortir de cette collaboration ? Une construction purement verbale et chimérique, où l'on verra miroiter pêle-mêle et dans une confusion séduisante les mots de liberté, de justice, de fraternité et d'amour, d'égalité et d'exaltation humaine, le tout basé sur une dignité humaine mal comprise. Ce sera une agitation tumultueuse, stérile pour le but proposé et qui profitera aux remueurs de masses moins utopistes. Oui, vraiment, on peut dire que le Sillon convoie le socialisme, l'œil fixé sur une chimère.

39. Nous craignons qu'il n'y ait encore pire. Le résultat de cette promiscuité en travail, le bénéficiaire de cette action sociale cosmopolite ne peut-être qu'une démocratie qui ne sera ni catholique, ni protestante, ni juive ; une religion (car le sillonnisme, les chefs l'ont dit, est une religion) plus universelle que l'Église catholique, réunissant tous les hommes devenus enfin frères et camarades dans « le règne de Dieu ». « On ne travaille pas pour l'Église, on travaille pour l'humanité. »

40. Et maintenant, pénétré de la plus vive tristesse, Nous Nous demandons, vénérables Frères, ce qu'est devenu le catholicisme du Sillon. Hélas ! lui qui donnait autrefois de si belles espérances, ce fleuve limpide et impétueux a été capté dans sa marche par les ennemis modernes de l'Église et ne forme plus dorénavant qu'un misérable affluent du grand mouvement d'apostasie organisé, dans tous les pays, pour l'établissement d'une Église universelle qui n'aura ni dogmes, ni hiérarchie, ni règle pour l'esprit, ni frein pour les passions et qui, sous prétexte de liberté et de dignité humaine, ramènerait dans le monde, si elle pouvait triompher, le règne légal de la ruse et de la force, et l'oppression des faibles, de ceux qui souffrent et qui travaillent.

41. Nous ne connaissons que trop les sombres officines où l'on élabore ces doctrines délétères qui ne devraient pas séduire des esprits clairvoyants. Les chefs du Sillon n'ont pu s'en défendre : l'exaltation de leurs sentiments, l'aveugle bonté de leur cœur, leur mysticisme philosophique, mêlé d'une part d'illuminisme, les ont entraînés vers un nouvel Évangile, dans lequel ils ont cru voir le véritable Évangile du Sauveur, au point qu'ils osent traiter Notre-Seigneur Jésus-Christ avec une familiarité souverainement irrespectueuse et que, leur idéal étant apparenté à celui de la Révolution, ils ne craignent pas de faire entre l'Évangile et la Révolution des rapprochements blasphématoires qui n'ont pas l'excuse d'avoir échappé à quelque improvisation tumultueuse.

42. Nous voulons attirer votre attention, vénérables Frères, sur cette déformation de l'Évangile et du caractère sacré de Notre-Seigneur Jésus-Christ, Dieu et Homme, pratiquée dans le « Sillon » et ailleurs. Dès que l'on aborda la question sociale, il est de mode, dans certains milieux, d'écarter d'abord la divinité de Jésus-Christ, et puis de ne parler que de sa souveraine mansuétude, de sa compassion pour toutes les misères humaines, de ses pressantes exhortations à l'amour du prochain et à la fraternité. Certes, Jésus nous a aimés d'un amour immense, infini, et il est venu sur terre souffrir et mourir pour que, réunis autour de lui dans la justice et l'amour, animés des mêmes sentiments de charité mutuelle, tous les hommes vivent dans la paix et le bonheur. Mais, à la réalisation de ce bonheur temporel et éternel, il a mis, avec une souveraine autorité, la condition que l'on fasse partie de son troupeau, que l'on accepte sa doctrine, que l'on pratique la vertu et qu'on se laisse enseigner et guider par Pierre et ses successeurs. Puis, si Jésus a été bon pour les égarés et les pécheurs, il n'a pas respecté leurs convictions erronées, quelque sincères qu'elles parussent ; il les a tous aimés pour les instruire, les convertir et les sauver. S'il a appelé à lui, pour les soulager, ceux qui peinent et qui souffrent, ce n'a pas été pour leur prêcher la jalousie d'une égalité chimérique. S'il a relevé les humbles, ce n'a pas été pour leur inspirer le sentiment d'une dignité indépendante et rebelle à l'obéissance. Si son cœur débordait de mansuétude pour les âmes de bonne volonté, il a su également s'armer d'une sainte indignation contre les profanateurs de la maison de Dieu, contre les misérables qui scandalisent les petits, contre les autorités qui accablent le peuple sous le poids de lourds fardeaux sans y mettre le doigt pour les soulever. Il a été aussi fort que doux ; il a grondé, menacé, châtié, sachant et nous enseignant que souvent la crainte est le commencement de la sagesse et qu'il convient parfois de couper un membre pour sauver le corps. Enfin, il n'a pas annoncé pour la société future le règne d'une félicité idéale, d'où la souffrance serait bannie ; mais, par ses leçons et par ses exemples, il a tracé le chemin du bonheur possible sur terre et du bonheur parfait au ciel : la voie royale de la croix. Ce sont là des enseignements qu'on aurait tort d'appliquer seulement à la vie individuelle en vue du salut éternel ; ce sont des enseignements éminemment sociaux, et ils nous montrent en Notre-Seigneur Jésus-Christ autre chose qu'un humanitarisme sans consistance et sans autorité.

43. Pour vous, vénérables Frères, continuez activement l'œuvre du Sauveur des hommes par l'imitation de sa douceur et de sa force. Inclinez-vous vers toutes les misères ; qu'aucune douleur n'échappe à votre sollicitude pastorale ; qu'aucune plainte ne vous trouve indifférents. Mais aussi, prêchez hardiment leurs devoirs aux grands et aux petits ; il vous appartient de former la conscience du peuple et des pouvoirs publics. La question sociale sera bien près d'être résolue lorsque les uns et les autres, moins exigeants sur leurs droits mutuels, rempliront plus exactement leurs devoirs.

44. De plus, comme dans le conflit des intérêts, et surtout dans la lutte avec des forces malhonnêtes, la vertu d'un homme, sa sainteté même ne suffit pas toujours à lui assurer le pain quotidien, et que les rouages sociaux devraient être organisés de telle façon que, par leur jeu naturel, ils paralysent les efforts des méchants et rendent abordable à toute bonne volonté sa part légitime de félicité temporelle, Nous désirons vivement que vous preniez une part active à l'organisation de la société dans ce but. Et à cette fin, pendant que vos prêtres se livreront avec ardeur au travail de la sanctification des âmes, de la défense de l'Église, et aux œuvres de charité proprement dites, vous en choisirez quelques-uns, actifs et d'esprit pondéré, munis des grades de docteur en philosophie et en théologie et possédant parfaitement l'histoire de la civilisation antique et moderne, et vous les appliquerez aux études moins élevées et plus pratiques de la science sociale, pour les mettre, en temps opportun, à la tête de vos œuvres d'action catholique. Toutefois, que ces prêtres ne se laissent pas égarer, dans le dédale des opinions contemporaines, par le mirage d'une fausse démocratie ; qu'ils n'empruntent pas à la rhétorique des pires ennemis de l'Église et du peuple un langage emphatique plein de promesses aussi sonores qu'irréalisables. Qu'ils soient persuadés que la question sociale et la science sociale ne sont pas nées d'hier ; que, de tous temps, l'Église et l'État, heureusement concertés, ont suscité dans ce but des organisations fécondes ; que l'Église, qui n'a jamais trahi le bonheur du peuple par des alliances compromettantes, n'a pas à se dégager du passé et qu'il suffit de reprendre, avec le concours des vrais ouvriers de la restauration sociale, les organismes brisés par la Révolution et de les adapter, dans le même esprit chrétien qui les a inspirés, au nouveau milieu créé par l'évolution matérielle de la société contemporaine : car les vrais amis du peuple ne sont ni révolutionnaires ni novateurs, mais traditionalistes.

45. Cette œuvre éminemment digne de votre zèle pastoral, Nous désirons que, loin d'y faire obstacle, la jeunesse du « Sillon », dégagée de ses erreurs, y apporte dans l'ordre et la soumission convenables un concours loyal et efficace.

46. Nous tournant donc vers les chefs du « Sillon », avec la confiance d'un Père qui parle à ses enfants, Nous leur demandons pour leur bien, pour le bien de l'Église et de la France, de vous céder leur place. Nous mesurons, certes, l'étendue du sacrifice que Nous sollicitons d'eux, mais Nous les savons assez généreux pour l'accomplir, et, d'avance, au nom de Notre-Seigneur Jésus-Christ, dont nous sommes l'indigne représentant, Nous les en bénissons. Quant aux membres du « Sillon », Nous voulons qu'ils se rangent par diocèses pour travailler, sous la direction de leurs évêques respectifs, à la régénération chrétienne et catholique du peuple, en même temps qu'à l'amélioration de son sort. Ces groupes diocésains seront, pour le moment, indépendants les uns des autres ; et afin de bien marquer qu'ils ont brisé avec les erreurs du passé, ils prendront le nom de « Sillons Catholiques », et chacun de leurs membres ajoutera à son titre de « sillonniste » le même qualificatif de « catholique ». Il va sans dire que tout sillonniste catholique restera libre de garder par ailleurs ses préférences politiques, épurées de tout ce qui ne serait pas entièrement conforme, en cette matière, à la doctrine de l'Église. Que si, vénérables Frères, des groupes refusaient de se soumettre à ces conditions, vous devriez les considérer comme refusant par le fait de se soumettre à votre direction ; et, alors, il y aurait à examiner s'ils se confinent dans la politique ou l'économie pure, ou s'ils persévèrent dans leurs anciens errements. Dans le premier cas, il est clair que vous n'auriez pas plus à vous en occuper que du commun des fidèles ; dans le second, vous devriez agir en conséquence, avec prudence, mais avec fermeté. Les prêtres auront à se tenir totalement en dehors des groupes dissidents et se contenteront de prêter le secours du saint ministère individuellement à leurs membres, en leur appliquant au tribunal de la Pénitence les règles communes de la morale relativement à la doctrine et à la conduite. Quant aux groupes catholiques, les prêtres et les séminaristes l'abstiendront de s'y agréger comme membres, car il convient que la milice sacerdotale reste au-dessus des associations laïques, même les plus utiles et animées du meilleur esprit.

47. Telles sont les mesures pratiques par lesquelles Nous avons cru nécessaire de sanctionner cette Lettre sur le « Sillon » et les sillonnistes. Que le Seigneur veuille bien, nous l'en prions du fond de l'âme, faire comprendre à ces hommes et à ces jeunes gens les graves raisons qui l'ont dictée, qu'il leur donne la docilité du cœur, avec le courage de prouver, en face de l'Église, la sincérité de leur ferveur catholique ; et à vous, vénérables Frères, qu'il vous inspire pour eux, puisqu'ils sont désormais vôtres, les sentiments d'une affection toute paternelle.

48. C'est dans cet espoir, et pour obtenir ces résultats si désirables, que Nous vous accordons de tout cœur, ainsi qu'à votre clergé et à votre peuple, la Bénédiction apostolique.

49. Donné à Rome, près de Saint-Pierre, le 25 août 1910, la huitième de Notre Pontificat.

 

ANNEXE II : LE DISCOURS D'OUVERTURE DU CONCILE

Jean XXIII prononce le discours d'ouverture du Concile Vatican II
Le pape Jean XXIII prononçant le discours
d'ouverture du Concile.

C’est le 11 octobre 1962, en la fête de la Maternité de la Très Sainte Vierge, que s’ouvrit le concile Vatican II. Un violent orage avait éclaté sur Rome, et les cérémonies débutèrent par une procession solennelle, grandiose, de près de 2 500 Pères conciliaires, traversant la place Saint-Pierre sous une pluie persistante avant d’entrer dans la basilique. La messe fut chantée par la Sixtine. À la fin de la cérémonie, Jean XXIII prononça son discours d’ouverture, charte du Concile. Il en définit tout l’esprit, il ouvre les portes de Saint-Pierre à la nouveauté.

« Gaudet Mater Ecclesia... Notre Sainte Mère l’Église est dans la joie. Par une faveur particulière de la divine Providence, le jour si attendu est arrivé où, sous la protection de la Sainte Mère de Dieu dont nous fêtons aujourd’hui la Maternité, s’ouvre solennellement, auprès du tombeau de saint Pierre, le deuxième Concile œcuménique du Vatican. »

Après un rappel des conciles antérieurs, le Pape explique la raison de la joie présente : « Pour que soit plus complète la sainte joie qui, en cette heure solennelle, remplit nos cœurs, qu’il Nous soit permis de dire devant cette grande assemblée que ce Concile œcuménique s’ouvre dans des circonstances particulièrement favorables. »

MARCHAND DE BONHEUR

Soudain, le Saint-Père lance une charge à fond contre “ les prophètes de malheur ”. En quelques mots, la “ réaction ” est d’avance réduite au silence. L’heure de la révolution a sonné.

« Il arrive souvent que, dans l’exercice quotidien de Notre ministère apostolique, Nos oreilles soient offensées en apprenant ce que disent certains qui, bien qu’enflammés de zèle religieux, manquent de justesse de raisonnement et de pondération dans leur façon de voir les choses...

« Dans la situation actuelle de la société, ils ne voient que ruines [ Jean XXIII blasphème ici contre le troisième Secret de Fatima en toute connaissance de cause ] et calamités ; ils ont coutume de dire que notre époque a profondément empiré par rapport aux siècles passés ; ils se conduisent comme si l’histoire, qui est maîtresse de vie, n’avait rien à leur apprendre... »

Contrevérité patente, car les prophètes de malheur puisent leur expérience et leur sagesse dans les leçons du passé, tandis que les “ prophètes de bonheur ” projettent leurs utopies, inconnues du passé, dans un avenir qu’ils agencent au plaisir de leur folie.

« ... et comme si, du temps des Conciles d’autrefois, tout était parfait en ce qui concerne la doctrine chrétienne, les mœurs et la juste liberté de l’Église. Il nous semble nécessaire de dire Notre complet désaccord avec ces prophètes de malheur, qui annoncent toujours des catastrophes, comme si le monde était près de sa fin. »

Trois observations de l’abbé de Nantes :

« D’abord, Jésus a été, dans la ligne de son Précurseur, un prophète de malheurs... qui sont arrivés, mais pas tous. Il y en a encore dans l’Évangile et qui attendent leur temps, ce qui donne leur chance à tous les prophètes de malheur... jusqu’à la fin. Entre les malheurs et les malédictions de Jésus, je choisis cette divine parole : “ Malheur à vous quand tout le monde dira du bien de vous ! C’est bien ainsi que leurs pères traitaient les faux prophètes. ” (Lc 6, 26)

« Toute la vie de Jean XXIII est enfermée dans cette sentence.

« Ensuite, je remplirais un gros cahier de réquisitoires inspirés, tirés soit des Saintes Écritures, soit des œuvres des saints, Pères de l’Église, Pontifes, envoyés de Dieu et thaumaturges, sans oublier leur Mère et maîtresse de Sagesse à tous, la Vierge Marie dans toutes ses apparitions... jusqu’à La Salette et Fatima : tous dénoncent dans les prophètes de bonheur, des imposteurs, inspirés par le diable, et corrupteurs de leur peuple, maudits de Dieu. Tous !

« Enfin, c’est un crime impardonnable de vaticiner contre les prophètes de malheur. Parce que, d’abord, c’est une voie difficile, un calvaire d’accepter de la part de Dieu un tel rôle, une si ingrate mission, et cela déjà plaide en faveur de leur sincérité, et même de la vérité de leurs oracles. Ensuite, parce que les prophéties de malheur sont des incitations à la pénitence, à la conversion des mœurs, au retour à la vraie foi au Christ et la vraie obéissance à l’Église.

« Tandis que les annonces de bonheur sont débilitantes, enivrantes, donc ne font point de bien et ne viennent très probablement pas de Dieu. Sauf si elles sont, comme toujours dans les Saintes Écritures, l’annonce d’une libération après un dur châtiment (Isaïe, 40 - 55), l’annonce d’un déluge de grâces à la demande de la Très Sainte Vierge sur un peuple docile à ses demandes (Fatima, 13 juillet 1917)[375]. »

« Personne ne peut nier, continue le Pape, que les nouvelles conditions de vie ont au moins cet avantage d’avoir supprimé d’innombrables obstacles par lesquels autrefois les fils du siècle entravaient la liberté d’action de l’Église. » La « liberté d’action » du concile Vatican II, vantée par Jean XXIII, était en fait sous haute surveillance de l’œil de Moscou, en la personne de ses deux envoyés. Jean XXIII évoque, en passant, « l’Église du silence », mais vite, il revient à sa chimère : « Cependant, c’est avec espérance et un grand réconfort que Nous le constatons : aujourd’hui l’Église, enfin libérée de tous les obstacles profanes d’autrefois (!) peut, depuis cette basilique vaticane, comme d’un second Cénacle, faire entendre par vous sa voix pleine de majesté et de gravité. »

« Comme d’un second Cénacle » ? Le premier Cénacle, celui de Jérusalem, est celui qui a vu naître l’Église, avec l’institution de l’Eucharistie et de l’Ordre, la descente du Saint-Esprit le jour de la Pentecôte, et la réunion du premier des Conciles, à Jérusalem. La comparaison est extraordinairement flatteuse, mais trop, c’est trop ! Après la “ nouvelle Pentecôte ”, voici le “ second Cénacle ”, et quoi encore ? Non seulement on en oublie les Conciles antérieurs, mais on en vient à supposer, par l’emploi du mot “ second ”, qu’il n’y en aura pas d’autres ensuite.

Mais voici plus grave : le Pape en vient au principe même de la réforme à entreprendre.

L’INVASION D’UN ESPRIT NOUVEAU

« Il est nécessaire avant tout que l’Église ne détourne jamais son regard de l’héritage sacré de vérité qu’elle a reçu des anciens. Mais il faut aussi qu’elle se tourne vers les temps présents, qui entraînent de nouvelles situations, de nouvelles formes de vie, et ouvrent de nouvelles voies à l’apostolat catholique. »

Partant d’une promesse de conservation de l’ordre ancien, le Pape entre, par le moyen d’un subtil « oui, mais », dans une suite brumeuse de nouveautés en tous domaines. Comme c’est habile ! Cela ne concerne pas seulement l’apostolat, mais aussi la doctrine :

« Transmettre dans son intégrité, sans l’affaiblir ni l’altérer, la doctrine catholique... qui est devenue comme le patrimoine commun des hommes, offert à tous les hommes de bonne volonté... Cependant, ce précieux trésor, nous ne devons pas seulement le garder comme si nous n’étions préoccupés que du passé, mais nous devons nous mettre joyeusement, sans crainte, au travail qu’exige notre époque en poursuivant la route sur laquelle l’Église marche depuis près de vingt siècles. »

Attention ! Voici « le premier poison intellectuel introduit dans la dogmatique conciliaire », avertit l’abbé de Nantes :

« Il faut que cette doctrine certaine et immuable, qui doit être respectée fidèlement, soit approfondie et présentée de la façon qui répond aux exigences de notre époque (!). »

Ces paroles annoncent qu’on pourra désormais s’émanciper des anciennes formules dogmatiques. Dans un nouveau balancement, « autre... autre », réside toute l’hypocrisie et le mensonge de quatre ans de réforme conciliaire et de quarante ans de débandade postconciliaire :

« En effet, autre est le dépôt lui-même de la foi, c’est-à-dire les vérités contenues dans notre vénérable doctrine, et autre est la forme sous laquelle ces vérités sont énoncées, en leur conservant toutefois le même sens et la même portée. »

RÉFORME DANS L’EXERCICE DU MAGISTÈRE.

Le Pape fait preuve d’un optimisme désarmant :

« Dans la succession des temps, nous voyons les opinions incertaines des hommes s’exclure les unes les autres, et bien souvent à peine les erreurs sont-elles nées qu’elles s’évanouissent comme brume au soleil. » Comme cela, toutes seules ? ! Il ajoute : « L’Église n’a jamais cessé de s’opposer à ces erreurs. Elle les a même souvent condamnées, et très sévèrement. Mais aujourd’hui [attention à la volte-face !], l’Épouse du Christ préfère recourir au remède de la miséricorde, plutôt que de brandir les armes de la sévérité. Elle estime que, plutôt que de condamner, elle répond mieux aux besoins de notre époque en mettant davantage en valeur les richesses de sa doctrine. »

Les erreurs sont « si manifestement opposées aux principes d’honnêteté et portent des fruits si amers, qu’aujourd’hui les hommes semblent commencer à les condamner d’eux-mêmes... » C’est pourquoi l’Église n’a pas besoin d’exercer son discernement, ni de rendre son jugement !

« L’Église catholique, en brandissant par ce Concile œcuménique le flambeau de la vérité religieuse au milieu de cette situation, veut être pour tous une mère très aimante, bonne, patiente, pleine de bonté et de miséricorde pour ses fils qui sont séparés d’elle. » Penchée sur eux, que discerne-t-elle ? Rien d’autre que l’utopie de Sangnier et Maritain : « Les hommes sont de plus en plus convaincus que la dignité et la perfection de la personne humaine sont des valeurs très importantes qui exigent de rudes efforts. » Le rôle de l’Église consiste seulement à faire grandir en eux le sentiment de cette dignité, sous l’influx divin de la Révélation chrétienne et de la charité de ses fils.

« Certes, l’Église ne propose pas aux hommes de notre temps des richesses périssables, elle ne leur promet pas le bonheur sur la terre, mais elle leur communique les biens de la grâce qui élèvent l’homme à la dignité de fils de Dieu (voilà bien un discours surnaturel), et, par là, sont d’un tel secours pour rendre leur vie plus humaine, en même temps qu’ils sont la solide garantie d’une telle vie (on glisse, et le surnaturel commence à rétrograder au niveau de moyen pour le bonheur terrestre, au lieu d’en demeurer le régulateur et la fin ultime). Elle ouvre les sources de sa doctrine si riche, grâce à laquelle les hommes, éclairés de la lumière du Christ (en se convertissant, en se faisant baptiser et pratiquant la vie des sacrements catholiques ? ), peuvent prendre pleinement conscience de ce qu’ils sont vraiment, de leur dignité et de la fin qu’ils doivent poursuivre. Et enfin, par ses fils, elle étend partout l’immensité de la charité chrétienne, qui est le meilleur et le plus efficace moyen d’écarter les semences de discorde, de susciter la concorde, la juste paix et l’unité fraternelle de tous. » On est tombé de la foi catholique dans l’humanisme maçonnique.

Pour parvenir à l’ « unité du genre humain », il faut d’abord que les chrétiens réalisent entre eux l’unité, donnée par le Pape pour but principal au Concile :

« Cette unité visible dans la vérité, la famille des chrétiens tout entière ne l’a encore malheureusement pas atteinte pleinement et complètement. Cependant, l’Église catholique estime de son devoir de faire tous ses efforts pour que s’accomplisse le grand mystère de cette unité que Jésus-Christ à l’approche de son sacrifice a demandée à son Père dans une ardente prière ; et elle éprouve une douce paix à savoir qu’elle est unie à ces prières du Christ. »

« L’Église est Une, Sainte, Catholique et Apostolique, rappelle l’abbé de Nantes. Donc, prier pour qu’elle demeure dans cette Unité et que tous les hommes de bonne volonté s’y agrègent (étymologiquement : entrent dans ce troupeau), voilà une bonne prière. Mais prier pour que l’unité de l’Église avec les autres prétendues “ églises ” et communautés, soi-disant “ chrétiennes ” mais formellement hérétiques et schismatiques, soit, grâce à notre prière, enfin retrouvée, c’est, selon l’Église du Christ, une détestable prière aux relents d’hérésie. »

La conclusion de ce discours d’ouverture est splendide, lumineuse, mais l’abbé de Nantes démasque le caractère fallacieux de cette lumière :

« SOUS LE SOLEIL DE SATAN ».

« Nous voilà rassemblés dans cette basilique vaticane, pivot de l’histoire de l’Église, et où maintenant le ciel et la terre sont étroitement unis auprès du tombeau de saint Pierre et de tant de Nos saints Prédécesseurs, dont les cendres, en cette heure solennelle, semblent animées d’un mystérieux frémissement d’allégresse. »

Le corps de saint Pie X, demeuré intact, et les autres reliques des saints Papes de tous les temps, frémissant d’une sainte allégresse à de tels propos, empreints des relents d’hérésies qu’ils ont condamnées ?

« Le Concile qui vient de s’ouvrir est comme une aurore resplendissante qui se lève sur l’Église, et déjà les premiers rayons du soleil levant emplissent nos cœurs de douceur. Tout ici respire la sainteté et porte à la joie. Nous voyons des étoiles rehausser de leur éclat la majesté de ce temple, et ces étoiles, comme l’apôtre Jean nous en donne le témoignage (Ap 1, 20), c’est vous ! »

Ce serait choquant, et même ridicule, s’il n’y avait à cette énorme flatterie un habillage biblique, évangélique, johannique, qui l’excuse et même commence à lui donner quelque réalité ou vérité dans la foi.

Mais à force d’en prendre à son aise avec la foi, on en vient à tomber dans la crédulité...

« Avec vous (les étoiles !), Nous voyons briller autour du tombeau du Prince des Apôtres comme des chandeliers d’or, ce sont les Églises qui vous sont confiées [allusion aux premiers chapitres de l’Apocalypse de saint Jean]. Nous voyons aussi de hauts dignitaires qui sont venus à Rome de tous les continents pour représenter leurs pays. Tous, ils sont ici dans une attitude de respect et d’attente bienveillante. »

À suivre saint Jean dans son Apocalypse, ces chefs d’États, princes et autres dignitaires, évoqueraient plutôt les démons et bêtes féroces qui obtiennent d’être lâchés dans le monde contre l’Enfant mâle de la Femme et toute sa progéniture... La poésie flatteuse basculerait dans le tragique ! D’autant plus que la queue du Dragon, écrit saint Jean, « balaie le tiers des étoiles du ciel et les précipite sur la terre » (Ap 12, 4) ! (…)

La lecture du document convainquit bientôt l’abbé de Nantes, curé de Villemaur, Pâlis et Planty, qu’un esprit nouveau se levait en tempête sur l’Église.

Deux ans plus tard, à l’ouverture de la troisième session, il pouvait écrire dans sa Lettre n° 184 :

« Le rocher s’est détaché de la montagne. Il roule maintenant dans un bruit de tonnerre. Nul ne sait, en vérité, en quels abîmes il ira s’écraser [...]. Le cortège de tous les évêques du monde était admirable aux yeux le 11 octobre 1962 quand il montait vers Saint-Pierre. Il pénétrait dans un terrible malaxeur. Les deux mille conservateurs de bonne volonté qui composaient cette foule mitrée, au lieu d’être orientés par le Pape vers les docteurs de la foi, et il y en avait ! allaient être livrés sans répit à la prédication et aux pressions du clan progressiste de jour en jour plus arrogant. »

On n’attendit pas longtemps, en effet, pour voir la maffia monter à l’assaut de la citadelle…

frère Bruno de Jésus
Extraits de Il est ressuscité !  tome 7, n° 61, septembre 2007, p. 3-12

 

ANNEXE III : L'ENCYCLIQUE PACEM IN TERRIS

« Et un frère livrera à la mort son frère. Et un père son enfant. Et des enfants se lèveront
contre leurs parents et les feront périr. Et vous serez haïs de tous à cause de mon nom.
»
(Mc 13, 12)

Jean XXIII signant son encyclique

 


Jean XXIII signant son encyclique


Il est facile d'édifier à partir d'une vue abstraite de la nature humaine une doctrine morale et un programme politique où le respect des droits de l'homme et des peuples développe sereinement ses exigences, où le sentiment du devoir impose en contrepartie à chacun de prendre sa part de l'effort commun en vue de tous. On en arrive alors, pour peu qu'on oublie les conditions concrètes et les lois qui régissent nos communautés, qu'on néglige le péché originel et la malice des hommes, à esquisser le tableau d'une communauté mondiale libre, égale et fraternelle, où chaque homme et chaque peuple reçoivent tout autant qu'ils peuvent naturellement désirer, où les nations sont indépendantes et les religions, cultures et idéologies s'accordent et « convergent », où il n'y a plus de peuples dominateurs et de peuples dominés, où enfin les hommes de bonne volonté désirant dans leur cœur profond la paix et l'harmonie, ayant fait litière des malentendus ancestraux et des conflits d'intérêts, soumettent leurs humeurs et leurs passions au bien suprême de la paix universelle. C'est un exercice d'optimisme, utile et agréable.

Mais la mise en pratique de cette doctrine est périlleuse dans la mesure même où elle relève de la science-fiction. La morale en action qui découle de ces mirifiques présuppositions va en effet exactement à l'opposé de celle qui nous tient liés par les définitions traditionnelles du juste et de l'injuste au monde tel qu'il est, et personne jusqu'à ce jour n'a osé aborder ouvertement ce problème moral primordial. Même sans légitimer la révolution absolue, l’évolutionnisme progressiste en morale, aboutit à condamner au nom de la Cité nouvelle à promouvoir, les soumissions et fidélités quotidiennes que depuis toujours nos communautés historiques et leurs lois, écrites et non écrites, avaient réclamées et obtenues des individus. Avec ou sans choc trop douloureux, d'un bond ou par étapes, la construction du monde nouveau ne peut se faire que par des pionniers libérés des soumissions de la morale commune et destructeurs de l'ordre traditionnel. Je demande : Qui a autorisé ou autorisera ces pionniers à rompre les liens sacrés et à violer les serments qui les retenaient au service des communautés maternelles, qui osera les délier au nom du Christ de la morale antique sur laquelle reposent — ou reposaient ! — la paix et la force des communautés historiques et des pouvoirs légitimes dont l'autorité vient de Dieu justement pour dresser un obstacle souverain aux folies, aux révoltes, aux trahisons des individus ?

La « décolonisation » par exemple peut rentrer dans le projet idéal et séduisant d'un monde égalitaire et libre. Une morale nouvelle du droit des peuples peut s'en faire un programme d'action. Celle-ci n'en passe pas moins par la trahison consciente, volontaire, obstinément poursuivie, de l'ordre social, des constitutions, des traités et des lois des nations jusqu'alors tenus pour inviolables et sacrés. Ainsi deux morales – chrétiennes ? – ont formé deux partis, deux armées et la morale du futur idéal a jeté aux charniers des milliers d'hommes et de chrétiens qui en étaient restés, fidèlement, héroïquement, à la morale d'hier et d'aujourd'hui.

Jean XXIII

Rien de plus parlant à cet égard que la comparaison de deux documents récents : la dernière encyclique du Pape (Pacem in terris) et la déclaration du colonel Bastien-Thiry  ([376]) [377] devant ses juges. L'une et l'autre sont d'une vigueur systématique et d'une hardiesse peu commune. Or ils aboutissent à des conclusions diamétralement opposées pour avoir pris comme objets et règles de leur morale des réalités et des principes très différents. L'officier français servait son pays, selon les lois en vigueur et conformément aux possibilités et aux nécessités concrètes du monde où Dieu l'avait placé. Le Saint-Père prône un monde idéal et futur à construire sur la bonne volonté de tous les hommes. Qui trouvera une commune mesure, une même voie à suivre, dans ces deux perspectives ? Ici c'est la France réelle, ses lois, ses gens et ses biens, sa civilisation et ses remparts, aux prises avec une poignée de brigands soutenus par la révolution mondiale, et là c'est un monde futur dont cette même révolution a l'audace de se prétendre l'instrument, aux prises avec les tenants d'un monde injuste et révolu ! C'est la plus formidable inimitié, instaurée au sein même de l'Église catholique romaine...

Reprenez l'admirable, la très humaine et très chrétienne déclaration du colonel Bastien-Thiry. Elle est pleine, elle aussi, elle, d'abord, des mots de justice, d'amour, de liberté, de fraternité mais non pas employés idéalement, comme autant de torches incendiaires jetées sur des cités pacifiques. Il s'agit toujours de cette portion de terre, privilégiée, qui est sa patrie, dont il connaît les défauts mais dont il sait que ses lois et ses armes, sa tradition et son patrimoine, ses magistrats et ses prêtres sont le gage le plus solide de l'avenir. C'est à conserver tout cela, à l'améliorer qu'il se savait, comme tous, appelé par Dieu. Toute sa morale était dans cette soumission où la tradition est le ressort du progrès dans l'ordre. C'est à cette mesure souveraine que personne, fût-il Ange de Dieu, ne saurait réformer, qu'il juge Charles de Gaulle. L'œil fixé sur sa chimère, celui-ci se veut indifférent à ce peuple vivant, à cet ordre légitime, à tous ces biens humains comme aux lois souveraines qui en assurent le maintien et lui en imposaient la sauvegarde. Ce mépris de fer des personnes et des lois, cette préférence donnée à une Idée du futur à l'encontre de l'ordre présent et légitime ne relèvent d'aucune morale. Cette séduction du tyran contre la nation et ses institutions s'inspirait davantage de la dialectique communiste que des encycliques, et je ne vois pas d'avantage à ce qu'elle puisse y trouver quelque appui.

Car, autorisé ou non par la hiérarchie, mais commis uniquement par orgueil, cet abandon de l'ordre légitime pour l'Utopie internationaliste, pacifiste, égalitaire et libertaire, s'est immédiatement matérialisé par la plus flagrante, la plus énorme violation du Décalogue qu'ait jamais enregistrée l'Histoire. Garantie ou non par une morale nouvelle, la libération des peuples n'a pu aboutir ici que par le parjure et le déshonneur, le mensonge et l'assassinat, l'intoxication des masses et la corruption des élites, la promotion des assassins en maîtres du nouveau pouvoir et l'envoi de leurs victimes à la prison, à la torture et à la mort. Bastien-Thiry a dressé pour les siècles le bilan de cette violence et de ce génocide. Quiconque le lira s'étonnera de voir, après coup, cet atroce enchaînement de crimes parrainé et garanti par une morale d'Église, si belle qu'elle soit en théorie. Devant ces ruisseaux de sang innocent, ces ruines, cette misère soudaine, il vaut mieux s'en tenir à notre religion éternelle et reconnaître dans cette œuvre la main de Satan, le vieil adversaire des cités heureuses et des terres chrétiennes, menteur et homicide dès le commencement !

Et qu'on ne dise pas que cela appartient au passé. C'est l'avenir qui est en cause, immédiatement. Le colonel Bastien-Thiry l'a dit et ce fut la raison décisive de son propos : Une nation qui admet sans résistance, sans protestation, qu'on viole au seul bénéfice d'une Utopie et dans le sang de ses citoyens les lois morales et civiles, les institutions divines et humaines sur lesquelles reposent sa tradition, sa civilisation et sa foi, une telle nation est condamnée.

Nous ne consentons pas à faire l'échange de ces biens vitaux, de ces vertus morales, de ce legs d'honneur de nos pères, en un mot de cette Patrie dont nous vivons, pour un Monde nouveau dont nous partagerions le rêve avec les bons communistes et les hommes de toutes religions, races et nations, soudain réconciliés et unis dans la recherche d'un même bien commun mondial. Qu'on le souhaite, passe ! Qu'on y travaille, je veux bien, à condition toutefois de ne pas lâcher la proie pour l'ombre, je veux dire de ne pas trahir la patrie, la civilisation et la religion que nous avons, pour tenter d'édifier avec nos ennemis d'hier un monde meilleur dont nous ne savons pas encore s'il est viable et s'il n'est pas la plus mortelle des illusions que l'Adversaire fasse miroiter à nos yeux pour nous perdre.

Il me semble qu'après l'expérience tonkinoise et l'expérience algérienne, après les illusions mortelles du clergé de Cuba et les appels désespérés de Goa ou du Katanga nous serions bien sots et criminels de relâcher notre amour de la Patrie et de l'Église, d'oublier un peu vite le Décalogue et notre morale séculaire pour donner dans l'Utopie d'un monde fraternel qui assure depuis vingt ans d'effrayants accroissements à l'empire communiste, le plus inhumain de l'histoire. Personne ne nous convaincra ni ordonnera légitimement de substituer la foi optimiste au monde nouveau, en nos cœurs, à l'amour de la Patrie, personne ne nous persuadera de désarmer ni de nous confier à un gouvernement mondial Kroutchev-Kennedy et encore moins de collaborer avec les communistes ou l'Islam. Il faut qu'on sache, à Rome et à Paris, qu'il y a des reniements et des trahisons impossibles à un catholique français. Le sang de nos martyrs en fait foi.

Abbé Georges de Nantes
Lettre à mes Amis n° 139, avril 1963

 

ANNEXE IV : LE MANIFESTE DU PROGRESSISME ANTICHRIST :
LE SCHÉMA CLANDESTIN DU PÈRE KARL RAHNER

Karl RahnerVers la fin de la première session du Concile ([378]), un séminariste romain, chargé de faire le ménage dans les appartements des Pères, trouva un jour dans la corbeille à papier d'un évêque un texte latin qui lui parut de quelque intérêt. Il en communiqua aussitôt une copie au curé de Villemaur. C'était, de fait, si important que l'abbé de Nantes en fit le sujet de l'une de ses études sur le mystère de l'Église et l'Antichrist. De quoi s'agissait-il ?

Karl Rahner

De dix petites pages de texte latin, très dense, qu'il faut étudier avec soin. Les présidents des conférences épiscopales d'Autriche, de Belgique, de Gaule, de Germanie et de Hollande proposent ce schéma aux Pères comme matière de leur prochain examen. Il est, disent-ils, « certes d'un ton fort positif et pastoral », et cela sous-entend qu'il se distingue par là de tout ce qui a été proposé jusqu'ici régulièrement. Eh bien ! ce schéma me paraît donner comme définitions infaillibles de la foi chrétienne les principes religieux fondamentaux du progressisme et du teilhardisme. (...)

On apprendra plus tard que ce texte clandestin était l'œuvre du P. Karl Rahner, théologien du cardinal Koenig et l'une des têtes pensantes de “ l'Alliance européenne ” qui regroupait et encadrait alors un très grand nombre d'évêques, orientant leurs votes dans les discussions conciliaires. Quand on sait que cette organisation fut le fer de lance du complot progressiste au Concile, on mesure déjà l'importance particulière de ce document. (...)

Dans son analyse, l'abbé de Nantes souligne la grande nouveauté de ce texte : c'est un œcuménisme si audacieusement ouvert à toutes les religions qu'il tend à proposer comme idéal leur fusion prochaine dans une religion universelle qui travaillerait plus efficacement à la paix et à la construction du monde. C'est déjà l'esprit d'Assise !

Quels sont les caractères généraux de ce schéma ? L'impression qu'il laisse est terrible, c'est celle d'un suicide de l'Église, d'une capitulation devant les autres religions ou idéologies de notre temps. C'est l'effacement et l'évacuation du mystère central de notre foi, celui du péché, de la rédemption par la Croix, du salut par l'Église seule. C'est l'adoption du sens de l'histoire, du progrès cosmique et technique, de l'internationalisme et du socialisme. C'est enfin l'utopie démagogique d'une évolution générale de l'humanité, sa spiritualisation absolue et son unification politique et culturelle, considérées comme relevant secrètement de l'Église et préparant l'avènement de l'Esprit de Dieu. Plus d'exclusive catholique ni même chrétienne, toutes les religions sont des “ pédagogues ” qui permettent aux hommes de faire leur salut et de concourir à l'unification du genre humain, but suprême ; plus de puissance diabolique, plus de malice humaine, plus de ségrégation des brebis et des boucs. Voici enfin révélée la religion universelle, qui contient toutes les autres.

Bien sûr ces doctrines nouvelles ne vont pas sans quelque précaution oratoire. Au moment où ce texte affirme comme vérité d'Église que l'industrie humaine qui aménage la terre pour y permettre des conditions de vie plus humaines prépare celle-ci à l'avènement du règne de l'Esprit de Dieu, ce pentecôtisme matérialiste se tempère d'une double restriction : « bien qu'imparfaitement et non sans l'aide de Dieu »... Au moment où il nous est donné à croire que tous les hommes trouvent dans les actes explicites de leur religion et dans les croyances de leurs dogmes divers de quoi accomplir de manière très cachée à nos yeux leur salut, on ne manque pas de nous dire que cela ne va pas sans erreurs, dépravations et superstitions. Mais enfin l'accent d'une foi essentielle porte sur l'optimisme naturaliste, le relativisme dogmatique, l'humanisme démentiel. (...)

Leur foi optimiste et neuve reconnaît le marxisme et l'Islam : eux aussi, et le judaïsme, aident à « la montée des peuples dans la communauté humaine ». Nous avons liquidé nos colonies, renié notre civilisation, il ne manquait plus qu'à consacrer par une définition de foi la mise en accusation et la capitulation de l'Église. Que les religions et philosophies coexistent pacifiquement, chacune contribuant à l'harmonie et au progrès de l'ensemble ! Il suffit pour cela que nous nous persuadions, nous chrétiens, que le Christ, secrètement, est tout en tous, Dieu caché et sauveur des musulmans et des athées, des parsis et des bantous. (...)

Désormais nous savons que ces princes de l'Église ont telle foi, que le texte qu'ils en proposent en est l'expression reconnue ; ils ne sont plus des arbitres, ils ont pris un parti. Et ce parti est nouveau. Libre à nous, jusqu'au jour où l'Église infaillible en aura décidé, de le juger par rapport à la foi qu'on nous a apprise, de le juger exécrable et de le combattre de toutes nos forces... comme le pire des dogmes de Satan.

Enfin la théorie fondamentale des progressistes est dévoilée, elle peut être l'objet d'études sans que leurs “ âmes fuyantes ” se dérobent et nous accusent de mauvaise foi. (...)

Au moment même où l'abbé de Nantes dénonçait le schéma du P. Rahner... le théologien allemand était en passe de devenir le maître incontesté du complot de cette “ Alliance européenne ” qui allait bientôt s'imposer lors de la deuxième session de Vatican II ([379]). (...)

 

ANNEXE V : L'ENCYCLIQUE ECCLESIAM SUAM (6 août 1964)

Paul VI


La publication de l'encyclique Ecclesiam suam, le 6 août 1964, domine tous les autres événements qui précèdent la réunion de la troisième session ([380]) du Concile Vatican II prévue pour septembre. « Elle retentit dans le monde comme un coup de cymbales. C'était le discours-programme du pontificat. » Paul VI, en effet, quoique monté sur le siège de Pierre en juin 1963, n'avait toujours pas encore fait connaître ses intentions dont beaucoup s'inquiétaient, après le déroulement mouvementé de la deuxième session ([381]).

Dans le prologue d'Ecclesiam suam, Paul VI indiquait que son encyclique n'était qu'une simple conversation épistolaire. Elle ne veut pas revêtir un caractère solennel et proprement doctrinal, ni proposer des enseignements déterminés, d'ordre moral ou social ; elle veut simplement être un message fraternel et familier. Cependant, comme on savait que le Pape soignait toujours ses écrits, l'abbé de Nantes s'appliqua tout d'abord à saisir toutes les nuances du texte, puis il en publia une critique théologique dans ses Lettres à mes amis 180 et 181, respectivement des 20 et 28 août 1964.

Première constation, Paul VI se révèle entièrement dans cette encyclique et « il entend marquer qu'il ne renie rien de ses convictions passées et qu'il demeure fidèle à la tradition des Montini. Il se veut et se déclare héritier d'une manière de faire, d'une orientation pastorale inaugurée par Léon XIII et poursuivie par tous ses prédécesseurs, de Pie XI à Jean XXIII. Il est ainsi très remarquable, très significatif que Sa Sainteté Paul VI n'ait pas voulu faire mention de Pie IX, de grande mémoire, et qu'il ait omis à dessein Pie X, le seul pourtant qui fut mis sur les autels, parce que indubitablement ils appartiennent à une autre tendance, une autre tradition, légitime aussi, mais que l'encyclique laissera dans l'ombre, comme tombée en désuétude.

L'exergue de la Lettre à mes Amis 180 résume parfaitement l'intention de l'encyclique : « Le Pontife romain peut et doit se réconcilier et transiger avec le progrès, le libéralisme et la civilisation moderne. » Mais c'est une citation de la dernière proposition... condamnée par Pie IX dans le Syllabus (Prop. 80) !

Maintenant, annonçait Paul VI, il ne s'agit plus d'extirper de l'Église telle ou telle hérésie déterminée ou certains désordres généralisés. Grâce à Dieu il n'en règne point au sein de l'Église.

Ce jugement euphorique, notait l'abbé de Nantes, prolonge donc la vision optimiste de Jean XXIII ([382]) ; comme elle, il s'étend aux recherches intellectuelles et pastorales, aux entreprises missionnaires de ces derniers temps, à toute la vie et l'action catholique contemporaines. Il se porte avec la même satisfaction sur l'état des relations que l'Église peut et doit avoir avec l'humanité, à laquelle elle ne s'oppose pas. Au contraire, elle s'y unit.

PAUL VI, ACQUIS AU RÉFORMISME CONGARIEN

Le Saint-Père, s'il ne les impose pas, du moins choisit pour lui-même et son pontificat, et même nous propose, dignement mais fortement, les orientations qui, de Montalembert à Sangnier et de Jacques Maritain au Père Congar, définissent un certain esprit nouveau chrétien. Lesquelles ? Celles d'une avance constante vers le monde moderne, démarche qui se veut et se déclare cependant absolument fidèle à toutes les exigences de l'Église du Christ. (…) Paul VI s'inscrit dans ce courant, ce torrent, apparemment majoritaire dans le Concile et le plus dynamique aujourd'hui. Il adopte donc à son tour tout un vocabulaire, jusqu'à ce jour plutôt inquiétant et banni du langage officiel de l'Église : prise de conscience et ressourcement, renouvellement et réforme, coexistence et ouverture, dialogue enfin, sont les notions clefs de l'encyclique. Paul VI est personnellement acquis au principe même du réformisme congarien. C'est une date dans l'histoire de l'Église. (…)

DES RESTRICTIONS RASSURANTES QUI N'EMPÊCHERONT PAS
LA NOUVEAUTÉ SUBVERSIVE DE L'EMPORTER

Mais si Paul VI voulait que l'Église adopte un nouveau système de coexistence avec le monde, c'était en émettant des réserves, avec des "oui mais" savamment balancés.

Paul VI entend inscrire son pontificat dans le courant moderne d'une tradition libérale et réformiste, mais parce qu'il se porte garant de son accord profond avec l'intégrité de la foi et qu'il entend le maintenir fermement réglé, selon les plus exigeantes requêtes de la morale et de la discipline ecclésiastique. Toute la difficulté de l'encyclique, et toute la fortune de son application prochaine, tiennent dans la démonstration et la valeur de ce périlleux accord et de cet équilibre instable. En donner un aperçu sommaire permettra de fixer les points de convergence et d'opposition du réformisme modéré de Paul VI, avec le progressisme d'une part, avec l'intégrisme et notre traditionalisme d'autre part. Voici donc ce triple programme :

Conscience mais foi.

Le Saint-Père adopte (…) la prise de conscience et, collective, la révision de vie d'où procède toute réforme de soi, des autres et de l'Église. Le Pape en sait les graves dangers, de subjectivisme ; il la juge néanmoins en soi hautement appréciable et pratiquement répandue aujourd'hui, comme une expression raffinée de la culture moderne. Cependant, il est démontré que les erreurs du progressisme les plus contraires à la foi et à la simple raison, les inventions les plus destructrices étaient immanquablement fondées sur les vagissements instinctifs d'une conscience dite chrétienne, aussi infaillible qu'insouciante de toute règle. (…) Il exalte donc la conscience individuelle et ses illuminations prophétiques, tout en prétendant contenir ses expériences intimes dans les limites de la foi dogmatique. Et l'abbé de Nantes de poser la question :

Mais les consciences se laisseront-elles ainsi préciser leurs cheminements secrets et leurs expériences subjectives par le Pape ? Je crains qu'elles ne profitent plutôt de la liberté et de la sorte d'infaillibilité qu'on leur reconnaît sous le nom de conscience ecclésiale pour se substituer encore au Magistère et s'émanciper de la règle de foi. Qui saura discerner vraie et fausse conscience ? L'équivoque, l'opposition demeurent donc. Le progressisme bouleversera encore notre Credo au nom de la conscience chrétienne ; l'intégrisme récusera de tels oracles parce que contraires au dogme et à la morale de l Église. Tous deux le feront sous le couvert de l'encyclique. (…)

Renouvellement, mais perfection spirituelle.

Le Saint-Père traite de la question de la réforme à entreprendre et des mesures à prendre en vue de purifier et de rajeunir le visage de l'Église. Le Saint-Père adopte la problématique de Congar cherchant à définir et à discerner par avance ce qui peut être renouvellement salutaire et ce qui n'est que révolution. Rejetant l'immobilisme total ou l'hostilité de principe à tout rapprochement avec le tour de pensée et les manières de faire ayant cours en notre temps et qui y songe ? Paul VI distingue à son tour entre l'idée à se faire de l'essence de l'Église catholique et de ses structures fondamentales d'une part, choses à propos desquelles il serait abusif de parler de réforme, et ce qui, dans l'Église telle qu'elle est aujourd'hui est venu déformer le dessein primitif et altérer plus ou moins, du fait de la faiblesse humaine, la pureté de ses traits et la beauté de son action.

Mais ramener l'Église à sa forme parfaite est une formule trop dangereuse pour que le Pape ne l'ait assortie aussitôt d'une lumineuse, d'une véhémente mise en garde contre l'erreur révolutionnaire. Paul VI prônait donc la réforme de l'Église, mais dans le respect de la tradition ! Sera-t-il compris, entendu, suivi ? (…)

Au fond, ne serait-il pas plus simple et plus sür de dire que l'Église n'a pas besoin de réforme et qu'en ces temps de bouleversements universels et de folie elle appelle seulement ses enfants à une plus grande perfection ? (…)

Dialogue, mais sans renoncer à la prédication de la vérité.

Le pape Paul VI a choisi de le mettre en œuvre l'apostolat séculaire de l'Église sous la forme d'un dialogue avec le monde, d'une conversation. Ce n'est pas sous sa plume simple adoption d'un slogan, mais l'expression d'un choix délibéré : En ce moment de l'histoire du monde, cette nouvelle forme de contacts de l'Église avec toute l'humanité est la meilleure. Et c'est sans s'y attarder pour les louer ni pour les regretter que le Pape passe rapidement en revue d'autres formes, légitimes sans doute, mais désormais désuètes, en bref tout l'appareil d'autorité divine et d'institutions sociales que, pour répondre au salut des âmes, l'Église d'avant nous avait mis en œuvre avec un admirable sens de sa mission divine.

Là encore, quelle prime donnée au progressisme ! la substitution du dialogue à toute autre méthode apostolique est en effet l'une de ses revendications majeures. Le Saint-Père entre-t-il dans ses vues ? En partie. L'encyclique marque l'aboutissement d'un courant libéral et personnaliste pour lequel, avant tout, doit être respectée la liberté de l'homme. (…) L'avantage essentiel que le Pape trouve au dialogue, c'est qu'il laisse les hommes libres d'y correspondre ou de le refuser. Cette forme de rapport... si elle ne vise pas à obtenir immédiatement la conversion de l'interlocuteur parce qu'elle respecte sa dignité et sa liberté, vise cependant à procurer son avantage... (…)

On sent bien qu'à notre époque, il ne faut en rien braver l'ombrageux orgueil de l'homme. (…) Dans de telles conditions, d'estime, de sympathie forcées, le chrétien, l'Église ne seront-ils pas tentés et, par la force des choses, entraînés à réduire l'opposition des doctrines, partager l'erreur et la vérité à doses à peu prés égales et, de convertisseur, devenir eux-mêmes convertis ? Le Pape réagit fortement contre cet entraînement, qu'il juge cependant évitable.

L'abbé de Nantes était convaincu que la nouveauté subversive l'emporterait. 

Le dialogue, devenu la règle suprême et l'unique méthode d'apostolat progressiste en France, a révélé son impuissance à convertir personne et c'est son vice essentiel. Réduit au dialogue, en toute égalité et liberté, d'un homme avec un autre homme, cet étrange apostolat n'a plus rien d'objectivement divin. C'est sa vision subjective qu'un chrétien propose à l'autre, dont la vision subjective est a priori de même valeur. Bien plus, la courtoisie voudra que le chrétien épargne à son interlocuteur des critiques trop faciles ou de trop sévères réprimandes. Ce serait un empiétement sur sa liberté que de faire intrusion dans sa vie avec toute l'autorité, la puissance contraignante, la proposition de salut souveraine de notre Dieu qui est son Dieu, de notre foi qui doit être sa foi comme condition absolue de salut, sous peine de damnation ! C'est à juste titre donc que le dialogue humain nous a toujours paru théoriquement, comme il a toujours été mené pratiquement par le progressisme, comme excluant l'apostolat proprement dit. Il ne vise pas à la conversion nécessaire (…). Comme on voit, l'homme est bien laissé libre ! Mais que devient l'autorité souveraine de la Parole de Dieu ?

Au contraire, dans la prédication comme dans l'apostolat qui la prolonge auprès de chaque âme, ce ne sont pas deux hommes ou deux sociétés humaines qui se rencontrent sympathiquement, c'est, par le ministère de l'Église et de ses mandataires, Dieu même qui vient sommer l'homme rebelle et pécheur de se convertir pour être sauvé. C'est un duel, d'amour sans doute, mais non à égalité, non de liberté, qui ne peut se terminer que par le repentir et la conversion de l'infidèle, ou par le martyre de l'Envoyé céleste... Tellement la Vérité de Dieu ne souffre accommodement ni retard ! Ajoutons-le, car c'est une constatation, les formes anciennes de l'apostolat demandaient dévouement, abnégation, héroïsme, mais elles ont converti des peuples et porté l'Évangile sur toutes les plages, les arrosant du sang des martyrs. " L'Église en conversation ", le dialogue, ne risquent pas de nous attirer persécution ni désagrément mais pas davantage ne rapporteront-ils à l'Église dévouements et conversions.

L'abbé de Nantes analysera cette thèse majeure de l'encyclique dans la deuxième partie de son étude, publiée dans la Lettre 181.

L'ÉGLISE AU SERVICE D'UN MONDE PROFANE

L'encyclique Ecclesiam suam dont l'intention est toute tournée vers le nouveau système de coexistence et de dialogue avec le Monde, témoigne que la mentalité catholique a plus évolué, sur ce chapitre, depuis vingt ans, qu'en deux millénaires. Jusqu'alors (…) l'Église travaillait à l'expansion de son domaine, " royaume de vérité et de vie, royaume de sainteté et de grâce, royaume de justice et de paix ". Sans complexe. L'emprise du Monde infernal devait reculer, tous les pouvoirs temporels reconnaître la royauté du Christ ou disparaître. Cependant, l'œuvre sans cesse poursuivie était sans cesse menacée, mise en échec. L'Église avait sur ses franges des excommuniés, des apostats, les schismatiques et les hérétiques. Plus loin demeurait la compacte, l'impénétrable masse des infidèles, dominée par l'inquiétant foisonnement de pouvoirs et de religions ennemis. La foi en l'unique Église du Christ, arche de salut des nations, n'en était pas pour autant ébranlée. Au contraire, l'apostolat missionnaire se doublait de la soif du martyre et la Chrétienté s'étendait indéfiniment.

Tout a changé. L'encyclique évoque désormais, comme deux réalités distinctes, l'Église et la société humaine. Une nouvelle géographie religieuse apparaît sous la plume du Pape : L'Église est entourée d'une partie du monde qui a subi profondément l'influence du christianisme et l'a profondément assimilé, si bien qu'elle ne s'aperçoit souvent pas d'être débitrice au christianisme de ce qu'elle a de meilleur ; mais, par la suite, elle s'est distinguée et détachée durant ces derniers siècles du tronc chrétien de sa civilisation ; une autre partie, qui est la plus considérable de ce monde, s'étend jusqu'aux horizons les plus éloignés des peuples qu'on appelle nouveaux ; mais l'ensemble forme un monde... le monde moderne.

Maintenant les chrétiens reconnaissent une civilisation mondiale, émancipée, autonome et cependant viable, avec laquelle l'Église doit entrer en rapports, non d'intériorité ou de domination, mais d'extériorité et de service. Notons qu'il ne s'agit pas, dans cette évolution reconnue, d'une décléricalisation de la société chrétienne où les pouvoirs politiques ont passé des clercs aux laïcs, mais de la désacralisation d'une société universelle qui entend se définir, vivre et prospérer selon de pures valeurs humaines, en dehors de l'autorité et des principes de l'Église du Christ. C'est ce monde moderne appelé de ses vœux et défini par Jacques Maritain comme un humanisme intégral, qui est donné dans notre encyclique comme la réalité d'aujourd'hui, comme un fait historique indéniable s'imposant à notre foi.

Ce monde prétend se passer, se passe en fait et, de notre aveu même, peut donc se passer de Dieu, du Christ-Sauveur, de l'Église catholique ? Il se construit, il se développe, sans être ni pour ni contre, ou alors c'est accidentel à son être, à son ordre propre, à son harmonie profonde. Il est composé de beaucoup de races et aussi de beaucoup de religions diverses, et d'idéologies concourantes. Il ne choisit pas, mais les fait coexister dans son unique progrès. Et l'Église tient à cœur qu'il y ait, entre lui et elle, rencontre, connaissance et amour réciproques. Révolution dans la foi traditionnelle : ce n'est plus le Monde de Satan, loin de là ! c'est " la vie profane ". (…)

Les rapports de l'Église avec un Monde ainsi défini n'auront plus rien de la souveraineté ni de l'apostolat anciens, et l'on s'étonne que le Pape se situe encore au centre géographique d'un tel ensemble humain, qui rejette ou ignore son autorité divine. L'Église catholique paraît au contraire accepter d'être considérée comme une puissance spirituelle de second rang, partageant avec d'autres la charge de fortifier les énergies des hommes pour la construction et le perfectionnement de la Cité terrestre, toutes rivalisant pacifiquement dans ce service social et réservant leur dialogue au domaine de la pure et gratuite spéculation religieuse.

Le danger est qu'en renonçant à condamner l'apostasie moderne, comme ruineuse et digne de châtiment, l'Église ne se vide de toute sa substance dès lors absorbée par les structures laïques de la Cité terrestre. L'Action catholique travaille trop sur ce thème : présents à l'appel d'un monde à construire. Faute de condamner le Léviathan moderne, l'Église risque d'être abandonnée pour lui par ses propres enfants, enivrés d'ambitions humaines. (…)

ENTRER EN DIALOGUE AVEC LES DIVERSES CROYANCES ET INCROYANCES

Voulant engager le dialogue avec les diverses croyances et incroyances y compris le marxisme, Paul VI les imagine comme une série de cercles autour de lui pris comme centre, et formule plusieurs propositions de conversations. (…)

Les adorateurs du vrai Dieu, fils, dignes de notre affectueux respect, du peuple hébreu, fidèles à la religion que nous nommons de l'Ancien Testament. Ensuite, les adorateurs de Dieu selon la conception de la religion monothéiste - musulmane en particulier - qui méritent admiration pour ce qu'il y a de vrai et de bon dans leur culte de Dieu ; et puis encore... les fidèles des grandes religions afro-asiatiques.. Envers ces peuples, le Pape adopte des principes de conduite fort clairs, mais tout aussi nouveaux. Il reconnaît avec respect ce qu'elles ont de vrai et de bon, il accepte de contracter avec ces multitudes une sorte d'entente pour promouvoir et défendre les idéaux que nous pouvons avoir en commun, dans le domaine de la liberté religieuse, de la fraternité humaine, de la saine culture, de la bienfaisance sociale et de l'ordre civil... Voilà donc bien l'offre d'une coopération positive à buts humanitaires et celle d'un dialogue, plus lointain, sur la vérité religieuse...

Avec lucidité, l'abbé de Nantes prévoyait les conséquences de telles offres de dialogue et de coopération. Il annonçait que notre faiblesse ne pourrait qu'endurcir les juifs dans leur certitude d'être le peuple élu appelé par Dieu à prendre sa revanche et à asservir tous les autres peuples, infidèles. Quant aux musulmans, ils les interpréteraient comme un nouveau signe de lâcheté des " nazaréens ". Et que d'illusions concernant le bouddhisme et l'hindouisme !

Orthodoxes et protestants forment le cercle du monde le plus voisin de nous... Dans ce domaine, le dialogue, qui a pris le nom d'œcuménique, est déjà ouvert, et S. S. Paul VI en adopte volontiers le principe : Mettons en évidence avant tout ce que nous avons de commun, avant de noter ce qui nous divise. Généreusement, il offre davantage : Sur de nombreux points qui nous différencient, en fait de tradition, de spiritualité, de lois canoniques, de culte, nous sommes prêts à étudier comment répondre aux légitimes désirs de nos frères chrétiens, encore séparés de nous. Hélas ! (…) souligner qu'on insistera sur les points communs, annoncer des concessions de détail, sous réserve de leur "légitimité", c'est déjà compromettre le dialogue par l'aveu tacite du principal, qui nous divise irrémédiablement. Alors, s'il en est ainsi vis-à-vis des chrétiens qui ont tant de points communs avec nous, que sera-ce des autres, tout étrangers à notre foi ?

Le Pape considère que c'est l'Église catholique qui a pris l'initiative de recomposer l'unique bercail du Christ et, très fermement, il enseigne que cette réconciliation ne pourra se faire qu'en pleine reconnaissance de la primauté du Pape, autour de son autorité souveraine, pivot central de la sainte Église. Si vous voulez bien remarquer que les mises en garde et restrictions, qui visent tout au long de l'encyclique à prémunir les catholiques contre des déviations et erreurs modernes, sont autant de thèses strictement opposées au protestantisme, vous comprendrez le désarroi des œcuménistes. (…) Il croit, il veut croire cependant au dialogue entre baptisés...

Le prix de cette espérance bienveillante n'en est pas moins fort lourd, ici encore. Les aimables conversations ne peuvent durer qu'au prix de graves silences : l'Église doit taire l'illégitimité fondamentale, historiquement démontrée, de la Réforme protestante comme du Schisme oriental, pour reconnaître en eux des interlocuteurs valables, elle doit s'interdire de faire connaître l'extrême pauvreté de doctrine, de vie sacramentelle, de valeur morale et mystique qui caractérise les communautés chrétiennes, constituées par des rebelles sur d'autres fondements que le Christ ; elle s'interdira donc de presser les âmes innocentes et de leur faire un devoir de se libérer de leur esclavage pour entrer dans l'unique arche de salut, l'Église, seule épouse du Christ et mère incomparable. (...)

LES FILS DE LA MAISON LIVRÉS À L'ARBITRAIRE

Et enfin notre dialogue s'offre aux fils de la Maison de Dieu. Le Pape sera très bref sur ce dialogue, qu'il semble préoccupé de subordonner et de limiter tout entier à l'obéissance. Je crains fort que cet appel sévère à la plus aveugle, la plus entière discipline, ne soit encore un argument contre les seuls catholiques qui vont à contre-courant. Point de dialogue pour eux, dans l'Église actuelle ; celui-ci demeure le privilège exclusif des progressistes à la conscience éclairée. (...)

NEUTRALISME POLITIQUE

Et le communisme ? et la subversion mondiale ? Le pape Paul VI, ouvrant une ère de dialogue avec tous les hommes, distingués selon leurs groupes religieux, s'impose de croire qu'ils mettent leurs convictions religieuses ou métaphysiques au-dessus de leurs intérêts et de leurs passions raciales ou sociales. Il se déclare lui-même étranger à tout intérêt temporel et aux formes proprement politiques. Le Pape refuse de prendre parti entre l'Occident chrétien qui recule, la Révolution communiste qui l'investit de toutes parts et de l'intérieur même, le tiers monde disparate et sans consistance, qui échappe à la domination de l'un pour courir dans l'esclavage de l'autre. (…) Le Pape, confirmant le neutralisme politique de Jean XXIII, ne veut pas engager son pouvoir dans la défense de l'Occident. La dénonciation, comme un crime et comme une ruine, de la guerre d'agression, de conquête ou de domination, par le Chef spirituel le plus écouté de l'Occident, son silence sur la guerre de libération nationale, instrument le plus efficace de la subversion communiste, sa recommandation de solutions négociées, enfin sa théorie de la paix à tout prix ne peuvent qu'affaiblir le potentiel défensif de l'Ouest dans la guerre froide de la diplomatie et demain peut-être, hélas ! sans que nous l'ayons voulu ni même préparé, dans la guerre atroce que les pays communistes auront préméditée, préparée et déclenchée à leur guise, sous la protection du neutralisme occidental. Trop prêcher la paix en pays assiégé, c'est mener à la guerre et à l'écrasement de nations pacifiques mal défendues !

Cette attitude intemporelle, et volontairement éloignée de toute politique, se retrouve dans la condamnation du communisme. Quoi qu'on prétende, elle est limitée et très atténuée par rapport à ses devancières. C'est l'athéisme persécuteur qui se condamne lui-même. Parmi d'autres régimes économiques, sociaux et politiques, auxquels sont souvent identifiés les systèmes d'athéisme condamnés, est mentionné tout spécialement le communisme. Donc la revendication majeure du progressisme politique est enfin reconnue et acceptée dans un document pontifical : ni les systèmes économiques ni les régimes politiques, même communistes, ne sont objet de condamnation, mais l'athéisme persécuteur qui les accompagne actuellement. Qu'ils y renoncent et le dialogue reprendra avec eux. Qu'ils laissent, eux aussi,... les couteaux au vestiaire, et nous serons heureux de discuter en confiance de l'existence de Dieu. Le Pape formule comme une espérance ce vœu d'une reprise du dialogue, en citant fort explicitement le passage tant contesté de Pacem in terris ([383]), dont on nous avait pourtant dit qu'il ne pouvait en aucun cas concerner les régimes et partis communistes.

Cette encyclique prouve donc la volonté certaine de Paul VI d'entraîner l'Église sur les chemins aventureux de l'illuminisme, du réformisme et d'un œcuménisme ultrachrétien sous le signe du dialogue.

Aussi, le 15 septembre 64, l'abbé de Nantes avertit ses lecteurs du péril immédiat le menaçant : « Obligés en conscience de résister et nous faisant fort d'en exposer les raisons indiscutables, la nécessité pressante, nous risquons d'être incompris, peu suivis par des amis hésitants, désavoués par une masse de lecteurs trompés par ailleurs et incapables de mesurer l'ampleur du drame. »

Extraits des Lettres à mes amis n° 180 et n° 181,
et de Pour l'Église, tome 2, p. 61-76.

 

ANNEXE VI : L'ENCYCLIQUE POPULORUM PROGRESSIO

Après l’encyclique Ecclesiam suam ([384]), la charte du pontificat de Paul VI, prônant non point un modernisme doctrinal, mais un réformisme juridique audacieux et l’annonce d’un progressisme politique et social démesuré (...), l’encyclique Populorum Progressio, de Pâques 1967, désigne le deuxième objectif de cette grande réforme humaniste et évangélique : le Développement. (...)

Cette encyclique, comme d’autres grands gestes politico-religieux de Jean-Baptiste Montini, revêt l’apparence d’un acte du Magistère apostolique romain, mais cette apparence est trompeuse. (...) Totalement ignorante, et pour cause ! des Autorités de la Tradition, elle repose essentiellement sur les théories d’auteurs vivants dont elle cite les ouvrages et qui tous appartiennent à ces écoles françaises de sociologie et de théologie frappées par Pie XII. C’est l’indication d’une rupture, c’est la consécration d’une rébellion. (...)

I. UNE ANALYSE MARXISTE-LÉNINISTE DE LA SITUATION MONDIALE

La faim qui accable, dit-on, les deux tiers de l’humanité, malgré la prospérité de l’Occident, forme la trame voyante de l’Encyclique, mais sa chaîne moins visible est la lutte des classes étendue au monde entier. « Les peuples de la faim interpellent aujourd’hui de façon dramatique les peuples de l’opulence. L’Église tressaille devant ce cri d’angoisse et appelle chacun à répondre avec amour à l’appel de son frère » (Populorum progressio : P. P. 3). (...)

1. UN SERMON DE CHARITÉ QUI PREND LES ALLURES D’UN ULTIMATUM.

Le ton de cette encyclique n’a en effet rien d’évangélique. Jésus pouvait clamer son « Malheur aux riches »parce qu’il avait d’abord exalté la pauvreté des humbles, non leur révolte. Il ne disait pas : « Allez, les misérables ! Gare à vous, les nantis ! » mais « Heureux les pauvres ». Aux uns et aux autres, Seigneur pacifique, il montrait le Ciel comme le seul objet de leur crainte et de leur espérance. Dans l’Esprit de son Fondateur, l’Église s’était bien gardée jusqu’à ce jour, à la différence des hérésiarques, d’associer comme fait l’encyclique « le jugement de Dieu et la colère des pauvres aux imprévisibles conséquences » (49). Rappelant aux possédants leur devoir, elle ne voulait à aucun prix exciter, ce faisant, la révolte des indigents. Elle se gardait d’assortir son enseignement de charité de la trop claire menace d’un châtiment immédiat, comme on lit ici avec une sorte d’horreur : « Que les riches du moins sachent que les pauvres sont à leur porte et guettent les reliefs de leurs festins » (P.P. 83). Ce chantage dix fois répété (11, 44, 49, 53, 55, 57, 73, 76, 80, 83), ce « la bourse ou la vie »annonce des torrents de sang innocent. (...)

Ce ton est injuste et trompeur. L’encyclique impose progressivement la conviction que les peuples riches sont les responsables principaux, uniques même, de la « misère imméritée » (9, 67) des peuples pauvres. Elle considère, « en ce tournant décisif de l’histoire de l’humanité » (1), que « la question sociale est devenue mondiale » (3). (...)

2. L’A PRIORI FONDAMENTAL D’UNE GUERRE SOCIALE MONDIALE.

La situation où Paul VI voit le monde est celle d’une absolue contradiction d’intérêts entre deux catégories de peuples. C’est exactement du matérialisme dialectique. Sans doute dissuade-t-il les opprimés de s’engager — sauf exceptions (31) — dans les voies de la révolution violente et totalitaire (11, 30), mais il n’en prône pas moins des « transformations audacieuses, profondément novatrices », des « réformes urgentes, nécessaires, indispensables » (32, 81) pour briser cette maudite sujétion du tiers-monde aux peuples d’Occident. Déjà ils ont conquis l’indépendance politique (6), qui paraît ici plus précieuse que le pain ! Depuis Pacem in terris ([385]), l’Église ose se flatter de les y avoir encouragés et aidés. Ils aspirent maintenant au bien-être, à l’autonomie économique, à la promotion culturelle. Tout cela doit leur être donné « avant qu’il ne soit trop tard » (53), ou bien ils l’arracheront à leurs oppresseurs. C’est du marxisme,... ou de la démagogie.

L’Occident capitaliste a beaucoup péché, certes ! « Il faut reconnaître que les puissances colonisatrices ont souvent poursuivi leur intérêt, leur puissance ou leur gloire » (7). Elles ont laissé de leur domination trop d'« amertumes » (52), et « beaucoup de rancœurs à la suite de réelles injustices » (63). La brutalité d’un « certain capitalisme » a provoqué « trop de souffrances, d’injustices et de luttes fratricides aux effets encore durables » (26). La loi d’airain du libre échange a écrasé les peuples sous-développés (58) ; les fluctuations, les effondrements du cours mondial des produits agricoles et des matières premières les ont acculés à la faillite (57). (...)

Mais la liste des abus d'« un certain colonialisme » et d'« un certain capitalisme » sert ici d’argument à la condamnation de tout l’ordre actuel. Pas un instant le Pape ne signale que les administrations coloniales apportèrent de notables atténuations à ces violences, à cette « hégémonie dominatrice » (52), à cet « impérialisme international de l’argent » (26). Pas davantage il ne mentionne l’ambition de « l’exercice du pouvoir » et la soif d’une égale « jouissance des biens » (9) qui, en nous chassant, ont privé les peuples autochtones de toute institution protectrice. La décolonisation louée par le Pape a considérablement aggravé les maux mêmes qu’il dénonce ! (...)

Pas plus que la colonisation, la Mission ne paraît ici une institution civilisatrice adaptée pour la solution des difficultés mondiales actuelles. S’il salue en passant les efforts des missionnaires, « pionniers du progrès matériel comme de l’essor culturel », Paul VI leur reproche d’avoir mêlé à leur œuvre « trop de manières de penser et de vivre de leur pays d’origine » (12). Quelle pitié ! Et s’ils ont « souvent protégé les indigènes de la cupidité des étrangers », de toutes façons de telles « initiatives locales et individuelles ne suffisent plus. » Voilà bien le coup de grâce porté à l’œuvre sociale des missions. Mais colonisation et missions sont de toute évidence pour Paul VI, comme pour les socialistes de toutes obédiences, des systèmes radicalement insuffisants, eux-mêmes entachés de capitalisme, de racisme et de nationalisme, donc dépassés. Le Pape écarte cet ordre ancien d’un léger revers de main qui fait table rase, en vue de « l’action d’ensemble que la situation présente du monde exige » (13). Il a son programme. D’ici-là, le Tiers-monde est abandonné chaque jour davantage aux excès d’un capitalisme sans frein, à la régression de l’anarchie démocratique, au malheur d’un autre colonialisme missionnaire, affameur et dégradant, celui du communisme mondial.

Car l’Occident n’est pas le seul ni même le principal responsable de la misère mondiale ! L’Encyclique ne connaît pas d’autre cause au sous-développement des peuples que les abus du capitalisme. Cependant, pillés par nous ? exploités ? les peuples indigènes ont été plus encore secourus et aidés. Leur misère vient de malheurs où nous n’avons rien à voir, et dont nos colons ont souffert avec eux, plus qu’eux. L’aridité du sol, la sévérité du climat, l’insalubrité de l’air. Et le formidable retard, compté en millénaires, de ces populations primitives ou dégénérées !

Pourquoi taire les vices des autochtones, pires que ceux des colonisateurs : la paresse, la polygamie, l’anthropophagie, les cent visages de la barbarie ! Il eût été important de souligner l’influence désastreuse des fausses religions, les systèmes arriérés des lois et des mœurs, les luttes tribales, le servage, la traite. Pourquoi taire les extrêmes difficultés de la nature et les méfaits de la sauvagerie indigène ? Pour mieux requérir contre la race blanche ?

Il est étonnant et douloureux que le Pape de Rome ignore entièrement le bienfait définitif de la Rome Impériale et Catholique antérieur au capitalisme mercantile et qui lui survivra, ce bienfait qu’apportèrent aux barbares nos soldats, nos colons et nos missionnaires, heureusement associés : l’Ordre des Lois et la Vérité de la Foi. Devant ces deux principes de civilisation, les injustices et les méfaits d’un certain colonialisme ne comptent pour rien. C’est pourquoi devrait l’emporter, comme l’idée corporative et monarchique dans la question sociale, l’idée coloniale et missionnaire dans une doctrine pontificale du développement des peuples. Mais non ! Paul VI a choisi de mettre en accusation le capitalisme, afin d’imposer au monde le plan grandiose d’une nouvelle organisation internationale qui ne sera ni traditionnelle ni hiérarchique, ni occidentale ni catholique, mais démocratique et socialiste...

3. DEUX SILENCES QUI SONT UNE TRAHISON.

L’Empire communiste est totalement absent de cette analyse de la situation mondiale. Alors que les mécanismes de l’économie occidentale sont démontés pour en faire apparaître les défauts et les vices, la constante faillite du collectivisme, aggravant la faim et la misère des peuples, n’est jamais signalée. Alors que les sujétions de l’ordre politique colonial sont formulées en termes d’oppressions insupportables, les tares essentielles du système socialiste et sa destruction de toutes les libertés humaines ne sont signalées qu’en passant (31, 39).

Bien plus, ce socialisme étatique et révolutionnaire est partout suggéré, plutôt que mentionné, comme la solution radicale et la grande tentation des peuples opprimés de se libérer de l’emprise capitaliste et de sortir une bonne fois de l’ornière du sous-développement ! Mais Paul VI ignore le fait communiste, cet immense impérialisme, esclavagiste, pillard, trafiquant d’armes et propagandiste de haine. Il ne voit pas son action révolutionnaire et terroriste dans l’agitation des peuples indigènes soulevés contre les puissances colonisatrices. Il ne veut voir que le conflit mineur des peuples de couleur contre leurs anciens maîtres dont il applaudit la défaite et le retrait. Il cache au Tiers-monde, impuissant, incapable, assisté, perdu dans ses colères et ses caprices d’enfant, le joug terrible de la barbarie communiste où il tombera inéluctablement. Le Pape les excite — contre nous seuls — à revendiquer « pain, paix, liberté, justice, fraternité », mais il n’a aucun pouvoir de les protéger du grand impérialisme sino-russe qui ne leur donnera que l’esclavage, la famine et la guerre ! (...)

Le miracle chrétien, catholique, est lui aussi oublié. Cette sociologie classe les religions, quelles qu’elles soient, parmi les « institutions culturelles, les manifestations supérieures de civilisation : artistiques, intellectuelles et religieuses » (40). Bien plus, ces trésors spirituels paraissent l’apanage des peuples pauvres tandis que les riches, c’est-à-dire à peu de choses près les peuples chrétiens, y sont présentés comme surtout soucieux de prospérité matérielle. Aussi le Pape écrit-il : « Les peuples pauvres ne seront jamais trop en garde contre cette tentation qui leur vient des peuples riches » (Tentation matérialiste, 41). Nouveau grief renforcé contre nous ! Mais c’est un refrain de l’encyclique : d’un côté « le progrès »qui vient de l’Occident et auquel on ne peut renoncer, mais de l’autre « les institutions et croyances ancestrales » qu’il faut garder (10).

Paul VI loue indistinctement « les valeurs spirituelles qui se rencontrent souvent, comme un précieux patrimoine, dans les civilisations » (68), « civilisation reçue des ancêtres, que possède chaque pays » (40). Il en a admiré quelques échantillons lors des rapides voyages qui l’emportèrent loin de Rome (4). Mais le Pape ne songe pas une fois à marquer sa préférence pour le patrimoine catholique, à exalter la valeur de la civilisation chrétienne, à rapporter enfin au seul Jésus-Christ et à son Église l’extraordinaire avance philosophique, politique, scientifique, et par suite économique de l’Occident sur tous les peuples de l’univers ! Pas un mot du Chef de l’Église ne blâme ni ne signale même tant de formes aberrantes de religions et de mœurs, premières responsables du malheur terrestre (et éternel) des hommes !

À lire l’encyclique, on penserait que toutes les religions se valent et que toutes les civilisations sont également vénérables, aux seuls titres de leur antiquité et de leur génie propre. Un même conflit les oppose toutes de la même manière au progrès technico-social, comme les cadres anciens et les vieilles outres au vin nouveau d’un nouvel humanisme. C’est du Lamennais ! Le « monde nouveau à construire » n’exclut aucune religion (47). Tous les « hommes de bonne volonté » sont appelés à le créer de toutes pièces, chacun selon sa foi ou son athéisme, sans qu’on puisse déceler dans le langage de l’Encyclique la moindre différence de valeur et d’efficacité entre les uns et les autres du fait de leurs croyances (81-86) !

Ni conforme au génie latin, ni explicitement catholique, cette analyse de la situation sociale mondiale, empruntée par Paul VI à l’école progressiste française, est : matérialiste, par son absence totale de mesure des réalités politiques ; dialectique, par sa préoccupation exclusive d’opposer les aspirations des peuples indigènes aux forces d’oppression capitalistes ; athée, par sa réduction moderniste du fait religieux à de simples superstructures héritées du passé ; antichrétienne, par la trop évidente dépréciation du miracle chrétien et de la puissance civilisatrice incomparable de l’Église dans le monde. (...)

D’accord avec les marxistes sur l’analyse de la crise mondiale, le pape entend proposer aux peuples la synthèse d’un nouveau christianisme, capable de combler toutes les aspirations des hommes, au-delà et mieux que le communisme.

II. « UNE VISION GLOBALE DE L’HOMME ET DE L’HUMANITÉ »

« L’Église, experte en humanité, doit scruter les signes des temps et les interpréter à la lumière de l’Évangile. Communiant aux meilleures aspirations des hommes et souffrant de les voir insatisfaites, elle désire les aider à atteindre leur plein épanouissement et c’est pourquoi elle leur propose ce qu’elle possède en propre : une vision globale de l’homme et de l’humanité » (13). Jamais jusqu’ici l’Église n’avait émis une telle prétention. Dans un « cléricalisme » modéré et légitime, elle enseignait les dogmes de la Vie éternelle et, pour les affaires temporelles, les lois de sa divine morale. Mais elle ne prétendait pas connaître d’avance le cours de l’Histoire ni assurer aux hommes leur épanouissement terrestre. Maintenant, elle pense concurrencer le Communisme dans ses prétentions les plus excessives, touchant l’avenir de l’humanité et la résolution de ses luttes historiques dans « la société sans classes ».

1. « POUR UN DÉVELOPPEMENT INTÉGRAL DE L’HOMME ».

« Être affranchis de la misère, trouver plus sûrement leur subsistance, la santé, un emploi stable, participer davantage aux responsabilités, hors de toute oppression, à l’abri des situations qui offusquent leur dignité d’hommes, être plus instruits ; en un mot, faire, connaître, et avoir plus, pour être plus, telle est l’aspiration des hommes d’aujourd’hui » (6), et « ce désir est légitime ». (...)

Nouvelle « vision globale de l’homme », qui concilie, on le voit, l’utile et l’agréable, le devoir avec la volupté. Il ne s’agit plus de conversion, de renoncement, de combat spirituel, mais de « croissance personnelle et communautaire », d’abord dans « l’avoir » et puis dans « l’être ». Plus de sacrifices ni de croix, mais une « harmonie de nature enrichie par l’effort personnel et responsable » (16). Les « contradictions » de l’homme déchiré selon saint Paul Vont disparaître dans l’homme nouveau selon Paul VI. (...)

Plus loin, le Pape fixe à nouveau les étapes de ce développement matériel, social et culturel donné pour programme à tous les hommes (34-42). On y trouve fortement souligné l’élément politique d’émancipation démocratique. Le progrès social doit engrener sur l’enrichissement. Le développement économique et technique « n’a en définitive de raison qu’au service de la personne. Il est là pour réduire les inégalités, combattre les discriminations, libérer l’homme de ses servitudes, le rendre capable d’être lui-même l’agent responsable de son mieux-être matériel, de son progrès moral, de son épanouissement spirituel ». Car « l’homme n’est vraiment homme que dans la mesure où, maître de ses actions et juge de leur valeur, il est lui-même auteur de son progrès, en conformité avec la nature que lui a donnée son Créateur et dont il assume librement les possibilités et les exigences » (34). Tel est bien « le Culte de l’homme » proclamé par Paul VI au Concile ! Tout doit concourir à son bien-être, à sa pleine indépendance, enfin à son ouverture spirituelle. (...)

Telle est cette fameuse « vision globale de l’homme » que nous avons « en propre », quoiqu’elle n’ait rien de spécifiquement chrétien —, et que Paul VI révèle aujourd’hui comme la solution définitive de tous les conflits et de tous les échecs de nos vies humaines : enrichissez-vous, émancipez-vous, prémunissez-vous contre une encombrante natalité, cultivez les sciences, les arts, la sagesse. Enfin ouvrez-vous aux valeurs spirituelles et à Dieu en sorte de vous surpasser. Telle est votre « vocation » d’homme, et votre droit, au service desquels se rangent la société, et l’Église, et Dieu même !

2. « POUR UN DÉVELOPPEMENT SOLIDAIRE DE L’HUMANITÉ ».

Des « aspirations » similaires soulèvent « les peuples parvenus depuis peu à l’indépendance nationale. Ils éprouvent la nécessité d’ajouter à cette liberté politique une croissance autonome et digne, sociale non moins qu’économique, enfin d’assurer à leurs citoyens leur plein épanouissement humain et de prendre la place qui leur revient dans le concert des nations » (6). L’Église encourage cette promotion des peuples car sa « vision globale de l’humanité » lui révèle le progrès continu qui, de civilisation en civilisation, porte la famille humaine vers son « développement plénier » : « Comme les vagues à marée montante pénètrent chacune un peu plus avant sur la grève, ainsi l’humanité avance sur le chemin de l’histoire » (17). Nota bene : à marée descendante, elle recule !

Mais bien plus, voici qu’à l’appel du Pape, soulevée d’un cœur nouveau et unanime par « le mythe du développement », toute la famille humaine va prendre le chemin de la conciliation et non plus de la contestation et de la guerre, réalisant ainsi « dès ici-bas le royaume des cieux ». (...)

Et voici le secret de la VISION de Paul VI : dans l’œuvre du développement matériel à laquelle tous les peuples vont prendre part, l’homme, qui était un loup pour l’homme, lui sera désormais un frère : « L’homme doit rencontrer l’homme, les nations doivent se rencontrer comme des frères et sœurs, comme les enfants de Dieu. Dans cette compréhension et cette amitié mutuelles, dans cette communion sacrée (?), nous devons également commencer à œuvrer ensemble pour édifier l’avenir commun de l’humanité » et, par une meilleure répartition des richesses, « réaliser ainsi une véritable communion entre toutes les nations ». Telle est la solution miracle aux déchirements de l’humanité depuis l’âge de Caïn et d’Abel. Au nom de la « fraternité humaine et surnaturelle », que les peuples riches obéissent dès maintenant à leurs devoirs de solidarité, de justice, de charité universelle, et ce sera « la promotion d’un monde plus humain pour tous, où tous auront à donner et à recevoir, sans que le progrès des uns soit un obstacle au développement des autres » (44). (...)

Le Pape ne trouve aucun sujet d’inquiétude dans les mouvements d’indépendance des peuples indigènes, ni dans leurs immenses appétits, ni dans leurs prétentions excessives. Cette montée des peuples jeunes converge, pour peu que les peuples d’Occident y aident, vers l’avènement d’une société évangélique mondiale, de LIBERTÉ, d’ÉGALITÉ et de FRATERNITÉ : « Il s’agit de construire un monde où tout homme, sans exception de race, de religion, de nationalité, puisse vivre une vie pleinement humaine, affranchie des servitudes qui lui viennent des hommes et d’une nature insuffisamment maîtrisée ; un monde où la liberté ne soit pas un vain mot et où le pauvre Lazare puisse s’asseoir à la même table que le riche. Cela demande à ce dernier beaucoup de générosité, de nombreux sacrifices et un effort sans relâche » (47). (...)

Telle est la nouvelle Terre Promise vers laquelle Paul VI guide l’humanité. Cette sainte démocratie internationale doit exercer sur les peuples la même fascination, jouer dans leur conscience collective le même rôle, qu’exerçait autrefois dans la pensée chrétienne le Paradis promis, et de nos jours, dans l’idéologie marxiste, le mythe prolétarien de la « Société sans classes ». Conquis par ces sublimes perspectives, tous, « Nous en sommes sûr, voudront amplifier leur effort commun et concerté en vue d’aider le monde à triompher de l’égoïsme, de l’orgueil et des rivalités, à surmonter les ambitions et les injustices, à ouvrir à tous les voies d’une vie plus humaine où chacun soit aimé et aidé comme son prochain son frère » (82). (...)

Mais qu’il s’agisse du Ciel, du Paradis d’Allah promis aux musulmans, de la Société sans classes annoncée au communistes ou de ce « Monde meilleur » qui miroite de tous ses feux dans les visions de Paul VI, la difficulté est toujours la même : avant d’avoir vu, il faut croire et puiser dans cette foi une espérance assez ferme pour tout sacrifier d’abord de ses intérêts immédiats, afin d’entrer en possession des biens promis.

Aux riches, aux peuples capitalistes (et oppresseurs), qu’il sait pourtant réalistes, Paul VI demande de modifier toutes leurs manières d’agir et jusqu’aux principes fondamentaux de leur prospérité, comme s’ils étaient assurés, dès maintenant, d’une conversion universelle sans laquelle leur générosité tournerait en lamentable fiasco. Pour consentir à désarmer, il faut être sûr que l’adversaire ne profitera pas d’une si bonne occasion et que lui aussi jettera ses armes sans arrière-pensée. Pour concourir au développement des autres peuples, il faut être sûr que tous feront désormais passer la générosité et l’entraide avant leurs intérêts privés et leurs ambitions. (...)

« CERTAINS ESTIMERONT UTOPIQUES DE TELLES ESPÉRANCES » (79), annonce Paul VI. De fait, ce programme ambitieux qu’il propose à l’humanité ressemble trop au « Messianisme prometteur et bâtisseur d’illusions » qu’il dénonçait un peu plus haut dans les idéologies totalitaires contemporaines (11), pour qu’économistes et hommes d’État ne le mettent en doute. Le Pape leur répond, avec une sorte d’ironie supérieure : « Il se pourrait que leur réalisme fût en défaut et qu’ils n’aient pas perçu le dynamisme d’un monde qui veut vivre plus fraternellement et qui, malgré ses ignorances, ses erreurs, ses péchés même, ses rechutes en barbarie et ses longues divagations hors de la voie du salut, se rapproche lentement, même sans s’en rendre compte, de son Créateur » (79). (...) Paul VI ausculte le cœur du monde et y entend battre un plus grand, un divin amour, capable de sacrifice et de générosité sans limites.

S’il ne se trompe ni ne nous trompe, voici venus les temps messianiques, plus beaux que ceux du Christ et de l’Église, semblables à ce qu’espère cette Internationale qui promet de changer le genre humain. S’il se trompe et s’il nous trompe avec lui, les destructions de l’ordre ancien qu’il aura résolues et que nous aurons consenties, ne seront jamais compensées par les constructions éphémères et inconsistantes dont il aura tracé le projet. (...)

Si la vision est trompeuse, selon la parole de saint Pie X, cet homme « convoie le socialisme, l’œil fixé sur une chimère » (Lettre sur le Sillon ([386]) du 25 août 1910, n° 38). Cette chimère d’un paradis sur terre obtenu par la Révolution, dont Pie XI disait, il y a juste trente ans, qu’elle « a pour moteur une contrefaçon de la Rédemption des humbles ». (...) (Divini Redemptoris 8, 19 mars 1937)

La vision de Paul VI attise les flammes de cet incendie qui dévore notre planète. C’est Lamennais le visionnaire sur le trône de saint Pierre. (...)

Abbé Georges de Nantes
Extraits de la Lettre à mes Amis n° 245, avril 1967

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[1] http://www.crc-resurrection.org/Meditations/2010/Lettre_Phalange_15-fev-2010.php

[2] http://www.crc-resurrection.org/

[3] http://www.crc-resurrection.org/Liber/Liber-accusationis-I_Paul-VI.php

[4] http://www.virgo-maria.org/Documents/g-de-nantes/1973-03_Abbe-Georges-de-Nantes_LIBER-ACCUSATIONIS-IN-PAULUM-SEXTUM.pdf

[5] http://www.crc-resurrection.org/Liber/Liber-accusationis-II_Jean-Paul-II.php

[6] http://www.virgo-maria.org/Documents/g-de-nantes/1983_Abbe-Georges-de-Nantes_LIBER-ACCUSATIONIS-SECUNDUS.pdf

[7] http://www.crc-resurrection.org/Liber/Liber-accusationis-III_CEC.php

[8] http://www.virgo-maria.org/Documents/g-de-nantes/1993-05-13_Abbe-Georges-de-Nantes_LIBER-ACCUSATIONIS-CEC.pdf

[9] http://www.crc-resurrection.org/Notre_fondateur/Notre_Pere_fondateur.php et http://www.crc-resurrection.org/Notre_fondateur/Chronologie_Vie_Abbe-de-Nantes.php

[10] http://www.crc-resurrection.org/Contre-Reforme_catholique/Paul-VI_Jean-Paul-II/Le_MASDU.php

[11] http://www.crc-resurrection.org/Notre_fondateur/Radioscopie_Abbe-de-Nantes.php

[12] http://www.crc-resurrection.org/Contre-Reforme_catholique/Schisme_integriste/Schisme_Mgr-Lefebvre.php

[13] http://www.amazon.fr/Au-nom-dieu-David-Yallop/dp/2267008033

[14] http://www.virgo-maria.org/articles/2007/VM-2007-03-24-A-00-Abbe_Cekada_reordinations_2.pdf

http://www.virgo-maria.org/articles/2008/VM-2008-12-31-B-00-Lettre_des_neuf.pdf

http://www.virgo-maria.org/articles/2009/VM-2009-02-28-A-00-Mgr_Williamson_et_les_9.pdf

http://www.virgo-maria.org/Documents/20080929_CEKADA-vs-FSSPX.pdf

[15] http://www.virgo-maria.org/articles/2009/VM-2009-11-11-A-00-Question-about-Bishop-Fellay.pdf

http://www.virgo-maria.org/articles/2009/VM-2009-11-03-A-00-Fellay_Celier-deutsch.pdf

http://www.virgo-maria.org/articles/2009/VM-2009-10-17-A-00-Lettre_aux_14_abbes.pdf

http://www.virgo-maria.org/articles/2009/VM-2009-09-15-A-00-FM-Maxence_Point-Hors-serie.pdf

http://www.virgo-maria.org/articles/2009/VM-2009-09-02-A-00-Question_sur_Mgr_Fellay.pdf

http://www.virgo-maria.org/articles/2009/VM-2009-08-05-A-00-Suresnes-Loge_et_divan.pdf

http://www.virgo-maria.org/articles/2009/VM-2009-07-30-A-00-Jean_Luc_Maxence-Celier.pdf

http://www.virgo-maria.org/articles/2009/VM-2009-07-27-A-00-Abbe_Celier_edite_par_FM.pdf

[16] http://www.crc-resurrection.org/Liber/Liber-accusationis-II_Jean-Paul-II.php

[17] Et dont le Forum catholique illustre parfaitement l’effondrement du niveau intellectuel et la tiédeur d’une foi devenue sentimentale et ignorante.

[18] http://www.crc-resurrection.org/Liber/Liber-accusationis-I_Paul-VI.php

[19] Lettre à un religieux (corr. privée), 21 janv. 1973

[20] Notification du 10 août 1969, DC 69, 794 ; cf. CRC 23 p. 2A

[21] Rom. 12, 1 ; cf. Pie IX, Qui Pluribus, DB 1737

[22] Mtt. 8, 17

[23] 7 décembre 1968; cf. La Contre-Réforme Catholique N° 1 ; 57, tract 7 p. 2

[24] L’expression est de M. Jacques Maritain ; cf. CRC 16 p. 3

[25] Mtt. 7, 16 ; cf. CRC 29, p. 2-3. Voir aussi Discours du Pape, le 29 juin 1972

[26] DB 1501-1599 ; CRC 28 p. 1

[27] DB 1613-1617 ; Lettres 236 p. 2 ; CRC 2 p. 1, 57 p. 5

[28] DB 1688-1780 ; Lettres 180, 190, 210, 236 p. 4

[29] Pie IX, 16 juin 1871 ; et encore le 11 déc. 1876 ; cf. Lettres 190, 236 p. 4 et 8

[30] DB 1819-1820 ; Lettres 236 p. 4 ; CRC 30 p. 7

[31] DB 1866

[32] DB 2O7l-2110 ; Lettres 149, 180, 186, 189, 236-238, 242 ; CRC 1-4, 36, 45, 47, 61

[33] http://www.crc-resurrection.org/Contre-Reforme_catholique/Saint_Pie_X/Saint-Pie-X_Lettre_sur_le_Sillon.php

[34] DB 2194-2196 ; Lettres 215 p. 1, 219

[35] Lettres 229

[36] http://www.crc-resurrection.org/Contre-Reforme_catholique/Concile-Vatican-II/Discours_ouverture_Concile-Vatican-II.php

[37] Témoignage de Mgr Colombo, publié par Juffé, Paul VI, p. 129 ; CRC 25 p. 9

[38] Discours du 29 sept. 1963 ; Discours au Concile, édit. Centurion n° 6, p. 118 ; cf. Lettres 125, 212 p. 5 ; CRC 60 p. 4

[39] http://www.crc-resurrection.org/Contre-Reforme_catholique/Commentaire_Encycliques/Pacem-in-terris.php

[40] Documentation Catholique 1969, col. 895 ; Lettres 189 p. 5 ; CRC 57 p. 5

[41] http://www.crc-resurrection.org/Contre-Reforme_catholique/Progressisme/Illustrations_progressisme.php

[42] Lettres 132, 204 p. 2

[43] Juffé, op. cit., p. 129 ; Lettres 195 p. 5

[44] Lettres 195 p. 4 et p. 6

[45] Discours du 18 novembre 1965 ; cf. Discours, p. 231 ; Lettres 220 p. 7

[46] Ibid., p. 232 ; Lettres du 1er mai 1966 (confidentielle) ; Lettres 227

[47] Lettres 156 p. 4

[48] Lettres 173

[49] http://www.crc-resurrection.org/Contre-Reforme_catholique/Commentaire_Encycliques/Ecclesiam-Suam.php

[50] Lettres à mes Amis, 20 et 28 août 1964

[51] Lettres 210 p. 2 ; CRC 50 p. 4

[52] http://www.crc-resurrection.org/Contre-Reforme_catholique/Concile-Vatican-II/Session3_Concile-Vatican-II.php

[53] Lettres 184, 213

[54] Lettres 214, 216

[55] Lettres 215, 218

[56] Discours du 7 décembre 1965 ; cf. Discours, pp. 241-253 ; cf. Lettres 219, 233, 238 p. 7 ; CRC 47 p. 11, 61 p. 8

[57] Par exemple le Cardinal Ottaviani ; cf. Lettres 216 p. 1-2

[58] Lettres 220 ; CRC 23, 24, 25 d’août, sept., octobre 1969

[59] Le mot rejoint le néologisme de Schillebeeckx : orthopraxie ; cf. CRC 36 p. 5, 40-41, 26 p. 13

[60] http://www.crc-resurrection.org/Contre-Reforme_catholique/Concile-Vatican-II/Session2_Concile-Vatican-II.php

[61] Discours p. 120 ; Lettres 195 p. 5, 7

[62] Discours p. 258

[63] Discours p. 331 ; Lettres 214 p. 3, 215 p. 5, 218 p. 5 ; CRC 57 p. 6

[64] Lettres 214 p. 3

[65] DC 65, 134 ; ibid. 65, 1254-1255 ; Lettres 209 p. 6 ; CRC 57 p. 6

[66] DC 65, 135 ; cf. Lettres 195 p. 6, 200

[67] Lettres 183, 206, 209, 211 p. 13, 214 ; CRC 57 p. 9

[68] Discours, p. 117

[69] http://www.crc-resurrection.org/Contre-Reforme_catholique/Commentaire_Encycliques/Ecclesiam-Suam.php

[70] DC 64, 1058 ; Lettres 180

[71] 30 juin 1968, DC 68, 1249 ; CRC 10 p. 1-2

[72] 25 juillet 1968, DC 68, 1441-1457 ; cf. CRC 10, suppl. p. 1-2, 11 p. 2

[73] Alloc. aux journalistes italiens, 9 déc. 1972 ; DC 73, 4

[74] DC 67, 1486 ; Lettres 251, 1-2

[75] Lettres 212, 213 p.4-8

[76] 16 oct. 1968 ; DC 68, 1834 ; cf. Lettres 214 p. 1-3

[77] Eccl. Suam, DC 64, 1071 ; Lettres 180 p. 1 ; CRC 47 p. 2

[78] Eccl. Suam, DC 64, 1082 ; Lettres l80 p. 5

[79] Au clergé de Rome DC 69, 213-216 ; CRC 27 p. 8, 47 p. 2

[80] DC 69, 705 ; CRC 23 p. 2E, 47 p. 6

[81] 18 nov. 1965 ; Discours p. 232 ; cf. Lettre 216 p. 1-2

[82] Lettre confidentielle, 1er mai 1966, Lettres 226, suppl. cf. 227

[83] Eccl. Suam, DC 64 , 1082 ; Lettres 180 p. 5 ; CRC 47 p. 6

[84] Eccl. Suam, DC 64 , 1081 ; Lettres 180 p. 1

[85] Eccl. Suam, DC 64 , 1082 ; Lettres 180 p. 5

[86] Discours p. 270

[87] Eccl. Suam, DC 64, 1079 ; Lettres 180 p. 1-2

[88] Eccl. Suam, DC 64, 1084 ; Lettres 180 p. 6

[89] http://www.crc-resurrection.org/Contre-Reforme_catholique/Concile-Vatican-II/Session4_Concile-Vatican-II.php

[90] Discours p. 203-206 ; Lettres 213 p. 6 ; CRC 47 p. 10, 61 p. 8

[91] Gaudium et Spes N° 12 ; CRC 12 p. 12, 60 p. 4, 61 p. 8, 62 p. 14 ; cf Lettres 213 p.7-8

[92] DC 71, 14 ; CRC 41 p. 8

[93] Jér. 17, 5 ; Lettres 245 p. 16 ; CRC 4 p. 2 ; 28 p. 6, 60 p. 13

[94] Jn. 15, 5 ; CRC 30 p. 8

[95] Discours p. 247-248 ; Lettres 238 p. 7 ; CRC 42 S, 61 p. 8 ; cf. CRC 1 p. 4

[96] Angélus du 7 fév. 1971, DC 71, 156 ; CRC 42 suppl. p. 2

[97] 13 juil. 1969 ; CRC 28 p. 5

[98] Discours p. 253 ; CRC 61 p. 9

[99] Discours p. 252 ; CRC 59 p. 5

[100] Mtt. 4, 10 ; CRC 27 p. 6, 42 suppl. p. 2, 61 p. 9 , 46 p. 7

[101] E Supremi Apostolatus, 4 oct. 1903 ; CRC 1 p. 1 d’octobre 1967

[102] Eccl. Suam ; Lettres 180 p. 2 - Mysterium Fidei ; Lettres 213 p. 2 Populorum Progressio ; Lettres 245 p. 2 - Oct. Adv. ; CRC 45 p. 11

[103] http://www.crc-resurrection.org/Contre-Reforme_catholique/Concile-Vatican-II/Discours_ouverture_Concile-Vatican-II.php

[104] Ainsi dans Mysterium fidei, cf. Lettres 213 p. 3 ! Et votre Credo, cf. CRC 10 p. 18 no 2 !

[105] Discours à l’Université St Thomas, Manille, DC 70, 1111 ; CRC 41 p. 5

[106] Lettres 197, 199, 200, 202, 204, 206, 208, 219, 231, 235-236-238, 240, 242

[107] CRC 1 p. 4, 3, 6, 20 p. 4, 24 p. 11, 28 p. 3, 35, 42 p. 8, 52 p. 4, 47, 57, 59, 60

[108] Lettres 148 p. 2, 180 p. 2, 200 p. 2 ; cf. CRC 50 p. 4

[109] Lettres 172, 197, 200, 238, 245 p. 7 ; CRC 9 p. 11, 17 p. 9, 24 p. 15, 26 p. 9-11, 42 p. 5, 59-61

[110] Encyclique du 20 avril 1884 ; cf. Lettres 189 p. 4

[111] http://www.crc-resurrection.org/Contre-Reforme_catholique/Commentaire_Encycliques/Ecclesiam-Suam.php

[112] II Cor. 6, 14-16 ; DC 64, 1078 ; Lettres 199 p. 1, 218 p. 8

[113] DC 65, 6 ; CRC 47 p. 11

[114] Discours à la FAO, 16 nov. 1970, 1056 ; CRC 40 p. 5

[115] Message pour la Journée de la Paix, 14 nov. 1970, DC 70, 1103 ; CRC 40 p. 4

[116] Discours à l’ONU, 4 oct. 1965 ; Discours p. 323 ; Lettres 215-218

[117] Message pour la 1ère Journée de la Paix ; DC 68, 100 ; CRC 4 p. 2, 47 p. 12

[118] Message de Noël 1964 ; DC 65, 131 ; Lettres 200 p. 3 ; CRC 47 p. 8

[119] Discours du 1er janvier 1971 ; DC 71, 65 ; CRC 41 p. 10

[120] Discours à l’ONU ; Discours p. 323 ; Lettres 215 p. 5 ; cf. 200 p. 7

[121] Discours à l’ONU ; Discours p. 325-330 ; Lettres 215 ; 236 ; cf.189 p. 6, 202 p. 7

[122] http://www.crc-resurrection.org/Contre-Reforme_catholique/Saint_Pie_X/Saint-Pie-X_Lettre_sur_le_Sillon.php

[123] Lettre sur le Sillon ; CRC 47 ; N° 31 et N° 36 ; p. 8, p. 10

[124] Discours à l’ONU ; Discours p. 333 ; Lettres 215 p. 5

[125] Disc. du 8 déc. 1965 ; Discours p. 258

[126] DC 72, 754

[127] Message à l’ONU, 4 oct. 1970 ; DC 70, 902 ; CRC 40 p. 4

[128] Message à l’ONU, 4 oct. 1970 ; DC 70, 903 ; CRC 40 p. 4

[129] DC 65, 1746

[130] Populorum Progressio N° 34 ; Lettre sur le Sillon N° 25, cf. CRC 47 p. 7

[131] DC 65, 5-6

[132] DC 63, 1372 ; CRC 47 p. 1

[133] Rom. 6, 8 ; passim

[134] 19 juil. 1971 ; CRC 47 p. 4

[135] Message pour la Journée de la paix, DC 70 p. 3-4 ; CRC 28 p. 3-6

[136] http://www.crc-resurrection.org/Contre-Reforme_catholique/Saint_Pie_X/Saint-Pie-X_Lettre_sur_le_Sillon.php

[137] No 11 ; CRC 47 p. 3-4

[138] Discours, p. 337-338

[139] http://www.crc-resurrection.org/Contre-Reforme_catholique/Commentaire_Encycliques/Populorum-progressio.php

[140] Lettres 245 ; CRC 3

[141] Lettres 245 p. 3 ; Populorum Progressio N° 87

[142] DC 68, 1582 ; CRC 11 p. 1, 12 p. 1

[143] Populorum Progressio N° 31 ; Lettres 245 p. 3 et 4

[144] Populorum Progressio N° 34 ; Lettres 245 p. 7

[145] Lettre sur le Sillon N° 38 ; Lettres 245 p. 10 ; CRC 47 p. 11, 24 p. 15, 36 p. 6, 42 p. 5-10, 45 p. 10

[146] Titre d’un livre d’anticipation de Mgr Benson ; Le Maître de la Terre est l’Antéchrist ; CRC 28

[147] http://www.crc-resurrection.org/Contre-Reforme_catholique/Commentaire_Encycliques/Populorum-progressio.php

[148] À Sidney, le 3 déc. 1970 ; DC 71, 16; CRC 41 p. 8

[149] Aux Organisations Religieuses de l’ONU, 4 oct. 1965 ; Lettres 218 p. 6 ; cf. 211 p. 11

[150] Populorum Progressio N° 47 ; Lettres 245 p. 8

[151] Oct. Adv. 23 et 16 ; CRC 45 p. 7

[152] Disc. du 30 janv. 1965, DC 65, 293- 296 ; Lettres 200 p. 1

[153] Disc. du 14 sept. 1965 ; Discours p. 205 ; Lettres 213 p. 6 ; CRC 47 p. 11

[154] Disc. du 7 déc. 1965 ; Discours p. 250 ; CRC 47 p. 12, 61 p. 9

[155] Disc. du 14 sept. 1965 ; Discours p. 206 ; Lettres 213 p. 6 ; CRC 61 p. 8

[156] Alloc. pour la Fête-Dieu à l’E.U.R., 17 juin 1965 ; DC 65, 1168-1169 ; Lettres 208, 214 p. 2

[157] Discours p. 267 ; Lettres 250 ; CRC 1 p. 7

[158] DC 72, 756 ; CRC 36 p. 8

[159] I.C.I., 15 fév. 1965 ; Lettres 200 p. 6

[160] Disc. du 7 déc. 1965 ; Discours p. 248 ; Lettres 238 p. 7

[161] À Téhéran, 26 nov. 1970 ; CRC 41 p. 4

[162] 4 déc. 1970, DC 71, 20 ; CRC 41 p. 9

[163] 4 déc. 1970, DC 71, 20

[164] Angélus : la trêve au Moyen-Orient, DC 70, 759 ; CRC 35 p. 2 ; cf. 36 p. 5

[165] Lettre sur le Sillon 38-40 ; CRC 47 p. 11

[166] Oct. Adv. 50 ; CRC 45 p. 8

[167] Oct. Adv. 37 ; CRC 45 p. 10

[168] http://www.crc-resurrection.org/Contre-Reforme_catholique/Saint_Pie_X/Saint-Pie-X_Lettre_sur_le_Sillon.php

[169] 3 sept. 1965 ; Lettres 213 p. 1-3

[170] 24 juin 1967 ; CRC 49 p. 1, 11 p. 1

[171] 30 juin 1968 ; CRC 10 et suppl.

[172] 25 juil. 1968 ; CRC 10, suppl.

[173] Lettres 188 du 12 nov. 1964 ; CRC 25 p. 7 et 15 ; CRC 35 p. 12

[174] http://www.crc-resurrection.org/Renaissance_catholique/Theologie_kerygmatique/Theologie_Teilhard-1.php

[175] DC 66, 603 ; CRC 36 p. 7 ; cf. Lettres 231 p. 8, Lettr. Confid. 227 du 1er mai 1966

[176] DC 66, 1345-1352 ; cf. CRC 10 p. 23

[177] CRC 41 p. 7, “homélie teilhardienne à Sidney”

[178] 9CRC 24 p. 6

[179] Lettres 237 ; CRC 17 suppl., 20-21, 31-32, 34-35, 36 p. 7

[180] CRC 35 p. 12

[181] CRC 31 p. 3 exergue, La Croix du 30 mars 1970

[182] CRC 32 p. 3 exergue, La Croix du 11 avril 1970

[183] CRC 32 p. 3

[184] CRC 32 p. 3

[185] Lettres 237 ; CRC 6-9, 12-14, 17, 17 suppl., 19 p. 2-6, 20 p. 1-2

[186] CRC 7 p. 3-10

[187] Le 26 mai 1968 au Saint-Office ; CRC 24 p. 8 ; 30 p. 8

[188] Le 10 août 1969 ; CRC 23 p. 2, cf.confid. n° 11, CRC 24 p. 7 et 10

[189] Directoire Catéchétique Général, 11 avril 1971 ; CRC 46 p. 11

[190] Interview au Cornera Della Serra ; DC 66, 381 ; Lettres 156 p. 4, 158, 216 p. 1-2

[191] Lettre aux Présidents des Conf. Episc. ; DC 66, 1843 ; CRC 10 p. 12, 2O p. 3, 63 suppl.

[192] DC 67, 327-338 ; cf. Lettres 242 p. 7

[193] DC 68, 1096-1111, CRC 10 p. 12, 11 p. 3, 2O p. 3, 63 suppl.

[194] Lettres 216 p. 2 ; CRC 4 p. 2 et 14, 6 p. 3 et 4

[195] CRC 55 p. 11, 56 p. 1-2, 57 p. 2 ; sur le Cal Tarancon cf. CRC 51 p. 3

[196] CRC 56 p. 1

[197] CRC 56 p. 1-2

[198] La Croix, 22 mars 1973

[199] pp. 140-186 ; sur Cardonnel CRC 5, 19 p. 7, 63

[200] pp. 187 et sq. ; CRC 19 p. 7, 63 p. 3

[201] p. 203 ; CRC 63 p. 3

[202] p. 282 ; CRC 63 p. 4

[203] DC 68, 2005 ; CRC 13 p. 1-2 d’oct. 68, 20 p. 5, 26 p. 13, 37 p. 5, 43 p. 11 ; Lettres 251 p. 8-9

[204] DC 68, 2006 ; cf. Conf. No 6, 63 Suppl. p. 1-2 et CRC 11 p. 3-4 ; 38 p. 1

[205] Lettres 155 p. 2, 193 p.4, 206 p. 7-8, 25 p. 7, 30 p. 8, 37 p. 5-7, 42 p. 2, 43 p. 11, 55 p. 2, 13 p. 1-2

[206] Eccl. Suam ; DC 64, 1089, Lettres 181 p. 3

[207] Échange avec P. Debray, Rennes 30 avril 1972 ; DC 72, 468 ; cf. CRC 26 p. 2, 42 p. 1, 53 p. 2

[208] CRC 52 p. 12, 53 p. 1-2, 54 p. 15, 63 suppl. p. 3

[209] Le Pèlerin, 10 décembre 1972 ; cf. Abbé Deen, dans la Pensée Catholique 142

[210] Résurrection de Jésus et Message Pascal p. 304, note 43 (1 ère édition)

[211] Lettres 238 pp. 6-8

[212] Mtt. 6, 24 ; cf. Lettres 199 p. 1, 211 p. 16, 232 p. 3, 238 p. 8 ; CRC 10 p. 31 ,60 p. 12, 61 p. 9, 62 p. 13

[213] La Cité de Dieu : 14,28 ; cf. CRC 11 p. 1-2, 17 suppl. p. 5, 60 p. 10, 61 p. 9

[214] Première Lettre à S.S. le Pape Paul VI, 11 octobre 1967 ; CRC 1-2 ; cf. 5 p. 2

[215] Communiqué de Mgr. Le Couëdic, 13 janv. 1966 et commentaire Lettres 220 p. 11

[216] Entrevue du 30 avril 1966 à Bourges, Lettre confid. , 1er mai 226 suppl. p. 2

[217] CRC 23 2 B

[218] Ma Profession de Foi Catholique au Cardinal Seper ; CRC 23 p. 2 C-D-E du 16 juillet 69

[219] CRC 23 p. 2 A

[220] CRC 22 p. 2 ; cf. Lettres 195 p. 8

[221] CRC 33 p. 10

[222] Interview du 7 nov. 1969 ; DC 69, 1093 ; CR0 27 p. 1, 28 suppl. p. 12

[223] CRC 34 p. 14, 45 p. 13, 46 p. 11

[224] DC 70, 717-719, CRC 34 p. 14, 45 p. 13, 46 p. 11 ; voir plus loin

[225] DC 72, 1060

[226] Lettre au Pape Paul VI, le 15 août 1967, Lettres 252 ; cf. CRC 2 p. 2

[227] DC 72, 986 ; CRC 62 p. 15 ; cf. aussi 28 p. 7

[228] Lourdes 23-30 oct. 1972 ; CRC 63 suppl. tract 8 ; cf. aussi CRC 5 p. 9, 13 p. 2

[229] Discours de Bombay, 4 déc. 1964 ; DC 65 ; cf. Lettres 161 p. 2, 191 p. 4-6, 193 p. 1-4

[230]14 sept. 1966 ; DC 66, 1644 ; Lettres 236 exergue

[231] Lettres 251 p. 2

[232] Lettre à S.S. le Pape Paul VI, le 11 oct. 1967, CRC 2 p. 8 ; cf. aussi CRC 1 p. 7-8, 53 p. 6-7-9

[233] 19 nov. 1969, DC 69, 1054 ; CRC 27 p. 5, 28 S p. 1

[234] 26 nov. 1969, DC 69, 1102 ; CRC 27 p. 6, 28 S p.14-l5

[235] 26 nov. 1969 ; CRC 28 S p. 14, 27 p. 6, 33 “L’Interdit jeté sur la Sainte Messe Romaine” p. 6

[236] Interview du 20 Avril 1969 ; DC 69, 1048 ; CRC 28 S p. 16

[237] Lettres 123 du 8 nov. 1962 ; cf. aussi 120 du 11 octobre 1962

[238] 7 mars 65 ; cf. Lettres 200 p. 6 ; DC 65, 590; 26 nov. ; DC 69, 1103 ; CRC 27 p. 6, 28 S p.l4-15

[239] 26 nov. 1969, 1102-1103 ; CRC 27 p. 6, 28 S p. 14-15

[240] 26 nov. 1969, 1103 ; CRC 27 p. 6, 28 S p. 15 ; cf. Lettres 120

[241] Divinæ Consortium Naturæ, DC71, 852-856, cf. CRC 46 S, 62 p. 16

[242] Nouv. Normes 16-6-72, DC 72, 713, Lettr. de Mgr. Grégoire 7-12-72 ; DC 72, 292; CRC 58 p.2

[243] CRC 58 p.2 ; cf. 53 p. 3-4

[244] Photo parue dans “Le Spectacle du Monde”, juil. 69 p. 19 ; cf. CRC 25 p. 11, 35 p. 13, 61 p. 11

[245] Dossier Romain du N.O.M., CRC 28 S p.3, 23 p. 8-9, 25 p. 15 ; cf. 25 S et 35 p. 2

[246] 19nov. 1969 ; DC 69, 1055 ; CRC 28 S p. 14, 27 p. 1 et 6

[247] Revue “chevaliers”, 1er janvier 1971 ; CRC 42 p. 10 ; cf. CRC 17 et 20 p. 2

[248] CRC 51 p. 6, cf. aussi CRC 48 p. 7-11

[249] DC 73, 243 ; cf. aussi CRC 46 p. 11

[250] Lettres 213 p. 1-3 ; CRC 10 S. p. 28

[251] DC no 1562 ; CRC 32 p. 1 ; cf. CRC 25 p. 14

[252] 1 Cor. 11, 29

[253] Disc. p. 166, IIIè session ; CRC 29 p. 5 ; cf. Lettres 195 p. 6

[254] Dès le 29-9-63 ; Disc. p. 115-116 ; Lettres 231 p. 8-9 et Annexe, CRC 1 p. 3-4, 2 p. 8-10-11

[255] DC 69, 626 ; CRC 21 p. 1, 22 p. 12-13

[256] DC 69, 626 ; CRC 22 p. 13

[257] DC 69, 628 ; CRC 22 p. 12-13 ; cf. aussi Eccl. Suam, Lettres 181 p. 4

[258] Discours du 6 août 1969 ; CRC 23 p. 6

[259] Le Figaro, 7 août 1969 ; CRC 24 p. 12

[260] Journaux du 4 août 1969 ; CRC 23 p. 5

[261] Lettres 195 p. 8, CRC 41 p. 9

[262] Oss. Rom., 12 mars 1965 ; Lettres 200 p. 4

[263] Lettres 231 p. 9 ; CRC 1 p. 3-4 ; cf. CRC 12 p. 1 et 2, 25 p. 2

[264] Lettres 231 p. 9

[265] Première Lettre à S.S. le Pape Paul VI, CRC 2 p. 11, 63 p. 12

[266] 7-8 nov. 1971 ; CRC 51 p. 6

[267] 6 nov. 1971 ; DC 71, 1003 ; CRC 48 p. 8-9, 54 p. 11

[268] Accord des Dombes, 8 nov. 1972 ; DC73, 137 ; CRC 58 p. 4, 61 p. 1, 62 p. 12

[269]Une autorisation d’intercommunion” G. Huber, DC 67, 96 ; Lettres 240 p. 3 ; CRC 1 p. 3-4, 7 p. 2, 37 p. 1, 50 p. 6, 53 p. 5, 62 p. 16

[270] La Croix 9-10 juillet 1968, CRC 10 p. 2 ; Lettres 242 p. 2

[271]L’intercommunion de Medellin”, DC 68-1727-1728 ; CRC 12 p. 2, cf. CRC 58 p. 7

[272] 18 sept. 1968 ; DC 68, 1641 ; DC 70, 182 ; CRC 12 p. 2 col. 2

[273] Osserv. Rom., 2 nov. 68 ; DC 69, 41, cf. CRC 16 p. 6 bis

[274] CRC 16 p. 6 bis

[275] DC 68, 1300 ; CRC 13 p. 2 ; cf. Lettres 186 p. 1, CRC 58 p. 7

[276] Cas d’admission, 7-7-1972 ; DC 72, 708 ; CRC 58 p. 2 et 4, 35 p. 2, 62 p. 12

[277] DC 73, 347 Journaux Strasbourg

[278] Ma Profession de Foi Catholique ; CRC 23 p. 2 C-D

[279] La Célébration Eucharistique de Montargis le 2l-2-71 ; CRC 51 p. 9, 53 p. 4-5, 62 p. 16

[280] Sur les trois espèces de schisme envisagées ici : le “schisme affectif” et le “schisme effectif” sont mentionnés par Suarez, de manière théorique (de Carit., disp. 12 sect. 1 n° 2) ; le “schisme absolu” est étudié profondément par Cajetan (IIa-IIae quest. 39 art. 9, n° VI). Journet n’en donne qu’un aperçu schématique (L’Église du Verbe Incarné, t. II, 839-841). cf. Lettres à mes Amis 213 p. 7, 215 p.4 ; CRC 3 p.7-8, 22 p. 12-13, 25 p. 11

[281] CRC 3 p. 8 (note G.N.)

[282] 13 nov. 1964 ; DC 1437 couverture

[283] http://www.crc-resurrection.org/Contre-Reforme_catholique/Commentaire_Encycliques/Ecclesiam-Suam.php

[284] Lettres 189, 195 p. 6, 200 p. 6

[285] Photo de couverture DC 66, N° 1469

[286] L’Amulette du Pape : CRC 37 p. 1-2. L’éphod a reparu le 11 mars dernier

[287] The Voice, USA, 9 déc. 1972 ; cf. CICES N° 148, 15 mars 1973

[288] 23 mars 1966, La Croix du 19 janv. 1973 ; DC 66 N° 1469, photo de couverture

[289] Lettres 174 du 21 juin 1964, 242 p. 7

[290] Motu Proprio Ecclesiae Sanctae ; Lettres 243 du 7 mars 1967

[291] Alloc. au Consistoire des Cardinaux, 5 mars 1973 ; DC 73, 308 ; CRC 57 p. 2

[292] Homélie du 5 mars, DC 73, 312 ; cf. Lettres 213 p. 5, 251 p. 6 ; CRC 37 p. 7

[293] Homélie du 5 mars, DC 73, 312 ; cf. CRC 57 p. 1

[294] Lettres 246 p. 3 ; CRC 10 p. 3

[295] Jusqu’au mois d’octobre 1971 ; CRC 49 “Un processus dégradant

[296] Sacerdot. Coelibatus n° 39

[297] ibid. n° 84

[298] ibid. n° 83

[299] Je veux oublier son nom et son livre !

[300] Activités du St Siège, en 1971 (édit. 72) ; CRC 49 p. 2

[301] Discours à l’ONU ; Disc. p. 331 ; Lettres 214 p. 3, 215, 218 ; cf. CRC 38 p. 8, 57

[302] Ps. 2, 2-3 ; cf. Lettres 2 ; CRC 1 p. 1, St Pie X, E Supremi Apostolatus

[303] I.C.I., 15 fév. 1965 ; Lettres 200 p. 6 ; cf. CRC 59 p. 1 et 7

[304] Lettres 189 p. 3

[305] ibid. p. 4 ; cf. 191

[306] Lettres 195 p. 8 ; cf. 133 p. 2, 197 p. 8

[307] CRC 23 p. 3

[308] La Croix, 4 août 1969 ; CRC 24 p. 13 ; cf. Lettres 189 p. 5

[309] La Croix, 4 août 1969 ; CRC 24 p. 13 ; cf. 26 p. 13

[310] http://www.crc-resurrection.org/Contre-Reforme_catholique/Commentaire_Encycliques/Populorum-progressio.php

[311] DC 70, 718 ; CRC 34 p. 14, 45 p. 13

[312] Conf. de Mgr Matagrin, 16 janv. 1973, Mutualité ; CRC 66 p. 3 — DC 73, 343

[313] DC 63, 541 ; CRC 45 p. 9 ; cf. Lettres 181 p. 6, 214 p. 6

[314] Lettres 200 p. 8

[315] Comm. de Gaudium et Spes, Coll. Unam Sanctam t. II p. 120 note 120 ; CRC 6O p. 7 et 11

[316] Lettres 180 p. 6, 181 p. 6

[317] Lettres 245 p. 5

[318] Séance du 25 oct. 1971, DC 71, 1027; CRC 51, Tract 5 p. 2

[319] CRC 27 p. 2, passim ; cf. Lettres 215 p. 8, 242 p. 1

[320] Déclarat. du Vatican, 21 fév. 1973

[321] Lettres 246 p. 3

[322]La Gauche du Christ”, J. Duquesne p. 15 ; CRC 66 p. 4, cf. 42 p. 5, 50 p. 12, Lettres 189 p. 5

[323] 6 janv. 1967, DC 67, 219 ; Lettres 240 p. 5

[324] Lettres 240 p. 5 ; 242 p. 1

[325] DC 67, 457. Tous ces textes cités dans Lettres 243 p. 3-4

[326] 8 décembre 1892

[327] Tit. 3, 10 ; cf. aussi Lettres 240 p. 7-9 ; CRC 36 p. 7

[328] Mtt. 7, 15 ; cf. Lettres 190, 208 p. 2 et 3

[329] DC 71 du 17 janv. ; CRC 41 p. 9

[330] 20 Juil. 1969, DC 69, 628 ; CRC 21 p. 1, 22 p. 12-13

[331] Apoc. 13 ; cf. Lettres 200, 202

[332] DC 69, 615-621

[333] CRC 22 p. 12-13

[334] Lettres 218 p. 4

[335] Lettres 216 p. 2

[336] CRC 54 p. 2

[337] Match 9 oct. ; Lettres 218 p. 1 et sq.

[338] CRC 45 p. 13

[339] Alloc. du P. Vernède supervisé par Mgr. Etchegaray ; DC 73, 197

[340] CRC 59 p. 4

[341] CRC 59 p. 4

[342] La Presse, Montréal, 19 sept. 1967 ; CRC 1 p. 2, cf. 37 p. 4

[343] Oss. Rom. 3 juin 1971 ; cf. Itinéraires sept-oct. 1971, p. 255

[344] CRC 1 p. 4, 3 p. 9

[345] Lettres 191 p. 6

[346] Lettres 246 p. 2

[347] Lettres 246 p. 3

[348] DC 67, 1243

[349] Lettres 247 p. 5

[350] Lettres 247 p. 6

[351] Lettres 247 p. 7, 246 p. 3

[352] Messagero, cf. Lettres 246 p. 4

[353] http://www.crc-resurrection.org/Contre-Reforme_catholique/Commentaire_Encycliques/Populorum-progressio.php

[354] Lettres 246 p. 8

[355] Les membres de la LÉGION ROMAINE sont 5 000, au 30 mai 1973

[356] II Sam. 6, 6-7

[357] Communium Rerum, 21 avril 1909

[358] CRC 36 p. 6, 38 p. 6

[359] DC 67, 786

[360] DC 73, 304

[361] DC 69, 12 ; CRC 16 p. 6, 27 p. 9, Tract 7 ; cf. Lettres 211 p. 13, 240 ; CRC 1 et 2

[362] DC 72, 658-659 ; Tract 7, CRC 58 p. 1 ; cf. Lettres 231, 250 ; CRC 16, 29, 46, 57 p. 2 et 7

[363] ibid.

[364] Oss. Rom. 30 mai ; CRC 58 p. 1

[365] http://www.crc-resurrection.org/Contre-Reforme_catholique/Saint_Pie_X/Saint-Pie-X.php

[366] DC 69 p. 12 ; CRC 27 p. 9 ; Tract 7 Suppl. au n° 58

[367] Act. 27

[368] DC 72, 660 ; CRC 58 p. 1

[369]Le Pape, la Guerre et la Paix” ; CRC 4 p. 1, 29 p. 8

[370] Numb. 24, 5 ; CRC 36 Pages Mystiques p. 14

[371] Ex. 34, 6

[372] Is. 10, 5

[373] Jn. 12, 31 ; cf. Lettres 248 p. 2

[374] CRC 38 p. 8

[375] http://www.crc-resurrection.org/Contre-Reforme_catholique/Fatima/Apparition_Fatima_13-juillet-1917.php

[376] http://www.crc-resurrection.org/Restauration_nationale/Guerre_Algerie/Guerre_Algerie_Conclusion.php#3

[377] Le Colonel Bastien-Thiry, défenseur de l'Algérie française, fut l'un des responsables de l'attentat manqué du Petit-Clamart contre le général de Gaulle, le 22 août 1962. Après un procès retentissant, il sera condamné à mort et fusillé. L'abbé de Nantes, en mars 1963, dans la Lettre à mes amis n° 133, dénonce le vrai coupable : le général de Gaulle, pour son attentat réussi contre l'Algérie française et son crime de haute trahison.

[378] http://www.crc-resurrection.org/page.asp?site=1&lang=1&id=1442

[379] http://www.crc-resurrection.org/Contre-Reforme_catholique/Concile-Vatican-II/Session2_Concile-Vatican-II.php

[380] http://www.crc-resurrection.org/Contre-Reforme_catholique/Concile-Vatican-II/Session3_Concile-Vatican-II.php

[381] http://www.crc-resurrection.org/Contre-Reforme_catholique/Concile-Vatican-II/Session2_Concile-Vatican-II.php

[382] http://www.crc-resurrection.org/Contre-Reforme_catholique/Concile-Vatican-II/Discours_ouverture_Concile-Vatican-II.php

[383] http://www.crc-resurrection.org/Contre-Reforme_catholique/Commentaire_Encycliques/Pacem-in-terris.php

[384] http://www.crc-resurrection.org/Contre-Reforme_catholique/Commentaire_Encycliques/Ecclesiam-Suam.php

[385] http://www.crc-resurrection.org/Contre-Reforme_catholique/Commentaire_Encycliques/Pacem-in-terris.php

[386] http://www.crc-resurrection.org/Contre-Reforme_catholique/Saint_Pie_X/Saint-Pie-X_Lettre_sur_le_Sillon.php