Le XVIIIe siècle produisit les francs-maçons et les rationalistes, évidemment hostiles à toute infaillibilité: « Ce que nous devons imposer », peut-on lire dans une revue maçonnique, « c’est la conviction que chacun doit faire soi-même ses opinions, par les résultats de ses réflexions ou par les enseignements qu’il a reçus ou qui lui ont semblé bons. Et si chacun a la liberté de former soi-même son opinion, il doit respecter cette même liberté chez autrui, [...] se dire que, puisque l’erreur est une faiblesse commune à l’espèce humaine, il se pourrait bien que ce fût lui qui errât » (revue maçonnique Acacia, mars 1908).
Afin de dissiper l’erreur d’hommes contaminés par l’idéologie anti-infaillibiliste héritée du protestantisme, du gallicanisme et de la franc-maçonnerie, le pape Pie IX, au XIXe siècle, convoqua un concile au Vatican. Dans Pastor aeternus est indiqué le motif de la réunion de ce concile: « Comme en ce temps [...] il ne manque pas d’hommes qui en contestent l’autorité, nous avons jugé absolument nécessaire d’affirmer solennellement la prérogative [l’infaillibilité] que le Fils unique de Dieu a daigné joindre à la fonction pastorale suprême ».
La franc-maçonnerie riposta en convoquant un « anti-concile ». Le courant anti-infaillibiliste séculaire culmina, en effet, dans la tenue d’un « anti-concile », qui eut lieu le jour même où commençait le concile du Vatican. Cet anti-concile des francs-maçons se tint à Naples, le 8 décembre 1869, c’est-à-dire exactement le jour de l’ouverture du concile du Vatican à Rome.
L’invitation était ainsi conçue: « Aux libres penseurs de toutes les nations. Post tenebras lux! ».
Le lieu de la réunion était Naples, parce que cette ville « eut la gloire de s’opposer sans cesse aux prétentions et aux empiétements de la Cour de Rome après avoir, dans les jours les plus sombres du Moyen Âge, [...] repoussé constamment et énergiquement cet infâme tribunal de l’Inquisition. [...] Ainsi, le jour même, où, dans la ville éternelle, on ouvrira ce concile, dont le but évident est de resserrer les chaînes de la superstition, et de nous faire reculer vers la barbarie, nous libres penseurs [...], nouvelle franc-maçonnerie agissant à la lumière du soleil » etc., etc. (in: Schneemann: Acta..., col. 1254 - 1255).
Le grand maître de la franc-maçonnerie française apporta son soutien officiel. Les délégués français présents lors du contre-concile firent une déclaration finale fracassante:
« Considérant que l’idée de Dieu est le soutien de tout despotisme et de toute iniquité; considérant que la religion catholique est la plus complète et la plus terrible personnification de cette idée; [...] les libres penseurs de Paris assument l’obligation de s’employer à abolir promptement et radicalement le catholicisme, et à solliciter son anéantissement, avec tous les moyens compatibles avec la justice, y compris au moyen de la force révolutionnaire, laquelle est l’application à la société du droit de légitime défense (ibidem, col. 1258 - 1259).
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À l’époque du concile de Vatican I, un haut dignitaire de la maçonnerie se réjouit de « l’appui précieux que nous trouvons depuis plusieurs années dans un parti puissant, qui nous est comme un intermédiaire entre nous et l’Église, le parti catholique libéral. C’est un parti que nous tenons à ménager, et qui sert nos vues plus que ne pensent les hommes plus ou moins éminents qui lui appartiennent en France, en Belgique, dans toute l’Allemagne, en Italie et jusque dans Rome, autour du pape même » (in: Mgr Delassus: Vérités sociales et erreurs démocratiques, 1909, réédition Villegenon 1986, p. 399).