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C. Les bourreaux de sainte Jeanne d'Arc


    Sainte Jeanne d'Arc fut livrée par Jean de Luxembourg, qui était à la solde du duc de Bourgogne, allié de l'Angleterre. Condamnée à Rouen, son dossier fut transmis à la faculté de théo­logie de Paris. La Sorbonne (200 théologiens plus 16 évêques et ab­bés!) la condamna injustement.

    Un historien perspicace compare l'attitude des docteurs gallicans dépravés à l'égard de sainte Jeanne d'Arc avec celle qu'ils eurent à l'égard du pape régnant, Eugène IV, lorsqu'ils étaient réunis au conciliabule schismatique de Bâle. Ce conciliabule comptait seulement 60 évêques ou prêtres (contre 480 évêques réunis à Fer­rare, puis Florence pour soutenir Eugène IV). Par contre, on y comptait 300 - 400 docteurs, provenant en majeure partie de l'université de Paris, foyer du gallicanisme:

    « Dans la poursuite de la pucelle, les docteurs parisiens foulaient aux pieds la sentence des évêques réunis à Poitiers; dans la séance qui tenta de déposer le grand Eugène IV, il n'y avait que 39 prélats mitrés, la plupart des abbés; sept ou huit évêques seulement votèrent pour le forfait; mais il y avait plus de 300 docteurs. Plusieurs des motifs de la prétendue condamnation du pontife sont identiques à ceux de la prétendue condamnation de la pucelle: l'un et l'autre sont déclarés violateurs des saints canons, en révolte contre le saint concile, schismatiques, hérétiques, obstinés, etc. » (J.BJ. Ayroles: Jeanne d'Arc sur les autels et la régénération de la France, troisième édition, Paris 1886, p. 168).

    Beaucoup de théologiens qui condamnèrent sainte. Jeanne d'Arc eurent, en effet, une part prépondérante au conciliabule de Bâle, qui soutenait la supériorité du concile sur le pape (« conciliarisme ») et alla jusqu'à déposer le pape légitime Eugène IV:

•  Guillaume Érard, qui avait attaqué violenunent sainte Jeanne d'Arc, lança l'assemblée de Bâle dans la funeste voie du schisme;

•  L'abbé Loyseleur, qui avait simulé l'amitié pour arracher à la candide accusée les secrets de la confession et l'égarer par de perfides conseils, était sur la route de Bâle quand il mourut soudainement;

•  Midi le faussaire, qui avait rédigé les calomnieux douze articles contre Jeanne d'Arc, soutenait la schismatique assemblée bâloise devant le parlement de Paris;

•  Beaupère, qui avait interrogé Jeanne avec animosité, fut l'un des docteurs de Bâle;

•  Courcelles, qui fit un réquisitoire si partial que le tribunal en rejeta la partie la plus étendue, proposa de soumettre Jeanne à la question (contrairement au droit, qui défendait de torturer les femmes, les vieillards et les enfants); il fut l'âme du conciliabule de Bâle et l'apôtre du gallicanisme.

    Sommée de rétracter ses (prétendues) erreurs, sainte Jeanne d'Arc, à plusieurs reprises, fit appel au pape. Mais ses juges, imbus de l‘hérésie gallicane antiromaine, n'en tinrent aucun compte. Voici, à titre d'échantillon, un dialogue où Jeanne fit appel au pape de Rome, appel que ses juges refusèrent de transmettre par mépris du pape:

« Je m'en rapporte à Dieu et à notre Saint Père le pape ». Que répondirent les docteurs? « Cela ne suffit pas; on ne peut aller quérir notre Saint Père si loin; et aussi les ordinaires sont juges chacun en leur diocèse. C'est pourquoi il faut que vous vous en rapportiez à notre Mère la Sainte Église, et que vous teniez ce que les clercs et gens compétents disent et ont déterminé de vos dires et de vos faits » (Procès ordinaire, séance du 24 mai 1431) . En définitive, sainte Jeanne d'Arc fut menée au bûcher à cause du gallicanisme!

    Cette violation du droit d'appel motiva l'annulation du procès par la papauté vingt-cinq ans plus tard: « Vu les récusations, soumissions, appels et multiples requêtes par lesquels ladite Jeanne réclama que tous ses dits et ses faits fussent transmis au Saint-Siège apostolique et à notre très-saint Seigneur le souverain pontife, au­quel elle se soumettait et soumettait tous ses actes [...], nous déclarons que lesdits procès et sentences sont entachés de dol, calomnie, iniquité, mensonge, erreur manifeste de droit et de fait, [...] nuls, invalides, inexistants et vains » (Jugement du procès de réhabilitation, 7 juillet 1456).

    Ainsi se trouvait justifiée, à titre posthume, la confiance absolue de sainte Jeanne d'Arc en l'infaillibilité pontificale, exprimée lors de la séance du 2 mai 1431: « JE CROIS FORT BIEN QUE L'ÉGLISE MILITANTE NE PEUT NI ERRER NI FAILLIR! ».

De larges extraits des procès ont été publiés en français: Le Procès de condamnation et le Procès de réhabilitation de Jeanne d'Arc traduits, présentés et annotés par Raymond Oursel, Paris 1959.


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