Qu’entend-on par « pastoral »? Serait-ce synonyme de « disciplinaire »? Mais alors le caractère « disciplinaire » n’exclut pas le caractère dogmatique, et vice-versa, car, de Nicée à Vatican I, tous les conciles œcuméniques s’occupèrent de la foi et tous (sauf le IIe et IIIe de Constantinople) s’occupèrent également de la discipline.
L’adjectif « pastoral » est dérivé du nom commun « pasteur ». Les pasteurs sont les ministres du culte qui ont charge d’âmes. Et la charge d’âmes ne requiert-elle pas que le pasteur parle des dogmes à croire et de la morale à observer? Le « caractère pastoral de Vatican II » est donc loin d’exclure la doctrine, bien au contraire: « Pour s’acquitter de leur charge pastorale, nos prédécesseurs ont travaillé infatigablement à la propagation de la doctrine » (Vatican I: Pastor aeterniis, ch. 4). « Nous avons considéré comme un devoir de notre charge pastorale d’exposer à tout le peuple chrétien dans cette lettre encyclique la doctrine... » (Pie XII: Mystici corporis, 29 juin 1943). « La charge pastorale du magistère est ainsi ordonnée à veiller à ce que le peuple de Dieu demeure dans la vérité qui libère. Pour accomplir ce service, le Christ a doté les pasteurs du charisme de l’infaillibilité » (Catéchisme de l’Église catholique, Paris 1992, no 890; AVERTISSEMENT: ce catéchisme est hérétique en plusieurs endroits; nous citons néanmoins cette phrase-là, car elle est très vraie).
Il est vrai que Montini parla du « caractère pastoral » de Vatican II, mais Wojtyla lui attribua un caractère doctrinal: « ...la continuité du concile avec la Tradition, spécialement sur des points de doctrine qui... » (motu proprio Ecc/esia Dei, 2 juillet 1988). Roncalli, lui aussi, lui attribua un caractère doctrinal, puisqu’il avait assigné au conciliabule « comme tâche principale de mieux garder et de mieux expliquer le dépôt précieux de la doctrine chrétienne » (Wojtyla: constitution apostolique Fidei depositum, 11 octobre 1992). Le caractère pastoral va de pair avec l’aspect doctrinal: « Les Pères conciliaires ont pu élaborer, au long de quatre années de travail, un ensemble considérable d’exposés doctrinaux et de directives pastorales » (ibidem).
Il est vrai que plusieurs textes conciliaires sont des « constitutions pastorales ». Mais il existe également deux textes conciliaires qui portent justement le titre: « constitution DOGMATIQUE Lumen gentium » et « constitution DOGMATIQUE Dei Verbum »! Comment des « constitutions dogmatiques » pourraient-elles provenir d’un conciliabule soi-disant « non-dogmatique »???
De plus, dans Dignitatis humanae figurent des mots indiquant un caractère dogmatique, tels « doctrine, vérité, parole de Dieu, Révélation divine ».
Vatican II ne fut pas seulement pastoral, mais aussi dogmatique. Vatican II fut pastoral et dogmatique à la fois.
Vatican II fut aussi dogmatique, car le dogme, d’après l’acception courante du mot, ce sont les vérités de la foi à croire, tirées de la Révélation. Or à Vatican II, la liberté des cultes et de la presse fut présentée comme étant contenue dans l’Écriture Sainte, donc comme étant de foi divine. « Ce concile du Vatican scrute la tradition sacrée et la sainte doctrine de l’Église » (Dignitatis humanae, § 1); la liberté religieuse a son fondement dans « la parole de Dieu » (§ 2); elle correspond « à l’ordre même établi par Dieu » (§ 3); elle est nécessaire à la société soucieuse « de la fidélité des hommes envers Dieu et sa sainte volonté » (§ 6); agir contre elle serait « agir contre la volonté de Dieu » (§ 6); « cette doctrine de la liberté a ses racines dans la Révélation divine, ce qui, pour les chrétiens, est un titre de plus à lui être fidèle » (§ 9); elle correspond à « la parole et l’exemple du Christ » et « les apôtres suivirent la même voie » (§ Il); c’est pourquoi « l’Église, donc, fidèle à la vérité de l’Évangile, suit la voie qu’ont suivie le Christ et les apôtres lorsqu’elle reconnaît le principe de la liberté religieuse comme conforme à la dignité de l’homme et à la Révélation divine [...]. Cette doctrine, reçue du Christ et des apôtres, elle l’a, au cours des temps, gardée et transmise » (§ 12).