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B. Un principe constant de la législation apostolique bimillénaire


    Les non-catholiques sont « irréguliers », ce qui les exclut non seulement du souverain pontificat, mais encore de la cléricature tout court. « Les irrégularités sont des défauts contraires aux règles canoniques, par lesquels on est éloigné des ordres ou de leurs fonc­tions » (Louis Thomassin: Ancienne et nouvelle discipline de l’Église, Bar-le-duc 1864 - 1867, 1. VII, p. 564). Les défauts se divi­sent en:

·        irrégularités ex defectu (défaut corporel: épilepsie, débilité mentale, etc.) et en

·        irrégularités ex delicto (délit: hérésie, homicide, avortement, bigamie, etc.).

    Le droit ecclésiastique en vigueur jusqu’à Saint Pie X frappait d’irrégularité les apostats et les hérétiques (canon Qui in aliquo, distique 51 et canon Qui bis. de consecratione, distique 4). Cette disposition fut reprise par saint Pie X dans son nouveau code de droit canonique: « Sont irréguliers ex delicto: les hérétiques, les apos­tats de la foi et les schismatiques » (Codex iuris canon ici, 1917, canon 985, nO 1).

    Que les non-catholiques soient irréguliers est un prin­cipe constant de la législation ecclésiastique bimillénaire. Celui qui n’est pas catholique ne peut devenir ni prêtre, ni évêque, ni pape. Cette règle est absolue et ne souffre aucune exception. Citons quel­ques documents législatifs à ce sujet:

    Le premier document provient d’un pape ayant connu personnellement saint Pierre. Le pape saint Clément 1er (mort en l’an 90) mit par écrit les règles de l’Église catholique dans ses Constitu­tions apostoliques. Un chapitre, intitulé « Comment doivent être ceux qui seront ordonnés », énumère les critères de recrutement du clergé. « Choisissez des évêques, prêtres et diacres dignes du Seigneur, à sa­voir des hommes pieux, justes, doux, pas avares, amis de la vérité, ayant fait leurs preuves, saints, qui ne font pas acception de person­nes, qui sont forts pour enseigner le langage de la piété, ET QUI SE MONTRENT D’UNE PARFAITE RECTITUDE (« qui coupent droit ») À L’ÉGARD DES DOGMES DU SEI­GNEUR » (Saint Clément 1er: Constitution es apostolicae, livre VII, ch. 31).

    Les Statua Ecc/esiae Antiqua (milieu ou fin du Ve siè­cle) prescrivent un examen de la foi avant le sacre épiscopal. « Celui qui doit être ordonné évêque sera examiné auparavant pour savoir [...] s’il affirme avec des mots simples les enseignements de la foi. [... suit une énumération des nombreux points de doctrine sur les­quels il faut interroger le candidat]. Lorsque, ayant été examiné sur tous ces points, il aura été trouvé pleinement instruit, alors [...] qu’il soit ordonné évêque ».

    Saint Yves de Chartres (1040 - 1116, évêque de Chartres; à ne pas confondre avec le patron des gens de loi Saint Yves (1253 ­1303» participa à l’élaboration du droit canon. On lui doit une vaste collection de lois, intitulée Décrets. Il y cite une loi du pape Saint Léon IV (IXe siècle): « L’élection et la consécration du futur pontife ro­main doivent être faites conformément à la justice ET AUX LOIS CANONIQUES » (Decreti, cinquième partie, ch. 14, dist. 63, ch. In­ter nos). Et la toute première et principale loi canonique est - évi­demment - que le candidat soit catholique! C’est bien la moindre des choses...

    Cette loi est citée également par Gratien (Décret, pre­mière partie, dist. 63, ch. 31). Le moine italien Gratien recueillit les lois éparses et les réunit en une collection juridique connue sous le nom de Décret (1140). Il posa ainsi les fondements de la science du droit canonique. Sa collection de lois fit autorité dès le XIIe siècle; au XVIe siècle, le pape Grégoire XIII en ordonna une publication officielle au nom de l’Église. « Gratien (Dist. LXXXI) refuse l’entrée de la c1éricature aux hérétiques et aux apostats. Aussi sont-ils encore présentement irréguliers » (Thomassin, t. III, p. 591).

    Saint Thomas d’Aquin, qui cite souvent les lois compul­sées par Gratien, enseigne: « Ceux qui sont irréguliers en vertu du droit de l’Église ne sont pas autorisés à s’élever aux ordres sacrés » (Somme théologique, II-II, q. 187, a. 1; cf. aussi II-II, q. 185, a. 2).

    Le célèbre XIXe concile œcuménique, réuni à Trente de 1545 à 1563, prescrit un examen de l’orthodoxie des candidats au sacerdoce en ces termes: « Lorsque l’évêque voudra donner les or­dres, il fera appeler à la ville, le mercredi d’auparavant ou tel jour qu’il voudra, tous ceux qui désireront les recevoir; et assisté d’hommes versés dans les Saintes Lettres et bien instruits des or­donnances ecclésiastiques, il les examinera soigneusement sur leur famille, leur personne, leur âge, leur éducation, leurs mœurs, leur doctrine et leur foi » (concile de Trente: Décret de réformation, ch. 7, 23e session, 15 juillet 1563).

    La discipline bimillénaire se retrouve dans le pontifical romain. D’après ce vénérable livre, en usage depuis des temps im­mémoriaux, il faut examiner la rectitude doctrinale des candidats à l’épiscopat avant leur sacre. L’examinateur s’adresse ainsi au candi­dat: « L’antique institution des Pères enseigne et prescrit que celui qui est choisi pour l’ordre de l’épiscopat soit auparavant examiné avec le plus grand empressement ». Parmi les questions sur la foi et les mœurs posées au candidat figure celle-ci: « Veux-tu accueillir avec vénération, enseigner et servir les traditions des Pères ortho­doxes, ainsi que les décrétales et les constitutions du Saint-Siège apostolique? » (Pontificale romanum summorum pontificum iussu editum a Benedicto XIV et Leone XIII pontificibus maximis recogni­tum et castigatum, Mechliniae [Malines, Belgique] 1958, cérémonie « De consecratione electi in episcopum », rubrique « Examen »).

    D’après la Tradition bimilténaire, les non-catholiques ne sont admis ni à la prêtrise, ni au gouvernement de l’Église.

    Le non-catholique, avons-nous dit, ne saurait en aucun cas être admis à la cléricature. Mieux encore: l’Église est extrême­ment sévère, puisqu’elle se méfie même des hérétiques convertis: « Ceux qui, quittant l’hérésie ou le schisme, viennent à l’Église ca­tholique ne sont pas admis à la cléricature » (Saint Augustin: De unice Baptismo, ch. 12).

    Depuis le début du christianisme jusqu’à nos jours, en effet, même les hérétiques convertis au catholicisme (!) sont irrégu­liers. L’un des premiers conciles, celui d’Elvire en Espagne (v. 300­303), avait déclaré cette irrégularité d’un air si affirmatif et si sévère, que c’est une marque qu’elle était très ancienne. « Si quelqu’un, ve­nant de n’importe quelle hérésie, nous rejoint en tant que fidèle (laïc), il ne devra pas du tout être promu clerc. Quant à ceux qui ont été ordonnés auparavant [lorsqu’ils étaient encore dans la secte hé­rétique], ils doivent assurément être radiés de la cléricature » (concile d’Elvire, canon 51).

    Le pape saint Innocent 1er (401 - 417) statue: « La loi de notre Église catholique est d’imposer les mains et d’accorder seule­ment la communion laïque [ne pas admettre dans les rangs du clergé] aux baptisés qui viennent à nous après avoir quitté les héré­tiques et de ne pas choisir quelqu’un parmi eux pour lui conférer les honneurs de la cléricature ». Et le pape de préciser que cette manière d’agir est conforme à la Tradition, à savoir « les anciennes règles, transmises (traditas) soit par les apôtres, soit par les hommes apos­toliques, que l’Église romaine garde et commande de garder » (Saint Innocent 1er: lettre Magna me gratulatio, 18 décembre 414, adressée aux évêques de la Macédoine).

    Celui qui est né dans une secte hérétique, mais se convertit plus tard, ne saurait donc être admis à la cléricature. Le catholique qui devient hérétique, mais se rétracte ensuite, ne saurait pas non plus devenir prêtre. « Quant à celui qui passe de la foi catho­lique à l’hérésie ou à l’apostasie », poursuit Saint Innocent 1er (ibidem), « mais qui, [ensuite] se repent et veut revenir [à l’Église catholique], est-ce qu’il pourrait être autorisé à être admis dans les rangs du clergé? Lui, dont le crime ne pourra être effacé, à moins qu’il ne fasse une longue pénitence? Après sa pénitence, il ne lui sera pas permis de devenir clerc, en vertu des lois ecclésiastiques (canones) qui font autorité ».

    Si déjà les anciens hérétiquesconvertis au catholicisme sont, par principe, non admis à la prêtrise, on comprendra aisément que les hérétiques qui persistent dans leur hérésie ne pourront, en aucun cas et sous aucun prétexte, être admis à la cléricature, voire au souverain pontificat!!!

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