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Chapitre IV. Le Secret serait-il seulement tronqué ? Réponse à une objection


Dans certains bulletins et revues catholiques, des auteurs émettent l'hypothèse que le prétendu texte du 3 ème Secret de Fatima, publié par le Vatican le 26 juin 2000, ne serait pas faux mais simplement incomplet, « tronqué, amputé de sa première partie constituée de paroles de Notre-Dame nous donnant la grande clé d'interprétation de la vision publiée » , et donc volontairement mal interprété par le Vatican. La Fraternité Sacerdotale Saint Pie X semble pour l'instant adopter cette position (cf. articles de l'abbé Philippe Laguérie, l'abbé Fabrice Delestre) . Cette thèse qui permet de « ménager la chèvre et le choux » ne peut hélas être valablement tenue, et ceci pour une raison majeure (outre le 5 ème point évoqué dans le chapitre III de cette présente étude) :

Selon le témoignage du R.P. Alonso et du Cardinal Ottaviani, nous savons que le texte authentique est d'une grande concision : « Lucie nous dit qu'elle l'a écrit sur une feuille de papier. Le Cardinal Ottaviani, qui l'a lu, nous dit de même : "Elle a écrit sur une feuille (on dit “foglio” en langue italienne) ce que la Vierge lui dicta pour le dire au Saint-Père…"   »

Sœur Lucie avait auparavant confié à l'archevêque de Valladolid, Don Antonio Garcia : « On me demande de l'écrire [Le 3 ème Secret] SOIT dans les cahiers où l'on m'ordonne de noter mon journal spirituel, SOIT sur une feuille de papier, et de la mettre sous enveloppe cachetée à la cire. » Le Frère Michel de la sainte Trinité précise : « elle a choisi cette seconde solution », ajoutant d'ailleurs, comme nous l'avons déjà fait remarquer précédemment : « Le soin extrême qu'elle va prendre pour le transmettre en toute sûreté à son destinataire est un nouvel indice de l'importance exceptionnelle qu'elle accorde à ce document. »

Signalons aussi le témoignage de Mgr Venancio qui, en 1957, avant de la porter au nonce de Lisbonne, regarda en transparence l'enveloppe contenant le manuscrit du Secret :

« Mgr Venancio raconte qu'une fois seul chez lui, il prit la grande enveloppe du Secret et qu'il essaya de voir, par transparence, quel en était le contenu. Dans la grande enveloppe de l'évêque, il discerna une enveloppe plus petite, celle de Lucie, et à l'intérieur une feuille ordinaire, avec trois quarts de centimètre de marge de chaque côté. Il prit le soin de noter la taille de tout cela. L'ultime Secret de Fatima est donc écrit sur une petite feuille de papier. (…) Il est donc sûr que le vrai 3 ème Secret est relativement bref. »

« L'ultime Secret de Fatima, écrit sur une petite feuille de papier, n'est donc pas très long. Probablement vingt à vingt-cinq lignes, c'est-à-dire à peu près de la même longueur que le deuxième Secret. »

Autre témoignage particulièrement crédible puisque venant des autorités officielles de Fatima : «  [Avant de laisser le précieux document à la nonciature, Mgr Venancio]  regarde le mystérieux document à contre-jour et y discerne une simple feuille avec quelques lignes d'écriture. “Mgr João Pereira Venancio a identifié par transparence la taille de l'enveloppe et la tache couvrant les mots écrits par sœur Lucia, mais n'a pas réussi à lire le contenu“, raconte le Père Luciano Cristino, directeur du Service des études et de la diffusion du sanctuaire de Fatima. »

Et le fac-similé du prétendu 3 ème Secret publié par le Vatican (cf. le chapitre II de cette étude) tient bien sur « une feuille de papier », pliée en deux et recto-verso, puisqu'il contient 4 petites pages ! On pourrait même s'interroger déjà sur la longueur de ce texte… puisque quatre pages sur une seule feuille de papier, oblige de plier la feuille d'abord en deux et d'écrire recto-verso, ce qui déjà paraît étrange. De plus, le texte publié par le Vatican fait… 62 lignes ! N'ayant pas le document original entre les mains et bien-sûr n'ayant aucune chance de l'obtenir, il est difficile de savoir comment les quatre pages reproduites en fac-similé par le Vatican s'agencent sur une seule feuille de papier. D'autre part, le fac-similé du Vatican reproduit-il l'original à la taille réelle ou avec agrandissement ? Nous n'avons aucun renseignement à ce sujet pour le moment.

Ceci étant, il n'y a de toute manière absolument pas de place pour un autre texte annexe complémentaire. Cette hypothèse d'un 3 ème Secret en deux parties (vision + message), et dont l'une aurait été occultée, ne tient donc pas, d'autant que le fac-similé produit par le Vatican a bien un début et une fin et il faudrait alors, dans ce cas précis, que Sœur Lucie ait rédigé le soi-disant « Message occulté » (expliquant la vision) sur une autre feuille de papier –un 4 ème Secret en quelque sorte !–, hypothèse évidemment à exclure en raison des témoignages rappelés ci-dessus.

En réponse donc à cette objection, il n'est pas possible de dire et d'écrire que la vision publiée par le Vatican est bien authentique, mais qu'il y manque une partie où la sainte Vierge expliquerait cette vision… Autrement dit que le prétendu Secret est seulement TRONQUÉ. Cette thèse est insoutenable, comme nous l'avons démontré. Il faut au contraire avoir le courage d'aller jusqu'au bout de la logique : le texte du Vatican est un FAUX. Quelques éléments du vrai Secret ont peut-être été repris mais agencés dans un texte de leur composition, et même si c'est le cas, cela n'en demeure pas moins un FAUX !

* * *

On peut se demander à ce propos pourquoi le Vatican a préféré fabriquer une fausse vision plutôt qu'un faux texte où la sainte Vierge continuerait à parler, en liaison avec la première phrase, ce qui évitait quand même une invraisemblance dans l'imposture. La raison semble être celle-ci : c'est que d'une vision symbolique, qui plus est difficile à comprendre et à interpréter , on peut presque tout faire dire sans trop s'engager. Nous sommes en fait là en plein dans « les fumées de Satan ». Le cardinal Ratzinger lui-même l'expliquera aux journalistes réunis au Vatican le 26 juin 2000 : « Un tel texte est symbolique et offre une marge d'interprétation. Ce n'est pas une interprétation historique absolue. Ainsi, nous pouvons réellement voir dans cette vision l'histoire des martyrs d'un siècle et aussi, en ce sens, les passions des papes de ce siècle, et pas seulement l'attentat du 13 mai 1981… »

Mêmes propos dans son commentaire théologique : « On ne peut pas dire que chaque élément visuel doive avoir un sens historique concret » – « Nous voyons l'Église des martyrs du siècle qui s'achève, représentée à travers une scène décrite dans un langage symbolique difficile à déchiffrer.  » – « L'avenir se dévoile seulement “comme dans un miroir, de manière confuse” (cf. I Co. xiii , 12). » Et avant lui, le cardinal Sodano avait déjà déclaré le 13 mai 2000 : «  Ce texte constitue une vision prophétique comparable à celles de l'Écriture sainte, qui ne décrivent pas de manière photographique les détails des événements à venir, mais qui résument et condensent sur un même arrière-plan des faits qui se répartissent dans le temps en une succession et une durée qui ne sont pas précisées. Par conséquent, la clé de lecture du texte ne peut que revêtir un caractère symbolique.  »

Bref, c'est flou, c'est symbolique, c'est confus, c'est difficile à déchiffrer mais paradoxalement le cardinal Ratzinger ne supporte pas que l'on puisse douter qu'il s'agisse de l'attentat du 13 mai 1981 (comme osera le faire un journaliste ce 26 juin), car il affirme pour finir : « Mais, dans cette histoire des souffrances des papes, cet attentat, qui a porté le Saint-Père au seuil de la mort, est certainement le point culminant particulièrement identifié comme le cœur de cette vision. »

Même version dans l'interview qu'il accorda le 19 mai 2000 au quotidien italien “La Repubblica” : « Les chrétiens, dit-il, sont libres de croire ou pas aux apparitions, mais sur ces choses il est préférable d'éviter toute forme de sensationnalisme.» [...] Les révélations privées « ne sont certainement pas essentielles pour un chrétien » . Alors le journaliste l'interroge : « Pour autant, peut-on alors ne pas croire à ce qui est arrivé à Fatima ou à Lourdes ? » – « Certainement, on peut ne pas croire aux apparitions » , répond le cardinal Ratzinger. Mais alors, demande très judicieusement le journaliste, « Peut-on aussi ne pas croire en la relation entre le troisième secret de Fatima et l'attentat du pape Jean-Paul II ? » Changement de ton du prélat : « La relation entre l'attentat et le troisième secret est évidente, elle est dans les faits ! »

Bizarrement donc, là, il n'y a plus ni doute, ni confusion, ni même difficulté à déchiffrer ! Cet “élément visuel” a curieusement ici “un sens historique concret” pour reprendre ses expressions, très concret même, alors que pourtant il n'y a eu en ce 13 mai 1981 ni soldats, ni flèches, ni mort ! La contradiction de ses propos saute aux yeux et démontre encore une fois la supercherie.

Dans leur imposture, pourquoi donc n'ont-ils pas utilisé un langage plus clair avec des paroles, au lieu d'une invraisemblable vision symbolique ? En fait, fabriquer de fausses paroles de la sainte Vierge, dans le langage clair et simple des deux premiers Secrets déjà publiés, était plus contraignant car les faits annoncés auraient dû être clairs et précis en liaison avec la perte de la Foi et les « derniers temps », ce qui représentait un autre danger de “dérapage” pour la vraisemblance de l'imposture. Bref, « mentez, mentez, il en restera toujours quelque chose » comme disait Voltaire…


« Bulletin saint Jean Eudes », Juin-Juillet 2000, p. 16. (adresse du Bulletin : 1 Rue des Prébendes, 14310 Gavrus)

Articles parus dans le Bulletin catholique Girondin « Mascaret » n°221 Juillet-Août 2000 et dans le « Bulletin saint Jean Eudes » déjà cité.

La Fraternité saint Pie X qui est actuellement en pleine négociation avec Rome et qui espère être réintégrée dans l'Église officielle ne souhaite sans doute pas s'attaquer au Vatican en les traitant de traîtres et de menteurs. Leur position sur le texte du prétendu 3 ème Secret du 26 juin 2000 –qui serait donc seulement tronqué – n'est en effet pas tenable comme nous le démontrons dans ce chapitre, et ne peut être motivée que par la peur des conséquences qu'entraînerait l'exposé de la pleine vérité… Cette position n'est donc en fait qu'une manœuvre diplomatique . Tout au moins peut-on le supposer. C'est sans doute aussi le même motif qui pousse la communauté « La Contre-Réforme catholique » de l'Abbé de Nantes ( “Suspens a divinis“ et qui espère lui aussi la levée de cette injuste sanction) à reconnaître le texte comme authentique, malgré ses invraisemblances, et à se permettre seulement la critique des commentaires et analyses des cardinaux Sodano et Ratzinger.

Cf. « La verdad sobre el secreto de Fatima », R.P. Alonso, Madrid 1976, p. 60. La traduction française de ce livret a été publié chez Téqui en 1979 : « La vérité sur le secret de Fatima » (p. 51).

« La Vérité sur le Secret de Fatima » Père Alonso, Téqui 1979, p. 27.

« Toute la vérité sur Fatima, le troisième Secret », Frère Michel, CRC 1985, p. 40.

Au sujet de ce témoignage, le Frère Michel de la sainte Trinité écrit ceci : « Grâce aux confidences de Mgr Venancio, à l'époque évêque auxiliaire de Leira et qui fut intimement mêlé à ces événements, nous disposons maintenant de plusieurs données sûres que nous nous garderons bien de négliger. Je les ai moi-même recueillies de la bouche de Mgr Venancio le 13 février 1984, à Fatima. L'ancien évêque de Leira me répéta sur ce sujet, presque mot pour mot, ce qu'il avait déjà dit auparavant à l'abbé Caillon qui en a fait le récit très détaillé dans ses conférences (cf. cassettes « L'épopée mariale de notre temps » Téqui). » (« Le Troisième Secret » du Frère Michel, p. 320).

« Toute la vérité sur Fatima, Le 3 ème Secret », Frère Michel de la sainte Trinité, p. 321 et 437.

« Fatima, joie intime, événement mondial » par le Frère François de Marie des Anges, 1993, p. 291. Voir aussi le récit de l'abbé Caillon dans ses cassettes « L'épopée mariale de notre temps », Téqui.

« Le Secret de Jean-Paul II » par Aura Miguel, p. 167-168, qui en plus donne en note cette importante précision : « Le Service des études et de la diffusion du sanctuaire de Fatima (SESDI) possède, depuis juillet 1982, dans ses archives, un document manuscrit de Mgr João Pereira Venancio dans lequel il raconte exactement ce qu'il a vu en transparence, avant de remettre l'enveloppe à la nonciature. Le Père Luciano Cristino a consenti à nous révéler ce document inédit qui, en plus du manuscrit de l'ancien évêque de Leira, inclut également deux feuilles découpées de l'exacte mesure des deux enveloppes en question. Voici la retranscription du texte :

« J'ai remis la lettre à la nonciature à 12 heures le 1 er mars 1957. (Le papier plus grand correspond à la taille de l'enveloppe extérieure, avec la date du 8/12/1945 [14,5 x 22 cm]. Le second papier correspond à celui qui a été vu à l'intérieur par transparence [12 x 18 cm]. La lettre –qui pouvait être vu également par transparence–, elle, est d'un format un peu plus petit, à 75 mm de la partie supérieure et du côté droit. Sur les autres côtés, elle s'ajuste à la taille de l'enveloppe intérieure. L'enveloppe externe avait, au dos, le cachet de Mgr José en cire rouge. Par transparence, on ne voyait rien à l'intérieur, mais on devinait qu'il y avait de la cire sur les quatre coins.) »

Leira, le 1 er mars 1957. † João, évêque auxiliaire.

Cette supposition paraît en effet aberrante mais certains pourtant, pour éviter de trop accuser le Vatican, n'hésite pas à la soutenir ! Nous avons rédigé une réponse argumentée à cette “version”, que nous tenons à la disposition du lecteur, mais que nous évitons de reproduire ici pour ne pas surcharger le chapitre, et surtout en raison du peu de sérieux des affirmations gratuites de cette thèse (publiée à l'origine par Andrew M. Cesanek, parue dans The Fatima Crusader, numéro 64 –Summer 2000–, page 3 et suivantes, et traduite en français dans Le Sel de la terre en 2001).

Ils n'ont pu éviter par exemple de centrer la vision sur le Pape, trop d'indices, de témoignages et de lettres de sœur Lucie laissaient déjà clairement entendre que le troisième secret en parlait explicitement, mais ils se sont arrangés pour que le texte devienne obscur, interprétable à volonté, et en fait sans signification précise. Plus grave même : ils se sont servis de cet élément de la vraie prophétie pour l'appliquer à « leur » pape et ainsi faire approuver toute la révolution dans l'Église opérée par Jean-Paul II, par Notre-Dame de Fatima ! C'est ainsi la glorification à outrance de la personne de Jean-Paul II et par conséquent du concile Vatican II lui-même ! Ainsi, on donne un sens exactement opposé au vrai texte du troisième secret : « inversion vraiment perfide et derrière laquelle, sans nul doute, se trouve la puissance des Ténèbres ! » (Abbé Fabrice Delestre).

Il ne fallait pas en effet que cette fausse vision symbolique désigne trop visiblement Jean-Paul II (l'imposture aurait été trop flagrante), d'où la nécessité de conserver un certain “flou” ; mais dans la pratique, et à l'aide d'une prétendue “sœur Lucie” qui confirme cette “interprétation”, et grâce à des commentaires adéquats, on l'applique de force à Jean-Paul II.

« Le Secret de Jean-Paul II » par Aura Miguel, p. 236. Mame-Plon, 2000. « A noter tout de même : s'il en est réellement ainsi, pourquoi leVatican a-t-il voulu faire, à toute force, le rapprochement entre la vision “symbolique” et l'attentat du 13 mai 1981 ? Il y a là une belle incohérence, qui vient placer dans l'interprétation officielle de la vision, une contradiction interne incroyable, qu'il faudra bien finir par nous expliquer ! » (Abbé Fabrice Delestre)

Ibidem, p. 225, 215 et 229.

Ibidem, p. 236.


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