LE CONCILE DE ROME: Lors du concile tenu à Rome en 869, le pape Adrien II fit une allocution et déclara: « Nous lisons que le pontife romain a jugé les prélats de toutes les Églises; mais nous ne lisons point qu’il ait été jugé par qui que ce soit » (cité par Léon XIII: encyclique Satis cognitum, 29 juin 1896). Et pourtant, les Grecs affirmaient qu’ Honorius avait été jugé. Comment expliquer cette divergence entre l’affirmation du pape Adrien II et celle des Grecs?
C’est Anastase le bibliothécaire qui va fournir la réponse. Il écrivit au pape Jean VIII que les actes du Vile concile œcuménique détenus par les Grecs étaient interpolés, parce qu’ils contenaient notamment des éléments apocryphes du VIe concile. « Il est fort à noter que dans ce concile se rencontrent plusieurs canons et décisions des apôtres et du VIe concile, dont l’interprétation n’est chez nous ni connue, ni reçue » (Anastase: Préface de sa traduction du VIIe concile, in: Dumont, p. 434). Ainsi donc, les Orientaux croyaient à la condamnation d’Honorius, sur la foi d’actes falsifiés, tandis que les Occidentaux, en possession des actes authentiques, tenaient Honorius en grand honneur.
Cette divergence entre Orient et Occident dans la cause d’Honorius est corroborée par l’omission (Grecs) ou la mention (Romains) d’Honorius dans les diptyques après le VIe concile. À Constantinople, le nom d’Honorius était effacé des diptyques sous Justinien II. Justinien II fut assassiné par l’usurpateur Bardane, disciple du monothélite Macarios. Le monothélite Bardane fit rétablir Serge et Honorius dans les diptyques. Mais au bout de deux ans, il fut renversé à son tour par le nouvel empereur Anastase II, qui enleva à nouveau Serge et Honorius des diptyques (témoignage d’un contemporain grec, le diacre Agathon de Constantinople: Épilogue, 714, in: Dumont, p. 420). À Rome, par contre, le nom d’Honorius ne fut jamais enlevé des diptyques (témoignage d’Anastase le bibliothécaire, qui habitait à Rome au IXe siècle, in: Baronius, anno 681).
Cette question des diptyques a son importance. Car être mentionné dans les diptyques est une preuve d’orthodoxie. « Je promets de ne point réciter durant les saints mystères les noms de ceux qui sont séparés de la communion de l’Église catholique » (St. Hormisdas: Libellus fidei, Il août 515). Puisque Honorius continuait àfigurer dans les diptyques à Rome, cela indique qu’il ne fut jamais retranché de la communion de l’Église catholique. Autrement dit: jamais l’Église de Rome ne ratifia la (prétendue) condamnation d’Honorius, inventée par le faussaire grec Théodore, et reprise par le schismatique grec Photius.
LE VIIIe CONCILE ŒCUMÉNIQUE: Lors de la 7e séance du Ville concile œcuménique (Constantinople IV), le pape Adrien II constata que les Grecs, mais non les papes, disaient qu’Honorius était anathème. Adrien II dit que juger un pape était une chose entièrement contraire au droit canonique. « C’est là une présomption intolérable qu’on ne peut écouter. Qui d’entre vous, je le demande, a jamais entendu pareille chose, ou qui jamais a rencontré quelque part mention d’une si téméraire énormité? Nous avons bien lu que le pontife romain a prononcé sur les chefs de toutes les Églises, nous n’avons pas lu que sur lui personne ait prononcé. Car bien qu’il ait été dit anathème à Honorius, après sa mort, par les Orientaux, il faut savoir qu’il avait été accusé d’hérésie, pour laquelle cause seulement il est licite aux inférieurs de résister à l’impulsion des supérieurs, et de rejeter leurs mauvais sentiments. Mais alors même il n’aurait pas été permis à qui que ce rut des patriarches et des autres évêques de porter aucune sentence à son sujet, si au préalable le pontife du même premier Siège n’était intervenu précédemment par l’autorité de son consentement » (in: Mansi, 1. XVI, col. 126). Adrien Il dit bien Honorius accusé par les Orientaux, mais il établit également que l’on ne trouve aucune approbation pontificale d’un pareil acte. Cela confirme bien que les exemplaires des actes du VIe concile détenus par les Grecs ont été altérés par des faussaires. « Les manuscrits faits à Rome sont bien plus véridiques que ceux fabriqués par les Grecs, parce que chez nous, on ne pratique ni les artifices ni les impostures » (St. Grégoire le Grand: Lettre 6 à Narsem.).
Adrien II, afin de montrer que nul n’a le droit d’anathématiser un pape, évoqua ensuite le cas du pape Symmaque, qui avait été accusé (calomnieusement) de plusieurs crimes. « Le roi d’Italie Théodoric, voulant attaquer le pape Symmaque jusqu’à obtenir sa condamnation en justice » convoqua de nombreux clercs de son royaume et leur dit que plusieurs crimes horribles avaient été commis par Symmaque. Il leur enjoignit de se réunir en synode et de « constater cela par un jugement ». Les prélats se réunirent par déférence pour le roi. Mais ils savaient que la « primauté » du pape ne permettait pas qu’il rut « soumis au jugement de ses inférieurs ». Que faire? Juger un pape en violation du droit, ou bien encourir la colère du roi en refusant de s’ériger en juge? « À la fin, ces prélats vraiment vénérables, quand ils virent qu’ils ne pouvaient pas, sans autorisation pontificale, porter leur main contre la tête [le pape] - et ce quels que fussent les actes du pape Symmaque dénoncés -, ils réservèrent tout au jugement de Dieu » (in: Mansi, 1. XVI, col. 126).
Toujours en vue de montrer qu’il est illicite d’accuser et de juger un pape, Adrien II cita en exemple l’attitude de Jean, évêque d’Antioche. Ce prélat avait anathématisé un évêque, mais avait interdit de s’attaquer au pape. Jean n’avait pas hésité à anathématiser 1 ‘hérétique Cyrille, évêque d’Alexandrie; et pourtant, ce même Jean écrivit dans une lettre au pape St. Célestin 1er, approuvée par le concile d’Éphèse (3e session), qu’il était illicite de juger le Siège de Rome, vénérable par l’ancienneté de son autorité. « Si l’on donnait la licence à ceux qui veulent de maltraiter par des injures les Sièges plus anciens [majores = « plus anciens » ou « plus grands »] et de porter des sentences (contrairement aux lois et canons) contre eux, alors qu’ils n’ont aucun pouvoir contre ces Sièges, les affaires de l’Église iront jusqu’à la confusion extrême » (in: Mansi, t. XVI, col. 126).
Le discours d’Adrien II fit son effet. Les Pères du concile rédigèrent, en effet, un canon exprès contre certains Grecs (dont Photius, qui avait attaqué Honorius et prétendu déposer le pape légitime Nicolas 1er) qui prétendaient critiquer, voire juger des papes. L’Église catholique n’a jamais accepté une telle insolence. La (prétendue) condamnation d’Honorius fut expressément critiquée par Adrien II et les Pères du VIlle concile: « La parole de Dieu, que le Christ a dite aux saints apôtres et à ses disciples (« Qui vous reçoit me reçoit» [Matthieu X, 40] et «qui vous méprise me méprise» [Luc X, 16]), nous croyons qu’elle a été adressée aussi à tous ceux qui, après eux et à leur exemple, sont devenus souverains pontifes. [...] Que personne ne rédige ni ne compose des écrits et des discours contre le très saint pape de l’ancienne Rome, sous prétexte de PRÉTENDUES fautes qu’il aurait commises; ce qu’a fait récemment Photius, et Dioscore bien avant lui. Quiconque aura l’audace d’injurier par écrit ou sans écrit le Siège du prince des apôtres, Pierre, sera condamné comme eux. [...] Si un concile universel est assemblé et qu’il s’élève quelque incertitude et controverse au sujet de la Sainte Église de Rome, il faut avec respect, en toute convenance, s’instruire sur la question émise, accepter la solution, en profiter ou y servir, sans avoir l’audace de prononcer contre les pontifes de l’ancienne Rome » (VIIIe concile œcuménique (867), canon 21).
Le pape Adrien II imposa à tous les clercs d’Orient et d’Occident la signature de la profession de foi du pape St. Hormisdas. Honorius eut ainsi son « certificat d’orthodoxie », car cette profession de foi dit que la promesse du Christ « s’est vérifiée dans les faits; car la religion catholique a toujours été gardée sans tache dans le Siège apostolique ».
DÉCISIONS DE VATICAN I FAVORABLES À HONORIUS 1er: les Pères du Vatican établirent une liste de bons livres sur les « cas historiques » de prétendues chutes des papes (chapitre 4).