Lettre de Léon XIII au Cardinal Richard
sur l’autorité de l’encyclique Apostolicae Curae
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La controverse se poursuit, dans une certaine mesure, sur le point de savoir si cette encyclique doit être tenue ou non pour un document infaillible. Qu’elle soit définitive et irréformable, tous les théologiens en sont convenus, et la distinction entre ce texte et une décision officiellement infaillible semble malaisée à établir.
Certains théologiens ont incliné, tout d’abord, à soutenir l’argument selon lequel l’absence de certaines expressions habituelles dans le libellé de l’encyclique démontrait à l’évidence que le Saint-Père ne pouvait avoir eu l’intention d’user de tout son pouvoir et que les catholiques étaient donc légitimement fondés à minimiser autant que possible la force de son propos. Mais le Pape Léon XIII a ensuite exposé très clairement son intention dans la lettre suivante au Cardinal Richard, publiée dans les Acta Sanctae Sedis.
« À l’attention de Notre Fils bien-aimé, le Cardinal François-Marie Richard, Archevêque de Paris.
« Bien-aimé Fils, recevez Nos salutations et Notre bénédiction apostolique.
« Attaché que Nous sommes, de par Notre office, à la religion et au salut éternel des âmes, notamment parmi les Anglais, Nous avons publié il y a peu, ainsi que vous le savez, la Constitution apostolique Apostolicae Curae. Notre intention, par là, était d’émettre un jugement définitif et de régler absolument la plus grave question relative aux Ordres anglais, que Nos prédécesseurs avaient du reste légalement définie, mais qui fut ainsi entièrement réexaminée de par Notre indulgence. Et Nous l’avons fait avec des arguments d’un tel poids, ainsi qu’en des termes si clairs et porteurs d’une telle autorité qu’aucun homme prudent et d’esprit droit ne peut entretenir le plus petit doute sur Notre jugement, afin que tous les catholiques soient tenus de recevoir ce dernier avec le plus grand respect, comme réglant et déterminant la question sans la moindre possibilité d’appel. Il Nous faut cependant reconnaître que certains catholiques n’ont pas réagi ainsi, ce qui n’a pas été pour Nous une cause de mince chagrin. Cela vaut en particulier pour un journal publié à Paris, La Revue Anglo-Romaine, et c’est pourquoi Nous vous écrivons en ce jour. Parmi les rédacteurs de cet organe, il en est qui, au lieu de défendre et d’illustrer Notre Constitution, s’efforcent au contraire de l’affaiblir en la présentant comme superflue. D’où vous pouvez voir qu’il n’est rien dans ce que soulignent ces rédacteurs qui ne soit parfaitement conforme à Nos déclarations ; en conséquence de quoi le journal en question ferait mieux de mettre fin à de telles remarques et de garder le silence, au lieu de soulever des difficultés contre ces excellentes déclarations et décisions.
« Contrairement à certains Anglais dissidents de la religion catholique, qui Nous avaient demandé avec des apparences de sincérité quelle était la vérité concernant leurs ordinations, mais qui ont ensuite reçu celle-ci dans un esprit très différent lorsque Nous la leur avons dite devant Dieu, il va de soi que les catholiques dont Nous avons parlé – au moins tous ceux d’entre eux qui sont des hommes religieux – devraient discerner où est leur devoir. En effet, il n’est plus juste ni convenable de leur part de participer ou d’apporter leur concours de quelle manière que ce soit aux projets de ces gens, car ce faisant, ils nuiraient grandement à l’expansion qu’ils souhaitent voir prendre à la religion.
« En conséquence de quoi Nous confions volontiers ces graves questions, bien-aimé Fils, à votre prudence et à votre sagesse éprouvées, et en augure des dons Divins ainsi que pour preuve de Notre spéciale bonne volonté à votre endroit, Nous vous donnons avec affection Notre bénédiction apostolique.
« Fait à Rome, à Saint-Pierre, le cinquième jour de novembre 1896, en la neuvième année de Notre pontificat. »
Pape Léon XIII